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TORONTO, CANADA
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GIFT OF
St. Michael's Collège
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XXI= CONGRÈS EUCHARISTIQUE INTERNATIONAL
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in 2010 with funding from
University of Ottawa
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CUCHARI5TIQUC
inTGROATlûRAU
MOPTRCAL-
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7ès\ RU^ SAINT-JACQUES. 79
MONTRÉAL
19 11
Nihil obstat.
. C. LECOQ
Censor librorum
Imprimatur
Montréal, le 19 mars 1911
f PAUL, arch. de Montréal.
DEC 1 0 1955
Enregistré, conformément à l'acte du parlement du Canada, en l'année mil neuf
cent onze, par la Libkaikie Bkai'chemin Limitée, îui bureau
du ministre de l'afrriculture.
SANCTISSLMO . PATRI
PIO- DECIMO
AGAP.E . EUCHARISTICE . DIVINO . lURE
PR^SIDI . CUIUS . EXTRA . DOMUM . AGNUM
DEUM . OFFERRE . COMEDERE . NEFAS
QUI . AD . ESUM . AGNI . EIUSDEM
OMNES . UNDIQUE . PARVULOS . SICUT
NOVELLAS . OLIVARUM . IN
CIRCUITU . MENS.E . DOMINI . MAGNIFICEN-
TISSIME . CONVOCAT
HAS . RELATIONES . IN . CONVENTU
RECITATAS . CŒPTO . INFRA . MENSEiM
A . DECRETO . DE . COMMUNIONE
PUERORUM
SUMM^ . REVERENTliE . FLAGRANTISSIWI
PIGNUS . AMORIS . DONAT . DEFERT
DEDICAT
QUICUMQUE . SCRIPSIT . SCIilPTASQUE . COLLEGIT
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AVANT- PEOPOS
Nous offrons au lecteur, dans les pages qui vont
suivre, le compte rendu officiel du XXIe Congrès
Eucharistique International. Xous croyons inutile de
faire observer que nous l'avons pré[)aré avec le i)lus
grand soin. Ceux qui ont assisté à notre congrès, qui
en ont suivi de près les séances d'étude et les diverses
démonsti-ations, nous rendront le témoignage que nous
n'avons rien négligé de ce qui pouvait en i)rolonger le
très fidèle écho.
L'ordre dans lequel la matière du présent volume
a été distribuée, s'imposait de lui-même. 11 convenait
d'indiquer sommairement les adhésions cpii nous sont
venues du Sacré Collège, de répiscoi)at tout entier, et
qui ont été pour nous dès le début un si précieux
encouraa"ement. Nous voulions é2:alement donner la
composition des quatre comités qui ont ])réparé le con-
grès et (jui en ont assuré le succès. Les heureux
témoins de nos fêtes se sont rapidement rendu compte,
nous n'en doutons pas, de la somme énorme de travail
([ue ces divers comités ont dû fournil*, et ils sentiront le
prix que nous attachons à l'expression de notre lecon-
naissance.
Afin de «arder à l'ordre des matières toute sa
clarté et permetti-e au lecteur de l'ctrouver facileuumt
dans les séances d'étude ce (pii linléresse. nous avons
rattaché, dans un ])remier chai)itre, au coui-t récit des
— 8 —
démonstrations religieuses et civiles les discours et les
allocutions (jui y ont été prononcés ; dans un deuxième
cliai)itre nous j)ul)lions les discours des deux séances
générales du soir : les trois chapitres suivants renfer-
ment les travaux i)résentés dans les diverses séances
d'étude des sections fi'ançaise, anglaise et allemande.
Nous avions pensé faire précéder notre compte-
rendu d'une inti'oduction générale qui eut indiqué les
caractères i)articuliers dont le congrès de Montréal a
été marqué, et les résultats que nous espérons en
recueillir. Nous avons dû reculer devant la ci'ainte
d'étendre au delà des justes limites un volume déjà
considérable. Au reste l'on ])ourra lire dans un ap])en-
dice quelques-unes des ai)préciations que le congrès de
Montréal a provocpiées et dont le choix traduira sufii-
samment notre pensée.
Que l'on nous permette cependant d'ajouter que
nous croyons avoir quelques raisons d'être tiers du
spectacle que Ville -Marie nous a offert pendant la
semaine désormais historique du 6 septembi'c. Nos
démonstrations extérieures ont été splendides. Nos
séances d'étude, quoique un peu chargées, nous ont fait
entendre des ti'avaux du plus grand intérêt. Ce qui
néanmoins nous a le ])lus profondément remués et ce
que les étrangers ont admiré sans réserve, c'est la foi
de notre i)euple ; foi qui l'a fait collaborer avec une
spontanéité et un enthousiasme admirables au travail
])arfois si ardu des organisateurs ; foi simi)le, lumi-
neuse, cordiale (jui a fait de ces fêtes eucharistiques un
incomparable trionq)he. Que Dieu soit béni ! Nous
garderons de ces fêtes quehpie chose de mieux qu'un
souvenir, si sacré et si réconfortant soit-il. Nous en
garderons, avec la fierté d'êti'c catholi(pies, la grâce
d'une foi plus vive et ])lus tendre à l'égard de l'Hôte
Divin de nos Tabernacles.
9 —
ADHÉSIONS
ADHESIONS DES DIGNITAIRES
ECCLESIASTIQUES
I. — LES EMIXEXTISSLMES CAEDIXArX
iVcovERDE DE Albuquerque Cavalcaxïi, archevêque de Rio-de-Janeiro,
Brésil, Amérique du Sud.
Agliardi, évêque d'Albano, chancelier de la Sainte-Eglise, Eonie. Italie.
Aguirre y Garcia, archevêque de Tolède, patriarche des Indes occiden-
tales, Espagne.
BoscHi, archevêque de Ferrare. Italie.
Cagiano de Azevedo, Rome, Italie.
Casetta, évêque de Sabine, Rome, Italie.
Cayicchioxi, préfet de la S. Cong. des Etudes, Rome. Italie.
CouLLiÉ, archevê(|ue de Lyon, primat des Gaules, France.
De Lai, secrétaire de la S. Cong. de la C'onsistoriale, Rome, Italie.
Di PiETRO, Rome, Italie.
Ferrari, archevêque de Milan. Italie.
Ferrata, préfet de la Discipline des Sacrements, Rome, Italie.
FiSHER, archevêque de Cologne, Allemagne.
Fraxcica-Xava di Boxtifé, archevêque de Catane, Sicile.
Gexx'ARI, préfet de la S. ("ong. du Concile. Rome, Italie.
Gasparri, Rome. Italie.
GiBBOXS, archevêque de Baltimore. Etats-L^nis.
GoTTi, préfet de la. S. Cong. de la Propagande. Rome. Italie.
Kopp. prince-évêque de Breslau. Prusse.
LoREXZELLi, Rome, Italie.
LoGUE, archevêque d'Armagh, primat d'Irlande.
LuALDi, archevêque de Palerme. Italie.
Lt'çox, archevêque do Rheims. France.
Martinelli, préfet de la S. Cong. des Rites, Rome, Italie.
Mercier, archevêque de Malines. primat de Belgique.
Merry Del Yal, secrétaire d'Etat de Sa Sainteté, Rome, Italie.
PrzYX'A DE KoziELSKO, évêque de Cracovie. Pologne autrichienne.
Rampolla. préfet de Saint-Pierre. Rome. Italie. •
Eespighi, vicaire de Sa Sainteté, Rome, Italie.
RiXALDixi, Rome, Italie.
Sanminiatelt.i-Zararella, Rome, Italie.
Segxa, préfet de l'Index, Ironie. Italie.
Vanntjtelli, y., évêque de Palestrina, légat de Sa Saixteté au Con-
grès, Rome. Italie.
YAXxrTELLT. S., éveille de Porto et de Sainte-linfine. Grand l'énitcn-
cier, sous-doyen du Sacré Collège.
Vaszary, prince-arclievê(iue de Gran. primat de Hongrie.
YivÉs Y Tito, préfet de la S. Cong. des Religieux, Rome, Italie.
YoLPE (Della), préfet des arcliivcs. Rome, Italie.
— 10
II. — ILLUSTRISSIMES ET EEVEEENDISSIMES ARCHE-
VEQUES ET EVEQUES.
AFRIQUE
Algérie : Mgr le primat d'Afrique, archevêque de Carthage et d'Alger.
Mgr l'évêque d'Oran.
Cap de Bonne-Espérance : Mgr l'évêque titulaire de Justianopolis, vi-
caire apostolique du district oriental du Cap de Bonne-
Espérance.
Note. — Sept évêques d'Afrique ont fait connaître leur adhésion en
déléguant Mgr Mac Sherry.
AMERiaUES
Amérique du Nord.
Canada : Son Excellence Mgr le Délégué Apostolique du Canada et
Terre-Neuve.
Mgr l'archevêque d'Halifax.
XN. SS. les évêques d'Antigonish ; Charlottetown ; Chatham;
Saint-Jean; Mgr l'Administrateur d'Antigonish.
Mgr l'archevêque de Kingston.
XX. SS. les évêques d'Alexandria ; Peterborough ; Sault
Sainte-Marie.
Mgr l'archevêque de Montréal.
XX. SS. les évêques de Joliette; Pogia (titulaire), auxiliaire
de Montréal; St-Hyacinthe ; Sherbrooke; Valleyfield.
Mgr l'administrateur d'Ottawa.
NX. SS. les évêques de Catenna (titulaire), Vicaire Aposto-
lique du Témiscamingue ; Pembroke.
Mgr l'archevêque de Québec.
XX. SS. les évêques de Chicoutimi; Eleuthéropolis (titu-
laire), auxiliaire de Québec ; Xicolet ; Rimouski ; Sicca
(titulaire), Vicaire Apostolique du Golfe Saint-Laurent;
Trois-Rivières.
Mgr l'archevêque de St-Boniface.
XX. SS. les évêques d'Adramyte (titulaire), Vicaire Aposto-
lique du Mackenzie; Arcadiopolis (titulaire), coadjuteur
d'Athabaska; Ibora (titulaire), Vivaire Apostolique d'A-
thabaska; Prince-Albert; Saint-Albert.
XN. SS. les archevêques de Toronto; Laodieée (titulaire).
XX. SS. les évêques d'Harailton ; London.
Mgr l'archevêque de Vancouver.
Mgr l'évêque de Victoria.
Le Révérendissime Père Préfet Apostolique du Yukon.
e
— 11 —
Terre-Neuve :
XX. SS. les arclievêques de Saint-Jean; Gortyne (titulaire).
NX. SS. les évêques de Havre-de-Grâce ; Saint-Georges.
Mgr le Préfet Apostolique des Iles St-Pierre et Miquelon.
Etats-Unis : Son Excellence Mgr le Délégué Apostolique aux Etats-Unis.
XX. SS. les évêques de Saint- Augustin ; Charleston; Messène
(titulaire), auxiliaire de Baltimore; Eichmond; Savan-
nah; Wheeling; Wilmington.
Mgr l'archevêque de Boston.
XX. SS. les évêques de Burlington; Fall-Eiver; Hartford;
Manchester; Portland; Providence; Springfield.
Mgr l'archevêque de Chicago.
XX. SS. les évêques de Belleville; Eockford.
Mgr l'archevêque de Cincinnati.
XX. SS. les évêques de Columbus; Covington; Fort Wayne;
Germanicopolis (titulaire), auxiliaire de Cleveland; Grand
Eapids.
Mgr l'archevêque de Dubuque.
XX. SS. les évêques de Cheyenne; Lincoln; Omaha; Sioux
City.
Mgr l'archevêque de Saint-Louis.
XX. SS. les évêques de Kansas City; Wichita.
Mgr l'archevêque de San-Francisco.
XX. SS. les évêques de Los Angeles; Sébaste (titulaire),
auxiliaire de San-Francisco.
Mgr l'archevêque de Santa-Fé.
Mgr l'évêque de Denver.
Mgr l'archevêque de Milwaukee.
XX. SS. les évêques de Green Bay; Marquette.
Mgr l'archevêque de la Xouvelle-Orléans.
XX. SS. les évêques de Castabala (titulaire), coadjuteur et
administrateur de Saint-Antoine; Dallas; Galveston ; Little
Eock; Mobile; Xatchez; Xatchitoches ; Oklahoma.
Mgr l'administrateur de Dallas.
Mgr l'archevêque de Xew-York.
XX. SS. les évêques d'Albany; Brooklyn; Buffalo; Loryma
(titulaire), auxiliaire de Brooklyn; Xewark; Ogdensburg;
Èochester; Syracuse;' Themiscyre (titulaire), auxiliaire de
Xew-York; Trenton.
^ _. —12 —
Mgr rardit'vOque d'Orégon,
NN. SS. les évêques de Baker City ; Great Falls ; Helena \
Seattle.
Le Eévérendissime Père Préfet Apostolique d'Alaska.
Mgr l'arclievêque de Philadelphie.
XX. SS. les évêques d'Altona; Daulia (titulaire), grec-ru-
thène, pour les catholiques grecs aux Etats-Unis; Scillium
(titulaire), aiixiliaire de Philadelphie; Scranton.
Mgr Farchcvêque de Saint-Paul de Minnesota.
XX. SS. les évêques d'Herniopolis (titulaire), auxiliaire de
Saint-Paul ; Fargo ; Saint-Cloud : Sioux Falls.
Mgr l'évêque de Bismark, X. Dakota. E.-U.
Mexique :
Son Excellence Mgr le Délégué Apostolique au Mexique.
^Igr l'archevêque d'Antequera.
XX. SS. les évêques de Chiapas; Tehuantepec.
Mgr l'archevêque de Guadalaxara.
Mgr l'archevêque de Linarès.
Mgr l'évêque de Saint-Louis de Potosi.
Mgr l'archevêque de Mexico.
XX. SS. les évêques de Cuernavaca; Tulancingo; Vera-Cruz.
Amérique Centrale.
Honduras Britannique : Mgr l'évêque titulaire d'Atrib, vicaire aposto-
lique du Honduras britannique.
San-Salvador : Mgr l'évêque de San-Salvador.
Antilles.
Cuba et aiitre>< îles américaines: XX. SS. les évêques de Cienfuegos; La
Havane.
Curaro et autres îles hollandaises : Très Pév. Père pro-vicaire apostoli-
que de Curaço.
Haïti : Mgr l'archevêque de Port-au-Prince.
NX. SS. les évêques de Cabasa( titulaire), coadjuteur de Port-
au-Prince; de Caves; du Cap Haïtien.
— 13 —
Jamaïque (Antilles britanniques) : Mgr révêque titulaire d'Antiphelle,
vicaire apostolique de Jamaïque.
Martinique (Antilles f ranc^aises ) : Mgr Tévêciue de Saint-Pierre do la
Martinique.
Porto-Eico et autres îles américaines : Mgr l'évêque de Porto-Rico.
Trinidad et autres îles britanniques : Mgr rarchevêque de Port d'Es-
pagne.
Amérique du Sud.
Argentine (République) : Son Excellence Mgr llnternonee apostolique
de la République Argentine.
Mgr l'archevêque de Buenos- Ayres.
Brésil : XX. SS. les archevêques de Marianna; Sao-Paolo: San Carlos,
archevêque-évêque.
XX. SS. titulaires de Bethsaïde ; Curitylva : Diamantina ;
Maranhao; Olinda; Pouso Alègre; Saint-Pierre de Rio-
Grande; Taubaté; Tberada. Titulaire de Phocée. abbé nul-
lius de Rio-de-Janeiro et arehiabbé des Bénédictins du
Brésil.
Cliili : Son Excellence Mgr Tlnternonce apostolique du Chili;.
Mgr Tarehevêque de Santiago.
Colombie : Mgr Tarchevêquc do Medellin.
XX. SS. les évêques tit. d'Augustopolis, vicaire apostolique de
San Martino et les Intendances Orientales; Garzon; Xueva-
Pauiplona: Sainte-Marthe; Tunja.
Le Révérendissime Vicaire Apostolique de Casanare,
Le Très Révérend A'icairc-Capitulaire de Zulia.
Equateur : XX. SS. les évêques de Cuenca; Ibara.
Guyane anglaise : Mgr l'évêque titulaire de Péténisse. vicaire aposto-
lique de Demerara,
Paraguay : Mgr l'évêque de Paraguay.
Pérou : Mgr l'archevêque de Lima.
Mgr l'évêque d'Ayacucho.
Uruguay : Mgr révê(|ue titulaire d'Anemuriuni. administrateur de Mon-
tevideo.
— u—
ASIE
Ceylan, Ile de : NN. SS. les évêques de Galle; Jaffna.
Chine : Mgr l'évêque de Lagania (titulaire), vicaire apostolique de la
Mongolie Orientale. .
Corée : Mgr l'évêque de Milo (titulaire), vicaire apostolique de la Corée.
Indoustan : Mgr l'archevêque de Calcutta.
ISTN. SS. les évêques de Lahore; Trichinopoly.
Japon : Mgr l'évêque d'Hakodaté.
Turquie d'Asie : Mgr l'archevêque de Sidon, grec-melchite.
EUROPE
Allemagne
Alsace-Lorraine : ÎSTlSr. SS. les évêques de Metz; Strasbourg.
Bade : Mgr l'archevêque de Fribourg-en-Brisgau.
Bavière : Mgr l'évêque de Spire.
Prusse : NN. SS. les évêques de Miinster; Osnabriick.
Angleterre : Mgr l'archevêque de Westminster.
ISî'N". SS. les évêques de Birmingham; Leeds; Liverpool; Mid-
dlesborough; Salford; Southwark.
Autriche : Mgr l'archevêque grec-ruthène de Lemberg.
NN". SS. les évêques de Briim; Lavant; Lésina; Luiz; Pa-
renzo et Pola; Saint-Hippolyte ; Trente.
Belgique: NN. SS. les évêques de Liège; ISTamur; Parnasse (titulaire),
auxiliaire de Malines.
Danemark : Mgr l'évêque d'Anastasiopolis ("titulaire), vicaire aposto-
lique de Danemark et Islande.
Ecosse : Mgr l'archevêque de Glasgow.
NN". SS. les évêques d''Aberdeen; Dunkeld.
Espagne : NN". SS. les archevêques de Saragosse ; Séville ; Tarragone.
NN. SS. les évêques d'Alméria ; Barcelone; Cordoue; Jaen ;
Léon; Orence; Palencia; Santander; Tarazona; Téruel;
Tortosa; Urgel; Vich; Vitoria.
— 15 —
France : NIST. SS. les archevêques d'Albi; Auch; Besançon; Bourges;
Chambery; Méth}Tïine (titulaire), coadjuteur de Cambrai;
Paris; Rennes; Toulouse.
XX. SS. les évêques d'Agen; Amiens; Angers; Angoulème;
Arras ; Autun ; Baveux ; Belley ; Cahors ; Carcassone ; Châ-
lons ; Chartres ; Clermont ; Evreux ; Fréjus et Toulon ;
Grenoble; Hiéropolis (titulaire), auxiliaire de Lyon; Laval;
Le Mans; Limoges; Luçon; Montauban; Moulins; Xantes;
Nice; Xîmes; Orléans; Poitiers; Quimper et Léon; Eodez;
Saint-Brieuc et Tréguier ; Saint-Claude ; Saint-Dié ; Saint-
Flour : Soissons : Tarbes ; Troyes ; Valence ; Vannes ;
Verdun; Versailles.
Hollande : Mgr l'archevêque d'L'trecht.
Hongrie : XX. SS. les évêques de Csanàd; Pècs; Transylvanie.
Irlande : XX. SS. les évêques de Derry; Down et Connor; Meath.
Italie : XX. SS. les archevêques d'Amalfi; Ancone; Benevent; Came-
rino ; Fermo ; Oristano ; Ravenne et évêque de Cervia ;
Sorrente ; Trani et Barletta ; TJrbino.
XX. SS. les évêques d'Alatri; d'Aoste; Bellune et Feltre;
Bergramme ; Borgo San-Donnino ; Bosa et administrateur
d'Iglesias ; Canope (titulaire), auxiliaire de Crémone ;
Casale-Monf errato ; Chiavari ; Concordia ; Crémone ; Fama-
gouste rtitulaire). auxiliaire de Milan; Guddio: Livourne;
Lodi ; Macerata et Tolentino ; Mantoue ; Massa di Carrara ;
Massa Maritima : Xovare ; Pavie ; Sutri et Xepi : Vintimile.
Luxembourg : Mgr l'évêque de Luxembourg.
Malte : Mgr Tarchevêque de Ehodes (titulaire), évêque de Malte.
XoRVÈGE : Mgr l'évêque d'Eluse (titulaire), vicaire apostolique de la
Norvège.
Pologne russe : Mgr l'archevêque de Varsovie.
Mgr l'évêque de Sejny.
Portugal : XX. SS. les évêques de Beja : Povtalègre ; Trajanopolis
(titulaire).
Russie : Mgr l'évêque de Lutsk et Zytomierz et Kamenietz.
Turquie d'Europe : Mgr l'archevêque de Scutari.
OCEANIE
Australie : Mgr l'évêque de ]\Iaitland.
Nouvelle-Zélande : Mgr rarchovê<]ue de Wellington.
— 16 —
DIGNITAIRES ECCLESIASTIQUES PRESENTS
AU CONGRES
1. Son Emiuence le Cardinal Vincent A'annutelli, Légat du Pape.
2. Son Eminence le Cardinal Gibbons, Archevêque de Baltimore.
3. Son Eminence le Cardinal Logue, Archevêque d'Armagh, Primat
[d'Irlande.
EUROPE
Angleterre :
Sa Cirandeur Mgr François Bourne, archevêque de Westminster.
Sa Grandeur Mgr Edouard Ilsley, évêque de Birmingham.
Ecosse :
Sa Grandeur Mgr Angus MacFarlane, évêque de Dunkehl.
Irlande :
Sa Grandeur Mgr Jean Toliill. évêque de Dowu et Connor.
Autriche :
Sa Grandeur Mgr le comte André Alexandre Szeptycki, archevêque
de Lemberg.
Belgique :
Sa Grandeur 'Mgr Tbninas-T.ouis TIcvlou, évêque de Xamur.
France :
Sa Grandeur Mgr Joseph Euiuoau. évêque d'Angers.
Sa Grandeur Mgr Stanislas-Artliur-Xavier Touchet, évêquo d'Orléans.
Luxembourg :
Sa Grandeur Mgr Jean-Joseph Kojjpes. évêque de Luxembourg.
Portugal :
Sa Grandeur Mgr ITenri-Josepb Pe;'d da Silva. évêque titulaire de
Trajanopolis.
.AFRIQUE
Sa Grandeur Mgr TTiigiies ^facSbeiTy. évêque tutulaire de Jusiinia-
nopolis.
— ir —
AMERIQUE
Antilles
Sa Grandeur ^Igv J. CoUins, évoque titulaire d'Auiiphellc, vicaire
apostolique de la Jamaïque.
Brésil :
Sa GiMifleur Mgr Antoine-Xiste Albano, évêque titulaire de Betli-
saïde.
Canada :
Sa Grandeur Mgr Louis-Xazaire Bégin, archevêque de Québec.
Sa Grandeur Mgr Paul Bruchési, archevêque de Montréal.
Sa Grandeur Mgr Charles Hughes Gauthier, arclievêque de Kingston.
Sa Grandeur Mgr Adélard Langevin, archevêque de Saint-Boniface.
Sa Grandeur Mgr Edouard Joseph McCarthy, archevêque d'TTalil'ax.
Sa Grandeur Mgr Alfred Archaml)ault, évêque de Joliette.
Sa Grandeur Mgr Thomas-François Barry, évêque de Chatham.
Sa Grandeur Mgr Xiste Bernard, évêque de Saint-Hyacinthe.
Sa Grandeur Mgr André-Albert Biais, évêque de Kimouski.
Sa Grandeur Mgr Gustave Blanche, évêque titulaire de Sicca.
Sa Grandeur Mgr Breynat, O.M.I., évêque titulaire d'Adramyte.
Sa Grandeur Mgr Jos.-Simon-Hermann Brunault, évêque de Xicolet.
Sa Grandeur Mgr Timothée Casey, évêque de Saint-Jean, Xouveau-
Brunswick.
Sa Grandeur Mgr Joseph-Médard Emard, évêque de A'alleyiield.
Sa Grandeur Mgr M. Fallon, évêque de London.
Sa Grandeur Mgr Célestin Joussard, évêque titulaire d'Arcadiopolis.
Sa Grandeur Mgr Michel-Thomas Labrecque, évêque de Chicoutimi.
Sa Grandeur Mgr Paul-Stanislas LaRocque, évêque de Sherbrooke.
Sa Grandeur Mgr Elie-Anicet Latulippe, évêque titulaire de Catenna.
Sa Grandeur Mgr Emile-Joseph Légal, évêque de Saint-Albert.
Sa Grandeur Mgr Xarcisse-Zéphirin Lorrain, évêque de Pembroke.
Sa Grandeur Mgr Alexandre Mac-Donald, évêque de Victoria (Can.).
Sa Grandeur Mgr Guillaume- André MacDonnell, évêque d'Alexandria.
Sa Grandeur Mgr Eichard-Alphonse O'Connor, évêque de Peterbo-
rough.
Sa Grandeur Mgr Albert Pascal, évêque de Prince-Albert.
Sa Grandeur Mgr Zotique Eacicot, évêque titulaire de Pogla.
Sa Grandeur Mgr Paul-Eugène Poy, évêque titulaire d'Elcuthéiopolis.-
Sa Grandeur :\rgr David-Joseph Scnllard, évêque du S;iult Sainte-
Marie (Canada).
Colombie :
Sa Grandeur M<ir Edouard :Maldonad Calvo. évêipie dr Tiinja.
— 18 —
Etats-Unis :
Sa Grandeur Mgr Jacques-Hubert Blenk, archevêque de la Nouvelle-
Orléans (Louisiane).
Sa Grandeur Mgr Alexandre Cliristie, archevêque d'Orégon (Orégon).
Sa Grandeur Mgr Jean-Marie Farley, archevêque de New-York.
Sa Grandeur Mgr Jean-Joseph Glennon, archevêque de Saint-Louis
(Missouri).
Sa Grandeur Mgr Jean Ireland, archevêque de St-Paul de Minnesota.
Sa Grandeur Mgr Henry Moeller, archevêque de Cincinnati (Ohio).
Sa Grandeur Mgr William O'Connell, archevêque de Boston, Mass.
Sa Grandeur Mgr James-Edouard Quigley, archevêque de Chicago
(Illinois).
Sa Grandeur Mgr Hermann Joseph Alerding, évêque de Fort-Wayne
(Indiana).
Sa Grandeur Mgr Thomas Daniel Beaven, évêque de Springfieldi(Mass.'^
Sa Grandeur Mgr Thomas Bonacum, évêque de Lincoln (Nebraska).
Sa Grandeur Mgr Thomas-M.-A. Burke, évêque d'Albany.
Sa Grandeur Mgr Jean-Patrice Carroll, évêque d'Helena (Montana).
Sa Grandeur Mgr Charles-Henry Colton, évêque de Buffalo (N. Y).
Sa Grandeur Mgr Thomas-James Conaty, évêque de Monterey et Los
Angeles (Californie).
Sa Grandeur Mgr Thomas Cusack, évêque titulaire de Themiscyre,
auxiliaire de New-York.
Sa Grandeur Mgr Patrick-James Donahue, évêque de Wheeling(Virg.)
Sa Grandeur Mgr Frédéric Eis, évêque de Marquette (Michigan).
Sa Grandeur Mgr Daniel-François Feehan, évêque de Fall-Eiver.
Sa Grandeur Mgr Joseph Fox, évêque de Green-Bay (Wisconsin).
Sa Grandeur Mgr Henry Gabriels, évêque d'Ogdensburg (N. Y.).
Sa Grandeur Mgr Nicolas-Louis Gallagher, évêque de Galveston
(Texas).
Sa Grandeur Mgr Philippe-Joseph Garrigan, évêque de Sioux City
(lowa).
Sa Grandeur Mgr Eugène-Au2:ustin Garvey, évêque d'Altona.
Sa Grandeur Mgr Georges-Albert Guertin, évêque de Manchester
(N. H.).
Sa Grandeur Ma:r Mathieu Harkins, évêque de Providence (R. L).
Sa Grandeur Mgr Jacques-Joseph Hartiev, évêque de Columbus
(Ohio).
Sa Grandeur Mgr Jean-Joseph Hennessv, évêque de Wichita (Kansas).
Sa Grandeur Mgr Thomas-François Hickev, évêque de Rochester
(X. Y:).
Sa Grandeur Mgr Jean-Michel Hoban. évêque de Scranton fPensyl.).
Sa Grandeur Msr Jean Janssen, évêque de Belleville flllinois).
Sa Grandeur Mgr Jacques-Jean Keane, évêque de Cheyenne (W3'o-
ming).
Sa Grandeur Mgr Benjamin-Joseph Kelly, évêque de Savannali (Geor-
ge).
Sa Gnindoiir Mgr Guillaume-Jean Kenny, évêque de Saint-Augustin
(Floride).
— 19 —
Sa Grandeur Mgr Joseph-Marie Koudelka, évêque titulaire de Ger-
manicopolis (auxiliaire à Cleveland, Ohio).
Sa Grandeur Mgr Lawler, évêque titulaire d'Hermopolis,. auxiliaire
de Saint-Paul (Minnesota).
"Sa Grandeur Mgr Mathias Lenihan, évêque de Great-Falls (Montana).
Sa Grandeur Mgr Patrice Ludden, évêque de Syracuse (N. Y.)
Sa Grandeur Mgr Jacques- Augustin MacEaul, évêque de Trenton
Sa Grandeur Mgr Charles McDonnell, évêque de Brooklyn (IST. Y.).
Sa Grandeur Mgr Camille-Paul Maes, évêque de Covington (Ken-
tucky).
Sa Grandeur Mgr Jean-James Monaghan, évêque de AVilnHngton(Del.)
Sa Grandeur Mgr Jean-Bte Morris, évêque de Little-Eock (Arkansas).
Sa Grandeur Mgr Henry Northrop, évêque de Charleston (Caroline
du Sud) .
Sa Grandeur Mgr O'Connell, évêque titulaire de Sébaste, auxiliaire de
San-Francisco (Californie).
Sa Grandeur Mgr Jean- Joseph O'Connor. évêque de Xewark .(N. J.).
Sa Grandeur Mgr Edouard-Jean O'Dea, évêque de Seattle (Wasli.).
Sa Grandeur Mgr Thomas O'Gorman, évêque de Sioux Falls (Da-
kota).
Sa Grandeur Mgr O'Eeilly, évêque de Fargo (N. Dakota).
Sa Grandeur Mgr Sotère-Etienne Ortynskyi de Labetz, évêque titu-
laire de Daulia.
Sa Grandeur Mgr J. Eice, évêque de Burlington (Vt.).
Sa Grandeur Mgr Henrv-Joseph Richter, évêque de Grand-Eapids
(Mich.).
Sa Grandeur Mgr Eichard Scannell, évêque d'Omaba (Xebraska).
Sa Grandeur Mgr Louis-Sébastien Walsh. évêque de Portland(Maine).
Sa Grandeur Mgr Wherle, évêque de Bismark (N. Dakota).
Guyane Anglaise :
Sa Grandeur Mgr C. Galton, évêque de Pethénisse, vicaire apostolique
de la Guyane x4nglaise.
Haïti :
Sa Grandeur Mgr Jean-Marie-Alexandre Morice. évêque de Les Caies.
Mexique :
Sa Grandeur Mgr Euloge-Grégoire-Clément Gillow y Zavalza. arcbe-
vêque d'Antoquera.
Sa Grandeur Mgr Josc-Maria-Ignace Montes de Oca, évêque de Saint-
Louis de Potosi.
Sa Grandeur Mgr Jean Herrora y Pina. évêque de Tulancingo.
Terre-Neuve :
Sa Grandeur Mgr Michel-François Howley, archevêque de St-Jean-de-
Terre-Neuve.
Sa Grandeur Mgr Jean March, évêque de Hâvre-do-Grâce.
— 20 —
DIGNITAIRES ECCLESIASTIQUES ET DIOCESES
QUI SE SONT FAIT REPRESENTER
AU CONGRES
Sou Eminence le Cardinal de Cologne, Allemagne, par le T. Eév. Dr
Kreutzwald, V.-G.
Son Excellence Mgr Falconio, Délégué A])ostoliqne aux Etats-Unis, par
Mgr Ceretti, auditeur de la Délégation.
Sa Grandeur Mgr l'archevêque de Philadelphie (E.-U.), par Sa Gran-
deur Mgr Hoban, évêque de Scranton (E.-U.).
Sa Grandeur Mgr rarchevêque d'Albi, France, par deux de ses prêtres.
Sa Grandeur Mgr l'archevêque de Bourges, France, par Mgr Lorain,
Prélat S. S.
Sa Grandeur Mgr l"arehevêque coadjuteur de Caml)rai, France, par MM.
les chanoines Descanips et Lamérande.
Sa Grandeui- Mgr Farchevêque de Glasgow, Ecosse, par MM. les cha-
noines McCarthy et Ritchie.
Sa Grandeur Mgr l'archevêque de Guadalaxara, Mexique.
Sa Grandeur l'archevêque de Linarès, Mexique.
Sa Grandeur Mgr l'archevêque de Paris, France, par ses Vicaires-Géné-
raux M. l'abbé Thomas, archidiacre, et Mgr Odelin.
Sa Grandeur Mgr l'archevêque de Mexico, Mexique, par M. le Chanoine
Fulchéri, recteur de son Séminaire.
Sa Grandeur Mgr l'archevêque de Pennes, France, par plusieurs de ses
prêtres.
Sa Grandeur Mgr de Toronto, par Mgr McCann, son vicaire-général.
Sa Grandeur Mgr l'archevêque-évêque de San-Carlos, Brésil, par le Eév.
Père Angelo Le Marchand.
Sa Grandeur Mgr l'archevêque de Sidon. par Mgr Delmas. protonotaire
apostolique, V. G. et Archimandrite, et par Mgr Melatios Aggiar,
exar(|ue de Sidon.
Sa Grandeur Mgr l'évêque d'Autun, par plusieurs de ses prêtres.
Sa Grandeur Mgr l'évêque de Baveux, par M. l'abbé Charles Marie.
Sa Grandeur Mgr l'évêciue de Bellcy. par plusieurs de ses prêtres.
Sa Grandeur Mgr l'évêque de Charlottclowii (Ile du P.-E.), par le T.
Pév. Dr ^lorrisson de Vernon Piver, V.-G.
Sa (irandeur Mgr l'évêque de Chartres, Fi'ance par M. l'abl)é Jules Al-
berque.
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Sa Grandeur Mgr l'évêqiie de Clermont, France, par M. l'abbé Bruneau,
son vicaire-général.
Sa Grandeur Mgi- l'évêque d'Evreux, France, par M. le Chanoine Acard,
supérieur lion. d'Econis.
Sa Grandeur Mgr l'évêque de Grenoble, France, par plusieurs de ses
prêtres.
Sa Grandeur Mgr l'évêque de Gubbio, Italie, par Tun de ses prêtres.
Sa Grandeur Mgr l'évêque d'Hamilton, Ontario, par le T. Rév. Ma-
hone}', son vicaire-général.
Sa Grandeur Mgr l'évêque de Hartford, Conn., par le T. Rév. T. S.
Daggan, son vicaire-général, et par le Eév. J. C. Murray, son
chancelier,
Sa Grandeur Mgr l'évêque de JafFnn, Ccylan (Asie) par Eev. Fatbcv
Mathews.
Sa Grandeur Mgr l'évêque de Leeds, Angleterre, par M. le chan. Sini])-
son.
Sa Grandeur Mgr l'évêque de Liège, Belgique, par M. l'abbé Rener.
Sa Grandeur Mgr l'évêque de Luçon, France, par M. Tabbé Limerizier.
Sa Grandeur Mgr l'évêque de Lutsk, Pologne russe, par M. l'abbé
Pierre Mankowski.
Sa Grandeur Mgr l'évêque du Mans, France, par M. l'abbé A. Saurel.
Sa Grandeur Mgr l'évêque de Massa di C'arrara, Italie.
.Sa Grandeur Mgr l'évêque de Meatli, Irlande, par le T, Rév. Dr Dooley.
Sa Grandeur Mgr l'évêque de Metz, AUeniagno, par M. le chanoine
Erman.
Sa Grandeur Mgr l'évêque de Moulins, France, par son secrétaire
M. l'abbé Henri Vergneau.
Sa Grandeur Mgr l'évêque de Xantes, France, par M. Tabbé L. P. Dubois.
Sa Grandeur Mgr l'évêque de N'atchez. Mississipi. E.-U.. par M. le cha-
noine P. Scotti, chancelier de la Xouvelle-Orléans.
Sa Grandeur Mgr l'évê<]ue de Xatchitoches, E.-U., par le Rév. .1. h'oiil-
leaux.
Sa Grandeur Mgr l'évêque de Nice, France, par M. Tabbé Jules Emard.
Sa Grandeur Mgr l'évêque de Nîmes, France, par un prêtre de Montréal.
originaire de Xîmes.
Sa Grandeur Mgr l'évêque d'Oklahoma. E.-I"., par le T. R. fhistave De-
preitere, son vicaire-général.
Sa Grandeur Mgr l'évêque d'Olinda, Brésil, par Mgr Aniaval et Mgr
Machado.
Sa Grandeur Mgr révê(|ue de Pècs (Quinqiie Ecclesinnnn). Hongrie,
par l'un de ses prêtres.
Sa Grandeur Mgr Tévêciue de Portalègro, Portugal. ]k\v un pirirc du
diocèse.
— 22-^
Sa Grandeur Mgr l'évêque de Rodez, France, par l'un de ses archiprêtres.
Sa Grandeur Mgr Tévêque de St-Claude, France, par M. le Chanoine
Guieliard, curé de Dole.
Sa Grandeur Mgr Févêque de St-Cloud, Min., par le T. Rév. Père Abbé
Peter Engel, de St. John's Abbey, Min.
Sa Grandeur Mgr l'évêque de St-Flour, par M. l'abbé Simon.
Sa Grandeur Mgr l'évêque de San-Salvador, Amérique Centrale, par un
prêtre du diocèse de Montréal.
Sa Grandeur Mgr l'évêque de Soissons, France, par un de ses dignitaires
ecclésiastiques.
Sa Grandeur Mgr l'évêque de Tarbes, France, par le Dr St-Pierre, re-
présentant le Dr Boissarie.
Sa Grandeur Mgr l'évêque de Taubaté, Brésil, Amérique du Sud, par
le Rme Abbé d'Oka.
Sa Grandeur Mgr l'évêque de Trente, Autriche, par le Eév. Michel
Dooly.
Sa Grandeur Mgr l'évêque de Troyes, France, par un prêtre de son dio-
cèse.
Sa Grandeur Mgr l'évêque de Vannes, France, par M. l'abbé Buléon.
Sa Grandeur Mgr l'évêque de Verdun, France, par M. le chan. Houzelot.
Sa Grandeur Mgr l'évêque de Versailles, France, par M. l'abbé Jacque-
mond, chanoine honoraire.
Sa Grandeur Mgr MacSherry, représentait sept évêiques du Sud-
Africain.
Le Révérendissime P. M. Bunoz, O.M.I., préfet apostolique du Yukon,
par le Rév. P. A. Lebert.
DIOCESES REPRESENTES
Diocèse d'Halifax, Canada, par les Révs. W. B. Hamilton, Gerald
Murphy, W. S. Young,
Diocèse d'Ottawa, Canada, par Mgr Routhier.
Diocèse de Philadelphie, par Mgr Loughlin, Mgr Kiernan et le Rév.
Chas. Vandegrift,
Diocèse de St-Paul du Brésil, par M. Pierre Boucher de Boucherville.
Diocèse de Dallas, Texas, E.-U., par le Rév. J. R. Allard.
Diocèse de Salford, Angleterre, par Mgr W. Hill, P. M., et le T. Rév.
Walsh.
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ORGANISATION GENERALE DU CONGRES DE
MONTREAL
COMITE GENERAL
Président d'ITonneue Son Excellence Mgr le Délégué Apos-
tolique.
Président Mgr l'Archevêque de ^Montréal.
Vice-Présidents d'Honneur. .Xos Seigneurs les archevêques et évê-
ques du Canada.
Vice-Président M. le chanoine Gauthier, curé de la
Cathédrale de Montréal.
Secrétaire-Général Le Eév. Père Pelletier, supérieur des
Pères du Saint-Sacrement à Mont-
réal.
COMITE DES TRAVAUX
Président M. le chanoine Gauthier, curé de la
Cathédrale de Montréal.
Vice-Présidents M. l'ahbé Lecoq, supérieur du Sémi-
naire de St-Sulpice.
M. l'abbé Perrier, visiteur des Ecoles
Catholiques de Montréal.
M. l'abbé McShane, curé de St-Patrice.
M. l'abbé Elie-J. Auclair, archevêché.
Secrétaire R. P. Galtier, S. S. S.
Membres : — Baril, le Dr. G. — Beaupré, M. — Biupliy, rabl)é John.
— Bourassa, Henri, député au Parlement Provincial. —
Brisset, le Dr. — Condon, Eév. Fr., C. S. C. — Côté, Pév.
p., 0. P. — Cox, Pév. P., S. .T. — Desjardins. l'ablté L.,
secrétaire de l'Université Laval. — Desroches, le Dr. —
Desrosiers, l'abbé, assistant principal de l'Ecole Xormale.
— Dovle, Eév. P., S.J. — Dupuis, l'abbé Jos.— Ethelbert,
Eév. Fr. — Fournet, A., P. S. S. — Gairniour. Eév. P.,
S. .T. — Gonthier, Eév. P., S. J. — Guerin. TLm. Juge. —
Héroux, Orner, rédacteur au " Devoir ". — Henratty, édi-
teur du "True Witness ". — Jasmin, le chanoine, supé-
rieur du Séminaire de Ste-Thérèse. — Jodoin. Eév. P.,
— 21 —
0. M. I. — Jolv, Kév. P., C. S. Y. — Lalande, Eév. P.
Louis, !S. J. — Lalande, Kév. P. Joseph, S. J. — Laniar-
che, l'abbé C. — Lamothe, Gustave, avocat. — Leclerc,
Kév. P., C. SS. P. — Loranger, Hon. Juge. — MacPhail,
Eév., C. SS. E. — McLauglilin, Jos. — Nantel, le chanoine,
Séminaire de Ste-Thérèse. — Pauzé, Tabbé M., directeur
du Collège de l'Assomption. — Perreault, M., directeur
des Ecoles Catholiques. — Perrin, L., P. S. S. — Phelan,
M. A. — Piché, Eév. P., curé de St-Georges. — Purcell,
Hon. Juge. — Quirk, M . E. — Eaymond, Eév. P., 0 . F . M.
— Eiopel, Tablié. — Savaria, le chanoine. — Walsh, M.
J. C, éditeur du '• Herald ". — Wickham, M. P. M.
COMITE DE RECEPTION
Présidents Conjoints M. le chanoine Dauth, archevêché.
M. l'abbé Donnelly, curé de St- Antoine.
Vice-Peésidents M. le chanoine Eoy, archevêché.
M. Tabbé Troie, curé de Notre-Dame.
Secrétaires M. l'abbé L. Callaghan, archevêché.
M. l'abbé Elie-J. Auclair, archevêché.
Membres : — Auclair. l'aljbé M., curé de St- Jean-Baptiste. — Beau-
champ, M., président de la St- Jean-Baptiste. — Beaudin,
S., avocat. — Bil)aud, Eév. P., 0. P. — Brady, l'abbé,
curé de Ste-Marie. — Carrières, l'abbé A., curé, Pointe
Saint-Charles. — Casey, l'abbé W. J., curé de Ste-Agnès.
Charl)onneau, Eév. P., C. S. V. — Charrier, C, P. S. S.—
Cloran, Hon. Sénateur. — Corbeil, l'abbé A., curé de St-
Joseph. — Clancy, W., City Pass. Agt G. T. Ey. — Dan-
durand, Hon. E. — Derome, M. J. A. président de l'Ado-
ration Xocturne. — Directeurs, EE. PP. des Messagers
du Sacré-Cœur. — Directeurs, EE. PP. des Eevues Fran-
ciscaines. — Dubée, W. Pat., Sec. M. S. Ey. — Dubois,
l'al)l)é X., principal de l'Ecole Xormale. — Dupuis, J. N.
— • Ecrément, rabl)é, curé de Sainte-Cunégonde. — Elliott,
E. C, Gen. Offices, G. T. Ey. — Forget, Hon. Eod. —
Foucher, l'abbé A. — Gaboury, A., surintendant M. S. Ey.
— Gauthier, l'abbé, curé de St-Léon de Westmount. —
Gervais, Honoré, avocat. — Hébert, Em., agent général,
C. P. E. — Heffernan, l'abbé T., curé de Saint-Thomas
D'Aquin. — Kiernan, l'abbé, curé de Saint-Michel. —
Kearney, W.-J. — Lacoste, Sir Alex. — Lagacé, J.-B. —
Lalande, M. Langevin, l'abbé H., curé d'Hochelaga. —
Loranger, M. Louis, avocat. — Masson, le Dr D. —
Migneault, M. P. B., avocat. — Moriu, l'abbé A. X., curé
— 25 —
de St-Edouard. — Murphy, David II., avocat. — Pavettc,
Louis. — Perreault, Antonio, avocat. — Prendergast, M.,
gérant général de la Banque d'Hoclielaga. — Quinlan', M.'
Michael, agent, Dép. Pass. G. T. Pv. — Kitchot, M. —
Eioux, P., C. SS. P., curé de Ste-Anne. — Eivet, L. J. —
Shea, l'abbé L. M., curé de Saint-Louis de Gonzague. —
Smith, Percy. — Walsli, le capitaine. Marine Dept. ('an.
Pac. Ey. — Langevin, C. A. — Léger, S., Marceau,
Ernest. — Perdriau, Henri.
COMITE DES FINANCES
Président :\L le chanoine W. C. Martin, archevêché.
Vie k-Prési DENTS Hon. L. J. Forget.
Sir Thomas Sliaughnessv.
Secrétaire M. l'abbé xVdol. Svlvestre, archevêché.
Membres : — Adam, F. L. T., chan., curé du Sacré-Cœur. — Barsalou,
Erasme. — Barsalou, Hector. — Bastien, Tréfilé. — Beau-
bien, Hon. C. P. — Beauchamp, J. C. — Béique. L. J.,
sénateur. — Bezner, M. C. — Bienvenue, P. — Boyer,
Alphonse, sénateur. — Brady, labbé P. J.. curé. —
Bruchési, Charles, avocat. — Brown, P. E. — Brunet,
Alfred. — Burge, Michael. — Casey, Félix. — Catelli,
C. H. — Cavanagh, Edward. — Chaput. Charles. — Clé-
roux, Dr L. J. Y. — Connollv. Michael. — Conroy,
Thomas. — Comtois, Taljbé S., curé. — Cousineau, Tabbé
H., curé. — Dandurand, F. H. — David, L. 0., sénateur.
Décarie, I. A., avocat. — Décarie, l'abbé P.. curé. — De-
guise, J. B. — De la Durantaye, F.-X. — De Martigny,
Camille. — Deniers, l'abbé Jos., curé. — Desaulniers. .1.
V. — De Serres, Gaspard. — Doherty, C. J.. député au
Parlement Fédéral. — Ducharme, G. X. — Dupuis,
L. X. — - Eagan, Martin. — Ecrément, l'abbé F.-\.,
curé. — Emard. J. V., avocat. — Fitzgiljbons. Micluu'l. —
Forbes, l'abbé G., curé. — Gallery, D. — (Jenin, J. P. —
Gennain. le Dr. — Gravcl. J. 0. — Giiav. Eug. —
Hackett, Hon. J. A. — Hanlev, Thos. — Harris. J. W. —
Hart, Charles. — Hé])ert, W.', P. S. S. — Hébert. A. —
Hétu, l'abbé P., curé. — Hudon, I. H., S. J. — Huber-
deau, Magloire. — TTurtnl)ise, Ed. — Hingstnn. le Dr. —
Kain, Patrick. — Kavanagli, H. J. — Kavanagli. J. 1'. —
Kennedy, John. Dr. — Kennedy. Wm. — Laniardie,
l'abbé A. P.. curé. — T^anioureux. Jos. — Lajntintc, L. A.
— Laporte, H. — Laroccpie, A. A. — Lavallée, L. .\. —
Lavallée, P. 0. — Laviolette, J. (i., Dr. — Lebel. Félix.
— Lomay. E. TT. — Létourneau, d.. avocat. — Linidges.
0. — Lcspérance, A. P. — ^lasson. Damase. — Masson,
— 26 —
Dam., Dr. — McLaughlin, Jos. — McLaiighlin, Henry.
— McCaffrey, P. F. — McDonald, Duncan. — McDonald,
J. A., Dr. — McDonnell, C. A. — McCarthy, J. G., D. —
McDonnell, C. A. — McCarthy, J. G., Dr. — McEniry, H.
F. — McKenna, Jas. — McXally, Bernard. — Martin, J.
B. — Monaghan, Patrick. — Moncel, G. N. — Monoghan.
— Morin, Hubert. — Mullin, Patrick, sr. — McVey, Wm.
— McCroiy, P. — Nolan, John. — O'Brien, Patrick. —
O'Connell, T. — O'Meara, l'abbé, curé. — O'Neill, T. J.
— O'Shaughnessy, Dan. — Ouimet, Aid., Hon. Juge. —
Pauzé, J. B. — Pa^^ette, l'abbé Geo., curé. — Phelan,
Thos. — Prévost, Hector. — Procureur, Rév. P., C. S. V.
— Purcell, Andrew. — Quinlan, John. — Quirke, E. —
Picard, J. 0. — Robertson, Duncan. — Rolland, Hon.
J. D. ■ — • Rogers, James, sr. — Saint-Charles, F.-X. —
Scullion, Patrick. — Smith, C. F. — Surveyer, L. J. A.
— Survever, Edouard-Fabre. — Tansey, Bernard. —
Turcotte,"' J. A. — Tremblay, P. 0. — Trudeau, Fr. —
Valiquette, Alph. — A^aillancourt, J. 0. — Vanier, Emile,
— Villeneuve, G. E., 0. M. I. — ValHères, S. D. — Vil-
leneuve, Léonidas. — Villeneuve, Joseph. — Viau, Th. —
Wilson, J. M. — AVright, Patrick. — Wright, Edward.
SOUS-COMITE DES SOCIETES DE SECOURS MUTUELS
Saint-Jean-Baptiste Beauchamp, J. C.
Forestiers-Catholiques De Martigny, C.
Artisans Canadiens-Français . . . .Desaulniers, J. V.
Union Française Genin, J. R.
C. M. B. A. Canadienne Hackett, Hon.
Alliance Nationale Lavallée, L. A.
Union Saint-Pierre Lavallée, P. 0.
K. of S. (Saint-Henri) Létourneau, I.
K. of C. ( Lafontaine) Masson, Damien.
K. of C. (Dominion) McEniry, H. F.
K. of C. (Canada) Quirk, E.
St. A7ï7i's Y. M. c. A Nolan, John.
St. Patrick's Kavanagh, H. J.
or
COMITE DES CEREMONIES — DECORATIONS
PROCESSION
Président M. le curé Lepailleur, chanoine hono-
raire.
CEREMONIES
Vice-Peésidents Conjoints M. l'abbé Ch. Laforce, curé de Saint-
Vincent-de-Paul.
M. l'abbé J. U. Deniers.
M. l'abbé Henri Gauthier, P. S. S.
DECORATIONS
Vice-Présidents Conjoints M. l'abbé J. A. Bélanger, curé de
Saint-Louis de France.
M. l'abbé J. H. S. Eosconi.
PROCESSION
Vice-Présidents Conjoints M. l'abbé A. V. J. Piette, curé de Vil-
lerav.
M. l'abbé T. Heffernan, curé de Saint-
Thomas d'Aquin.
M. l'abbé Alph. Deschamps, aumônier
des Sourdes-Muettes.
M. l'abbé Anatole Martin, aumônier
de la Providence.
Secrétaire M. l'abbé T. W. O'Eeilly.
Membres : — Bédard, H., P. S. S. — Bouhier, L. J., P. S. S. — Cnl-
clough, E., S. J. — Desjardins, l'abbé L. — Gauthier,
l'abbé Oscar, curé de St-Léon de Westmount. — Hudon,
V,, S. J. — Luche, A., P. S. S. — Piché, E., C. S. V. —
Pitre, Père, S. S. S. — Raymond, M., 0. S. F., Gardien.
— Troie, M. N. A.. P. S. S., curé de Xotre-Dame. — Vil-
leneuve, l'abbé C. G.
29 —
CHAPITRE I
LES DEMONSTRATIONS RELIGIEUSES ET CIVILES
Depuis quelques jours déjà Sou Emiuence le cardiual-léj^at
était au Cauada. De Kome jusqu'à Osteude, d'Osteude «î
Londres, de Londres à Liverpool, de Liverpool à Kiniouski,
le voyage n'avait été qu'un long et continuel encliautemeut.
A Kimouski, c'était le Canada, et dans le Canada, la province
de Québec qui l'accueillait. Cet accueil était à la fois celui
des autorités publiques, des deux gouvernements d'Ottawa
et de Québec et celui des autorités religieuses. Le paquebot
n'avait pas côtoyé encore les rives canadienues que les dé-
pêches de bienvenue portaient jusqu'au cardinal les témoi-
gnages de respect et de dévouement. Ici. maintenant, ces
témoignages vont se faire plus chaleureux encore.. Voici, a
bord, Mgr Bruchési qui vient de sa ville archié])isco])ale, ac-
c()m.i)agiié de dignitaires ecclésiastiques; voici les ministres,
les représentants de la nation. C'est tout un peuple (lui
déjà acclame et (lui, de ])i'ès comme de loin, salue l'arrivée
chez lui de l'hôte impatiemment attendu. Tout le long du
fleuA'e, il en sera ainsi. A Québec, ce sera une réception
tri()mi)liale, à Trois-Rivières. à Sorel de même.
Le temps passe ainsi. Samedi est venu, mais sans h> so
leil joyeux des jours précédents. Le ciel s'est couvert. Il
pleut. La ])luie, une pluie torrenti(dle (pie le veut soulève et
pousse en tourbillons, a emi»êché les démonstratious pnïje-
tées <lepuis Sorel jusipi'à .Montréal. INmitaiit. antoin- <lu
Lady (îrey, vaisseau du gonveniement, à bord diupud (»iil pris
passage le légat et sa suite, voici des yachts, des ciiibarca-
tions ])avoisées. Sur les rivages, voici des foules que le mau-
vais tem]is n'a ]m disperser. On crii'. on agite des drapeaux,
on mnltiplie les détonations joyeuses, N'oici enfin Montréal.
La ville est env(doi>iȎe de binnie, mais les carillons de tons
ses clo(diers sonnenl uaiement et la voi.x grave du bourdon de
— 30 —
Notre-Dame domine à peine le bruit des sifflets et des sirènes
de tous les vaisseaux du port.
Il est quatre heures. Une multitude compacte se tient
debout sous la pluie, acclame le cardinal que le maire de la
ville est allé chercher à bord du bateau qui accoste. On ne
«'arrêtera pas au kiosque que la commission du havre avait
fait construire et élégamment orné. Les voitures conduiront
immédiatement les visiteurs illustres et les invités jusqu'à
rHôtel-de-Yille. C'est là dans la salle du Conseil, transfor-
mée en serre par l'abondance et le choix exquis des plantes
de toute sorte que se lira l'adresse de bienvenue. Voici cette
adresse :
Eminence,
Il est certains jours dans la vie où le soleil se lève avec plus de majesté
et brille d'un éclat plus vif et plus radieux, où ses rayons répandent sur
toutes choses, ici-bas, comme une lumière d'en haut pleine de beauté et
de bénédiction.
Tel est ce jour bienheureux où Votre Eminence, investie de pouvoirs
sacrés, aborde sur nos rives pour y ouvrir, en sa qualité auguste de re-
présentant de Notre Saint-Père le Pape Pie X, le premier Congrès
Eucharistique de l'Amérique.
Aussi, avec quelle joie respectueuse nous vous saluons ! De quels
accents remplis de filiale gratitude nous vous disons : Bienvenue ! Bien-
venue mille fois !
Et, veuillez le croire, pendant que j'ai l'insigne honneur de prononcer
ici ces paroles, elles sont portées, de lèvres en lèvres, d'une extrémité à
l'autre de notre chère terre canadienne. Bien plus, elles sont recueillies
avec piété et répétées au loin, d'échos en échos, à travers les vastes
espaces de cet immense continent, partout où bat un cœur catholique,
partout où un catholique ploie le genou devant l'Adorable Sacrement.
De la Eome du Vieux Monde, Eminence, vous venez dans la Kome du
Nouveau Monde, car c'est ainsi que notre ville de Montréal, la ville des
églises, a été si heureusement surnommée.
Ici, le même bras invisible, qui tient sur les hauteurs de la colline du
Vatican le flambeau de la foi, dirige toujours nos pas fidèles, et nous
entraîne de l'avant dans les sentiers lumineux de l'Eglise infaillible. Et
ce même esprit d'en haut, qui gratifia tous les arts de leur suprême cou-
ronnement, en inspirant au génie cbrétien de lancer dans les airs ce
dôme majestueux de Saint-Pierre, enflammait déjà les âmes des pion-
niers qui roulèrent de leurs mains ensanglantées les pierres rugueuses
du premier temple élevé à la gloire du Très-Haut sur les plages encore
sauvages de Ville-Marie. Oui, ce nous est un orgueil de le rappeler: la
première idée des fondateurs de Montréal a été d'élever un autel. C'est
à l'endroit où Votre Eminence daigne nous entendre que Monsieur de
Maisonneuve aborda, il y a deux cent cinquante-huit ans, et que, pen-
dant le Saint-Sacrifice de la Messe, en présence du Saint des Saints, la
— 31 —
ville de Montréal s'élança dans la vie. La prophétie que prononça alors
le Jésuite Vimont s'est réalisée : Xous sommes un grain de sénevé, il va
croître et se multiplier.
A l'ombre de la ravissante montagne se pressent des hommes et des
femmes de nationalités différentes, de langues différentes, de croyances
différentes, et, cependant, comme au matin des dimanches, du haut de
centaines de clochers, les carillons s'ébranlent dans une délicieuse har-
monie, ainsi dans l'union et la concorde à'écoule la vie de ces milliers
de citoyens.
La bonne entente, le bon vouloir et le respect sincère des droits de cha-
cun, sont les caractéristiques de toute la popuUitiou. Le l'ait seul que J'ai,
aujourd'hui, l'honneur de me présenter devant A'otre Eminence comme
Maire de Montréal, constitue, par exemple, une preuve évidente de la
très grande générosité des Canadiens-Français. Ils sont l'immense
majorité et tiennent par conséquent dans leurs mains tout pouvoir.
Néanmoins, bien que profondément attachés à leur foi et hers de
réclamer pour ancêtres les saints et les martyrs qui, les premiers, plan-
tèrent la croix sur nos rives, par un chevaleresque esprit de justice et
par une délicatesse d'âme qui forment un des traits de leur caractère
national, ils ont bien voulu choisir un concitoyen d'origine irlandaise
pour les représenter en ce grand jour.
En leur nom et au nom de tous les citoyens de Montréal, je vous
prie, Eminence, d'entrer dans notre ville avec l'assurance d'y recevoir
respect profond et cordiale hospitalité, avec la certitude d'y être envi-
ronné par les nôtres pendant tout le temps de votre séjour, des témoi-
gnages les plus sincères de fidélité et d'affection filiale.
Encore une fois, soyez le bienvenu ! Que tous les échos répètent notre
allégresse ! Laissez tous ceux qui, pendant ces jours bénis, vont s'age-
nouiller avec vous autour de l'autel, chanter dans leur reconnaissance
débordante :
Hosanna au plus haut des Cieux ! Béni soit Celui qui vient au nom
du Seigneur !
Le cardinal, qui avait pris place, à son arrivée, sur un trône
magnifique, répondit en ces termes :
Monsieur le Maire,
Je ne sais comment vous remercier de la douce et profonde satisfac-f
tion que je viens d'éprouver en entendant de si nobles sentiments,
exprimés avec tant de foi et d'éloquence par le premier magistrat de
cette grande cité.
A ces paroles de bienvenue que je sens venir avec une si touchante
sincérité de tous les horizons de cette terre chrétienne, laissez-moi ré-
pondre :rabord en saluant en vous, Monsieur le Maire, le catholique
digne à tant de titres, d'être à la tête de Montréal. Le Légat de S*
Sainteté sera pour quelques jours l'hôte et le citoyen de votre ville. .-V
la cordialité de votre accueil; en vovant run;uiiinc cuiitrcsscuicut ilu
— 32 —
Conseil municipal qui vous entoure; devant cette foule immense où ceux
qui ne partagent pas nos croyances sont unis aux enfants de l'Eglise
dans un sentiment de commun respect et de commune sympathie, je
m'abandonne avec sécurité à la garde de votre cœur et de votre foi.
Cette population dont vous venez de vous faire, Monsieur le Maire,
l'interprète si fidèle et si autorisé, offre en ce moment à mes yeux un
spectacle qui me remplit d'une émotion inexprimable. Montréal ne
m'apparaît pas seulement comme le rendez-vous prédestiné de divers
peuples; comme le foyer d'une vie intellectuelle toujours grandissante;
comme une ruclie merveilleusement active qui fait d'elle dans ce
nouveau monde un centre d'affaires et d'industries de plus en plus im-
portant ; mais, ville exceptiojinelle par l'ardeur de sa foi, par les prodi-
galités de son dévouement et de sa générosité, par la fécondité de ses
œuvres d'éducation et de charité, par la magnificence de ses démonstra-
tions religieuses, elle est bien encore ce que vous l'appeliez justement
tout à l'heure : la Eome du Kouveau Monde.
Et que je suis heureux du témoignage que vous venez de lui rendre !
Elle abrite dans ses murs des hommes et des femmes de nationalité, de
langue et d'aspirations différentes, mais vivant dans le respect sincère
des droits de chacun; et vous ajoutiez, avec une délicatesse qui vous fait
honneur, que vous en êtes vous-même la preuve. Je suis heureux de vous
féliciter, et en votre personne toute la population catholique de cette
ville, de cette unité de sentiments, si nécessaire au progrès des œuvres
vives de l'Eglise.
Fécondée par le sang des héros qui l'ont conquise et des apôtres qui
l'ont évangélisée, toute pénétrée nar ses grands évêques des traditions
d'attachement ardent au Saint-Siège, Montréal fixe aujourd'hui l'atten-
tion et attire l'admiration du monde entier. Elle continue d'assurer à
la population catholique qui y demeure le fruit des souffrances et des
travaux de ses glorieux fondateurs. Elle en garde la foi et les tradi-
tions eucharistiques avec une constance invincible. Aussi le triomjjhe
qu'elle a si magnifiquement préparé au Très Saint-Sacrement, l'accueil
enthousiaste qu'elle fait au représentant du Souverain Pontife, font
honneur à sa fidélité religieuse, non moins qu'à la sagesse et à la loyauté
de ceux qui lui en facilitent la ])leine liberté.
En vous disant ma reconnaissance. Monsieur le Maire, je tiens à re-
mercier et à féliciter toutes les autorités qui, sous vos ordres et à divers
titres, se dévouent à l'heureux succès de ces fêtes incomparaljles, tous
ceux qui de près ou de loin ont contribué à en rehausser l'éclat, en
répondant à l'appel de l'éniinent Archevêque de Montréal, tous ceux
enfin qui me font cet accueil sans pareil, dont je serais confus si je ne
pensais qu'il s'adresse à plus haut que moi.
Je ne doute pas des consolations immenses que cette inoubliable ova-
tion apportera à Sa Sainteté quand je lui redirai, comme un devoir
bien doux à mon cœur, et vos nobles paroles, et l'accueil triomphal fait
à son Légat, et les enthousiasmes aussi libres que spontanés d'une popu-
lation f|ui ajoute aujourd'liui une des plus belles pages à l'histoire déjà
si glorieuse du cher, liljre et vaillant Canada.
SUN E.MIXENCK LK CARDINAL LKCiAT
— 33 —
Immédiatement après, le départ en voiture eut lieu pour
rarchevêché où le cardinal aura ses appartements pendant
son séjour à Montréal. La foule a attendu, elle acclame le
cardinal au sommet du grand escalier de pierre et, en dépit
du mauvais temps, suit quelque temps sa voiture. Les plus
vaillants lui feront même escorte, en courant, jusqu'au palais
archiépiscopal.
Le lendemain, dimanche, ne ftit pas une journée du congrès.
Il est impossible de passer cette journée sous silence, marquée
qu'elle a été pour deux démonstrations ouvrières dans l'église
Notre-Dame, Tune de femmes, dans l'après-midi, l'autre
d'hommes, le soir. Combien étaient-elles et combien étaient-
ils ? Il est difficile de le dire, les supputations étant tou-
jours, en ces circonstances, aisément exagérées. Rappelons
toutefois l'immense capacité de l'église, ajoutons qu'on n'y
était pas assis, mais debout et cela dans les allées, sur le
siège des bancs, les dossiers, dans les chapelles latérales,
partout. Est-ce dépasser le vraisemblable que de croire à
la présence d'au moins qtiinze mille personnes ? Du chœur
on avait l'idée qu'un objet tombé ati sein de cette foule n'at-
teindrait pas le plancher tant la masse était pressée et com-
pacte.
Le cardinal vint aux deux réunions auxquelles Mgr Bru-
nault, de Nicolet, pour les ouvrières, et Mgr Langevin, de
St-Boniface, pour les ouvriers, avaient adressé la parole. Au'i
deux cérémonies il parla d'une voix d'abord un peu faible,
puis plus forte et, à la fin, victorieuse de l'espace qu'il avait
devant lui, allant aussi jusqu'aux extrémités de l'église. Il
donna les conseils d'un père, d'un père dans la foi, conseils
imprégnés de sagesse et d'esprit chrétien. Les hommes, le
soir, reprirent pour lui, sur l'invitation de Mgr l'archevêque,
le chant de leur cantique: En avant! marchons! . . .Et certes, ils
auraient marché, sans peur et sans défaillance, aux combats
les plus périlleux, la cause du Christ et du pape réclamant
leurs bras et leur cœur. A la sortie du cardinal, ils s'étaient
massés sur la place, innombrables et délirants d'enthousi-
asme. Ils entourent la voiture, cherchent les mains qui bé-
nissent pour les baiser. Lentement la voiture se déplace,
avance. Pour échapper à la foule qui suit et court, il faut
presser les chevaux et s'éloigner à toute vitesse.
Après toutes les fêtes préliminaires qui se succèflent depuis
bientôt une semaine voici que va s'ouvrir enfin le congrès eu-
charistique. Cette ouverture, c'est justice, se fera à la cathé-
drale. L'église est ornée de fleurs, pavoisée d'oriflammes et
2
— 34 —
de banderolles, étincelante de mille feux. Aux abords du
palais archiépiscopal, la foule est immense. C'est à travers
cette multitude, d'où jailissent ininterrompues les enthou-
siastes acclamations, que la voiture du Légat, se fraie lente-
ment un chemin. Il est huit heures et demie quand le car-
dinal, accompagné du cardinal Logue et de sa suite, se pré
sente aux portes de la cathédrale. Déjà les archevêques, les
évêques, les dignitaires ecclésiastiques, le clergé y ont pé-
nétré. Mgr l'archevêque de Montréal, revêtu de ses habits
pontificaux, précédé de la croix et accompagné de son cha-
pitre vient recevoir le Légat. A l'entrée de l'église, celui-ci
dépose la mosette et prend la cappa magna. Il fléchit ensuite
le genou, embrasse la croix et avec le goupillon qui lui est
présenté jette de l'eau bénite sur les fidèles.
La procession se forme alors. En tête viennent d'abord
le porte-clefs, un thuriféraire, le porte-croix entre deux aco-
lytes, les chanoines, Mgr l'Archevêque suit, sans mitre et
sans crosse. Voici maintenant le cardinal sous un dais que
portent quatre zouaves pontificaux et dont quatre autres
zouaves portent les cordons, puis les archevêques, les évê-
ques, les abbés mitres, les prêtres.
Mgr l'archevêque monte à l'autel du côté de l'épitre et pen-
<iant que le Légat s'agenouille devant l'autel, il entonne le
chant du " " Protector NosterJ' Les cérémonies du rituel
s'accomplissent ensuite puis le cardinal s'assied sur un fau-
teuil vers les fidèles et le prince de Croy, l'un de ses came-
riers, monte en chaire et donne lecture de la lettre du Pape
qui nomme le cardinal Vannutelli, son Légat au XXIe con
grès Eucharistique. En voici le texte :
A XoTEE Cher Fils,
Viîs'CEXT, Cardinal Vannutelli,
Evêque de Préneste,
PIE X, Pape.
Notre Cher Fils, Salut et Béndiction Apostolique.
Le désir que nous avons d'encourager la dévotion à la Très Sainte
Eucharistie d'où, comme de leur source, découlent, abondantes sur tous
les fidèles et sur la société chrétienne tout entière, les eaux vives de la
divine grâce, nous rend très agréable l'usage presque établi de tenir, à
époques déterminées et dans les différents pays du monde, des congrès
solennels sur un si grand Mystère.
C'est pourquoi, ayant appris qu'un congrès eucharistique se prépare à
Montréal, chez les Canadiens, Nous, désirant lui donner de l'éclat et
plaire à nos chers fils, l'archevêque de Montréal, qui a veillé avec un soin
— 35 —
particulier à la solennité et à la splendeur de cette réunion tenue dans
sa ville, et à l'évêque de Xamur qui, depuis longtemps, s'occupe de ces
sortes de congrès, ISTous avons résolu, cher Fils, de Vous charger de re-
présenter Notre Personne à cette assemblée.
Ainsi, par ces Lettres, ISTous Vous proclamons Notre Légat pour pré-
sider en Notre Nom et à Notre Place, au Congrès de Montréal. La
mission qui vous est confiée est conforme à votre piété et à votre rang.
Elle est aussi très utile à l'accroissement de la vie chrétienne. Car par
cette solennité, le Pain Eucharistique affranchi de l'espace et de toute
division, réunira les terres séparées par l'océan; il excitera les nations
éloignées à revendiquer et à publier la gloire du Dieu Sauveur, ainsi
qu'à honorer son Vicaire sur la terre par la fidélité et l'obéissance qui
lui sont dues.
C'est pourquoi dans le Congrès lui-même on aura à discuter tout ce
qui peut contribuer à mettre dans une plus grande lumière et à glorifier
davantage la dévotion à cet Auguste Sacrement; pour que de la sorte
les injures qu'on lui fait soient réparées; pour que l'usage fréquent de
l'Eucharistie revive; pour que chacun se persuade qu'il n'est rien de
plus efficace qu'une pareille dévotion pour réunir les âmes par le lien de
la paix et de la mutuelle bienveillance, dont la société chrétienne et civile
ont surtout besoin; enfin, pour que par des écrits et une action variée,
dirigée vers cette fin, les hommes soient conduits au bien.
Ce Congrès aura un heureux succès, nous en sommes assurés, et par
le mérite reconnu des saints prélats et des illustres personnages qui y
assisteront, et aussi par l'ardeur de cette très noble nation à les recevoir
et à accomplir tout ce qui aura été décidé dans vos délibérations.
Mais Notre confiance s'appuie plus haut, elle s'appuie sur le secours
de Celui dont la cause est en jeu, de Notre Sauveur qui a dit : " Là où
deux ou trois sont assemblés en mon nom, Je suis au milieu d'eux."
Comme heureux augure de la grâce divine que vous puiserez avec joie
aux fontaines du Sauveur et en témoignage de notre particulière bien-
veillance, à Vous, cher Fils et à tous ceux qui prendront part avec Vous
au Congrès de Montréal, nous accordons très affectueusement la Béné-
diction Apostolique.
Donné à Eome, près de Saint-Pierre, le 26e jour de mai de l'an 1910,
de notre Pontificat le septième, en la solennité du Très Saint Corps de
Notre-Seimeur Jésus-Christ.
'o
(Signé) PIE X, Pape.
Dans le chœur, pendant cette lecture, le cardinal Lop:ue
occupait un fauteuil élevé du côté de Fépître. Mgr l'arche-
vêque qui avait déposé ses ornements et revêtu la cappa ma-
gna violette, était assis à côté de Mgr l'évêque de Namur et
les autres prélats faisaient couronne autour de l'autel.
Aussitôt finie la lecture de la lettre (jui l'acciéditait, le car-
dinal se lève et précédé de la croix, escorté de dignitaires ce-
— 36 —
clésiastiques, il se dirige vers la chaire. Il y prononce le
discours suivant, dont chaque parole dite et entendue distinc-
tement excite au plus haut point l'intérêt de l'auouste as-
semblée.
Eminence,
Messeigneues,
Messieurs,
C'est en vain que je demanderais à la parole de pouvoir vous dire
l'ardeur inexprimable des sentiments qui, en ce moment, se pressent en
foule dans mon cœur, tant je me sens ému par le magnifique accueil
dont je suis l'objet depuis le premier instant où il m'a été donné de
poser le pied sur ce sol béni du Canada. Les termes me manquent, si
vive est Tadmiration, si douce la joie, si profonde la reconnaissance dont
mon âme se sent pénétrée jusqu'au plus intime d'elle-même !
Je savais bien déjà avec quelle sollicitude pleine d'amour se préparait,
en cette illustre cité, si digne d'être appelée VILLE-MARIE, la célébra-
tion du XXIe Congrès Eucharistique International. Je savais le zèle
incomparable déployé par son très digne Archevêque, que seconde si bien
son clergé, et par tous les évêques si méritants du Dominion. Je savais
l'intelligente coopération du Comité permanent dont le très prévoyant
et très vigilant président n'hésita pas à braver, l'hiver dernier, les furies
de l'océan, uniquement pour venir faciliter et régler la préparation du
Congrès. Je savais l'activité et le dévouement de votre Comité local, la
générosité de votre cité, la bienveillance de vos autorités municipales,
provinciales, fédérales, l'empressement de vos populations, enfin la sainte
émulation de toutes les classes de la société canadienne pour donner à
ces fêtes un éclat sans pareil.
J'étais donc convaincu que le Congrès Eucharistique de Montréal ne
le céderait en rien à tous ceux qui l'ont précédé, et confirmerait, une fois
de plus, la renommée de foi et de piété si bien méritée dans le monde
entier par les catholiques canadiens. Mais, je le confesse bien haut :
devant le spectacle qui se déroule sous mes yeux, mon attente et mes pré-
visions sont surabondamment dépassées.
Je me couvrirais de confusion si j'osais, un seul instant, penser que
les ovations enthousiastes dont je suis l'objet s'adressent à mon humble
personne. Bien au contraire, ce qui fait l'étendue et la plénitude de ma
joie, c'est de voir que ces démonstrations visent bien plus haut, s'adres-
sent à l'Auguste Personne de Celui qui m'envoie au milieu de vous pour
présider encore une fois au nom de Son Autorité Pontificale et Souve^
raine, ces solennelles assises eucharistiques.
Oh ! qu'il est beau le spectacle que donne, en ce jour, à l'univers tout
entier l'Eglise Catholique, en cette terre fortunée d'Amérique ! L'Europe
tend la main à l'Amérique et l'Amérique, dans un élan sublime, s'unit à
elle pour exalter ensemble le plus grand des Sacrements sous la conduite
et avec les encouragements du Pasteur Suprême !
Permettez-moi de faire de cette consolante pensée le sujet principal
des quelques paroles que je vais adresser à l'ouverture de ce Congrès.
Il semblait au premier abord que les difficultés d'un si long voyage
dussent priver l'Amérique de l'honneur et de la satisfaction d'avoir en
son sein un Congrès Eucharistique International. Mais la foi trans-
porte les montagnes, et quand elle est enracinée dans les cœurs comme
elle l'est dans les âmes canadiennes, elle ne regarde pas les difficultés;
elle envisage seulement le besoin qu'elle a de s'affirmer et de se mani-
fester. Ainsi l'a entendu le Prélat plein de mérites, qui a le bonheur
de gouverner cet illustre archidiocèse, et il a suffi qu'il dise une parole
au Congrès mémorable de Londres, pour que la main fut mise sans
retard à une entreprise si ardue, et que l'heureux succès en fut assuré.
A Montréal appartient l'honneur de recevoir dans ses murs le premier
Congrès Eucharistique International tenu sur le continent américain;
mais tout annonce que, grâce à ce premier exemple, les Congrès Eucha-
ristiques Internationaux se succéderont les uns aux autres en Amérique
même, en alternant avec ceux d'Europe et des autres parties du monde.
]Sr'est-ce pas là l'efi'et de cette universalité dans l'unité, qui est le
propre de l'Eglise de Jésus-Christ?
Ai-je besoin d'insister pour faire ressortir ce double caractère de ca-
tholicité et d'unité, qui jaillit du spectacle qu'il nous est donné de con-
templer ?
Un grand événement a révélé, à la fin du quinzième siècle, les desseins
que la Providence se réservait d'accomplir dans les temps modernes. Le
jour où il permit la découverte de l'Amérique, Dieu dit à son Eglise,
comme il l'avait dit à son divin Fils : " Je te donnerai ex héritage
TOUTES LES NATIONS DE LA TERRE." Je te donnerai les populations in-
nombrables de ces immenses régions; elles s'ajouteront à celles que tu
comptais déjà dans ton sein. Je susciterai des apôtres, qui, du Xord au
Midi, répandront dans ces terres nouvelles mon Evangile. Us parleront
les diverses langues; ils répandront partout la vérité. Ici, tout parti-
culièrement, dans cette belle vallée du Saint-Laurent, viendront de
France, dans la première moitié du dix-septième siècle, des champions
de la foi et de la civilisation, qui transformeront en peu de temps cette
île déserte, couverte de forêts, y fonderont une colonie, avec le but d'y
établir la religion catholique et de travailler à la conversion des peuples
sauvages.
Le Canada sera le berceau d'une grande chrétienté, dont les diocèses
se multiplieront au point de constituer, peu à peu, un vaste réseau
d'églises, qui, à leur tour, deviendront les berceaux de nouveaux centres
et de nouveaux développements.
Deux siècles et demi seront à peine écoulés que l'Amérique catholique
du Nord verra tous ces diocèses florissants et attachés à l'antique hié-
rarchie des églises de l'ancien monde; l'Universel Pasteur, prenant
directement sous sa houlette ces nouveaux et immenses pâturages,
montrera à l'univers étonné l'ancien et le nouveau monde réalisant à la
face du genre humain l'universalité de l'Eglise prédite par le Sauveur
à ses Apôtres: "vous serez mes témoins jusqu'aux extrémités de
LA TERRE : l'eSPRTT QUE JE VOUS ENVERRAI VOUS PERMETTRA DE RENOU-
VELER LA FACE DE LA TERRE."
Et cette universalité, providentiellement préparée, où éclate-t-elle
mieux qu'en un Congrès International comme celui-ci, où j'ai la satis-
— 38 —
faction de saluer, au nom du Saint-Père, des représentants de toutes les
races et de toutes les nationalités, réunis comme les membres d'une seule
et même famille; des évêques venus de tous les points de l'Orient et de
l'Occident, des prêtres de divers rites accourus de tous les pays; des
fidèles de toutes les langues, comme le Jour de la Pentecôte? Oui, ce
rassemblement merveilleux s'est accompli malgré les abîmes des océans,
franchis d'un côté et de l'autre, avec la rapidité de la vapeur, à l'aide
des progrès de la science mis au service de ce rapprochement admirable
des continents et des peuples, pour reproduire ici, comme en un résumé
manifeste et éclatant, l'universalité, ou la catholicité de l'Eglise.
D'autre part, elle n'est pas moins admirable, la belle, la forte unité,
dont nous sommes ici les témoins : unité des esprits dans la vérité ; union
des cœurs dans l'amour; TJna fides, cor unum. D'un côté et de l'autre
de l'océan, nous chantons le même Credo. Ni les distances, ni les mers,
ni le temps, ni l'espace ne peuvent affaiblir les liens qui nous unissent
dans un même amour. L'accueil même fait au Cardinal-Légat atteste
au monde votre amour et votre obéissance pour Celui, qu'avec tous les
catholiques, vous reconnaissez à Eome, comme l'unique Chef, l'unique
Pasteur, l'unique Père de vos âmes. Oii rencontrer ailleurs pareille
unité de foi, pareille unité de Chef, pareille union des âmes dans la cha-
rité, dans la doctrine, dans la conduite? Disons seulement que si cette
unité est apparue magnifique à Bruxelles, à Cologne et en tant d'autres
de nos villes d'Europe, voisines de Eome, elle éclate encore bien davan-
tage en cette Eome du Nouveau-Monde, où en dépit de la distance de
cette cathédrale qui s'efforce de reproduire la Basilique Vaticane, vous
vous montrez, par l'esprit et le cœur, aussi près de la vraie Eome, que si
l'océan ne nous séparait pas plus du Vatican, que le Tibre coulant à ses
pieds.
Cependant, le secret de cette unité, le lien de cette union où est-il ?
Il est dans le sacrement qui a provoqué le Congrès, qui en est l'âme
et la raison d'être, il est dans l'Eucharistie.
Groupés autour du même autel, unis dans l'offrande de la même vic-
time, assis à la même table, invités au même banquet, nous buvons tous
au même Calice, nous mangeons tous le même pain, et ce pain est le
même Corps; le Corps de Celui qui en s'unissant à nous nous unit tous
à Lui. " Omnes unum corpus sumus qui de uno pane manducamus."
Et ce mystère est le même sous tous les cieux et sur toutes les plages;
sous les formes variées des divers rites, c'est le même culte rendu à la
même Hostie, au Cénacle et aux Catacombes des premiers siècles, comme
à nos Congrès du vingtième siècle, à Jérusalem comme à Eome, à Paris
comme à Cologne, à Londres comme à Montréal !
Et maintenant, pourquoi convient-il de célébrer tout spécialement ici,
à Montréal, ces premières Assises du Congrès Eucharistique qu'on peut
appeler intermondial, puisqu'il réunit pour la première fois l'ancien et
le nouveau monde, dans la solennelle louange de l'Eucharistie?
L'histoire nous raconte " qu'un Jeudi de février 1642, quelques âmes
" d'élite, trente-cinq prêtres ou laïques, s'étant assemblés en la grande
" église Notre-Dame de Paris, ceux qui portaient le saint caractère du
" sacerdoce dirent la messe et les autres communièrent à l'autel de
" Marie, Eeine des Miracles. Là, ayant le Sauveur du monde avec eux,
— 39 —
" ils dédièrent à la Sainte-Famille l'Ile de Montréal, qu'ils allaient évan-
" géliser et voulurent qu'elle se nommât Notre-Dame de Montréal."
C'est donc au Saint Sacrifice de la Messe et dans la communion que
les héroïques fondateurs de Montréal prirent la résolution de réaliser
leur noble entreprise.
Le 18 mai de la même année, arrivés à Montréal, ils dressèrent aussitôt
un autel; leur premier acte fut la célébration de la messe: c'était
aussi la première en ce lieu. Le Saint Sacrement resta exposé pendant
tout le premier jour, sur cet autel improvisé, comme pour permettre à
Notre-Seigneur de prendre possession, sur son trône, du nouveau
royaume qui allait lui être offert. N'était-ce pas un premier Congrès
Eucharistique du Canada et de l'Amérique? C'était en tout cas, dans
les desseins de Dieu, la préparation du Congrès de 1910. Le mission-
naire qui prêcha à cette messe mémorable, prophétisa, devant les
quarante Congressistes d'alors, le grand Congrès d'aujourd'hui en disant :
" Ce que vous voyez n'est qu'un grain de sénevé; je ne fais aucun doute,
" que ce petit grain ne produise un grand arbre, ne fasse un jour des
" merveilles, ne soit multiplié et ne s'étende de toutes parts."
Ces merveilles, ce grand arbre nous l'avons sous les yeux, comme le
rappelait, l'autre jour, le premier magistrat de cette ville. Il avait bien
raison, un des plus méritants évêques en ce pays, (1) lorsqu'il disait, qu'il
est difficile de trouver dans les annales de l'histoire de l'Eglise une fon-
dation plus éminemment eucharistique que celle de Montréal ! Voilà
pourquoi, dans cette terre si eucharistique tant d'œuvres pieuses ont
germé en si peu de temps, tant d'écoles chrétiennes ouvertes, tant de
magnifiques églises érigées, tant d'établissements charitables, une célèbre.
Université dont on est légitimement fier, tant de congrégations et de
sociétés saintes, à la tête desquelles la famille de M. Olier, d'un côté, celle
de Marguerite Bourgeoj's de l'autre, mêlées toutes deux à la fondation,
ont toujours tenu le premier rang.
Un jour d'hiver, un incendie éclata à l'Hôtel-Dieu de Montréal; le
vent soufflait avec violence; la ville était manifestement menacée. Un
prêtre se précipite à la chapelle, prend le saint Ciboire, va le déposer sur
la neige, où des religieuses passent la nuit en prière, autour de Lui, on
transporte, ensuite, processionnellement le Saint Sacrement en lieu sûr,
où on l'adore et on implore miséricorde. L'Hôtel-Dieu fut brûlé ; mais
la ville entière était sauvée. Laissez-moi voir en cette histoire une
image des résultats de nos Congrès.
Que sont, en effet, nos manifestations eucharistiques si populaires,
sinon une réaction solennelle de ferveur et d'amour, une préservation
efficace en face des froideurs glaciales et de la nuit épaisse qui enva-
hissent tant d'âmes de nos villes et de nos campagnes?
Et qu'est-ce que cette propagande effrénée du vice et ces entraînements
des passions mauvaises, qui font tant de victimes, sinon un incendie
moral, qui menace nos sociétés modernes de je ne sais quelles ruines?
Qu'opposer à cet incendie dévastateur, sinon le préservatif par excel-
(1) Mgr J. M. Emard, évêque de Valleyfield.
— 40 —
lence, sinon le Saint Sacrement avec sa puissance divine pour éteindre
les flammes de la haine et de la passion ?
C'est ce que nous faisons à Montréal, comme nous l'avons fait ailleurs,
guidés et dirigés toujours par la parole apostolique du Souverain
Pontife. Ici comme ailleurs, nous en attendons de grandes victoires
eucharistiques. Puisse notre Congrès être la source d'une nouvelle
fécondité catholique pour l'Amérique! Puisse-t-il arrêter l'incendie
menaçant dïdées subversives, allumé dans l'ancien et dans le nouveau
monde ! Que Jésus-Christ soit de plus en plus honoré et glorifié ! Que
l'union avec son Vicaire sur la terre, qui est le centre de l'unité, se res-
serre toujours davantage !
Cette confiance, je la conçois parce que la Vierge qui présidait au
Cénacle à la naissance de l'Eglise, la Vierge à qui les prêtres doivent le
corps et le sang de Celui qu'ils offrent sur l'autel et qu'elle a donné au
monde à Bethléem et au Calvaire, où ont eu lieu les premières adora-
tions et la première messe; cette même Vierge, cette Princesse des
Miracles, comme l'ont appelée les premiers fondateurs, a présidé à la
naissance de cette ville, qui porte son nom, qui lui a confié tout son
avenir et lui garde un culte constant et filial. Elle ne peut ne pas vous
couvrir de son ombre protectrice.
Cette confiance, je la conçois encore, parce que c'est le Pape qui, d'une
manière spéciale, bénit cette réunion et la préside par l'intermédiaire
de son Légat. C'est lui qui nous dit dans sa lettre : " Cœtum vero
ipsum, felicem exitum habiturum persuasionem injiciunt tum Sacrorum
Antistitum atque illustrium virorum qui aderunt spectata virtus, tum
nobilissimae istius gentis alacritas in excipiendis efficiendisque omnibus,
quaecumque vestris in consiliis erunt constituta." Paroles bien encou-
rageantes pour nous tous, et tout particulièrement pour les catholiques
canadiens, et pour Vous, illustres Prélats, qui représentez ici une élite
de la Sainte Hiérarchie. Et vous aussi, chers Congressistes, vous n'êtes
point des séparés, ou des indépendants de la hiérarchie sacrée. Unis à
l'Episcopat et, par lui, au Souverain Pontife, votre présence ici est le
gage de la joie que nous réserve l'union avec l'Hostie Divine; elle est le
présage de nouveaux triomphes !
Enfin, pourquoi n'exprimerai-je pas cette espérance? De même que
sainte Geneviève rendait la vue à sa mère ; de même que Jeanne, la Bien-
heureuse, rendait la vie à sa patrie, ne serait-il pas permis d'évoquer le
vœu que cette nation, fille de la France, qui s'appela jadis la Nouvelle-
France, la nation canadienne, dis-je, qui procure à Jésus dans l'Eucha-
ritie un triomphe incomparable, obtienne de la divine clémence au pays,
qui lui donna le souffle de vie, de voir comme auparavant, de recouvrer
avec la liberté religieuse, la vie de foi de ses ancêtres?
Je salue encore sur l'étendard populaire canadien un emblème sacré,
qui est un nouveau motif de confiance. C'est le Cœur Sacré de Jésus,
source eucharistique par excellence, fontaine intarissable, d'où jaillit le
fleuve de sang, dont saint Jean-Chrysostôme a dit qu'il purifie, embellit
et embrase l'univers tout entier; " Christi sanguine lavatur, ornatur et
incenditur orbis."
Qu'il en soit donc ainsi; et que d'une hémisphère à l'autre l'Eucha-
ristie étende ses effets merveilleux; que de ce pays, dont les côtes sont
— 41 —
baignées par trois océans, elle rayonne sur tous les continents, sur les
peuples anciens et les nouveaux, qu'elle en écarte toute souillure et toute
impureté, qu'elle y fasse germer toutes les vertus et tous les héroïsmes,
qu'elle allume enfin, dans tout l'univers le feu sacré du saint amour et
le zèle invincible des plus féconds apostolats.
Ainsi soit-il.
Après ce discours Mgr l'archevêque monte à sou tour en
chaire et s'exprime ainsi:
Eminentissime Seigneur,
Par quelles paroles exprimerai-je la joie et la reconnaissance dont tous
les cœurs débordent en ce moment? Xous vivons, nous, citoyens de
Ville-Marie, une heure unique dans notre histoire nationale. Xos pères
n'auraient jamais espéré la voir; mais ce sont eux peut-être qui nous
l'ont méritée par leurs généreux sacrificees et leurs héroïques vertus.
Ceux qui viendront après nous n'en verront probablement jamais de
semblable.
C'est l'heure du triomphe pour le Christ et son Eucharistie, l'heure de
la consolation pour l'Eglise et son Chef suprême, l'heure des affirma-
tions solennelles pour la foi de notre peuple, l'heure des bénédictions et
des grâces.
Sur nos fêtes qui commencent, je vois, il me semble, le ciel grand
ouvert pour accueillir les acclamations qui vont monter de notre terre et
laisser tomber sur elle l'abondance de ses faveurs.
Eminentissime Seigneur, il vous en souvient, au milieu des inou-
bliables solennités eucharistiques de Londres, en présence des représen-
tants de tout l'univers catholique, répondant à de vénérables et
sympathiques prévenances, je sollicitais timidement pour le Canada
l'honneur d'un prochain Congrès et j'osais prédire une ovation éclatante
à notre divin Sauveur sur les rives du Saint-Laurent. L"n acquies-
cement enthousiaste qui m'émut jusqu'aux larmes répondit à ma prière.
C'était, je l'avoue, un rêve dont la réalisation ne semblait pas facile,
mais vous l'avez approuvé, Eminentissime Seigneur, le pape l'a béni, et
voici, maintenant, la douce réalité sous nos yeux; ce soir s'inaugure à
Montréal, le XXIe Congrès Eucharistique International , et votre
pourpre sacrée vient jeter sur lui l'éclat dont elle a fait briller les der-
niers Congrès de Cologne et de la Métropole de l'Empire Britannique.
Pie X vous envoie le présider en son nom, et par conséquent, c'est sa
personne vénérée que nous pouvons saluer et acclamer en vous.
Pour vous accueillir, notre Cathédrale s'est illuminée de mille feux
nouveaux, et vous y êtes entré, escorté de ces vaillants zouaves qui, il y a
quarante ans, volaient à Kome pour la défense de la papauté. Son dôme
et le baldaquin de son autel vous font penser un peu à la Basilique de
Saint-Pierre. C'est une œuvre de foi et d'amour. Xous avons fait
comme des fils qui, loin de leur mère, tiennent à mettre sous leur regard
son image vénérée.
— 42 —
A cette chaire vont désormais s'attacher pour nous d'émouvants sou-
venirs, puisque, par la voix de son légat, le pape lui-même nous y fait
entendre ses accents les plus paternels et les plus touchants. En vérité,
l'honneur qui nous est fait est grand, et notre pays l'a apprécié comme
il devait le faire.
Qu'il me soit permis de vous le dire, Eminentissime Seigneur, l'Œuvre
du Congrès Eucharistique qui semblait présenter tant d'obstacles, s'est
accomplie, avec l'aide de Dieu, dans l'harmonie la plus complète des
esprits et des volontés.
Les diocèses du Canada et des Etats-Unis nous ont prêté un admirable
concours. L'Eglise d'Amérique tout entière a compris que c'était
bien sa fête, une fête sans égale qui se préparait pour elle et a fait con-
verger vers Montréal ses précieux encouragements et ses générosités.
Voyez-la, Eminentissime Seigneur, représentée autour de vous par ses
illustres évêques et ses milliers de fidèles. Mais voici que toutes les
parties du monde se joignent à elle dans un bel élan de foi et de charité
fraternelle. Leurs délégués sont accourus: princes de l'Eglise, prélats,
prêtres, fidèles franchissent de longues distances, sans souci pour la
fatigue et les dépenses du voyage; l'Orient et l'Occident sont ici réunis:
Ville-Marie est devenue soudain un point glorieux dans le monde, et plus
que jamais mérite, semble-t-il, le beau titre de Eome de l'Amérique qui
lui a jadis été décerné.
Je me fais un devoir en cette circonstance solennelle, Eminentissime
Seigneur, de proclamer la bienveillance extraordinaire avec laquelle nos
frères séparés ont accueilli la nouvelle de notre congrès. Ils en ont
parlé dans leurs journaux comme de l'événement le plus grandiose et le
plus heureux; plusieurs nous ont offert leur or et même leur demeure,
pour y loger les hôtes distingués que nous attendions. Us respectent
nos tabernacles. C'est dans l'attitude la plus digne qu'ils verront passer
l'Hostie sainte au milieu de notre cité. Us comprennent que nous
sommes logiques avec une foi et des convictions pour lesquelles nous
serions prêts à mourir, et ils rendent par là un tacite hommage au beau
geste par lequel le parlement d'Angleterre se rendant au vœu des
millions de sujets catholiques de l'Empire, enlevait naguère de la décla-
ration royale des paroles injurieuses pour nos croyances. Est-ce le
réveil comme on l'a dit? Est-ce un pas vers l'unité doctrinale? Les
anciens jours reviennent-ils? C'est le secret de Dieu; mais dans tous les
cas qu'ils soient remerciés ceux qui n'ayant pas encore la foi ont agi
envers nous avec une telle magnanimité.
Eminentissime Seigneur, vous ne vous attendez pas à rencontrer dans
cette contrée encore jeune les superbes églises, les monuments de l'art,
l'opulence du vieux monde, mais laissez-moi vous en donner l'assurance,
vous verrez un peuple sincèrement croyant, comme celui que vous bé-
nissiez l'autre jour à Notre-Dame; des temples modestes, mais, qui,
chaque dimanche, se remplissent plusieurs fois et, dans ces temples, des
tables de communion chaque jour pieusement fréquentées; de nombreux
instituts religieux, voués à toutes les œuvres d'enseignement et de cha-
rité; de fidèles enfants de l'Eglise sincèrement soumis à ses lois et à ses
directions. Vous verrez de quelle liberté nous jouissons sous le drapeau
britannique et comment nous savons en profiter.
— 43 —
Eminentissime Seigneur, grâce à des attentions dont vous avez
apprécié toute la délicatesse, le superbe navire qui vous portait vers nos
rivages a ressemblé pendant quelques jours à une vaste cathédrale flot-
tante. Le Christ eucharistique avait à bord sa place d'honneur, son
autel et son trône. Il y a reçu les plus beaux hommages, et y a entendu
les plus ardentes prières, et ainsi déjà au sein des flots, vous préludiez
aux solennités du Congrès Eucharistique.
Sur le parcours de notre fleuve, Kimouski, Québec, Trois-Eivières,
Nicolet, Sorel, toutes nos catholiques paroisses, vous ont tour à tour
acclamé. Les cloches de leurs temples, les feux de joie, les drapeaux à
profusion, vous ont dit l'enthousiasme universel. Montréal, la ville de
votre noble mission, vous possède enfin; laissez-moi vous saluer comme
l'auguste prince de son Eglise et le premier de ses citoyens.
Les autorités municipales, vous l'avez vu, Eminentissime Seigneur,
n'ont rien épargné pour faire au représentant du Saint-Siège une ré-
ception digne de lui; vous ne recevrez pas moins de témoignages de
vénération sincère de nos gouvernants : plus d'une preuve vous en a déjà
été donnée.
A partir de ce moment jusqu'à la fin de nos pieuses assises, l'Eucharistie
sera l'objet de toutes nos pensées, de toutes nos études et de tous nos dis-
cours. Nous aurons les yeux tournés vers le siège infaillible de Pierre
et à chacune de ses décisions, à chacune de ses directions, à chacun de
ses désirs, nous dirons " Amen " du plus profond de notre cœur.
Bientôt dans nos rues, ornées d'arcs de triomphe et jonchées de fleurs,
cheminera librement, comme dans les allées d'un temple, la plus
imposante procession eucharistique qui se soit vue sur ce continent.
Alors, avec les évêques et les prêtres, prendront place dans le cortège,
gouverneurs et ministres, membres des parlements, magistrats, hommes
de toutes les professions libérales, professeurs d'universités, soldats,
ouvriers, fidèles de nos paroisses, tous unis dans un même sentiment de
piété et de foi envers l'adorable Sacrement de nos autels.
Ah ! que Jésus-Christ, le divin roi de nos âmes, garde toujours notre
pays comme il est aujourd'hui ; voilà, Eminentissime Seigneur, ce que
je vous prie de lui demander pendant que de l'autel érigé au flanc de
notre montagne, vous élèverez l'Hostie au-dessus de centaines de mille
hommes prosternés dans l'adoration et l'amour.
C'est bien la sainte semaine qui s'ouvre pour nous ce soir; daignez,
Eminentissime Seigneur, répandre sur chacun de ses instants les béné-
dictions dont le Souverain Pontife vous a fait le dépositaire.
Au moment de quitter l'Europe vous m'adressiez, à travers l'océan, ces
paroles qui ont ému tous les cœurs :
" Xous partons heureux pour le triomphe de l'Eucharistie ! "
Puisse ce vœu de votre Eminence se réaliser; qu'une joie céleste vous
récompense de votre zèle et de vos fatigues, et qu'à jamais notre ]\ront-
Eoyal reste dans votre souvenir tout illuminé des divines clartés de
l'Hostie.
— 44 —
La bénédiction du Saint-iSacrement suivit ces discours, ou
y exécuta le programme musical suivant:
CHRISTUS VINCIT Alex. Guilmanï.
COR JESU (Choral) J.S.Bach.
AVE VERUM (Chœur alla Capella) Théodore Dubois.
AVE MARIA (Chœur alla Capella) Amédée Tremblay.
TANTUM ERGO (Chœur) P. Mendelssohn.
LAUDATE DOMINUM Chs Bordes.
La foule impatiente attendait toujours au dehors. Pour la
dernière partie de la cérémonie, elle put pénétrer à l'intérieur
de la cathédrale et envahir les espaces laissés libres.
Ce soir-là même, de Montréal le cardinal envoyait au Pape
et au roi d'Angleterre les câblegrammes qui suivent :
A Sa Sainteté Pie X,
Rome.
Congressistes accourus à Montréal de tous pays, ancien et nouveau
monde, unis par amour à Jésus dans l'Eucharistie, même piété filiale à
Jésus dans son Vicaire, profondément reconnaissants à Sa Sainteté avoir
daigné envoyer Cardinal Légat les présider en son nom, fiers des cent
vingt évêques faisant couronne au Légat, enthousiasmé par les manifes-
tations splendides de foi du Canada, par accueil admirable archevêque,
par attentions délicates gouvernement et cité, mettent humblement aux
pieds de Votre Sainteté personnes, travaux, intentions ; professent
amour, obéissance, dévouement illimité au Pape restaurateur de tout
dans le Christ, implorent Bénédiction Apostolique sur premier Congrès
Eucharistique International tenu sur le continent américain, consti-
tuant événement considérable et affirmant pour première fois union
ancien et nouveau monde sur terrain religieux autour Eucharistie et
Papauté.
ViNCENzo, Cardinal Vannutelli.
En réponse, le Saint-Père expédiait ce message:
Rome, 6 sept. 1910.
Au cardinal Vincent Vannutelli^
Légat Pontifical, Montréal.
Saint-Père profondément touché si nobles sentiments exprimés par
Congressistes accourus en foule à Montréal des pays ancien et nouveau
monde avec 120 évêques, nombreux clergé autour Votre Eminence, pour
rendre sublime universel hommage de foi, d'amour à Jésus-Hostie en
— 45 —
ce premier Congrès Eucharistique International tenu sur continent
américain, apprend avec vive joie, émotion, splendides manifestations
piété admirable, union, dévouement, gouvernement, cité, peuple canadien
avec autorités religieuses s'unir de tout cœur aux Congressistes en ces
solennités touchantes et priant Jésus Eucharistie de répandre l'abon-
dance de ses faveurs sur les personnes et les travaux. Il envoie avec
effusion la bénédiction apostolique.
Cardinal Merry del Yal.
A Sa Majesté le Eoi Georges V, Londres.
Les catholiques de l'empire, évêques, prêtres et laïques réunis en
Congrès Eucharistique International à Montréal, prient Votre Majesté
d'agréer 1 hommage respectueux de leur inaltérable loyauté et l'expres-
sion de leur profonde reconnaissance pour les modifications apportées à
la déclaration royale. Avec eux, les autres Congressistes venus de toutes
les parties du monde offrent leurs vœux de bonheur et de prospérité à
Votre Majesté et à la famille royale.
Cardinal Vaxxutelll
Balmoral, 6 septembre 1910.
A Sox Emixexce le Cardixal Vaxxutelll
Je remercie sincèrement Votre Eminence et tous ceux qui sont pré-
sents au Congrès Eucharistique International, réunis à Montréal, de
l'expression de loyauté et des bons souhaits contenus dans le télégramme
que j'ai reçu aujourd'hui avec beaucoup de plaisir et de satisfaction.
Georges V.
C'était donc fait enfin. Le Congrès était ouvert. Les évê-
ques venus de partout, les prêtres, les fidèles allaient main-
tenant assister aux cérémonies que la température redevenue
clémente et sereine annonçait grandioses.
Le lendemain, mercredi, un dîner est offert par Sir Lomer
Gouin, premier ministre de la province de Québec, au cardinal
légat, aux évêques et aux principaux invités du Congrès Eu-
charistique. Il y a là plus de quatre cents convives, tant
ecclésiastiques que laïques. Panni ces derniers. Monsieur le
juge Girouard, administrateur du Canada, en l'absence de lord
Grey, Sir Louis Amable Jette, représentant le lieutenant-
gouverneur de la province; les ministres fédéraux, actuelle-
ment à Montréal, les députés et les sénateurs de la ville, les
— 46 —
ministres provinciaux, les membres de la législature pro-
vinciale, les juges en fonction, les juges en retraite, le maire
et les échevins de Montréal.
Le dîner a lieu dans la grande salle du Windsor, décorée
pour la circonstance aux couleurs pontificales et canadiennes.
Il n'y a que deux discours, l'un de Son Eminence qui porte la
santé du roi, l'autre de Sir Lomer Gouin, en réponse à celui
du cardinal et qui, à son tour, propose le toast au pape.
Voici le texte de ces deux discours:
Monsieur le Premier Ministre,
Permettez-moi de vous remercier chaleureusement de l'acte de haute
courtoisie que le gouvernement de la province de Québec accomplit au-
jourd'hui à l'égard du légat de Sa Sainteté.
Vous avez voulu, vous et votre gouvernement, prendre votre part des
fêtes inoubliables de ce congrès. Vous l'avez fait avec une cordialité et
un éclat qui me touchent profondément. Laissez-moi vous assurer que
j'en garderai le souvenir le plus ému, et parmi les protestations de
loyauté, les hommages de piété filiale que je recueille partout autour de
moi et que je reporte à l'auguste pontife que je représente, il n'en est
pas, croyez-le bien, qui apporteront à son cœur une plus douce conso-
lation.
Je suis depuis quelques jours à peine dans cette province, Monsieur le
ministre, et j'admire avec une joie particulière l'esprit de bienveillante
tolérance qui marque ses institutions publiques, et les libertés religieuses
dont y jouit l'Eglise catholique. Quel bonheur que l'influence de cette
Eglise continue de s'exercer sur ce peuple dont elle a béni la naissance,
qu'elle a porté dans ses bras, dont elle a guidé les premiers pas, et dont
elle suit la croissance magnifique du regard le plus maternel. En face
des problèmes économiques qui se posent aujourd'hui à l'attention de
tous les gouvernants, elle vous offre une sécurité de principes, une ga-
rantie de paix sociale dont il faut remercier vivement la divine Pro-
vidence.
Je n'ai garde d'oublier en ce moment que cette somme de libertés qui
permet ici à l'Eglise de rendre de si précieux services vous a été assurée
par la couronne britannique, qui vient de montrer une fois encore com-
ment elle entend respecter les légitimes susceptibilités de ses sujets
catholiques, et le touchant télégramme que Sa Majesté le roi daignait
m'adresser hier nous dit les nobles et sympathiques sentiments qui
l'animent à leur égard.
Aussi, Monsieur le ministre, après avoir exprimé de nouveau toute
ma gratitude à vous et au gouvernement que vous présidez, je veux
donner le plus libre cours aux sentiments de reconnaissante admiration
dont mon cœur est rempli en proposant la traditionnelle santé du roi et
de la famille royale.
— 47
Emixexce^
Excellences^
Messeigneurs^
Messieurs,
Avant de nous séparer, j"ai un devoir bien doux à remplir; celui de
dire à Son Eminence le Cardinal Vannutelli, au nom de mes concitoyens
catholiques de la province de Québec, la vénération que nous avons tous
pour le chef de la plus grande communauté de chrétiens qui existe sur
la terre, pour ce pontife qui possède dans les respects du monde une
royauté inviolable qu'aucune puissance ne pourra jamais lui ravir, pour
ce pilote que Jésus-Christ lui-même a mis sur une barque qui a connu
toutes les tempêtes, mais jamais le naufrage, pour cet auguste vieillard
qui porte le poids de son noble travail avec la vigueur et toute la vail-
lance de la jeunesse.
Pour nous prouver sa paternelle affection, Sa Sainteté Pie X a voulu
se faire représenter par un des princes les plus distingués de la cour
pontificale à cette fête qui fera le sujet d'une des plus belles pages de
l'histoire religieuse, non seulement du Canada, mais de toute l'Amérique,
Eminence, nous vous prions, à votre retour dans la Ville éternelle, d'ex-
primer à Sa Sainteté toute notre sincère et filiale reconnaissance.
Vous lui direz aussi que vous avez trouvé dans cette province de
Québec des milliers et des milliers de croyants dociles à son enseigne-
ment, respectueux pour son ministère, dévots à son autorité.
Ces croyants — et j'en suis — savent qu'il est sur la terre une colline
auguste qui, comme le Sinaï, lance des éclairs, et que ces éclairs illu-
minent la marche de la civilisation depuis dix-neuf cents ans.
Ils savent que sur cette colline, qu'on appelle le Vatican, règne un roi
qu'on a pu dépouiller de ses Etats, mais non de ses vertus et de sa
majesté, que tous les chemins qui mènent à la demeure de ce souverain
ne désemplissent jamais, et que les peuples accourent de tous les pays
pour lui apporter leurs présents avec leur respect.
Ils savent que ce roi est le représentant de Jésus-Christ sur la terre,
qu'il est de la grande dynastie des papes; de cette dynastie chez qui
semble se réaliser cette merveille dont parle quelque part le poète latin :
quand il en tombe un rameau d'or, il en fleurit toujours un autre et qui
est d'or aussi; de cette dynastie que l'on pourrait comparer aux phares
qui éclairent notre grand fleuve, lesquels résistent à toutes les tempêtes
et dont la lumière ne s'éteint pas ; de cette dynastie qui, depuis dix-neuf
siècles, force tout homme sincère à l'admirer, parce qu'elle n'a qu'un
objectif : les âmes, qu'un but : l'enseignement, la purification, l'ennoblis-
sement et la transfiguration de la race humaine.
Ils savent, avec l'historien protestant Macaulay, que la papauté est
pleine de vie et de jeunesse vigoureuse ; qu'elle a vu le commencement
de tous les gouvernements et de tous les établissements qui existent au-
jourd'hui ; qu'elle était grande et respectée avant que les Saxons eussent
mis le pied sur le sol de la Grande-Bretagne, avant que les Francs
eussent passé le Ehin, quand l'éloquence grecque était florissante encore
— 48 —
à Antioche, quand les idoles étaient adorées dans le temple de la
Mecque; et qu'elle pourra donc être grande encore et respectée alors que
quelque vo3^ageur de la Nouvelle-Zélande s'arrêtera, au milieu d'une
vaste solitude, contre une arche du pont de Londres, pour dessiner les
ruines de Saint-Paul.
Ces vérités, nous les croyons avec les docteurs et les conciles, avec
l'histoire et la tradition, avec la science et la vertu, avec les martyrs et
les sain^^s, avec les Sully, les Pitt, les Guizot, les trois hommes d'Etat
les plus remarquables peut-être que le protestantisme ait produits; ces
vérités, nous les croyons avec la foule des pauvres, des simples, des
humbles femmes, des pieux pèlerins qui, depuis plus de dix-neuf cents
ans, vont baiser la sandale du. divin Pêcheur et qui se relèvent en disant:
Très saint Père.
Ce titre de " Père," nous aimons à le donner au chef de la catholicité ;
en le prono:T;ant, nous sentons ce que l'affection a de plus tendre s'unir
en nous à ce que le respect a de plus profond.
On nous accuse parfois d'obéir, en la personne du Pape, à un chef
étranger. Etranger ! peut-il l'être pour quelqu'un, celui qui est bien-
faiteur universel, celui qui a relevé la dignité humaine, celui qui a
donné au monde, après les avoir recueillies au Calvaire, la vraie liberté,
la vraie égalité et la vraie fraternité. Nous reconnaissons l'état libre et
indépendant dans les choses temporelles: mais dans les choses spiri-
tuelles nous admettons que le Pape a le monde pour royaume, qu'il est le
père de la catholicité toute entière; et comme nous sommes ses enfants,
c'est notre droit autant que notre devoir de tresser autour de sa tête une
couronne faite de confiance, d'amour et de prière.
Eminence, voilà nos croyances et elles sont vives, voilà nos sentiments
et ils sont profonds. Vous voudrez bien les exprimer au Saint-Père, et
vous lui ajouterez que ses enfants de la province de Québec demandent
à Dieu tous les jours de le conserver longtemps encore à leur affection,
à leur respect, à leur vénération.
Que la vieillesse soit pour lui l'épanouissement suprême de ses nobles
facultés ; que les ressources de sa belle âme grandissent et se déploient à
mesure qu'il se rapprochera du ciel qui l'attend.
Tels sont les vœux qui sortent de nos cœurs ; et s'il suffit à des vœux
d'être sincères pour être exaucés, Pie X vivra longtemps, il sera heureux
ce grand Pape qui dans l'histoire portera le nom de Pape de l'Eucha-
ristie.
Eminence, Excellences, Messeigneurs, Messieurs, je vous demande de
lever vos verres à Sa Sainteté Pie X.
49
Le soir de ce même jour le gouvernement fédéral donnait
une réception à l'hôtel Windsor en Thonneur du légat et des
personnages distingués venus à Montréal à l'occasion des.
fêtes eucharistiques. Dès avant neuf heures les salons et
les corridors de l'immense édifice sont envahis par une foule
considérable de quatre à cinq mille personnes. On j voit des
soutanes et des redingotes; des militaires et des civils, des
dames en grande toilette et des consuls en brillants uni-
formes se coudoient, s'arrêtent, causent en attendant qu'ar-
rive le cardinal. Celui-ci fait son entrée vers dix heures et
est reçu par les honorables Murphy, Cartwright, Borden, Bro-
deur et Fisher, ministres du cabinet. A cause des fatigues
de la journée il ne s'arrête que quelques instants et repart
sans que la foule compacte et qui pouvait à peine bouger, s'en
soit aperçue. Au dehors toutefois la multitude qui n'a pas
pu pénétrer, le salue de ses vivats et se porte ensuite vers
Notre-Dame où doit avoir lieu la messe de minuit.
Cette niesse de minuit reste l'une des inoubliables fêtes du
congrès. Préparée par une heure solennelle d'adoration, elle
déroula ses pompes incomparables devant un auditoire im-
mense et pourtant recueilli et pieux. Vingt évêques pré-
sents au sanctuaire, un nombre considérable de prêtres, les
enfants de chœur tout blancs, les pages costumés de satin et
de dentelles, la musique exécutée par trois cents voix et qua-
rante instruments, les nefs ruisselantes de lumières, le
chœur tapissé de la base au faite de guirlandes de fleurs à
travers lesquelles brillaient les milliers d'ampoules électri-
ques, tout contribuait à faire de cette cérémonie un spec-
tacle unique en grandeur et en beauté. Cinq mille hommes,
à la communion, s'approchèrent de la Sainte Table et ce long
défilé de chrétiens convaincus était pour nous le gage des
victoires désirées et nécessaires.
— 50 —
A Févangile, Mgr Roy, évêque auxiliaire de Québec, pro-
nonça l'allocution qui suit:
Messeigneues,
Mes Feères,
Béni soit Jésus au Très Saint Sacrement de l'autel ! C'est l'accla-
mation qui monte, en ces jours, de la terre canadienne, et où s'affirme
la foi de tout un peuple au Dieu de l'Eucharistie. C'est le cantique de
joie que chantent nos âmes, à cette heure inoubliable, parmi le splendide
décor de ce temple et la pompe auguste de cette messe de minuit. 0
mon pa3's, sois fier de l'honneur qui t'arrive en cette grande semaine !
Mont-Royal, tressaille d'allégresse sous le souffle divin qui passe, et
garde longtemps à ton front le rayonnement de la gloire du Thabor qui
t'enveloppe en cette veillée eucharistique ! Et vous, digne archevêque
d'une si heureuse cité, soyez remercié d'avoir préparé à nos cœurs cette
grande joie et à Jésus-Hostie cet incomparable triomphe.
De cette nuit on peut bien dire ce que la liturgie chante d'une autre
nuit qui fût témoin d'un grand triomphe: 0 beata noxl 0 vers heata
nox! ! 0 nuit vraiment bienheureuse, qui vois resplendir dans tes
ténèbres le divin Soleil de justice, et qui nous montres dans l'Hostie
adorée, offerte et mangée le triple triomphe de la foi, de l'expiation et
de l'amour!
Triomphe de la foi. — ISTul mystère ne soumet notre foi à une plus
rude épreuve que le mystère d'un Dieu caché et comme anéanti dans
l'Hostie. L'humiliation où il fait descendre Dieu déconcerte notre
orgueil. La raison humaine se heurte aux miracles qu'il suppose.
Et cependant, le monde a accepté ce mystère, et en présence de ces
étonnants miracles, il a cru. Et le fondement inébranlable de sa foi,
c'est la parole de Jésus-Christ : Ipse dixit. Oui, Il l'a dit. Et, telle est
la confiance du peuple chrétien que la parole du Maître a résisté à tous
les assauts de l'incrédulité, triomphé de tous les efforts de l'Enfer, qui,
depuis vingt siècles, cherchent à prévaloir contre elle.
ISTon seulement on croit à cette parole qui ne passe pas, mais c'est au-
tour de la profession de foi qu'elle soutient, que se groupent les actes les
plus importants de la vie catholique ; c'est sur elle que s'appuie toute la
dévotion eucharistique; et cette dévotion est la clef de voûte de l'édifice
spirituel.
Quelle superbe démonstration de cette foi en la parole du Christ nous
est offerte par ce congrès ! Quel beau triomphe elle remporte en cette
nuit bénie !
C'est elle qui groupe en cette nef imposante les quinze mille prêtres
et fidèles qui s'y pressent. Venus de partout, sortis de tous les rangs de
la société, appartenant à toutes les races et parlant toutes les langues, ils
sont les témoins de la vivante Hostie, à laquelle ils apportent l'hommage
vibrant de leurs adorations.
C'est toujours elle, la même foi au mystère eucharistique, que pro-
clament avec une exceptionnelle grandeur les nombreux prélats et
évêques rassemblés autour de l'autel. Successeurs des apôtres, ils sont
— 51 —
les gardiens par excellence de Jésus-Hostie, les prédicateurs du mystère
de la foi, les augustes témoins qui portent en leurs mains la puissance,
dans leurs cœurs l'amour et sur leurs lèvres la parole du Christ leur
Maître adoré. Ils viennent ici chanter le Credo des cent églises dont ils
sont les chefs, et tresser, de leurs vénérables personnes, au Roi de nos
autels, une vivante et triomphale couronne.
En vérité, elle est bienheureuse la nuit où triomphe ainsi la foi : 0 vere
heata nox!
Triomphe de l'expiation. — Avec la foi c'est l'expiation qui triomphe
Bur cet autel, où un prince de l'Eglise, venu des antipodes, va lever vers
le ciel la sainte Victime, pendant que quinze mille âmes se tremperont
au sang du calice pour se purifier et pour expier.
L'Eucharistie, en effet, c'est le sacrifice rédempteur perpétué à travers
le temps et l'espace; c'est l'Agneau de Dieu fixé en permanence sur la
table de l'immolation pour y porter les péchés du monde.
Et voilà pourquoi, mes Frères, un Congrès Eucharistique n'est pas
seulement un grand acte de foi. Il est aussi une solennelle et efficace
expiation. C'est l'Eglise tout entière groupée au pied d'un autel,
réunissant dans son cœur et sjir ses lèvres tous les cris de repentir de la
terre pour les mêler à la prière de Jésus qui implore le pardon de son
Père en faveur du monde coupable.
Cette heure, mes Frères, ne vous en rappelle-t-elle pas une autre, dont
l'Evangile nous raconte les tragiques angoisses? C'était après l'insti-
tution de l'Eucharistie, vers minuit. Seul, au fond du jardin des Olives,
Jésus agonisait sous l'étreinte affreuge du péché. La grande douleur de
l'expiation le faisait pâlir et l'attristait jusqu'à la mort. Soudain, il
se lève et fait quelques pas. Où va-t-il? Eecule-t-il devant le sacrifice?
Veut-il échapper au baiser du traître qui vient le livrer? Xon; il
cherche des âmes vaillantes qui le consolent en s'associant à son
expiation. Hélas! les trois apôtres qu'il a choisis pour cette tâche su-
blime, dorment lâchement; et, dans les ténèbres de cette nuit désolée,
retentit la douloureuse plainte du Cœur abandonné : " Vous n'avez pu
veiller avec moi pendant une heure ! "
L'agonie du Cœur de Jésus se prolonge au tabernacle. Toujours le
flot amer du péché vient battre l'autel où la sainte Victime expie. Ne
sentez-vous pas qu'en ce moment le divin Agonisant sort de sa retraite,
et qu'il cherche encore des âmes qui le consolent en expiant avec lui ? Et
voici que, des ténèbres de cette nuit glorieuse, quinze mille disciples se
dressent, vigilants et courageux, pour dire au Maître : présents ! Vous
souffrez, 0 Jésus-Hostie, des blasphèmes qui vous insultent, des sacri-
lèges qui vous profanent, de l'indifférence qui vous désole, et vous cher-
chez des amis qui partagent vos souffrances et trempent avec vous leurs
lèvres au calice amer de l'expiation. Nous voici ! Notre amour, que
nous voudrions plus ardent, nos sacrifices, que nous voudrions plus géné-
reux, vous appartiennent. Nous voulons compléter votre passion
rédemptrice, mettre nos faibles épaules sous la croix qui porte les péchés
du monde. Avec vous, 0 Maître adoré, nous veillons pendant cette heure
d'expiation; avec vous nous faisons monter vers votre Père et le nôtre
la voix suppliante du repentir, le confiant appel du pardon.
Oui, vraiment, mes Frères, cette nuit est bonne et bienheureuse puis-
— 52 —
qu'elle voit triompher une telle générosité dans l'expiation : 0 vere beata
nox!
Triomphe de l'amour. — Mais de tous les triomphes qui illuminent
cette nuit eucharistique, le plus merveilleux et le plus doux au Cœur de
Jésus, c'est le triomphe de l'amour. Et il convient qu'il en soit ainsi.
L'autel est surtout le trône de l'amour, puisque, dans l'Hostie qu''l
porte, vit, s'immole et se donne Jésus qui est Dieu, et donc Charité,
Amour.
Et si vous voulez savoir l'extrême limite de cet amour, l'excès incom-
préhensible où il consomme ici-bas son triomphe, écoutez ces paroles :
" Prenez et mangez ; ceci est mon corps livré pour vous . . . Prenez et
buvez; ceci est mon sang. . . "
On chercherait en vain, dans l'histoire de l'humanité, un discours et
un acte qui rappellent, même de loin, celui-là. Jamais l'amour humain
n'a pu pousser aussi loin sa conquête. Pareil langage ne peut se trouver
que sur des lèvres divines; pareil cri d'amour ne peut jaillir que d'un
cœur divin. Il fallait, pour que l'homme l'entendît, que le Verbe de
Dieu se fît chair et habitât parmi nous.
Et cette parole, pas plus que les autres qu'a prononcées le Verbe in-
carné, n'est faillible et transitoire. Elle demeure, réalisée dans le grand
sacrement de l'amour. La table du divin banquet, oii elle fût prononcée
et mise à exécution, est restée dressée. Les convives n'y ont jamais
manqué. Et toujours, près de cette table, ils ont trouvé le sacerdoce
debout, dans l'attitude du Maître, investi de son pouvoir, répétant sur
le pain et le vin consacrés la mystérieuse parole de l'amour : " Prenez et
mangez; ceci est mon corps. Prenez et buvez; ceci est mon sang." Et
depuis vingt siècles, dans cette admirable étreinte de la communion,
l'amour triomphant établit son règne ici-bas et fait la conquête des âmes.
En cette nuit bienheureuse, nous allons être les témoins émus de ce
triomphe. La table est ici dressée avec une solennité qui rappelle la
nuit du Cénacle. Le Pontife, en qui revit la puissance du Christ, va
redire les paroles de l'amour divin : " Prenez et mangez .... prenez et
buvez ..." Et des rangs de cette foule immense, cinq mille catholiques
vont se lever. Convives de tout âge et de toute condition, ne formant
qu'un cœur où vibre le même amour, répondant à l'amour qui les invite,
ils vont se presser à la Table Sainte, ouvrir leurs lèvres à l'Hostie, et
donner à Jésus triomphant l'hospitalité de leurs cœurs.
Chers communiants, disciples que Jésus aime, quand vous reposerez
doucement sur la poitrine du Maître, souvenez-vous que pour achever ce
beau triomphe eucharistique, il faut que Jésus, après avoir régné sur
vous, règne sur les autres par vous. L'Amour que vous allez recevoir,
est un amour conquérant, un amour qui triomphe en se donnant.
L'Hostie qui va franchir vos lèvres, allumera dans vos cœurs un foyer,
dont la flamme est dévorante. Après vous avoir consumés, elle voudra
consumer les autres. C'est la flamme sacrée de l'apostolat. Celui qui
l'a apportée sur la terre, et qui la met en vous, n'a qu'un désir: la voir
brûler et rayonner toujours davantage.
Ce désir, chers amis de Jésus, vous voudrez qu'il se réalise en vous et
par vous. Pour cela, vous vous efforcerez d'être des hosties vivantes.
Vous ne laisserez pas Jésus disparaître en vous avec les saintes espèces.
— :3 —
Et vous ne serez pas seulement les tabernacles qui le renferment; vous
serez aussi, vous serez surtout les ostensoirs qui le montrent. Vos pen-
sées, vos paroles, vos actes, votre conduite tout entière, feront rayonner
autour de vous les bienfaits, la vertu conquérante de l'Eucharistie. De
la sorte s'achèvera l'œuvre de cette nuit triomphale: 0 beata nox!
D'avoir pu assister à tous ces glorieux triomphes, et d'y avoir parti-
cipé dans la mesure de nos forces, sera le meilleur souvenir que nous
garderons de ce Congrès. Avec ce souvenir dans le cœur, nous bénirons
sur terre le Dieu caché de l'Hostie, en attendant que nous allions bénir
dans le ciel le Dieu révélé de la gloire. Béni soit Jésus dans le Très
Saint-Sacrement de l'autel !
Jeudi était le jour des communautés religieuses. Elles se
rendirent à la cathédrale où devait avoir lieu la grand'messe.
Elle vinrent de partout, des couvents et des cloîtres, des
hôpitaux, des hospices, des pensionnats; dans leurs costumes
noirs, blancs, gris; désireuses, toutes, d'apporter à Notre-Sei-
gneur Jésus-Christ, l'hommage public de leur noble dévoue-
ment.
Elles écoutèrent attentives les discours que tour à tour leur
adressèrent Mgr Heylen, Mgr Bruchési et le cardinal-légat.
Voici ces discours:
" Memor sit omnis sacriflcii tui et holocaustum tuum pingue flat. "
" Que le Seigneur se souvienne de tous vos sacrifices et que votre
holocauste produise d'abondauts fruits. "
Il m'est doux de vous dire, tout d'abord, combien j'apprécie la faveur
qui m'est faite d'adresser à l'occasion du Congrès Eucaristique, la parole
aux communautés religieuses de la Ville de Montréal. Mgr l'Arche-
vêque m'a fait le plaisir le plus sensible à me réserver cet entretien avec
les auxiliaires nombreux et si appréciés que lui fournissent les ordres
religieux de sa ^àlle épiscopale et de son diocèse. Religieux moi-même,
j'aime à me retrouver au milieu de mes Frères et Sœurs en Jésus-Christ
et à me rappeler — comme il m'est donné de le faire en ce moment —
les années si douces et si regrettées que j'ai passées dans la vie monas-
tique.
Vous attendez de moi que je vous entretienne de la Très Sainte
Eucharistie. Le faire, en cette circonstance solennelle du Congrès, est
en quelque sorte un devoir de justice. Où apprécie-t-on mieux que dans
les cloîtres la grandeur du don divin? Où s'applique-t-on davantage à
le connaître, à l'aimer, à le glorifier? Où répare-t-on plus assidûment
les outrages et les oublis du monde? Le tabernacle n'est-il pas le centre
et le foyer de toute maison religieuse ?
Je vous parlerai donc de la Sainte Eucharistie. Rattachant ce sujet,
dont les horizons sont si vastes et si variés, à la nature spéciale de cet
auditoire, je me propose d'étudier en la Sainte Eucharistie le modèle de
la vie religieuse. Vous montrant du doigt le tabernacle, je voudrais vous
— 54 —
dire : Voilà l'exemplaire vers lequel chacun de vous doit constamment
diriger ses regards ! Voilà le modèle des devoirs spéciaux que vous
impose la vie religieuse !
Qu'est-ce, en effet, essentiellement, que la vie religieuse ? C'est la pour-
suite de la perfection de la charité chrétienne par l'observance des vœux
de pauvreté, de chasteté et d'obéissance, dans la vie commune que pro-
cure un Institut approuvé par l'Eglise.
Telle est l'essence de la vie religieuse. Vocation sainte, sublime, dont
jamais nous n'apprécierons assez la beauté ! Nous ne devrions pas cesser
de bénir le Seigneur de nous avoir ainsi choisis, dès notre enfance,
d'avoir fait germer en nous l'inclination à nous consacrer à lui, d'avoir
préservé nos cœurs des passions qui en ont perdu tant d'autres, et de
nous avoir ainsi unis à lui par des liens plus étroits que la mort.
Le mérite de la vie religieuse réside donc, avant tout, je le répète, dans
la pratique de la chasteté, de la pauvreté et de l'obéissance, mérite qu'ac-
croît la ferme et stable adhésion de la volonté dans le bien, qui est
procurée par les vœux de religion.
Or, Jésus résidant dans l'Eucharistie est pour nous le modèle,
l'exemplaire de la pratique des trois vertus de chasteté, de pauvreté et
d'obéissance. Tel sera le sujet de cet entretien. Puissent les dévelop-
pements qui vont suivre, en vous rappelant la grandeur de votre sacrifice,
vous stimuler à en accroître la fécondité et vous en donner les moyens !
Memor sit omnis sacrificii tui et holocaustum tuum pingue fiât.
L'Eucharistie est d'abord le modèle de la chasteté. Il est doux, dans
les heures d'adoration devant la Très Sainte Eucharistie, de méditer
quel est Celui qui est contenu réellement et en vérité dans la Sainte
Hostie : C'est Jésus, Vierge et Eoi des Vierges, qui a choisi parmi les
Vierges, sa mère et son père nourricier, qui a témoigné une prédilection
toute spéciale à S. Jean, l'apôtre vierge. " Jésus l'aima, dit la liturgie,
plus que les autres, par un privilège que lui avait mérité sa chasteté:"
car, choisi par Jésus étant Vierge, " il l'est resté à jamais." Il est doux
de se rappeler encore comment c'est Jésus qui a introduit dans le monde
le culte de la chasteté. C'était dans la troisième année de son ministère,
à l'occasion de son dernier voyage à Jérusalem. Il avait plaidé devant
les pharisiens la question de l'unité et de l'indissolubilité du mariage.
Entendant cet exposé, les disciples avaient trouvé sévère cette doctrine
à laquelle ne les avaient pas habitués les mœurs dégénérées du temps ; il
leur semblait dur le joug d'une union aussi sévèrement réglementée.
C'est alors que le Maître, allant de l'avant, leur déclara que ce n'était là
que le premier degré de la chasteté chrétienne et que la grâce devait
élever bien plus haut les âmes d'élite. Et comme cet enseignement ne
trouvait guère d'écho, pour le moment, dans l'âme des Apôtres, il ajouta :
" tous ne comprennent pas cette parole, mais ceux à qui il a été donné."
C'est donc ce Jésus, à qui le monde doit d'avoir connu la fleur de la
chasteté chrétienne, qui repose sous les voiles de la sainte Hostie.
Voyez, d'ailleurs, comment Jésus a pris soin de marquer, par les
apparences mêmes de ce grand Sacrement, son amour de la pureté.
— 55 —
L'Eucharistie a été instituée sous les espèces d'un pain et d'un vin très
purs. De tout temps, on a compris l'importance de ce sj-mbolisme et on
en a gardé fidèlement la tradition. Un cartulaire du temps de Charle-
magne recommandait déjà que l'on veille minutieusement à ce que le
pain, le vin et l'eau indispensables à la Sainte Messe, soient traités avec
extrêmement de netteté et de soin, et que jamais on n'y trouve rien qui
soit vil ou impur. De son côté l'Eglise, s'est toujours souciée de la sin-
cérité de la matière première du sacrifice, encourageant notamment les
mesures de précaution suggérées par la piété des fidèles et préconisées
par les Congrès Eucharistiques.
L'Eucharistie doit aussi être conservée dans des vases très purs et dans
des linges immaculés, dont la manipulation est réservée aux seules mains
sacerdotales. Saint Jérôme a consacré à son disciple Népotien un
touchant éloge pour la sollicitude qu'il mettait à tout ce qui touche la
sainte Eéserve. Saint Charles-Borromée n'a pas craint de faire un traité
complet des soins que requiert cette pureté. Et même, dans les premiers
siècles, la blancheur du lin employé aux linges d'autel, blancheur qui
n'est obtenue que grâce à un travail long et laborieux, était considéré
comme l'image de la sainteté lévitique, fruit d'un long et violent travail
sur soi-même.
L'Eucharistie est, de plus, traitée exclusivement par les prêtre^, qui,
au moins dans l'Eglise latine, ont fait le vœu de chasteté. L'Eglise
considère cette vertu austère comme l'une des obligations principales du
sacerdoce. Celui-ci y puise, d'ailleurs, sa force, sa fécondité, sa beauté.
Il en rejaillit sur lui un éclat qui lui a fait appliquer les paroles de la
Sagesse: '' Qu'elle est belle, dans sa gloire, la génération chaste! Sa
mémoire est immortelle. Elle est en honneur auprès de Dieu et des
hommes. Perpétuellement couronnée, elle triomphe et remporte le prix
des plus purs combats." Le peuple, quelque relâchées que soient devenues
ses mœurs, a conservé pour cette chasteté du prêtre ou du religieux, les
mêmes exigences. Il ne comprend pas que les mains qui ont touché la
sainte Hostie puissent ne pas être chastes. Songez à la sévérité avec
laquelle il juge et traite le prêtre oublieux de ses vœux: manifestement,
les fidèles appliquent au prêtre les paroles de l'Imitation : " Quand tu
" aurais la pureté des anges et la sainteté de S. Jean-Baptiste, tu ne
" serais pas digne de manier ce grand Sacrement. Le prêtre doit être
" orné de toutes les vertus et ser\àr aux autres d'exemple de bonne vie ;
" sa conversation ne doit rien avoir de vulgaire ni de commun avec le
" train ordinaire des hommes ; mais être dans le ciel avec les anges, ou
" bien en terre avec ceux qui tiennent le chemin de la perfection."
(Livre IV, ch. V.)
Ce n'est pas tout: L'Eucharistie donne et entretient la chasteté. Elle
est "le vin qui fait germer les vierges." L'Imitation le montre par ces
belles paroles : " Il est nécessaire que je m'approche fréquemment de
" vous et que je vous reçoive pour le remède de mon salut, de peur que
" je ne défaille par le chemin, si la provision céleste me manque. Car
" les sens de l'homme sont inclinés au mal dès le bas âge, et s'il n'est
"secouru du remède divin, il tombe de mal en pis: niais la communion
" le retire du mal et le fortifie dans le bien. Le Sacrement est le salut
" de l'âme et du corps, le médecin de toutes sortes de maladies spiri-
— 56 —
" tuelles ; par qui les fautes sont guéries, les passions tenues en bride,
" les tentations surmontées ou au moins affaiblies,"'
Enfin, il faut encore ajouter que, si l'Eucharistie fait les âmes chastes,
elle n'est en revanche goûtée dans toute sa suavité que par les âmes
chastes. Et à Jésus l'invitant à manger sa chair et à boire son sang,
l'âme impure ne saura jamais que répondre avec les Pharisiens : Cette
parole est dure et qui peut l'entendre?
Telles sont les leçons de chasteté que nous donne Jésus dans son
Sacrement d'Amour. En vérité, pourrait-il accumuler plus de détails
propres à attirer notre attention sur la vertu de chasteté? Pouvait-il
nous stimuler plus efficacement à la pratiquer ? C'est pourquoi, méditez
fréquemment les divines leçons, afin d'y puiser le moyen de tenir tou-
jours plus fidèlement ce vœu solennel que vous avez fait à Dieu au Jour
de votre profession, et de vous abstenir non seulement de toute faute
proprement dite, soit intérieure, soit extérieure, mais de toute imper-
fection contraire à la pureté. L'union de vos âmes à Jésus vivant dans
l'Eucharistie vous méritera ainsi d'accomplir fidèlement toutes les obli-
gations qui découlent du vœu de chasteté, comme de respecter la clôture,
de vous tenir à l'écart des relations trop mondaines, de pratiquer la
modestie, la prudence et la réserve qui sont l'ornement et la sauvegarde
de la vie religieuse.
II
L'Eucharistie est, en second lieu, notre modèle pour la pratique de la
pauvreté.
Car, l'Eucharistie contient ce même Jésus qui a été pauvre et dénué
durant toute sa vie mortelle ; ce Jésus de la bouche de qui est tombée un
Jour cette parole qui renversait tous les préjugés de l'ancien temps:
" Bienheureux les pauvres en esprit, car le Eoyaume des Cieux leur
appartient," c'est-à-dire, heureux ceux qui, étant dans l'opulence, ont le
cœur détaché des richesses ! Heureux aussi ceux qui, réellement dé-
pouillés, se résignent sans murmure ! Heureux ceux qui renoncent à
toutes les richesses, pour embrasser le dénûment de la pauvreté ! C'est
cette parole de Jésus qui a amené les premiers chrétiens à observer la
communauté des biens que devait emprunter plus tard la vie religieuse.
Considérez ensuite que l'Eucharistie a été instituée sous des appa-
rences étonnantes de pauvreté. Elle a pour matière les substances les
plus communes, le pain et le vin, qui sont l'aliment des plus pauvres.
Enfin, si Jésus ne refuse pas les richesses dont on l'entoure, il ne les
réclame pas non plus comme indispensables. Et s'il accepte de reposer
dans les tabernacles et les vases sacrés précieux, sur les linges les plus
fins, au milieu des produits les plus brillants des arts, il ne dédaigne
cependant pas la tente en feuillage du missionnaire et le mobilier pauvre
qui compose sa chapelle.
Bien souvent, d'ailleurs, pour soulager les pauvres, on a vendu les
dentelles et les broderies, les pierreries et les métaux précieux, qui
donnent l'éclat à la dévotion eucharistique. On a vu souvent se repro-
duire dans l'Eglise le trait fameux que retrace la vie de saint Laurent.
Le saint diacre jeta dans le sein des pauvres le prix des ornements et des
vases fort riches qui étaient, de son temps, l'ornement de l'Eglise Eo-
o ,
maine et dont on retrouve la description dans Eusèbe et dans saint
Ambroise. Et au préfet de Eome qui voulait contempler et ravir ces
trésors, il amena les vieillards, les aveugles, les muets, les lépreux, les
orphelins et les veuves qui formaient le trésor spirituel de l'Eglise.
Tels sont les exemples de pauvreté que nous donne Jésus dans l'Eu-
charistie.
Puissent-ils nous amener à la pratique irréprochable de ce vœu de
pauvreté qui réglemente si sagement chez nous l'usage des biens tem-
porels, en nous en enlevant la propriété ou bien l'administration! Xe
cessons pas de bénir et d'apprécier les moindres prescriptions de notre
règle, prescriptions qui nous délivrent des tentations, des désirs inutiles
et des filets du démon dont parle l'Apôtre à Timothée. Ces multiples
et si précieux avantages doivent nous décider à observer la pauvreté
non seulement dans sa teneur matérielle, mais même dans son esprit.
Bienheureux les pauvres ! Jésus l'a dit : Où est votre trésor, là est votre
cœur. Cette parole est grande, ajoute Bossuet. Où est votre trésor,
c'est-à-dire, où se tournent naturellement vos pensées, là est votre cœur.
Si c'est Dieu, vous êtes heureux. Si c'est quelque chose de mortel, que
la rouille, que la corruption et que la mortalité consument sans cesse,
votre trésor vous échappe et votre cœur demeure pauvre et épuisé.
III
Il me reste enfin, à vous montrer — et je le ferai brièvement — que
Jésus dans l'Eucharistie est le modèle de l'obéissance ; de cette obéissance
que le religieux a solennellement promise, non seulement à Dieu, mais
à son supérieur, et par laquelle il renonce à sa propre volonté, et se
remet au gouvernement de celui qui a la mission de lui commander.
C'est cette obéissance qui comporte, notamment, l'observance de la Eègle
de l'Ordre ou de l'Institut; pour atteindre son plein mérite, elle doit
être non seulement matérielle, mais formelle, et comporter une entière
conformité de volonté et de jugement, étant inspirée par le mobile sur-
naturel dont parle S. Paul : " Servez le Christ, dit-il, mais non pas à
l'œil, comme pour plaire aux hommes." (Ephes. VI, 6.)
Pour vous convaincre que l'Eucharistie est le modèle de l'obéissance
religieuse, il suffit de rappeler qu'elle contient Celui dont l'enfance s'est
résumée en un seul mot: Il leur était soumis; Celui qui, par obéissance
et pour donner l'exemple, a voulu accomplir toutes les cérémonies de la
loi judaïque, prescrites à ses concitoyens; Celui qui a déclaré n'avoir
d'autre mission que d'accomplir la volonté de son Père et trouver dans
cette soumission sa nourriture, sa consolation, son unique joie; Celui
enfin, qui pour nous s'est fait obéissant jusqu'à la mort et jusqu'à la
mort de la croix.
Il faut considérer souvent, la soumission entière, étonnante, avec la-
quelle, dans l'Eucharistie même, Jésus obéit à la voix du prêtre. Celui-ci
peut, à son gré, le faire descendre des cieux, l'exposer ou le soustraire
à la vénération des fidèles, le laisser à la sohtude du lieu saint, ou le
transporter dans les rues et les places publiques. Ni le démérite du
prêtre, ni l'indignité du sujet ne seront jamais un obstacle à aucune
— 5S —
cérémonie pour laquelle Jésus s'est fait dépendant du ministère sacer-
dotal. Ainsi l'a voulu notre Sauveur, pour notre enseignement.
Aussi, c'est dans la méditation de Jésus Eucharistie que l'âme
religieuse doit trouver le secret de l'obéissance prompte, joyeuse, spon-
tanée, qu'ont louée les Saints et qui conduit aux victoires promises par
la Sagesse inspirée ....
Je termine.
Dans quelques instants apparaîtra à nos regards, dans l'hostie sainte,
ce Jésus, modèle de notre vie religieuse, que nous savons présent et que
nous adorons dans la Sainte Eucharistie. En ce moment, vous vous
prosternerez à ses pieds et vous lui renouvellerez, dans l'intime de vos
cœurs, les vœux de chasteté, de pauvreté et d'obéissance par lesquels
vous avez fait, sur son autel, le sacrifice si complet de vous-même, Mentor
sit omnis sacrificii tui.
Vous lui demanderez, ensuite, que cet holocauste ne reste pas stérile,
mais qu'il produise des fruits abondants. Tlolocaustum tuum pingue
fiât.
Que la méditation de l'Eucharistie, en vous mettant sous les yeux un
si parfait exemplaire, vous amène à mieux remplir tous les devoirs de la
vie religieuse; qu'elle vous conduise ainsi à la perfection de la charité
chrétienne, à laquelle vous devez tendre.
Bien plus, que chacun de vous persuadé de l'influence de la dévotion
eucharistique pour l'acquisition des vertus, se fasse, de plus en plus, dans
son entourage, l'Apôtre de l'Eucharistie. Il ne suffirait pas de garder
pour vous seuls les trésors de sanctification qu'offre, cette admirable
dévotion : il faut rêver de la répandre autour de vous, d'en imprégner
toutes vos œuvres et de ne laisser en repos les fidèles dont vous avez la
charge qu'après en avoir fait des fervents de l'Eucharistie.
Qu'il s'agisse donc du ministère de la chaire ou du confessionnal, de
l'œuvre de l'instruction et de la formation des jeunes gens, de la direc-
tion des patronages, des cercles ouvriers ou d'autres œuvres de préser-
vation religieuse et sociale; qu'il s'agisse pour vous, mes Sœurs, de
l'éducation des enfants ou des orphelins, du soin des malades et des
vieillards, ou des œuvres quelconques entre lesquelles se partage votre
dévouement : partout portez cette intention bien arrêtée de développer
la croyance et la dévotion à Notre-Seigneur Jésus-Christ présent sur
nos autels.
Tel est, j'ose le dire, le fruit qu'attend de vous le divin Maître, comme
résultat de ces solennités eucharistiques. Tel est le fruit que je vous
souhaite à tous au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi
6oit-il.
— 59 —
DISCOURS DE MGR L'ARCHEVEQUE
Laissez-moi vous saluer et vous offrir dans notre cathédrale la plus
cordiale bienvenue, religieux et religieuses de Montréal et de tout mon
diocèse, accourus pour prendre part à l'allégresse générale de ces jours
sans pareils que nous donne le Congrès Eucharistique.
Vous êtes bien la portion privilégiée de mon troupeau ; sur vous je me
repose pour accomplir des œuvres nombreuses et importantes. Le zèle
que vous déployez sans cesse fait ma consolation. Je tiens à proclamer
ici votre esprit d'obéissance, votre fidélité aux enseignements de vos
fondateurs et de vos fondatrices, votre indéfectible attachement à la
sainte Eglise. Au nom des enfants que vous instruisez, des pauvres que
vous secourez, des malheureux que* vous consolez, dos malades que vous
soignez ; au nom de la religion et de la patrie, soyez tous remerciés et
bénis.
Vous m'apparaissez comme les images de Jésus-Christ lui-même. Vous
travaillez à copier sa vie, à pratiquer ses préceptes et ses conseils. Vous
savez la récompense qu'il vous a promise. Pour son amour vous avez
quitté père et mère, tout ce que vous aviez de plus cher au monde ; vous
recevrez le centuple ici-bas et une éternité de bonheur vous attend.
Vous venez d'entendre la parole d'un pieux évêque. Mgr de Xamur
religieux comme vous, vous a parlé avec son âme d'apôtre. Il vous a
donné comme modèle de votre vie religieuse îsTotre-Seigneur Jésus-Christ
lui-même dans le sacrement de l'Eucharistie. Vous garderez dans votre
mémoire le souvenir de ses paroles émues; vous en ferez la règle de vos
actions afin de vous perfectionner de plus en plus dans la voie que vous
suivez déjà avec une si grande ferveur.
Oh ! mes ches frères et mes chères sœurs, je me sens impuissant
à exprimer le bonheur de l'heure présente. Ne sommes-nous pas
sur un nouveau Thabor ? tous vous voudriez y demeurer ; mais
comme les apôtres il vous faut bientôt descendre la montagne. Tous les
jours cependant vous serez avec Jésus. Vous le recevrez dans la com-
munion ; la sainte Hostie sera votre pain quotidien. Laissez-moi
emprunter la parole de l'Evangile et vous l'adresser en vous demandant
de ne voir partout et toujours que Jésus : Neminem viderunt nisi solum
Jesiim. Vous le verrez dans la personne vénérée du Pape, dans l'autorité
diocésaine, dans vos supérieurs ; vous le verrez dans les enfants qui vous
sont confiés, dans vos pauvres et vos malades, dans vos frères et vos
sœurs, dans tous les événements joyeux ou tristes de votre vie. Oui,
Lui, Jésus partout et toujours. Vous goûterez ainsi un bonheur que le
monde ne connaît pas, une paix qui surpasse tout sentiment et vous pré-
luderez à l'allégresse éternelle du paradis.
— GO
DISCOURS DE SON EMINENCE LE CARDINAL-LEGAT
Je suis heureux de vous voir réunis en si grand nombre dans cette
vaste cathédrale, et je répéterai ce que vient de vous dire Mgr l'arche-
vêque. Aimez Jésus; aimez-le sans mesure; ne cherchez que Lui dans
toutes vos actions. Inspirez-vous de l'esprit chrétien, de l'esprit des
apôtres, pour répandre le culte de l'Eucharistie. Eépondez au désir du
Souverain Pontife en faisant de l'Eucharistie et de la communion fré-
quente un véritable apostolat. Vos évoques doivent se réjouir du grand
nombre de vocations religieuses qu'il y a dans ce cher Canada. C'est
aussi une grande consolation pour le Souverain Pontife.
Je dirai au Saint-Père votre zèle, votre profond attachement à
l'Eglise ; votre amour et votre dévouement à tous ses intérêts qui sont les
vôtres, puisqu'il est le père de tous les fidèles, mais plus particulièrement
des personnes consacrées à Dieu.
Vous êtes l'élite de la grande famille catholique, laquelle vous confie
ses œuvres les plus chères. Vous faites le bien dans le saint ministère,
dans les œuvres de charité. Afin de remplir dignement ces sublimes
fonctions, vous puisez la lumière et la force dans l'Evangile que vous
méditez tous les jours, et dans la sainte Eucharistie qui est le pain des
forts et le vin des vierges. Soyez la bonne odeur de Jésus-Christ. Soyez
des modèles de vie chrétienne. Tout le monde vous regarde pour vous
imiter, comme vous-mêmes vous regardez Jésus-Christ pour marcher sur
ses traces.
Je me recommande à vos bonnes prières, et je prierai moi-même
ISTotre-Seigneur de vous assister, de vous protéger, vous qui vous dévouez
à étendre son règne dans le monde.
Et maintenant au nom du Souverain Pontife je vous donne la béné-
diction apostolique que j'étends à vos familles et à toutes vos belles
œuvres d'enseignement et de charité.
Le même jdur, le soir, eut lieu, à l'Hôtel de Ville, la récep-
tion par la ville de Montréal au légat du Saint Siège et aux
hôtes illustres qui nous honoraient de leur présence. Tous
s'accordent à louer la parfaite organisation de cette fête. La
foule toujours compacte, toujours énorme fut conduite à tra-
vers les corridors et les salles de façon à éviter partout l'en-
combrement. Devant Son Eminence assise sur un trône et
entourée de prélats et de sa suite, défilèrent près de vingt
mille personnes. Protestante au milieiu des oatholiquies,
militaires à côté de civils, ministres et députés auprès de
fonctionnaires, confusion de classes et de races admirable
et consolante. Pendant deux heures le cardinal accueille
souriant et bon. Ce n'est qu'à 11 heures qu'il se retire. La
foule est encore considérable. Elle le salue et l'acclame.
— Gl —
Nous voici au vendredi. C'est aujourd'hui que doit avoir
lieu la messe en plein air. Mais le ciel est lourd et bas. Il a
plu cette nuit. Vraiment ce serait imprudent de convoquer
la population ce matin pour l'imposante cérémonie qu'on a
préparée avec tant de soin. Ce sera pour demain matin.
Mais la procession des enfants ne sera pas retardée. De
toutes parts, dès midi, commencent à affluer les petits gar-
çons et les petites filles, les premiers au Champ de Mars, les
autres à l'église Xotre-Dame. A deux heures il y en a des
milliers. Les petites filles sont en robe blanche et portent
des drapeaux ou des fleurs; les petits garçons se groupent
autour d'étendards et de bannières. Au milieu d'eux un
groupe de pages habillés de satin bleu ou rouge, portant ou
accompagnant une immense corbeille de chrysanthèmes, éle-
vée sur un brancard doré. La procession dure deux heures.
Près de trente mille enfants y prennent part. Tous ils gra-
vissent la pente du Beaver Hall et par la rue Dorchester ar-
rivent jusqu'à la cathédrale. En avant de la colonnade de
l'église métropolitaine, sur un trône tendu de rouge se tient
le cardinal. Tout autour de lui, sur des fauteuils, les pré-
lats et la suite du cardinal. En face, aussi loin que porte le
regard une multitude innombrable que les agents de police
ne parviennent qu'à grand peine à maintenir dans les limites
prescrites.
Devant Son Eminence, à tour de rôle, par groupes de cent,
passent les enfants. Ils s'agenouillent, ils crient: Vive le
pape ! vive le cardinal ! vive Mgr l'Archevêque î Ils dépo-
sent leurs fleurs, humbles bouquets, emblèmes eucharisti-
ques, lettres, puis ils disparaissent.
Et ce défilé se prolonge ainsi jusqu'à cinq heures sous un
soleil joyeux, sous la brise qui fait claquer les oriflammes et
froisse la soie des bannières, dans' une atmosphère incompa-
rable de sérénité, de foi, d'amour.
Samedi! Il fait beau, un gai soleil de septembre est déjà
haut dans le ciel, un vent frais déroule dans l'air les drapeaux
que l'on aperçoit partout. Ils font comme une voûte sans
cesse bruissante aux piétons qui gravissent les pentes de la
montaune. A huit heures, la foule se massue, immense, au
Parc Mance, en face du reposoir, superbe sur ses colonnes
élancées, enveloppées de rouge et d'or. Tout autour de l'au-
tel une décoration florale magnifique, soixante évcViues, deux
mille prêtres, une maîtrise puissante de trois cents voix. Tout
près un carillon de cinq cloches, installé la veille, annonce le
commencement de la cérémonie. Mgr Farley, archevêque de
— G3 —
New York officie. Le cardinal arrive à temps pour donner
la bénédiction papale à la foule immense agenouillée et dont
le recueillement est admirable. A l'évangile, Mgr O'Connell,
archevêque de Boston, fit le sermon en anglais. Le P. Hage,
Provincial des Dominicains, fit, après la messe, le isermon
en français.
SERMON PREACHED BY ARCHBISHOP O'CONNELL
" Memoriam fecit mirabilium suorum,
misericors et miserator Dominus ; escam
dédit timentibus se.'' — Psalm iio.
When, âges ago, tliis fair portion of the earth rose above the subsiding
waters, the eternal God from the glory of His heavens smiled upon it.
For he knew even then that on this day and in this place the great ones
of the world would gather hère around the altar of His love to oiïer Him,
hidden beneath the Eucharistie veil, ail the homage of their hearts.
Ages before the sons of men built their habitations on the banks of
this mighty river the all-seeing eye of God beheld reflected from this
majestic stream the gleam of Jehovah's banners and to-day's long train
of triumphal procession bearing amid hymns and anthems the great
Sacrament of His présence.
Centuries and centuries before the city of Mary had erected her glo-
rious cathedrals the peans of praise which we raise hère under the blue
dôme of God's great temple of nature had sounded their echoes aloft to
the very throne of God; so that before the inhabitants of this beautiful
city had framed the laws by which it is governed, or planned the spacious
streets through which we hâve now passed, God's favor had rested upon
this place and His blessings had descended over it.
When, on the sad night before Christ's passion, in the dim supper-
chamber of the Pasch, the Son of God instituted the Blessed Sacrament
of His love, He knew full well that we hère présent to-day should bear
in our loving arms in triumphal procession the mystery which then was
concealed amid retirement and poverty.
And thus to-day we take our place in this majestic scène with the
consciousness that we are fulfilling the plans of God and realizing the
eternal designs of Jesus-Christ présent to His mind on the eve of His
great passion. Truly, if heaven and earth are filled with God's glory,
thrice sacred is this spot sanctified by His sacram entai présence. And
privileged indeed is this people to whom the King of kings Himself has
come to-day as a friendly visitor.
During thèse historié days, when the Son of God is a nation's guest,
heaven itself surely is very near to this people. And this fair city which
has become a sacred shrine of God's présence is teeming with His grâces
and bénédictions. Look around you and consider well the full beauty
— 63 —
and the fuller significance of this wonderful scène. Nature and grâce,
earth and lieaven, are blending hère ail their varied splendors. For the
moment this Eoyal Mount is become a second Tabor and the very
heavens hâve opened above this hallowed place where the angels of God
descend in silent adoration around the throne of the Holy Eucharist.
We forget for the time ail the miseries of earth and ail its heavy
load of sin. We think not for the moment of those who hâve neither
faith nor love for God's holy Church. We forget in the sublimity of
the moment everything else as our eyes and our hearts are lifted up to
behold only the triumph of God's victory and our own unspeakable pri-
vilège of participation in it. Ah ! moments like thèse are rare in a long
life-time and few of us will ever again behold so sublime a spectacle.
Yet, splendid as it is, thrilling as is the concourse of those who wit-
ness it, its real intensity is concealed in the momentous émotion which
•though unseen sways the minds and the hearts of this great assembly.
What tongue of man can voice the sentiment of faith which at this
•moment fills to overflowing each Catholic soûl hère présent, revealing
the présence of the Son of God under the veil of the Eucharist? As
truly as on that first Christmas night the tender Child of Mary lay
within her loving arms, as truly as when in Judea, He sat upon the
hillsides and taught the people the wonderful truths of God, as truly as
when He healed the leper and fed the multitude and gave sight to the
blind, as truly as when at la-st He was raised a blessed Holocaust twixt
earth and heaven; just so truly is Jesus-Christ our King hère with us
and before us, there in the Sacrament of His love.
Oh ! sublime and divine gift of faith which pierces the mystic veil
and reveals the glory of Christ's divinity under the Sacramental species !
This day is a feast of faith and love, a day when our hearts leap up in
joyous professions of the truth of God's great mysteries.
The time is too precious and too sacred to pass in fruitless question-
ings. There is plenty of time for scientific inquiry and merely mental
investigation of the how and the Avhy of God's wonderful dealings with
men. To-day we only hear the omnipotent words of the Son of God
transforming bread and wine into His own Body and Blood. His word
is truth and His power is omnipotence. And we hear only His words
and our hearts bow down before the miracle of His power. " This is
my Body; this is my Blood." Either God is not God at ail and the
whole universe is mère fiction or those words are true. He who doubts
must take his choice. We stand with God's eternal promises, sublimely
confident aud perfectly sure that what He says is true. And like the
Apostles who twenty centuries ago first heard thèse wondrous words we
kneel before His divine Présence and adore.
The whole story of God's dealings with man is summed up in this
tremendous mystery of the altar. We may say, in a manner the Blessed
Sacrament is the epitome of them ail, for herein is ail the omnipotence
of that power which created the universe and ail the intensity of that
love which redeemed it. Out of nothing the power of God created ail
things and the same power changes bread and wine into the Body and
Blood of the Son of God. The Âlmighty Euler of ail things in heaven
— 64 —
and on earth goverus the universe by those laws which He Himself
established. Tliey are in fact after ail absolutely responsive to His will.
They do not and cannot regnlate or diminish His control, for they, like
everytliing else in the nniverse, are but His créatures. He has but to
speak and they obey. Just as by His fiât ail things came into beiiM^, so
at His command nmst they follow out His decree.
The power to change substance pertains to the same power which
created ail substance outside Himself.
The Son of God with ail the power of His Eternal Father, with ail
the truth of His divinity, is equal master of the whole universe and by
Him were made ail things that were made. Transubstantiation in its
essence has nothing but that which is perfectly consonant with our
knowledge of God's unlimited power over ail things.
The Incarnation is only God's infinité love yearning for a doser
union with mankind, and the wonderful plan of God's insatiable affec-
tion to bring man back to the arms of his Creator. In the sacred mystery
of the Incarnation the Son of God came down upon our earth that He
might bc one of us, that by giving to the human race the title of bro-
therhood with Himself, He might thus bring us back to our Eternal
Father.
Love Graves for union of hearts and our Blessed Lord assumed our
flesh that we might feel His doser union. For thirty years He lived
among men; He toiled for men; He suffered and died for men. Surely
ail this is proof that there is absolutely no limit which the infinité love
of God is not willing to reach for simple love of His own weak créature.
If the Incarnation proves anything it certainly proves this — that the
infinité love of God will assume any form, no matter how lowly, how
humble, nay, no matter how seemingly bereft of ail external dignity, if
only by so doing He can prove His love for humanity and win back
man's love to Himself. Création and the Incarnation both, therefore,
hâve only prepared the way for that acme of God's power and God's love
— the présence of Jesus-Christ, body, soûl and divinity, under the
species of bread and wine.
Our blessed Lord became man, lived His mortal life upon this earth
and finally offered Himself upon the cross of Calvary, not for a single
race of men alone, not for a single nation, nor for those only who in-
habited the earth during His lifetime. Eedemption had come for ail
men and ail races and ail times, through the precious Blood of a God-
man, shed upon Calvary's tree. Our God was to be in very truth Emma-
nuel — God with us.
During His mortal life in Judea His very présence radiated salvation
and whcn after His Passion and death the earth should see Him no
longer in visible human form, what would the countless générations born
after His time do without Him? Were they to sink back into the mère
sadness of the memories of Bethlehem and Golgotha? Were they only
to sigh vainly at the thought of what they might hâve been and what
they might hâve donc had they been privileged like Magdalen to kiss
His sacred feet or like Martha to minister to His human wants, or like
John to lean upon His loving breast or merely as one of the crowd to
MV.il JntLCllJJSl, aixlic'vêciiu- de .Mi.iiir.Ml.
— 65 —
look upon His wondrous face and hear the sweet accents of His voice?
Was ail OUI- Christian inheritance to be only the memories of God's pré-
sence among a people who loved Him not, while tlie inyriads of lUs own
children in every land should feel forever the void of His absence? Ah !
no, the Son of God once descended npon eartli had conie down among
m en to remain with them till the end of time.
His visible Imman présence was but tlie beginning of that inexhaust-
ible never-ending union with each single human souI in a manner
unspeakably more intimate than was ever possible during His mortal life
upon earth. And each Inimblest Christian in the farthest and rcmote
régions of the world, whithersoever the power of Christ's priestliood
might penetrate, was, if he only wished, to enjoy the living companion-
ship of the God-man in a relationship a million times more close and
familiar than that experienced by any of those who livtd in Judea Avliik»
God wall^ed among men. In the great Sacrament of the Holy Eucharist
He gave to His beloved Spouse, the Church, the power to perpetuate
His divine Présence and to bring the omnipotent influence of the Pré-
sence into every soûl until time should be no more.
The mère thought of God is in itself an awful force for holiness and
justice of life. The very consciousness that God sees us, beholds our
actions, and hère and now Judges our thoughts and our deeds, keeps the
soûl in the holy equilibrium of good order. How many a temptation
has been routed, how many an evil thought dispclled, how many a
wicked deed averted by the mère thought of God's présence. It strength-
ens our sensé of respousibility and weakens the grip of passion.
The might of this wonderful influence was doubly feit wlien Jesus-
Christ stood in the midst of sinncrs. We know how even one glance
froni His eye melted the hardest hcarts and how one sweet word stirred
the depths of hitherto impénitent soûls. Magdalen and Peter and the
pénitent thief became saints under the irrésistible influence of tlie near-
ness of God"s love to them in the person and présence of Jesus-Clirist.
And so the greatest testament Ile could ever leave to His Church was
the perpétuation of this same divine Présence, equally real, equally
powerful, equally irrésistible and even more communica])le and partak-
able, under the form of food in the trcmendous Sacrament of His love;
where He Himsell" and ail that He is, His divinity with ail its omnipo-
tence of power and its infinitude of love, His J3ody, pure and ])eautiful,
and His precious Blood, ail hidden under the appearances of bread and
wine. And so the Blessed Sacrament brings God really nearer to us
twenty centuries after His death, nearer our hearts to love Him, nearer
our minds to behold Him, nearer our soûls to feel Him than was ever
possible before its institution.
And so whcn our Blessed Lord said to His Aii(i<tlcs at llic inoinont of
their ordination : '' Do this in commemoi-ation of Me," He inteiided l)y
this eternal continuation of His real présence in His Church, to live
more closely united to humanity during ail the âges to corne than wlien
visibly présent He walked among men.
And tliis eternal mémorial, a God"s présence, was to l)e forever in -i
million places over ail the earth. so manv centers from which sliould
3
— 6Q —
radiate the awful power of sanctification, consolation and holy strength
which came to ail those who were privileged to beho^l Him during His
mortal life on earth.
No need then for any of us to envy the simple shepherds who knelt
in adoration around the holy crib ; Jesus-Christ ïïimself is hère upon
the altar as truly and as really as when He lay in the manger of Beth-
lehem.
What need hâve we to envy the leper and the blind and the hait, who,
touched by His sacred Hand, felt the divine power of God thrilling the
blood in their hearts and restoring them to health and happiness ? Hère
in the tabernacle is the same Jesus-Christ and the same infinité power
to renovate and restore us.
What need hâve we to envy those who by touching the hem of His
o-arment were cured of their ills, since in Holy Communion He enters
into the core of our very existence itself, with ail the power of His div-
inity about Him, ready, if we are worthy, to perform even greater
miracles than those He performed in Judea.
How transcendant, above ail understanding, is this sublime mystery
by which our blessed Lord thus perpétuâtes the influence of His sacred
Présence !
In the Blessed Sacrament, the Passion and the Death of Christ, the
great sacrificial atonement is multiplied ten million times. What has
poor fallen man left to offer in récognition of God's sovereignty over
him? jSTothing, nothing that is not tainted, nothing that is not mère
smoke and ashes, nothing that is not the spoiled remnants of God's own
gifts to man. The hands of ail humanity outstretched forever with the
best that men could ofEer would still be but the poor bits of men's pov-
erty offered up by guilty servants. Our Blessed Lord knowing the
pathos of our wretchedness became in the Eucharist both priest and
oblation, ofi'ering daily upon a thousand altars the perfect sacrifice of
His own Body and Blood. Oh ! thrice holy Mass of Christ's Holy
Church, what wealth of worship, what riches of expiation, what treasures
of grâce are thine ! In Thee while there remains a priest on earth God
will be fitly honored and the infinité fruits of rédemption fitly applied.
Oh ! Catholics, let us begin to-day fully to realize the enormous treas-
ury of grâce contained in the central act of the Church's worship. Even
one Holy Mass offered in one place in ail the world would hâve in itself
such value that, compared to it, ail the wealth and gold of the earth
would be but meanness and destitution.
Oh ! Catholics, stop for a moment and think what would our lives be
to-day if the priesthood of Christ were extinguished upon earth and
never again till the end of time the Eucharistie Sacrifice should be offer-
ed upon our altars ! How destitute would ail the world seem then ! What
could the inventions of man ever produce to fill the aching void thus
created in our hearts ! The very thought makes us shudder. Thanks to
God's infinité goodness this awful anathema will never come upon us.
As there is no limit to God's power, neither is there any limit to His
goodness, and so the Almidity God must give, and dve, and give until
He floods the universe. To nature He gives life and being, but to man
— 67 —
He must give His very self forever. And thr.s the limit of Gotrs own
generosity is reached in the Sacrifice of Holy Mass and the Sacrament
of Holy Communion. " This is My Body ; eat of it that you may live."
" Tins is My Blood ; drink of it that you may be saved."
And thus ail the doctrines of the Church conversfe in this greatest gift
of God to man. Thus ail the glorious ritual of the Church centers'' in
the Sacrament of the Altar. Ail the long, long story of the Church's
progress through the centuries is but the story of the triumphal pro-
gress of the Holy Eucharist down the âges of Christian worship. The
whole hierarchy of the Church receives its whole dignity, its significance
and its reality from the institution and the perpétuation of the Most
Blessed Sacrament of the altar. Without it the very title of our priest-
hood would be in vain.
The sculptured altars erected from end to end of the broad earth are
but the sacrificial stones upon which this pure oblation is daily offered.
The magnificent basilicas, stupendous monuments of Christian art, are
but the loving shelter ofïered to Christ's precious Body and Blood rest-
ing within the tabernacle. In a word, the Blessed Sacrament is the
Church's all-in-all. Possessed of it ail the riches of heaven are hers.
The true religion of Christ is His own Church, not merely because
she holds His truth and His law, but because He Himself dwells under
her roof. So that, while she feeds the minds of her children with His
doctrines and guides their actions by His precepts, she nourishes their
very soûls with Himself. Truly the words of the Psalmist hâve become
verified in the life of Christ's Church: " Memoriani fecit mirabilium.
suorum, misericors et miseratus Dominus; escam dédit timentibus se."
Come, Christians, heirs of Christ's great bounty to His Church, let
us kneel and adore Him in the great Sacrament of His love. From out
our grateful hearts let us acknowledge the endless bounty of this climax
of ail His generosity. In His power is our strength ; in His love is our
salvation, and His power, and His love we humbly adore, beholding His
real Présence under the sacred Species.
And Thou, 0 Food of our soûls, mystic manna of etcrnal life, be with
us ail the day long and every day of our pilgrimage hère on earth, con-
soling us by Thy divine Présence, strengthening us by Thy nourishment,
healing us by Thy perpétuai atonomont, and when our eyes are closing
at last in death, come to our soûls in that suprême moment as our
Viaticum, so that in Thy companv, who made us and redeemed us, we
may enter into Thy eternal kingdom where no longer under the veil of
sacramental mysterj-, but face to face forever, we shall see our God.
— GS —
SERMON DU R. P. HAGE, 0. P.^
Mes Frhres,
" Chantez an Seigneur un eanti(|ue nouveau, car il a fait des choses
merveilleuses ! . . . . Le Seigneur a manifesté son salut : aux yeux des
nations il a fait éclater sa justice. Il s'est souvenu de sa miséricorde et
de sa fidélité pour la maison d'Israël. . . . Acclamez votre Dieu, chantez
et tressaillez de bonheur, et jouez des instruments.... et poussez des
cris de joie en présence du Seigneur votre roi. Que la mer se soulève
avec ce qu'elle contient, le monde et ceux qui l'habitent. Les fleuves
battront des mains, en même temps que les montagnes bondiront d'allé-
gresse à la présence du Seigneur."
Mes frères, à qui s'adressent ces paroles du prophète? N'assistons-
nous pas aujourd'hui à leur magnifique réalisation? Oui, nous chantons
à notre Dieu un cantique nouveau, le Cantique du Congrès Eucharis-
tique; oui, notre Dieu s'est souvenu de sa fidélité pour la maison bénie
du Canada ; oui, nos fleuves, notre fleuve, bat des mains en ce jour,
tandis que nos montagnes, notre montagne, tressaille et bondit d'allé-
gresse à la présence du Seigneur qui vient la visiter.
Flumma plaudent manu. — 0 fleuve majestueux, réjouis-toi d'avoir
apporté, aux bruits applaudissants de tes eaux, des milliers d'adorateurs
eucharistiques, conduits et ]H-éc'édés, sur la nef privilégiée dont le vrai
pilote fut Jésus-Hostie, par le premier et le plus pieux des adorateurs,
l'Emineniissime Légat du Saint-Siège. Que do fois déjà, le Seigneur
t'a choisi pour être le véhicule de la foi chrétienne et des missionnaires
qu'elle a inspirés ; ta mission fut belle entre toutes les missions, et, pour
l'avoir si bien remplie, tu reçois aujourd'hui bénédiction et glorification.
Simid montes exuUahunt. — 0 montagne de Montréal, tressaille de
bonheur. Tu reçois en cet instant, après tes sœurs aînées du Sinaï, du
Thabor, du Golgotha, la visite de Dieu qui se plaît à opérer des mer-
veilles ! jSTe crains rien, il ne descend pas vers toi dans la foudre et dans
les éclairs; c'est la voix du Bien- Aimé: le voici qui vient, bondissant sur
les montagnes, franchissant les collines. (1) Il vient, non pas chargé
d'opprol)res, comme sur la montagne du calvaire, mais vêtu de splendeur
et quasi glorifié comme sur la montagne du Thabor !
0 fleuve, 0 montagne, o terre, o mer, chantez au Seigneur un cantique
nouveau! et que ce cantique de tout un peuple, parvenu à la gloire de
la virilité, soit l)ien l'écho retentissant et reconnaissant du premier
cantique rju'à l'heure de sa naissance, ce même peuple chanta au Dieu de
l'Eucharistie.
Il fut modeste, le chant du berceau! Un prêtre, un seul, était là pour
lui donner une voix de sacrifice, une âme d'immolation. Le premier
autel fut dressé par (piatre mains do feunnes pieuses et pures, et bientôt
Jésus-Hostie entrait dans Montréal. Il y entrait pour n*en plus sortir
jamais ; il y entrait en conquérant, en fondateur, en TJoi ; il y entrait
(1) Cant. II-8.
— G9 —
avec ses promesses et avec l'accomplissement de sa parole. Regardez-le
le grain de sénevé, planté en terre canadienne à l'aurore du 18 mai 1642.
Eemarquez-vous qu'il s'est accru, qu'il s'est multiplié, qu'il s'est répandu
dans tout le pays? Voici qu'à deux cent soixante-huit ans de distance,
une autre messe se célèbre à ciel ouvert, un autre reposoir se dresse pour
abriter la sainte Hostie, un autre autel s'élève pour recevoir l'adorable
Victime, et à cette messe assiste une grande foule que personne ne peut
compter, de toute nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute
langue, (1) et autour de ce reposoir les vieillards du sacerdoce, nos Pon-
tifes, sont assis, revêtus de vêtements étincelants et portant sur leurs
têtes des couronnes d'or (2); et en face de cet autel, l'univers catlioli(|ue
tout entier a tenu à honneur de se faire représenter pour chanter
l'hymne triomphal au Christ Roi qui gouverne les peuples " C'iiristum
regem ado-remus dominantem, gentibus. (3)
Au Christ Roi notre adoration!
Dans la pleine lumière de notre conscience, dans l'ardeur et la sincé-
rité de notre âme, par les ])rières et les sacrifices, par la dépendance de
tout notre être et s'il le fallait, par son immolation, nous reconnaissons
ici publiquement que le Christ est notre Maître, notre Seigneur, notre
Rédempteur, notre Dieu. Xous professons qu'il est notre Roi par droit
de nature, par droit de conquête, par droit d'élection. Xous croyons
qu'il est le principe et la fin de toutes choses, la source d'où dérive toute
grâce ; qu'il n'y a point de salut en aucun autre, car il n'y a sous le soleil
aucun autre nom, donné aux hommes, par lequel nous devions être
sauvés (4) et devant lequel tout genou doit fléchir au ciel, sur la terre,
et dans les enfers, tandis que toute langue confesse que .lésus-Clirist
est Seigneur, dans la gloire de Dieu le Père. (5) 11 est également Sei-
gneur dans la gloire voilée de son Eucharistie : c'est là qu'il donne
l'abondance de la vie à ceux qui se nourrissent de lui; c'est là qu^il
reçoit les hommages de vénération et du respect universels ; c'est là qu'il
prend possession de toutes les intelligences et de toutes les volontés; c'est
là que l'humanité tout émue vient se prosterner, le front dans la pous-
sière, le cœur dans l'extase, et chanter son adoration : '' Je vous adore
" dévotement, o Divinité cachée, qui couvrez sous les syml)oles votre
" réelle présence. Tout entier mon cœur se soumet à vous, car à vous
"contempler il défaille tout entier." (G)
(1) Apec. VII-0.
(2) Apoc. TV-4.
(3) Ofr. (lu 'I". S. Sacrement.
(4) Act, IV, 12.
(5) riiilippc IT. 10.
(0) Hyiinio Adom te.
70
Au Christ Roi notre obéissance!
Il faut qu'il règne (1) et nous venons aujourd'hui nous incliner avec
respect sous le sceptre de son autorité et de sa puissance. Nous nous
courbons avec bonheur sous son joug qui est doux, et nous portons allè-
grement son fardeau qui est léger. Loin de réclamer l'indépendance de
l'esprit qui n'est qu'orgueil, ou l'indépendance de la volonté qui n'est
que blasphème, ou l'indépendance de la morale qui n'est que folie, nous
déclarons que sous le joug royal de la vérité, nous soumettons nos
esprits, que sous le fardeau royal de la loi évangélique nous réduisons
nos volontés, que sous la morale royale de l'Eglise, nous sommes fiers
d'abaisser tous les actes de notre vie, toutes les institutions de notre
société. N'avons-nous pas un Roi qui est le modèle des obéissants,
obéissant lui-même jusqu'à la mort, et jusqu'à la mort de la croix, et
jusqu'à la mort du sacrifice eucharistique? Jurons de lui rester fidèles,
fidèles dans la reconnaissance, fidèles dans l'attachement, fidèles dans
l'imitation, fidèles aujourd'hui, demain, toujours.
Au Christ Roi notre amour!
Le premier, il nous a aimés, et comme il aimait les siens qui étaient
dans le monde, il les a aimés jusqu'à la fin, et de cet amour jusqu'à la
fin le si.gne le plus manifeste, la preuve la plus vivante, l'effet le plus
divin, c'est notre Eucharistie. Par elle il complète les merveilles
d'amour qui sont sorties de son Cœur; par elle il nous attire et nous
provoque à son amour, et n'est-ce pas en s'appliquant à l'Eucharistie
que la parole du Père Lacordaire devient profondément vraie et admira-
blement belle : Un homme a rendu tous les siècles tributaires envers lui
d'un amour qui ne s'éteint pas ; roi des intelligences, Jésus-Christ est
encore le roi des cœurs. Qu'il règne donc à jamais sur nos cœurs ! Nous
voulons les lui donner sans esprit de retour, nous voulons les unir à son
cœur sacré, et clamant vers le ciel notre plus ardente supplication, nous
lui demandons que les flammes de l'amour divin aillent se communiquer
de proche en proche à toutes les âmes pour les consumer dans le Christ,
Fils béni de Dieu, qui vit et règne dans les siècles des siècles.
0 Jésus, descendez, comme vous le fîtes autrefois (2), de la montagne
où nous sommes venus vous adorer, vous glorifier, vous remercier; et
arrêtez-vous avec toute votre tendresse d'enseignement et toute la pitié
de votre cœur sur cette plaine immense, ori se trouvent sans doute quel-
ques âmes débiles et malades, mais oii se trouvent surtout des milliers
de cœurs ardents et généreux. Nous sommes là, tous, cherchant à vous
(1 ) T Cor. XV. 25.
(2) Descendens Jésus de monte, stetit in loco compestri... et ipse dicebat :
Boati, etc. (Luc VI-17-20).
— 71 —
toucher, car nous savons qu'une vertu s'échappe de votre Eucharistie,
vertu de guérison, et de pacification, vertu de lumière et de pureté, vertu
de perfection et de salut. Levez sur nous vos yeux de bonté et de misé-
ricorde ; livrez-nous la science de la vraie doctrine et le secret de la vraie
béatitude; nous voulons communier à votre pensée, à vos désirs, à votre
volonté; nous voulons affirmer à la face du ciel et de la terre notre foi
aux vérités que vous nous avez révélées, notre espérance dans les pro-
messes que vous nous avez laissées, notre amour sincère, indéfectible,
durable autant que les siècles, autant que l'éternité.
La messe en plein air n'a pas nui, ce semble, à la cérémonie
qui avait lieu à la même heure, dans l'église Saint-Patrice.
Là s'était réunis les catholiques de lanoue anglaise, sous le
haut patronage des cardinaux Gibbons et Logue et rien n'a-
vait été épargné pour en faire une cérémonie d'unique splen-
deur: procession au dehors, chant, illumination, tout était
d'une ordonnance superbe et d'un goût exquis.
Mgr Glennon, archevêque de Saint-Louis, E.-U., fit, à Tévan
gile, le sermon dont voici le texte :
OUR EUCHARISTIC KING
" Who is this King of Glory ? the Lord
of hosts, He is the King of Glory '' (Psalin
23 V 10).
I -would fain not stand between you and your adoration, but if we
must delay, delay as it were on the threshold, our only excuse is that M-e
ma}', for a few moments, recount the glories of our Eucharistie King,
so that when we bow in adoration later our hearts may be inflamed with
a warmer love and our minds (in so far as may be) expanded to the
wonderful truths that lie behind the sacramental veils.
And as it is only with profoundest humility we may dare to enter
where angels fear to tread, so also must humility mark our discussion of
the great mystery of the Eucharist. As Fulbertns says, " This great
Sacrament is rather to be feared than discussed. Better to be silent in
the mysterious présence than in rash disputation to define; for how can
the corruptible compass the perfect One, or human language treat the
glory of the divinity." How true are thèse words. The more we think,
the more we are abashed at the great mystery ; for the Blessed Sacrament
is the last expression of the divinity. Ail tliat the création represents
to us of power in God, or purpose in the beings he created ; ail that the
history of bis people represents of an Em.manuel to guide or to préserve ;
ail that the Incarnation represents of a love that surpasseth ail under-
standing; ail that the passion stands for of sufîering or the cross for
sacrifice; ail thèse are contained, expressed, applied and perpetuated in
the hol}^ Eucharistie Sacrament. Turn to the word's history; or, if you
will, to the history of the worlds; of the stars; consider in them, or
beyond ail possible existence there may be, and see in the dawn and glow
of thèse créations the power of the Infinité. Corne doser and see in
plant and flower and changing sky His beaiity. Eead in your own
hearts His mercy and love ; a mercy and love that lias been brought in the
deeds of the Saviour who was obedient even imto death; and then turn
with ail you inay gather froni thèse varied fields of Providence, power,
beauty, or divine compassion, and lo, you find the Blessed Sacrament in
the synthesis of them ail.
Little was there in the institution of the Blessed Sacrement to indi-
cate the Kingship of the Saviour, for though the foreground of the last
Supper is lighted up with the love and dévotion of His disciples, yet
the background was ail one purple pall woven of sorrow, insuit, betrayal
and death. The Saviour stood in the shadows of an impending tragedy,
the purple background of Holy Tliursday was soon to deepen into the
blackness of nigïit and the complète abandonment of Calvary.
Yet as we survey the âges since then, and follow the gleam of the
Grail, we realize that though defeat was everywhere apparent, and
though the croM'n He wore was a crown of thorns, yet even than a King
the Saviour was, and a King, our King, the Eucharistie Saviour remains.
The early years of the Church scarcely bear witness to this, yet we
must remember that as Christ in Nazareth lead a hidden life, so is there
paralleled His hidden Eucharistie life in the early Church. It may be
according to His own blessed will, just as of okl wlien they would niake
Him King, He fied to the mountains, so in thèse early days while His
faith and love found a home in the hearts of His followers, yet He, the
Eucharistie Saviour, would not be found where pagan splendor reigned.
Xot on a throne adorned, but on some rougli hewn altar in the distant
groves, or on some niche in the winding ways of the catacombs, around
which the hunted Christian gathered in mute adoration, fearful of
speaking even their message of love to their King, lest the expression of
it overheard by the soldiers of Rome would bring them also to their
love's and their life's expiation on the arena of the Coliseum.
The early Christians preserved their King not alone because there was
persécution for them in acknowledging their Saviour, Init there was insuit
to their Saviour also from among the degraded pagans that surrounded
them. Hcnce the Christians worsliipped in secret places and put around
His worship and their meeting the protection of silence. As you are
aware the " disciplina arcani " obtained in the earlv Church. The early
Catholic might discuss Avith his pagan neighbor the emptiness and fal-
sity of the philosophies then current; he might show that the idols of
paganism werc only wood and stone, and that what they stood for was
not divinity, but the shames and crimes of humanity. He might, on
Ihe other hand, déclare the necessity for humanity of a Tîedeemer; that
a Messiah was promised in prophecy, and ihat the prophecies were ful-
filled in Christ, who was the light l)rinffer to a world of darkness; that
in Him was light and life, and hope. But no pagan may enter the holy
•<^'^-
■0m
.M(i|; lli;\'U'>\. l'i(''.sidont du Comité pcrnuiiuMil.
— 73 —
of holies. Of the sacrament and the great Christian mysteries the
Christian must be silent in the présence of paganism; and let me say
that specifîcally he must be silent concerning the great sacrament of tlie
altar, the Church"s greatest treasure. This is what the pagan woukl
least understand : for how could he, who belonged to a loveless world, and
whose heart was Hke his idols, cokl and dead, nnderstand the love that
prompted and gave only adéquate reason for this Blessed Sacrament.
Hence though he may revile the Christian worship, declaring that little
children were massacred and their bodies devoured in the name of the
Christian's God, the Church answers him not, but préserves, Anthout
apology or explanation, the divine présence and the sacrament that
em bodies it.
ISTo Avonder then that pagan literature lias no testimony for the
Eucharistie Saviour. Its testimony at best could be only that of calumny
and misrcpresentation. But when we turn to the earlv Church itself :
when we enter lier inner life, then wetind that every Une of lier history,
every meeting place of lier saints, furnish glorious testimony not only
to their belief in the Eeal Présence, and their dévotion thereto, but their
conviction that to them and to the Church the Blessed Sacrament was
the very life of their life, the basis of their union and their h ope. They
met daily for the célébration of the holy mass; and though persécution
raged, though tracked like wild beasts by their tierce persecutors, who
numbered a whole city full; though the prisons and the lions were im-
patient of their prey: they braved ail for the great privilège of
Avitnessing again the sacrifice of Calvary, and partaking of the Holy
Communion. It was their " Agape " or love feast. Christ was again
among His children. What mattered then, with Christ as their support,
chains or exile, what mattered torture or death. They had tasted of the
sweetness of the Lord, ail else must thenceforth be but as a passing
shadow. Oh, thèse ancient davs ; what blessed memories do not thev
présent of the Eucharist King.
It is however to the Christian âges of faith that we must turn to find
an outward expression of what was already in the Church's heart. Froin
crypt and catacomb the Blessed Saviour ascended to the glorious reposit-
ories which marked the beginning of the great temples of the middle
âges. Xo longer subject to the discipline of the secret, the Blessed Ilost
émerges in the light to receive the salutations of Christendom. Already
the center of the Church's liturgy, the soûl of the Church, its Holy of
Holies, now in this day of His sacramental triumph, He was in His own
words to draw ail things to Himself. Of thèse âges of faith in their
relation to the Blessed Eucharist, I find no apter symbol tlian the mon-
strance itself. Take the monstrance and reverently study its construction.
Hère lies in the center the golden cup; around it are woven theemblems
of wheat and grapes. Notice ail around it is the auréola of golden rays,
extending like spears of light to earth and hcaven, air and sky, sweeping
as it were the entire création, Imt ail couve rging to the Sacred Host.
jSTow note the symbol. Christ is the center of ail. He bas conquered
death, hence He draws from the earth : He is the ))romise of inimor-
tality, hence heaven is brought down. He demands our love, our hom-
— 74 —
âge, oxu licai'ts; heuce we wlio are between the material below and the
hope beyoud should lie tribiitary to Him. He remains with us; there-
f ore must we make earth honor Him ; theref ore must we make tributary
ail tliat earth holds precioiis or beautiful.
And ail tliis the niiddle âges hâve tried to do for their divine Visitant.
First, they constructed for Him the shrine set in marble and gold, over
it the dôme, then they hâve the tower, and lo, the great cathedral arises.
Thus the glory of architecture and genius of the builders are made
tributary to the Blessed Saviour, You may say the great church build-
ing stands for other things ; that for instance ; not one but ail the
sacraments may be there administered ; that the faihful may be there
instructed ; but let me say primarily the inspiration unto ail church
building comes f rom the Eucharistie présence. Eunning brooks or lake-
sides may suffice for baptism, and the humble cottage or even the prison
cell for confession, but for the holy Eucharist (earthly sequel of the
transfiguration), a temple must we build, worthy in so far as we can
make it, of its heavenly tenant. Hence we witness in those âges the
building of churches and cathedrals ; we watch them rise in the splendor
of a new architecture that weds the forest to the sky. We see them
panelled in the beauty of the artist's coloring and chiselled out in lines or
exquisite sculpture. We see their altars high lighted in reflection of pol-
ished onyx and Tyrian marble, and ail that art and genius can do,
exhausted in the equipment. And ail for the holy purpose that the
Saviour may hâve a home on earth in some way worthy of Him.
But the middle âges not only gave to their Eucharistie Saviour the con-
sécration of their genius and their labor; they also gave their minds and
soûls. Their theology exhausts His love in exposition; their poetry ex-
presses the sentiments of exalted dévotion, and their cérémonials give an
embodim.ent to the outward world of how they wish to honor their king.
They would exalt Him above the kings of the earth.
The twelfth century brings the great feast of Corpus Christi and the
day of the Blessed Lord's Eucharistie procession is inaugurated. Watch
the doors of the great middle âge cathedral swing open. See come forth
in long array crossbearer and acolyte, youth and maiden. They carry
banners and bear torches and strew flowers on the way. Hère came the
old and the rulers with bared heads. ISTow they give no command ; they
bow to one greater than they. Hère come in long array priests and pre-
lates, ail united in the democracy of common dévotion. And now we
hear from the dim aisles the voices of song " Tantum ergo Sacramen-
ium," it is taken up by those without; it is answered by the chiming
bells ; it réverbérâtes from the hillsides, where the cannon boom. Every-
where is exaltation and révérence. Well, indeed, may the people exalt ;
well may they claim, " There is no other nation so great which hath its
gods nigh unto it as God is présent with us." For lo, from the portais of
the temple is now seen the golden canopy beneath which is carried the
Holy Eucharistie ; the Saviour comes to His own, and from His moving
throne He blesses the city and the world. Around the city the Blessed
Sacrament is borne in triumph, amid prayers and hymns and flowers.
He is verily the King. This is His feast day. The Fête-Dieu, the feast
of Corpus Christi.
— 75 —
It was thus Middle Age Catholics honored their King. Xor was their
dévotion limited to one feast or to one day. It was the labor of their
constant love to exalt with ail the consécration of their thoughts and
their lives, the Blessed Sacrament. It was the inspiration of their lite-
rature and art ; the central trnth of their theology. St. Thomas was its
poet and theologian. Leonardo de Vinci was its painter, and Christen-
dom bowed in its triumph.
Even the legends of the times were wrought around the mystic King.
You hâve heard of the legend of the holy Grail. It was believed that
the cup which our Blessed Lord used at the first consécration, the cup
that He gave to His apostles, saying : " Drink ye, ail of this,'" — was
preserved in some remote cloister, far away from the passions and homes
of men. Now, in those days of chivalry, knights might assert their
prowess in joust and tournament, but when a knight sought some work
greater than ail others, then his highest ambition was to go in quest of
the holy Grail. Yet no knight dare présume such a mission unless he
was of blameless life. Xo stain may rest on lus escutcheon; no sin on
his soûl. He must be pure of heart, and a spécial bénédiction, as with
Percival, must mark his mission. So ran the legend, which for some
may be regarded as only a subject for a poeni, but for us represents Ihe
great soûl of the Middle Ages yearning towards the Eucharistie Saviour,
praying to be with Him and to be found worthy even of once beholding
the gleam of the mystic cup.
Scarcely, however, had the Middle Ages blossomed forth in the great
dévotion to the Blessed Sacrament than there bas to be chronicled the
great déniai of the real présence, for that is what Protestantism really
is. I will agrée with you that Protestantism has many forms and many
définitions; that it was ostensibly an insurrection against the authority
of the living Church and a rending of its unity. I know also, that in its
logical évolution it has come to-day to be a practical déniai of nearly ail
revealed truth, and of ail organized Christianity ; but its essential protest
was directed against the Eucharistie Présence. There lay the very
head and front of its offending; an attitude it had persistenly main-
tained from the déniai of transubstantiation by Martin Luther "down to
yesterday, when the head of a Protestant nation should swear blaspliemy
against the Eucharistie Saviour if he would wear a crown. From that
déniai necessarily followed the déniai of a priesthood, for the priost is
such because he consecrates ; and with no priest and no sacrifice, liturgy,
law and a visible church become meaningless and impossible. True it
may be also that Protestantism for a while clung to the garments of tlie
Saviour, while they denied himself, but soon even the garments suft'ered
the fate they met at the crucifixion. The factions tore them asunder,
until now scarcely a shred is left for their consolation. Hence we hâve
to-day the spectacle outside the Catholic Church of various forms of
creed and attempts at worship, but ail lacking the grand reality, for they
bave not the living Saviour of the Eucliarist. Tlieir clmrclies are cohl
and lifeless ; there is no altar there, nor light. Their people are as sheep
wandering without a shepherd ; as blind men leadiiig the blind.
During thèse vears of déniai and betrayal when almost ail the Xorth-
— 7G —
laud i'orsook tlie standard oi' tlie King, upturiied llis altars, and perse-
cuted the few that roinained l'aitliful the Blessed Master liad again, as
in the Churcli of the earlier centuries, to meet His scattered followers
in the lonelv ways, where Caesar's armies coidd not reach Him, or dis-
tinguish in His lowly disguise the banished King.
It was in thèse days when open fealty to the King meant death, that
courage and love obedient unto death were shown in the lives oi His
faithi'ul îe\Y. It was shown in Germany, in those parts that remained
faithful to the Church, and in Engiand by a few who, however, as the
years of persécution rolled along became fewer still; but in Ireland by
a whole nation; even though against that nation were liurled the armies
of King and Protector their swords whetted by religions bitterness, their
fury fired by the lust of conquest. It is not inopportune that in this
gre'at Eucharistie Congress, this litany of the nations in the praise of
their King, that I sliould speak a word, that I should strike a chord,
though it be in a minor key, for the nation whose Apostle is patron of
this sacred édifice, and whose exiled sons hâve inade possible its building.
I would pass by the days of the schoolmen, and corne to those later days,
namely the pénal times in Ireland: the long weary years when the Ca-
tholic faith was persecuted, when a price was set on the head of every
'• niass priest " ; when the churches Avere alienated, desecrated, burned ;
an entire country pillaged, and its people driven to the mountains, or
into the sea. And this dread Visitation, unlike the storm that passes,
unlike the plague that eats its lethal way, not for a season but for over
two hundred years brooded over the land, its darkness lightened only by
the ascending fires of burning homes, or the gleaming swords of the
brutal soldiers.
It is easv to serve in fair weather : the test of dévotion comes when
the human'life is the forfeit. The Irish people stood the test, their land
to-day is hallowed by the ashes of a hundred thousand martyrs of the
Blessed Sacrament, while the survivors praying their " De Profundis "
for the dead, cling still to the " mass priest," and their fealty tried by
fire is ail the truer to their King.
It was during thèse pénal days that the " mass priest " sad visaged
and hunted, gathered his flock out in the mountain fastness, or in the
shaded valleys. Knowing that the enemy was near, outposts were set
so as to guard the approach, and give the signal of approaching danger.
The altar linens are spread on the crude altar stone, the ledge of rock,
the candies are lighted and the priest puts on the sacred vestments. It
is not a scène to attract the eye of the wordling; there are no marble
columns, no tabernacle of gold, no fretted roof, no dim-visted aisle, no
organ pealing, no glorious chant, no censer swinging. But for people
Buch as thèse aroiind love crowns ail, love transforms ail. For them the
censer swings for is there not perfume of the wild flowers that bloom
there, of purple heathor, of fragrant hawthorn; vistas there are too, just
as nature made them in this nature's temple, for down the valley are
the dim aislcs of forest trees. For chant they hâve the song of the bird,
and the murinur of their own hearts' love, that love of Irish liearts for
their faith and their Lord; of ail others on this earth that we know of
the tenderest, the truest and the best.
— 77 —
Yet little tinie liave tliey now to tliiuk of thèse things. The mass is
commenced, Ihe priest has invoked the merey of God, '' Lord hâve
mercy on us."' He prays for the living and the dead. He reached the
solenin act that brings the Saviour down to His peoplc. With bov^ed
heads and révèrent the ^Deople niurmur words of wek-omc, satisfied that
though by ail the world forgotten yet will He not forget them.
Bnt why the alarm? Alas, thèse moments absorbed in worship are
taken advantage of ; the enemy, the soldiers of the kiiig are aroimd them
The cry repeated in the long ago is heard again. " \Ve hâve no King
but Caesar." Down with the mass, death to the " mass priest." It is
the tra2:edy of Calvary again, only to the tragedy is added the desecra-
tion. The blood of the Saviour and his priest fiow togcthor, and tlie
dying lips of the priest whisper their last words on earth, '^ Go, the
sacrifice is over."
Qiiite true is it that the pénal days in Ireland hâve ended long ago,
and if the memories of them remain, it is not in bitterness nor revenge.
Xo, they are thinking now not of tlieir persecutors, 1)ut how best they
may honor and serve in the days of their religions freedom the King
they folio wed during the long night of persécution. Xow will they
restore Him to the churches they build. churcbe?; to take tho place of
their older temples from whioh He has been driven, and they bave been
driven, and they bave been despoilcd. They will cross the seas bearing
the standard of their Iving, and willingly, generously for His sake seek
" new races with their living and mark them with their dead."
It were invidious to recount for you the long list of victories won. of
monuments erected in honor of their Eucharistie King by the Irish
people both in their own land and beyond the seas. But they are not
alone. In every nation of Christendom the devoted followers of the
■King are growing in numliers and dévotion. Indeed, it looks as if, with
the succeeding years, the Church of the living God turns with intenser
dévotion to the great reality that lies concealed in its keeping. Never
before was the great soûl of the Church more closely wedded to the
Eucharistie Emmanuel. It is there we seek our inspiration. He is our
strength and consolation. "\Ve realize as ncver before that the truest
test of Catholicity is the Blessed Savioui- in the Eucharist, tliat those
who are not "ndth Him are against Him, and those who gather not with
Him scatter. Xever as now do wc realize that His adorable présence
is the line of cleavage l:ietweeii faith and unfaitli, l)etween life and death.
And even if it be true, as undoubtedly it is, that from maiiv a crowd-
ed city where erstwhile Christ reigned as King, a cry of hatred is heard ;
to-day the angry out-burst of passion against tlie Church, and ppofifically
against the Eucharistie Saviour, the cry of secularisni and infidelity say-
ing again : " We want no king but Caesar," if the march of material
progress seeks to crowd aside the procession of our Eucharistie King, we
who march can answer tbom in the words of our King who said that he
had "pity on the multitude," and would meot tlicir liatrcd willi His love
and their mockery with His sacrifice, thus winning them as He did the
pénitent thief on the cross.
Ail throush the world to-dav the Eucharistie Sun envclopes in light
— 78 —
ail it touches, and fills every soûl witli cnergy. Those wlio were in dark-
ness now see tliat great liglit. Those then that forsook Him has He not
forsaken; while those that yearned are receiving from His bounty.
Every where this great Saerament is a sacrament of piety, a sign of
unitv, the bond of peace. Corne with me to see the triumphal mardi
of our King. I will bring you first to the lowly places, to the far ont
isles of western Europe; mingle there with a peasantry kneeling in their
mud wall chapels. You hear their silent prayers, and see the Sacred
Host lifted up above them while they in the simplicity of gênerons
hearts niurmur to their Saviour : " caed mille f ailthe." Their Saviour
is to them a thousand times welcome. You leave the aisle of Arran
and go to the centre of a mighty nation, and there amid London's
mighty roar not far where there is still left for our dévotion a shrine
where the Catholic forefathers prayed, and beneath whicli their ashes
still repose. You watch the great procession of purple prelates, of de-
voted priests pass by, you see again the Sacred Host lifted up as the
voice of Christ blessing the city and the world. You see the thousands
bow reverently while the divine blessing descends, and you begin to hope
that Christ is coming to His own again.
We cross the seas, and down by the castellated Ehine we see the proud
old city wliose beginnings antedate even the institution of the great
Sacrament. We see the twin spires of its famous cathedral which stand
out in the valley of the river pointing to the thousands that dwell there,
the way of faith to the kingdom of God. And hère we find the Saviour
surrounded by a devout people, where ruler and servant, the mighty and
lowly blend together in one grand chorus chanting the praise of their
Master, " Tantum Ergo Sacramentum veneremur cernui."
We go on our Southern way, it is still the triumphant march of our
Eucharistie King, on right and left thrones of tlie Saviour stand in
splendor by the waters' edge, or far out in valley and woodland. We
reach, beyond the Alps, the city of the soûl. It" is the day when the
great high priest of Christendom will celebrate the golden Jubilee of his
priesthood. Already the great church of St. Peter is crowded with the
faithful from every nation, and ail watch expectantly for the coming of
the high priest. The long procession formed in Vatican halls of priests
and bishops slowly wends its way into the great édifice, and next the
Most Eminent Cardinals composing the Sacred Collège are seen in long
procession ; the eager multitude press f orward anxiously waiting, expect-
ing the Vénérable Jubilarian. They may not see his entrance, and now
the silver trumpets announce to the thousands there assembled that the
Holy Father is with them; borne in the " Sedia gestatoria." He reach-
es the great altar beneath which rests the ashes of St. Peter, to whom
first is given the command, " Do this in commémoration of Me." The
Pontiff is vested, He commences the mass for himself and for those
standing around, and for ail that kingdom known as the Church of God,
and for the nations, many of whose représentatives are there in the tri-
bunes. They will sing the epistle in Latin, and again it will be sung
in Grcek. For east and west shall bow to the Gospel of Christ, and
east and west shall recognize His kingship.
— 79 —
And so wliile the great audience is hiished, and while angels adore,
the high priest the Pontilf of the Blessed Sacrament speaks thc words
that bring to the altar the Saviour of men. The Pontiff bows and v.ith
him the great multitude. Hosanna to the King. Thus it is the Christ
that reigns; God alone is great, and howsoever kings may rage and
peoples fret and fume, the Saviour there enshrined surrounded by loving
hearts has the world's adoration and the nations' service. From the
centre to the sea there is one great spiritual Kiugdom, and Christ in the
Holy Eucharist is King.
Is further illustration needed? If it were necessary is it not furnished
by thèse days, in this royal city? The city royal and loyal first of ail
to its Eucharistie Saviour. Hâve you not your Mount Koyal hère, and
has not that Mount become in thèse later days a Mount of Transfigura-
tion ? Out in the far distant Eocky Mountains, there is set upon one of
the highest slopes by nature a great white cross. They call that mount-
ain the Mountain of the Holy Cross, and for miles and miles ail around
that symbol stands an emblem of light for those that believe, a source
of wonder for ail the passers by. But this is after ail only an accident
of nature, while on this Mount Eoyal has been set the gift of God, the
Eucharistie Saviour himself. And with eyes of faith, that white light
streaming from the mountain may be seen to radiate ail around ; north-
ward even until it blends with the mystic light of the aurora borealis,
while southward its way is set until it passes beneath the Southern Cross.
And ail of us children of the western world turning to that lidit, mav
say again with St. Peter, " To whom Lord shall we go but to Thee."
" Thou hast the words of eternal life." So coming to Him our Saviour
and our King we place at His feet our fealty, dévotion and love, and
speak again in the terms of triumphant hope. " Vincat Christus, vivat
Rex."
Voici le dernier jour, radieux et serein, vrai jour du ciel,
jour de joie, jour de fête, jour longtemps attendu, jour salué
enfin dans un inexprimable sentiment de bonheur. Toute la
ville est en mouvement. Hier, pendant toute la journée, ce
matin surtout les trains venus de tous les points ont amené
une foule innombrable d'étrangers. Les rues sont envahies et
d'une circulation difficile.
C'est à la cathédrale qu'a lieu l'office de clôture. Le car-
dinal-légat y célèbre la messe; le cardinal Gibbons prêche, en
anglais, à l'évangile; ]Mgr Touchet prêche en français après
la cérémonie. L'église est pleine à déborder: les évêques, les
représentants des gouvernements et de la ville y sont pré-
sents en grand nombre; la décoration et le chant sont magni-
fiques.
— 80-
Voici les deux discours :
SERMON PREACHED BY HIS EMINENCE CARDINAL GIBBONS.
" The World was niade flesh and dwelt
among us." — John I.
It is relatecl in the life of thc Patriarcli St. Antlionv that on a certain
occasion he received a letter full of filial homage and affection from
Constantine the Great. And the letter was signed not only by the
Emperor, but also by his two sons Constantius and Constans.
The disciples of Anthony, learning that their father was honored by
a spécial epistle from the Emperor, were naturally elated and filled witli
complacenc}', and the vénérable Patriarch observing the exultation de-
picted on their faces, remarked to them : " You rejoice, my sons,
becaiise the Emperor lias written to me. But shoiild it not l)e a cause
of greater astonishment and dcliglit to you that our Eternal Father, the
King of kings and Emperor of emperors, has written to us l)y His be-
loved Son, and has made us partakers of the divine nature ? "
And now, dearly beloved, assembled as we are in this cathedral church,
and at the close of a most consoling and successful Eucharistie Congress
and after partaking of tlie banquet of the Lord, should not we rejoice
with Anthony in the dignity and the inestimable blessings Ave possess as
members of the Cliristian family?
It is customary for a king on the occasion of his coronation to bestow
some titles and distinctions on a number of his most conspicuous and
devoted subjects. During thèse past days you hâve crowned Christ the
Lord as your King, as well as your Pligh Priest. You bave always
acknowledged and proclaimed His spiritual sovereignty over you. He
reigns now over your intellect and reasoning powers, over your heart
and affections, over your imagination and memory, and over the whole
empire of your soûl. And I need not tell you, enlightened Christians,
that tlie homage you pay to your heavenly King, far from lessening,
rather strengthens and purifies, ennobles and consecrates, your allegiance
to your temporal rulers.
And wliat does Christ give you in return for your loyalty to Him ?
Ah, my Brethren, no earthly monarch can reward his subjects as bounti-
fully as the King of heaven rewards His servants. We know from
history how uncertain and capricious are the smiles and promises of tem-
poral rulers. Xo m an ever servod his sovereign with more unswerving
fealty lluin Cardinal Wolscy served Heury VIII. But when he lost the
King's favor, wcU coiild he exclaiin in Ibe anguish of his soûl: " Had I
served my God with half the zeal I bave served my king, He would not
in mine ohl ago bave left me naked to mine enemies."
Wliat litle llien does Christ confer on you for your allegiance to Him?
He créâtes yon the adopted children and heirs of His Eternal Father.
He becomes the Son of Mary that you might becomc thc sons of God.
— SI —
" Wheu the fullness of time was oome," says tlie Apostle, " Goil sent
His iSon, Iliade of a woman, made under the la\A', tliat He might redeeiu
us, tliat we miglit receive the adoption of sons.'' Thus by one act of
divine elemenc}', a threefokl blessizig is conferred on us; tlie staiiis of
guilt are washed away, the chains of spiritual bondage are striei<en
from our feet, and we are adopted into tlie family of God to enjoy the
glorious liberty of children of God.
" Behold," cries ont St. John, " what nianner of charity the Father
liath bestowed on us, that we sliould be called and should be the sons of
God." " Dearly beloved,'"' he continues, " we are now the sons of God,
and when He shall a-ppear, we shall be like to Hini because we shall -.-ec^
Him as He is."
St. Augustin in his imniortal work. '" The City of God," says that
niany rulers and gênerais of Pagan antiquity desired to impress upon
their subjects, as well as on theniselves, the conviction that they were
descended from the gods, so that the consciousness and récognition of
their divine origin might stimulate them to heroic deeds and command
the admiration of their followers. Thus Alexander the Great, iEneas,
Scipio, Romulus, and Cœsar were regarded as the offspring of the gods.
But wliere their titles were imaginary, you, as St. Augustin renia rks,
can with truth lay claim to the title of children not indeed of heathen
divinities^ but of the one, true and living God. Children of the Most
High, when temptations assail you, when the Démon attempts to en-
snare you in his toils, say to him: Begone, Satan. I am a son of God; I
was born for greater things. I am destincd for heaven. I hâve dined
with the King. I hâve come from the banquet of the Lord. The blood
of Christ flows through my veins. Those lips which are purpled with
the blood of the Lamb must not be polluted. I hâve been nourished
with the bread of angels, and with God"s grâce, I shall never dégrade
myself by feeding on the husks of swine.
•' And when He shall apj)ear, we shall be like to Hiin, for we shall see
Him as He is." We shall be like Him in justice and sanctity: like Him
in immortality; like Him in eternal glory and Ijcatitude. As the atoni,
sparkling in the sunbeam, partakes of the splendor of the sun, so shall
we, basking in the eternal sunshine of God's présence, participate in His
glory everlasting.
How much more familiar and affectionate is God's treatment of us
than was His condnct towards the children of Israël, though they were
His chosen people ! The Jews lived under the law of fear. They Avere
governed by fear; they were restrained from vice more by the fear of
punishnient than by the liope of reward. You may search tlie Old Tes-
tament, from Genesis to Machabees, and you will very rarely find the
Hebrew people presuming to call God their Father. They addressed
Him as their Lord and Master, their King, their l?ider, their Judge and
Avenger.
" Not so you," says St. Paul, addressing the Christians of his time.
"You hâve not received the spirit of bondage again in fear, but you
hâve received the spirit of ado])tion of sons whereby we cry, Abba,
Father. For the Spirit Himself giveth testimony to our spirit, that we
are the children of God; and if children, heirs also, heirs indeed of God,
— s-.^ —
and joint heirs with Christ — vet so if we suffer witli Him^ that we may
be also giorified witli Him/'
In addressing our prayers to God, wliat naine is so frequently on our
lips as the name of Father? The name of Father is applied to God
two hundred and sixty times in the New Testament, though the New
Testament occupies less than one fourth of the space of the Old Testa-
ment. And what prayer is more familiar to us than that hest and
most comprehensive of ail prayers, the " Our Father," given to us by
our Lord Himself. Like little children, who instinctively run to their
earthly parents, we can rush in spirit into the arms of our Father, and
say to Him with ail the confidence of a child: Our father, who art in
heaven.
In being made the children of God by adoption, we also become the
brothers and sisters of Jésus Christ. " Jésus is not ashamed to call us
His brothers," says the Apostle. Would you not hesitate to recognize a
fallen brother who has dishonored his name and his family by a life of
dissipation ? How often hâve we grieved our elder Brother Jésus Christ
by our unchristian lives ! How often hâve we defiled that sacred image
of our Father which is stamped on our immortal soûls ! And yet Jésus
is not ashamed to call us His brothers. Nay, He leads us to the waters
of life where those stains may be washed away, so that the image cf His
Father and of our Father may appear once more resplendent on our
soûls.
Shortly before his death, the disciples of Jésus Christ had abandoned
Him in a suprême moment, when their loyalty was put to the test. One
of them had betrayed Him. Another, and he was the leader of the
Apostolic band, had denied Him. New what is the first message that
Christ sends His disciples after His Eesurrection ? Does He reproach
them for their treachery and cowardice? Does He rebuke them for
having forsaken Him in His hour of trial? He makes no allusion
whatever to their ignoble conduct, but He sends them this message of
love : " Go," He says to Magdalen, " and tell My brothers that I ascend
to their Father and to my Father, to their God and to My God."
I cannot find, even in the pages of the New Testament, a more strik-
ing lesson of large-hearted toleration and benevolence than is contained
in this passage. Let us imitate our Master, and tear from our heart
every fibre that does not pulsate with sentiments of genuine forgiveness.
Do not tell me that it is unmanly, slavish, and cowardly not to resent an
injury. That is the conventional language of a depraved popular opi-
nion. It is the highest type of moral courage to condone an injury.
It is the part of the animal man to avenge an insuit. It is only God
and the sons of God that hâve the magnanimity to forgive.
Jésus came down from heaven to earth, that He might lift us up from
earth to heaven. He assumed our frail human nature that He might
make us partakers of the divine nature. Though He is God of God,
Light of light, true God of true God, begotten not made, consubstantial
to His Father by whom ail things were made, yet He becomes bone of
our bone, and flosh of our flesh that He might infuse into us the spirit
of life and immortality.
— 83 —
Angels fell as well as man. Lucifer sinned as well as Adam. Yet
Jésus did not take on Hini angelic nature that ïïe might redeem fallen
angels; but He assumed human nature, that He might redeem fallen
man. This though did not escape the penetrating mind of St. Paul,
who says : " Christ did not take on Himsclf the nature of angels, but He
took on Himself the nature of Abraham."'
He made Himself a slave, that we might enjoy the glorious liberty of
children of God. He beeanie poor, that we might possess the inest-
imable riches of divine grâce. '"' You know,"' says St. Paul, " the grâce
of our Lord Jésus Christ, that being rich, He became poor for our sakes,
that through His poverty we might be rich.'"'
There is a story told that Edward L, King of England, while fight-
ing in Palestine to rescue the Holy Land from the hands of the
Saracen, was stabbed in his tent, by an assassin, witli a poisoned dag-
ger. His devoted wife Eleanor sucked the poisoned wound, and at the
risk of her own life, saved the life of lier husband. While I cannot
vouch for the accuracy of the narrative, it will serve to point a moral.
Has not Christ done more than this for us ? He has extracted from our
soûls the poison of sin, not merely at the risk, but at the sacrifice of His
life. He died that we might live. " He was wounded for our iniqnities.
He was bruised for our sins."
And coming among us, He does not présent Himself to us empty-
handed, like a poor relation, but laden with gifts. He has left us His
Gospel to be a lamp to our feet, a liglit to guide us in our pilgrimage
of life.
He has prepared for us the great banquet of the Eucharist, — great
in ail respects, — gr-eat in the Host who is no other than our heavenly
Father Himself: great in the food set before us, which is the body and
blood of His Son; great in those who minister at the Holy Table, who
are the invisible angels of heaven; — great in the number and variety
of the guests who belong to every nation and tribe and people and
tongue of those dwelling under the canopy of heaven, and who are so
well represented by the immense audience now assembled before me.
Above ail, great is the Feast by reason of the eternal recompense prom-
ised to those who shall worthily partake of it by presenting themselves
in a nuptial garment : " I am," says Christ, " the living Bread that came
down from heaven. If any man eat of this bread, he shall live for ever,
and the Bread which I shall givc, is My flesh for the life of the world.
He that eateth Mv flesh and drinketh My blood, hath everlasting life,
and I vnW raise him up at the last day."'
And to control our wayward, wandcring spirit, the Lord plant'S in tho
midst of our soûl the Spirit of Truth to steer our course amid the storms
of life, as the compass guides the bark through a dark and tempestuous
océan: "T will not loave you orphans,'' Hc says, "but will send you the
Paraclete, the Comforter, and whon He, the Spirit of Trutli, is corne,
He will teach you ail truth." "Know ye not," says the Apostle, "that
ye are the temples of God, and that the Spirit of God abideth in you ? '"
This is not ail. Ascending to heaven, Jésus is thore our Advocato
before the Fathor, pleading continually for us: " My little children."
says St. John, " thèse things I write to you that ye sin not. But if any
• — SI —
one sin, we liave an Advocate witli tlie Fatlier, Jésus Christ tlie just."
We know tliat in tlie Old Law, God was often pleased to spare His
cliosen people for the sake of His servants Abraham, Isaac and Jacob.
If the Lord was so gracious to the prayers of His servants, what will He
refuse to the pleadings of His Son, " in whoni Hc is well pleased ? " The
blood of Abel cried to heaven for vengeance against his brother Gain.
The blood of Jésus cries for mercy towards His brethren. He exhibits
His wounds as so many open mouths crying out day and night : '' Spare,
0 Lord, spare Thy people, and give not Thine inheritance to reproach."
Dearly beloved, what dignity can be compared to this? You will hear
men boasting of their genealogy, and glorifying in being the descendants
of kings and emperors and illustrions personages. But how much more
honorable is it for you to claim as your ancestors in the Faith, the Pa-
triarchs and Prophets, the Apostles and Martyrs, the Gonfessors and
Yirgins of the Ghurch ! How much more glorious for you to hâve with
the Saints one common Father who is God, one Mother, the Ghurch,
the same brother, Jésus Christ, and to possess with theni " one Lord,
one faith, one baptism, one God and Father of ail."
St. Paul did not fail to remind his new converts of thèse great privi-
lèges which they enjoyed; " Now therefore," he says, "ye are no longer
strangers and foreigners ; but ye are the fellow-citizens of the Saints,
and of the household of God, built upon the foundation of the Prophets
and the Apostles, Jésus Christ Himself being the chief corner-stone."
May I not then say to you in the language of blessed Peter ; " Lord,
it is good for us to be hère." Yes, it is good for us to be in Thy Ghurch ;
for, in coming to the Ghurch, says St. Paul, " we hâve corne to Mount
Sion, and to the city of the living God, the heavenly Jérusalem, and to
the Company of many thousands of angels, and to the Ghurch of the
first-born who are written in the heavens, and to God, the Judge of ail,
and to the spirits of the just made perfect, and to Jésus the Mediator
of the 'New Testament."
May I not say to you, not in the language of exaggeration, but in the
inspired words of the Prince of the Apostles : " Ye are a chosen géné-
ration, a holy nation, a purchased people, a royal priesthood." A^ou are
a chosen génération, — chosen from thousands and millions of others
who know not God, but who are wandering in the darkness of idolatry:
a holy nation; " He hath not done alike to other nations, and hath not
manifested His mercies to them as He hath to you." " For what nation
or people is like to ours who hâve their God so nigh unto them as our
God is nigh unto us," yea, within the very tabernacle before us. A pur-
chased people ; purchased not with corruptible gold and silver, but with
the precious blood of Jesus-Christ. The pen with which Abraham
Lincoln signed the decree emancipating several millions of Negroes from
civil slavery, is preserved as an hcirloom. Has not Christ emancipated
us from a bondage far more galling than that of African slaves. — the
servitude of sin and Satan? And the Covenant of our spiritual freedom
was signed not with ink, but with His own immaculate blood.
You are a royal priesthood. The Apostle calls you a royal race, or
kings, because you are the sons of God, the King of kings and Lord of
lords; and though you are outside the sanctuary, and are not clothed in
— 85 —
sacerdotal robes, and are not ordained to olîer up tlie Holy Sacrifice, vet
lie calls you priests, because you arc consccrated in your baptism. that
you miglit oti'er on the altar of yonr hearts, and in tlie sanctuary ol your
homes, tlie spiritual and acceptable victinis of praise and supplication
and thanksgiving to your God.
Well may you say to-day, beloved Christians, witli St. John : " Thou,
0 Lord, hast redeemed us to God by Tliy blood, out of every tribe and
tongue and people and nation, and Thou hast made us a kingdom and
priests to our God, and we shall reign on the earth." Yes, with Thy
grâce, we shall reign over our passions, and greater is lie who ruleth
himself than a king who rules the destinies of nations.
I hâve spoken, niy Brethren, of the dignity you enjoy as niembers of
the Christian family. But where there is so much honor, and so grand
a prospective inlieritance, tliere must be a corresponding obligation.
Children of God, be eareful not to forfeit your eelestial inlieritance by
provoking the resentment of the Lord. Boyal sons of a royal Father,
let your brow be encircled by the halo of every royal virtue. ' " If I ani
your Father,-' says the Almighty, " wliere is Mv honor: if I ain vour
Master, where is My fear ? "'
It is customary for students who hâve been attending collèges and
académies to retnrn to their respective homes during the vacation season,
when they will be eager to recount to their parents their trials and
triuniphs in the field of literature; when they will express their grati-
tude by action, if not by words, for the éducation tliey receive ; and Avhen
they will delight in sitting once more at tlie family table.
You ail are, or you ouglit to be, pupils in the school of Christ, prepar-
ing yourselves du ring this life of probation to receive the diploma of
sanctity whicli will admit you to the kingdom of lieaven. Your heavenly
Father invites you to repair to His house of prayer, at stated times, par-
ticularly on the Christian Sabbath and on festival days, that you might
lay before Him your trials, temptations and afflictions, that you might
express to Him your gratitude for the signal favors Ile lias bestowed
upon you, that you might receive His counsel and blessing, and that you
might partake of the heavenly banquet He lias prepared for you.
I said, you were brothers and sisters of Jésus Christ. îs'ever dishonor
your elder Brother. Xever consent to any thought or deed which would
bring the blush of shame to His cheek. Our Lord Himself gives you the
test of true brotherhood: " Whoever doeth the will of My Fatlior who is
in lieaven, is My brother and sister."
Be conscious then of your dignity, 0 Christian soûls, and liaving be-
come partakers of the divine nature, never return to your former vile-
ness by degenerate conversation. " Eemember to whose Head you are
united as memliers. RenuMiiber tliat you were rescued from the power
of darkness to the admirable liglit of God. You were once darkness, but
now light in the Lord. Walk as the children of light."
Grant, 0 Lord, that when types and figures shall hâve passed away,
and when faith shall be absorbée! in the béatifie vision, we may sec Thee
face to face in Thy everlasting glory. And may Thy banquet of love
which we hâve assembled to celebrate and in which we daily jiarticipate,
— S6 —
be tlie earnest and pledge of the lieavenly banquet at which we shall re-
cline with the true chiidren of Abraham, Isaac and Jacob in the king-
dom of heaven, when '*' we shall be inebriated \yiih the plenteousness of
Thy House and shall drink of the torrent of delights."
My dear Lord Cardinal Legate, two 5'ears ago, almost to the very day,
it was my good fortune to take a part with your Eminence in the célé-
bration «of the Eucharistie Congress in London.
And now it is also my distinguished privilège to participate -«àth you
in this sreat Congress of Montréal. Your Eminence will agrée with
me that this city well deserves the name of Montréal, the King's Mount;
for has it not been dedicated this week, with ail possible splendor, to the
King of âges who dwelleth on high !
I know well how your heart has dilated with joy and exultation in
contemplating the scènes of the past few days.
Your Eminence will be able to recount to the Holy Father the success
wliich has crowned this Congress from beginning to end; under the
admirable foresight and guidance of its zealous and beloved Archbishop.
You will tell His Holiness of the manifestations of faith, and the out-
pouring of Catholic dévotion which hâve marked its progress. You will
speak of the solemn and public processions through the streets of Mont-
réal, not only without let or hindrance, but with the cordial approval
and coopération of the civic authorities, and the piety and enthusiasm
of its devoted people. You will speak of the Love Feast we enjoyed as
a family of devoted chiidren assembled around the spiritual Eather of
the faithful whom we recognized and revered in the person of Your
Eminence, his worthy représentative. Above ail, you will make knoA\Ti
the uncompromising loyalty of the faithful to Christ our Lord, to His
Church and to His Vicar on earth; and I am sure that the august
Pontiff, as an expression of his benevolence and gratitude, will not fail
to bestow with a loving heart his Apostolic Bénédiction on the beloved
Archbishop of this diocèse, his clergy and people, on the hierarchy and
laity of thèse Canadian Provinces so conspicuous for their sturdy faith,
and particularly on ail who hâve devoutly participated in thèse glorioua
Festivities.
SERMON DE MGR TOUCHET
" Pone omnia fecit. "
"Il a bien fait toutes choses! "
(Ev. St-Marc, chap. YIl, v.37.)
Eminentissime Cardinal-Légat, (1)
Eminentissime Seigneur, (2)
Messeigneurs, (3)
Messieurs,
Jésus en était à la seconde année de sa vie publique. Les foules,
prises à fond par son visage, ses discours et ce je ne sais quoi de mysté-
rieux, très humain, très divin, tout à fait indéfinissable, qui constituait
son atmosphère propre, ne savaient plus se détacher de lui.
De cette fois elles l'avaient suivi dans le désert herbu et boisé, mais
sans village, ni ressources d'aucune sorte, dont la Décapole était la
frange vivante.
jSTuI n'avait songé, tant était grand le charzne de Celui qu'ils appe-
laient le " nouveau prophète," que si l'homme ne vit pas seulement de
pain, il lui en faut un peu cependant : tous donc se trouvaient dépourvus
à l'extrême.
Jésus prit en pitié cette imprévoyance touchante. Il fit asseoir les
quatre ou cinq mille personnes qui se pressaient autour de lui, bénit
quelques pains et quelques poissons, qu'il mit en morceaux pour être
distribués. Or chacun en mangea jusqu'à n'avoir plus faim, et il en
resta assez pour remplir des corbeilles, que les apôtres présentèrent, de
peur que les restes fussent perdus.
L'enthousiasme des Galiléens ne connut plus de bornes. Ils réso-
lurent de faire roi leur doux et puissant compatriote.
Songez donc ! un roi qui les enchanterait de ses paraboles et les nour-
rirait oisifs à une table de miracle ! Qui sait même s'il ne rétablirait pas
le royaume d'Israël?. . . . Quel rêve!
Jésus décida d'échapper à ce mouvement populaire. La nuit venue,
il monta sur une barque et atterrit à Capharnaiim.
Cependant ses obstinés admirateurs le rejoignirent le lendemain ; et
l'on put comprendre alors que le Maître n'avait pas opéré la prodigieuse
multiplication de la veille sans un profond dessein.
(1) S. Em. le cardinal Vincent de Vanutelli, légat du Pape Pic X.
(2) S. Em. le cardinal Gibbons, archevêque de Baltimore.
(3) NX. SS. les évêques assistant au congrès au nombre de 110, d'après les
listes officielles.
— 88 —
A peine, en effet, les C'apliarnaïtes l'avaient-ils salué, qu"il prit la parole:
et faisant allusion à tout ce cpie le inonde avait présent à l'esprit: "Je
suis, dit-il, le pain de vie. Vos pères ont mangé la manne dans le
désert, et ils sont morts. Ici est le pain descendu du ciel. Si quelqu'un
mange de lui il ne mourra pas. Oui ! Oui ! Je suis le pain de vie des-
cendu-du ciel. Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement."
" Le pain que je vous donnerai (ne ressemble pas à celui que vous
reçûtes hier) ; ce sera ma chair, vie du monde ! "
Du coup, le Juif se retrouva avec son fond disputeur et têtu.
" Qu'est-ce donc qu'il dit? interrompait la foule. Comment pourra-t-il
nous donner sa chair à manger?
Oh que voilà bien riiomme ! que nous voilà l)ien nous-mêmes ! Des
comment à Jésus ! Des comment à Dieu !
Mais hier, ô foule, quand il t'asseyait au merveilleux festin, tu ne lui
demandais pas de comment? Quand il guérissait tes paralytiques et res-
suscitait tes morts, tu ne lui demandais pas de comment : tu disais " une
lumière sublime a traversé notre ciel ; un grand prophète s'est levé parmi
nous ! " Pourquoi celui qui peut opérer tant de prodiges n'en pouvait-il
pas opérer un de plus?
Jésus ne dit pas le comment.
On disputait sur son affirmation. Il prêta le serment de la vérité
éternelle, qui jure par soi, ne trouvant rien au-dessus de soi.
" En vérité, prononça-t-il, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez
la chair du fils de l'homme, si vous ne buvez son sang, vous n'aurez pas
la vie en vous. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie
éternelle, et je le ressusciterai au dernier Jour. Je vous le dis et le
redis: ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang vraiment un
breuvage ! "
Il ne restait même plus à interroger. Cela devenait clair comme la
lumière du jour. Il faudrait manger sa chair, il faudrait boire son sang.
Pareil discours était cependant trop rude à croire ! C'était trop fort !
On en avait trop entendu ! Que restait-il, qu'à fuir cet homme aux
propos bizarres? Et plusieurs s'éloignèrent de Jésus pour ne plus le
revoir jamais.
Le Maître ne tenta pas de les retenir. Il n'expliqua rien; il ne retira
rien. Eien ne devait être expliqué en effet; encore moins quelque chose
devait-il être retiré. Mais, comme s'il eût voulu bien plutôt enfoncer
le fer dans la plaie qu'il avait ouverte :
" Cela vous scandalise, conclut-il. Que sera-ce donc lorsque vous
m'aurez vu remonter au ciel? (Car c'est alors que vous mangerez ma
chair et boirez mon sang.) Homme de lourde et charnelle raison, de-
mandez donc à l'Esprit ses lumières: Caro non prodest quidqitam; spi-
ritus est qui vivificat."
Il est, pour moi, Messieurs, un mystère prosqu'aussi incompréhensible
que celui de l'Eucharistie: c'est qii'un homme croyant à la divinité de
.Tésus puisse lire ce chapitre de la promesse, et ne pas faire un acte de
foi en la présence réelle.
L'affirniation do Jésus, bautaine, dirait-on, à force d'intransigeance;
— 89 —
son serment d'une majesté si dominatrice; sou insouciance des infidèles
qui l'abandonnent; sa manière tranchante d'intervenir dans le débat
soulevé de Juif à Juif; tout cela doit fixer dans la foi un esprit réfléchi
et non prévenu.
Ah ! Si Jésus est un homme comme vous et moi, rien ne dit, rien ne
fait ! Mais s'il est le Verbe incarné, n'hésitons plus. L'hésitation revê-
tirait la malice du blasphème.
Jésus dégagea sa parole quelques mois plus tard.
C'était la tendre et terrible nuit de la tradition.
Demain, il mourra ; il le sait.
Ce soir, il a célébré la Pâque suprême avec ses disciples. Il a mangé
avec eux, debout, bâton en main, les reins ceints, l'Agneau pascal, mé-
morial, pour les fils, de la sublime migration des pères, quand, sur l'ordre
de Moïse, ils abandonnèrent les bords du Xil pour aller conquérir une
patrie et la liberté.
Jésus pria divinement, rendant grâce à Jéhovali. Puis il s'agenouilhi;
lava, malgré leur émoi, les pieds aux douze; enfin il se rassit, et, raconte
le Livre : " Il prit du pain, le bénit, le rompit, le donna à ses disciples
et dit : " Prenez et mangez, ceci est mon corps.''
" Prenant ensuite nne coupe, il remercia, la leur passant à la rondo.
Buvez-en tous, dit-il encore. Ceci est mon sang; le sang du testament
nouveau, (pii sera répandu pour la rémission des péchés de tous les
hommes.'"'
Les douze burent donc comme ils avaient mangé. Enfin, Jésus les
regardant avec ime tendresse et nne toute-puissance ineffables, com-
manda d'un commandement bref: "Faites ceci en mémoire de moi."'
C'était fini !
Jésus se sentit le cœur en feu. '' A'ous n'êtes plus mes serviteurs, vous
êtes mes amis," s'écria-t-il. Les barrières sont abattues. Le verl)e de
Dieu (pli (lisait durement à Moïse: "Je suis celui ([ui suis;"" toi. tu n'es
pas; rien n'est: moi seul suis:'' Celui-là, le même appelle maintenant
ces pauvres, ces ignorants, ces gens de néant, du nom qui ett'ace les dis-
tances, du nom qui noue les mains, qui incline les fronts vers les fronts,
qui presse les poitrines contre les poitrines, du nom d'amis ! " Delirabat
pro amore," ose écrire ce Père. " Il était devenu comme per(hi d'amour!"
Eh oui ! n'est-ce pas un peu fou, ce que vous venez d'exécuter, ô
Christ ! Inventer chose pareille, n'est-ce pas courir vers tous les dé-
boires ?
Quoi donc ! Se passera-t-il un siècle et demi avant (|ue les Gnostiques
écrivent: Le Christ n'avait pas de corps? Il n'avait qu'une apparence
de corps. Il était un fantôme de corps.... L'iMicharistie !.^. . lîêve!
Quoi donc ! Se passera-t-il douze siècles avant que Bérenger prêche :
" L'Eucliaristie ne contient rien de réel, rien de substantiel; ce n'est
qu'une ondjre, une figure, qui rappelle le corps et le sang (ht Christ."
Quoi donc! Wiclef, Carlostad, Zwingle, Socin, Arminius, Calvin, re-
tournant à l'hérésie de Bérenger, dénués d'originalité, pitoyables copist(-^s
jus(|ue dans l'erreur, ne protesteront-ils pas'que l'Eucharistie est le mé-
morial du suprême bancpict et de la mort de Jésus, mais pas autre chose?
Quoi donc ! Luther, impuissant à nier la présence réelle, tout aigre
qu'il en soit, mais pris à la gorge comme il s'exprime en sa langue tri-
— 90 —
viale et forte, par le texte évangélique, (textus hic me jugulât), n3
voiidra-t-il pas associer la substance du pain à celle du corps et du sang
de Jésus?
Quoi donc ! mille sectaires que tous nomment, ne profaneront-ils pas
l'hostie au fond de leurs antres, et d'exécrables saturnales? Montgomery
et ses hideux semblables ne la donneront-ils pas à manger à leurs che-
vaux, sur les pierres d'autel épouvantées ? Voltaire, au retour des tables
saintes, n'écrira-t-il pas, sinistre scélérat : " Je viens de faire mon dé-
jeuner à la Turque ! " De lourds impies ne nous accuseront-ils pas, entre
deux gros rires bêtes, de manger et d'adorer " du pain à cacheter."
Quoi donc ! est-ce que des multitudes d'hommes, de femmes, d'enfants,
de vieillards éprouveront autre chose, pour ce pain, que du dégoût?
0 Christ Jésus! n'avez-vous pas entendu, n'avez-vous pas prévu?
Etes-vous indifférent à ces clameurs et à ces pratiques de haine? Etes-
vous insensible à ces outrageux dédains?
Il a tout entendu! Il a tout prévu. Il n'est indifférent ni sensible
à quoi que ce soi. Mais vous-même, qui vous répandez en ces étonne-
ments, n'avez-vous pas vu, et entendu, et goûté? Ignorez-vous que les
délais apparents de l'Homme-Dieu ne peuvent être que sagesse pro-
fonde? Ne savez-vous plus qu'il a bien fait toutes choses? Bene omnia
fecit.
Assurément ce quelque chose de très petit, de tout frêle; ce quelque
chose qui est à peu près rien, en apparence, ce quelque chose (rappro-
chement divin et si expressif) de blanc à l'égal du Pape, une autre
faiblesse puissante, comme si le Pape avait voulu se cacher en lui ou le
cacher en soi; ce quelque chose qu'ils bafouent dans leur mépris stupide
et, disons le mot, antiscientifique; ce quelque chose que nous adorons
nous, nous, dis-je, qui savons, est le centre, le cœur, la cellule évolutive
de la religion chrétienne. Elle a détruit tout ce qui s'opposait au règne
de Jésus. Elle a créé tout ce qui l'honore.
Par elle le mosaïsme a virtuellement fini. Elle a réalisé les vieilles pro-
phéties qui annonçaient le substitution du sacerdoce de Melchisédech à
celui d'Aaron. Elle a inutilisé le temple de Salomon et le tabernacle
de Moïse, Elle a abrogé les sacrifices sanglants de taureaux, de génisses,
de boucs. Elle a destitué les fils de Lévi du privilège d'entrer dans le
Saint des Saints, d'y offrir la coupe sanglante et sacrée. Elle a rem-
placé l'immense et rude figurisme de la Loi ancienne par les réalités
mystiques et immaculées de la nouvelle loi. Bene omnia fecit!
Elle a détruit le paganisme, amas inexprimablement colossal de luxure
et de cruauté. Il eut beau se défendre sauvagement, par l'hostie il fut
détruit. Pendant trois siècles, il nous tua, il nous brûla, nous dévora.
Parfois il interrompait sa besogne, stupéfait de ne pas nous avoir noyés
dans notre sang. Alors il essayait de jeter un regard dans nos cata-
combes. Il soulevait furtivement les portières qui lui en dérobaient le
secret. Et il s'en retournait à sa hache, à ses bûchers, à ses bêtes, mau-
dissant, criant : on ne sait ce qui se passe dans ces ténèbres ; ils y célèbrent
de monstrueux festins, y dévorent la chair d'un enfant et y boivent son
sang.
Ce n'était pas tout à fait vrai. Ce n'était pas tout à fait faux. Ils
— 91 —
mangeaient, nos aïeux des catacombes, la chair, ils buvaient le sang du
Christ; et leur faiblesse se muait en force.
Si du reste les bourreaux avaient daigné écouter nos docteurs, ils
eussent été renseignés avec précision. " Notre chair s'approche du corps
et du sang du Christ et notre âme se fortifie de la force de Dieu," leur
aurait dit Tertullien. (1) '' Xous qui participons à la sainte chair et au
saint sang, nous débordons de la vie divine," leur aurait dit Cyrille
d'Alexandrie.
'' Le Christ ne nous Ta-t-il pas répété, leur aurait dit saint Irénée, le
vin du calice qui n'est qu'une créature devient son sang, le pain qui est
une créature devient son corps." (2)
L'Eucharistie créa l'énergie des mart3-rs, et l'énergie des martyrs eut
raison du paganisme. Bene omnia fecit!
Le sang des martyrs n"a pas sé?hé qu'une formidable ruée accourt des
plateaux de l'Asie, et se précipitant contre le monde romain, l'éventre,
l'écrase, lui arrache des hurlements de douleur et d'effroi. C'est le talion,
le talion terrible : Qu'il périsse celui qui a tué ! Qu'il flambe celui qui a
brûlé ! Sang pour sang ! Feu pour feu !
Cependant, voici que la chevauchée folle se calme, Visigoths, Francs,
Alamay, Burgondes, Normands, ont rencontré des yeux et des verbes de
douceur, par lesquels ils se sont laissés séduire. Les moines, les célestes
fils de Benoit et de Colomban, leur ont présenté la croix et l'hostie ! Ils
les ont baignés dans l'eau du baptême et le vin des calices, ils les ont
convertis. Bene omnia fecit!
Une seule fois, l'Hostie échoua. Entre les raaius de Claire d'Assise,
la pauvre abbesse, sur la plateforme du monastère de Saint-Damien,
caché parmi les roses et les jasmins blancs comme un nid de passereau
dans les mousses, elle fit reculer le Sarrazin, le sectateur de Mahomet:
elle ne le convertit point. Est-ce donc que ce farouche serait inconver-
tissable, mon Dieu !
Mais le Moyen- Age a commencé ; il avance : il bat son plein ; il se
clôt ! Toujours il croît ; et il adore, et aime l'Eucharistie. Il lui élève
des cathédrales. . .
Eegrettez-vous le temps où
Strasbourg et Cologne, Notre-Dame et Saint-Pierre,
Agenouillés au loin dans leur robe de pierre,
Sur l'orgue universel des peuples prosternés
Entonnaient l'Hosannah des siècles nouveau-nés . . .
Les maîtres de la théologie précisent aux peuples la nature et la gran-
deur du " Sacrement " comme on dit avec une emphase sainte. Ils se
souviennent qu'Ambroise de Milan a écrit : " Ce que nous fabriquons,
hoc quod conficimns, c'est le corps né de la Vierge, corpus ex virgine est;
la vraie chair du Christ, vera vtique caro Christi; crucifiée, ensevelie,
( 1 ) Tertullien, De resurrectione.
(2) St-Irénée, Adversum haereses, lib. v. cliap. II.
— 92 —
quae crurifixa est, quae sepuïta est (1) " ; que Cyrille de Jérusalem a
écrit: ''Ce qui affecte les yeux et le goût comme du pain, qui videtur
panis, tametsi giistu sensibilis, n'est pas du pain, paiiis non est; c'est le
corps du Christ, sed corpus Christi; ce qui affecte les yeux, le goût
comme du vin, quod videtur vinum etiam sit a gustu videatur, n'est pas
du vin, vinum non est, mais le sang du Christ, sed sanguis Christi
est (2)" ; que Chrysostôme de Constantinople a écrit : " pas de résistances
à Dieu, Deo ohsequamur. Son Verbe ne peut tromper, Verhum ejus
fallere nequit. Or il a dit: ceci est mon corps. Ille dixit, hoc est etiam
corpus meum"; — qu'Augustin d'Hippone a écrit: "Dieu, pour infini-
ment sage qu'il soit, n'aurait pu concevoir plus; pour infiniment puis-
sant qu'il soit, n'aurait pu exécuter plus ; pour infiniment riche (lu'il
soit, n'aurait pu donner plus ; Cum esset sapientissimus, ptus facere nes-
civit; cura esset potentissimus, plvs facere non potuit : cum csset ditis-
simus, plus dure non potuit/'
Et alors l'austère réfléchi, l'homme que ses condisciples respectueux
et tenus à distance par la gravité dont il s'entourait, appelaient le grand
bœuf muet de Sicile, Thomas d'Aquin, vivante synthèse des docteurs qui
l'ont précédé, ange illuminateur des docteurs qui le suivront, écrivit la
somme de ses connaissances et des nôtres sur l'Hostie.
On vit comment elle est le centre et le terme de la hiérarchie, puisque
le prêtre est fait pour la consacrer, l'évêque pour consacrer le prêtre, le
Pape pour envoyer l'Evêque.
On vit comment, sans elle, Dieu ne serait ni glorifié, ni aimé, ni
espéré, ni cru, comme il sied à sa majesté, à sa bonté, à sa véracité.
On vit comment elle est le lien de charité entre les hommes, rendant
les esclaves frères de leurs maîtres, et ne laissant entre eux que la diffé-
rence de leur degré de charité.
On vit que, sans elle, il n'y aurait pas de religion chrétienne, mais une
ombre de religion, et que donc Jésus avait bien fait en l'instituant.
Bene omnia fecit!
Les peintres étudièrent, traduisirent cette haute dogmatique ; de l'An-
gelico à Raphaël, de Eaphaël à Léonard de Vinci, do Vinci à Van Eyck,
de Van Eyck au Poussin, du Poussin à ny])i)olite Flandrin. Bene
omnia fecit!
Les poètes firent comme les peintres ; de Dante au Tasse, de Tasse au
Camoons, de Camocns à Corneille, de Corneille à Chateaubriand. Bene
omnia fecit!
Les orateurs sacrés ont bu eux aussi à la source pure. Ecoutons au
moins celui qui est leur voix de tonnerre et leur harpe angélique; il ne
montra jamais plus son grand cœur, humble, croyant, passionné, que
•rjuand il traita de l'Eucharislie. Ce n'est, vous rontendez bien, m de
Bourdaloue, ni de Massillon, ni de Lacordaii'c, ipic je parle, si mntini-
fiques soient-ils, c'est de Bossuet. Oiii, Messieurs, est-ce que nous ne
nous résoudrons pas de relire ses Méditations sur l'Evangile, depuis le
vingt-deuxième jour jusqu'au soixante-cinquième? Certes, Bossuet est
( 1 ) Ambroise, Mysteriis, chap. IX.
(2) Cyr., Catech., 22.
— 93 —
he-àu dans ses Oraisons funèbres, ses Sermons, son Discours, son His-
toire des variations, mais ce recueil des quarante-trois Méditations évan-
géliques, mais ce cri de passion, de foi, d'humilité qui sait se renouveler
à chaque page, à chaque ligne, alors qu'on se demande s'il ne va pas
expirer, épuisé par sa violence même; mais ces aperçus de psychologie,
ces exposés de raison qui apparaissent subitement, solennels et larges
comme vos vastes fleuves ; mais ces appels à la miséricorde de Dieu, à la
reconnaissance des hommes, à la vigilance des prêtres et des Pontifes;
mais cet hymne oii le ciel et la terre confondent leur voix, oii l'on trouve
toute la substance des évangélistes, des docteurs et des mystiques, non,
Messieurs, non rien de pareil ne s'est écrit, rien de pareil ne s est pensé,
rien de pareil ne s'est senti ailleurs. Même le Traité du Sacerdoce de
Chrysostôme pâlit près de ces pages de feu. Ici Bossuet n'est plus uni-
quement le dernier des Pères; il en est le plus complet et le plus sublime.
Et c'est la France, la France, dis-je, qui, par la main de son grand fils,
posa cette couronne d'étoiles au-dessus de l'ostensoir !
A ce moment presque, je veux dire presqu'au moment où le génie gra-
vissait cette cime, chez vous, près de vous, pour vous, fils du même sang
que Bossuet, un missionnaire perdu sur les rives du Saint-Laurent se de-
mandait, l'huile manquant, quelle flamme il allimierait devant la porte
de son tabernacle. Il avisa des mouches à feu, les enferma dans un tube
de verre, se créa ainsi une lampe toute gracieuse pour le Sacrement
abrité dans une hutte de branchages.
Pauvres que nous sommes ! souvent séduits par ce qui touche faible-
ment l'Eternel, saurions-nous décider ce qu'il agréa le plus, ou l'efuvre
grandiose conçue et réalisée par Bossuet devant sa table de (iermigny-
l'Evêque, ou l'invention candide du P. Yimont, je crois, perdu (huis la
forêt du Xouveau-Monde.
Tout de même ceci et cela fut de l'amour. 0 Christ, vous avez donc
bien fait toutes choses! Bene omnia fecit!
De l'amour, dis-je! Ah! quel horizon nouveau! De l'amour! n'en
obtient pas qui veut ! Mais, ciel ! qu'il y en eut près de l'Hostie. Saints
et Saintes, qu'avez-vous fait que l'aimer? Est-ce que d'elle vous n'avez
pas été passionnés, passionnés à mort? Qu'est-ce que vous trouviez sur
vos corporaux, que de l'amour? Qu'est-ce que vous buviez dans vos ca-
lices, que de l'amour? Qu'est-ce que ces raisons d'humilité, de pénitence,
de pureté, do pauvreté, qu'une ivresse d'amour? 0 François d'Assise, ô
Dominique do Gusman. ô Thomas d'Aquin, o Ignace de Loyola, Fran-
çois de Sales, Jean-Baplisto A'iannoy, et vous Brigitte, Gortrudo, Ca-
therine de Sienne, Marguerite-Mario, Julienne de Liège, -Teanne d'Arc,
Rose de Lima, Thérèse de Jésus, que vous avez aimé le Sacrement !
L'univers do tous les âges serait do glace pour lui que vos seules ardeurs
com])enscraient l'atroce ingratitude. Benc omnia fecit!
Or l'univers de tous les âges n'est pas de glace. N'ous-mêmes nous ne
sommes pas de glace, si misérables devions-nous nous estimer.
A l'aube de notre existence, quand Jésus-Hostie vint à nous, nous l'ac-
cucillîmos bien. Xous ouvrîmes nos lèvres qui tremblaient un peu, et
comme la goutte do rosée qui toml)e de la corolle d'un lys le rafraîchit,
le parfume, le baigne de blancheur et de grâce, Lui il bénit nos Ames.
— 94 —
Lorsque ce soir de la vie, que nous voyons accourir rapide et grave,
nous enveloppera de ses ombres, tandis que nous lutterons contre la
mort voisine, il reviendra. Ami des bonnes et des mauvaises heures,
toujours fidèle; confident de nos désastres et de nos triomphes moraux,
de nos douleurs et de nos joies, il ne nous abandonnera pas, et nous l'en-
tendrons nous murmurer au cœur: que craindrais-tu, ne suis-je pas ton
hostie, moi qui dois être ton Juge.
Les grâces eucharistiques sont tellement pénétrantes que nos frères
séparés en ont la nostalgie. La vue du tabernacle les trouble, l'Hostie
les attire. Ils voudraient communier . . . Ah ! frères, frères, laissez-vous
aller à cette attirance. Très chers, venez et enivrez-vous au même tor-
rent que nous: inebriamini, carissimi! Bene omnia fecit!
Serait-ce bien ici, d'ailleurs, qu'il pourrait devenir nécessaire de
prouver plus longuement la divine opportunité de l'Eucharistie? Ici,
quand depuis trois jours, magistrats et clergé, artisans et hommes de
loisir, lui font cette fête prodigieuse; ici, quand trente mille enfants
l'ont saluée dans leur joyeuse candeur sur le parvis de l'église Notre-
Dame; ici, quand vingt mille jeunes hommes lui ont fait serment de
fidélité, à l'Arena; ici, quand un demi-milion de croyants se prépare à
la chanter, cette après-midi dans une exultation dont rien ne nous donne
l'idée; ici, quand ces prélats venus de tous les coins du monde lui ren-
dent l'ineffable témoignage de la même foi, de la même adoration, de la
même charité; ici, quand vous, Eminentissime Cardinal-Légat, lui
apportez l'hommage de l'Eglise mère et maîtresse et celui de son su-
prême Pontife.
Eh bien, non : mille fois non : 0 Jésus, Sagesse incréée et incarnée en
qui réside toute mesure, nombre et rythme des choses, vous ne perdîtes
pas l'équilibre, ce divin soir où vous dites sur le pain: ceci est mon corps,
et sur le vin : ceci est mon sang.
Gloire à vous pour tout ce que vous avez rêvé et réalisé : dix fois, cent
fois, mille fois gloire à vous pour l'invention et la réalisation de l'Eu-
charistie. M la terre, ni les cieux, n'ont les voix qui suffiraient à louer
le Sacrement. Que le silence soit sa Louange. Silentium tihi Laits.
Je me tairai, pas toutefois, sans avoir adressé une prière. Dieu
de l'Hostie. Avant que le soleil ait terminé sa course, vous nous bénirez.
Seigneur. Faites cette bénédiction large comme votre bonté.
Jetez d'abord un œil favorable sur cette Eglise canadienne, notre amie
et notre sœur. Elle a concerté pour vous cette fête: bénissez-la! Pro-
longez ensuite votre regard vers le Sud. Il rencontrera ces jeunes et
vivantes Eglises des deux Amériques : bénissez leurs activités fécondes.
Daigne l'une de vos mains sacrées s'étendre vers le Nord, et, par delà le
Pôle atteindre cette Asie, redoutable réservoir de races idolâtres, dures
aux efforts de la croix et aux attaques de l'épée : bénissez-la. Que l'autre
de vos mains aille vers l'Ouest: elle y trouvera dans le Pacifique
immense des îles innombrables, et plus loin, la mer des Indes étant
franchie, l'Afrique brûlante et noire: bénissez. Seigneur, bénissez.
Seigneur, les îles innombrables; bénissez l'Afrique brûlante et noire.
Enfin, Seigneur, qu'un rayon de votre cœur Divin coure chaud et tendre
vers notre Europe, afin d'y dissiper les horribles ténèbres de scepticisme
et le froid d'indifférence qui l'enveloppe. Bénissez-la ! Si j'osais, ô
— 95 —
notre Maître, dans ce vieux monde, je vous désignerais deux points pour
lesquels je vous implore avec une particulière ardeur: Notre Eome et
ma France. Oh oui ! à Rome, le chef visible de la Catholicité, son Père,
son Pasteur, son Prêtre Souverain, le Pape. Oh oui, toujours! en
France, bénissez nos peuples, bénissez leurs Pasteurs. Ceux-ci avec leurs
fidèles, — leurs fidèles loj'aux, s'entend. — Vous les apercevrez à travers
un nuage de poussière et de fumée, le nuage des batailles. Ce spectacle
n'est pas fait pour vous contrister, ô mon Eoi ! Les rois aiment les ré-
giments qui triomphent, qui ont de bons casernements. Ici j'ai vu des
chefs de régiments triomphants et bien casernes. Tant mieux. Soyez-
en béni. Dieu des victoires, et en soient félicités nos frères très chers, de
quelque nom qu'ils s'appellent ; et quelque langue qu'ils parlent ! Toute-
fois, les rois aiment plus encore les régiments qui se battent. Ils leur
doivent un regard de plus tendre bienveillance; ce regard nous le récla-
mons. Seigneur, aujourd'hui, nous sonunes le régiment qui se bat.
Hostie salutaire, en ce Congrès intermondial, nous vous avons prié
pour le monde. Sauvez ! Sauvez le monde ! Ainsi soit-il !
La messe solennelle chantée à la cathédrale n'est pas en-
core terminée que déjà, aux abords de l'église Xotre-Dame
les rues sont envahies. A l'ouest de l'église jusqu'à la rue
3IcGill inclusivement, les différents groupes ont été convo-
qués aux endroits qu'ils doivent occuper avant le départ de la
procession. De tous côtés, depuis onze heures, sociétés cho-
rales, délégations paroissiales, associations pieuses, fanfares
affluent, gagnant chacune la rue où elle doit stationner. On
ne compte plus les bannières, les drapeaux de toute couleur
et de toute forme. C'est, sous le ciel bleu et sous le gai soleil,
un froissement continu de soie, un perpétuel rutilement d'or.
Jusqu'au reposoir, sous les arcs, le long des rues où doit se
faire le défilé, le peuple attend. Les gares, le matin, onr
compté cent quinze trains et plus de quatre cent mille per-
sonnes sont entrées dans la ville. Avec ce que les jours pré
cédents avaient amené de monde, avec la population ordi-
naire on peut évaluer le nombre probable de spectateurs. Ils
sont massés sur des estrades élevées partout, parfois à trente
et quarante degrés superposés; dans les fenêtres, sur les bal-
cons, sur le toit des maisons, dans les arbres, et sur les trot-
toirs h dix rangs de profondeur. Cette multitude immense
se tiendra calme, respectueuse, recueillie i)endant cinq heures
consécutives, fière de l'honneur qui lui est fait, heureuse de
donner un témoignage public et non équivoque de sa foi pro-
fonde.
— 96 —
Midi et demi. Le bourdon de Notre-Dame s'ébranle. 11 jette
dans l'air calme ses notes puissantes et graves que la brise
emporte au loin sur le fleuve. C'est le signal attendu. Im-
médiatement la procession se forme. A une heure elle est
en mouvement. A travers deux haies de spectateurs, sous la
coupole des arcs de triomphe, le long des rues dont toutes les
nmisons ont été littéralement tapissés, de la base au faite,
de draperies et de banderolles, elle s'avance lentement dérou-
lant d'incomparables splendeurs sous les yeux émus et sou-
vent remplis de larmes des aissistants.
Voici dans quel ordre se fait le défilé :
Un groupe d'agents de police, sous le eonimandement de l'inspecteur
Leggett, à cheval.
Un détachement de pompiers.
Le bataillon des Zouaves.
Chœur Xo 1.
La jeunesse Catholique.
Fanfare.
Un membre du Comité de procession avec ses messagers.
Les sociétés catholiques.
Les 'Hibernians ", précédés de la Garde du même nom.
La C. M. E. A.
Chœur No 7.
La Garde Indépendante Champlain d'Ottawa.
Les Forestiers Catholiques.
La Garde Indépendante Pie X.
L'Alliance Nationale.
Fanfare.
La Garde Indépendante Duverna}^
Chœur X^o 3.
Union Saint-Pierre.
L'Union Saint-Joseph de Saint-Henri et l'Union Saint-Joseph du
Canada.
La ]\Iusique de Montréal et les Artisans Canadiens-français.
Chœur X^o 2.
La Garde Indépendante des Chasseurs de Salaberry de Québec.
Chœur Xo 4.
Les Chevaliers de Colomb.
La Garde Indépendante de Lowell, Mass.
Chœur Xo 5.
Les Sfciétés de Tempérance.
Les "IIolv Xame" et lu société Saint- Vincent de Paul de Brooklyn.
La Garde rndépendante Champlain de Québec.
La St. Patrick'i; Society.
La fJardo Indépendante Yille-Marie.
Chœur Xo G.
L'Association Saint-Jean-Baptiste.
Fanfare et cadets des Zouaves.
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— 97 —
Un membre du Comité de Procession avec ses messagers,
La Garde Indépendante Jacques-Cartier de Québec.
Chœur Xo 8.
Les Liojues du Sacré-Cœur.
Fanfare.
Chœur No 9.
Les Congrégations de la Sainte-Yierge.
Les Conférences de Saint-Vincent de Paul.
Un membre du Comité de Procession avec ses messagers.
Chœur No 10.
Les paroisses du diocèse de Montréal avec leurs sociétés, archicon-
fréries et associations, bannières et oriflammes déployées dans l'ordre
suivant :
Notre-Dame, Saint-Paul, Xotre-Dame du Perpétuel-Secours, Sainte-
Clotilde, Saint-Yiateur, Saint-Clément de Yiauville, Saint-Eusèbe, ïïo-
chelaga, Sainte-Claire, Sacré-Cœur, Saint-Pierre, Saint-Jean-Baptiste,
Longue-Pointe, Yilleray, Saint-François d'Assise, Notre-Dame de Yer-
dun, Saint-Arsène, Maisonneuve, Saint-Stanislas, Saint-Yincent de Paul,
les Sourds-Muets, L'Enfant-Jésus, Saint-Anselme, Saint-Zotique, Saint-
Jean de la Croix, la Colonie Syrienne, Saint Anthony's, Saint ]ilar}''s,
Saint Michael's, Saint Agnès, Saint Thomas d'Aquinas', Saint Patrick'^,
Sainte-Cunégonde, Saint-Jacques, Saint-Charles, Notre-Dame du ]\Iont-
Carmel, la Colonie Italienne, Sainte-Elisabeth, Saint-Henri, Lachine, la
Colonie Polonaise et Lithuanienne, Caughnawaga, les Chinois Catho-
liques, Montréal-Sud, Saint-Laurent, Saint-Sacrement, Saint-Sulpice,
Sault-au-Eécollet. Terrebonne, Saint-Eémi, Saint-Yincent de l'Ile Jésus,
Saint-Constant, Sainte-Anne-des-Plnines, Saint-Martin, Yaucluse, Sain-
te-Dorothée, Saint-Léonard, Sherrington, Pointe-aux-Trembles, Saint-
François de Sales, Sainte-Ann« de Pellevue. Saint-Luc, Saint-Jacques le
Mineur, Saint-Hermas. Sainte-SchoLiï^tique. Sainte-Eo~e, Sainte-Th-vè-e,
Longueuil, Boucherville, Saint-Isidore, Saint-Hubert, Saint-Jérôme,
Chambly, Yerchères, Contrecœur, Lachute, Yarennes.
Les délégations canadiennes :
Diocèse de Joliette, diocèse de Sherbrooke, diocèse d'Alcxandra, dio-
cèse de Xicolet, diocèse de Saint-Hyacinthe, diocèse de Yalleyfield, dio-
cèse de London, diocèse de Trois-Eivière?, diocèse d'Ottawa.
Diocèse de Saint-Boniface.
Fanfare Italienne.
Chœur No 11.
Chœur No 12.
Les Délégations Acadiennes.
Les Délégations Américaines.
Les Délégations Européennes.
Fanfare.
Les Fraternités du Tiers-Ordre.
Un membre du Comité de Proce-sion et ses messagers.
Communautés religieuses comme suit:
4
— 9S —
Frères du Sacré-Cœur, Frères de Saint-Gabriel, Frères de Lamennais,
Frères Maristcs, Frères de la Charité, Frères des Ecoles Chrétiennes.
Les Eévérends Pères de la Société de Marie, Sainte-Croix, Rédemp-
toristes, Saint-Viateur, Saint-Sacrement, Oblats de Marie-Immaculée,
Dominicains, de la Compagnie de Jésus, Franciscains, Trappistes.
Un membre du Comité de Procession et ses messagers.
Cérémoniaires.
Les Enfants de Chœur.
Les Séminaristes.
Les prêtres.
La fanfare du '' Mont Saint-Louis."
Les Chanoines des diocèses étrangers.
Les Vicaires-Généraux des diocèses étrangers.
Le sous-diacre porte-croix entre deux acolytes.
Les prêtres en ornements.
La fanfare du 65e.
Les représentants d'évêques.
Les Chanoines de Montréal.
Les Abbés Mitres.
Les Evêques et leurs chapelains.
Les Archevêques et leurs chapelains.
Les anciens zouaves pontificaux.
Le Chapelain porte-crosse.
Les thuriféraires.
Les petits pages et thuriféraires.
Son Eminence le Cardinal Légat portant le Saint-Sacrement, avec
ses ministres sous le dais, entouré de la Garde d'honneur formée par un
détachement du 65e.
Un Chapelain de Mitre.
Les Associés de la Mission Pontificale.
Les Familliers du Eévérendissime Cardinal Célébrant.
Deux porte-clefs.
Deux cérémoniaires.
Les Eminentissimes Cardinaux.
Un cérémoniaire.
Le Eévérendissime Archevêque de Montréal en " cappa magna " et ses
Chapelains.
Un cérémoniaire.
Les protonotaires Apostoliques.
Les Prélats domestiques.
Les Camériers secrets sans mission.
Les Ordres Pontificaux.
Le Comité permanent des Congrès Eucharistiques.
Les Cadets du Mont Saint-Louis et le 65e bataillon formant la Garde
d'honneur des dignitaires ecclésiastiques.
Les corps officiels.
L'administrateur du Canada et son état-major.
Le gouverneur du Ehode-Tsland et son état-major. '
Le lieutenant-gouverneur et son état-major.
Le représentant du Gouverneur Général et ses aides de camp.
— 99 —
Le Gouverneur de l'Etat du Ehjde Islaud, E. U., et ses aides de camp.
Le représentant du Lieutenant-Gouverneur de la Province de Québec
et ses aides de camp.
Le premier Ministre du Canada et les Membres du Cabinet.
L'orateur de la Chambre des Communes.
La Magistrature.
Les Députés à la Chambre des Communes.
Le premier Ministre de la Province de Québef.
Les membres du Conseil Exécutif de la Province de Québec.
L'orateur du Conseil Législatif,
Les membres du Conseil Législatif.
L'orateur de l'Assemblée Législative.
Les membres de l'Assemblée Législative.
Le Maire de Montréal.
Messieurs les Commissaires et Echevins de la Cité de Montréal.
Le Bâtonnier de l'ordre des avocats.
Le Barreau.
Le Président de la Chambre des Notaires.
Les Notaires.
Les Professeurs de l'Université Laval.
L'Université Laval.
Les corps professionnels : les médecins, les pharmaciens, et l'école
technique, représentée par une délégation.
L'Adoration Nocturne.
Les Confréries du Très Saint-Sacrement.
Extrême arrière-garde : les Zouaves Pontificaux du Cercle Paroissial
de l'Enfant-Jésus.
A quatre heures et demie seulement le Saint-Sacrement
quittait Notre-Dame, porté par le Cardinal-Légat. Jusqu'au
reposoir il s'avamcera sur un vrai chemin de fleurs, les pages-
fleuristes vidant devant lui leurs corbeilles aussitôt remplies.
A sept heures, par la rue Eachel, on atteignait le reposoir. La
nuit était venue, une nuit lumineuse et douce où dans le ciel
serein la lune s'élevait paisible. Au loin les clochers, pleins
de la rumeur de leurs cloches en branle, s'illuminaient. La
coupole du reposoir elle-même s'enveloppait do mille feux
tandis que la foule quittant les rues où le Saint-Sacrement
venait de passer, s'entassait, toujours plus pressée, plus com-
pacte. On la devinait plutôt qu'on ne la voyait, sur les
pentes de la montagne et très loin sur les pelouses du parc.
"C'est notre Dieu": trente chœurs de chant reprennent
ensemble ce refrain, les fanfares jouent, les clairons sonnent,
les bombes éclatent dans l'air sonore, puis une acclamation
immense, unique. Voici le cortège d'honneur, du (lirist-lîo.,
voici le Roi lui-même.
100 —
Mgr Tarchevêque de Montréal élève en ce moment la voix.
Toute sou âme passe dans ces appels, dans ces vivats,
dans ces prières, que la foule répète après lui :
" Vive Jésns-Christ ! "
'' Vive l'Eucliaristie ! "
" Vive Marie Immaculée ! "
" Vive l'Eglise ! "
« Vive Saint-Jean-Baptiste ! "
" Vive Saint-Patrice ! "
" Vivent tous les Saints ! "
" Vive le Canada ! "
" Vivent les Etats-Unis ! "
" A^ive la France ! "
" Vive l'Angleterre ! "
" Vive l'Ecosse ! "
" Vive l'Irlande ! "
" Vive l'Acadie ! "
"Vive le Manitoba!"
"A^ivc la Belgique!"
" Vive l'Italie ! "
" Vive la Terre Sainte ! "
" Vive l'Australie ! "
" Vive rOcéanie ! "
" Vive l'Europe ! "
" Vive le Saint-Sacrement ! "
'' Jésus-Hostie, à vous nos cœurs !"
" A vous le clergé ! "
" A vous nos jeunes gens ! "
" A vous nos enfants ! "
" A vous les pauvres ! "
" A vous nos familles ! "
"A
vous nos diocèses ! "
A vous l'épiscopat ! "
" A vous les orphelins ! "
" A vous les malades ! "
" Amen ! Amen ! Amen ! "
Puis le silence, le silence émouvant des grandes églises, la
foule prosternée et au-dessus, clans les mains du Cardinal,
l'ostensoir qui s'élève et qui bénit. Instant inoubliable, que
ceux-là S9uls comprendront qui l'ont vécu ! Instant béni, où
des siècles de foi recevaient leur récompense, oii les morts,
les morts humbles ou glorieux, les artisans modestes ou cé-
lèbres de notre vie nationale ou religieuse, semblaient surgir
de leur tombe, se mêler aux vivants et adorer avec eux le
Dieu de nos autels.
Le cortège arrêté au reposoir, redescend maintenant un
peu. La sainte Hostie, déposée dans la chapelle des reli-
gieuses de l'Hôtel-Dieu sera adorée jusqu'au matin par les
âmes pieuses qui se succéderont devant elle. Et pour lui
faire honneur encore, à cette heure la ville entière s'illumine
et s'embrase, le ciel est empourpré de toutes les splendeurs
de la terre. C'est l'apothéose finale !
101
CHAPITRE II
LES SEANCES GENERALES DU SOIR DANS L'EGLISE NOTRE-DAME
Ces deux séances du vendredi soir et du samedi soir furent,
au dire de tous, d'une beauté souveraine. Ce fut une mani-
festation de foi chrétienne, en même temps que d'ardent
amour au Souverain Pontife dans la personne de sou repré-
sentant. L'église est pleine, pleine à déborder quand celui-
ci, vers huit heures et demie, y fait son entrée solennelle, es-
corté d'une lono'ue théorie d'évêques, de prélats, de digni-
taires ecclésiastiques. L'orgue joue à ce moment et de vingt
mille poitrines s'élancent les acclamations vibrantes, élo-
quente manifestation d'un enthousiasme et d'une émotion
qui semblent ne pouvoir se calmer.
Le silence étant enfin établi, le Cardinal se lève, il s'étonne
devant cette foule, il dit sa joie, il remercie, il félicite, puis
il confie à Mgr Heylen, président du Comité i)ermaneut des
Congrès Eucharistiques, le soin de diriger ces réunions du
soir.
Mgr Heylen prend immédiatement la parole.
Au nom du Comité permanent des Congrès Eucharistiques, dont j'ai
l'honneur d'être le président, j'aime à exprimer, tout d'abord, la joie
profonde, l'émotion vive que nous avons éprouvées lorsque Monseigneur
l'Archevêque de Montréal accepta de tenir le XXIe Congrès dans sa
ville épiscopale.
Il allait donc se réaliser le vœu qui maintes fois s'était trouvé — quoi-
que timidement — sur les lèvres des fondateurs de notre œuvre. Il
allait s'accomplir le rêve que leur pensée aimait à caresser. Ce n'était
pas à quelques nations de la vieille Europe que resterait limitée l'action
des Congrès ; elle allait s'étendre à l'univers tout entier et amener toutes
les nations à témoigner, dans ces grandioses manifestations internatio-
nales, leur foi et leur amour envers Notre-Seigneur Jésus-Christ présent
dans la Très Sainte Eucharistie.
En vérité, quelle n'eût pas été l'allégresse des de Ségiir, des de la
— 102 —
Bouillerie et des premiers apôtres de cette admirable et audacieuse idée,
s'ils avaient pu prévoir qu'après si peu d'années, leur œuvre serait favo-
risée d'un tel accroissement, qu'elle franchirait les mers et ferait ce pas
gigantesque vers la conquête du monde!
La joie qu'ils auraient éprouvée, nous la ressentons nous-mêmes au
fond du cœur. Je dis plus : cette joie est partagée, j'en ai la conviction,
par tous les chrétiens des deux hémisphères. Quel est le fidèle — s'il a
vraiment à cœur le triomphe de la vérité — qui ne s'est réjoui du déve-
loppement providentiel d'une œuvre qui tend à restaurer et à étendre le
règne social de Jésus-Christ, à une époque où les nations se montrent si
infidèles ?
Car, ils sont hélas ! loin de nous les temps où le culte eucharistique
occupait dans la société la place d'honneur à laquelle il a droit. Durant
ces siècles de foi qu'a connus le Moyen- Age, les peuples gardaient reli-
gieusement dans leurs institutions et dans leurs coutumes les hommages
dus au Eoi des jSTations ; on vo5^ait les Souverains et leurs gouvernements
tenir à honneur d'être les vassaux de l'Eucharistie; les soldats et leurs
chefs allaient, avant de combattre, se prosterner aux pieds des autels,
s'asseoir à la Table sainte.
A présent, c'est l'apostasie. J'en appelle surtout à ceux qui, ici, re-
présentent nos pays d'Europe. N'a-t-on pas vu souffler, du Nord au
Midi, du Levant au Couchant, un vent apparemment de neutralité et
d'indifférence, mais qui, en réalité, ne fait que pallier l'hostilité et la
persécution ? Ne voyons-nous pas les Etats faillir à leur mission et mar-
cher délibérément dans la voie de l'Athéisme?
Contre cette attitude des nations, les Congrès Eucharistiques ont
élevé une protestation vigoureuse. A ce flot montant d'opposition à
Dieu ils ont opposé une digue résistante. îSTous pensons qu'avec l'aide
d'en haut, leur action n'a pas été dans le passé stérile. Et quant au
premier Congrès tenu sur le sol américain, nous en attendons des fruits
plus consolants encore. Qui ne nourrirait cette espérance en contem-
plant le spectacle qui, plus encore qu'aux précédents Congrès, s'offre au-
jourd'hui à nos regards? L^n Congrès Eucharistique, c'est l'image, la
physionomie de l'Eglise Universelle qui unit tous les efforts de ses
enfants pour affirmer ses droits et ceux de son auguste fondateur, et
pour rétablir le règne social de Jésus-Christ. Qu'elles doivent être
puissantes la prière et l'action de cette immense famille, répandue par
toute la terre, qui s'est fait représenter ici à tous ses degrés. Notre
Père bien-aimé, Sa Sainteté Pie X, est présent parmi nous : nous le sa-
luons avec respect et amour dans la personne de son Légat. A ses côtés,
nous vénérons les premiers Pasteurs des diocèses, cardinaux, archevê-
ques et évêques, représentant ici les Eglises des deux continents.
Ensuite, il n'y a presque aucune nation, si lointaine soit-elle, qui ne re-
trouve ici ses délégués, prêtres, religieux ou laïques. Et par delà ce
petit nombre d'hommes appelés à participer directement au Congrès,
c'est une multitude de fidèles qui absents de corps, sont ici avec nous de
cœur. Serait-il exagéré de dire que l'Univers chrétien dirige aujour-
d'hui sur nous ses regards? Il me sembde qu'en cette circonstance,
— 103 —
l'union daiis la i^i'ière et dans Toffort a formé un vaste réseau encerclant
la terre entière.
Oui, — et c'est une pensée bien touchante — il s'élève aujourd'hui
vers le ciel une voix puissante, dans laquelle on reconnaît la prière
réunie de toutes les nations. Elle appelle sur ces assises solennelles la
bénédiction et la fécondité.
De partout aussi, on suit les cérémonies et les études du Congrès ; et
l'on attend le résultat de ses travaux pour promouvoir avec une nouvelle
ardeur la diffusion du culte eucharistique.
De partout enfin, on s'associe à cette manifestation publique et sociale
de la procession de clôture qui promet d'atteindre, en cette catholique
cité, un développement et une splendeur jusqu'ici insoupçonnés.
Ces pensées si consolantes, ces belles espérances font s'échapper de
notre cœur un cri de reconnaissance à l'adresse de tous ceux qui ont
coopéré à l'organisation et au succès du Congrès de Montréal.
lieconnaissance à notre bien-aimé et admirable Pontife, Sa Sainteté
Pie X, le Pape de l'Eucharistie et des Congrès. Reconnaissance à Son
Eminence le Cardinal A^annutelli, Légat de Sa Sainteté, notre illustre
bienfaiteur, qui prodigue si largement à l'Œuvre le bienfait de sa pro-
tection, l'éclat de ses talents et de son nom.
Eeconnaissance à l'illustre Archevêque de Montréal pour l'hospitalité
grandiose qu'il a donnée au Congrès dans le cadre incomparable de a
ville épiscopale, et pour la piété et le zèle qu'il a mis à en assurer le
succès. Qu'il soit loué et béni de nous avoir mis en contact avec cette
population si sympathique et si chrétienne, dans laquelle nous sommes
ravis de reconnaître les mérites tout à la fois de la nation française dont
elle tire ses origines, du peuple américain qui lui a donné son sol et de
la race britannique dont elle est la colonie. Il y a deux ans, au Congrès
de Londres, vous nous parliez. Monseigneur, de la foi et de la dévotion
qui caractérisent la vieille Province de Québec et de l'accueil que votre
ville réservait à un Congrès Eucharistique sur les rives du Saint-Lau-
rent. Que votre Grandeur me permette de le dire : la réalité a dépassé
ces promesses et notre attente. Ici aussi, pour croire il faut avoir vu !
Eeconnaissance ensuite aux Eminentissimes Cardinaux, à nos bien-
aimés frères, les Evoques du monde chrétien qui ont dû cette fois, pour
répondre à notre appel, accumuler, multiplier les sacrifices. Leur pré-
sence est pour nous la plus enviable des récompenses.
Reconnaissance aux autorités civiles qui par un exemple aussi grand
que rare, ont tenu à proclamer publiquement leur fidélité à ce Dieu de
qui toute autorité tire son origine et sa force.
Reconnaissance enfin à tous les Congressistes qui, soit de l'Ancien,
soit du Nouveau-Monde sont venus personnellement affirmer leur amour
envers l'Eucharistie.
Et maintenant, je termine par ce mot que j'ai entendu chanter dans
votre réunion inoubliable d'ouvriers chrétiens: En avant marchons.
Que l'on dise bientôt du Congrès de Montréal qu'il a surpassé tous les
Congrès précédents, non seulement par la magnificence, mais aussi par
l'abondance des fruits !
— 104 —
Puisse-t-il nous retrempex tous dans la foi et dans la dévotion à l'Eu-
charistie et nous pénétrer d'une ferme volonté de nous dépenser san^
trêve et sans mesure à la glorification du Dieu de nos autels.
Puisse-t-il nous suggérer les vrais moyens pratiques d'avoir raison de
la funeste indifférence du monde; d'opérer le retour des hommes à la
pratique des devoirs chrétiens !
Puisse-t-il provoquer partout un nouvel essor des œuvres religieuses
et sociales, qui assureront à Jésus-Eucharistie les hommages privés et
publics auxquels II a droit !
Mgr l'Archevêque de Montréal répond:
Emixexce^
J'accepte avec bonheur l'honneur qui m'est fait. La tâche ne me sera,
pas difficile et je dirigerai les travaux de cette séance sous la présidence
de Monseigneur l'évêque de ISTamur, le président du Comité permanent
des Congrès Eucharistiques.
Qu'il me soit permis d'ajouter un nom aux noms illustres des princes
de l'Eglise que vous avez entendus tout à l'heure. Je recevais d'Edim-
bourg, il y a quelques jours, le télégramme suivant:
" Aechpjshop or Montréal, Canada.''
" Please accept and convey to ail the assurance of my deep regret and
disappointment that I am prevented by spécial and important business
from attending the Congress. I deeply lament I am deprived of this
great privilège and of showing my affectionate respect to Your Grâce
and Catholios of Canada."
" Duke of Norfolk."
(Applaudissements.)
La nouvelle s'est répandue hier, je ne sais comment, ici et à l'étranger,
que le cardinal-légat était indisposé ou malade, et cette nouvelle, peut-
être, a déjà traversé les mers. Cette nouvelle, mesdames et messieurs,
est absolument fausse, vous n'avez qu'à regarder Son Eminence (ap-
plaudissements) pour voir comme elle se porte bien.
Nous avons un cardinal-légat incomparable (applaudissements), rien
ne le fatigue. Je le vois à l'œuvre du matin au soir, et je puis lui
rendre ce témoignage en toute vérité: le Cardinal Vannutelli est un de
ces hommes que le labeur fait vivre et qui est d'autant plus heureux qu'il
répand plus de bonheur autour de lui. (Applaudissements.)
Nous allons maintenant entendre le Prince de l'Eglise assis à côté dç
Son Eminence : le Cardinal Logue (Appl.) ; c'est lui qui ouvrira les dis-
cours très éloquents que nous entendrons ce soir.
M
M
o
— 105 —
Cardinal Lo^ue, who was introduced bv Mis Grâce Arch-
bishop Bruchesi spoke as follows :
" Yonr good Archbishop lias played an important rôle tliis evening,
so much so, in fact, tliat I simply bave to touch tlie button to turn upon
yoii tlie currents of éloquence which are to corne after me.
This is my business, and this can be clone in a very few words.
I am very glad, indeed, that it lias become my lot to opcn tlie adresses
which are to be made to you this evening, because it gives me an oppor-
tunity of expressing thoughts which are struggling to be expressed.
In the first place, I désire to join myself with my friend, the Bishop
of !N"amur, in congratulating the worthy and energetic Archbishop who
wields the destiny of this Diocèse. I join witli the Bishop of Xamur in
congratulating you and your illustrions Archbishop on the success of
this International Eucharistie Congress. It is only neccssary to look
abroad over this vast multitude, or to hâve been présent to-day when
the children marched past, in order to be convinced of the fact that this
Congress lias been taken up witli the greatest enthusiasm by the Catholic
people of Canada.
I, therefore, join with His Lordship the Bishop of Xamur and convey
my congratulations to your illustrions Archbishop for the success of the
great work which he has undertaken and carried through so well. I
also join with His Lordship in returning thanks to your Archbishop for
his princely hospitality. We return the same thanks to ail the Clergy
and people who are well worthy of their Archbishop.
This Congress is a magnificent success, and it could not l)e other-
wise, because ail the éléments which go to achieve success are to be found
in this présent Congress. We hâve hère the Church of the Old World,
and the Church of the New World. We hâve the most vénérable of ail
the Churches, the motlier and mistress of ail the churches represented
in the authority and blessing of our Holy Father, the Pope, and in the
fact that he has delegated His Erainence Cardinal A'annutelli, who has
already presided over a number of International Eucharistie Congresses,
— so many indeed, that I believe his name will go down in liistnry as
" The Cardinal of the Eucharistie Congresses.''
Ail thèse Congresses hâve been successful up to the présent time, and
a great deal — perhaps the chief part — of that success (as far as dé-
pends upon human hands), was due to the zeal and kindness of His
Eminence, the kindness with which he has received everyone, and his
readiness to undergo any amount ot inconveiiicneo in order to ■.•arry
through the great work which the Sovereign Pontifï has given him to do.
You know, my dear friends. the Pope is infaillible in matters of faith
and moral, but, apart from his infaillibility he is a wise man, and a wise
ruler, and I don't believe he ever showed a greater proof of his wisdom
than when he selected His Eminence Cardinal Vannutelli to be the
Cardinal of the Eucharistie Congress.
This présent Congress is, as I say, a great success, and, indeed it could
not be othenvise. You hâve united in celebrating this great profession
— 106 —
of failli and love and dévotion to our Blessed Lord in the Holy
Eucharist.
The Churcli of tlie Old .World, and the Church of the New World are
very well represented liere. I might draw your attention, in the first
place, to the fact that you hâve hère a représentative of the Church of
France, -which has a spécial claim upon the Catholics of Canada, and
between which there exists a tie not merely of religion but of love. That
glorious Church ! The oldest daughter of the Church ! has been suffering
persécution for gome tinie past, but she has been great. As she has been
great in lier prosperity, she lias also been great in her persécution. I
do not believe that in ail French history you would find a grander fact
than that which has been verified in France during the last five or six
years. We hâve seen the vénérable Bishops and the zealous Clergy walk-
ing out of their palaces and tlieir presbyteries, and giving up what
little means of support tliey had (for the priests at least it was very
small), and throwing themselves upon the Charity of the world, in order
to yield willingly to the advice and direction of the Vicar of Jesus-
Christ.
This is a great fact, my dear friends. It is a sublime object lesson to
the rest of the Church. It is a lesson of zeal and self-sacrifice and dis-
interestedness which is worthy of the early days of the Church, and is
something which we ought to consider very carefully in this latter day.
Tlien, you hâve from every part of Catholic Europe delegates at this
Congress. Tliey are hère from England, which lias had a glorious past,
and which I hope shall hâve a bright future. There are delegates hère
from Belgium and from Germany — in fact from the principal Cath-
olic Countries of the Old World. Not only that, but you hâve hère
delegates from countries which are not catholic.
There are delegates hère from every part of the New World, and, we
hâve amongst us a large number of the Hierarchy of the magnificent
young Church of America — Archbishops and Bishops and Priests who
are never behind when there is any good work to be done for the glory
of God or the welfare of the people. Almost the whole of the Hierarchy
of the Church of the United States of America is hère, so that every-
thing which could contribute to the success of this Congress seems to
hâve conspired, under the Providence of God to make it what it is, and
to make it a mémorable Congress.
I believe this is the greatest Congress which has been held in honor
of our Lord in the Holy Eucharist, and I believe there will be no bright-
er page in the history of the Catholic Church in Canada than that page
whicb we are engaged in emblazoning at the présent time. I am con-
vineed that Canada deserves this distinction. She has always been faith-
ful to her noble traditions, and her glorious memories. The original
founders of this Dominion of Canada were Christians and holy men,
and holy women. Some of tliem were warriors, but they went to war
with the Cross emblazoned on their banners. They were true, no doubt,
in their allegiance to the King of France, but they were also true to a
higher allegiance — they were true in their allegiance to Almighty God.
— lo: —
Thèse lieroes and saints hâve founded a great country hère in Canada
— they hâve founded a Christian countr3\ They were heroes; but they
were Christian heroes, so that Canada deserves the distinction and
success Avhich we witness hère thèse days.
in passing, I might be perinitted to say a word in regard to my own
poor country — she is a small little place, no doubt, but she has large
pretensions.
We hâve not much in the way of worldly things and we are remark-
able for little beyond the perennial grcen of our Irehmd and our peren-
nial confidence and fidelity in the faith of Jesus-Christ, which was
planted by Saint Patrick.
We could do very little to contribute to the success of this Congress,
directly by ourselves. One of ray colleagues in the Episcopaey and my-
self, and a number of our priests (not very many) came hère to assist in
this Congress, so it may be vanity on my part to make a claim to the
effect that we hâve contributed very largely to the success of the
Congress.
However, you know, my dear friends, that we were always mission-
aries in that little Ireland of ours. In the early days of our Christ-
ianity we were missionaries by choioe, in later times we were missionaries
by compulsion. In the early âges our learned men and women came
even to the very coasts of America. America was not born then, neither
were the Americans. Our learned men and women went through con-
tinental Europe, even to Italy itself to evangelize the people. In thèse
days the motto was " Peregrinatus pro Christo."
In later days, through the designs of Providence our people were
driven abroad to Canada and America, and they were not idle there.
They helped to build up the magnificent Church of the N'ew World, and
they helped you hère in Canada pretty well too.
Yes, you hâve a great many Irish people hcre in Canada who are good
Catholics, side by side with the Prench Canadians, both remarkable for
the fact that they hâve kept the faith, and kept it not only by clinging
to the skirts of the Church like many other people, but they hâve prac-
ticed their religion and hâve given édification. This was one of the
secondary ideas I had in coming hère — to show my love and respect
for this grand Catholic Canadian country.
I remember the great occasion when the Bishops of the whole world
were assembled together in Kome under the presidency of the great pope
Plus IX for the Vatican Council. Cardinal Manning asserted publicly
that there was no patron saint of a nation, or no apostle of a natioi:(
who had so many children amongst the Prelates who were présent at
that Council as Saint Patrick. I believe Cardinal Manning had good
grounds for asserting that fact.
Although we are only a small island — a mère speck in the Océan —
we pride ourselves on having supplied to the American Church a greater
number of illustrions Bishops than any other country. We pride our-
selves on the fact that they are either born cliildrcn of Trcland, or are
the descendants of Irish parents — in either case children of Saint
Patrick,
— 108 —
So tliat, although my colleague and myself can do very little in
coming hère, and can aid very little in the suceess of tliis magiiificent
manifestation, still we take a pride in the work which has been done by
our brothers in the United States, and we think we can lay some claim
to a part of it.
We, poor Irish, hâve a large claim on humanity. We even hâve a
claim on the Primate of the Church of England, the illustrions Arch-
bisliop of Westminster. If the Judgment of îSolomon were carried ont
literally and he was divided up, we could claim one half of him. How-
ever, we do not want to divide the Bishop of Westminster, but, like the
real mother in the time of Solomon we will give him altogether to the
English.
Love of our Divine Lord in the Holy Eucharist is the main idea be-
hind tins Congress. Our Lord himself stated that when he should be
raised on high he would draw ail things to Him. He drew ail to Him-
self on the Cross and He draws ail to Himself in the Holy Eucharist.
The Eucharist is the very foundation stone of our Church. It is the
very centre of our desires and ail our love. Hence, we would be very
cold indeed, and very indiffèrent if we did not endeavour to make an
effort, even were the effort that of crossing the Atlantic, and perhaps
suffering seasickness (as some of our fellow-travellers did), for the pur-
pose of showing our love for our blessed Lord in the Holy Eucharist.
I believe that, under the designs of Providence, thèse wonderful
manifestations of great faith and great dévotion are intended to havQ
practical results, and what practical results I hope for and foresee in
thèse great gatherings are, at least, a complète union among the Ca-
tholics of every nation.
You know, my dear friends, that the blessed Eucharist is the symbol
of union, and our Lord in the blessed Eucharist is the Creator of Union.
He is the God of Charity, and Charity is the very principle of Union^
and I think one of the most beautiful, and one of the most glorious
effects which we can see as following from tins Eucharistie Congress is
the establishment of complète union among the Catholics of every
country.
You know that at the présent day there is union among the enemies
of the Church. They are united in abusing ail her designs for man's
salvation. They are imited in endeavouring to defeat the work of the
Church. They are united in an effort to corrupt our children in the
schools, and you must know that it is only by union among Catholic^
the designs of the enemies of the Church can be thwarted. One resuit
then, which I hope for, and which I am sure will follow from thèse great
Assemblies or Eucharistie Congresses, is that we can be like the early
Christians, one in thought, one in word, and one in action. If we can
be that, and if we are prepared to unité, we will be prepared to défend
the Church and the head of the Church and our holy faith against ail
gainsayers. Our motto should be the motto of Saint Paul, " Give of-
fence to no one that our ministry may not be brought into disrepute."
But at the same time, we ought to be prepared to défend our Church,
— 109 —
While we are prepared to live in peace with oiir neighbors, we nee4
make no offensive war on any one.
At the same time, as I say, we ouglit to be prepared to défend our-
selves and to défend our Churcli whenever it is attacked. We should be
shoulder to shoulder to meet thèse attacks, and I believe that thèse
Eucharistie Congresses furnish a splendid opportunity of drawing Cath-
olics together, or massing them as a gênerai masses his troops, so that
whenever the Church is attacked or assailed they may be prepared to
repel the attacker.
This is one resuit we ail hope for, but, there is another proof, per-
haps a higher and nobler one, and that is we may hope for the blessings
of God on ourselves, our familles, and ail of those who are near and
dear to us, if we join in rendering this homage to our dear Lord, for
Love of him in the Blessed Eucharist.
I am perfectly sure that this Congress will bring a blessing upon
Catholic Canada, and a blessing upon its Bishops, priests and people
generally. I am also perfectly sure that it will contribute largely to
carry out the great work which our Holy Father the Pope proposed to
carry out when he was raised to the Pontificate — the great work of re-
newing ail the languages and ail things in Christ. This should be our
chief aim in ail our dévotions, and everything which is done in connec-
tion with the Eucharistie Congresses. I am perfectly sure that the work
has been well done at thèse Congresses up to the présent, and that it
will continue to be so done, so that when it is over the Catholic people
of Canada — nay, the Catholic people of the world will hâve reason to
bless God for this manifestation of his Providence — for this évidence
of his love and care for those who are devoted to our Divine Lord in
the Blessed Sacrament.
Mgr Briichési annonce l'orateur suivant :
" A la demande de son Eminence, le llévérend Père Baillv,
Supérieur-Général des Pères de l'Assomption, va nous faire
une communication importante, et ensuite vous aurez le plai-
sir d'entendre Sir Wilfrid Laurier."
DISCOURS DU R. P. BAILY
Eminentissimes Seigneurs,
Messeigneurs,
Mesdames et Messieurs,
" Laissez venir à moi les petits enfants. "
C'est la gloire de nos Congrès Eucharistiques d'être restés vierges de
toute erreur et d'avoir toujours fait écho à la parole du Souverain Pon-
tife, l'écho le plus fidèle, le plus sincère, le plus immédiat, le plus
joyeux. Or, cette parole vient de se faire entendre ces jours derniers
dans le Décret: " Quant singulari Christus amore," Décret par lequel
— 110 —
s. s. Pie X, admettant les petits enfants à la communion fait écho aux
paroles de Jésus : ""' Laissez les petits enfants venu à moi," comme si
vingt siècles n'avaient point affaibli le retentissement de ces accents si
doux et si touchants.
Il a paru bon à l'auguste autorité qui préside ce Congrès, à celui que
Pie X a chargé d'une sorte de tournée pastorale à travers les peuples et
les continents, et qu'on peut appeler le Légat de l'Eucharistie, il lui a
paru bon qu'en cette première assemblée générale d'un Congrès oii, grâce
à la foi irréductible du Canada et à l'intelligence et au zèle incompa-
rable du grand arhevêque de Montréal, l'univers entier est représenté,
ce décret, qui s'adresse à l'univers, fut mis en lumière, salué et acclamé!
Voilà pourquoi le moins digne d'en parler se lève ; il n'a pour excuse
que l'obéissance qui lui en fait un devoir à la fois très délicat, très grave
et très doux.
Le Vicaire de Jésus-Christ faisant revivre l'ancienne tradition de
l'Eglise, décide que ce n'est ni 14, ni 12, ni 10 ans qui doit être fixé
pour l'âge de la communion première; il désigne l'âge de raison ou de
discrétion, oii l'enfant discerne le bien du mal, où il peut déjà commettre
le péché, où il peut discerner le pain matériel et ordinaire du pain
Eucharistique ; tel est l'âge où il peut et doit recevoir l'absolution qui le
purifie du péché, l'âge où il peut et doit recevoir l'Eucharistie qui est le
remède et le préservatif du péché et le moyen de maintenir et de déve-
lopper en lui la vie de la grâce.
S. S. Pie X résume, avec une logique irréfutable, toutes les raisons
doctrinales de cette décision : il montre la tradition ; — l'histoire, ■ — la
liturgie ancienne, — la discipline sacramentelle encore usitée en Orient,
— les Conciles, — la notion théologique du sacrement et de ses effets, —
celle de la grâce, — les conditions requises chez le communiant, ■ — les
docteurs, spécialement saint Thomas, — concourant à établir les prin-
cipes indiscutables sur lesquels le Décret est fondé.
Ne suffit-il pas du reste que le Pape ait parlé ? Au Canada on n'est ni
moderniste, ni modernisant; nos congressistes ne le sont pas non plus;
nous sommes tous ici de vrais catholiques, de ceux qui n'adhèrent pas
seulement à une décision de Rome à cause de son évidence subjective,
mais simplement et avant tout à cause de l'autorité du chef infaillible
qui la formule et la promulgue.
Un jour mon père, qui avait été l'ami de Lamennais avant sa chute,
lui demandait vingt ans plus tard : " Quel jour, M. de Lamennais, avez-
vous cessé de dire la messe? "Le prêtre tombé répondit: "Un soir, je
discutais avec moi-même si, oui ou non, je me soumettrais à la décisioij
du Pape. Je pris le parti de lui résister. Le lendemain matin, quand
j'arrivai au pied de l'autel pour dire ma messe, je ne pouvais plus croire
à la présence réelle. Cette messe fut un martyre pour moi. A partir
de ce jour je cessai de la dire."
Canadiens ! chez vous, peuple et gouvernement ont toujours reconnu
le Pape et lui ont fidèlement obéi : c'est pourquoi votre foi à l'Eucharistie
n'a jamais vacillé et se révèle à nous avec des splendeurs inouïes.
Le Décret comprend deux parties : l'une doctrinale, l'autre pratique.
— 111 —
C'est une caractéristique des Actes de S. S. Pie X de joindre toujours à,
la doctrine la résolution pratique, nette, ferme et précise qui en jaillit ;
chacun de ses enseignements est, en même temps qir'une lumière, un feu
ardent; c'est un éclair qui surprend, illumine l'horizon et devient bientôt
le signal d'actes et de sacrifices déterminant un renouveau de vie dans
l'Eglise.
Nous en avons su quelque chose dans notre pays où, par ses intrépides
et catégoriques décisions, il a été notre libérateur. Pie X, en osant nou^
demander des sacrifices héroïques, a sauvé, avec notre vie catholique,
l'avenir de la France.
S. S. Pie X demande donc dans le Décret " Quant singulari " le sacri-
fice de coutumes enracinées; il heurte de front une organisation appa-
remment difficile à modifier : c'est la question de la durée du catéchisme
compliquée, en certains pays, par l'indifférence, les oppositions des
familles et des écoles; la question des regrets motivés par la disparition
de la solennité impressionnante du grand jour; la question d'une ins-
truction bornée qui risque d'être la seule. A ces questions et à d'autres,
la sagesse de Rome et de l'Episcopat saura pourvoir: c'est à elle de
prendre telles mesures que nous n'avons ici ni à discuter, ni à dicter.
jSTous ne savons que deux choses et elles nous suffisent: 1° leurs mesures
transitoires ou définitives seront très sages; 2° elles seront très obéies.
D'ailleurs, les communications des augustes personnages qui ont con-
tribué à la rédaction du Décret, nous indiquent quels inconvénients
graves le Pontife Suprême a voulu écarter, quels avantages inappré-
ciables il a voulu procurer.
Le Législateur a voulu éviter que beaucoup d'enfants restassent, de 7
à 12 ans, livrés au péché sans absolution et sans le remède souverain du
pain des Anges.
Que d'habitudes vicieuses contractées en ces jeunes années, pénibles
à avouer à l'âge d'une première communion tardive et risquant de la
rendre sacrilège !
Que de premières communions rendues impossibles en des temps et
des pays où l'enfant est condamné, dès 10 ou 11 ans, à des travaux qui
l'éloignent de tout secours religieux !
En 1870, j'eus à confesser, comme aumônier volontaire du corps de
Mac-Mahon, des centaines de soldats à la veille des batailles. Sur dix
jeunes gens de 20 à 23 ans, trois ou quatre en moyenne me déclaraient
n'avoir pas fait leur première communion, pour avoir été engagés chez
des patrons antichrétiens avant l'âge inexorablement fixé dans la pa-
roisse pour la première communion.
Que d'enfants morts avant cet âge et privés, contre tout droit, de la
communion, de la confirmation et de l'Extrême-Onction !
Que de paroisses où, le catéchisme n'étant établi ou possible en vertu
de la coutume ou d'un autre motif, que peu de temps avant la première
communion, les enfants restent jusqu'à 12 ans dans l'ignorance pro-
longée des principales vérités !
On me présenta une fois, pour être admis dans un de nos coUègos. un
enfant de 13 ans en me priant de lui annoncer, avec de grands mena-
— 112 —
gements, une nouvelle terrible qu'on lui avait cachée, de peur de trop
l'impressionner. Quelle était-elle? L'existence de l'enfer! Pendant
des années ce pauvre enfant pouvait donc commettre des péchés graves
sans en savoir les conséquences !
Que d'exagérations mondaines, erronées, dangereuses, concomitantes
à la cérémonie imposante du grand jour, dont on fait trop souvent un
point " terminus/' de sorte que la première communion sera peut-être
la dernière, et émancipera à jamais l'enfant de toute piété et de toute
action du prêtre !
Que d'idées fausses inspirées à l'enfant et à ses parents sur la nature
du sacrement représenté comme une faveur, une récompense, ou un prix,
d'instruction religieuse, requérant comme une nécessité tel développe-
ment physique, tel nombre mathématique d'années, telle science, alors
que l'état de grâce, l'intention droite, une instruction ordinaire et la
notion de la différence entre le pain matériel et le pain eucharistique
suffisent pour que "ex opère operato," et non "ex opère operantis" le
sacrement produise tous ses effets.
Objectera-t-on que ces petits ne sauront que dire à Notre-Seigneur ?
Leur dévotion sera proportionnée à leur âge. Ils aimeront et adoreronl;
le petit Jésus avec leur conception naïve et simple. Le baiser d'un,
enfant à sa mère plait-il moins à celle-ci parce qu'il est moins intel-
lectuel ?
La plupart des inconvénients, le Législateur les attribue aux exagé-
rations jansénistes exigeant des préparations extraordinaires, rigoristes
et prolongées. — Mgr de Ségur, de sainte mémoire, me racontait, il y a
plus de 40 ans, que prêchant des missions en Normandie, il avait ren-
contré des jeunes gens et des jeunes filles, de 20 et 22 ans, vraiment
vertueux, qui ne pouvaient se marier, parce que certains prêtres âgés et
imbus de jansénisme, ne les avaient pas encore trouvés dignes de l'ab-
solution et de la communion !
Saint Vincent de Paul disait du Jansénisme : " Doctrine d'enfer ! à
force de faire croire que Dieu est un Dieu terrible, elle amènera à le
faire haïr, puis à le nier." Cette prophétie s'est hélas ! trop réalisée !
Une femme élevée à l'école du philosophisme allemand, portant son
enfant sur son bras, lui montrait le ciel et lui disait : Dieu méchant !
Le bras de la mère est le premier banc d'école de l'enfant. Pie X dit à
l'Eglise notre mère, de prendre dans ses bras ses petits enfants et, en
leur donnant l'hostie, de leur dire: Dieu bon! Dieu très bon! Dieu infi-
niment bon !
Si le Saint-Siège se réjouit de tant d'inconvénients écartés, il attend
aussi, de l'application de ce Décret, des avantages indéniables.
C^est d'abord la satisfaction donnée à ISTotre-Seigneur de savourer,
selon son droit divin et son divin plaisir, les délicieux embrassements
auxquels nul no peut arracher les âmes innocentes de ces petits qu'il ré-
clame comme leur Dieu, leur Sauveur et leur frère. Cette communion
qu'il veut, il en fait un précepte divin, supérieur à un précepte purement
ecclésiastique.
C'est ensuite le droit et la tiès douce consolation pour ces chers petits,
— 113 —
de n'être pas privés, dès que leur âme s'éveille et prend conscience d'elle-
même, du sang que l'Eglise leur mère doit leur donner pour leur com-
muniquer la vie surnaturelle avec les mérites et les grâces que ce sang
divin leur apporte. En vertu des altinités divines reçues au Baptême,
ils ont droit au sacrement qui développe en eux des aptitudes divines de
pureté, de vie et de résurrection.
Priver longtemps un enfant du Baptême, c'est être coupable. Priver
longtemps un enfant qui devient raisonnable, de Celui qui est la lumière
de sa raison; priver longtemps un cœur d'enfant qui prend conscience
de sa faculté d'aimer, de Celui qui est l'aliment, la vie et le soleil de cet
amour, n'est-ce pas cruel ?
Ah ! parents et prêtres, semez, semez, à temps, les hosties dans ces
âmes d'enfants; ce seront des vocations semées au printemps voulu, pour
qu'elles germent et milrissent au soleil d'une adolescence pure et pré-
parent au Maître de la moisson d'abondantes moissons d'apôtres qui
seront l'honneur de vos foyers, la gloire de vos paroisses, le salut de vos
patries et la consolation de l'Eglise.
Et si prêtres, parents, instituteurs sont obligés de s'occuper davantage
de la sanctification des petits enfants dès l'âge de raison, s'ils ont à s'y
dévouer 3 ou 4 ans de plus, quelle heureuse nécessité, dirait S. Augustin :
" 0 Félix Nécessitas quae ad meliora impellit."
Enfin, que de bénédictions attirées, sur la terre tout entière, par ces
communions de plus en plus nombreuses des enfants innocents ! Quels
actes innombrables d'amour assurés désormais à Jésus par des millions
d'enfants (car le Décret s'adresse au monde entier) en face des millions
d'ingrats ou d'indifférents qui dans tant de pays s'approclient si rare-
ment du banquet sacré !
N'entendez-vous pas la plainte de Notre-Seigneur à cette Yisitandine
à laquelle il est apparu dernièrement et qui faisait dire à cette reli-
gieuse : " Non, il n'y a plus de mendiant sur la terre ; depuis que J'ai vu
Nôtre-Seigneur me supplier de l'aimer et me montrer sa soif d'amour,
je déclare qu'il n'y a pas de suppliant et de mendiant pareil à celui-là ! "
Faisons donc l'aumône, à ce divin mendiant, des âmes des petits enfants
en compensation des âmes des adultes qui le méconnaissent.
Vous souvient-il de cette sœur de charité surprise, dans une église de
Paris pendant la Commune, par la menace d'une invasion de pillards et
d'incendiaires? Elle était debout devant le tabernacle, sans prêtro
pour consommer la sainte réserve qui allait être profanée. Que fait-
elle? Eonouvelant, sans s'en douter, ce que le Décret nous rappelle que
faisait l'Eglise au temps des persécutions, quand elle donnait aux en-
fants à la mamelle les restes des Saintes Espèces, elle saisit dans la foule
un petit enfant au bras de sa mère, ouvre le ciboire d'or et verse dans le
ciboire vivant de cette créature innocente et angélique le pain des anges!
En ces jours inoubliables, Montréal nous a fait voir l'Eglise dans un
de ses plus locaux triomphes. Mais n'oublions pas qu'il faut s'attendre
à ce qui est la condition de l'Eglise en ce monde : la lutte et les épreuves.
Or, Pie X nous donne un moyen merveilleux de nous assurer la victoire
et le salut.
— 114 —
Un jour, un des hardis navigateurs qui découvrirent le Nouveau-
Monde, Albuquerque, voyait entre un ciel noir et les abîmes entr'ouverts
son vaisseau en péril; il prend son petit enfant de 2 ans dans ses brasj
il l'élève vers le ciel, il le présente à Dieu : c'était sa prière. Dieu l'agrée
et la tempête s'apaise.
Il me semble voir le Pilote de TEglisc dire à ses prêtres : prenez les
petits enfants, donnez-leur la sainte hostie, présentez ces ostensoirs au
Ciel et les tempêtes seront apaisées.
0 Saint Père, le Congrès de Montréal adhère à votre décret de foi et
d'amour ! Sur votre ordre, nous offrirons à Dieu les enfants avec l'hostie
et l'hostie avec les enfants. Vous avez été déjà salué le vainqueur de
l'hérésie et du schisme. Ce Congrès salue encore en vous le Pape de
l'Eucharistie et des petits enfants, le vrai libérateur de l'humanité.
Mgr Bruchési présenta Sir Wilfrid Laurier à l'auditoire :
Nous sommes au vingt et unième congrès eucharistique
international. Un archevêque dirigeant un congrès a l'hon-
neur et le plaisir de présenter à son peuple le premier mi-
nistre du gouvernement de son pays." (Applaudissements)
DISCOURS DE SIR AVILFRID LAURIER
Eminence,
Messeigneurs,
Mesdames et Messieurs^
Je suis heureux qu'un long voyage à travers les provinces de l'ouest de
cette vaste confédération ait pu être terminé à temps pour qu'il me soit
permis, même à cette heure tardive, en ma qualité de premier ministre
de la Couronne du Canada, d'offrir à Votre Eminence, aux Prélats, aux
dignitaires, à tous les membres enfin du Congrès Eucharistique, la plus
cordiale bienvenue dans ce pays de liberté, de la plus complète liberté
civile, politique et religieuse.
Oui, si en choisissant Montréal, la métropole commerciale du Canada,
pour être en l'année mil neuf cent dix le siège du Congrès Eucharistique.
la pensée du Congrès, outre sa mission officielle, était d'affirmer et
affirmer avec éclat le principe de liberté religieuse, aucun pays n'aurait
su être choisi de préférence au nôtre. On me pardonnera sans doute
cette fierté si je déclare que cette chose que les hommes ont cherchée pen-
dant tant de siècles avec tant de patience et qu'ils ont si rarement
réalisée, que cette chose qui s'appelle la liberté, n'a trouvé nulle part
une conception plus noble, plus noblement exécutée que sur cette terre
du Canada, oij nous sommes maintenant réunis. Ce langage pourra
peut-être paraître extravagant et par trop exagéré à ceux qui ne con-
— 115 —
naissent du Canada que la surface des choses, mais pour nous, Cana-
diens, c'est la condition de chaque jour et de chaque heure ancrée dans
notre mentalité.
Le Canada est essentiellement la terre des contrastes : contrastes dans
la nature et contrastes dans les institutions.
Contrastes dans la nature : Les membres du Congrès qui pour la pre-
mière fois visitent le Canada, qui pour la première fois voient le fleuve
et la plaine s'étendant à perte de vue, ce fleuve et cette plaine sous le
rayon d'un soleil généreux, ni se douteraient pas que dans quelques
mois la plaine sera couverte de neige et que le fleuve géant sera capté
sous une prison de glace que rien ne saurait entamer jusqu'à ce que le
soleil lui-même se charge de briser, de broyer, de faire disparaître cette
entrave.
Contrastes dans les institutions: Nous sommes en monarchie. Nous
proclamons hautement notre allégeance au Souverain, au roi de la
Grande-Bretagne et d'Irlande. Je dis : allégeance. Je me sers de cette
vieille locution française qui sonne d'une manière bien insolite aujour-
d'hui aux oreilles françaises, qui avait autrefois cours dans le langage
de la vieille France, qui a cours maintenant dans le langage de la nou-
velle.
ISTous sommes une monarchie et en même temps une démocratie. Dé-
mocratie dans le sens le plus large du mot. Xous n'avons aucune classe
privilégiée dans ce pays, nous sommes tous sur un pied d'égalité devant
la loi, à commencer par le Souverain lui-même, le premier serviteur de
la loi.
JSTous pouvons offrir au monde l'exemple que ces termes : monarchie et
démocratie ne sont pas incompatibles, et que sur cette terre du Canada
la monarchie et la démocratie peuvent se faire l'une à l'autre.
Nous sommes sujets de Sa Majesté le roi d'Angleterre. Notre Sou-
verain ne professe pas le même culte que nous, uiais dans ses vastes
Etats le culte que nous professons a plus de latitude que dans maints
pays catholiques. C'est donc à bon droit et à juste titre que je reven-
dique pour mon pays cet honneur d'être par-dessus tout et entre tous,
le pays de la liberté, et cette revendication n'admet aucune excep-
tion, pas même la grande République qui partage avec nous ce
continent, qui a été la première dans le monde à affirmer la liberté
moderne, mais qui n'a pas la même étendue de tolérance que chez nous.
Il me semble. même que c'est cet heureux état de choses qui nous a valu
l'honneur d'être cette année le siège du Congrès Eucharistique, et qu'on
a voulu par là affirmer la largeur de nos institutions, montrer qu'ici
tous les privilèges du culte peuvent être exercés, et exercés librement,
sous l'égide de la loi, sans que la conscience de personne ne puisse en
être offensée, car les membres du Congrès Eucharistique qui sont venue
de l'étranger ont pu constater que dans ce pays, oii tous les cultes sont
sur un pied d'égalité, que ceux-là qui ne professent pas notre culte
savent le respecter.
Quant à nous, d'origine française, nous avons conservé, simplement
mais précieusement, la foi de nos ancêtres. Nous avons conservé
— 116 —
sans ostentation, mais sans faiblesse, la foi apportée ici par Jacques
Cartier, par Champlaiu, par Maisonneuve, par les prêtres séculiers et
réguliers qui furent les premiers missionnaires, par les marchands, par
les navigateurs qui découvrirent le iiays, par tous ceux enfin qui en
furent les fondateurs.
La foi qui les guidait, qui les animait dans tous les actes de leur
vie, c'est notre foi.
Nous sommes restés de l'opinion de Chateaubriand qui, dans un livre
semblant aujourd'hui trop négligé, et qui pourtant fait honneur à son
courage autant qu'à son talent, écrivait, et nous répétons avec lui cette
pensée, qu'il n'y a pas de honte à croire avec Newton et Bossuet, avec
Piascal et Eacine.
Aujourd'hui l'Europe est tourmentée par le doute. Je devrais dire
" l'Europe Continentale," car les liée Britanniques sont restées chré-
tiennes. L'Europe Continentale, et surtout notre Mère-Patrie, est
tourmentée par le doute. Quant à nous, nous avons conservé la foi qui
fut apportée par nos ancêtres, et dans cette foi nous avonis trouvé la sé-
curité la plus complète pour la solution de tous ces problèmes nouveaux
qui se présentent dans le monde moderne. Nouveaux, dis-je? Ils ont
existé de tout temps, ils continueront à exister aussi longtemps que les
hommes vivront en société.
L'Europe est tourmentée par le doute: que dis-je? Il s'y trouverait
même une école pour enseigner que là-haut il n'y a rien, que pour
l'homme sur terre tout se borne à la terre. Cette pensée ne peut faire
de cet enseignement une conception politique et une politique de Gou-
vernement. Cette pensée qu'il n'y a rien n'est peut-être pas nouvelle;
à différentes époques elle a trouvé quelques adhérents, mais ce qui est
nouveau c'est que l'on tente d'en faire une concerption politique et une
doctrine de gouvernement. Or, si la chose peut se produire en Europe,
nous, hommes de l'Amérique, une telle doctrine nous comble d'éton-
nement et nous confond.
Si cette doctrine pouvait prévaloir, qu'il n'y a rien là-haut, que le
pouvoir suprême que faous avons reconnu n'a plus de pouvoir sur nous,
qu'est-ce que deviendrait l'humanité, qu'est-ce que deviendrait la société
et quel serait le bonheur de l'individu? car c'est la conception la plus
élémentaire, comme la plus politique que le premier devoir d'un Gou-
vernement est d'aissurer au peuple — et par le peuple je n'entends pas
seulement une classe, mais toutes les classes de la population — la sé-
curité de l'Etat et le bonheur de la nation. Or, si cette nation devait
prévoir que l'homme n'a plus de responsabilité envers son Créateur; si
ceux qui peinent, qui luttent, qui souffrent — et le nombre de ceux qui
peinent, luttent et souffrent est encore le plus grand nombre — si à
ceux-là on enlevait la croyance qu'il y a là-haut une Providence qui voit,
qui juge, qui condamne et qui console, que resterait-il à ceux-là sinon
la soif inassouvie de tous les appétits, de tous les intérêts matériels?
Si la jeune mère qui a perdu son enfant et le dépose dans la tombq
n'avait cette pensée qu'elle le retrouvera là-haut, que lui resterait-i^
— 117 —
au cœur sinon une plaie toujours ouverte, toujours saignante ? Si
l'homme, quelle que soit sa condition — si élevée même qu'elle soit —
qui a eu à souffrir de l'injustice des hommes, qui a vu ses pensées dé-
naturées, ses motifs soupçonnés, ses actes calomniés, si à celui-là on
enlevait la pensée, l'espoir, la certitude qu'il y a là-haut une justice
suprême, une justice incorruptible, une justice qu'il ne peut trouver sui;
cette terre, à celui-là que lui resterait-il, sinon le morne désespoir et le
regret d'avoir vécu ?
ISTon, cette pensée qu'il n'y a rien là-haut n'est pas noble, et combien
nous sommes loin, non par les années, car ce n'est que d'hier, mais com-
bien nous sommes loin de l'époque de Proudhon qui, en 1848, écrivait
un livre auquel il donnait le titre de " Confessions d'un Révolution-
naire," et dans lequel il raconte tout ce que le désespoir avait laissé
d'amertume dans son cœur, et en tête de son volume ces paroles du Psal-
miste: '' Levavi oculos iiieos in montes," j'ai levé mes yeux vers les mon-
tagnes d'où me viendra le secours. Ah ! combien cette parole du Psal-
miste, répétée après quarante siècles par Proudhon, est infiniment plus
vraie que cette autre " qu'il n'y a rien là-haut " et que l'homme sur la
terre se borne à la terre.
Non, messieurs, cette conception ne peut pas avoir cours parmi nous,
au Canada.
Combien est vraie encore cette autre pensée corollaire de la première,
que pour l'homme sur terre il n'y a pas simplement l'espoir de là-haut,
mais qu'il y a là, vie également, et que l'homme retrouvera plus tard
ceux qui l'ont aimé et qu'il a aimés, et que la mort, loin d'être une éter-
nelle séparation sera une éternelle réunion.
Là encore combien est vraie cette pensée du Comte Tolstoï, '• que là-
haut il y a la vie,"' qu'il écrivait dans le dernier de ses livres.
Combien vraie encore, plus noble, plus vive, cette pensée de Louis
Veuillot, qu'il exprimait d'une manière différente, lorsqu'il demandait à
ses amis d'écrire sur sa tombe ces simples paroles : " J'ai cru, je vois."
Eh bien ! c'est là la pensée qui nous inspire, nous, hommes du Canada.
Nous ne pouvons pas peut-être l'exprimer autant que nous le voudrions,
mais notre but est d'assurer la sécurité de l'Etat et le bonheur de l'in-
dividu dans cette responsabilité divine, sur la religion même du Christ.
C'est là ce qui différencie, je crois, ce continent du continent européen.
Lorsque le- Général Washington était à la présidence des Etats-Unis,
dans un discours qu'il adressait à ses concitoyens, il leur rappelait avec
force et insistance: '' qu'il n'y a pas de prospérité pour un peuple si la
base de l'édifice social n'est pas fondée sur la religion," et lorsque la
République fondée par Washington était tenue en échec pendant quatre
années par la plus formidable guerre civile peut-être que le monde ait
jamais vue, par le pouvoir des esclavagistes qui voulaient rompre l'union
afin de perpétuer l'esclavage, Abraham Lincoln ne faisait aucun mystère
d'avouer comme le Psalmiste, comme Proudhon, alors (lue le salut de la
nation était confié à sa garde, que lui aussi était tombé à genoux sous
une impression violente, croyant que si le salut devait venir de quelque
part, il ne devait venir (pie do h\-haut.
— 118 —
Lorsque, élu une seconde fois à la présidence, il prête de nouveau le
serment d'office, le discours que du haut du Capitole il adressait au
peuple américain était consacré à cette idée qu'il y a au-dessus de nous
une Providence éternelle ; que dans cette crise une Providence s'y mani-
festait, que cette Providence châtiait aussi bien qu'elle récompensait et
consolait.
Cette pensée de Lincoln avait été prononcée longtemps avant par Bos-
suet dans le langage incomparable qui n'appartient qu'à lui, lorsqu'il
avait dit : " L'homme s'agite, Dieu le mène."
Or, si nous, Canadiens, nous consultons notre histoire, il me semble
qu'à chaque page nous trouvons la trace de cette vérité prononcée par
Bossuet, le penseur, prononcée par Lincoln, l'homme d'Etat : " L'homme
s'agite. Dieu le mène."
Que de fois, au cours de notre histoire, des événements ont déjoué tous
les calculs ! que de fois les projets les plus sinistres ont eu les résultats
les plus heureux! que de fois nos pères ont cru qu'ils étaient en face
d'une catastrophe inévitable et que, par un revirement soudain, leurs
craintes se sont changées en hymnes d'allégresse ! que de fois ils se sont
dit avec amertume : " C'est la fin." Ce n'était pas la fin, c'était l'obs-
curité qui précède l'aurore d'un jour plus brillant que celui qui l'a
précédé.
Messieurs, en consultant notre histoire, comme l'histoire de tous les
peuples, nous trouvons que c'est par les plus hautes pensées que les
hommes sont les mieux gouvernés. Or, la plus haute de toutes les pensées
est celle qui, au-des'sus de nous,est énergique, juste, sage, parfaite, éter-
nelle, qui veille, qui voit, qui prévoit, qui conserve et qui restaure et qui,
lorsque tout paraissait perdu, a cependant tout sauvé.
Quand les applaudissements qui ont salué la fin du discours
de Sir Wilfrid Laurier s'arrêtent, Mo;r Bruchesi invite Mgr
Irelnnd à prendre la parole. Il le fiiit en ces termes :
We hâve with us this evening a Vénérable Prelate who
has been instrumental in achieving the great success which
our Holy Mother tlie Church has achieved on this continent,
and who has worked very hard in the préparation of this
Eucharistie Congress. I wish to introduce to you His Grâce
Archbishop Ireland.
Voici le discours de Mgr Ireland :
The Catholic Church of the distant valley of the Mississipi saintes
to-night the Catholic Church of Canada, and pays to it a tribute of
gratitude for decds donc long ago.
The first white man to stand where the noble cities of St. Paul and
Minneapolis rise to-day towards the skies, was a priest who, starting
— 119 —
from Montréal, crossing the Great Lakes, and ascending the Mississipi
stood, in the year 1680, where the falls rise in the Northern Mississipi,
and said : " Lo ! The Falls of St. Anthony."
That priest was Father Hennepin, and his voice heard in that North-
ern valley was the first voice of a white man heard there — the voice of
a Catholic priest — the voice of a priest who had corne from Canada.
Some forty years later (in the year 1728), the great discovercr, l'Abbé
Landry, came again from Canada, crossed our Xorthern Plains, and
with him he had a priest, Father Hénault, who, with several of the fol-
lowers of l'Abbé Landry, was put to dcath by the Sioux Indians on Mas-
sacre Island, some twenty miles from Fort St. Charles — the first
martyrs in our Western country.
The grave of Father Hénault, mucli to the regret of St. Boniface, is
found to be in Minnesota.
And, so on, for many years discoverers and missionaries going down
the Saint Lawrence and up the Ottawa crossed the Georgian Bay and
preaehed Christ, and celobrated the Sacrifice of the Mass on thèse dis-
tant hills amid the virgin forest, and tc-night I thank Canada for its
gifts of religion to us.
Two days ago, as I crossed the Eiver St. Mary, I reahzed that I was
in another countrv, bevond the border the United States of America.
Since then, up to the présent evening, I hâve been feeling somewhat as
a stranger. To-night, however, when we assembled together, under the
Standard of Jésus of the Eucharist, I sav f routiers vanish. and the
United States and Canada are ail one faniily, antl ail over this fair con-
tinent from the Arctic Océan to the Gulf of Mexico, may Jésus be
honored, worshipped and loved.
To-night, then, Canada and the United States offer their suprême act
of worship to the crucified of Calvary. They proclaim liim their king,
and they vow to him allegiance.
" 0 Jésus of the Holy Eucharist, to Thee our worship, to Thee our
love."
Never in the history of the Church was there so much need of solemn
récognition of the Holy Eucharist as there is to-day, for the Eucharist
is the final act of the Incarnation. The Eucharist is the Incarnation
continuée' through ail âges over ail nations.
"What we need to-day is to proclaim to ail people the Incarnation of
Jesus-Christ, the Son of God.
Before the Incarnation, God, the infinité was removed from man.
Men had not seen him — they had not touchcd him — they had not
heard him speak. He was The Invisible — The Eternal, and it was
difficult for them to feel in their hearts the love, ardent and warm wliich
they would hâve for some one présent to them, and so, ont of love for
humanity, The Eternal Word became Man, and God walked on the
earth. God spoke on earth. God loved mankind with a human heart
and spoke to mankind with a human voice, and it was easy for men to
draw near to The Eternal now moving among them in human form.
But, the Incarnation itself was not suffîcient. Thousands of years
— 120 —
were to go by, and the Incarnation might vanish, as it were, into tlie
memories of the past, so at the Last Supper Jesus-Christ instituted the
Sacrament of the Holy Eucharist, in virtue of which He would be
among men in ail âges and through ail nations.
Hence, to worship the Holy Eucharist to-day is to draw to ourselves
the whole mystery of the Incarnation, and draw down even to our own
level The Infinité and The Eternal.
To-day, the chilling wind of imbelief passes over the nation. A false
philosop'hy would hâve us believe that the Divinity of Christ is some-
thing of a metaphor. Efforts are constantly being made to eliminate
froni the history of âges The Living God, The Second Person of the
Blessed Trinity, made man; and to supplant in His place ail the evils
following upon unbelief.
Without Christ where is our civilization, of which we boast so much?
It is a chaos of thought, and what is worse still a chaos of morals. For-
getfulness of the Incarnation and the élimination of Christ is bringing
us back to thèse dreadful âges before the days of Bethlehem, when men
knew only humanity, and sought only to satisfy the passions of
humanity.
It was Jésus who revealed the truths of heaven to men. It was Jésus
who strengthened the hearts of men against temptation. It was Jésus
who lifted up the individual to the very level of the skies. It was Jésus
who built up the family. It was Jésus who built up the society, and
who gave us that defined civilization which we hâve called Christendom.
Take Clirist away from that civilization and back we go to the days
of paganism, back we go to social, moral and intellectual chaos. But,
fortunately for us, Christ lives. Jesus-Christ, the same yesterday, to-day,
to-morrow, and evermore.
Fortunately, there is in the world the Catholic Church ever faithful
to the commission given to Her by Jésus when He said : " Go, teach ail
nations." This Church has ever îield to her bosom the Holy Eucharist,
and through her mysteries The Jésus of Bethlehem and The Jésus of
Calvary becomes présent daily on our Altar, and gives himself as food
to our immortal soûls.
Jésus lives in the world and moves in it through the Holy Eucharist,
and there in the Holy Eucharist is the salvation of society — the salva-
tion of our morals and the salvation of our intellects. So, Catholics,
let us worship Christ in the Eucharist with ail the strength of our
being. Let us proclaim His Majesty with ail the power of our hearts„
and let us with ail our ono-gy of soûl and body work tliat Jésus of vhe
Eucharist be known and loved and served by ail our fellow-beings.
Knowing the solemn spectacle of men from ail nations of the world
coming together and proclaiming Jésus as their Sovereign — knowing
the faith which is yours, I fear not for humanity. I fear not for Jésus,
because Jésus lives, and Jésus reigns. And so, am I sure that througH
the représentatives présent in this church, ail nations of the earth ofïer
to Him their homage and their love, and while each one undertakes to
do so for his own land " 0 Jésus, from my heart I ask that a blessing
— 121 —
be given thrice to the land which I love and which I serve, and wliicli
it is my mission to chain to the chords of Thine Own Heart. ïhere is
a land, 0 Jésus, worthy I may say of its natural gifts which hâve corne
from Thy Hand, as Creator. This Land is worthy of being crowned
with the grâces of a supernatural order. A land, it is of fairest clime
of majestic river and lake, of fertile soil — a land of wealth and of
promise, and thither hâve corne the children of ail nations to build up,
within its borders a new order social and political lu be in many ways
the crowning act of the long évolution of âges for the natural embellish-
ment of humanitj-, and the natural élévation of the sen&es of ni au. We
hâve there a land worthy of a miracle of thy grâce, for uuconsciously,
instinctively, they seek Thee, 0 Jésus. They seek earnestly The True,
The Good and The Beautiful; and where are The True, The Good and
The Beautiful to be found, except in Thy Heart, 0 Eucharistie Jésus.
Even in the wanderings of their thoughts they are as the Athenians
of old, seeking the true God, and when Jésus shall be put before them
and made known to them, they will say : '' Hère is the Saviour I hâve
been seeking."
0 Jésus, bless America! 0 Jésus, spread Thy Love over it ! 0
Jésus, be its King. Xo king hâve they, let them hâve Thee, 0 Jésus,
as their King, Monarch and Euler.
The many problems of thèse late days of Humanity are in a parti-
cular way to be solved in America, but without Jésus they cannot be
solved, and they vsdll not be solved. America has a mission recognized
to it — a mission material to the welfare of the nations of the earth,
Her flag floats over many océans and many seas. She has spread out;
her nanie, 0 Jésus of the Holy Eucharist, let it be said that wherever
her flag floats there shall Thy Name be praised, and there shall Thy
Name be worshipped. That is the one thing needed by America if she
is to be the greatest of nations, the first flower of humanity.
So, from our hearts in the présence of the Catholic Church repre-
sented hère ])y the immédiate delegate of our Holy Father the Pope, and
represented hère by Bishops, Priests and laymen, I pledge to the Eucha-
ristie God the Heart of America, and I pray that He may look down
upon her with spécial love, and spread over her abundant grâces.
Yes, Catholics, let us prav, each one for bis own land, and al! of n? for
humanity at large. Let us invoke Jésus to-night — He wlio said to His
Apostles", " Go, teach ail nations, and behold I am with you ail days even
unto the consummation of the world."
But, another duty is incumbent upon us, and that is to Avork for Jésus
and work with Him. Of his own hand He could bring nations to their
knees before His altar, but He has willed to work through and with His
soldiers, and if we fail, Jésus may withdraw from us the Hand of His
Omnipotence.
What is needed, and what is called for by this Congress is soldiers —
men who will not simply say they are Catholics, but who will say they,
are soldiers of Christ. Men, who will not simply practice their religion
— 132 —
in their owu iudividuai lives, but, wlio will preacli it botli by exaniple
and by act in ail places and at ail times.
What is the use of thèse great Congresses, when hundreds of thoii-
sands of Catholics corne tojietlier unless tliey be as so inany criisaders —
men wlio will say " God wills it. Onward we go into the fray and by
wisely preaching Jésus, make Jésus known and draw people to him."
This is our resolution, and if each one of us now feels our hearts beat-
ing with warmer love, and our soûls ail infiamed mth deeper courage»
then this Congress has been a great success, and its record in America,
will be the opening of a new era for the Eucharist Saviour.
La parole est maintenant à Sir Lomer Gouin, premier mi-
nistre de la province de Québec. Annoncé, comme les autres
orateurs, par Mgr rArchevêque de Montréal, il s'exprime
ainsi :
Eminence,
Excellence,
Messeigneurs,
Messieurs,
Je remercie Mgr FArchevêque de Montréal, l'infatigable organisateur
de ces grandioses démonstrations, d'avoir bien voulu m'appeler à dire
ici quelques mots. Outre qu'elle est un précieux témoignage de la cor-
diale entente qui, dans notre province, existe entre l'Eglise Catholique
et l'Etat, l'invitation de Sa Grandeur me fournit une occasion heureuse
d'affirmer mon humble foi en cette Eglise, et c'est pourquoi je l'accepte
avec bonheur et reconnaissance.
Un poète a dit que
" Tout homme a deux pays, le sien et puis la France."
Comme il serait plus juste de dire que tout croyant a deux maisons:
la sienne et celle de Dieu !
Pour ma part, jamais je ne l'ai mieux compris que ce soir, dans ce
temple majestueux, si vaste et tout débordant de fidèles, où bien des fois
je suis venu m'agenouiller aux pieds de notre Père commun, et où, au-
jourd'hui, j'ai l'honneur de parler debout à des catholiques, à des frères
accourus de pays divers et même très lointains.
Quel magnifique privilège que celui d'être enfant de l'Eglise du
Christ, d'appartenir à la grande famille des rachetés ! Dans cette fa-
mille, si les bouches ne parlent pas toutes la même langue, une fraternité
étroite réunit cependant toutes les âmes; les esprits se rencontrent, les
volontés s'entendent, les efforts se coalisent; l'accord est complet et
l'union parfaite; quand l'Eglise enseigne, nous croyons, quand elle com-
mando, nous obéissons, lorsqu'elle est attaquée, nous la défendons.
Les rois et les peuples, les riches et les pauvres, le génie et la vertu,
la piété et le dévouement, les sciences, les lettres, les arts, les lois, en un
— 123 —
mot tout ce qu'il y a de grand, de beau et de saint dans l'humanité a
salué le Christ, comme la nature reconnaissante, au sortir des ombres et
des engourdissements de la nuit, salue le soleil qui labreuve de sa lu-
mière et le pénètre de sa généreuse chaleur.
Grâce à Dieu, personne en ce pays ne songe que croire à Jésus et à
son Evangile soit une déchéance, qu'avoir pour premier Maître Celui
devant qui les savants et les génies inclinent leur front glorieux soit un
abaissement, que servir Celui que toute civilisation admire et bénit
puisse faire de nous des êtres inférieurs, puisse nous rendre moins utiles
à nos semblables et à notre patrie.
Bien loin de là. XuUe part ailleurs peut-être le Christ qui a promis
à sa croix la conquête du monde, n"a exercé un attrait plus puissant
qu'en ce pays. A quelque page que nous ouvrions notre histoire natio-
nale, cette page épelle l'Evangile; de quelque côté que nous tournions
nos regards, en quelque lieu que nous portions nos pas, l'œuvre de
l'Eglise apparaît immense autant que merveilleuse.
Un jour de fête nationale, un de mes prédécesseurs, après avoir parlé
du caractère affable et bon des Canadiens-Français, après avoir décrit
leurs mœurs douces et simples et fait le tableau du bonheur dont jouis-
sent nos patriarcales familles d'agriculteurs, concluait en s'écriant : " La
France a passé là."
A qui s'étonne de notre vitalité, à qui cherche le secret de notre
bonheur comme peuple, ne pouvons-nous pas dire à notre tour: l'Eglise
a passé, ou mieux encore, l'Eglise est restée chez nous? Elle a pass^
avec ses missionnaires, avec ses martyrs dont le sang a fécondé le sol de
notre patrie ; elle est restée avec ses apôtres et ses saints, avec ses évoques
et ses prêtres, ses religieux et ses religieuses, ses éducateurs et ses édu-
catrices, qui ne cessent de semer le bienfait de leurs enseignements et
de leurs vertus sur tous nos rivages et le long de tous nos chemins.
Aussi l'Etat ne songe-t-il aucunement à renier sa bienfaitrice et à lui
signifier son congé. Au contraire, il est heureux de retrouver dans un
passé dont l'Eglise a grandement contribué à faire la grandeur, en même
temps que l'objet de son admiration le ferme appui de ses espérances.
L'Etat reconnaît sans arrière-pensée les droits de l'Eglise et il la
laisse se mouvoir librement dans sa sphère. Loin de la regarder comme
une ennemie à combattre ou une rivale à contenir, il la traite en alliée,
il la tient pour son meilleur appui dans la poursuite des intérêts supé-
rieurs; car il sait qu'elle est à jamais la gardienne vigilante et indépen-
dante de tous les droits, des droits des gouvernants comme de ceux des
gouvernés, et que. suivant le mot d'un publiciste, " il n'est pas d'ins-
trument plus puissant que la religion pour obtenir des hommes en
société tous les genres de sacrifices que l'intérêt public puisse réclamer."
Puissent l'Eglise et l'Etat vivre toujours, cboz nous, dans l'baniionie
la plus parfaite et dans le respect sympathique l'un de l'autre! Puisse
l'Eglise illuminer sans relâche la route des destinées de notre chère
patrie, et les fils du Saint-Laurent, incessamment fidèles aux traditions
ancestrales, maintenir toujours au sommet de leurs croyances, de leurs
affections et de leurs espérances, la Croix de Celui qui est la vie du
monde et la source de tous biens.
— 124 —
Mgr l'Archevêque de Montréal présente maintenant à l'au-
ditoire l'orateur impatiemment attendu, l'évêque de Jeanne
d'Arc, Mgr Toucliet. ,
DISCOURS DE MGR TOUCHET
EiMiNEXTissniE Cardinal Légat, (1)
Eminence, (2)
Messeigneurs, (3)
Mesdames^
Messieurs,
Ce m'est uu insigne honneur, Eminentissime Cardinal-Légat, de
prendre en ce moment, devant vous, la parole.
La première fois que je rencontrai Votre Eminence, elle revenait de
sa mission en Eussie, et faisait route vers le Portugal où elle aplanit si
heureusement et si rapidement de fort graves difficultés.
Depuis lors elle a continué sa carrière glorieuse et utile, parmi les
plus hauts ministères de la sainte Eglise romaine.
Les années sont venues; elles ont passé sans briser ni même courber
le grand chêne; elles n'ont fait que le vêtir d'une majesté plus vénérable
et plus sacrée.
Et aujourd'hui, au milieu de nous, vous n'êtes pas seulement l'illustre
Cardinal Vincent Vannutelli, vous êtes Pie X! Pie X, sup-rême prêtre;
Pie X, suprême docteur; Pie X, suprême pasteur; Pie X, pour l'Eglise
de France, le sauveur de la hiérarchie, c'est-à-'dire de l'institution même
de Jésus-Christ, par sa clairvoyance et son intrépidité; Pie X, pour
l'Eglise Universelle, le père très auguste, très vigilant, très bon, le ven-
geur de la doctrine et de la discipline catholique; Pie X, auquel se
pourraient appliquer les paroles adressées par Jéhovah à l'antique pro-
phète: "Je t'ai posé comme un bastion inexpugnable, pasui te in civi-
tatem munitam. Je t'ai dressé comme une colonne d'airain, m colum-
nam ferream et in murum œreum. Les temps sont mauvais, beaucoup
combattront contre toi, hellahunt adversum te : sectaires d'ici, faux doc-
teurs de là, étranges diplomates d'ailleurs. Mais ce sera en vain: lesi
sectaires seront déçus, les faux docteurs démasqués, les étranges diplo-
mates se prendront à leurs propres pièges, parce que je suis avec toi,
quia ego iecum sum, dit le Seigneur, ait Dominus."
Oui, Eminentissime Cardinal Légat, à travers votre robe rouge nous
discernons la robe blanche de Pie X. Quand vous bénissez, nous nous
inclinons sous sa main; quand vous parlez, nous entendons sa voix et
son cœur; quand vous exhortez, nous obéissons à ses conseils; Legatut
non tanium missus a papa, personam papae gerit, porte le Droit.
(1) Son Em. le cardinal Vincent Vannutelli, légat du Pape Pie X.
(2) Son Em. le cardinal Logiie, <''vêque d'Armagh.
(3) NN. SS. les évêques présents au congrès.
— 125 —
Ces services et cette mission, Emineutissime Cardinal Légat, vous
entourent cVune incomparable splendeur: ils expliquent et imposent les
sentiments que nous déposons à vos pieds.
Emineutissime Primat, une mer nous sépare habituellement. Si large
soit-elle, votre renommée l'a franchie non moins que celle des prélats
canadiens, américains, belges, anglais, hollandais, allemands, océaniens^
qui vous entourent.
Xous connaissons en France, Messeigneurs, vos écrits, votre éloquence
votre science, bien mieux encore, vos œuvres. Notre respect pour vos
personnes égale vos mérites. C'est assez pour exprimer combien il est
profond. Mon très aimable et très éloquent collègue d'Angers vous
aurait dit ces choses mieux que moi. Du moins, suis-je certain qu"il
ratifie mes paroles, ainsi que tous les membres de l'épiscopat français.
Ceux-ci nous envient le bonlieur d'être ici. Ils n'ont manqué ce rendez-
vous précieux que pour accomplir les devoirs de leur charge ; la plupart
pour présider leurs retraites pastorales. Vous souffrirez. Messieurs, que
de Montréal, la cité de Marie et du Saint-Sacrement, je leur envoie l'ex-
pression de mes fraternelles fidélités.
Monseigneur l'Archevêque de Montréal, je ne serais qu'un impitoyable
ingrat, si je ne vous remerciais et de ces solennités dont les éblouissantes
merveilles vont étonner le monde, et de la part que votre bonne grâce a
voulu m'y assigner.
C'est au Séminaire canadien de Rome que vous prîtes l'initiative de
m'inviter, en termes dont ma gratitude (peut-être encore mon amour-
propre, hélas!) ne me permettent pas d'oublier 1 obligeance.
Il vous plut, pour me décider, d'invoquer deux communautés qui
existent entre nous, la communauté de la foi et la communauté du sang.
Notre communauté de foi, est évidente. Quant à la communauté du
sang entre les Canadiens, desquels vous êtes, et les Xormands, desquels
je suis, elle est indéniable. Vous vous promettiez, il m'en souvient, les
spectacles de religion incomparables. Vous en preniez pour garant la
piété de ce magnifique peuple et la belle jeunesse cléricale qui vous
écoutait, sentant passer sur son front et son âme comme une brise
accourue des plages de la patrie, — leur patrie aux grands lacs, aux
grands prés, au grand cœur, aux grands blés, au grand fleuve, au grand
présent, au grand passé, au grand avenir, — vous applaudissait avec
passion.
A vrai dire, il eût été inutile d'alléguer ces nombreux considérants.
Vous désiriez, il suffisait: tant nous professons pour votre vigilance
pastorale et le charme de votre personne de déférente s3Tnpathie,
Et alors, tout plein de la bienheureuse' Jtanne d'Arc, dont la cause
m'avait amené à Eome, j'acceptai sous l'unique réserve de vous parler
d'elle et do ses relations avec l'Eucharistie.
Je suis venu de loin dégager ma parole.
Vous, Messeigneurs, vous. Messieurs, vous prendrez en conpiih^ration
ma bonne volonté plus encore que le discours que je vais prononcer: ceci
me fera pardonner cela.
— 126 —
Jeanne d'Arc, la bienheureuse Jeanne d'Arc ! A son culte j'ai voué
ma vie. Depuis seize ans, je l'étudié. Plus je l'ai connue, plus je me
suis enfoncé dans la passion qu'elle m'inspira. Elle m'a pris la moitié
de mes jours et une part de mes nuits; elle m'a causé des sollicitudes de
tout genre, plus d'une alarme, plus d'une lutte: ce n'est pas trop, ce
n'est pas assez, tant elle est belle !
Ce goiit ne m'est pas exclusivement personnel. Godef roy Kurth, l'il-
lustre historien belge, avait déposé devant moi, lors du procès de béatifi-
cation de Jeanne. Nous donnant de sa science qui est vaste et de son
cœur qui est chaud, il nous avait tracé de Jeanne un beau portrait vivant,
vrai, net. Quant il eut fini, je dus lui demander ce qu'il pensait de
notre tentative de faire béatifier l'héroïne. Il se leva, et gravement:
" Monseigneur, me dit-il, je ne connais pas l'histoire. Personne ne la
connaît. Il y a cependant quarante années que je l'étudié. Eh bien,,
me souvenant que j'ai prêté serment tout à l'heure entre vos mains, je
puis vous dire ceci : Depuis le Christ et la Vierge Marie, personne ne
m'apparaît, sur ce théâtre que j'ai tant fréquenté, qui soit plus digne des
autels que Jeanne d'Arc."
Et cela est la vérité.
Jeanne étonne et séduit. Devant elle on tombe à genoux pour lui
baiser les pieds, et on ne peut se retenir de lui donner des noms très ten-
dres de " sœur," de petite sœur." Elle est très haut au-dessus de nous, et
néanmoins nous la sentons comme très voisine de nous. Elle est la
Jeanne miraculeuse de l'épopée et du Paradis; elle est la Jeannette de
Domrémy. " C'est un agneau et un lion," a écrit Pie X, traduisant
admirablement la nature contrastée de cette enfant.
Elle fut pure comme un lys, humble comme une marguerite de ses
vallées meusiennes. Elle priait Dieu, la Vierge, ISTotre-Seigneur avec
une candeur de foi que rien ne troubla. Elle aimait ses compagnons, les
malheureux, ses frères, ses sœurs, son rude et honnête père, sa mère, sa
" pauvre mère," ainsi qu'elle s'exprimait, à plein cœur.
Elle se meut dans le surnaturel comme nous dans l'air oîi nous res-
pirons. Sept années durant, elle fut en contact quotidien, perpétuel avec
saint Michel, sainte Catherine, sainte Marguerite.
Prodigieuse mystique, la plus prodigieuse des mystiques par quelque
côté, par exemple la fréquence de ses visions, il lui suffisait d'appeler son
ange, ses saintes, pour qu'ils fussent là. Elle les nomma d'un mot admii
rablement trouvé, elle les nomma " ses voix." Une voix, quelque chose
d'immatériel et de sensible ; quelque chose qui caresse et qui épouvante ;
quelque chose de si discret que l'oreille le perçoit à peine, et de si sonorç
que l'espace en résonne ; une voix, quelque chose qui éveille le courage^
berce le chagrin, ébranle la volonté, chante, pleure, commande; le Dies
irae du sublime inconnu; le Requiem de Mozart, la Marseillaise de
Eouget de l'Isle; une voix: presque rien, tout cela va sans laisser trace
et tellement tout que l'Eglise a épuisé son effort de louange à l'égard du
Saint-Esprit quand elle a dit : " il a la science de la voix." _ Sans ses
'Voix, des voix personnelles, des voix réelles, Jeanne est une énigme inex-
plicable. Avec ses Voix, elle est seulement mystérieuse, comme tout ce
— 127 —
que le divin enveloppe d'un nuage que nos 3-eux ne sont pas habitués à
regarder, encore moins percer.
Elle fut brave comme une épée de chevalier, et si douce dans la ba-
taille, si généreuse, si apôtre ! Jamais elle n'a frappé personne. Elle
se poussait au plus fort de la mêlée, souriante, son étendard à la main,
et elle disait : " Suivez-moi." Glacidas, le commandant des Tourelles,
l'avait insultée abominablement. Le 7 mai 1429 au soir, elle l'aperçut,
se défendant, dit un chroniqueur, comme s'il eut été " immortel." L'en-
fant vit que le formidable soldat était perdu. " Glacidas, lui cria-t-
elle, tu m'as insultée, tu m'as appelée. . . . Mais j'ai pitié de ton âme.
Eends-toi ! Eends-toi au Eoi du ciel ! " Connaissez-vous, Messieurs, bien
des cris de saints, pathétiques à l'égal de celui-là?
Dans sa mort, elle imita de très près la passion du Christ.
Trahie comme lui, vendue comme lui, jugée comme lui, exécutée
comme lui, au milieu des cris de la haine et des larmes de pitié, après
avoir été la foi, la charité, la justice, la vérité, l'honneur même, avec au
front le rayon des prophètes et sur ses épaules la pourpre de son sang;
après avoir représenté la France en ce que la France a de plus exquis, et
l'humanité en ce que l'humanité a de plus haut : après avoir été Jeanne
d'Arc !
Toutefois, dans cet ensemble de vertus dont se souvient l'histoire et
qu'a couronnées l'Eglise, il en est une qui marque d'un trait plus pro-
fond sa physionomie morale, précisément parce qu'elle porte toutes les
autres : c'est la vertu de force.
Enfant, elle a la force d'enfermer eu soi, entre soi et Dieu, le secret
qui doit l'étouffer, de sa mission et de ses apparitions ; la force de vaincre
les impatiences de son âge, les instincts pervers dont le péché d'origin^
a déposé le germe vivace chez les meilleurs, ses terreurs de la vie de^
camps, sa tendresse filiale passionnée, laquelle l'eût détournée de ré-
pondre à l'appel de Dieu. " J'aurais eu cent pères et cent mères, disait-
elle, je serais partie ! "
Inspirée, elle eut la force de lutter contre les suspicions des clercs, les
répugnances des hommes d'armes, la pusillanimité, sinon pire, des con-
seillers de la couronne.
Guerrière, elle eut la force de grouper et d'entraîner à sa suite Ar-
magnacs, Bretons, Manceaux, Beaucerons, Richemond et Gille de Eais,
les Laval, d'Alençon et Dunois. Elle les pacifia, les évangélisa, en con-
vertit plus d'un.
Chevauchant à travers la France morte, elle eut la force de la res-
susciter.
Oui, certes !Pour ressusciter la France, il faut d'abord ressusciter son
roi. Isabeau l'avait tué sur ses genoux, dans ses bras d'adultère, lui
versant un doute empoisonneur, mais trop naturel, sur la légitimité de
sa naissance et de ses droits.
A ce dauphin inquiet et apeuré qui ne rêvait que fuite vers Toulouse ;
plus loin, vers l'Espagne; plus loin, vers le Portugal, elle refit une âme,
un cœur, un sang.
Pourquoi se désespérait-il? Pourquoi songeait-il h l'exil? "Ayez
— 138 —
confiance, ayez confiance, gentil dauphin. Je vous conduirai à Eeims
afin que vous y receviez votre digne sacre."
Pourquoi ce tourment qui le tuait ? " Je te le dis de la part de Dieu.
Tu es vrai fils de roi et celui à qui le royaume doit ajDpartenir ! "
Petit à petit, le fils des Capétiens se laissait prendre par l'enthou-
siasme de la sublime paysanne. Il finit par croire à soi, à la France, à
Orléans, où battait alors le cœur de la patrie, à Dieu. Elle enfanta son
roi : Millier' circumdahit virum, porte le texte dans son énergique crudité.
Elle ressuscita les chevaliers. Depuis Azincourt, ils montaient encore
à cheval, mais sans entrain et comme s'ils eussent été voués d'avance à
la défaite irrémédiable. Ils s'ensevelissaient dans le pressentiment que
la fin du royaume approchait; or un tel rayonnement de surnaturelle
vigueur, une telle " vertu " sortait de Jeanne qu'ils revinrent à la con-
fiance. " Avant Jeanne, dit Dunois, dix Anglais auraient battu deu3ç
cents Français, avec Jeanne, dix Français auraient battu deux cents
Anglais."
Enfin elle ressuscita ce qui est plus que les chevaliers et plus que le
roi; elle ressuscita l'antique opprimé, l'antique écrasé, celui que son
oppression même, son écrasement même rendaient indifférent aux destins
du pays : le peuple. Que lui faisait à lui d'être Armagnac, Bourguignon,
Anglais, Français? En serait-il moins battu et moins volé? Mais quand
il eut vu cette petite fille sortie de lui, quand il eut ouï ses appels, quand
il eut discerné, dans le ciel qu'elle ouvrait au-dessus de sa tête, les figures
sacrées de Charlemagne et de saint Louis en prière, comme elle disait,
il se retrouva, notre peuple ! Il se passionna d'autonomie. Les vieux
glaives, les vieilles masses d'armes qu'avaient maniés les Jacques sor-
tirent de leur rouille. Un souffle de nationalisme l'agita, le purifiant
des terreurs et des lâchetés de la guerre de Cent Ans, comme les vent?
frais et doux purifient l'océan de ses miasmes et de ses brouillards. Et
il advint ce que Jeanne semble avoir prévu quand elle osa dire à Beau-
dricourt : " Il faut que je parte, il faut que ce soit aujourd'hui plutôt
que demain ; les jours me pèsent comme à une femme» enceinte." Bref,
elle devint la mère de la patrie, a dit Eome, " Jure dicta Mater Patriae."
Et maintenant, regardons-la ! regardons-la donc s'avancer dans un
tourbillon de victoires, d'Orléans à Jargeau, de Beaugency à Patay, de
Patay à Troyes, de Troyes à Eeims. Or, sa courte vie compte exactement
dix-neuf ans, cinq mois et vingt-quatre jours. Quand elle opérait les
prodiges que je viens de rappeler, elle avait deux ans de moins, elle avait
dix-sept et demi !
France, jette-lui à pleines mains des lauriers et des roses. Angleterre,
ne lui refuse ni les roses ni les lauriers. Il fallait qu'il subsistât une
France et une Angleterre dans l'univers. Grâce à Jeanne, ni celle-ci,
ni celle-là ne disparurent: la France ne périt pas; l'Angleterre demeura
l'Angleterre. Toutes les deux avec leur destin, toutes les deux avec leur
mission spéciale à travers les siècles, toutes les deux attendent, nous en
avons la confiance, l'heure que prophétisa de Maistre, disant: "Quand
la France sera redevenue chrétienne et l'Angleterre catholique, le mondq
verra de grandes choses." Cette heure, Messeigneurs d'Angleterre, Mes-
— 129 —
seigneurs de la catliolicité, on la paierait cher. Mon Dieu, faites que
l'Angleterre redevienne catholique, que la France redevienne chrétienne !
Prenez nos vies . , . Mais faites vite ! . . .
Initialement cela est dû à la force de Jeanne.
Je ne vous montrerai pas comment, martyre, elle fut forte. C'est
inutile.
D'où provient cette force à cette enfant? De l'hostie surtout, répond
hardiment l'Eglise dans la liturgie qu'elle lui a consacrée; Pane cœlesti
qui toties bmtam Johannam aluit ad victoriam. De l'hostie... Eh
quoi, de l'hostie? L'Eglise le dit. Croyons. Norma credendi, forma prt-
candi. Comprenons aussi.
Messieurs, dans tout l'ordre des choses, nous ne connaissons que deux
forces autonomes libres : la première est absolue, éternelle, surabon-
dante : nous l'appelons Dieu. Les secondes sont relatives, immortelles,
subordonnées : ce sont les consciences libres, anges et hommes.
Les consciences libres sont des forces vraiment : nous le sentons.
Elles peuvent dire non, et résister; elles peuvent dire oui, et agir, elles
sont donc des forces.
Leur dignité est proportionnelle à la valeur de leur activité; la valeur
de leur activité est déterminée par la conformité de celle-ci à la loi.
Plus une conscience libre opère, plus son opération est conforme à la loi,
plus sa dignité morale est excellente.
La fidélité des consciences libres à la loi est souvent gênée, soit par
notre aptitude intérieure à défaillir, soit par notre aptitude à subir les
tentations du dehors. Nous connaissons tous ce phénomène; il produit
nos luttes morales et trop souvent nos chutes.
Or, dans ces luttes, nous pouvons appeler à notre secours la force
absolue, éternelle, surabondante; Dieu lui-même Va ainsi voulu, ainsi
réglé.
La prière et les sacrements ont cette puissance de nous faire commu-
nier à lui et de doubler notre infirmité d'êtres finis des énergies de l'Etre
infini.
Mais parmi tous les sacrements, l'Eucharistie, nourriture par le pain
et le vin mystiques, signifie et réalise plus excellemment que nulle autre
l'union de la suprême Puissance avec notre suprême faiblesse. " Celui
qui mange ma chair et qui boit mon sang vivra. Ma chair est vraiment
une nourriture: mon sang est vraiment un breuvage, dit Jésus."
Mangez ! Buvez ! Vivez !
A^ie et force sont ici posées en équation. Et par le fait notre vie en
tout ordre physique, intellectuel, moral, est proportionnelle à notre force,
et notre force est proportionnelle à notre vie.
Les âmes très fortes mangent saintement le corps du Christ et boivent
son sang. Là oii n'est pas le corps du Christ, il y a encore de l^cllos
âmes; on cherche les âmes héroïques, sans en trouver. . . .
L'Eglise catholique fait et donne le corps du Christ; c'est pourquoi,
nous le disons sans orgueil, mais avec fermeté, elle produit les Saint.*,
les Lallemand, les Brébcuf, les Jogues dont la fin, belle comme Tantique.
nous reporte aux supplices de Polycarpe de Smvrne et d'Ignace d'An-
5
— 130 —
tioche; les Jeanne Mance, les Marguerite Bourgeoys, douces créatures
dont la charité s'éleva jusqu'à l'oubli total et à l'immolation parfaite du
cher et égoïste moi humain.
Fils et filles de l'Eucharistie, je vous salue humblement, car je ne
l'ignore pas, si, logiques comme vous le fûtes, nous correspondions comme
vous correspondîtes au Dieu caché qui s'approche de nous, la grâce qui
s'épanouit chez vous en sainteté, s'épanouirait chez nous en la même
floraison sacrée. Aidez-nous ! frères et sœurs aînés, aidez-nous !
Jeanne fut une âme eucharistique comme ceux que je viens de nom-
mer, comme sainte Julienne, comme sainte Catherine de Sienne, comme
saint Stanislas Kostka, et elle fut forte.
Sa petite maison de Domrémy jouxtait l'Eglise. Seul, un étroit
pourpris l'en séparait. Elle se composait, dans la partie consacrée à
l'habitation de deux pièces, d'inégale grandeur, au rez-de-chaussée, et
d'un fenil au-dessus. La grande pièce était tout ensemble la cuisine et
la chambre à coucher de Jacques d'Arc et de sa femme Isahelle Romée,
Jeanne y naquit. Les trois garçons se retiraient au fenil pour y dormir.
Les deux filles occupaient un cabinet de 3 mètres de large sur 5 mètres
de long, éclairée par une très étroite fenêtre.
Je me suis agenouillé devant cette fenêtre : j'y ai prié plus d'une fois,
longuement. Je me trouvais bien à cette place. J'ai cherché la trace
des larmes de Jeanne et celle de ses mains sur la planche de chêne qui
forme appui, car elle a prié là, elle a pleuré là, j'en suis sûr. De là,
quand le jour avait baissé, elle apercevait la lueur de la lampe sacrée, à
travers les baies ogivales de la vieille petite église. Là elle est venue
s'abîmer durant les nuits qui ont précédé son départ pour la glorieuse ot
formidable aventure, Qu'a-t-elle dit de là, à Notre-Seigneur Jésus-
Christ, tandis que Jacques d'Arc et Isabelle Eomée, Catherine, Jacques,
Jacquemin, Pierre, dormaient, tout près, leur confiant sommeil? Qu'a-
t-elle dit et que lui a répondu Jésus : 0 tristesses ! 0 encouragements !
0 timidités! 0 ordres! "Va, Fille de Dieu, va; va!" Car si Michel,
l'ange, parlait ainsi, Jésus le maître ne parlait pas différemment. Quels
drames se jouent dans l'âme des saints !
Une plaque avertit le voyageur qui passe de la maison à l'église, que
la table où Jeanne fit sa première communion était posée sous le porche
actuel. On lui montre un anneau de fer qui la scellait au mur. Supposé
qu'il ait la foi (et même ne l'cût-il pas), il essaie de se représenter l'en-
fant à deux genoux, sur l'une de ces dalles; l'enfant, qui a déjà connu
l'extase, qui a vu l'archange, qui a été baisée au front par sainte Cathe-
rine et sainte Marguerite, qui a su la grande pitié du royaume de
France. Tl essaie de discerner les battements de ce cœur candide qui
n'en a pas moins d'inscrutables profondeurs. Il voit le curé, Messire
Fronte. déposer l'hostie sur les lèvres de Jeanne, lentement, comme le
matin dépose une goutte de rosée sur la corolle d'un lys, Tl regarde, . , .
puis il ne voit plus rien, rien; car la pensée lui défaille, quand il s'agit
d'imaginer le premier contact de Jeanne et de Jésus,
A dater de ce jour, Jeanne communia souvent, si souvent qu'au village
on la trouvait un peu trop dévote.
— 131 —
Au cours de ses campagnes, elle entendait la messe quotidiennement
plutôt deux ou trois fois qu'une, et s'approchait du Sacrement autant
qu'elle pouvait.
Ses purifications de conscience préparatoires étaient vigilantes; ses
actions de grâce émues. Le chanoine Compaing atteste qu'elle n'assistait
pas à un salut sans fondre en larmes.
Vous savez tous sa fin. Un jour de décembre 1430, elle fut conduite
à Eouen, au donjon bâti par Philippe-Auguste. On l'y enferma sous
trois clefs. On la remit à cinq soldats Infânu^s ap]ielés "■ housepailleurs "
qui ne la quittaient ni jour ni nuit. On la ferra par les pieds, les mains,
la ceinture, et on riva sa chaîne à une lourde pièce de bois jetée dans un
coin du cachot. Dans un autre coin on apporta une cage de fer. Je
ne crois pas qu'elle y ait été enfermée. Des juges sauvages la harce-
lèrent d'interrogatoires féroces. Elle semble avoir été en butte à plus
d'un attentat duquel son ange seul la défendit. Cela dura sans inter-
ruption entre cent cinquante et cent soixante jours.
La fière enfant ne demanda rien à ses bourreaux, rien ! Xi plus de
lumière, ni plus d'air, ni moins de chaînes, ni Téloignement des promis-
cuités abominables. Us n'eurent pas la joie déshonorante de lui tirer
une plainte. Elle ne leur fit qu'une prière. Elle eût voulu assister à
la messe, y communier. Pas de messe ! Pas de communion ! Cela c'était
trop !
Ils essayèrent de " jouer " de la messe et de la communion pour la
décider à renier ses voix. Si elle disait ne pas les avoir entendues, elle
irait à la messe! Elle communierait! L'homme a des ressources et des
réserves d'infamie qui font trembler.
Le 31 au matin, deux heures avant le supplice, Pierre Cauehon dit:
" Donnez-lui tout ce qu'elle demandera." On lui apporta l'Hostie ; elle
la reçut, et elle pleura.
Elle remercia jusqu'à neuf heures et demie dans sa prison. Elle re-
mercia sur la charrette du bourreau Thierrache, pendant sa voie dou-
loureuse, de l'enceinte castrale à la place du \'ieux-]\[arché. Elle
remercia tandis que Nicolas Midy la prêchait interminablement, que
l'évêque de Beauvais l'abandonnait au bras séculier, et que le bailli la
livrait au feu. Elle remercia en gravissant le bûcher que les juges
avaient fait très haut, à la taille de leur haine. Elle remercia quand,
la torche funèbre s'étant approchée des fascines sèches, s'éleva la colonne
terrible de fumée suffocante et de sombre flamme. Elle remercia encore
quand Jésus, probablement venant au-devant de sa martyre, elle cria,
comme si elle avait aperçu quelque chose, quelqu'un, de longtemps
attendu, d'une voix qui remplit la ville de Eouen: "Jésus! Jésus!"
Elle remerciait quand, inclinant la tête, elle remit son âme à son auteur.
Elle ne finit son remerciement qu'au Paradis !
L'Eucharistie et Jeanne ne se divisent pas. Celle-là créa celle-ci.
C'est par l'Eucharistie que Jeanne fut. Le Pain sacré mit aux veines
de la vierge un sang de vigueur, que ne purent pâlir aucun danger,
aucune torture. Elle ne prononça pas le mot de Sonis : " Quand on
porte Dieu dans sa poitrine, on ne capitule pas," elle le vécut : pane qui
fortius Beutam Johunnam aluil ad vicloriarn.
— 132 —
Chrétiens, consciences libres, mais consciences tentées, nous pouvons
nous restaurer du même pain que Jeanne, et comme Jeanne triompher
de tous nos ennemis.
Consciences libres, mais consciences défaillantes, nous tombons
parce que nous sommes seuls. Appelons à notre secours la force infinie,
surabondante, nous marcherons d'un pas ferme par les plus rudes
chemins.
Entendons la voix de Pie X qui nous convie à la communion fré-
quente, loyalement faite. Celui qui communie ainsi n'est plus un, il
est deux. Deux, et s'il est faiblesse, l'Autre est force; car l'autre, c'est
celui dont le nom domine l'histoire, dont la figure domine l'humanité,
dont la croix domine le monde, dont l'autel désarme le bras de Dieu,
met un peu de sainteté sur la terre, réjouit le ciel, adoucit le purgatoire.
C'est le Maître adorable, Jésus-Christ, l'Homme-Dieu, à qui soit
louange, honneur, amour et gloire dans les siècles des siècles !
Est-ce que je terminerai sans jeter un regard vers vous, ô mon pays?
Est-ce que je ne demanderai pas une prière pour lui devant l'Hostie
sainte à tous ceux qui m'écoutent ?
C'est un noble pays. Messieurs, missionnaire généreux, chevaleresque,
trop généreux même, car il oublie facilement ce qu'il devrait ou ne pas
oublier, ou bien oublier difficilement. Méchante tête parfois, mais si
brave cœur ! Il serait presque parfait, s'il avait une conception plus
exacte, plus pleine de la vie civique. Nous catholiques, nous prêtres,
nous, évêques, nous travaillerons à lui donner cette conception.
En attendant, son Eglise, notre Eglise y traverse une période décisive
de sa destinée; elle a subi un choc redoutable, et elle y livre une bataille
magnifique.
A Québec j'ai expliqué en détail le comment et le pourquoi de ces
deux affirmations.
Le choc a consisté en ceci, qu'on a essayé de nous diviser: fidèles,
curés, évêques, suprême Pontife. Mais la chaîne d'airain qui nous unis-
sait était trempée dans notre commune foi et dans un commun amour.
Elle a résisté, rien ne l'a mordue ; rien ne la mordra.
Tout a été sacrifié plutôt que de briser une hiérarchie établie par le
Christ et de violer un ordre du Pape.
On pourrait compter sur les doigts d'une seule main, et encore y
aurait-il trop de doigts, les prêtres qui en cette circonstance ont oublié
leur serment d'obédience. Les cinquante ou soixante mille autres n'ont
jamais perdu de vue ce Vatican d'où vient la lumière, le commandement
et le courage.
En f|uatre ans, nous avons reconstitué notre outillage, bâti ou acheté
des séminaires, bâti ou acheté des évôchés, bâti ou acheté des collèges.
Nous avons nourri nos prêtres, pas richement, il est vrai, mais suffi-
samment. Quand donc, d'ailleurs, avec notre maigre budget des cultes,
avions-nous été riches? Ni prêtres, ni évêques, n'ont geint de cela. Nous
nous sommes trouvés bien avec notre plat de lentilles et la liberté re-
conquise. Un plat de lentilles et la liberté. Messieurs, quoique je ne
— 133 —
souhaite ce régime à personne — je le répète, puisque je l'ai dit ail-
leurs, — C'est exquis ! Nous avons soutenu nos écoles libres. 11 n'y en.
a pas un demi-cent qui aient été fermées en France. Et toutes ces for-
mations, nous les avons réussies en pleine crise, pour ainsi dire, sous le
feu de l'ennemi.
Xos catholiques ont été admirables. Nos clergés ne l'ont pas été
moins. Souffrez que j'envoie mon admiration, oui, mon admiration à
ces curés de campagne, notamment, que rien n'a pu décourager, que rien
n'a pu fléchir, que rien n"eutamera, que leurs épreuves, au contraire,
exaltent présentement dans une évangélisation, qu'il faut bien l'avouer,
les ligotages du Concordat rendaient difficile, et que les libertés de la
rupture rendent opportune et presque aisée.
Tous les clergés catholiques du monde posés dans les mêmes conjonc-
tures que nous eussent agi comme nous ; comme nous, en face de la porte
du tabernacle, ils se seraient dit que le plus grand honneur que Dieu
puisse faire à un prêtre, c'est de l'appeler à partager un instant la croix
de Jésus. Encore, cependant, est-ce nous qui sommes actuellement à
cette fête austère. Priez donc tous pour nous.
Priez pour nos fidèles, nos prêtres, nos clercs. Priez pour nos évêques.
Priez Jésus-Christ, source de force. Que, force de Jeanne la Française,
ils deviennent la force de l'Eglise de France: De iiiiiiiicis nostris vicfores
efficiat!
Une telle prière sera la poignée de main par-dessus l'Océan des héri-
tiers de Jacques Cartier, de Samuel de Champlain, de d'Iberville, de
Montcalm, de Lévis, de Salaberrv à leurs frères de France. Et cette
poignée de main vaillante et chaude comme vos cœurs, Messieurs, je n'ai
pas à vous dire que nous l'estimerons un encouragement, une cause de
joie et un honneur.
Quand l'orateur s'assied, la foule enthousiasmée lui fait
une ovation. Il est tard maintenant, très tard, près de
minuit. Les autres orateurs inscrits au programme ne par-
leront que demain. Tout le monde debout termine cette
inoubliable manifestation nu chant de : 0 Canada, terre de
nos aïeux.
— 134 —
Samedi soir
S. G. Mgr Brucliési ouvre la séance.
Mesdames et Messieurs : —
La séance va s'ouvrir ce soir ])av deux vœux concernant le Sacré-
Cœur de Jésus, que le révérend père Lemius, de la compagnie des Oblats
et résidant à Eome, va vous exposer sur l'invitation de Son Eminence
le Cardinal-Légat.
DISCOURS DU R. P. LEMIUS
Eminences,
Messeigneurs,
Messieurs,
Sous la liante approbation et protection de Son Eminence le Cardinal
Vannutelli, Légat de Sa Sainteté Pie X ;
Et, je puis le dire, au nom et avec la rédaction des deux Evêques de
France, ici présents, de Mgr l'Evêque d'Orléans et de Mgr VEvêque
d'Angers.
I.
De la Fête du Sacré-Cœur de Jésus
Considérant que Jésus-Christ lui-même a demandé la célébration so-
lennelle d'une fête en Thonneur de son Sacré-Cœur et qu'il a daigné
fixer lui-même le jour précis de cette fête, c'est-à-dire: le vendredi qui
suit immédiatement l'Octave du Très Saint-Sacrement, et le but de cet
hommage qui est de réparer les outrages qui lui sont adressés dans ce
divin Sacrement de son amour;
Considérant que l'Eglise, après avoir approuvé cette fête l'a élevée au
rite de première classe;
Considérant, d'antre part, que, après deux siècles écoulés, cette fête
n'est célébrée avec l'éclat désiré et avec le concours des fidèles que dans
un petit nombre d'églises;
Considérant enfin, qu'au milieu des grandes luttes actuelles, cet hon-
neur rendu à Notre-Seigneur accroîtra l'espérance d'un prompt et
puissant secours ;
Le Congrès Eucharistique International de Montréal émet le vœu
suivant :
1. Que tous les Evêques de la Catholicité soient humblement suppliés
de célébrer dans leur cathédrale, la Messe Pontificale et les Vêpres, sui-
vies de la procession du Saint-Sacremeni et de l'acte d'amende honorable
au Sacré-Cœur, le vendredi, jour de la fête de ce divin Cœur.
— 135 —
2. Que tous les cures, recteurs et chapelains soient exhortés à imiter
cet exemple.
3. Que tous les fidèles soient invités à communier, en ce jour, selon
les désirs et aux intentions du Seigneur, et à participer aux grandes cé-
rémonies.
4. Enfin, que le Souverain Pontife soit prié, afin de donner à l'acte
le caractère d'universalité, d'autoriser, si Sa haute Sagesse le juge op-
portun, l'exposition du Très Saint-Sacrement durant la journée entière,
partout où l'on pourra organiser une sérieuse adoralion.
Yoilà, Messieurs, le vœu qui vous est proposé, et si vous l'acceptez,
saluez-le de vos applaudissements enthousiastes. (Applaudissements.)
Du Mois du Sacré-Cœur de Jésus
Considérant que le mois du Sacré-Cœur de Jésus a été vivement re-
commandé et enrichi des plus précieuses indulgences par les Souverains
Pontifes Léon XIII et Pie X ;
Considérant que la célébration du mois du Sacré-Cœur de Jésus pro-
cure une excellente occasion de convertir les âmes à l'amour du divin
Maître et d'attirer les âmes à la communion fréquente;
Considérant enfin, que, selon la parole de FEnc^'clique sur la consécra-
tion du genre humain au Sacré-Cœur, nous devons placer dans ce Sacré-
Cœur toutes nos espérances, que de lui seul aujourdluii il faut solliciter
et attendre le salut;
Le Congrèg Eucharistique International de Montréal émet le vœu :
Que dans toutes les églises et chapelles de la Catholicité, on célèbre
le mois du Sacré-Cœur selon les indications de Pie X, c'esl-à-dire, avec
prédication chaque jour, ou bien avec lecture quotidienne et, durant une
semaine, prédication d'une vraie retraite spirituelle.
Tel est le vœu qui est proposé à l'Assemblée Générale.
Au nom du Sacré-Cœur, je remercie Son Eminence, nos Seigneurs les
évoques, et je vous remercie. Le Sacré-Cœur répandra sur vous ses
abondantes bénédictions.
Mgr Bruchksi : — L'an doriiicr, presque ;• pareille date,
au pied de la statue de Jeanne :\Liuce, ^Ip* l'^vêque d'Anji'^rs
parlait très éloquemment, mais par procuration; cette année,
pour assister an Conférés Eucharistique de Montréal, il a
quitté son Anjou, il a traversé les mers, et c'est lui-même que
nous allons maintenant entendre après avoir entendu et ap-
plaudi hier soir son illustre frère, Tévêqui' d'Orléans.
S. Ct. MCtTî RUMEAIT, évêque d'Angers :
Vous ne vous lassez pas d'applaudir l'Eglise de France, je vous en
remercie. Peut-être avez-vous aussi voulu saluer, en la personne de son
humble évêque, cette Eglise d'Angers qui a eu le 1res grand honneur
d'envover à Montréal un ango gardien: Jeanne Mance, afin de viUor
— 136 —
sur son berceau. Je vous remercie doublement, et ce remerciement va
tout d'abord à vous, Monseigneur, à vous, l'incomparable archevêque de
Montréal, qui avez daigné, avec de très aimables instances, me convier
à ce Congrès, préparé et organisé par vos soins avec une telle splendeur
qu'il a été jusqu'ici, et que probablement il sera dans l'avenir un Con-
grès Eucharistique sans rival.
Eminentissime Cardinal-Légat,
Eminentissimes Seigneurs,
Messeigneurs,
Mesdames et Messieurs,
Je suis donc venu du pays de la grande tribulation, comme parle le
Voyant de l'Apocalypse. Je suis venu sur cette terre de foi et de liberté
consoler mes tristesses, sécher mes larmes, et en m'associant à des joies
qui furent nos joies, ouvrir mon âme à l'espérance.
Or, Messieurs, quel spectacle s'offre à mes regards éblouis ! Est-ce une
vision de la terre? Est-ce une vision du ciel?
J'ai vu, s'écrie l'Aigle de Pathmos, j'ai entendu une multitude
immense que personne ne pouvait dénombrer, de toute tribu, de toute
nation, de toute langue; et à leur tête, étaient vingt-quatre vieillards
habillés de blanc. Et une voix se fit entendre : " Voici le tabernacle de
Dieu avec les hommes." Et aussitôt les vingt-quatre vieillards et l'in-
nombrable assemblée de se prosterner et d'entonner un cantique,
qu'accompagnaient des harpes et des cithares : " A l'Agneau qui a été
immolé, gloire, honneur, puissance, action de grâces, salut et bénédiction
dans les siècles des sicles."
Dans cette description lyrique, est-ce le ravissement de l'éternel
concert — j'allais dire de l'éternel congrès eucharistique — du paradis ?
Est-ce la splendeur des congrès eucharistiques de la terre? Ici, à Mont-
réal, en vérité, l'illusion est permise, tant la ressemblance est frappante
et le tableau fidèle !
J'ai vu des assemblées incomparables; j'ai vu, sous ces voûtes étonnées
des milliers d'hommes qui priaient, chantaient et communiaient; j'ai
vu, le long de vos avenues, et jusque dans les palais de ceux qui vous
gouvernent, les foules succéder aux foules; j'ai vu, ce matin, se pros-
terner de\ant l'autel du divin sacrifice, 300,000 croyants abrités sous la
seule voûte qui pût les contenir, la voûte du ciel; j'ai vu, ce soir, plus
de 20,000 jeunes gens, que je salue d'im amour singulier, eux qui por-
tent au front cette beauté ineffable qui s'appelle l'âme sans tache et la
vie dans sa fleur; j'ai vu hier l'interminable procession de 40,000 en-
fants, qui rappelait la procession éternelle des anges dans les cieux; et
demain quelle sera la magnificence du cortège eucharistique, à travers
votre cité, ornée avec tant de magnificence! Elle est donc là, sous mes
yeux, la multitude qu'on ne peut nombrer ! Elle aussi, elle est de toute
langue, de toute tribu, de toute nation, et en elle ne puis-je pas célébrer
- >
de ma voix, après l'avoir chantée dans mon cœur, l'unité de l'Eglise, la
sainteté de l'Eglise, la catholicité de l'Eglise? Et à sa tête, ils sont là,
les vieillards, conducteurs des peuples ! Ils sont là, non pas vingt-
quatre, comme dans les cieux, mais cent vingt, venus des quatre coins de
la terre ! Ils sont là, non point vêtus de la robe blanche, qui est le sym-
bole des vainqueurs, mais de la robe sombre et de la robe de pourpre,
qui est le symbole des lutteurs ! Et pourtant, à leur tête, mon cœur
salue, dans une vénération que je pourrais appeler un culte. Je salue
celui qui est le plus auguste de tous, qui tient la place du Vieillard à la
rohe blanche, et qui le représente d'autant mieux que son cœur vit plus
près du cœur de Celui dont il est le Légat.
Et cette foule immense, et ces cent vingt conducteurs de peuples, je
les ai entendus, d'un même cœur et d'une même voix, chanter, eux aussi,
devant l'Hostie Sainte le cantique des cieux. En des accents qui vibrent
comme l'enthousiasme, qui travaillent comme l'espérance, qui s'exaltent
comme l'amour, ils n'ont cessé, pendant cette grande semaine, de redire
devant le trône eucharistique : " A l'Agneau qui a été immolé, gloire,
honneur, puissance, action de grâces, salut et bénédiction dans les siècles
des siècles ! "
J'ai dit. Messieurs, que j'étais venu ici, sur cette terre dont la foi est
célèbre dans le monde entier, afin d'y ouvrir mon âme toute grande à
l'espérance. Et comment ne pas espérer pour ma chère Eglise de
France, quand je songe que c'est elle qui a donné un sang si généreux
et si chrétien à cette Eglise du Canada qui est sa fille?
Ali ! je le sais, nos cœurs sont bro3^és par d'inénarrables douleurs. Je
ne veux pas m'arrêter à vous les raconter; hier soir, mon éminent col-
lègue, le plus éloquent des évêques de France, vous en a fait le tableau
dans sa langue magique. D'ailleurs, elle serait interminable, l'énumé-
ration des sacrilèges attentats dont nous sommes les victimes. Et la
divine constitution de l'Eglise, et ses droits les plus essentiels, et ses
libertés les plus saintes, et son patrimoine sacré, et les forces vives de
son organisme, tout a été méconnu, contesté, violemment supprimé ! . . .
Les passions religieuses déchaînées provoquent des secousses, dont on
ne peut sonder la profondeur, pas plus qu'on ne sonde les abîmes des
océans courroucés.
Encore quelques assauts, disent nos ennemis triomphants, et la pauvre
moribonde aura succombé ! Ils ne savent pas, les insensés, que les tribu-
lations sont pour l'Eglise la loi de son existence, la condition de sa
fécondité, le piédestal de sa gloire, et que la persécution fut dans tous
les siècles sa plus belle auréole. Ils ne savent pas — ou plutôt, je me
trompe, ils commencent à savoir que les épreuves ont pour privilège de
secouer les timides, de réveiller les endormis, de ranimer les indifférents,
de susciter et d'armer les vaillants pour la lutte !
Oui, messieurs, la lutte provoque la lutte; à l'exaltation de la haine
qui va jusqu'aux pires excès, répond d'ordinaire celle de l'amour et du
sacrifice. Et c'est alors, Messieurs, c'est quand les luttes deviennent
ardentes, que les camps se tranchent, que les convictions s'affirment, que
les caractères se trempent, que les courages s'aiguisent, que les héroïsmes
— 138 —
se révèlent, et si je ne me trompe, ceci est un bien, nn très grand bien
pour l'Eglise, c'est le triomphe de sa vitalité.
Ah ! Messieurs, quand, aux jours d'orage, les vents déchaînés secouent
les vieux chênes de vos forêts vierges, croyez-vous que ce soit un mal
pour eux? Non, non; parce que l'ouragan les débarrasse de leurs
branches desséchées et nuisibles, il rajeunit leur vigueur, et parce qu'il
ébranle leur tête, il donne plus de sève à leurs racines.
0 sainte Eglise de France, ma mère, sainte Eglise que j'aime de
l'amour le plus passionné, arbre tant de fois séculaire, livre ton front
aux coups de la tempête ! Ce n'est pas elle qui déracinera ta majestueuse
stature; elle t'émondera et tu n'en seras que plus belle, plus vivante et
plus forte !
Mais, Messieurs, peut-être ne sera-t-il pas sans à propos de vous dire
qu'ayant été évangélisés par des apôtres venus de la France, il vous est
bon de recueillir de ses erreurs et de ses fautes des leçons préventives.
Ce qui nous a perdus, je le dirai loyalement et humblement, c'est
d'abord Vignorance religieuse. Eh bien, que les générations qui s'élè-
vent au milieu de vous, soient des générations de chrétiens instruits,
afin qu'ils demeurent des chrétiens convaincus. En second lieu, ce qui
a opéré parmi nous des ravages incalculables, oh ! ne le croyez pas, ce
n'est pas cette poignée de mécréants que l'impiété a élevés au faîte du
pouvoir, non, non, c'est la pusillanimité des bons; ce sont ces multitudes
innombrables qui n'osent pas, et que je serais tenté d'appeler une race
de trembleurs, une race d'asservis, qui vont parfois jusqu'à devenir, sous
l'empire de la peur, des consciences vénales. Vous, Messieurs, étant
des chrétiens convaincus, il faudra que vous demeuriez des hommes de
caractère, ayant toujours et jusqu'au bout le noble courage de vos opi-
nions religieuses.
Ce qui nous a perdus encore, ce qui fait que la France étonne et dé-
concerte l'univers parce qu'une poignée de mécréants sont devenus les
maîtres, et que plus de 30,000,000 de catholiques se débattent sous leur
joug comme de pauvres vaincus, ces trente millions de catholiques
n'étaient jusqu'ici ni organisés, ni disciplinés; qu'ils étaient des isolés
et des émiettés.
Ah ! Dieu merci, depuis que le régime de la séparation nous a rendu,
sous certains rapports, quelque liberté d'action, nous avons fait plus de
travail d'organisation qu'on n'en avait réalisé dans un siècle de régime
concordataire.
Messieurs, je vous en conjure, au nom de vos intérêts les plus chers,
sachez prévoir que vous le vouliez ou non, l'ennemi est à vos portes. Il
se cache, mais il ne désarme pas. lîestcz toujours un peuple chrétien,
organisé et discipliné.
Enfin, ce qui a été pour nous une cause de grandes douleurs, et ce qui
peut-être nous a valu les châtiments exemplaires de Dieu, c'est que beau-
coup et beaucoup de chrétiens en France ont humilié et déshonoré
l'P^glise en prouvant très mal les convictions de leur cœur par les actes
de leur vie; — chrétiens incomplets, qui mettaient en opposition flagrante
la foi qu'ils professaient et les tristes exemples qu'ils donnaient. Ah!
— 139 —
Messieurs, vous, soyez dans l'avenir comme vous l'êtes aujourd'hui, des
chrétiens irréprochables, des chrétiens qui honorent et confirment leurs
croyances par l'intégrité de leur conduite et la pratique des vertus; des
chrétiens qui, pour réaliser cet idéal sachent se confesser souvent, com-
munier souvent; car c'est là et pas ailleurs, c'est dans la réception des
sacrements qu'on puise la grâce de se montrer partout et toujours nn
chrétien convaincu, un chrétien courageux, un chrétien exemplaire.
Ayez donc, Messieurs, selon l'invitation si pressante de notre bien-
aimé Pie X, ayez une dévotion croissante à la sainte Eucharistie! Celui
qui a voulu être parmi nous le Dieu caché serait peu satisfait, s'il ne
recevait de nous que les hommages d'une pompe éblouissante. Ce qu'ils
gagnent en éclat, en étendue, en universalité, depuis la magnificence de
nos congrès, il ne faut pas qu'ils le perdent en profondeur, en intensité.
Oui, après l'avoir acclamé avec le concours des multitudes immenses et
dans l'appareil grandiose d'un cortège triomphal, il est nécessaire de le
retrouver dans le silence de son tabernacle solitaire, de le dédommager
de l'indifférence des foules qui ne vont plus à lui, de transfigurer nos
cœurs au contact du sien, d'unir nos actions à ses actions divines, nos
souffrances à ses souffrances rédemptrices, de vivre avec lui, en lui, de
lui et pour lui. Ayant ainsi puisé la force de Dieu à sa vraie source,
là on elle se trouve et là oiî elle se donne, nourris du pain supersubstan-
tiel, devenus supérieurs à nous-mêmes, nous pourrons alors défier tous
les assauts du mal, et, promenant, comme le grand x\pôtre, sur l'univers
entier un regard de dédain, jeter à toutes créatures ce sublime défi:
" Qui donc me séparera désormais de l'amour de Jésus-Christ ?"
L'Eucharistie ! Ce n'est pas la seule vision qui a passé devant mes
yeux; il y en a deux autres qui me semblent la compléter et sur les-
quelles je demande la permission de dire encore un mot.
Après avoir adoré Jésus dans sou tabernacle, voici que je me suis
prosterné devant l'image de la Vierge qui trône à cet autel, devant
Marie, reine de ces lieux, puisqu'elle a donné à cette cité le baptême du
nom. Je me suis également incliné devant la Papauté, représentée dans
ce sanctuaire.
Ah! Messieurs, entre l'Eucharistie et la Vierge Marie, entre l'Echa-
ristie et la Papauté, quelles affinités inénarrables ! T.a Vierge Marie et
l'Eucharistie ! Mais, quand je me prosterne devant l'autel et que je me
demande: A qui donc suis-je redevable d'un si grand bienfait? A qui?
A Dieu le Père, sans doute, qui m'a donné son Fils unique selon sa divi-
nité; à la Vierge Marie également, qui m'a donné ce même Fils unique
selon son humanité. Je n'ai pas à me demander lequel des deux m'a
donné davantage; je sais bien que le don de Dieu le Père est infiniment
supérieur à celui de la Vierge Mère; et pourtant, Messieurs, le don de
Marie a le privilège de m'émouvoir davantage. Sans elle, nous n'au-
rions eu, ni un Dieu dans les langes, ni un Dieu sur la croix; nous
n'aurions pas eu son sourire, nous n'aurions pas entendu sa parole, nous
n'aurions pas été attendris par ses larmes d'amour; nous n'aurions pas
mangé sa chair, nous n'aurions pas bu son sang. Donc, après Dieu le
Père, je salue la Vierge ^farie comme In coopérai i-ice de rEucharistie,
— 140 —
et saint Augustin a bien raison de dire : " Caro Christi, caro Mariae."
" La chair du Christ, c'est la chair de la Vierge Marie."
Le grand Docteur n'entend point signifier par là qu'il y ait dans
l'Eucharistie la présence réelle de la Vierge Marie, ce serait une hérésie ;
mais Jésus ayant reçu de Marie sa sainte humanité, quand il a grandi
il n'a pas perdu, il ne pouvait pas perdre la substance qu'elle lui avait
donnée ; il n'a pas cessé, il ne pouvait pas cesser d'être son fils, et de son
corps voilé dans l'hostie, comme de son corps mortel, l'Eglise pourra
toujours chanter: Ave^ verum corpus natum de Maria Virgine; et nous
pourrons répéter avec un pieux auteur : " L'Eucharistie est le relique de
Marie la plus authentique et la plus précieuse que la terre possède."
La Papauté et l'Eucharistie ! mais, Messieurs, il me semble que la Pa-
pauté est une sorte d'Eucharistie, car — pardonnez, ô mon Sauveur, à
la hardiesse de ma parole — vous êtes réellement présent dans l'Eucha-
ristie ; vous y êtes tout entier ; et cependant votre présence ne m'y paraît
pas complète. Vous êtes le Docteur incomparable, et dans l'Eucharistie
vous gardez un silence absolu ; vous êtes le Pasteur, le divin Pasteur qui
gouverne, et dans l'Eucharistie vous ne faites qu'obéir. Oii donc. Sei-
gneur, sera présent sur cette terre votre verbe puissant? C'est au
Vatican. Où donc sera présente votre autorité divine? Encore au
Vatican. Et voilà pourquoi, aux heures des grandes luttes, où l'esprit
d'erreur et de révolte semble prévaloir — nous en avons connu en ces
temps derniers — c'est une si grande joie, une si grande force pour nous
de redire, en toute loyauté et en toute humilité, la belle parole que pro-
nonçait un évêque de France, au moment où Lamennais contristait
l'Eglise par l'orgueil de son apostasie : " Mes lumières peuvent me faire
défaut, mais mon cœur ne se trompe jamais, quand il se tourne vers
Rome."
Eh bien ! Messieurs, — et je termine par là, — voici que Jésus dans
l'Eucharistie, voici que Jésus dans la Vierge Marie, voici que Jésus dans
la Papauté s'adresse à vous et vous dit comme il disait aux apôtres en
les quittant pour remonter aux cieux : " Vous serez mes témoins," et
puisque le monde entier est ici en résumé, en raccourci, " vous le serez
jusqu'aux extrémités de la terre."
Oui, Messieurs, vous irez, après ce grand Congrès, vous serez les té-
moins de Jésus-Hostie et vous raconterez comment il est la charité sans
mesure. Vous irez, vous serez les témoins de Notre-Dame du Très Saint-
Sacrement, et vous aimerez à raconter comment elle est le ministre de
Dieu au département de la miséricorde, ainsi que parle Bossuet, ayant
ses deux mains étendues, l'une du côté du ciel, c'est la puissance ; l'autre
du côté de la terre, c'est la bonté ; car, pour emprunter encore la langue
de l'Aigle de Meaux, " la puissance, c'est la main qui puise et la bonté,
c'est la main qui répand." Vous irez, vous serez les témoins de la Pa-
pauté, et ayant contemplé ici quelque chose de la majesté, quelque chose
de la sérénité auguste de Pie X, vous apprendrez aux enfants de Dieu
et de l'Eglise à courber leurs intelligences devant Celui qui enseigne au
nom du Christ vérité, leurs volontés et leurs cœurs devant Celui qui com-
mande au nom du Christ autorité.
— 141 —
Oui, ô mon Jésus! ô Jésus vivant en Marie, ô Jésus vivant dans la
Papauté, ô Jésus vivant dans l'Eucharistie, nous serons vos témoins!
En nous vous aurez toujours des disciples fidèles pour vous aimer, des
apôtres pour vous faire aimer, des soldats pour vous défendre; et si, ce
qu'à Dieu ne plaise, il le fallait un jour, des martyrs pour vous glorifier !
Mgr Bruchési : — "Monseigneur l'éveque d'Angers, vos
éloquentes paroles nous ont profondément émus, et'au nom
de tout ce peuple qui vous a écouté si religieusement, je vous
en remercie du fond du cœur.
Nous savons ici les grandes douleurs dont souffre votre
patrie; nous y sympathisons tous, mais laissez-nous vous as-
surer que nous ne désespérons pas d'elle. Il n'y a personne
dans l'Eglise à qui il soit permis de désespérer de la France,
mais nous, nous avons des raisons que d'autres n'ont pas de
ne pas désespérer. Un enfant ne désespère jamais de sa
mère. Et dans votre France, Monseigneur, c'est la mère du
Canada que nous aimons. Il y a en France des sources de
vie, des sources de salut que nous connaissons bien: la géné-
rosité, le zèle, le courage, l'admirable abnégation de ses évê-
ques, et surtout leur union parfaite avec le Souverain-Pontife.
Il y a comme autre source de salut le réveil de la jeunesse
catholique française. Vous entendre/ tout à l'heure, Mes-
sieurs, son illustre président, M. Pierre Gerlier, et, en l'écou-
tant, dites-vous qu'ils sont des milliers et des milliers là-bas
qui pensent comme lui, qui travaillent comme lui à donner
leur vie, s'il le faut, pour défendre la foi et la sainte Eglise.
Et vous avez encore, Monseigneur, d'autres sources, surna-
turelles, celles-là; vous avez Paray-le-Monial et Xotre-Dame
de Lourdes, le Sacré-Cœur et la Sainte-Vierge. Comment
voulez-vous que la France puisse mourir avec de tels pro
tecteurs.
Monseigneur, lorsque vous nous aurez quittés, quand, après
avoir franchi l'océan vous retournerez dans votre belle teri-e
d'Anjou, lorsque vous irez chez vos chères religieuses du
Bon-Pasteur, dont les maisons aujourd'hui sont établies par
le monde entier, et qui ont à leur tête comme supérieure gé-
nérale une Canadienne, enfant de Monti-éal; quand à Beaugé,
à Beauport, à Beaupréau vous verrez les religieuses de l'Hô-
tel-Dieu, sœurs de nos religieuses de Montréal, vous vous
retrouverez, îih)rs. un peu en Canada, et vous verrez que ces
filles de France connaissent bien notre ville et notre pays
tout entier, qu'elles s'y intéressent et qu'elles l'aiment. Alors,
Monseigneur, vous leur direz ce que vous avez vu et ce que
— U2 —
vous avez entendu ici. Et ce que vous allez entendre mainte
nant c'est tout ce peuple qui va se lever pour acclamer la
France.
Salves d'applaudissements. Tout l'auditoire, debout, ac-
clame la France.
C'est au tour du juge Doherty à adresser la parole.
YouR Eminexce, Your Grâce,
My Lords, Et. Eev. and Eev. Fathers,
Ladies and Gentlemen,
In the spiritual as in tlie temporal domain there are invitations tliat
command. I speak, because I am asked to. This is the much needed,
but ail sufficient apology for my présence on this platf orm this evening.
ISTeither wortli of my own, nor any représentative capacity to speak
for others more worthy, justify my venturing to raise my voice in this
saered édifice. My words are but the words of one catholic layman,
my warrant for speaking them, but the request of our beloved Arch-
bishop.
As a catholic layman I come simply as one of tens of thousands to
lay the tribute of a grateful and an humble Faith at the feet of the
Lord Avho for love of us, not only deigned to be born of woman and thus
become one of us, surrendered in suffering and ignominy the life he had
so assumed, that lie might pay the price of our rédemption, but lias
chosen to remain with us, that the Sacrifice for our Eedemption might
be daily repeated on thousands of Altars and that He Himself might be
the food that would strengthen us, lest in our weakness, we forfeit the
fruits of that rédemption, and who, at the last, shall be the reward of
those who, so aided, shall hâve avoided that forfeiture.
It is not without effort that I bring myself to speak thus. Thougu
the faith l^e strong, the consciousness of much unworthiness, makes me
hesitate to speak of things so holy that they are almost unutterable by
lips upon which, standing I am in tliis Temple of the Lord, no words
would be appropriate save those of the prayer of the Publican, " Lord,
be merciful to me a sinner."
And indeed, the words in which I hâve endeavoured to express the
Faith that is the only tribute I hâve to l)ring are hardly mine. They
are but a feeble attempt to paraphrase in English, that bcautiful verse
from the Church's beautiful liymn of adoration of the Christ in the
Sacrament, which lias bcen during thèse days blazoned forth over the
portais of the Cathodral of ,St. James, at once expressing for us ail the
Faith that is upporinost in our thonghts, and reminding us that he who
guides us from the archiépiscopal llii'oiu' of that cathodral, find on ail
— 143 —
occasions the most apt form of expression wherein to speak for us and
to us.
Se nascens dédit socium,
Convescens in edulium.
Se moriens in pretium,
Se regnans dat in praemium.
Of my own I liave notliing to bring. The Faith tliat thèse Unes
express is mine, to offer as tribute mereh', because God in His mercy
has given it to me. May I be permitted to lay it in ail humility at the
foot of this Altar, and so far to associate myself with this great démon-
stration of dévotion to the God of the Tabernacle, which has gathered
together within our City so many of the Church's best and greatest, so
many from beyond our borders and froni our own midst, those of us
who, like myself, niust stand a far oiï, are thankful to know, hâve been
able to offer to the Lord not the tribute of a bare faith, but that of a
faith crowned and made glorious by ail the \T:rtucs that it should
produce.
Having thus offered ail I hâve, is it not fitting that I quietly with-
draw? And yet, there are a few words it may perhaps not be out of
place for me to add in connection Avith that tril)ute of faith we ail of us
can join in.
I hâve said it is so far as the individual is concerned an humble
faith. That is true. And yet can we quite free ourselves from a feel-
ing of pride in its possession and in the manner of its coming to us.
For those who form the great majority of Catholics in this country,
whose zeal and dévotion hâve made this great démonstration possible,
would it be natural, would it be possible even, that thoy should dissociate
from their faith a fecling of pride in those, their fathers and mothers.
who brought it from In vieille terre de France, sowed its seed on the
hill-sides and in the valleys of this new and beloved land of Canada, and
from génération to génération watched its growth with tender solicitude
and anxious care, until they hâve been able to hand it down as the glo-
rious tree we see and admire, which shelters their children in their
millions, and please God, shall shelter their childrcn's children to
the third and fourth génération and beyond in ever increasing num-
bers in the centuries that are to come. Those hardy pioneers who
opened for us ail, this country of our love, who were the first Canadians,
and first among us ail. prond to call themselves so, laid tho foundations
of their new colony with ])rayor and sacrifice, — tho mn.-^t Holy Sacrifice
of the Mass. — and thoir children hâve ever since in the days of trial
and tribulation, as in the days of prosperity and gladne>s made it their
first caro whorevor a few of them were gathered together to erect that
Altar of the Most ITigh. wheroon is offered to the ^lost lligh. the divine
Sacrifice of the Most ïïigh ?
May not then tho children of the original Canadian race associate
with their faith a lecitiniate prido, in what their fathers hâve donc for
its préservation and its dissémination? And shall any of us frown upon
— 144 —
that pride and its legitimate expression? jSTo, a tliousand times no. To
ail of us it has been a source of pleasure to see the distinctive flags and
emblems of our French-Canadian brotliers mingled with those of our
Holy Faith throughout this célébration. Of ail of us it has been and is
the prayer that they, our brothers and their children after them, may
continue to perpetuate, with our Common Faith, the distinctive virtues
of their race, for the glory of God, and of Canada our common country;
that as they and their fathers hâve kept the faith, the faith may keep
them and their children after them, preserving ail their national tradi-
tions, and pursuing in full liberty ail their national customs while Can-
ada shall be.
And we who are not so many, whcse fathers came from the land that
has sent us its Primate, the successor of its great Apostle, to join with us
in the célébration that we are honored by having held in our midst, may
we not be forgiven if we cannot separate from our faith, the loving re-
membrance of the fathers and mothers that handed it down to us in ail
its purity and ail its integrity? Shall it be imputed to us as blâme, if
in the midst of ail the pomp and splendor of magnificent religions céré-
monial that surrounds us, our memories carry our hearts back to days,
when our fathers and mothers gathered by stealth around the faithful
priest the " soggarth aroon " to assist at the Holy Sacrifice, to adore and
to receive the God of the Altar; when the Altar was possibly but the
stump of a fallen tree, the chapel but a valley between two sloping hill-
sides with the blue canopy of Heaven for its roof? May we not be
permitted to take pride in the steadfastness of the Irish fathers and
mothers who, in the face of the difficulties and dangers those circum-
stances indicate, as well as others clung to the faith that it might be
be theirs, not only to bring them to God, but to hand it down to us their
children? Surely no one will deny us this. And that pride is the only
feeling the recalling of that past engenders in us. We remember it not
to cherish feelings of anger or distrust against men of the past or men
of to-day. We know that the System which made our fathers and
mothers martyrs for and confessors of the faith, was but the outcome
of the misconceptions of a day that is gone carrying its misconceptions
with it. And we feel as we take part in this free — not merely toler-
ated — catholic célébration in this great nation within the British
Empire, that if réparation there were to be made, it has been generously
made by the children for the fathers. And so we but remember the
heroism, and are almost thankful for the persécution that gave occa-
sion to it. Without the latter we could not hâve had the former and
our pride in it.
May 1 add a word for those who corne of races wliere tlie faitli has
not been so generally kept? Hâve not they perhaps a right to claim
greater crédit for their fathers and themselves, than we of the races
which, as races, adhered to it? To st^nd with the faith, they hâve had
to that extent, to stand aloof from their people? Is not that perhaps
the greatest sacrifice that could be asked of man? Surely no French-
Canadian, no Irish-Canadian will say nay to that.
— 14Ô —
And so ail of us what I may call the races of the faith, let us ûot
forget, in our pride of them who went before us, the tribute of admira-
tion we owe to those who hold to the faith, though to do so they must
part from '"' their own."
In conclusion, while we cannot and would not seek to dissociate from
this démonstration the feelings of national pride in the faith that it
may evoke, may we not also find in it the occasion of realizing how
absolutely one we ail are, in that faith, how perfectly the Cliurch in her
catholicity make us one ? May we not, do we not ail without distinction
or différence join in this célébration keeping iirst in our niinds the
thought that we are ail Catholics, ail believers in and adorers of the
Christ who for us lives in our Tabernacles? And should not that
thought serve to write us in brotherly love, excluding ail pcssibility of
dissension? May it not too, just because it makes us reahze more per-
fectly the true spirit of catholicism, lead us to extend our feeling of
brotherliness to those who do not sliare our faith ? For my part I do not
doubt it will and does, and I am sure that I but voice what we ail feel,
when I say that among the beautiful, the consoling, the encouraging
features of this great Congress, we count the spirit — I will not say of
toleration — but of gênerons good will with which it and those who are
taking part in it hâve been treated by our brothers of ^Montréal and of
Canada, who are not of our faith. I trust that thcy will feel that Ca-
tholics freely recognize it and that gathered as we are to-night to make
profession of our own faith we do not forget their conduct, and are ail
of one accord in the wish that they may be blessed with every happiness,
and that between us ail there may ever prevail that peace which was
promised from on High as the héritage on this earth of nien of good-
will.
And now some words to the holy and distinguished men who hav3
honored our city by their présence, and to those of our own to whom we
owe the Congress that lias brought them hère, and I hâve donc.
To His Eminence the Cardinal Legate I hâve but to écho the words
of gratitude, of affection and of admiration for himself, Avhich hâve
greeted him from ail sides during his passage among us. We trust and
pray that he may long be spared to give the services of his unfeigned
piety and great abilities to God and to Holy Mother Churcli. May I
ask Your Eminence, when you return to the Great Pontifï, the Holy
Father, whose worthy représentative you are, and présent to hiin the
homage and the assurance of the filial dévotion of ail his catholic
children in Canada, you will say to him that among the niany voices
that spoke those sentiments there were not wanting tongues with an
Irish accent, that the children of St. Patrick in this new land, are as
loyal to his spiritual Sovereignty as were their fathers and are their
brothers in the old.
To Your Eminence the Primate of ail Treland. T need say nnthing?
Your Eminence knows so well the Irish heart, that when I hâve assured
you that the canadian climate does not change it, I hâve told you that
you occupy a very warm corner in tlie hoarts of ail wlio are of your own
— 116 —
race in this coimtry. That their affection and respect for you is shared
by those of other races who liave liad the good t'ortime to meet you,
otliers more authorized than I hâve already told you. To you we do not
say good-bye. You liave been liere before and corne back again, and so we
count that when you leave us now, it will be but to return at the first
favorable opportunity. As you hâve been welcome now you will be wel-
come then.
" To Your Eminence the Cardinal Archbishop of Baltimore, and to
ail the distinguished Prêtâtes who hâve visited us, I join most heartily
in the gênerai expression of thanks for your présence which has done
so much to enhance the dignity of the Congress. During your short
stay among us, each and ail of you hâve won our admiration, and en-
deared yourselves to our hearts. You carry away our thanks and our
respectful affection, And last of ail, may I join my voice to the chorus
of thanks and congratulations which ail are vying with each other in
expressing to our own beloved and venerated — not the less venerated
because more beloved than venerated — Archbishop to whom we owe
this meeting of the Congress in our midst, and ail it means.
" His attitude to us is one of constant service, ours towards him
one of constant gratitude. This is but one more added to the innumer-
able blessings for which we are indebted to him, and for which we trust
he knows that when we say " thank you," we convey ail the gratitude
the human heart can feel. AVe know that in the Church dignities corne
as the gift alone of those whom the Holy Ghost inspires, and that to us
it does not belong even to suggest. May I not, however, be pardoned
if, as a last word, I venture to say, in présence of the Cardinal Legate,
that the Holy Father could be inspired to grant no favor more grateful
to the hearts of ail Canadian Catholics, than to enable them to be re-
presented at the next Eucharistie Congress by the Cardinal iVrchbishop
of Montréal.
Mgii Bruchési : — Eminence, vous avez remarqué que
nous avons invité pour parler à ces séances des membres de
nos parlements, les chefs des partis politiques. Je l'ai fait à
dessein. Dans nos parlements, les députés et les ministres
ne s'entendent pas toujours, ils ont même parfois des dis-
cussions bien vives, mais, vous l'avez vu, et vous le verrez
encore, ils s'entendent toujours quand il s'agit de l'Eglise
du Christ et de l'Eucharistie.
Vous avez entendu hier des ministres, ce soir je vous pré-
sente M. Tellier député au Parlement Provincial.
— i4r —
M. Tellier parle ainsi qu'il suit :
Emixexce,
Messeigxeuks,
Mesdames et Messieues,
Si jamais le Canadien, enfant de l'Eglise, a éprouvé du bonheur à pos-
séder le don précieux de la foi, c'est bien en ces jours bénis qui ont
amené chez lui tout ce que l'univers catholique peut compter de plus
illustre et de plus saint, pour rendre solennellement hommage au Dieu
de ses autels.
C'est ce sentiment qui met sur pied notre population, d'un bout du
pays à l'autre, qui porte jusqu'aux simples laïques à élever la voix dans
nos temples, et qui, demain, fera se répéter dans cette cité les saintes
émotions de l'entrée triomphale du Sauveur à Jérusalem.
Ah ! nous ne saurions trop redire notre reconnaissance au Saint-Siège,
qui nous a fait la grâce de ce congrès, et à Mgr l'Archevêque de Montréal
dont la voix éloquente l'avait sollicité pour nous.
Il nous est doux de penser qu'une modeste colonie comme la nôtre a pu
être jugée digne d'une si grande faveur, et que dans l'Eglise du Christ,
aujourd'hui comme au temps de Xotre-Seigneur, les petits et les humbles
sont souvent les préférés.
On ne peut oublier, il est vrai, que le Canada fut le berceau de la foi
en Amérique, et que le Christ y doit avoir des droits primordiaux, puis-
que c'est pour lui et en son nom que ce pays fut conquis à la civilisation.
Le premier acte dti découvreur Jacques Cartier, eu mettant le pied
sur ce sol, ce fut d'y élever une grande croix, surmontée des armes de la
France ; et, dans son rapport au roi François I^'', il disait : "Tout
ce beau et riche pays donne une espérance de l'augmentation de notre
sainte foi."
Tous ceux qui sont venus après Cartier, et qui ont jeté les bases de
la colonie, n'avaient, comme lui, qu'un souci principal : étendre le règne
de Jésus-Christ sur la terre. Ils l'ont prouvé en n'amenant à leur suite
que des personnes d'une foi reconnue; ils l'ont prouvé en faisant évan-
géliser les sauvages, au lieu de chercher à les subjuguer par la force.
C'est donc à l'ombre de la Croix que le Canada est né, et c'est sous
cette égide bienfaisante qu'il s'est développé, qu'il a grandi et qu'il con-
tinue de vivre.
Aussi, le Canadien tient-il à sa foi, comme il tient à la vie.
Au moment de la conquête, quand, après la plus liéroïtiue des luttes,
il tomba vaincu, écrasé par le nombre, il sut trouver encore assez d'éner-
gie dans son âme, pour réclamer du vainqueur et se faire concéder le
libre exercice de son culte.
Plus tai'd, lorsque les insurgés de la Xouvelle-Angleterro lui projifi-
sèrent de faire cause commnne avec eux, pour secouer le joug de la ^lé-
tropole, il refusa toutes les offres, parce qu'il estimait que ses intérêts
religieux ne seraient peut-être pas en sûreté avec ceux qui voulaient être
ses alliés. Il préféra rester fidèle à la Couronne Britannique, à cause
des garanties qu'elle lui avaient données à ce sujet.
— 148 —
L'événement a prouvé que le Canada avait eu raison de se fier à la
bonne foi et à la lo3'auté de l'Angleterre; car elle a fini par nous accor-
der la liberté religieuse, la plus étendue qu'il soit possible de désirer,
et enfin elle nous a donné notre autonomie complète.
Cette liberté précieuse et chère dépend donc désormais de notre propre
gouvernement; Dieu veuille qu'il n'y porte jamais atteinte.
Le plus grand de nos vœux, c'est que le Christ ait toujours sa place
sur cette terre canadienne, conquise en son nom, conservée pour lui et
marquée à son empreinte.
Nous voulons que son Eglise puisse, sans entrave, continuer à exercer,
parmi nous, son influence bienfaisante et salutaire, et nous espérons
qu'on ne réussira jamais à l'exclure de notre vie publique, de nos lois,
de l'éducation de la jeunesse, de la société domestique.
jSTous formulons ces vœux, et nous exprimons cette volonté, parce que
nous croyons, avec le Souverain Pontife, avec nos évêques et avec nos
prêtres, que " l'Eglise a été instituée, par Dieu, pour instruire et guider
le genre humain, et qu'elle peut s'emplo^^er, plus efficacement que per-
sonne, à promouvoir le règne du droit et de la justice, fondements les
plus fermes des sociétés."
Qu'on me permette de citer ici un illustre et saint docteur qui rend
ma pensée infiniment mieux que je ne saurais le faire : " Ceux qui disent
que la doctrine du Christ est contraire au bien de l'Etat, qu'ils nous
donnent une armée de soldats, tels que les fait la doctrine du Christ,
qu'ils nous donnent de tels gouverneurs de provinces, de tels maris, de
telles épouses, de tels parents, de tels enfants, de tels serviteurs, de tels
rois, de tels tributaires enfin, et des percepteurs du fisc, tels que les veut
la doctrine chrétienne. Et qu'ils osent encore dire qu'elle est contraire
à l'Etat. Mais que, bien plutôt, ils n'hésitent pas d'avouer qu'elle est
une grande sauvegarde pour l'Etat, quand on la suit."
C'est donc vouloir le bien de son pays que de souhaiter ardemment
qu'il conserve sa foi, et qu'il reste et soit, de plus en plus, soumis à la
doctrine et aux enseignements de l'Eglise.
Daigne le Dieu de l'Eucharistie, à qui nous rendons hommage, en ces
jours de bénédiction et de salut, accorder à notre cher Canada, cette
faveur incomparable.
Je termine, Eminence, en vous priant, à mon tour, de vouloir bien
déposer, aux pieds de notre Très Saint-Père, que vous représentez parmi
nous avec tant d'éclat, de sagesse et de gloire, l'expression de notre filial
amour et de notre inaltérable attachement.
Mgr Bruchési : — Mesdames et Messieurs, il y a aujour-
d'hui deux ans nous étions en plein con*2jrès de Londres, et
vraiment, c'était bon, là, sur les bords de la Tamise, tout près
du tombeau de S. Thomas Morus, que je pourrais appeler
le martyr de l'Eucharistie, c'était bon de pouvoir acclamer
la Sainte Hostie et d'en parler librement en présence du
drapeau britannique et du drapeau pontifical. Il nous sem-
blait que c'était comme une ère nouvelle qui commençait
pour l'Angleterre. Et nous étions dans l'Albert Hall, et
— 149 —
nous nous disions: C'est demain que le Christ, banni de l'An-
gieteiTe depuis trois siècles, va sortir tiiompliant. Et nous
attendions la brillante aurore du jour tant désiré. Mais sou-
dain nous apprenons que la procession n'aura pas lieu. Un
ordre était venu de haut lieu. La prudence demandait que
cette procession n'eut pas lieu,
eTe vois encore d'ici, dans cette immense Albert Hall, douze
mille hommes apprenant avec indignation et frémissement
cette nouvelle qui désappointait tout le monde. C'étaient des
cris et une indignation que je ne saurais rendre. Un homme
apparut alors et commanda le silence, et il fut écouté. C'était
l'archevêque de Westminster, le président local du congrès
eucharistique. Il nous fit connaître alors la correspondancti
échangée entre lui et le premier ministre, M. Asquith, et tout
le monde alors fut unanime à dire qu'il avait déployé en cette
circonstance les admirables qualités non seulement d'un évê-
que, mais d'un homme d'Etat.
La procession n'aurait pas lieu, mais en réalité c'était l'ar-
chevêque et les catholiques qui avaient le dessus et qui triom-
phaient; et la procession, au lieu d'être simplement pieuse,
fut transformée en une ovation triomphale. Fidèles, prêtres,
religieux, évêques et cardinaux cheminèrent dans les rues
de Londres autour de Westminster transformé en cathédrale.
Et quand nous revînmes à l'église, alors, vous-même, éminen-
tissime seigneur, vous avez pris FHostie dans le tabernacle.
Et là nous étions chez nous; il n'y avait ni gouvernement,
ni roi pour nous empêcher de manifester nos croyances et
notre piété; et, accompagné du duc de Norfolk, d'autres lords
catholiques d'Angleterre et des évêques, nous allâmes sur
la tour de la cathédrale de Westminster et deux cent mille
hommes étaient là qui attendaient la bénédiction de Jésus-
Hostie.
Depuis lors les choses ont bien changé. Un roi nous est
venu qui comprend ce que c'est que la liberté de conscience.
Il a visité Québec il y a deux ans, il a vu là, sur les Plaines
d'Abraham, ce qu'a fait ce peuple canadien, et il a compris
que la croyance à la transsubstantiation, à In sainte messe
et à l'Eucharistie n'empêche pas d'être parfaitement loyal
à la couronne britannique, et dans le fond de son coeur il
désirait voir modifier la déclaration royale qui contenait
des expressions blessantes et injurieuses pour la foi catho-
lique. La modification est faite, le roi en est heureux, grAce
en soit rendue à Dieu; et bientôt, j'en suis sûi-, il sera p<'rnn<*
à nos frères d'Anuleterre de sortir librement par les rues
de Londres avec la Sainte Hostie, comme nous savons le
faire à ^Montréal.
— 150 —
Si j'ai sollicité, messieurs, le congrès eucharistique de
Montréal, eu cette circoiustance célèbre du congTès de Lon-
dres, c'est que Monsieigneur de Westminster y a pensé le
premier. C'est lui en réalité, je le dis ici publiquement, qui
a été le premier inspirateur du congrès eucharistique que
nous célébrons; c'est lui qui a pensé à Montréal comme la
ville où devait se célébrer le congrès de 1910, et le congrès
permanent a acquiescé à cette pensée; et lorsque je sollicitai
publiquement le congrès que nous avons aujourd'hui, la chose
était déjà décidée, grâce à l'intervention et à l'inspiration de
Monseigneur de Westminster.
Il a voulu maintenant venir à notre congrès, je vous le
présente avec bonheur, vous allez l'entendre et l'applaudir.
MoNSiGNOR Bruchesi : — It is now my pleasure to intro-
duce to you Hiis Grâce the Archbishop of Westminster.
MoNSiGNOE Bourne: — Allov,- me in the first place to offer your
Grâce my heartiest tlianks for the kincl words wliich you hâve spoken in
the Frencli language in regard to my participation in the first idea 6f
liolding a Eucharistie Congress in Montréal. I felt and I knew thac
there was no place, certainly, in the British Empire, and probably no
place in the whole world where a Congress could he held Avith such
assured suecess as hère in Montréal.
The resuit of thèse few days has proved, I think, that my prévision
was correct, and has, perhaps, surpassed even your hopes.
The Bntish Empire, of which we both alike are loyal and devoted
subjects, is made up of many races and of many languages, and the
one link which binds them ail together is our alïegiance to a common
Sovereign. But, there is a higher and great link which unités us ail,
because we are Catholics, and which unités us not onlv with the Catho-
lics of the Empire, but with the Catholics of the whole vrorld, our alïe-
giance to our Divine Master in the Most Blessed Sacrament.
When we think of the Blessed Sacrament in connection with the
British Empire there comes across our minds that saddest of thoughts;
how our Divine Master has been forgotten, has been outraged and has
even been blasphemed both in the Mother Country and in so many parts
of the Empire.
It is hardly an exaggeration to say that at the présent time the eyes
of the whole world are turned towards Canada. At least it is certainly
true that at home in England men of every position, are thinking of
Canada as they never did before. To some it is the land wherein they
trust to realise hopes of a prosperity which their own country is unable
to afford them. Others are preoccupied with questions of Impérial
Fédération or relations of commerce. The thoughtful cannot forget
the possibility that some day the long Pacific coast enclosing the fertile
régions of British Columbia may call for defence against invasion frora
— 151 —
the Asiatic East. It is indeed by a spécial disposition of Divine Provi-
dence that His Grâce the Arclibisliop of Montréal bas invited the Eu-
charistie Congress to meet in this city, thereby concentrating iipon
Canada the attention of the whole Catholic world at such a moment,
when the Dominion is beginning to play a part in the world's history
so great that it is impossible either to forecast its extent or unduly to
magnify its future.
As members of this Congress, longing with our whole hearts to esta-
blish the kingdom of God upon earth, His Holy Catholic Church, we
may well ask ourselves what part is the Church to hâve in this rapid
growth of a great people. There is in the answer to this question a pro~
blem and an opportunity so tremendous that the Church bas rarely, if
ever, in her long history had to face the like. The solution of that
probleni and the grasping of this opportunity will afî'ect not only the
people of Canada but the Church throughout the world.
The early history of Canada is part of the history of the Catholic
Church. The first settlers came speaking one language and having but
one voice in matters of religions belief, and the growth of the conimon-
wealth was concurrent with that of the Cliristian Faith enshrined in
the Catholic Church. Canada owes a debt to the Catholic Church
wliich even those who are most opposed to lier teachings Avill hardly
venture to contest. And on the other hand the power and influence
of the Catholic Church throughout ail the earlier history of the colony
were due largely to the fact that the whole influence of the language
and literature of the country was on the side of the Catholic Church
The French longue, Avith which ail progress in every department of life
was identified, gave fortli but one note Avhen it expounded to the people
the mysteries of religion, whether they were preached to those who had
come from their ancestral home in France, or had in turn to be trans-
lated to the varions races to whoni the land once l)clonged.
Xow the circum stances hâve vastly altered. AVith slow imrease at
first, and now with an incalculable rapidity, another language is gaining
for itself a paramount importance in the ordinary things of life. It
would indeed be a mattcr of extrême regret v.ere the French language.
so long the one exponont of religion, culture and progress in this land,.
ever to lose anv portion of the considération and cultivation which it
now enjoys in Canada. But un one can close his eyes to the facts that in
the many cities now steadily growing info importance throughout the
Western Provinces of tlie Dominion, the inhabitants for the most part
speak English as their mother tondue, and that the children of the col-
onists who come from countries where Englisli is not spoken will none
the less speak Englisli in their turn.
And this reflexion takes us to the very root of the problem and shows
forth ail its complexity. For, alas, whereas the French longue was in
the old days synonymous with unity in religions l)elief, for more tlian
three hundred years tlie English language bas been the organ of con-
tention, disunion, and dissension wherever the truths of Christianity
are concerned. And ail the while, if the mightv nation tliat Canada is
destined to beconie in the future is to be v/on for and held to the Ca-
tholic Church, this can onlv be donc for making kiiown to a great i>art
— 152 —
of the Canadian people in succeeding générations, tlie niysteries of our
failli througli the médium of our English speech. In other words, the
future of the Church in this country, and its conséquent re-action upon
the older countries in Europe, will dépend to an enormous degree upon
the extent to which the power, influence, and prestige of the English
language and literature can be defiuitely placée! upon the side of the
Catholic Church.
The varions non-Catholic religions organisations are fully alive to
thèse new conditions. Not a new settler comes to this country froni
England but lie is met at liis place of landing, and every effort is made
to keep liim in touch witli the religions influences that lie has known
at home . In every growing township places of worship are set up at
once, as I hâve recently seen with my own eyes, to perpetuate the
divided teaching which is being uttered ail over the world wherever
the English language is spoken. Large sums of money are being con-
tributed and strenuous personal efforts are being made, ail with the
sanie object. Years to come will show if once again, to our shame and
sorrow, our English speech is to be the organ of religions division; or
if, by a great mercy of God in this nation of Canada, with its long and
glorious Catholic traditions, the Church is able to give to the Canadian
people, set forth in the English tongue, that unity of religions belief
which she alone has power to impart.
My venerated brethren, the Archbishops and Bishops of Canada, will
forgive me for touching upon topics which they know better far than I
can do, and for alluding to problems to which they are keenly alive. I do
so only that those who, like himself, are privileged to be the guests of
this great Dominion, may realise something of the importance of thèse
issues which, I firmly believe, will afïect for weal or woe not only the
Catholic dwellers in British North America but the w^hole Church of
God throughout the world; and that they may be the object of our sym-
pathy and of our thoughts and prayers.
And, if I may, I should like to make a suggestion whereby ail may be
united in prayer that the influence of the English language may at last,
in spite of ail the harm that it has wrought in religions matters in days
gone by, be brought by God to be a mighty force for the support and
spread of religions unity and truth. In 1897 the late Holy Father Léo
XIII of happy memory, instituted the Archconfraternity of Our Lady
of Compassion to promote prayers for the return of England and Wales
to the fold of the one true Church of Jésus Christ. He committed the
direction of this Archconfraternity to the Company of St. Sulpice, and
I am glad nov/ to bear pul)lic testimony of my gratitude to the Fathers
of that vénérable Company for the self-sacrificing zeal with which they
hâve carried on this work. Later the scope of the Archconfraternity
was enlarged to include Scotland. But the United Kingdom, important
though it be, is only a part of the English-speaking world, and I would
like to profit by this, the second great International Catholic Cougress
held beneath the British Flaie^, to propose that the Holy See be petitioned
to make the Archconfraternity of Our Lady of Compassion still more
universal in its scope, so that from the whole world prayer may go up
before the Throne of God that ail the English-speaking nations without
— 153 —
exception may be brought to the unity of the Catholic Faith and restored
to allegiance to the Apostolic See. It is only by briuging the Enghsh
tongue to render service to the cause of truth that Canada can be made
in the full sensé a Catholic nation ; and the spectacle of a uuited Canada,
enunciating in French and Euglish alike the same religions truths,
would be for the whoie Churcli of God a power of irrésistible force. I
trust that my proposai will not appear to you too bold, and that it will
meet witli your gênerons and whole-hearted acceptance. I raake it with
the full concurrence of their Eminences the Cardinals of Baltimore and
Armagh, and of the Superior General of St. Sulpice.
Let me sum up what I mean. God bas allowed the English tongue
to be widely spread over the civilized world, and it bas acquired an
influence which is ever growing. Until the Enghsh language, English
habits of thought, English literature — in a word the entire Enghsh
mentahty is bronght into the service of the Catholic Church, the saving
work of the Church is impeded and hampered. Each English-speaking
nation can help in this great work; England, Ireland, Scotland, the
mighty United States of America, Australia, IS'ew Zealand, South Africa,
and the British Possessions in India. But the Dominion of Canada can
at the présent moment, owing to her long and deeply rooted Catholic
traditions and to the magnificent opportunities now presented to her,
render the greatest service of them ail. And in accomplishing her part
of the work the Catholic Church in Canada will not only advance her
own sacred cause, but at the same time she v.ill bring renewed courage
to English-speaking Catholics ail the world over, and beconie a source
of ever increasing and unfailing strength to the Universal Church. It
is an opportunity now given which may never come again. Humanly
speaking, if it be lost, the loss will be immeasurable and irretrieval)le.
I may seem to bave wandered from the purpose of a Eucharistie Con-
gress which is to glorify and to promote dévotion to the ^lost Holy
Eucharist. Let me recall to you liow on the opening day of the Eucha-
ristie Congress His Eminence the Cardinal Legate reminded us that
from the beginning the Blessed Sacrament took possession of this land
of Canada. That empire of our Divine Master spread from place to
place as He deigned to take possession of the humble tabernacles set ùp
in every village that clustered upon its soil. But it will not be com-
plète until close to every group of homesteads in the great West a taber-
nacle bas been set up in whicli fervent worshippers can come to adore
in perfect unity of faith their Lord and King. And that day, to wliich
we ail look forward with so much earnestness, cannot dawn until the
doctrines of the Catholic Church havc been made known to every child
of the Canadian nation in his own mnther tongue. and are accepted and
expressed by him in the language that he learnt from his motlier's lips.
Mgr Bruchési ajoute les paroles suivîintes au discours qui
précède : L'Archiconfrérie de Notre-Dame de la Compassion
est déjà établie à Montréal. Mejr l'archevêque de West-
minster peut être assuré que partout nous serons heureux
de prier à ses intentions et aux intentions de nos frères
catholiques d'Angleterre.
— 154 —
L'honorable Thomas Chapuis est ensuite présenté à l'audi-
toire comme les orateurs précédents par Mgr Bruchési. Il
prononce le discours suivant :
Eminence,
Messeigneurs^
Mesdames, Messieurs,
Au déclin de ravant-dernier siècle, un écrivain qui remplissait du
bruit de son nom l'Europe et le monde, après avoir mené une longue et
haineuse campagne contre Jésus-Christ et son Eglise, proférait cet or-
gueilleux blasphème : " Dans vingt ans Dieu verra beau jeu." A quel-
ques années de distance, le même fameux personnage, insultant à
l'héroïque agonie d'un enfant de la France, perdu au-delà des mers,
plaignait '' ce pauvre genre humain qui s'égorgeait pour quelques arpents
de neige au Canada." Un siècle et. demi s'est écoulé depuis que furent
prononcées ces odieuses paroles. Et voici que ces quelques arpents
de neige sont devenus un prospère et florissant pays, plein de vitalité et
d'activité progressive. Et voici que, dans la cité-reine de ce pays, qui
compte parmi les métropoles du monde, cet Homme-Dieu, bafoué ,et
outragé par Voltaire, vainqueur du voltairianisme et de toutes les erreuis
subtiles ou violentes qui ont tenté de le remettre au tombeau, reçoit les
solennels hommages de milliers de disciples accourus de tous les points
de l'univers pour l'acclamer, pour l'adorer, pour lui décerner le plus
magnifique et le plus émouvant triomphe. Ce n'est pas Dieu, ce n'est
pas le Christ qui a vu beau jeu, c'est la société brillante et perverse qui
applaudissait et couronnait Voltaire. Quinze ans à peine après la mort
misérable du patriarche de l'incrédulité moderne, elle s'effondrait dans
un gouffre de sang, pendant que le petit peuple abandonné sur ses
arpents de neige, se groupant autour de la croix de ses clochers, sur-
vivait aux phis redoutables épreuves, croissait en expansion et en vi-
gueur, et préparait l'avenir dont nous voyons aujourd'hui les étonnantes
réalisations. Encore une fois, Messieurs, l'histoire avait fait entendre
une de ces hautes et éloquentes leçons dont sont parsemées ses pages.
Et l'on pouvait y lire cette vérité, qui a pour elle le témoignage des
siècles, que le Christ est un éternel vainqueur, et que les nations baignées
dans le sang du Christ sont immortelles.
C'est pour les catholiques canadiens une joie profonde et un insigne
honneur, que d'avoir l'occasion d'apporter, à leur tour, à cette vérité,
une attestation éclatante. TIs sont fiers de pouvoir donner leur note
dans le concert harmonieux qui, de tous les points les plus fameux du
monde, de Rome et de Paris, de Londres et de Jérusalem, et de tant
d'autres cités illustres, a fait monter vers le ciel, depuis trente ans, ses
enthousiastes hosannas. Ils sont heureux que cette rotation glorieuse
des congrès eucharistiques ait fixé sur leur jeune patrie un des points de
sa course, et ih saluent avec uic resp:ctueuse et fraternelle allégresse
— 155 —
ces nobles fils de lltalie, de la France et de l'Angleterre, de l'Espagne,
de la Belgique, de l'Allemagne, de l'Australasie, de l'Afrique et de
l'Amérique, venus pour proclamer une fois de plus que l'Orient et l'Oc-
cident, que toutes les races et toutes les familles nationales, quelles que
soient leurs mentalités diverses, sont unies indissolublement par le lien
d'une foi commune, et n'ont qu'un cœur, qu'une langue, qu'un drapeau,
quand il s'agit de ces questions d'ordre supérieur qui remuent jusque
dans ses profondeurs l'âme de l'humanité.
Autrefois, Messieurs, il y avait dans le monde une institution admi-
rable dont la physionomie imposante et la bienfaisante influence ont
rempli tout un âge de l'histoire. Les nations baptisées reconnaissaient
un même droit public, possédaient en commun un ensemble de principes
et de coutumes, suivaient en certaines circonstances la même ligne poli-
tique et participaient à la même action militaire. Il y avait une France,
une Angleterre, une Ecosse, une Pologne, une Allemagne, une Espagne,
une Italie, chacune avec son génie, ses intérêts, ses ambitions. Mais se
dégageant de tout cela, ralliant tout cela, et réunissant tout cela en un
puissant faisceau, à certaines heures décisives, il y avait la chrétienté.
Ce seul mot n'évoque-t-il pas dans votre esprit tout un monde de hautes
pensées, de faits glorieux et d'émouvants souvenirs? Oui, il y eut un
moment dans l'histoire où les peuples chrétiens eurent un même idéal,
une même règle de vie publique, un même critérium de justice et de mo-
ralité, une même aspiration primordiale et souveraine, et où, faisant
abstraction de leurs préoccupations particulières, ils donnèrent souvent
au monde le spectacle magnifique d'une vaste fédération, diverse en ses
parties, mais une dans sa direction et son effort. Hélas! la chrétienté,
cette chrétienté est devenue l'une de ces ruines majestueuses que l'hu-
manité a semées sur son chemin à travers les âges. Elle s'est écroulée
avec l'unité doctrinale de l'Europe sous les coups de la formidable révo-
lution religieuse qui fut l'œuvre du XVIe siècle. Les guerres, les traités,
les combinaisons diplomatiques ont intronisé un nouveau droit public,
et creusé un abîme entre la tradition des siècles antérieurs et l'esprit des
temps modernes. La chrétienté politique est morte, et ni les concerts
européens, ni les conférences internationales, ni même les congrès de la
paix ne lui rendront la vie.
Mais, Messieurs, n'entrevoyez-vous pas avec moi une autre chrétienté,
une chrétienté morale qui se refait à travers les frontières, à travers les
diversités de races, qui s'étend au delà des limites de l'ancienne, qui
franchit les mers, et qui reconstitue de nation à nation, de continent à
continent, la grande et auguste fraternité chrétienne? X'cst-ce pas à
l'une des manifestations de cette chrétienté nouvelle que nous assistons
ici ce soir, dans ce temple qui rassemble tant d'hommes n'ayant ni la
même langue, ni la même nationalité, mais unis dans la même foi et
dans les mêmes espérances? Nous sommes Italiens, Français, Anglais,
Belges, Irlandais, Allemands, Américains, Canadiens; nou.s avons ^cha-
cun nos prédilections, nos tendances, nos idées, nos préjugés peut-être;
mais nous sommes tous chrétiens, avant tout et par-dessus tout chrétiens
et catholiques, fils de l'Eglise-Mère dont l'autorité ne connaît point do
— 156 —
frontières, et sujets du Roi des rois, de Jésus-Christ, le Monarque uni-
versel dont l'empire excède la terre et le temps, et dont le sceptre régit
tous les mondes. Nous sommes chrétiens, et à cause de cela nous
sommes frères, et à cause de cela nous avons des sollicitudes et des
intérêts identiques, et à cause de cela, sans rien sacrifier de nos préfé-
rences nationales, nous aimons, nous souffrons, nous espérons, nous
luttons en commun; et à cause de cela enfin, tout en ayant au cœur
l'amour passionné de nos patries respectives, que nous voudrions voir
toujours plus grandes, plus prospères et plus fortes, toujours plus ho-
norées et plus dignes de l'être, nous nous glorifions d'être citoyens d'une
patrie qui embrasse toutes les autres sans les effacer ni les amoindrir, la
patrie des âmes et des croyances, l'Eglise catholique, apostolique et
romaine.
Ce sera la gloire de Foeuvre des congrès eucharistiques d'avoir donné
une physionomie et une accentuation nouvelles à cette indéfectible unité
morale qui doit rapprocher les uns des autres les chrétiens de toutes les
races, nonobstant les barrières physiques, économiques ou politiques. Ce
sera son éternel honneur d'avoir dressé au milieu de notre âge de dis-
cordes et de conflits redoutables, en face de l'internationale haineuse et
violente qui voudrait démolir les patries et détruire les sociétés, l'inter-
nationale pacifique et illuminatrice qui aspire à rendre les patries meil-
leures et les sociétés plus heureuses, en les faisant communier toutes
dans l'amour et le culte du Maître dont la doctrine est une loi de justice
et de paix.
Nous avons donc bien raison de nous réjouir en présence des spectacles
qui se déroulent ici depuis trois jours. Le Canada, l'Amérique assistent
à un grand événement, à un événement d'importance et d'amplitudes
mondiales. Les sceptiques peuvent s'en étonner, mais les hommes qui
savent penser, même ceux qui ne partagent pas nos croyances, doivent
sentir, sous la splendeur de nos démonstrations publiques, l'action de la
plus grande force religieuse et sociale qui soit au monde. Oui, à la fin
de cette première décade du vingtième siècle, à une heure où tant de
complots sont tramés, où tant de passions sont déchaînées contre le
Christ et son Eglise, où les ondoyantes négations et la critique tortueuse
du rationalisme moderniste essayent de défigurer nos dogmes, tandis que
des pouvoirs publics, possédés de la haine antireligieuse, travaillent avec
une inlassable ardeur à déchristianiser les nations, il est beau et récon-
fortant d'entendre la voix puissante du peuple catholique, jeter comme
un défi son acclamation immense à l'universelle conjuration des sophistes
et des proscripteurs.
Pour nous, catholiques canadiens, nous éprouvons un sentiment de
gratitude et de fierté patriotiques pendant ces mémorables jours. Nous
remercions Dieu de ce que les conditions de notre vie politique, sociale
et religieuse nous permettent de donner à ces fêtes eucharistiques un
caractère d'apothéose nationale difficile à réaliser ailleurs. Et dans ce
triomphe de Jésus-Hostie, nous voulons lire pour notre bien-aimée
patrie une promesse d'inviolable fidélité et de religieux avenir.
0 Christ ! rédempteur, libérateur, restaurateur divin de l'humanité.
— 157 —
régnez à jamais sur nous. Eégnez sur nous par votre doctrine, régnez
sur nous par vos préceptes, régnez sur nous par votre Eglise dont nous
vénérons l'auguste magistère, qui sauvegarde à travers les siècles la
vérité, le droit et la fraternité. Eégnez sur nous enfin par le sacrement
ineffable où vous vous donnez à l'homme dans une oblation mystérieuse
et sacrée, qui l'élève au-dessus de lui-même et l'unit à vous dans la com-
munion à la fois la plus sublime et la plus incompréhensible. En ces
assises solennelles où se retrempent notre foi et notre amour, nous vous
renouvelons le serment de notre allégeance nationale, et nous jurons de
faire en sorte que tous les actes de notre vie sociale soient la démonstra-
tion éclatante de cette parole : " Christus vivit, Christus imperat, Chris-
tus régnât.'^ Oui, que le Christ vive toujours au sein du peuple
canadien; qu'il commande aux volontés, qu'il soit le Eoi des cœurs.
Voilà le cri qui s'échappe irrésistiblement de nos lèvres en ces inou-
bliables jours. Voilà le vœu ardent qui jaillit de nos âmes à tous les
instants de ces manifestations grandioses auxquelles nous avons la joie
d'assister. Puisse le Dieu de nos pères, le Dieu de Champlain, de Mai-
sonneuve et de Laval avoir pour agréable cette acclamation et cet élan
de tout un peuple, et continuer de répandre sur nous les bénédictions
qu'il nous a tant de fois prodiguées au cours de notre histoire. Et qu'aux
pages futures de cette histoire puisse s'inscrire en lettres glorieuses cette
variante à la parole magnifique par où débutait la loi nationale de notre
ancienne et bien-aimée mère-patrie : " Vivat Christus qui diligit Cana-
denses ! "
Archbishop Bruchesi. — I bave now tlie lionor of intro-
ducin"; to vou the Honorable Mr. O'Siillivan, Judcre of the
Criminil Court of New- York.
YouR Emixence,
Very Eeverexd Fathers,
Eeverend Fathers,
Ladies and Gentlemen,
In tins august and inspiring présence I crave the personal privilège
of expressing my profound gratitude to His Grâce the Archbishop of
Montréal for this, the honor of a lifetime — the honor afforded by his
gracions invitation to speak hère in the présence of this gathering of
brothers in the faitli. come together from the ends of the eartli, and
hère witbin the sacred precincts of Notre-Dame, this monument of Can-
adian love for the Tabernacles of the Living God.
But, more than any merit of the speaker in the sélection, is ihe fact
of his birth and citizenship in that great republic which touches your
land on the South, and that which stretches across this continent from
— 158 —
sea to sea. Tliere arc millions of my countrymen \yho hâve with you
on faith, one Lord, one baptism, one God, and Fatlier of ail, and who
are united hère in soûl with you to do dévotion to the God of our Altar,
and forever loyal to the flag of their Eepublic as you are to the Stand-
ard which claims your allegiance. They are one with you in theii'
unyielding and everlasting fidelity to the Vicar of Christ/
I heard to-night history which startled me. I do not doubt that His
Grâce the Archbishop of Westminster did very much for this Eucharistie
Congress, but the history of the mémorable Eucharistie Congress which
was held in Engiand two years ago ascribes the bringing of this Eucha-
ristie Congress to one whom we ail know and whom we ail love and
venerate on the other side of the line as you do hère in Montréal — I
refer to His Grâce the Archbishop of Montréal.
In that Congress he gave expression to thèse now historié words : " Si
la terre canadienne est encore une terre chrétienne et catholique dans
toute la force du mot, c'est qu'elle est une terre eucharistique." And,
continuing, the éloquent Archbishop said, speaking of this continent as
a eucharistie land, " Ce fait, il me semble, me donne le droit de solli-
citer l'honneur insigne de notre prochain Congrès. Et je prédis un
immense triomphe à notre bien-aimé Souverain sur les bords du Saint-
Laurent."
How that glorious prédiction has been verified; let the sublime
eventuality of thèse deathless days speak, and this living hour testify.
That Father of Christendom, the successor of Peter, présent in ihe
person of His Illustrions Legate has called from many a distant flock
the guardians of thèse flocks about hini hère. Mighty sons of the
Church — Avise in her Councils, strong in lier défense, hâve answered
that call ! Frelates and priests and laymen hâve travelled from every
clime and over every sea to bear a tribute of faith, of love and Christian
unity to this Canadian outpost of civilization, to this stronghold of
Canadian faith.
But, their meeting hère is of more than human significance. It is
more than a union of man with man, or brother with brother. It is a
union of earth with Heaven — of man with God.
To-day, on the mountainside, in the sunlight of September; under
the open Canadian sky, the Sacrifice of Calvary was repeated in ail the
grandeur and solemnity with which the Church has surrounded it.
There, children of the IJniversal Church — men who speak strange
tongues, and whose homes are far apart across the world united in fer-
vent adoration of the Eucharistie King enthroned on the Altar.
For such scènes of splendor memory may well wander back to other
days, when other men knelt before the altars of our faith under the open
Canadian sky. They were the pioneers of your civilization which we
hear vaunted dow. They were the mon, Avho, in the service of God and
man, brought the light of civilization and the Christian faith into the
deptlis of the savage wilderness. Priest and layman — soldier of the
faith and liero of ihe flag — together planted the cross, and under its
— 159 —
redeeming arms together they laid the foundations of this Christian
nation.
There is no brighter page in this world's liistory than that which bears
testimony to their heroism for God aud man. ^ They might not keep
their fathers' flag, but how they hâve kept the faith of their f athers, let
the civilization of the land for which they labored, hved and died testify
to-night.
They never caught a glimpse of the glory which has fallen upon the
country for which they labored, but we know that to-night, froni their
places near to the throne of God, they look down with pleasure upon
this triumph of religion by the banks of their beloved river, and wo feel
that it can be truly said of thein
" Ils moissonnent dans l'allégresse
" Ce qu'ils ont semé dans les pleurs."
The early history of that territory which is now covered by the United
States can never be written without writing the story of the French
missionaries, Froni the St. Lawrence Eiver to the Great Coast of the
Gulf of Mexico, from the Atlantic to the Pacific, by lake and by river,
and through pathless forests they preached Christ and lîim crucified,
and many, like Hini whom they preached, died at the hands of the men
to whom they brought The Bread of Life.
In after générations, when the United States, the early Republic of
America, sprang into existence, and while the Stars of lier Bannor were
few, the Catholic Church in the l'nited States under Archl)isliop Carrol,
of Baltimore, signalized the beginning of its existence by the opening
of Georgetown Collège and the founding of a Theological Seminary at
Baltimore — Jesuits and Sulpicians at Georgetown, and Sulpicians at
Baltimore.
Baltimore, city of blessed memory in the history of the Clnirch in the
United States — Baltimore the Site of the See of His Eminence Car-
dinal Gibbons, finest exponent of the faith and loyal citizen of the
Republic.
As the Church grew, and the necessity arose, tlie Society of Jésus and
the Sulpicians sent forth from this city of learning, many a valiant and
gifted worker into the American vineyard.
Speaking of ^Montréal as a City of Learning, we are reminded tliat
you, in this province and city, havc onc grcat advantage whicli many
thousands — aye millions of my countrymen covet and admire — I
refer to your just and équitable solution of the Education Problcm,
whereby rendering justice to ail you hâve defended tlie right of tlie
Catholic child to a Catholic éducation. We Catliolic Americans do not,
cannot, and will not approve of that éducation w]u)se curriculuin ox-
cludes thèse principlcs.
Tlie sword of Washington carved the way to freedom for a nation
which is to-day prospérons and ))owerfnl, Imt the farewell words of
Washington to his people are an admonition to them and to ail nations
— 160 —
of the eartli. Listen to them — the words of Washington, the immortal
father of the American Eepublic.
" Let us with caution indulge the supposition that morality can be
maintained without rehgion. Whatever may be coneeded to the in-
fluence of refined éducation upon minds of peculiar structure, reason
and expérience forbid us to hope that national morality can prevail 'n
the exclusion of religions principles."
In the pursuit for illegitimate power, in the dishonest grasping for
national wealth and splendor, nations repudiate thèse principles, and
then in arnied peace, which is often équivalent to disastrous war, they
hold conférences for the préservation of that peace. But, there is pro-
mise of peace amongst the nations, when men from ail nations of
Christendom gather, as you do hère, to unité in fervent adoration before
the altar of the Prince of Peace.
Instigators of social unrest and disorder are ever grumbling at re-
straint of law and rebelling at authority, and the first object of their
attack in their policy of destruction and chaos is the Catholic Church.
This is the case to-day as it has been ail through the centuries.
Only the other day that noble and gifted American citizen at the head
of our Republic, Président Taft, declared that ère long his American
countrymen must prépare themselves for a struggle with Socialism.
Hardly had he spoken the word when, from another section of our
country came the déclaration from the Leader of Socialism, saying:
"Yes, and the strife is on. Socialism will win, but first it must en-
counter and conquer the Catholic Church."
So others hâve thought. So others hâve tried, but they hâve fallen
and disappeared, and still the Church lives, and while she lives justice
and law and order in our Eepublic shall hâve an inviolable and invin-
cible domain.
Mgr Bruchési : L'Hon. M. O'Sullivan a bien voulu nous
dire que l'invitation qui lui a été faite de prendre la parole
à ces séances du congrès lui paraît le grand honneur de sa
vie. Je le félicite de son éloquent discours et je le remercie
de sa grande délicatesse à notre endroit. Il a pu voir que
si tout le inonde ici comprend l'anglais, combien la langue
française tient au cœur de notre peuple.
Nous avons encore avant de clore la séance deux orateurs
à entendre, M. Henri Bourassa et M. Gerlier.
— 161 —
DISCOURS DE M. HENRI BOURASSA
Eminences,
Messeigxeurs,
Mesdames,
Messieurs,
Depuis deux jours, dans ces séances mémorables, vous avez entendu
les apôtres de l'Eglise vous énoncer les vérités de la ioi et vous prêcher
le culte de l'Eucharistie; vous avez entendu les chefs de l'église cana-
dienne rendre témoignage à la religion vivante de leur peuple; vous
avez entendu des prélats étrangers glorifier les magnificences du congrès
de Montréal ; vous avez entendu les hommes d'état canadiens assurer au
chef de l'Eglise catholique que l'Etat s'incline devant le magister su-
prême de l'Eglise; permettez-moi de prendre ce soir la tâche humble,
mais non moins nécessaire, à moi qui ne suis rien, à moi qui sors de cette
foule, à moi qui n'ai qu'une parcelle du cœur des miens à présenter au
pape, de formuler au nom de tous ce que chacun d'entre nous fait lors-
que, après être venu à la Table sainte chercher des éléments de force
et de vitalité, il retourne formulant des résolutions pour devenir meilleur
et plus fort. Qu'on me pardonne donc d'énoncer quelques-unes des ré-
solutions qu'il me semble que comme peuple nous devons prendre au-
jourd'hui, après avoir communié tous ensemble à la face de Dieu et des
hommes dans le culte eucharistique.
Que la première de ces résolutions soit que notre religion, que celle
qui fait battre nos cœurs, que celle qui éclaire nos consciences, soit non-
seulement une religion individuelle, mais qu'elle soit notre religion
comme peuple. Prenons la résolution de combattre chez nous, dans
chacun d'entre nous et parmi nous tous, le danger qui nous menace
peut-être plus ici que dans la vieille Europe, attaquée autrement dans
sa foi, je veux dire le danger de la double conscience, qui fait que sou-
vent des hommes qui adorent Dieu avec sincérité au foyer, à l'église,
oublient qu'ils sont les fils de Dieu lorsqu'il faut proclamer sa foi dans
la vie publique, dans les lois et dans les. . . (des applaudissements cou-
vrent la voix de l'orateur et font perdre au sténographe le dernier mot
de sa phrase). Au culte de l'argent, au culte du confort, au culte des
honneurs, opposons le culte du devoir, le culte du sacrifice, le culte du
dévouement.
L'illustre archevêque de St-Paul nous disait hier que l'Amérique était
appelée à résoudre plusieurs des problèmes des sociétés futures. Cola
est vrai, mais je crois également que l'Amérique peut encore apprendre
quelques leçons des vieilles sociétés chrétiennes de l'Europe; et qu'il mo
soit permis, comme Canadien, dans les veines de qui coule le sang de six
générations de Canadiens, de demander à l'Europe de nous donner encore
un souffle de son apostolat et de son intellcctualité. Dnns la rocluMvIic de
ce culte de l'honneur, du dévouement et du sacrifice, je crois que même
— 1G2 —
nous, les français de la Nouvelle-France, pouvons encore apprendre
quelque chose à Tautel de la vieille patrie, dont Tévêque d'Orléans et
l'évêque d'Angers nous ont parlé ce soir comme des hommes qui ne sont
pas les chefs spirituels d'une nation morte. Au culte de l'égoïsme, au
culte du riche qui s'engraisse et qui dort, au culte du pauvre qui gronde
et qui frémit, opposons le culte des œuvres sociales, car la foi sans les
œuvres est morte, et Pie X, le pape de l'Eucharistie, a été précédé dans
les vues de la Providence divine par Léon XIII, le pape des ouvriers.
Eminence, vous avez admiré le spectacle de 15,000 ouvriers canadiens
adorant Dieu dans cette église et attendant de vos lèvres la parole des
commandements suprêmes qui vous a été déléguée par le père que nous
vénérons tous. Nos ouvriers sont encore catholiques individuellement,
mais nos unions ouvrières ne le sont pas, et je croirais faillir à mon
devoir et au rôle que j'ai cru me tracer ce soir, si je ne disais pas à mes
compatriotes, dans cette grande cité de Montréal et dans toutes les villes
de la province de Québec, qu'il faut dire à l'ouvrier: Sois chrétien, sois
bon père de famille, sois fidèle à ton patron, redoute les sociétés sans
religion; mais qu'il faut aussi, fidèles à la parole du pape des ouvriers,
lui donner des œuvres pratiques qui lui prouvent que la foi catholique
n'est pas arriérée, que la foi catholique peut sauvegarder les droits de
la conscience; non-seulement sauvegarder les droits de la conscience,
mais qu'elle peut aussi s'allier fructueusement à toutes les organisations
modernes qui lui permettent de s'anner dans la lutte contre le capital,
et que la foi, greffée sur les organisations ouvrières, ne les affaiblit pas,
mais leur donne une âme qui les fera vivre, vivre plus longtemps que
les unions ouvrières qui n'ont d'autre but que de tenir les ouvriers en-
semble pour la revendication de leurs appétits et la recherche d'un sa-
laire meilleur.
Ici encore l'Amérique, l'Amérique de l'éminent évêque de St-Paul
comme l'Amérique de l'éminent archevêque de Montréal, peuvent encore
aller demander quelques leçons à ce petit pays où la mutualité chrétienne
n'est pas morte, à ce vaillant petit pays de Belgique qui, comprimé pen-
dant cinq siècles par les nations étrangères, a su conserver le trésor de
sa foi et le trésor de son unité nationale, et prouver aujourd'hui au
monde entier que la profession des principes catholiques dans le gou-
vernement, dans les lois, dans l'administration n'empêche pas un peuple
d'être à la tête de la civilisation et d'offrir au monde la solution la plus
pratique et la plus efficace des problèmes ouvriers et des questions so-
ciales.
Et s'il est un point sur lequel notre pensée doit s'arrêter particulière-
ment, s'il est un point sur lequel. Canadiens de langue anglaise et de
langue française, nous devons, ce soir, et demain, en promenant dans
les rues de Montréal le Dieu de toute vérité, de toute justice et de tout
amour, nous, unir dans ime commune résolution et une résolution pra-
tique, c'est celui d'être chrétiens dans l'éducation de nos enfants. Ne
laissons pas pénétrer chez nous — l'ouverture est déjà faite — cette no-
tion fausse que la religion est bonne à l'école primaire, que la religion
est bonne au collège classique qui forme les prêtres, mais qu'elle n'a rien
à voir dans l'école scientifique ou dans l'école des métiers. La religion
— 163 —
fondée par le Fils du charpentier est plus nécessaire encore à Touvrier
qui peine et qui sue qu'à l'aristocrate de la pensée. Oui, conservons
intact, dans cette vieille province de Québec, le seul état de l'Amérique
du Nord qui possède ce trésor, comme Fa si bien dit l'éloquent Juge
O'Sullivan, conservons intact ce trésor de l'éducation chrétienne, qui ne
consiste pas seulement dans l'enseignement pendant quelc|ues minutes
des dogmes, j'oserais dire, théoriques de la religion, mais qui consiste
surtout, si me permettent de m'exprimer ainsi les éminents théologiens
qui m'écoutent, qui consiste surtout, au point de vue de la foi pratique
et vécue, dans la pénétration de toutes les sciences et de toutes les no-
tions humaines par l'idée religieuse, par l'adoration du Christ.
Xous nous glorifions à bon droit d'avoir conservé ce trésor dans la
province de Québec, et de même qu'il y a un instant Je vous prêchais
l'évangile de la charité sociale contre le dur égoïsme de l'individu. Je
vous prêche maintenant l'évangile de la charité nationale contre l'é-
goïsme des provinces. Et la province de Québec ne mériterait pas son
titre de fille aînée de l'Eglise catholique au Canada et -en Amérique si
elle se désintéressait de toutes les causes catholiques des autres provinces
de la confédération.
Nous avons bien fait — et permettez-moi, Eminence, qu'au nom de
mes compatriotes Je revendique pour eux riionneur d'avoir les premiers
accordé à ceux qui ne partagent pas leurs croyances religieuses la plé-
nitude de leur liberté en matières scolaires — nous avons bien fait, mais
nous avons acquis par là le droit et le devoir de réclamer la plénitude
des droits des minorités catholiques dans toutes les provinces de la
confédération. Et à ceux qui vous diront que là où on est faible, là où
on n'est pas nombreux, là où on n'est pas riche, on n'a pas le droit de
réclamer, mais l'on n'a que le droit de s'agenouiller et de (luémander,
Je réponds : Catholiques du Canada, traversez les mers, abordez le sol
de la protestante Angleterre, faites revivre l'ombre majestueuse d'un
Wiseman, d'un Manning et d'un Yaughan, si dignement représentés par
un Bourne, et allez voir si là les minorités quémandent la charité du
riche et du fort. Les minorités, fières de leur titre de catholiques, et
non moins fières de leurs droits de citoyens britanniques, réclament, au
nom du droit, de la Justice et de la constitution, la liberté d'enseigner
à leurs enfants ce qu'ils ont appris eux-mêmes. Et l'Angleterre a com-
mencé à se convertir au catholicisme le Jour où la minorité catholique
anglaise, réveillée par le mouvement d'Oxford, a cessé d"être une mino-
rité cachée pour devenir une minorité combattive.
Nous aussi nous sommes citoyens britanniques, nous aussi nous avons
versé notre sang pour conserver à l'empire son unité et sa puissance, et
nous avons acquis, Je ne dirai pas par les traités, — Je n'en veux pas —
mais Je dirai que nous avons acquis par l'éternel traité de la Justice qui
fut scellé sur la montagne du calvaire, par le saiiir du Christ, le droit
de demander à tous les chrétiens, fussent-ils méthodistes, presbytériens
ou anglicans, le droit d'élever des enfants catholiques sur cette terre du
Canada, qui n'est anglaise aujourd'hui que parce que les catholiques
l'ont défendue contre les protestants en révolte des Etats-Unis.
Ayant formulé quelques-unes des résolutions que. J'espère, nous avons
déjà prises comme nation, (|ue nous fortifierons demain en faisant cor-
— 164 —
tège au Christ Jésus, je vous demande maintenant d'adopter avec moi
d'autres résolutions, qui n'ont plus pour objet la revendication de nos
droits et nos relations avec ceux qui ne partagent pas nos croyances,
mais qui ont pour objet principal l'union de tous les catholiques dans
la pensée d'une commune dévotion à l'Eucharistie, à la vierge Marie et
au pape, que l'on a si bien définie ce soir comme les trois principaux
chaînons de la foi des catholiques. Et je remercie du fond du cœur
l'éminent archevêque de Londres, qui a bien voulu ce soir toucher du
doigt l'un des problèmes les plus inquiétants .... non, non, mais un des
problèmes qui offrent quelques difficultés de solution pour l'église catho-
lique au Canada.
L'éminent archevêque a parlé de la question de langue. Il nous a
peint l'Amérique tout entière comme vouée dans l'avenir à l'usage de
la langue anglaise, et au nom des intérêts catholiques il nous a demandé
de faire de cette langue l'idiome habituel dans lequel l'Evangile serait
prêchée au peuple.
Ce problème épineux, ces relations un peu difficiles qui existent sur
certains points du territoire canadien entre catholiques de langue an-
glaise et catholiques de langue française, pourquoi ne pas l'aborder
franchement, au pied du Christ où nous devons être»capables de marcher
sur des préjugés pour chercher la solution de ce problème dans les hau-
teurs sublimes de la foi, de l'espérance et de la charité. Et à ceux
d'entre vous, mes frères par la langue, qui parlez parfois durement de
vos compatriotes irlandais, permettez-moi de vous dire que, quels que
puissent être les conflits locaux, l'Eglise catholique tout entière doit à
l'Irlande et à la race irlandaise une dette que tout catholique a le devoir
d'acquitter. L'Irlande a donné pendant trois siècles, sous la persécution
violente et sous l'attentat plus insidieux des époques de paix, un exemple
de persévérance dans la foi et d'esprit de corps dans la revendication de
ses droits que tout peuple catholique doit lui envier au lieu de lui en
faire reproche. A ceux d'entre vous qui disent : L'Irlandais a perdu sa
langue, c'est un renégat national, et il veut nous enlever la nôtre, je dis :
Non. Si nous avions passé par les mêmes épreuves que l'Irlandais a
subies, il y aurait peut-être longtemps déjà que nous aurions perdu notre
langue. Donc, laissons à l'Irlandais comme à l'Ecossais, à l'Allemand
comme au Buthène, aux catholiques de toutes les nations qui abordent
sur cette terre hospitalière du Canada, le droit de prier Dieu dans la
langue qui est en même temps celle de la race, celle du pays, celle du
père, celle de la mère. N'arrachez à personne, 0 prêtres du Christ! ce
qui est le plus cher à l'homme après le Dieu qu'il adore. Soyez sans
crainte, vénérable archevêque de Westminster, sur cette terre canadienne,
et particulièrement sur cette terre française de Québec, nos pasteurs,
comme toujours, prodigueront aux fils exilés de votre patrie comme à ceux
de la verte Irlande, tous les secours de la religion dans la langue de leurs
pères, soyez-en certain. Mais en môme temps, permettez-moi, — per-
mettez-moi, Eminence — de revendiquer le même droit pour mes com-
patriotes, pour ceux qui parlent ma langue, non-seulement dans cette
T)rovinco, mais partout où il y a des groupes français qui vivent à l'ombre
du di-apeau l)ritanni(|uo, dn glorieux étendard étoile, et surtout à l'omhre
de la houlette maternelle de l'Eglise Catholique, de l'Eglise du Christ,
— 165 —
qui est mort pour tous les hommes et qui n*a imposé à personne l'obli-
gation de renier sa race pour lui rester fidèle.
Je ne veux pas par un nationalisme étroit dire ce qui serait le con-
traire de ma pensée, et ne dites pas, mes frères, ne dites pas, mes com-
patriotes, que l'église catholique doit être française au Canada ; non ;
mais dites avec moi que la meilleure sauvegarde de la conservation de
la foi chez trois millions de catholiques d'Amérique, qui furent les pre-
miers apôtres de la chrétienté en Amérique, que la meilleure garantie
de cette foi c'est la conservation de l'idiome dans lequel, pendant trois
cents ans, ils ont adoré le Christ. Quand le Christ était attaqué par les
Iroquois, quand le Christ était renié par les Anglais, quand le Christ
était comJDattu par tout le monde excepté par eux, ils l'ont confessé dans
leur langue.
Mais il y a plus. Le sort de trois millions de catholi(|ues, j'en suis
certain, ne peut pas être indifférent, pas plus au cœur de Pie X qu'à
celui de l'éminent cardinal qui le représente ici.
Mais il y a plus encore. Non pas parce que nous sommes supérieurs
à personne, mais parce que, dans ses décrets insondables qu'il n'appar-
tient à personne de juger, la Providence a voulu que le tronc principal
de cette transplantation française en Amérique constituât un coin de
terre où l'état social, religieux et politique, se rapproche le plus de ce
que l'église catholique, apostolique et romaine nous enseigne comme
étant l'état le plus désirable des sociétés. Nous n'avons pas, — qu'on
me pardonne de rompre avec les formules de la diplomatie usitées même
dans des occasions comme celle-ci — nous n'avons pas au Canada l'union
de l'église et de l'état ; ne nous payons pas de mots, nous avons au Ca-
nada, et surtout dans la province de Québec, — je pourrais dire presque
exclusivement dans la province de Québec — la concorde, la bonne en-
tente entre les autorités civiles et religieuses. Il est résulté de cette
concorde que nous avons dans cette province des lois qui nous permettent
de donner à l'église catholique un organisme social et civil qu'eUe ne
trouve nulle part ailleurs dans l'Empire Britannique tout entier. Grâce
à nos lois, les diocèses s'organisent, les paroisses se fondent. Les pa-
roisses ! Oh ! la petite paroisse de Québec, cette petite paroisse échelonnée
depuis le golfe de Gaspé jusqu'au lac Témiscamingue, cette petite pa-
roisse dont l'église est le centre, et qui faisait dire à l'apôtre qui s'appe-
lait l'évêque de Nancy, monseigneur de Forbin-Janson. " 0 Canadiens-
français ! aux cœurs d'or et aux clochers d'argent", c'étaient les deux
traits qui l'avaient frappé chez nous, petite paroisse canadienne, où se
concentre l'effort du plus humble comme du plus riche des citoyens ca-
tholiques, dont l'organisation, le mode d'impôts et le fonctionnement
sont garantis par la loi de notre province, c'est l'assise sociale la plus
forte de l'église catholique en Amérique.
Nos lois reconnaissent encore, dans la province de Québec seulement,
la constitution des communautés religieuses tel que l'Eglise peut les dé-
sirer.
Quel a été le résultat ? C'est que, débarrassée des soucis matériels,
n'étant pas obligée, comme les prêtres de la plupart des autres pays, et
comme les évoques aussi, de rechercher toutes sortes de inovens artificiels
et incertains pour constituer l'église civilement et socialement, l'église
— 166 —
c;Uholi(|iie dans la province de Québec, en repos du côté des lois, a pu
ilonner la plénitude de son effort d'apostolat, et cet effort est allé plus
loin encore que le diocèse de l'illustre archevêque de St-Paul. De cette
petite province de Québec, de cette poignée de Français, dont la langue,
dit-on, est appelée à disparaître, sont sortis les trois quarts du clergé de
l'Amérique du Nord, qui est venu puiser au séminaire de Québec ou à
St-Sulpice la science et la vertu qui ornent aujourd'hui le clergé de la
grande république américaine, comme le clergé de langue anglaise aussi
bien que le clergé de langue française du Canada.
Vous avez visité nos communautés religieuses, vous êtes allé chercher
dans les couvents, dans les hôpitaux et dans les collèges de Montréal la
preuve de la foi du peuple canadien-français ; mais il vous faudrait rester
deux ans en Amérique, il vous faudrait parcourir quatre mille cinq cents
kilomètres de chemin, depuis le Cap-Breton jusqu'à la Colombie An-
glaise, et la moitié de la glorieuse république américaine, pour trouver
les fondations de toutes sortes, collèges, couvents, hôpitaux, asiles;
partout oii la foi doit se faire entendre, partout où la charité catholique
doit s'exercer, vous trouverez là des filles de ces institutions mères que
vous avez visitées ici. IsTon pas, encore une fois, que les Canadiens-fran-
çais aient été meilleurs que les autres, mais parce que la Providence leur
a permis d'êtres les apôtres de l'Amérique du Nord.
C'est pourquoi je dis: Que l'on se garde, que l'on se garde bien d'é-
teindre ce foyer intense de lumière qui luit et qui éclaire tout un con-
tinent depuis trois siècles; que l'on se garde de tarir cette source de
charité qui va consoler les pauvres, qui va soigner les malades, qui va
soulager les infirmes, qui va recueillir les malheureux partout et qui fait
aimer l'église de Dieu, le pape et les évêques de toutes langues et de
toutes races.
]\Iais, dira-t-on, vous n'êtes qu'une poignée. C'est vrai ; mais ce n'est
pas à l'école du Christ que j'ai appris à compter les forces morales
d'après le nombre et par les richesses. ISTous ne sommes qu'une poignée,
c'est vrai, mais nous comptons pour ce que nous sommes, et quant à moi,
je n'ai qu'une parole à ajouter :
Douze apôtres, méprisés de leur temps par tout ce qu'il y avait de
riche, d'influent et d'instruit, ont conquis le monde. Je ne dis pas :
laissez aux Canadiens-français conquérir l'Amérique. Ils ne le deman-
dent pas. Xous vous disons simplement: Laissez-nous faire notre part.
Eappelez-vous. qu'au lendemain de la mort du Christ, lorsque saint
Pierre voulut séparer les Hébreux des Gentils, saint Paul, l'apôtre des
nations, lui fit comprendre qu'il devait être le père de toutes les races,
do toutes les langues. Le pape le comprit, et depuis dix-neuf cents ans
il n'y a pas eu de pape hébreux, de pape romain, de pape italien, de p3.pe
français, ils ont tous été des papes catholiques, pères de toute la grande
famille catholique.
Montons plus haut, montons jusqu'au calvaire, et là, sur cette petite
montagne de Judée, qui n'était pas bien haute dans le monde, prenons
la leçon do la tolérance et de la charité chrétienne; et de même que les
peuples de ranti(iuité, dans l'attente du salut, montèrent jusqu'au Christ
pour en recevoir le mot de la rédemption éternelle, de même depuis le
Christ toutes races et toutes nations, lavant dans ^on sang leurs pré-
— 16T —
jugés, se sont entendues pour constituer l'église du Christ. C'est ce que
nous voulons faire, ni plus ni moins. Et c'est pourquoi, dans le Christ
et dans l'amour commun de l'Eucharistie, je suis convaincu que toutes
les races en Canada sauront s'unir pour respecter le donuùue particulier
de chacun, pour conserver les forces d'expansion nationales de chacun,
pour conserver à chacun le domaine qui lui est propre, afin de les unir
tous ensemble pour la gloire de l'église universelle, pour le triomphe du
Christ et de la papauté, et j'ajouterai en terminant, pour la sécurité de
l'Empire Britannique, car c'est dans l'unité de foi des catholiques cana-
diens, canadiens-français comme les autres, que l'Empire Britannique
trouvera, dans l'avenir comme dans le passé, la plus grande sécurité de
sa domination au Canada.
DISCOURS DE M. GERLIER
Eminexces,
Messeigxeurs,
Mesdames,
Messieurs,
En prenant la parole dans cette assemblée incomparable, après tant
d'éminents orateurs, j'éprouve comme une véritable angoisse, l'angoisse
de ne pas trouver d'expression capable de dignement traduire ma recon-
naissance profonde envers l'éminent archevêque de Montréal, envers les
organisateurs de ce congrès pour l'immense honneur qu'ils ont fait à la
jeunesse catholique de France en lui permettant, ne fusse que d'un mot,
de joindre sa voix à toutes les voix qui depuis plusieurs jours s'élèvent
pour célébrer la Très Sainte Eucharistie.
Mais si ma reconnaissance est immense c'est parce que dans cette
pensée, j'ai senti le désir do "vous faire entendre, à vous, C'anadicn?, par
la voix, d'abord, de ses prélats les plus illustres et par la voix aussi d'un
de ses plus modestes enfants, l'écho de cette vraie France, de la France
qui croit, de la France qui prie, de la France qui lutte, de la France qui
souffre, mais aussi de la France qui espère indéfectiblement.
Et ils sont noml)reux, je vous l'assure, ces jeunes gens au nom des-
quels ici je voudrais faire retentir le cri de notre amour et de notre
vénération ; ils sont nombreux ceux qui se sont levés par toute la France,
ardents et fiers, pour défendre ou pour reconquérir l'âme de leur patrie,
ceux qui, malgré les difficultés et malgré les obstacles, luttent, travaillent
et prient Dieu, non pas de leur faire connaître les joies ineffables de la
victoire, mais de leur donner seulement la joie profonde que lorsqu'ils
iront à leur tour se coucher près des ancêtres dans la .terre de France,
ils aient la certitude invincible (ju'ajirès eux et ]iar eux d'autres vien-
dront qui salueront le triomphe radieux de la cause à laquelle ils ont
donné leur vie.
Et cette France-là, ab ! je puis bien le dire ici, cette France-là. le pape
l'a bénie.
— 168 —
C'était il y a quinze mois à peine; Eome célébrait avec magnificence
la béatification de cette héroïne dont son évêque vous parlait hier avec
tout son cœur, et dans St-Pierre une foule immense se pressait. Il y avait
là quarante mille hommes, et il y avait là aussi le drapeau de la jeunesse
catholique d'Orléans. Et voici qu'à l'heure où le pape se frayait dans
la foule un chemin difficile, voici que par la permission divine l'humble
petit drapeau vient effleurer son siège auguste. Et alors se passa un
fait inoui. Le pape, apercevant ce drapeau, le saisit d'un geste d'amour
et il le porta à ses lèvres augustes.
Oh ! ce baiser du pape dans les plis de notre drapeau, n'était-ce pas, Je
vous le demande, le sublime pardon de la Sainte Eglise à la nation qui
demeure sa fille aînée.
Voilà pourquoi il convenait que les jeunes de Erance s'unissent à vous
dans cette exclamation d'amour; voilà pourquoi ils ont voulu par l'un
des leurs venir sur ce sol acclamer le Dieu que leurs ancêtres y ont
apporté; et voilà pourquoi, au terme de ces inoubliables journées, dans
une pensée, dans une prière où je voudrais mettre toute mon âme, je
voudrais m'écrier avec vous : 0 Jésus ! qui avez tant aimé les hommes
et que les hommes ont tant méconnu, voici qu'une foule immense est
assemblée, composée de toutes les nations du monde, qui tour à tour
sont venues ici renouveler le serment de leur fidélité : Oh ! que dans cette
acclamation glorieuse votre bonté daigne écouter l'humble mais ardente
clameur des jeunes, de cette France des jeunes qui aiment le Christ de
toute leur âme et qui croient que le Christ n'a pas cessé d'aimer les
Francs.
La séance qui se termine tard, comme celle de la veille,
est close comme la précédente par le chant national : O Ca-
nada, terre de nos aïeux.
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— 169 —
CHAPITRE III
LA SECTION FRANÇAISE
Pour réaliser le vaste programme des travaux inscrits à
l'ordre du jour du Congrès, de même que pour donner satis-
faction à un public trop nombreux pour être contenu dans
une unique salle de conférences, il avait été décidé que, du-
rant les trois jours du Congrès, deux Séances Générales se
tiendraient simultanément chaque matin, de 10 heures à
midi, en deux locaux différents.
Deux magnifiques salles avaient été mises gracieusement
à la disposition du Comité des Travaux : — Tune était le Salle
de Promotion de l'Université Laval ; l'autre le théâtre du Mo-
nument National, offert par la Société St-Jean-Baptiste.
Ces deux locaux spécialement aménagés pour conférences
ou concerts, avec leurs galeries circulaires, et leur hémicycle
en forme de scène, se prêtaient d'autant mieux aux travaux
des Séances du Congrès, qu'ils sont situés au centre de la
ville.
Dans chacune des deux salles pouvaient prendre place 1800
à 2000 personnes placées dans les meilleures conditions pour
voir et pour entendre les rapporteurs.
Un Comité de publicité, composé de prêtres désignés à
l'avance, faisait recueillir et livrait chaque jour à la presse
le compte-rendu de toutes les séances d'études tenues dans la
journée. Nous devons lui rendre le témoignage qu'il s'est ha-
bilement acquitté de son rôle et qu'il a bien mérité du Cou-
grès.
Ce fut aussi une délicate pensée de Sa Grandeur Mgr l'Ar-
chevêque de Montréal d'inviter, par l'intermédiaire du Comité
des Travaux, les Evêques des principaux sièges de la Pro-
vince civile de Québec à présider chacune des séances du
Congrès
— 170 —
Du reste à toutes ces Séances de travail se pressa tous les
jours une foule avide et choisie. Cette soif constante de vé-
rité religieuse fait grand lionneur à notre population, et
montre qu'au Canada, comme dans la vieille Europe, les
choses de l'intelligence attirent et captivent le peuple.
C'est donc avec raison que Mgr Bruchési conviait à Mont-
réal tant d'orateurs et d'écrivains distingués, sûr qu'il était,
qu'ils seraient goûtés et appréciés à leur juste valeur, par le
public canadien.
ARTICLE I
LES SEANCES DU JEUDI — 8 septembre.
1 A L UNIVERSITÉ LAVAL.
Au fauteuil de la présidence est assis Mgr Eumeau, évêque
d'Angers (France) ayant à ses côtés, Mgr Emard, évêque de
Valleyfield et M. l'abbé Lecoq, Supérieur de St-Sulpice fai-
sant office de Secrétaire. Autour du président, sur l'estrade
on remarquait queliques évêques, M. le Chanoine Gauthier,
Président du Comité des Travaux, et les divers rapporteurs.
Cette première séance doit être consacrée uniquement à des
travaux historiques concernant le Ste-Eucharistie et son
culte. C'est comme une préface des Etudes du Congrès.
Après la prière d'usage et l'invocation au St-Esprit, Mgr le
Président remercie les organisateurs du Congrès de leur dé-
licatesse qui leur a fait choisir pour présider cette première
séance un évêque français. C'est que, dit-il, " au Canada l'on
" est resté français par l'esprit, par le cœur, par le souvenir ;
"l'on n'a pas oublié la France qui fut la mère-patrie, et cela
" console des douleurs de la France présente. " Sa Grandeur
rappelle les deux pures gloires angevines qui ont brillé sur le
berceau de Ville-^Nfarie : La Dauversière et Jeanne Mance.
^r. le chanoine Ciauthier, curé de la Cathédrale. Président
du Comité des Travaux, donne ensuite lecture du premier
rapport : " T/Eiirlinrisiie et le. Canon primitif de la il/p.s.se ", qui
lui a été confié personnellement par l'auteur même, Dom Sou-
hen. Bénédictin de Solesme. Ce travail, du plus haut intérêt,
recherche de quelle façon nos pères s'y prenaient, avant le
— 171 —
IVe et Ve siècles pour entourer de nos prières liturgiques la
consécration du pain et du vin. Au fond, ce travail fait l'his-
torique de la formation du Canon primitif de la messe, et
c'est à l'aide de documents inédits, récemment découverts
par Dom Cagin, érudit bénédictin, qu'il a été fait. C'est un
honneur pour le Congrès de Montréal d'avoir eu la primeur
d'un tel mémoire qui, du reste, a été fort applaudi.
Le Canon primitif de la Messe
Nos congrès eucharistiques ont pour but de glorifier en toutes ma~
nières le phis vénérable des sacrements. Xous imitons ainsi les cons-
tantes préoccupations de l'Eglise qui s'est toujours efforcée d'entourer
de gloire et d'honneur la célébration du divin sacrifice. Les érudits,
cantonnés aujourd'hui dans l'étude des anciens monuments liturgiques,
rendent justice à ses efforts. Combien il serait intéressant pour nous de
remonter au delà des IVe et Ve siècles, de savoir comment nos premiers
pères dans la foi s'y prenaient, comment ils s'entendaient déjà à en-
châsser le saint sacrifice dans une formule d'actions de grâces ! Mais
esi-il possible de mettre la main sur des textes réputé> introuvables ?
E£sa3'ons.
Xous lisons, dans les fragments des palim]isestos de \'érone publiés
par Hauler, une assez courte formule d'anaphore ou de Canon, dont
voici la traduction :
" Que les diacres présentent à l'évêque l'oblation. et qu'imposant les
mains sur elle avec tout le presbytérium, il dise, rendant grâces : Le
Seigneur soit avec nous ! Et que tous disent : Et avec votre esprit. — En
haut les cœurs ! — Nous les dirigeons vers le Seigneur. — Rendons
grâces au Seigneur. — Cela est digne et juste.
"Et qu'il poursuive ainsi: Nous vous rendons grâces, ô Dieu, par
votre Fils bien-aimé Jésus-Christ, que dans les derniers temps vous
avez envoyé Sauveur et Eédempteur et messager (ange) de votre vo-
lonté; qui est votre verbe inséparable, par qui vous avez fait toutes
choses et (en qui) vous vous êtes complu; (que) vou.s avez envoyé du
ciel dans le sein de la Vierge, et qui dans ses entrailles s'est incarné et a
manifesté votre Fils, étant né du Saint-Esprit et de la Vierge: qui,
accomplissant votre volonté et conquérant pour vous un peuple saint, a
étendu ses mains, lorsqu'il souff'rit, pour délivrer par sa passion ceux qui
ont cru en vous; qui, lorsqii'il était livré à sa passion librement acceptée
pour détruire la mort et rompre les liens du diable et fouler aux pieds
l'enfer et illuminer les justes et fixer un terme (au monde?) et mani-
fester la résurrection, a dit, prenant du pain (et) rendant grâces: Fie-
— 172 —
nez, mangez: ceci est mon corps qui sera rompu pour vous. Semblable-
ment (il prit) le calice, disant: Ceci est mon sang qui est répandu pour
vous; lorsque vous faites ceci, vous faites commémoration de moi. Nous
son venant donc de sa mort et de sa résurrection, nous vous offrons le
pain et le calice, vous rendant grâces, parce que vous nous avez faits
dignes de nous tenir devant vous et de vous servir. Et nous demandons
que vous envoyiez votre Esprit Saint sur l'oblation de la sainte Eglise,
que (les) associant en un seul (tout), vous donniez à tous les saints qui
(la) reçoivent la plénitude de l'Esprit-Saint pour la confirmation de la
foi dans la vérité, afin que nous vous louions et glorifiions par votre Fils
Jésus-Christ, par qui (soit) à vous gloire et honneur, au Père et au Fils
avec l'Esprit-Saint, dans votre sainte Eglise, maintenant et pour les
siècles. Ainsi soit-il." (1)
Le morceau qu'on vient de lire est évidemment une préface. Mais
cette préface contient les éléments principaux du Canon de la Messe
dans toutes les liturgies : récit de la Cène, paroles de la consécration,
anamnèse, oblation du sacrifice, épiclèse rudimentaire en vue de la com-
munion des fidèles, doxologie trinitaire.
Cette prière est donc à la fois une préface et une messe. C'est une
messe embryonnaire, où le mouvement de l'action de grâces se pour-
suit du commencement à la fin et dont les phrases, jusqu'aux paroles de
la consécration, sont reliées entre elles par des pronoms relatifs qui les
rattachent toutes à la personne du Sauveur. Cette messe est donc une
eucharistie dans toute la force du terme, une action de grâces propre-
ment dite jusque dans ses formes extérieures.
ir.
Toutefois, au premier coup d'œil, on s'aperçoit qu'il lui manque deux
éléments qui ont pris une grande importance dans les canons actuels:
les Diptyques et le Sanctus.
Les diptyques, ce sont les prières d'intercession en faveur des vivants
et des morts, dont les noms étaient insérés par l'évêque dans la récitation
des formules, ce que nous appelons aujourd'hui, par rapport au canon
romain, le Mémento des vivants et celui des défunts. Mais les litur-
gistes s'accordent à penser que la place des diptyques a été changée (2),
qu'ils ont été versés au Canon à une époque relativement tardive, lors-
que la continuité de cette préface eucharistique, qui constituait la messe
primitive, avait déjà été troublée. Ainsi, il n'y a pas lieu ^de s'étonner
si on ne les retrouve pas ici, dans un document qui a précisément les
allures d'une préface.
(1) Hauler, Didascaliœ Apostolorum fragmenta veronensia, p. lOG et sq.
(2) Les répugnances, autrefois formulées sur ce point, ne sauraient tenir
contre les nouvelles observations par lesquelles Dom Cagin renforce aujourd'hui
les conclusions déjil proposées dans la Paléographie musicale, et désormais en-
trées dans la circulation.
— 173 —
Mais le Sanctus? Eh bien, le Sanctus non plus n'est pas primitif,
©t l'on aurait pu s'en douter plus tôt, si l'on avait prêté attention à une
notice du Liber Pontificalis qui en attribue l'introduction, dans les
prières du sacrifice au pape Sixte. (1)
Xon seulement le Sanctus manque totalement dans le document que
nous analysons, mais il fait défaut également dans l'Anapliore des
Statuts éthiopiens, tout a fait parallèle au Canon de Vérone, dans le
texte du Testamentum Domini, qui est une édition lar<iement interpolée
des deux Anaphores précitées, et même dans la Liturgie éthiopienne du
Sauveur. Seule la Liturgie éthiopienne des Apôtres, sur ces cinq docu-
ments, intercale le Sanctus sans aucune préparation ni transition. Le
Sanctus y rompt évidemment le cours des idées, et l'auteur do l'addition
ne s'est nullement donné la peine de dissimuler cette cassure. Qu'on
en juge :
" 0 vous qui avez envoyé votre Fils dans le sein de la Vierge, il a été
porté dans ses entrailles et s'est fait chair, et il a été manifesté votre
Fils par l'Esprit-Saint.
Sanctus
et il est né de la Vierge pour accom])lir votre volonté, etc."
Ainsi donc il est avéré que les liturgies de Vérone, les Statuts éthio-
piens, du Testamentum Domini, du Sauveur et des Apôtres, toutes cal-
quées sur un original grec aujourd'hui perdu, n'avaient point de place
pour le Sanctus et qu'il a été inséré violemment.
III.
Serait-il possible de faire pour les canons occidentaux cette même
constatation qui s'est imposée à nous pour les liturgies momifiées d'une
église orientale? Ou bien l'évolution du type original y a-t-elle été si
radicale qu'on ne puisse plus remonter à un état préhistorique où le
Sanctus manquait à la préface? Laissons aux documents le soin de
répondre.
Si l'on veut bien se reporter au Liber Sacramentorum, publié par Dom
Cagin d'après un manuscrit de Bergame, on remarquera (p. 62) que la
messe du Jeudi-Saint n'a pas de Sanctus; la préface est immédiatement
suivie de la prière Communicantes, puis des oraisons JJanc igiiur obîa-
iionem et Quam oblaiionem. La préface s'est achevée sur ces mots :
Ut hominem, quem ipse feceral, de morte Uberaret (pour délivrer de la
mort l'homme que lui-même avait fait) avec simple mention du proto-
cole final : Et ideo cum angelis.
(1) lAh. Pontif. édition Diiclr-siic. t. I. ]>. 128.
— 174 —
Au contraire, la messe du Samedi-Saint admet le Sanctus; mais aus-
sitôt après ce chant, le Canon reprend le mouvement de la préface au
moyen d'une transition très simple:
Vere Sanctus^ vere henedictus Dominus noster Jcsus Chrisius Filius
iuiis qui, cum Dominus esset majestatis, descendit de coelo, formam
servi qui prius perierat suscepit, et sponte pati dignatus est, ut eum quem
ipse fccerat de morte liberaret. (p. 69).
" Vraiment saint, vraiment béni (est) Notre-Seigneur Jésus-Christ,
votre Fils, qui, étant le Seigneur de majesté, descendit du ciel, se re-
vêtit de la forme de l'esclave qui, le premier avait péri, et daigna spon-
tanément souffrir pour délivrer de la mort celui qu'il avait fait.
Xous sommes justement ici au point même où nous avions laissé la
messe du Jeudi-Saint. Pour peu que nous négligions une courte for-
mule d'intercession pour les nouveaux baptisés et Tempereur, — et cette
• formule doit être réellement négligée, puisque c'est un Mémento des
vivants — nous arrivons aussitôt au Qui pridie quam pateretur, qui se
relie naturellement aux incidentes à pronoms relatifs de la préface.
Ceci est précisément le dessein de l'Anaphore de Vérone.
La surprise augmente lorsqu'on constate le parallélisme des traits qui
précèdent la consécration dans l'une et l'autre messe. Il faut lire cela
dans le texte original :
JEUDI SAINT SAMEDI SAINT
Qui, cum Deus esset in coelis, Qui, cum Deus esset
ad delenda hominum peccata majestatis
descendit in terras : descendit de cœlo,
Et qui humanum genus venerat formam servi, qui primus
liborare, porierat, suscepit
tan()uam obnoxius débiter et sponte pati dignatus
inlicito pretio Dominus a est,
servo distrahitur
ut hominem, quem ipse fecerat, ut eum, quem ipse fecerat,
de morte liberaret. de morte liberaret.
Ces deux rédactions sont deux formes d'un même tlièiue, en dépit de
quelques différences accidentelles. Mais la rédaction du Samedi Saint,
qui admet le Sanctus, prépare le chant du Trisagion et ménage ensuite
un raccord. La liturgie ambrosienne ne dédaigne pas ces artifices dont
la présence Sf; justifie d'elle-même, tandis que les liturgies éthiopiennes
du Sauveur et des Apôtr^-s les négligent complètement.
Mis sur la voie par ce rapprochement des deux messes ambrosiennes,
nous constatons que la liturgie mozarabe a connu et pratiqué le raccord,
sous une forme souvent analogue à celle de la liturgie milanaise.
— 1:5 —
y ère Sanctus, vere henedictus Dominus noster Jésus Chrislus Filius
tuus, qui, cum in forma Dei csset, semetipsuin exinanivxt, formam acci-
piens servi : cum incarnatus in utero Virginis abscondens divinitatem
suam suscepit infir mitât em nostrarn; ipse Dominus ac Redemptor œter-
nus. Qui pridie... {Post Sanctus du second dimanche de l'Avcnt).
" Vraiment saint, vraiment béni (est) Xotre-Seigneur Jésus-Christ
votre Fils, étant dans la forme de Dieu, s'est anéanti, prenant la forme
d'esclave: (qui) incarné lui-même au sein de la ^'ierge (et) voilant sa
divinité, s'est revêtu de notre faiblesse: (étant) lui-même le Seigneur et
le Eédempteur éternel, qui, la veille de la Passion, etc."
La ressemblance est frappante, et la rencontre n'est pas fortuite, car
les cas analogues sont trop nombreux. En réalité, le raccord est chose
courante dans la liturgie mozarabe, et il serait facile d'en fournir de
nombreux exemples.
Pouvons-nous étendre ces conclusions à la liturgie romaine? Xon
seulement le raccord après le Sanctus s'est conservé au Missel de Stowe
et à la bénédiction des Palmes d'un Sacramentaire tout romain des
Abruzzes, mais encore l'énumération, au moyen de phrases articulées, a
subsisté dans des préfaces propres. Ce n'est certainement point par
hasard qu'en groupant toutes ces épaves et toutes ces imitations, on
arrive à reconstituer des séries comme celle-ci.
Vere dignum et justum est, œquum et sahttare nos tibi
semper et uhique graiias agere, Domine sancte Pater omnipotens,
œterne Deus, per Christum Dominum nostrum.
per quem sains mundi
per quem vita hominum
per quem resurrectio mortuorum :
qui venit de cœlis ut conversaretur in terris,
homo factus ut deîirta carnis deleret,
hostia factus est vt per passionem suam vitam
œternam credentibus daret,
ipse enim verus est agnus qui abstuJit peccata mundi,
qui mortem nositram moriendo dcstruxit
et vitam resurgendo reparavit ;
qui post resurrectionem suam omnibus discipulis suis
manifestus apparuit
et ip^is cernentibus est elevatus in cœlum
ut nos divinitatis suœ iribueret esse participes,
qui ascendens super omncs cœlos sedensquc ad dextrram tuam
promissum Spiritum Sanctum in filios adoplionis effudit
qui pridie quam pateretur, etc.
Tous ce« versets, qui par leur réunion présentaient autrefois l'en-
semble des faits du salut, ont été attribués ensuite aux préfaces propres
des fêtes. 11 suflit de les rapprocher pour ren<lre au moins Um pro-
bable l'hypothèse émise ici et qui se trouve si bien d'accord avec le mou-
vement général des liturgiriues.
176
IV,
Au début de cette étude, nous avons remarqué que l'Anaphore de Vé-
rone contenait une épiclèse rudimentaire, une invocation à l'Esprit-
Saint. L'évêque priait le Père Céleste de faire descendre l'Esprit sur
les oblations de l'Eglise, afin que tous les saints qui y participeraient
fussent ramenés à l'unité. Cette particularité mérite d'attirer toute
notre attention. A une époque où la question de l'épiclèse préoccupe
théologiens et liturgistes, nous avons intérêt à savoir ce que l'épiclèse a
a été d'abord; nous nous rendrons compte plus facilement de l'évolution
qu'elle a subie.
Or, la formule très ancienne que nous étudions ne suppose pas que
l'Esprit-Saint soit prié d'opérer la transsubstantiation : les paroles du
Seigneur y ont sufiî. Ce que l'évêque demande, c'est que l'Esprit des-
cende sur les dons, afin de réunir par le lien de l'unité tous les fidèles
qui les recevront. Il y a là une prière préparatoire à la communion,
analogue au Supplices te rogamus du Canon romain dans sa seconde
partie.
Telle paraît bien avoir été la formule initiale de l'épiclèse. Mais ce
germe s'est développé, et dès une époque certainement ancienne, on
priait le Père d'envoyer le Saint-Esprit pour transformer le pain et le vin
au Corps et au Sang du Seigneur. C'est ce que nous rencontrons déjà
dans la liturgie éthiopienne du Sauveur et celle des Apôtres.
Ainsi complétée, la formule enveloppait-elle nécessairement une
erreur théologique ? Pas le moins du monde. Comme toutes les œuvres
de sanctification, la transsubstantiation, qui est la première de toutes,
était considérée comme l'efi'et d'une opération du Saint-Esprit, et il
était naturel que cette croyance se traduisît explicitement. Il me semble
tout à fait probable que la date de la transformation de l'épiclèse doit
être fixée vers 363, après le concile .de Constant inople qui condamna
l'hérésie de Macédonius et enrichit la théologie de précisions nouvelles
sur la personne et le rôle du Saint-Esprit. Et comme l'Esprit-Saint
était déjà nommé dans l'anaphore, c'est à cet endroit qu'on inséra les
additions. Ensuite, historiquement, la mission du Saint-Esprit était
postérieure à tous les m5'stères du Christ, et, par conséquent, c'est seule-
ment après l'anamnèse ou mémoire de la mort et de la résurrection du
Sauveur (Unde et memores) que la mention de la descente du Saint-
Esprit devait trouver place. Elle était conçue sous forme d'invocation,
parce que l'Anaphore était un véritable symbole de foi, exprimé d'une
manière toute lyrique et eucharistique, surtout parce que la mission de
grâce du Saint-Esprit est Tobjct des désirs et, par conséquent, des
prières des justes.
Mais cela n'impliquerait en aucune façon la croyance erronée qu'avant
l'épiclèse les dons n'étaient pas encore transformés. Ceci est si vrai que
ni Photius, ni Michel Cérulaire ne pensèrent à reprocher aux Latins
l'absence d'une épiclèse développée au Canon romain. Il faut descendre
jusque vers 1350 pour rencontrer sous la plume de Nicolas Cabasilas,
l'expression d'une erreur formelle au sujet de l'épiclèse. Les anciens
— 1 ( 1 —
écrivains ecclésiastiques, grecs et orientaux, connaissaient trop bien
l'Ecriture sainte pour ignorer que l'épiclèse n'était pas d'institution
dominicale.
Une épiclèse très développée est un signe de inoindre antiquité pour
un document liturgique. La liturgie éthiopienne du Sauveur et celle
des Apôtres ont grand soin d'insérer une formule complète à la suite de
l'épiclèse très simple (|u'elles avaient trouvée dans l'Anaphore de Vérone
et des Statuts éthiopiens. La liturgie du Sauveur fait même davan-
tage: elle accepte une prière que la liturgie du TeMnmenium Domini
introduisait à la place de la demande de l'Esprit-Saiut et qui avait un
pur caractère d'oblation du sacrifice sans aucun caractère d'épiclèse :
Offerimus tibi hanc gratiarum actionem, etc. Mais, en adoptant cette
.prière, elle reprend l'épiclèse rudimentaire de l'Anaphore de Vérone et
la complète à sa manière.
" N'eus vous prions, Seigneur, et vous supplions d'envoyer votre Esprit-
Saint et sa puissance sur ce p'iii) et sur ce calice pour qu'il en fasse le
Corps et le Sang de Jésus-Christ, notre Seigneur et Sauveur dans les
siècles des siècles. ISTous vous offrons donc cette action de grâces, etc.
Ainsi, c'est au moyen d'une seconde interpolation, plus récente, in-
sinuée entre le texte de la liturgie de Vérone et l'interpolation ancienne
de la liturgie du Testamentum Domini, que le rédacteur a développé
l'épiclèse initiale et l'a complétée dans le sens des Grecs.
V.
Qu'est-ce donc que cette Anaphore de Vérone et des Statuts éthio-
piens, qui présente de si frappants caractères d'antiquité? Est-il pos-
sible de préciser la date à laquelle elle remonte? Peut-être.
Dans la grande interpolation de la liturgie du Testamentum Domini,
nous relevons les prières qui suivent :
" Soutenez jusqu'à la fin ceux qui sont doués des charismes des révé-
lations ; confirmez ceux qui sont doués du charisme de guérison ; forti-
fiez ceux qui possèdent le don des langues ; dirigez ceux qui travaillent
clans la parole de doctrine (les didascales)."
Voilà une prière d'intercession qui n'a pu être écrite que pendant la
période charismatique de la primitive Eglise, alors que les dons du
Saint-Esprit, répandus abondamment sur les fidèles, se traduisaient,
dans l'assemblée chrétienne et au dehors, par des manii'estalious extra-
ordinaires. Or, la période charismatique ne s'est pas prolongée au delà
du Ille siècle. On pense généralement que le mouvement montaniste
rendit suspect aux chefs de l'Eglise l'exercice do ces dons dans les
réunions des fidèles, et d'ailleurs, ces miracles très utiles sinon néces-
saires pour aider au dévelo])pement du christianisme, devaient diminuer
à mesure que le l)esoin s'en faisait moins sentir. I/interpolation do la
— 178 —
liturgie du Tcstanientum Domiiii ne peut donc être postérieure au Ille
siècle; mais il faut bien retenir que c'est une interpolation. Par consé-
quent, la liturgie des i3alimpsestes de Vérone et des Statuts éthiopiens
doit être considérée comme antérieure au Ille siècle.
De plus la liturgie du Testamentum Domini ne contient pas le
Sanctus. Or, nous avons vu que le Liber Pontificalis en fait remonter
l'institution au pape îSaint-Sixte I, vers Tan 120. Il est vrai que les
notices liturgiques ou autres, du Liber Pontificalis ne sont pas du tout
infaillibles; cependant, pour le cas qui nous occupe, Mgr Ducliesne
estime que l'auteur ne l'a pas antidatée, au contraire. Sans doute, le
fait que la liturgie du Testamentum Domini ne possède pas le Sanctus
ne prouve pas qu'elle soit antérieure à Tan 120. On aurait tort de se
représenter l'institution du chant sacré comme un décret Urbi et Orhi
de la Sacrée Congrégation des Eites, dont le texte est, dans le monde
entier mis à exécution à la même date. Il faut se la représenter comme
une institution locale qui a gagné de proche en proche et s'est étendue
aux autres Eglises. Même réduite à ces proportions, l'absence du
Sanctus montre que nous sommes en présence d'un document du Ile
siècle (1). Il est invraisemblable, en effet, qu'au Ille siècle le chant
du Sanctus ne fût pas devenu universel. Or, l'Anaphore de Vérone et
des Statuts éthiopiens est antérieure, puisque celle du Testamentum
Domini est déjà interpolée.
Mais alors qu'est-ce que cette Anaphore d'une antiquité si haute, que
l'on se croyait, il est vrai, le droit d'interpoler, mais dont on conservait
religieusement le mouvement général et même le texte ?
Il semble bien que nous soyons en présence du thème apostolique de
l'Anaphore.
On sait qu'aux premiers temps l'évêque n'était point, comme aujour-
d'hui, lié par une formule hiératique à laquelle il ne put toucher.
L'évêque improvisait sur un thème donné; celui-ci devait être respecté
à titre de canevas, mais dans certaines limites le célébrant pouvait libre-
ment se mouvoir, et cela a duré certainement jusqu'au IVe et même au
Ve siècle (2).
Or, il paraît que la liturgie de Vérone est le plus ancien des thèmes
d' Anaphore que nous connaissions, puisque l'original grec n'a pas été
retrouvé. Les éléments principaux de ce texte semblent avoir été
empruntés à l'Epître aux Ephésiens. ISTon seulement il y a des rappro-
chements de pensées et d'expressions à faire valoir, mais encore un en-
semble de phrases articulées au moyen de pronoms relatifs et de con-
jonctions. Tout cela ne permet pas de se soustraire à une impression
d'analogie.
A la seconde ligne de l'Anaphore nous lisons: per dilectum puerum
tuum, et dans l'Epître (l.G): in dilecto Filio tuo. A la troisième ligne
nous trouvons: quem in ultimis temporibus misisti nobis Salvatorem, et
( 1 ) Qu'on veuille bien ne pas s'y tromper, il s'agit exclusivement ici du texte
de l'Anaphore, non de la collection du Testamentum Domini, question qui de-
meure entière et indépendante.
(2) Dom Cagin, Te Deum an Illatio ? p. 352 et SS.
— 179 —
dans l'Epître (1.10): in dispensaiione plenitudinis tetnporum xnstau-
rare omnia in Christo; à la quatrième ligne: Angeluni voluntatis tuœ;
et dans TEpître (1.9): ut notian faceret nobis sacramentum voluntatis
suae; à la sixième ligne: per quem... heneplacitum tibi fuit, et dans
l'Epître (1-9): secundum beneplacitum ejus. Je ne puis poursuivre ce pa-
rallèle qui demanderait à être poussé dans tous ses détails, et qui, pour
s'imposer définitivement, exigerait la comparaison des deux textes grecs
originaux: condition malhetireusement impossible à remplir. Qu'on me
permette cependant de rapprocher encore deux textes particulièrement
significatifs. L'Anapliore se termine par cette doxologie: Per quem tibi
gloria et honor, Patri et Filio cum Spiritu Sando, in sancta Ecclesia
tua et nunc et in saecula saeculorum. Amen. Le troisième chapitre
de l'Epître aux Ephésiens se conclut par la doxologie suivante: Ipsi glo-
ria in Ecclesia et in Christo Jesu in omnes generaiiones saeculi saecu-
lorum. Amen. (21).
Il est très difficile de voir dans cette rencontre l'effet du hasard.
D'une manière très générale, les doxologies, même fort anciennes, ne
font aucune mention de l'Eglise, et pourtant l'Anaphore de l'Epître aux
Ephésiens, qui présentent déjà tant de points de contact, se rejoignent
encore ici.
Cela ne veut pas dire que l'Anaphore soit sortie de la plume inspirée
de saint Paul; mais la rédaction de ce thème doit remonter aux temps
apostoliques. Le rédacteur a fort bien pu s'inspirer d'une exposition
doctrinale de l'Apôtre qui s'accordait avec son dessein. Ce serait déjà
un beau résultat d'avoir rendu probable et vraisemblable le fait que les
palimpsestes de Vérone et les Statuts éthiopiens nous ont conservé la
plus vieille des liturgies chrétiennes, le thème apostolique de l'Anaphore.
En terminant ce travail, je sens le besoin d'avouer que cette ana-
lyse d'un document vénérable m'a été suggérée dans son entier par la
lecture d'un Mémoire inédit de Dom Cagin sur le Canon primitif de la
Messe. Ce rapport au Congrès Eucharistique de Montréal soutient, avec
le texte des recherches de Dom Cagin, les mêmes relations que l'Ana-
phore de Vérone avec l'Epître aux Ephésiens. Il y a pourtant une diffé-
rence importante: l'étendue des matières et la solidité des arguments.
On aurait tort de juger de l'une et de l'autre par les quelques pages qui
précèdent, et les amis de la science liturgique iront chercher dans le beau
Mémoire de Dom Cagin, sa connaissance approfondie des origines eucho-
logiques et l'entier développement de ses preuves.
— 180 —
Ive deuxième rapport est celui de M. l'abbé Gosselin, rec-
teur de l'Université Laval, à Québec.
Aperçu sur l'Histoire de l'Eucharistie au Canada, ou
Rôle de l'Eucharistie dans l'Histoire et le
Développement religieux de notre Nation.
Les Directeurs de la Compagnie des Cent-Assoeiés écrivaient au Père
Le Jeune en 1637: "Nous avons appris et tenons pour règle certaine
que pour former le corps d'une bonne colonie, il faut commencer par la
Eeligion ; elle est en l'Etat comme le cœur en la composition de l'homme,
la première et vivifiante partie; c'est sur elle que les fondateurs des
grandes républiques ont jeté le plan de leurs édifices qui ne dureraient
pas s'ils avaient eu un autre fondement: ainsi, nous protestons qu'elle
sera toujours précieusement traitée et, qu'en toute rencontre, nous la
ferons présider en la Nouvelle-France." (1)
Ces beaux sentiments, ce désir si franchement manifesté de voir la
religion catholique fleurir en ce pays sauvage qu'était le Canada,
n'étaient pas particuliers aux membres de la Compagnie. C'étaient les
sentiments et le désir de François I*^"", de Henri IV, de Louis XIII,
comme aussi des découvreurs et des fondateurs, des missionnaires et des
premiers colons. Tous ou presque tous, avaient en vue l'extension du
royaume de Dieu.
C'est au nom de Jésus-Christ en effet que Jacques-Cartier, le grand
navigateur malouin, débarquant à Gaspé en 1534, y prit possession du
pays en plantant une croix. C'est au nom de Dieu et pour l'extension
de son règne que les missionnaires, Eécollets, Jésuites ou prêtres sécu-
liers, allant à la conquête des âmes, s'enfonçaient dans les bois, y vivant
de la vie sauvage, s'exposant à toutes les humiliations comme à toutes
les souffrances, prêts à donner leur vie pour la foi qu'ils avaient mission
de prêcher.
De leur côté, fondateurs et gouverneurs, qu'ils se nomment Champlain
ou Maisonneuve, Montmagny ou d'Ailleboust, n'ont pas seulement
cherché les intérêts matériels de la colonie ou de la ville qu'ils avaient
été chargés de fonder ou de gouverner, ils ont encore pris à cœur son
avancement spirituel; ils ont voulu que, sous ce rapport, la Nouvelle-
France ne le cédât en rien à l'ancienne.
C'est pourquoi, non contents de servir eux-mêmes d'exemples et de
modèles aux premiers colons, ils se firent, pour la plupart du moins, les
auxiliaires du clergé.
Moins de trente ans après la restitution du Canada à la France,
plusieurs groupes de colons possédaient déjà leur église ou chapelle
qu'un prêtre résident ou un missionnaire était chargé de desservir.
Et quand, avec le temps et l'accroissement de la population, il fut
(1) Relations des Jésuites, Ed. de Québec, Relation de 1637, p. 3.
— 181 —
possible de créer, de maintenir et de développer ces centres religieux,
autrement dit, de compléter et de perfectionner ce système paroissial,
le premier évêque de Québec et ses dignes successeurs y mirent toute
leur âme, toute leur énergie et souvent même une partie de leurs
modestes revenus. Ils avaient compris que là était le salut. En effet,
si à l'époque de la domination française, la foi vive et éclairée qu'ap-
portaient nos ancêtres s'est transmise dans toute son intégrité de géné-
ration en génération ; si, après la conquête, les Canadiens ont pu résister,
durant de longues années, aux tentatives d'assimilation mises en œuvre
par le vainqueur, c'est au système paroissial qu'ils en furent redevables,
et l'on peut dire (ju'au point de vue religieux comme au point de vue na-
tional, c'est la paroisse qui nous a sauvés.
Qu'est-ce que la paroisse catholique sinon une grande famille,
groupée sous l'œil vigilant d'un même pasteur, se réunissant une ou plu-
sieurs fois la semaine dans la même église, au pied du même autel, de-
vant le même tabernacle, pour présenter au Dieu vivant qui y réside, ses
hommages et ses adorations, ses offrandes et ses prières? La paroisse,
c'est donc l'église, c'est le foyer béni où Jésus-Hostie est présent pour
son peuple.
L'Eucharistie étant le fondement de la vie catholique, il n'est pas
étonnant que dès le commencement de la colonie, les pasteurs aient
cherché à en inspirer le respect et l'amour aux fidèles confiés à leurs
soins. Leurs efforts furent couronnés de succès, car autrement, com-
ment pourrait-on expliquer cette régularité, ce genre de vie exemplaire,
en un mot, cette ferveur que les voix les plus autorisées du temps n'ont
pas craint de comparer à celle de la primitive Eglise? Pour se con-
vaincre de l'exactitude de cette assertion, il suffira de relire ces Rela-
tions que les Pères Jésuites écrivaient chaque année et où ils ne cessent
d'exalter la foi, la piété et les vertus des premiers colons de la Nouvelle-
France. (1)
En 1685, Mgr de Saint-Vallier visitant son futur diocèse, n'hésitait
pas à dire, après avoir parcouru toute la colonie : " Le peuple commu-
nément parlant, est aussi dévot que le clergé m'a paru saint. On y
remarque je ne sais quoi des dispositions qu'on admirait autrefois dans
les chrétiens des premiers siècles." (2)
De son côté, le P. Charlebois. après avoir fait remarquer avec quel soin
on avait choisi les premières familles envoyées au Canada, ajoutait :
"Je crains d'autant moins d'être contredit sur cet article que j'ai vécu
avec quelques-uns de ces premiers colons, presque centenaires, de leurs
enfants et d'un assez bon nombre de leurs petits-fils, tous gens plus res-
pectables encore par leur probité, leur candeur, la piété solide dont ils
faisaient profession, que par leurs cheveux blancs et le souvenir des
services qu'ils avaient rendus à la colonie." (3)
Parlant de la population de Montréal en 1667, le même auteur
disait: "Toute l'île de Montréal ressemblait à une communauté reli-
(1) Cf. Relations de 1634, p. 3 ; 1C36, p. 43 ; 1G37. p. f. ■. Iti-IO. p. .3. ptc.
(2) Elat présent de l'Eglise. 'Ed. do Qu^Ik-c, 1Sô7. p. 84.
(3) Histoire de la Nouvelle-France, Paris 1744, Ed. in-12. Vol. I. p. 319.
— 182 —
gieuse. Ou avait eu dès les comuieucements uue atteutiou particulière
à n'y recevoir que des habitants d'une régularité exemplaire." (1)
Dans son Journal ou Lettres adressées à la duchesse de Lesdiguières,
en 1721, il revient sur le même sujet: "Ce qui doit sur toutes choses
faire estimer nos créoles, dit-il, c'est qu'ils ont un grand fonds de piété,
de religion et que rien ne manque à leur éducation sur ce point." (2)
Ces bons témoignages rendus à la conduite morale et religieuse de nos
ancêtres et que nous avons multipliés à dessein, ne nous éloignent pas
autant qu'on le pourrait croire du sujet que nous avons à traiter. Car,
si vraiment les Canadiens des premiers temps ont mené la vie exem-
plaire que l'on dit, et nous n'avons pas de raison d'en douter, c'est dans
les sacrements, et en particulier dans la Pénitence et l'Eucharistie qu'ils
ont dû puiser ces grâces de préservation et de persévérance qui faisaient
l'étonnement et l'admiration de leurs propres pasteurs. En ce temps-
là comme aujourd'hui, la Sainte Eucharistie était la source féconde où
toute vie chrétienne doit s'alimenter. Et c'est ce que nos ancêtres
avaient compris. Aussi croyons-nous pouvoir affirmer que, proportion
gardée, la dévotion envers la divine Eucharistie fut aussi vivace, aussi
profonde, aussi répandue au Canada durant le XVIIe siècle et presque
tout le XVIIIe siècle qu'elle l'a été sous le nouveau régime et jusqu'en
ces derniers temps.
Mais avant de faire la preuve de cette affirmation qui paraîtra peut-
être hasardée, nous ferons observer que, sous le rapport reliaieux, les
colons d'autrefois étaient dans des conditions beaucoup plus désavanta-
geuses que celles dans lesquelles se trouvent aujourd'hui les habitants
de nos paroisses même les plus reculées. Kos ancêtres avaient tout
contre eux : l'éloignement, la pauvreté, la mauvaise condition des
chemins, un état de guerre presque continuel et surtout la rareté des
prêtres. Qu'ils aient pu, malgré ces désavantages, et ces difficultés,
conserver leur foi, élever chrétiennement leurs nombreuses familles,
rester, pour le plus grand nombre bons, pieux, fervents même, voilà qui
est merveilleux et qui ne peut s'expliquer que par un zèle et un courage
qui n'ont connu ni les fai])lesses ni les ménagements.
La dévotion envers la Sainte Eucharistie se manifeste de plusieurs
manières. Sans doute, comme toutes les dévotions, elle doit se trouver
surtout dans le cœur, mais le culte extérieur est intimement lié aux sen-
timents de respect, d'adoration et d'amour qui en sont le fonds même.
Eriger des églises ou des chapelles où résidera le Dieu vivant, assister
régulièrement et pieusement au sacrifice de la messe et à la bénédiction
du Saint-Sacrement, prendre part aux exercices des Quarante-Heures et
à la procession du Saint-Sacrement, mais surtout recevoir la communion
souvent et avec les dispositions convenables, telles sont les manifestations
les plus ordinaires de la foi et de la piété envers la divine Eucharistie.
Essayons de dire, le plus brièvement possible, comment les Canadiens
d'autrefois s'acquittaient de leurs devoirs envers le Très Saint-Sacre-
ment de l'autel.
( 1 ) Histoire du Canada, Vol. II, pp. 163-164.
(2) II)id. — Journal. Vol. V., p. 257.
— 183 —
Très lents furent les progrès de la colonie durant les premières années.
Le groupe des habitants de Québec comptait à peine 200 âmes en 1640,
et cependant la petite ville renfermait déjà cinq églises ou chapelles.
On sait à quelle manifestation religieuse donna lieu la foncUitio]i de
Montréal et comment avant même qu'on eût pu élever une chapelle, le
jour du débarquement, des mains pieuses avaient érigé et orné l'autel
où l'on célébra la première messe qui ait jamais été dite en cette île. . . .
" Toute cette journée, continue M. Dollier de Casson, à qui nous em-
pruntons ce détail, s'écoula en dévotions, actions de grâce et hymnes de
louanges au Créateur. "(1)
Grâce à l'accroissement de la population, des églises ou chapelles
s'ouvrirent peu à peu dans les campagnes et les colons eurent bientôt, de
ce côté du moins, assez de facilités pour remplir leurs devoirs religieux.
Les dimanches et fêtes, et celles-ci étaient nombreuses alors, (2) les
églises se remplissaient.
Dès 1636, le Père Le Jeune écrivait dans la Eelation : " Véritable-
ment, nous avons sujet de bénir Dieu en voyant que l'accroissement de
nos paroissiens est Taugmentation de ses louanges. Les premiers .-acri-
fioes de la messe" que nous présentâmes en ces contrées furent offerts
dans un méchant petit taudis qui maintenant nous ferait honte : nous
nous servîmes peu après d'une chambre, puis on fit bâtir une chapelle,
on a tâché de la changer en église, raugniontant de moitié ou environ,
et avec cela, les jours de fêtes, les deux premières messes qui se disent à
Québec sont si fréquentées que cette grande chapelle ou cette i>etite
église se voit remplie vsque ad cornu aïtaris, d"un bout à l'autre." (3)
Le même auteur rapporte qu'en 1637: " le jour de la fête de Saint-
Joseph, l'église fut remplie de monde et de dévotion quasi comme un
jour de Pasques. . ." (4)
D'après le Père Vimont, auteur de la Eelation de 1640, les principaux
habitants de la colonie s'étaient rangés sous les drapeaux de la Sainte
Vierge '^ en l'honneur de laquelle, ajoute-t-il, ils entendent tous les
samedis la sainte messe." (5)
Il serait assez facile de multiplier les citations de ce genre, mais il
nous semble inutile d'insister sur ce point, l'assistance à la messe, les
jours de dimanche et fêtes, étant de précepte.
La coutume établie de nos jours de donner la bénédiction du Saint-
Sacrement chaque dimanche et fête d'obligation, à Tissiio des vêpres, est
de date relativement récente. Sous le régime français, les évoques per-
mettaient ou ordonnaient ces bénédictions du Saint-Sacrement suivant
les temps, les circonstances ou les solennités; et elles étaient nombreuses.
(1) Histoire (lu Moiitrcnl. piibliôo ]iai- la Soc. Tlist. de :M<)ntn'';il. 1SG9. pp. 37
et suiv.
(2) En 1703, on comptait encore 33 fêtes d'obligation au Canada. Voir Rituel
de Mgr de Saint-Vallicr.
(3) Relation de 1637, p. 0.
(4) Relation de 1G36. p. 43.
(5) Relation de 1640, p. 5.
— 184 —
Le Journal des Jésuites, les Mandements et les Ordonnances des
Evêques nous fournissent des preuves abondantes de ce que nous
avançons.
En 1646 par exemple, les Pères Jésuites, décident, pour entretenir
la dévotion à Québec durant l'hiver, que la bénédiction du Saint-Sacre-
ment sera donnée tous les jeudis, soit à la paroisse, soit à l'Hôtel-Dieu,
soit chez les Ursulines.
Il y eut encore la même année et dans les mêmes églises salut du
Saint-Sacrement les trois jours gras, le 11 et le 19 mars, le jour de
Pâques et les deux jours suivants, le jour de la Pentecôte et les deux
jours suivants, tous les jeudis depuis Pâques jusqu'à la Fête-Dieu
et chaque jour de l'octave de cette fête. Une neuvaine de saluts fut
commencée le 19 juillet. Enfin, en octobre, on arrête que l'on donnera
la bénédiction du Saint-Sacrement chaque jeudi de l'année. (1)
Dans la suite, les évêques accordaient facilement cette permission.
Seulement, à cause du petit nombre des habitants, ils durent faire des
règlements spéciaux. Nous n'avons pas les Ordonnances de Mgr de
Laval à ce sujet, mais celles de Mgr de Saint- Vallier nous ont été con-
servées et dans l'une d'elles, datée de Québec le 8 octobre 1700, le ver-
tueux prélat s'exprime ainsi : " Nous désirons autant qu'il sera possible
qu'on ne donne dans les villes qu'en une église des Paroisses ou des Com-
munautés Eeligieuses qui y sont, la bénédiction du Saint-Sacrement,
chaque Dimanche et Fête de l'année. Que si, pour des raisons que nous
avons approuvées. Nous permettons que l'on donne la bénédiction du
Samt-Sacrement en deux églises, en un même jour. Nous ne voulons
pas qu'on la donne en une même heure, mais en des heures différentes,
à cause du petit nombre d'habitants qui se trouvent dans chaque ville.
" Nous permettons, ajoute le prélat, que l'on donne trois fois chaque
mois la bénédiction du Saint-Sacrement. Dans les églises paroissiales
des villes, les premiers Dimanches du mois; dans l'église des Jésuites,
le Dimanche qu'ils auront choisi pour l'indulgence des âmes du purga-
toire, et, dans l'église des Eécollets le Dimanche qu'ils ont choisi pour
leur confrérie. Outre ce dimanche et les deux fêtes de leur Ordre, ils
pourront encore donner la bénédiction du S. Sacrement les jours de la
semaine que nous leur aurons permis ou pouvons permettre de la donner,
excepté les jours qu'elle se donnera à la paroisse." (2)
Dans la même ordonnance, Mgr de Saint- Vallier, arrête ce qui suit
au sujet de l'exposition du Très Saint Sacrement : " Nous désirons, dit-
il, que le Saint-Sacrement ne soit pas exposé dans un même jour en
plusieurs endroits différents, et pour cela. Nous marquons volontiers les
jours que chaque communauté le pourra exposer. Quoique notre pré-
décesseur n'ait pas jugé à propos, pour de bonnes raisons, de permettre
d'exposer souvent le Saint-Sacrement, néanmoins pour accorder quelque
chose aux instantes prières qu'on nous a faites, nous permettons aux
Communautés lleligieuses d'exposer, chaque année le Saint-Sacrement
( 1 ) Cf. Journal des Jésuites, aux dates indiquées.
(2) Statuts et Ordonnances, imprimés à la fin du Rituel, p. 103.
— 185 —
aux deux plus grandes fêtes de leur Ordre. Xous leur permettons aussi
de l'exposer dans leur église, pendant toute Foctave du Saint-Sacrement,
pourvu qu'elles le fassent honorer avec la décence requise, et qu'il y ait
toujours quelque personne qui y soit en station. Xous permettons en
particulier aux Eeligieux de la Compagnie de Jésus de l'exposer dans
leurs églises les trois jours qui précèdent le mercredi des Cendres." (1)
Le respect et l'amour des Canadiens d'autrefois envers la divine
Eucharistie ne sont-ils pas encore démontrés dans ces processions du
Très Saint-Sacrement dont le Journal des Jésuites nous parle, à plu-
sieurs reprises, (2) et auxquelles les autorités civiles ne manquaient
jamais de prendre part? Et oii trouver un plus l)oau témoignage de
foi et de confiance envers Jésus-Hostie que dans ces prières publiques
faites devant le Saint-Sacrement exposé durant les temps de calamités,
comme la guerre, la famine, les épidémies, etc. !
Xous pourrions citer de nombreux exemples de ces appels touchants
à la bonté et à la miséricorde du Dieu Eucharistique; nous nous con-
tenterons de quelques-uns.
Le 13 février 1661, le fevi s'étant déclaré dans une maison de la
basse-ville, à Québec, Mgr de Laval se rendit sur le lieu, portant le Saint-
Sacrement " à la présence duquel, écrit le Père Lalemant, quelques-uns
remarquèrent que le feu s'abaissa." (3)
Au printemps de 1T3T. la saison froide et tardive empêchant la se-
mence des grains, M. de Miniac, V. G., commande des prières publiques
avec exposition consécutive du Très Saint-Sacrement dans les cinq églises
de la ville. (4)
Les insectes menacent-ils la récolte des blés comme en 1743, l'évêque
fait donner pendant quinze jours la bénédiction du Saint-Sacrement
dans sa cathédrale. (.ï)
Deux ans plus tard, en 174-5. le bruit s'étant répandu que l'ennemi
se préparait à envahir le Canada, Mgr de Pontbriand ordonne aussitôt:
" que dans toutes les églises de ce diocèse le Saint-Sacrement soit exposé
le premier dimanche de chaque mois : à Québec, tous les dimanches dans
quelques-unes des églises de la ville." (C)) Et des prières seml)lables
furent encore ordonnées en 17.')6. après la dispersion des Acadiens, (7)
en 1757, 1759 et 1760.
Mais la vraie dévotion envers la Sainte Eucharistie ne consiste pas
seulement dans le culte extérieur, dans les manifestations plus ou moins
solennelles qui accompagnent le? processions, l'exposition et la bénédic-
tion du Saint-Sacrement, elle s'affirme encore et surtout dans la ré-
(1) Statuts et Ordoiniancps. j). 103.
(2) Voir années 1646, 1647. 1648, 16.50. 1651. etc.
(3) Journal des Jésuites, p. 291.
(4) Mandements des Evêques de Qiiébce. Vo\. I. |i. .")')0.
(5i Ibid. Vol. Il, p. 32.
(6) Mandements des Evêques, Vol. II. p. 4ô.
(7) Ihid., p. 109.
— 186 —
eejjtion du pain de vie, dans la ccmnimnion fréi|iionte faite avec les
dispositions convenables.
Quelle a été sur ce point la pratique de l'Eglise canadienne, sous le
régime français, par exe'mple? Le jansénisme ne s'est-il pas infiltré au
Canada au XVIIe ou au XVIIIe siècle et n'y a-t-il pas fait de ravages ?
Quelques historiens l'ont affirmé, (1) et plusieurs peut-être, en lisant
ces pages où Ton accuse quelques prêtres de jansénisme, en sont venus à
la conclusion que les sacrements de Pénitence et d'Eucharistie devaient
être à cette époque peu fréquentés.
Pour notre part, nous pensons qu'on a exagéré la diffusion de cette
erreur au Canada. Si l'on appelle Jansénisme la conduite blâmable de
certains prêtres, curés ou autres qui, se montrant très sévères au confes-
sionnal et à la Sainte Table, se contentaient pour leurs paroissiens, de
la communion pascale, nous avouons qu'il a existé en certains endroits,
même dans des temps assez rapprochés. Mais si l'on entend par Jansé-
nisme la doctrine proclamée par Jansénius, pratiquée et défendue par
Port-Eoyal et condamnée par l'Eglise, nous croyons qu'elle fit peu de
prosélytes au Canada.
Dans ses Mémoires sur la vie de Mgr de Laval, (2) Latour affirme
que cette erreur s'était glissée au Canada par le moyen des livres sur les
rites chinois envoyés au Séminaire de Québec et surtout grâce à la pro-
pagande faite par M. Varlet, évêque de Babylone. Et paraii les par-
tisans de ce dernier, l'auteur nomme, M. Villermaula de Saint-Sulpice,
MM. Thiboult, curé de Québec, et Glandelet du Séminaire, au sujet du-
quel il ajoute aussitôt : " Je crois cependant qu'on le soupçonnait mal à
propos." Et Latour avait raison. Nous avons été à même de connaître
par les écrits de M. Glandelet les sentiments religieux de ce digne prêtre
et nous pouvons dire que s'il fut janséniste, rien n'y paraît. On peut
en dire autant de M. Thiboult qui desservait la paroisse de Québec dans
ce temps même où au dire de l'auteur, " Mgr de Saint-Yallier montrait
beaucoup de vigilance et de zèle pour empêcher la propagation de ces
idées." (3) L'accusation portée contre M. de Villermaula par Latour ne
j.araît pas plu? fondée que les autres. (4)
Quant à M. Varlet, l'influence qu'il put avoir au Canada au point de
vue janséniste, est fort problématique, le futur évêque de Babylone n'y
ayant jamais exercé le ministère. Au reste, il n'y séjournera que quel-
nues mois, (ô)
(1) Latour, Mémoires sur la Vie de Mgr de Laval, Cologne, 1761, Vol. I, p. 49.
Garneau, Histoire du Canada, Québec, 1882, Vol. I, p. 197.
(2) Opère citato.
(3) Mémoires, etc, p. 50.
(4) Cf. Bibliothèque sulpicienne, vol. III, p. 15.
(r)) On a dit et répété (Liste Chronologique du Clergé) et Répertoire du
clergé que M. Varlet était venu au Canada en 1707, d'où il passa au Mississipi
en 1712. C'est une erreur. M. Varlet vint directomont de Paris au Mississipi en
1712. En 1717, il fit un voyage au Canada pour y recruter des missionnaires. Il
«n repartit en mai 1718. Retourné en France en 1718 il arriva a Paris le 30
novembre; le 19 février 1717, il était sacré évêque coadjuteur de Babylone.
Nous n'avons pu trouver aucune trace de son passage il Québec si ce n'est une
note oil il est dit qu'il y vient chercher dos missionnaires.
— 187 —
Quoi qu'il en soit de ces accusations, il est certain que sous le régime
français du moins, la communion était beaucoup plus fréquente qu'on
ne le croit généralement.
Examinons d'abord quel était l'enseignement des évêques et des curés
au sujet de la réception des sacrements de Pénitence et d'Eucharistie.
En 1663, sous l'inspiration de Madame d'Ailleboust et la coiuUiite du
Père Chaumonot, S.J.. s'était formée une pieuse association destinée à
honorer la Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph. (1)
Deux ans plus tard, le 14 mars 1665, Mgr de Laval approuvait la nou-
velle association et Térigeait eu confrérie pour tout le Canada. (2) Au
chapitre des pratiques recommandées aux Dames de la Sainte-Famille,
on lit ce qui suit: '* Elles se confesseront tous les quinze jours et bonnes
fêtes de l'année .... et communieront aux mêmes jours ou plus souvent,
sur l'avis de leur confesseur." (3)
Quelques années plus tard, en 1678, Mgr de Laval érigeait une nou-
velle confrérie dite de Sainte-Anne, " composée tant de maîtres menui-
siers que d'autres personnes d'honneur,'' et parmi les obligations qu'il
impose aux associés se trouve celle de se confesser et de communier '' le
jour de leur réception et une fois chaque mois." (4)
Comme son vénéré prédécesseur, Mgr de Saint-A^allier recommande la
fréquentation des sacrements de Pénitence et d'Eucharistie. Dans son
Rituel, par exemple, après avoir parlé des effets de la sainte communion,
il continue: ''Des effets si admirables doivent engager les curés h
exhorter les fidèles de s'approcher le plus souvent qu'ils pourront de cet
adorable sacrement...." (5) Et plus loin il ajoute: "Les curés ne
peuvent mieux faire paraître leur zèle envers le Très Saint-Sacrement,
qu'en exhortant et excitant la dévotion de leurs paroissiens envers cet
auguste mystère. Ils les engageront à l'honneur en plusieurs manières :
ou en établissant une confrérie en son honneur, ou en les disposant à com-
munier souvent et dignement afin qu'ils ne soient pas privés d'une nour-
riture si nécessaire et si avantageuse." (6)
On voit encore que, parmi les pratiques de piété que le prélat recom-
mande à. ses curés d'inspirer à leurs paroissiens, se trouve celle "de fré-
quenter dignement les sacrements de Pénitence et d'Eucharistie, au
moins tous les mois une fois." (7)
(1) Autobiographie du P. Cliaumonot — Copie ancienne — Archives du Sémi-
naire de Québec.
(2) Cf. La solide dévotion à la Sainte-Famille, Paris 1675, p. 9. Ce petit vo-
lume attribué il M. de Maizerets (Voir Gosselin, Vie de Mgr de Laval I. p. 601)
n'est pas commun. 11 lonfcrme. outre le mandement de Mgr de Laval, les brefs
d'indulgences, les llèylcnicnls de l'Association, etc.
(3) La solide dévotion, etc., p. 28.
(4) Mandements des Evêques, Vol. I, pp. 101-102.
(ô) Rituel. Ed. de Paris 1703, p. 163.
(6) liid. p. 169.
(7) Ibid, Statuts et Ordonnances, p. 62.
— 188 —
Les prêtres, curés ou missionnaires^ dociles à la voix de leur évêque,
prêchèrent, pour la plupart du moins, la dévotion à la Sainte Eucha-
ristie.
Dans un sermon pour la Fête-Dieu, en 1730, M. Plante recommande
fortement à ses auditeurs, les paroissiens de Québec, l'assistance à la
messe, la visite au Saint Sacrement et la communion. (1)
En 1743, M. Jacreau, prêtre du Séminaire, prêchant probablement à
la cathédrale et énumérant les moyens de salut que les chrétiens négli-
gent trop, indique "la réception digne et fréquente des sacrements." (2)
Dans une belle amende honorable faite en 1747, alors qu'il était des-
servant de la cure de Québec, le même M. Jacreau disait : " Quoi donc,
n'aurions-nous pas pu trouver une heure par mois pour pouvoir vous re-
cevoir ! . . . . Nous protestons, Seigneur, que nous serons fidèles à vous
recevoir fréquemment et avec toute la préparation et l'amour dont nous
serons capables."' (3)
Dans une autre occasion, en 1752, il prêche la dévotion au Saint-
Scapulaire et il engage les fidèles à profiter de toutes les indulgences
qu'oiïre cette confrérie : le jour de la réception, le 3e dimanche de chaque
mois, aux principales fêtes de la Sainte Vierge, etc. (4)
En 1756, M. Eécher, dernier curé de Québec sous la domination
française, recommandait aux parents de veiller à ce que les enfants fré-
quentassent souvent les sacrements de Pénitence et d'Eucharistie. (5)
IsTous avons sous les yeux une Exlior-tation du même curé pour la com-
munion générale des enfants, le 14 Janvier 1748. Nous n'en citerons
qu'un passage: "Cet enfant, dit-on, fréqiiente les sacrements; il com-
munie tous les mois, même plus souvent, et cependant il ne change point,
il est toujours le même, toujours désobéissant, orgueilleux, toujours mé-
disant, paresseux, indévot, comment cela se fait-il? La raison n'en est
pas difficile à trouver: c'est que pour vivre chrétiennement il ne suffit
pas de recevoir souvent les sacrements, mais il faut les recevoir avec les
dispositions convenables. . . " (6)
Et pour terminer cette preuve un peu longue peut-être, mais que nous
avons considérée comme importante, qu'on nous permette de citer un
article du règlement du Petit Séminaire de Québec, règlement qui date
de 1683 ou environ. " Les enfants, y est-il dit, se confesseront tous les
" samedis ou veilles de fêtes qu'ils communieront.
" Ils communieront ordinairement tous les quinze jours et toutes les
" grandes fêtes de Notre-Seigneur, de la Sainte-Vierge et des Apôtres.
" Le Directeur pourra néanmoins l'accorder plus souvent à ceux qu'il en
"jugera dignes; ils feront au moins un quart d'heure d'action de grâces
(1) Archives du Séminaire de Québec.
(2) Ibid.
(3) Archives du Séminaire.
(4) llia.
(5) lUd.
(6) Archives du Séminaire.
— 189 —
après la communion et se tiendront tout le jour plus modestes qu"à l'ordi-
naire."' (1)
Tous ces documents ne laissent aucun doute sur l'importance que le
clergé attachait à la réception dos sacrements de Pénitence et d'Eucha-
ristie et prouvent que la communion mensuelle et même plus fréquente
était fortement recommandée aux fidèles : voyons maintenant comment
dans la pratique, ceux-ci ont écouté la voix de leurs pasteurs.
Dans la Relation de 1634, le P. Le Jeune écrivait à propos de la Cha-
pelle de Notre-Dame de Eecouvrance : " qu'elle a donné une belle
commodité aux Français de fréquenter les sacrements de TEglise. ce
qu'ils ont fait aux bonnes fêtes de l'année et plusieurs tous les mois.'" (2)
Il disait encore dans la Eelation de 1G37: "Il s'est passé peu de
Dimanches et Fêtes, pendant l'hiver que nous n'ayons vu et reçu des
personnes à la table de Xotre-Seigneur. Et tels qui de trois, de quatre
et cinq ans ne s'étaient pas confessés en l'Ancienne-France, s'approchent
maintenant en la Nouvelle plus souvent que tous les mois de ce sacre-
ment si salutaire." (3)
On lit encore dans la Pelation de 1640 : " Les habitants de ce nouveau
monde.... fréquentent souvent les sacrements de vie." (4)
Le Père Eagueneau rapporte dans la Relation de 1651 qu'à Québec,
chaque maison avait pris un saint pour Patron et fait un vœu public, que
chacun se confesserait et communierait au moins une fois le mois.'' (5)
M. Dollier de Casson rapporte que les soldats en garnison au fort
Sainte- Anne, (Ile Lamothe), durant l'année 1666, communiaient très
souvent." (6)
Vingt ans plus tard, Mgr de Saint- Vallier, tout surpris de trouver tant
de ferveur dans les missions, même les plus éloignées, écrivait : " Les
Français s'y sont conservés dans la pratique du bien, et lorsque le mis-
sionnaire qui a soin d'eux fait sa ronde pour aller administrer les sacre-
ments d'habitation en habitation, ils le reçoivent avec une joie qui ne se
peut exprimer; ils font tous leurs dévotions, et on serait surpris si quel-
qu'un ne les faisait pas. . ." (7)
C'est encore le même prélat qui en 1690, après s'être plaint de la pro-
fanation que l'on faisait des choses les plus saintes ajoutait : " Ce re-
proche n'est que trop bien fondé dans un pays où on approche si souvent
des sacrements. . ." (8)
(1) Archives du Séminaire.
(2) Ed. de Québec, p. 2.
(3) Ibid, p. 7.
(4) Ibid, p. 5.
(5) Ibid p. 2.
(6) Histoire du Montréal, p. 190.
(7) Etat présent de l'Eglise, p. 84.
(S) Circulaire pour engager les habitants du pays à se bien défendre contre
les Anglais. Mand. des Ev., p. 266.
— 190 —
" Eien de plus fréquent que la communion dans cette colonie," s'écriait
i\n jour M. de la Colombière dans un sermon sur l'Eucharistie. (1) Et
ce vertueux prêtre, qui fut chanoine, grand vicaire de Québec, conseiller-
clerc, etc., était à même de savoir ce qui se passait au pays où il vécut et
travailla durant de longues années. (2)
A ces notes déjà trop longues, nous aurions voulu en ajouter quelques-
unes touchant la dévotion à TEucharistie dans les communautés reli-
gieuses, particulièrement celles de femmes. Il nous aurait été agréable
de dire comment une Marie de l'Incarnation, une Marguerite Bourgeoys,
une Jeanne Mance ou une Catherine de Saint-Augustin pour ne citer
que celles-là, pratiquaient la dévotion au Très Saint-Sacrement, et com-
ment aussi elles savaient l'inspirer à celles qui vivaient sous leur dépen-
dance ou à leurs côtés. Mais puisqu'il faut abréger ce travail, nous nous
abstiendrons d'entrer dans les détails, nous contentant de rappeler à
l'admiration de leurs compatriotes, le nom de deux Canadiennes qui se
signalèrent par leur dévotion au Saint-Sacrement: la Mère Duplessis
de Sainte-Hélène, de l'Hôtel-Dieu de Québec, qui de 1717 à 1758, dis-
tribua dans les paroisses et missions du pays 222 pales faites par elle-
même dans ses moments de loisir et ses récréations, (3 ) et Jeanne Leber
qui, recluse volontaire dans une petite cellule du couvent de la Congré-
gation de Montréal, resta pendant vingt ans prisonnière du Saint-
Sacrement.
Dans ces pages très sommaires nous avons essayé d'esquisser l'histoire
de la dévotion à l'Eucharistie au Canada sous le régime français.
Si l'on en excepte quelques actes de sévérité outrée de la part de cer-
tains prêtres, surtout au commencement du dernier siècle, la dévotion à
l'Eucharistie demeura jusqu'à la fin du XIXe siècle, en pratique du
moins, à peu près ce qu'elle avait été sous le régime français. L'établis-
sement des Quarante-Heures et l'épanouissement de la dévotion au
Sacré Cœur de Jésus, dévotion qui remonte, au Canada, à plus de deux
siècles, sont venus à temps pour raviver et étendre cette dévotion à la-
quelle les décrets récents de Sa Sainteté Pie X devaient donner un
nouvel élan. (4)
(1) Sermon manuscrit conservé aux Archives de l'Hôtel-Dieu de Québec. Ce
document ainsi que plusieurs autres que nous n'avons pu utiliser faute d'espace,
nous a été communiqué par Mgr C. 0. Gagnon, P. A., à qui nous offrons l'ex-
pression de notre sincère reconnaissance.
(2) M. Joseph de la Colombière était frère du célèbre Jésuite de ce nom. Il
demeura près de trente ans au Canada et mourut à l'Hôtel-Dieu de Québec le
18 juillet 1723, avec la réputation d'un saint.
(3) Archives de l'Hôtel-Dieu. — Nous devons à l'obligeance de Mgr C. O.
Gagnon, la " TAste des pales faites et distribuées à différentes églises par la Ré-
vérende Mère Marie-Andrée Duplessis de Saint-Hélène et toutes accompagnées de
prières composées par elle.
(4) La fête au Sacré-Cœur de Jésus, fut établie aux Ursulines de Québec par
Mandement de ^fgr de Saint-Vallicr, le 30 mars 1700. Voir "Les origines de la
dévotion au Sacré-Coeur de Jésus au Canada"; par M. l'abbé L. Lindsay, Mont-
réal, 1900.
— 191 —
Le Père Le Jeune disait dans la Eelation de 1G37 : " Il est extrême-
ment important d'introduire de bonnes lois et de saintes coutumes en
ces commencements, car ceux qui viendront après nous marcheront sur
nos brisées et suivront aisément la pente que nous leur aurons donnée
soit à la vertu, soit au vice.''
Ces paroles écrites, il y aura bientôt trois siècles, sont encore d'actua-
lité. Xous les faisons nôtres en les appliquant au culte de la divine
Eucharistie. Que chacun de nous, selon ses mo3-ens, s'efforce de pra-
tiquer et de promouvoir la dévotion au Très Saint-Sacrement, la pre-
mière et la plus importante de toutes les dévotions. Ceux qui viendront
après nous marcheront sur nos traces et suivront nos exemples, et ainsi
d'âge en âge le peuple canadien-français, fidèle à ^•on ])assé. continuera
à rendre au Christ-Eoi les hommages de foi, de respect et d'amour qui
lui sont dus toujours et partout, mais particulièrement dans la Sainte-
Eucharistie. C'est là notre vœu le plus ardent.
Christus rivai, Christus régnât, Chnstus imperat.
Mgr Gagnoii, de Québec, nous parle ensuite de " la pratique
de la dévotion eucharistique dans le diocèse de Québec. ''
Le travail de M^t Caj^non est tout entier le résultat d'une
vaste et minutieuse enquête, faite à travers un vaste diocèse,
et qui donne à cette étude une grande valeur documentaire.
RAPPORT
SUR LA DEVOTION AU SAINT - SACREMENT
DAXS LE DIOCESE DE QUEBEC
La majeure partie de ce travail concerne la ])i'atique de la Sainte
Communion dans le diocèse de Québec.
Xous montrerons :
1° L'état de choses en 1909: — statistiques et répartitions:
2° Le progrès accompli dans les dix années 1900-1909:
3° Les obstacles rencontrés et les moyens pris pour les écarter.
Sous forme d'appendice, nou.s ajouterons un mot sur rn^sistance à la
Sainte Messe, la visite au Saint-Sacrement, l'étlucation eucharistique
des tout petits enfants et la communion fréquente chez les enfants qui
viennent de faire leur Première Communion.
Ce rapport a été fait à l'aitlo des réponses données j)nr ^lessieurs les
3
— 192 —
Curés du diocèse (1), auxquels a été transmis, par l'Ordinaire de
Québec, en février dernier, un questionnaire destiné à recueillir des
renseignements sur la piété et le culte eucharistique dans le diocèse de
Québec.
Ces réponses sont une documentation de premier choix, dont nou:
allons vous communiquer un résumé.
Ah ! les statisticiens passeraient quelques belles heures à parcourir ces
chiffres, à les comparer, à les coordonner par coefficients et proportions.
Mais ici il faut nous borner.
PRATIQUE DE LA SAINTE COMMUNION
A • — Etat actuel
Voici, pour l'an de grâce 1909, le nombre des communions dans le.
diocèse de Québec :
Dans les 212 églises paroissiales 4,352,000
Dans les chapelles et couvents 1,469,000
Ce qui nous vaut un total de 5,821,000
Vous entendez : cinq millions huit cent vingt et un mille
communions !
Mais ce chiffre en soi a peu de valeur, c'est la proportion qui fait tout.
Donnons donc ces chiffres proportionnels.
Le diocèse a une population catholique de 369,616 âmes, dont 244,018
communiants.
Nous avons donc une moyenne de 24 communions par communiant,
in gloho, paroisses et communautés. — Cette moyenne ne vous satisfait
pas, et vous avez raison. Vous voulez savoir combien l'on fréquente la
Sainte Table, abstraction faite des couvents, communautés, maisons reli-
gieuses et pensionnats. Eh bien, pour les 212 églises paroissiales, la
moyenne de communions dans l'année par communiant est de 19 !
Voilà, Messieurs, une belle moyenne, que peuvent nous envier nombre
de pasteurs des deux continents, même des régions encore foncièrement
catholiques.
(1) Douze paroiss(!S n'ont pu donner de renseignements; nous y avons suppléé
assez bien par les derniers rapports annuels, — par les témoignages des curés
voisins, — et (pour le nombre des communions) par les factures des fournis-
seurs de pains d'autel.
^ La iIÎ:OAILLE DU CoNCRtS.
t,
TiiE C'oxGiîEss ;Mei)al.
K. I'. l'ri.i.KTii;!!. s. s. s..
Secr^itaiiH' (ir-ni'-ial <ln < oiiurt^s.
GciHM-al Si-c-ictary of tli.- (nii-ri-ss.
193
Comment se répartissent ces 5 millions 821.000 communions ?
a) D'après les jours
Chaque jour "ouvrier" (nons on avons environ 300 dans l'année), il
se donne dans nos paroisses 6644 eouimunions, soit une moyenne de 3
communions par 100 communiants. Cette moyenne se trouve dépassée
en certaines paroisses :
Dans 11 paroisses elle est de 1 %
9 '• " " " 5 %
« 6 " " " " 6 %
« 4 " " " " 7 %
Trois enfin tiennent les premiers ranofs avec 9, 12 et même 20 % !
Qu'il me soit permis de nommer ici ce lauréat de TEucharistie : c'est la
paroisse rurale de Saint- Alban (comté de Portneuf).
Yoilà pour les Jours sur semaine. Voici maintenant pour le jour du
Seigneur, le Saint Jour du dimanche.
Chaque dimanche et jour de fête, 19,637 communions sont distri-
buées dans nos 212 paroisses. (Encore une fois, il n'est pas question
des couvents et de leurs œuvres.)
19,637 communions, donc une moyenne de 8 coinnui nions par 100
communiants.
5 paroisses comptent de 10 à 20 %
5 autres " de 20 à 30 %
1 arrive avec 36 % !
Quand il s'agit- des communions mensuelles, ce qui était du " luxe ",
il y a un quart de siècle, est devenu un bon ordinaire, et encore! cet
ordinaire est insuffisant à heaucou]). Deo ffratias!
Kion c|ue jjour le premier vendredi de chaque mois, nous comptons
45,000 communions.
Soit une moyenne de 18 pour 100 communiants.
39 paroisses vont plus haut avec une moyenne de 2.') %.
39 autres avec 35%.
10 montent à 50%
et cinq se disputent la palme avec 66 ou 70% ! TTeureuses paroisses!
7
194 —
*
* *
Viennent dans l'année les circonstances " eucharistiques " : Missions
et Eetraites, Jubilés et Triduums, Quarante-Heures et " grands con-
cours " : . . . Tous les fidèles seront là, à la Table Sainte ; dans beaucoup
de paroisses, non pas seulement une fois, mais deux, trois, quatre fois. , .
autant qu'il sera possible.
Telle est la répartition de nos communions d'après les jours. Si nous
la faisons maintenant.
h) D'après les lieux
nous constaterons une noble émulation entre la ville et la campagne.
Xous avons dit que la moyenne de communions par communiant avait
été, en 1909, pour les paroisses (retenez le mot) du diocèse, de 19.
Les paroisses de la cité de Québec s'adjugent 1,036,763 communions,
lesquelles réparties entre les 49.435 communiants, fournissent comme
moyenne 20.9, en chiffres ronds 21 !
Le reste du diocèse, petites Aalles, villages et paroisses rurales, auront
alors une moyenne de 17. C'est moins, mais les grandes distances à
parcourir pour se rendre à l'église, les difficultés du ministère là où il
n'y a qu'un seul prêtre, les travaux de chantiers vous diront assez pour-
quoi.
Il y a plus encore : certaines paroisses de campagne nous donnent une
moyenne vraiment exemplaire :
Nous en comptons 37 qui ont de 20 à 25 communions par commu-
niant, et 20 qui ont de 25 h 30 communions par communiant, au-dessus
desquelles émergent Plessisville (comté de Mégantic), avec 33 et Saint-
Denis (comté de Kamouraska) qui surpasse tout avec 35 (1).
Bien entendu que, dans ces chiffres, la grosse moitié appartient au
sexe, qu'on a nommé le sexe dévot. Toutefois, ce qu'il faut constater
avec plaisir, c'est que, dans 127 paroisses, les jeunes gens so présentent
plus nombreux (prautrefois à la Sainte Table, grâce aux associations qui
les unissent et en font de bons chrétiens.
(1) Les rapports fournis dirccteinent par lo curé, donnent un total de 11,300
communions pour le premier semestre de 1910, ce qui portera, pour cette année,
la moyenne des communions >\ 39.
— 19.:; —
En bon nombre de paroisses, une quarantaine, on voit les garçons
communier plus souvent que les gens mariés. Dieu soit béni ! Dans une
forte paroisse de Québec, depuis deux ans, un progrès " immense " s'est
opéré.
En règle générale, il y a augmentation notable de communion? cliez
les hommes, spécialement dans la jeunesse.
B • — Progrès accompli
Xous parlons d'augmentation. Ici il nous faudrait une nouvelle sta-
tistique. Celle que nous venons de donner ne concerne (]ue Vétat actuel
de la pratique de la Sainte Communion. Mais ce n'est que la moitié
de la question. Un bon statisticien cherche surtout à connaître le
mouvement, le progrès.
A ce point de vue. nous avons moins de doctiments à fournir, mais ce
que nous pouvons offrir suffira à vous donner tme idée du mouvement
général.
Grâce aux renseignements donnés par les communautés religieuses
qui font les pains d'autel, nous constatons dans le plus grand nombre
des paroisses une progression inespérée. Voyons la comparaison dans
les dix années (1900-i'909) :
Une paroisse passe durant ce temps de (i.OOO à :^2,600
Une autre " '• '• IT^OOO à 62,000
i( a (( a (i
'•
a:
a
«
et
(C
a
ce
a
4,960 à 15.400
" " " " " 4,500 à 12.600
3,700 à 9.200
4,800 à 12.300
2,800 à 7.000
6,400 à 17.000
5,000 à 12,000
3,400 à 7.20O
58,000 à 113,000
7,000 à 14.500'
12,500 à 26,500
6,675 à 12^918
92,000 à 173.700
150,000 à 266,000
(i Ci ce ce ce
ce ce ce ce ce
ce ce
ce ic ce ce ce
ce ce te ce ce
ce ee ce ce ce
ce ce ee ce ee
ce ce ce ee ce
ce ce ee ee ce
ce ce ee ce ce
ce ce ce ce ce
ce ce ee ce ce
Dans les communautés et maisons d'éducation, la progression est à peu
près la même :
l'une passe (1900-1909) de 1,000 à 10,000
une autre ])asse (1900-1909) de 17,600 à 54,800
41,500 à 81.500
ee
ee
25,700 à 50.000
104,000 à 156,000 (1)
(1) Dan 5 un collège classique, le nombre des communions est monté, dans les
trois dernières années scolaires, de 35,000 a 55,000.
— 196 —
Mais je commence à abuser de votre bonne volonté avec cette ava-
lanche de cliiffres. Passons vite au résumé de ce progrès opéré en 10
ans:
En 1900: sur une population de 325,000 nous avions 211,000 com-
muniants.
En ]i)09: sur une population de 369,000 nous avions 24-1,000 com-
muniants.
En 1900 En 1909
3 millions 868,000 communions 5 millions 821,000
Moyenne in ffl oh 0 13.6 24
Dans les maisons religieuses et
d'éducation) 588,000 1,469,000
(Dans les paroisses. . ..2,210,000 4,352,000
Moyenne de communions par
communiant dans les paroisses
seulement lOy.^ . 19
*
Cette progression dans la fréquence de la Sainte Communion a eu
pour résultat, vous le devinez, la progression dans la vertu et la diminu-
tion du règne du péché.
" Le bien augmente en proportion des communions ".
Bien des désordres ont cessé ou à peu près, depuis les décrets de 1905.
Ici c'est rivrognerie qui diminue beaucoup, là c'est le blasphème, ce sont
les danses mauvaises qui disparaissent.
Mais surtout le vice est battu en brèche : '' Pour notre jeunesse, le seul
grand moyen de lutter contre le vice, c'est la communion fréquente.
Combien ne sont pas guéris et corrigés par l'Eucharistie?
Et puis, l'éducation des enfants ! Comment résister au courant du
libéralisme qui corrompt l'éducation ? Grâce à l'Eucharistie, les enfants
sont plus soumis, les parents plus exemplaires et plus vigilants.
Enfin le peuple fidèle est plus chrétien, moins routinier et plus con-
vaincu. Tl aime mieux son église et son curé, il parle plus souvent et
plus fidèlement à son Dieu.
La parole du Sauveur ne peut faillir: " Qui manducat meain carnem,
in me manet et ego in illo ".
* *
Mais je devine facilement (jue vous ave;^ une question à me poser.
"Vous nous mettez sous les yeux l'aspect consolant — seml)lez-vous me
dire, — montrez-nous un peu la contre-partie... Parlez-nous de ceux
qui ne communient pas même à Pâques. Combien sont-ils?"
Voici les réponses de Messieurs les Curés :
Dans 81 paroisses, tous les fidèles communiants sans exception font leurs
pâques.
" 29 " on compte 1 abstention,
a 34 « '^ " 2
u 09 ii a a o «
— 197 —
Sur k" total de 244.000 eoinniuniants du diocèsi', il y en aurait 1418
qui n'accomplissent j)as leur devoir pascal. Et sur ce nombre les deux
tiers reviennent, comme Ijien vous pensez, aux sept grandes paroisses de
la ville de Québec.
La grande moyenne reste donc de 6 pour lUOO. C'est encore bien
trop, sans doute, mais combien de pasteurs et d'âmes zélées sur Fun et
l'autre continents voudraient n'en pas déplorer de ])lus triste!
Fermons la parenthèse, et constatons que soit comme état, soit comme
mouvement. Québec peut offrir au Saint- Père une gerbe bien consolante
par sa richesse et sa l)eauté.
C — Obstacles
X"allez pas croire (pie ces résultats se soient a])érés sans effort.
Xos campagnes offrent une moyenne annuelle (1909) de 17.3 com-
munions par communiant.
Pour qui connaît nos paroisses rurales, vastes comme des diocèses ita-
liens. — la longueur des distances qui séparent les fidèles de leurs
églises (1, 2. 3 lieues!) — le mauvais état des chemins (19 fois sur 20).
— les intempéries des saisons, les rigueurs et la longue durée de l'hiver.
— le groupement des hommes dans les chantiers, durant le tiers ou la
moitié de l'année, à vingt ou trente lieues de toute église. — le nombre
considérable des enfants qui retient la mère de famille à la maison: —
on ne pourra s'empêcher d'admirer la bonne volonté de notre peuple
pour se rendre à la Sainte Table.
Plût au ciel qu'il n'y eût d'autres obstacles que ceux-là ! La routine
et l'insouciance. — la mollesse et la lâcheté, — un reste de préjugés
jansénistes, — l'amour des plaisirs mondains, l'inconduite, les divertis-
sements dangereux (théâtre.^, vues animées,....) — i)ai-fois aussi une
sourde opposition de la part de la famille et des voisins — et chez cer-
tains parents une crainte ridicule pour la santé de leurs enfants qui
devront se lever de bonne heure. . . : tout cela paralyse l'âme et la retient
dans son apathie et son terre-à-terre.
D — Moyens
Mais nos pasteurs ont attaqué l'ennemi de front. Tous les moyens
ont été employés: prédication, — exhortations au confessionnal, —
triduums eucharistiques, — facilités pour l'heure de la confession et de
la communion, aux ouvriers, "habitants" et mères de famille, — distri-
butions de revues, brochures, images, tracts " orl hoc", — célébration
plus solennelle des Premiers Vendredis, — apostolat auprès des enfants,
— établissement ou réorganisation <les confréries du Saint-Sacrement,
etc., — tiers-ordre, etc., — zèle des instituteurs et institutrices (par
— 19S —
mallieur, le zèle des institutrices laïques n'est pas toujours ce qu'il de-
vrait être).
Aucun de ces moyens n'a été employé en vain. Parmi ceux qui don-
nent les plus beaux fruits, mentionnons (d'après les rapports de MM.
les curés) :
Dans un grand nombre de paroisses : assiduité au confessionnal.
Dans 25 paroisses : confréries et réunions de jeunesse.
Dans 20 paroisses: travail sur l'âme des enfants.
Dans 13 paroisses: prédication eucharistique (persistante).
Ailleurs : la dévotion au Sacré-Cœur et la Communion des premiers
vendredis... (avec une seconde communion pour les âmes du purga-
toire).
Ailleurs les " concours ", — les " chaînes de communions ".
Dans une paroisse rurale: l'exemple du personnel du presbytère, au-
quel le curé donne toutes facilités pour entendre la Sainte Messe, se
confesser et communier (1).
RENSEIGNEMENTS SUPPLEMENTAIRES
On peut affirmer d'une manière générale que l'assistance au Saint
Sacrifice a profité de l'élan des âmes vers la Sainte Table. Dans quelle
proportion ?
En cette matière, on ne peut exiger une rigoureuse exactitude de
chiffres. Voici pourtant des moyennes fournies par des prêtres sérieux:
Parlons d'abord de la ville de Québec. Quatre paroisses donnent les
nombres suivants :
telle paroisse de 5,546 âmes comi)te 500 iiersonnes
15,073 " " 1,000
12,044 " '' 750
12,224 " " 700 "
qui assistent aux diverses messes chaque jour de semaine.
Pour la campagne, nous avons comparé le chiffre de l'assistance à la
messe en semaine avec celui des familles du village:
Dans 47 paroisses, le nombre des assistants égale le nombre des fa-
milles dnns le village.
Dans 30 paroisses, le nombre des assistants dépasse le nombre des
familles dans le village.
ce
a
ce
Ci
ce
ce
ce
ce
ce
(1 ) " Je donne, dit le curé, le temps d'entendre la messe tous les matins et de
faire leur visite au Saint-Sacrement tous les jours aux personnes de mon pres-
bytère. De même, ma voiture est il leur disposition, lorsqu'elles désirent aller
se confesser; et, par ce moyen-là, elles communient tous les jours ou presque
tous les jours ".
— 199 —
Dans 7 paroisses, le nombre des assistants double le nombre des fa-
milles dans le village.
Dans 3 paroisses, le nombre des assistants triple le nombre des
familles dans le village.
Dans 1 paroisse, le nombre des assistants quadruple h nombre des
familles dans le village.
Cela nous donne donc 88 paroisses sur 212, où l'assistance à la messe
est en honneur.
Ajoutons ceci, c'est qu'à la question suivante : '• chaque famille du
village est-elle représentée à la messe quotidienne au moins par quel-
qu'un de ses membres?" — 54 curés ont répondu affirmativement (soit
le quart des paroisses).
L'assistance à la messe, en semaine, dans bon nombre de paroisses
(même dans la ville), n'est pas encore ce qu'elle pourrait et devrait être.
Dans un grand nombre de familles, on se couche trop tard et. le matin,
on reste au lit.
Quant à la visite au Saint-Sacrement, moins faciles encore à recueillir
sont les statistiques. Voici pourtant quelque chose de précis:
Dans 37 paroisses, outre les Quarante-Heures, il y a des jours (de 3
Dans 37 paroisses, outre les Quarante-Heures, il y a des jours (de 3
à 60 par an) où le Saint-Sacrement reste exposé toute la journée. Et
alors, presque toujours, il y a des heures spéciales d'adoration en com-
mun pour les diverses catégories de fidèles : enfants, garçons, filles, gens
mariés.
118 curés nous ont répondu que la visite au Saint-Sacrement est en
lionneur dans leurs paroisses.
Dans les paroisses de la ville, cette dévotion tend à se répandre de
plus en plus.
Dans la grande majorité des paroisses dii diocèse, la prière du soir
(souvent suivie du chapelet) se fait en commun à l'église.
Les moyens employés pour favoriser le culte de la Sainte Eucharistie
sous toutes les formes, (spécialement l'assistance à la Sainte Messe et la
visite il l'Hôte de nos tabernacles), sont, entre autres:
Les confréries eucharistiques (celle du Saint-Sacrement dans 62 pa-
roisses),. ... et du Sacré-Cœur.
Les solennités eucharistiques (exposition du Saint-Sacrement).
La prédication des " motifs " de cette dévotion.
L'action du prêtre sur l'enfance et la jeunesse.
La diffusion des publications eucliaristiques, (revues, l)rochures, etc.)
— 200
4e
jSTous avions demandé à nos correspondants quelle serait d'après eux
" la niétliode pratique pour inspirer aux enfants, dès le premier âge, une
grande dévotion au Très Saint-Sacrement."
Ils sont presque unanimes à recommander au curé l'éducation eucha-
ristique des parents (de la mère surtout) et des institutrices, qui à leur
tour exerceront un véritable apostolat sur les enfants, même les tout
petits.
Les prêtres ont de plus un apostolat tout particulier à exercer direc-
tement sur les enfants, au catéchisme et dans les réunions spéciales ; et
cet apostolat n'est jamais aussi efficace que quand il s'exerce par l'ex-
emple en même temps que par la parole. Ils doivent exiger que le sa-
cristain et les enfants de chœur soient à l'église un sujet d'édification
pour les fidèles, surtout jjour les petits.
Pour terminer, ajoutons un mot sur la communion fréquente chez les
enfants qui viennent de faire leur Première Communion.
Tout en conservant la deuxième communion solennelle (un mois ou
trois semaines après la première), il y a près d'un tiers des paroisses où
les enfants, en partie, communient dès le lendemain, continuent pendant
quelques jours, quelques semaines au plus, puis prennent l'ancienne cou-
tume de tous les mois.
Il y a cependant une tendance générale et prononcée à faire commu-
nier ces enfants au moins toutes les semaines.
Quand il y a dans la paroisse un pensionnat de garçons ou de filles,
les enfants y communient dès le lendenuiin, et continuent de le faire à
peu près tous les jours.
Dans les paroisses oii les enfants font la communion fréquente, " il y
a, disent les curés, augmentation de ])iété, — les enfants sont plus ver-
tueux, — ils conservent plus facilement leur innocence ".
Voilà, en résumé, le résultat de notre enquête. Vous en conclurez
que le diocèse de Québec ne fait ])as mauvaise figure dans le monde catho-
lique. Et pourtant " iniiK/iiain isatis"; il faut encore terminer, comme
les aml)itioux: toujoui'S plus haut! toujours davantage et toujours
mieux !
Et poui- préciser nous aurons deux vœux, l'un général, l'autre spécial:
Notre voeu r/énéral, c'est de voir le clergé, par la jjrédication eucharis-
tique " jersistante" et l'assiduité an confessionnal, presser le peuple
daraiitaf/e encore i ers la Sainte Tahle, — et populariser le plus possible
l'assistance quolidicnnr à la Scnnle Messe.
Notre voeu spécial est en faveur d'une classe d'hommes périodiquement
privée de secours religieux; je nomme les ouvriers des chantiers de
forêts. Trois, quntre, six mois de Vannée, ils vivent enfouis an fond des
hi:.s OiiATi:ri{s di- Concijks.
Sim:.\ki;i!s oi- tiii: C'oxciiiEss.
— 201 —
hois, à 4, 10, 1.") lieues de loute église. Généralement une fois par hiver,
deux fois au plus, ils auront la visite du prêtre, la Sainte Messe, les sa-
crements de J'énitence et d'Eucharistie. Aussi quel détriment pour les
âmes! Il faut lire les plaintes des curés sur l'état dans lequel leur re-
viennent ces pauvres bâcherons! Notre voeu c'est que ces plaintes aillent
droit au coeur des prêtres zélés, des missionnaires eucharistiques : la
guerre au péch" et le règne d" Jésns-IIostie feront aimer à plus d'un
ces longs et pénibles voi/ages d'hiver, cet apostolat populaire, cette sai-
son de privations et de fatigues. Quand viendra le beau jour, où nous
pourrons dire : Même au sein de nos iui iiieii.'<es forêls l'on communie fré-
quemment ?
En même temps que notre enquête se faisait dans les paroisses, les
directeurs et aumôniers des principales maisons d'éducation du diocèse
étaient invités à ré]iondre au questionnaire suivant : (1)
1° La pratique de la communion tréi|uente et quotidienne est-elle en
progrès dans votre collège depuis la promulgation du décret Sacra Tri-
dentina Synodus?
2° Quel est, chez vous, le chiffre des élèves, et quelle est la moyenne
des communions de chaque jour? Combien d'hosties consommées dans
l'année ?
3° Parmi les communiants, les grands élèves sont-ils en uuijorité?
4° Cette fréciuence de la comuiuniou a-t-elle produit chez vous des
fruits appréciables ?
5° Ces fruits quels sont-ils?
6° Comment est organisée et fonctionne chez vous la pratique de la
communion sur semaine?
Vingt-trois rapports ont été reçus et analysés.
X. B. — On pourra compléter ces renseignements par tous ceux qu"on
jugera utile d'ajouter.
Tous les directeurs et aumôniers proclament unanimement que la pra-
tique de la communion fréquente e,st en progrès dans Icui- pensionnnat,
depuis la promulgation du décret Sacra Tridentina Synodus.
Six rapports donnent une moyenne de ])rès des deux tiers des élèves
communiant chacpie dimanche ;
Six autres disent que ])rès de la moitié des élèves coin nui uicnt chaciue
jour;
Onze affirment que près des trois-quarts des élèves connnunient cha-
que jour.
(1) Emprunta A l'intéressante revue Lr l'rvirr cdiicatrur. jiiillcl lîlOO.
— 202 —
Ces onze derniers rapports se répartissent ainsi:
6 présentés par des pensionnats de filles.
2 " " " collèges commerciaux.
2 " " " juvénats.
1 " " ;in collège classique.
Quant aux fruits produits chez eux par la communion fréquente, voici
ce que les directeurs et aumôniers s'accordent à dire :
Pensionnats de filles. — " Un excellent esprit règne parmi les élèves.
Elles sont plus dociles, plus confiantes à l'égard des maîtresses, plus cha-
ritables entre elles — surtout la piété y a gagné."
Pensionnats de garçons. — - '" Le niveau de la morale a monté de beau-
coup. La règle est mieux observée. La tâche du directeur est devenue
plus facile." — ^ " Il v a plus de piété et d'application au travail, plus de
délicatesse de conscience. Moins de respect humain, pour toutes les
pratiques de la religion." — • " Dans les collèges classiques on constate
chez les élèves plus de déférence à l'égard des supérieurs. Le nombre
des vocations sacerdotales a augmenté."
Pour établir la pratique de la communion sur semaine :
1° On a rendu la confession facile, le plus possible, en laissant aux
élèves la liberté de se présenter au confessionnal aussi souvent que cela
peut être utile.
2° Le directeur ou l'aumônier prêche très souvent sur la Sainte
Eucharistie, a recours aux solennités eucharistiques, surtout au triduum
eucharistique demandé par S. S. Pie X.
Les nombreux et intéressants renseignements que contiennent nos
vingt-trois rapports seront utilisés par un des membres de notre comité
diocésain, qui a été prié de traiter devant le Congrès cette question spé-
ciale de la commwiion dans les 7naisons d'éducation.
Il y a dans le diocèse une portion chérie du troupeau, objet de la pré-
dilection du Dieu de l'Eucharistie : ce sont les communautés religieuses.
La voix de Pie X. ces saintes filles l'ont entendue, et avec joie. Mais
déjà, elles étaient des convives assidues de la Table sainte. Elles n'ont
fait que redoubler de ferveur, en venant s'asseoir au banquet tous les
jours.
Les religieuses se font aussi un devoir de développer l'amour de la
Sainte Eucharistie chez les orphelins, les malades et les invalides dont
elles prennent soin, et de les amener à la communion fréquente par leurs
douces invitations et leur exemple.
C'est une partie du diocèse, où, sur ce point, tout va pour le mieux.
Loué et aimé soit Jésus aii T. S. Sacrement de l'Autel !
— 203 —
Le rapport suivant est présenté par Mgr Emard, évêque
de Valleyfield.
DE L'INFLUENCE EUCHARISTIQUE
SUR L'APOSTOLAT
DES
PEEMIERS MISSIOXXAIRES
AU CANADA
L'unique ambition des premiers missionnaires au Canada était de con-
quérir un royaume immense à Xotre-Seigneur, et de lui gagner par la
foi et par l'amour le plus grand nombre d'âmes possible.
L'évangélisation d'un peuple infidèle est par elle-même une œuvre
qui dépasse, et de beaucoup, les seules forces humaines. Dans les cir-
constances même les plus favorables, elle demande et de façon plus
qu'ordinaire l'action surnaturelle de la grâce qui inspire, dirige, sou-
tient les apôtres, rend leur ministère efficace et par lui pénètre les âmes
sur lesquelles il s'exerce. Toute Tlnstoire do l'Eglise en est là.
Au Canada, le dévouement religieux devait se heurter de prime abord,
et faire face ensuite constamment, à des obstacles nombreux et qui cons-
tituaient par eux-mêmes des difficultés apparemment insurmontables.
Le pays très vaste, entièrement inconnu, offrait des différences topo-
graphiques et des variations climatériques presque indéfinies; ce qui
rendait les déplacements et les voyages extrêmement péniljles. La ])opu-
lation se partageait en un grand nombre de tribus, de mœurs et de
langues différentes. Ce qu'elles avaient de commun rendait encore plus
forte leur opposition naturelle à la lumière de l'Evangile.
Ces peuples étaient, pour la plupart, nomades, polygames, matériels,
superstitieux, d'instinct cruel, grossiers dans leurs croyances, dépourvus
à peu près complètement de tontes traditions religieuses ou simplement
spiritualistes. S'ils croient en la vie future, s'ils espèrent aller au ciel
c'est pour y manger du champignon, c'est-à-dire plus généralement pour
y jouir de tous les plaisirs des sens. Toujours en guerre les uns contre
les autres, ils ne savent que savourer la vengeance dans les abominal)les
tortures qu'ils infligent à leurs prisonniers.
En somme, tout bon sentiment qui pourrait devenir vertu leur est
étranger, tous les vices, même les plus honteux leur sont familiers. En
fait de religion ils ont bien le culte du Manitou, la fêle des morts, les
sacrifices offerts par intervalle à certaines divinités, les festins, les danses,
ils ont leurs jongleurs et leurs sorciers ; mais impossible de voir en tout
cela un point d'appui quelconque à l'action d'un prêtre qui se présente
soudainement pour prêclier la religion chrétienne, ses mystères, ses pré-
— 204 —
ceptes, ses grandeurs, ses beautés et ses promesses de bnnlieur et de vie
éternelle.
Ajoutons (jue le trafie de-l'eau-de-vie allait bientôt aggraver encore la
situation, et (pie des Héaux de toutes sortes, venant décimer les familles
au début même de leur apostolat, menaçaient de tourner contre les mis-
sionnaire une haine mortelle de la part des sauvages.
Avant d'aller plus loin, il faut insister sur ce qu'offrait de particuliè-
rement difficile la langue sauvage dans ses différents dialectes, A
raison même de leur mentalité commune, les sauvages qui avaient des.
mots pour désigner tous les objets matériels tombant sous leurs sens, ne
pouvaient offrir aux questions du missionnaire aucune expression capable
de rendre une idée tant soit peu abstraite. Comment donc arriver,
même après de longues études et de grands efforts, à leur expliquer ce
que c'est qu'un mystère, la grâce, un sacrement, l'Eglise, etc. . . . Bien
plus, l'Evangile lui-même, spécialement dans les paraboles ou dans les
discours de Xofre-Seigneur, parle de beaucoup de choses absolument
inconnues parmi ces peuplades, le sel, le levain, le château, les mon-
naies, etc.^ etc . . .
Le lexique indien, d'ailleurs très varié et d'acquisition difficile, sera
donc pendant longtemps sur les lèvres du missionnaire un moyen bien
imparfait de catéchisme et de prédication.
Les missionnaires eux-mêmes sont très pauvres, ils n'ont point de
présents à offrir à leurs néophytes, loin de là, ils leur sont à charge, leur
demandant un abri dans leurs cabanes ou sous leurs tentes, et une part
de leur pêche ou de leur chasse. Ils se plaignent doucement de n'avoir
pas reçu le don des miracles qui leur serait d'un secours si puissant.
Leurs personnes n'offrent rien de prestigieux, leurs vêtements sont bien-
tôt usés jusqu'à hi corde, et tout au plus" possèdent-ils un petit coffret qui
renferme tout ce qu'il faut pour dire la sainte messe. Là est toute leur
richesse, mais elle leur suffit.
C'est qii'en effet ces apôtres, poussés par une vocation sublime, ont
apporté avec eux la pensée, le sentiment qui dominera toujours dans leur
âme et qui dès le principe vivifie tous leurs travaux, c'est la pensée et le
sentiment eucharistique, c'est-à-dire que Notre-Seigneur est leur vie
unique, et cette vie, ils veulent la communiquer abondante et surabon-
dante à ceux vers qui ils sont envoyés. Le l)rasier s'allume avec eux.
sur nos plages, il ne s'éteindra plus, c'est le brasier de l'amour divin.
Au foyer eucharistique les âmes viendront innombrables renaître à la
vie surnaturelle, et s'enflammer au point qu'après deux ou trois siècles
écoulés, en relisant l'histoire de ces temps héroïques, on reste confondu,
d'admiration d('\aiit ce miracle de la grâce.
*
■X- *
C'est en la fête du Très ftaint-Sacremcnt que l'un d'entre eux. faisant
vœu de se consacrei- aux missions, prononce ces ])ai'oles: "Moi, étant en
la présence du Très Saint-Sacrement de votre corps et de votre sang
précieux .qui est le tabernacle de Dieu avec les hommes, etc., etc.''. . . .
— 205 —
Ces simples mots condensent tonte la pensée^ résunu'ut tous les senti-
ments des Missionnaires.
Ce tabernacle ils vendront l'avoir partout où ils se trouvcni. Leur
plus terrible perspective est de demeurer des semaines et des mois entiers
sans pouvoir dire la sainte messe, ni communier. Pour s'épargner ce
chagrin, ils feront des courses à travers bois, en raquettes, de dix ou
douze lieues parfois, i^our atteindre leurs pauvres cabanes et y offrir le
saint sacrifice. C'est du reste au Sang du Sauveur ainsi versé, auquel
ils sont prêts à mêler le leur, qu'ils attribuent l'extension merveilleuse,
dès le principe, de la connaissance et de l'amour de Jésus-Christ. Je
crois, disent-ils, que c'est de cet adorable sacrifice que ces bonnes âmes
tirent des lumières pour reconnaître les beautés de nos croyances, des
forces pour résister aux attaques de leurs compatriotes, et de la charité
pour leur porter compassion et les attirer à la participation de leur
bonheur.
Aussi avant toute chose, quand ils arrivent au milieu d'une tribu, leur
première préoccupation est-elle d'ériger un sanctuaire. Oh ! ces pre-
mières chapelles plantées sur le sol canadien, que leur histoire est tou-
chante !
C'est d'abord une simple cabane, celle même du missionnaire et dont
il fait deux pièces, séparées simplement par des couvertures. Le prêtre
habite avec son Dieu. Il n'y a rien de riche ((u'un autel où les anges
adorent tous les jours ce qu'ils voient de plus auguste dans le ciel. Puis
ce sont des écorces jetées sur cinq ou six perches, ou y dresse un petit
autel, sur le terrain humide et fangeux on étend une robe de caribou
pour servir de marche-pied. I"ne petite nappe de communion sépare
les fidèles d'avec les infidèles. C'est si pauvre et si cliétif (pie si le Sau-
veur du monde n'eût autrefois accepté lui-même le logement de Beth-
léem, nous aurions de la peine de lui donner une espèce de nouvelle
naissance en ce lieu, .qui n'est couvert cpie de méchantes écorces, par où
le vent entre de tous côtés.
Les premiers fidèles ont été bien vite épris du bonheur de posséder le
sanctuaire où réside Celui qui a tout fait. "Viens, disent-ils, nous te
ferons une petite église ou une nu^ison de prières pour y célébrer la
messe et pour nous y administrer les sacrements.'" Elle sera bâtie en deux
heures. Dix ou douze perches et quatre ou cinq rouleaux d'écorces com-
])oseronl tout l'édifice.
Le missionnaire arrive, le capitaine fait mettre tout le monde en cam-
pagne. Los jeunes hommes vont abattre des poutres et des chevrons^
c'est-à-dire de longues perches, les femmes apportent des planches, c'est-
à-dire des écorces, les filles vont chercher des tapisseries, c'est-à-dire des
feuilles de sapin. Tant d'ouvi'iers si lestes et si exjierts ont bientôt bâti
à Xotre-Seigneur un ])alais qui avait ])lus de rapport à celui de Bethléem
qu'au tabernacle dont saint Pierre donna l'idée sur le Thabor. Une
femme a fait un bénitier avec un cornet de bouleau. T es Pères fixent
autour de l'autel queli|ues images apportées de France et plus ou moins
artistiques, elles excitent naturellement la curiosité inquisitive des In-
diens. Le Saint-Esprit est représenté sous le symbole d'uP'^ colombe.
Ils demandent si ce n'est pas là le tonnei-re (ju'ils se représentent sous la
— 306 —
forme d'im oiseau. S'il y a deux images de la Sainte Vierge, le bou
Dieu a-t-il plusieurs mères ? Et ce n'est pas sans eiîort que Ton parvient
à éclaircir leurs idées trop naïves.
Mais du sein de ce palais, Jésus Eucharistique règne et étend graduel-
lement son empire. Les âmes viennent à lui comme par un attrait irré-
sistible, et dans toutes les bourgades s'élève la maison de prières. Une
chrétienne se dépouille de sa robe de castor : " j'en fais, dit-elle, une
offrande à Notre-Seigneur, ce sera pour tapisser notre cliapelle quand
on l'aura accommodée. Si j'avais quelque chose de plus, je le donnerais
de bon cœur afin que Dieu ait pitié de moi." C'est bien Notre-Seigneur
et lui seul qui appelle et captive les cœurs, puisqu'il n'y a point cet
appareil extérieur qui réveille et entretient la dévotion. La foi n'est
aidée d'aucune marque sensible de sa grandeur, non plus que les mages
jadis dans l'étable, mais Dieu supplée par une action plus directe de sa
grâce. Il récompense une ferveur plus méritoire et comble de ses béné-
dictions un ministère si entièrement privé de ressources et de consola-
tions extérieures.
Oh ! notre petite chapelle champêtre, je m'imagine que les anges du
ciel avaient les yeux collés sur ce spectacle, et qu'ils prenaient plus de
plaisir à voir ces saintes cérémonies pratiquées tout simplement dans une
église de feuilles et dans un sanctuaire d'écorces. que celles qui se
font avec tant de pompes sous le marbre et sous le porphyre des grandes
basiliques.
Une femme indienne qui a contribué quelque chose à l'embellissement
de la chapelle en est si heureuse qu'elle passe la nuit sans dormir, remer-
ciant Dieu de lui avoir inspiré d'imiter la veuve de l'Evangile.
Ces sanctuaires rustiques sont comme autant de forteresses élevées à
la gloire du Christ en plein pays satanique. Elles sont jetées ici et là
sur les rives de tous nos fleuves, le Saguenay, le Saint-Laurent, le Ei-
chelieu, l'Outaouais; en pénétrant dans l'intérieur du pays on donnera
à l'une des principales missions le nom du Très Saint-Sacrement.
Autant de fois que nous présentons au Dieu du ciel l'adorable sacri-
fice de l'autel en quelque nouvel endroit, il nous semble que nous en
bannissons les démons et que nous prenons possession de ces terres au
nom de Jésus-Christ, notre Souverain Seigneur et Maître, que nous dé-
sirons de voir régner pleinement dans les cœurs de nos Français, et dans
la croyance de nos sauvages.
La messe est pour les missionnaires leur force et leur consolation.
C'est la communion eucharistique qui les anime dans leurs travaux, les
soutient dans leurs souffrances, qui les réjouit même au milieu des tor-
tures, et s'ils vont jusqu'au martyre, c'est le souvenir des messes offertes
qui leur fait accepter les plus affreux supplices. Une femme vient de
couper, par ordre, avec une cruauté inouïe le pouce de la main droite du
Père Jogues. " Je vous le présente, ô mon Dieu ! dit-il, me souvenant
des sacrifices que je vous présentai sur vos autels depuis sept ans. J'ac-
— 2or —
cepte ce suppliée comme une amoureuse vengeance du manquement
d'amour et de respect que j'avais en touchant votre saint corps ".
Les chapelles sont bien aussi chères aux nouveaux convertis qu'aux
missionnaires eux-mêmes. Ils savent que Celui qui a tout fait s'y tient
enfermé dans le tabernacle. Ce dogme, si étranger par lui-même à
toute conception humaine, a été par eux accepté plus facilement que tout
autre, il allait droit à leur cœur. Aussi la chapelle est-elle leur maison
par excellence où ils aiment à entrer fréquemment pour faire leur prière.
S'ils sont au travail dans les champs, leur propre dévotion leur a en-
seigné à se tourner le corps et l'esprit vers le tabernacle où repose le
Très Saint-Sacrement parce que, disent-ils, je me sens attiré de ce côté-
là.
La chapelle a son tabernacle et dans le tabernacle il }• a Jésus-Christ,
Celui qui a tout fait, comme disent les sauvages, et qui est là renfermé,
prisonnier divin qui les invite, les attend, sera toujours prêt à les
accueillir, à écouter et à exaucer leurs prières, aussi bien qu'à recevoir
leurs hommages. Comme ils ont vite saisi cette vérité cependant si
incompréhensible. D'eux-mêmes, à la suite des explications rudimen-
taires qu'ils ont reçues, ils trouvent par comparaison des façons naïves,
si l'on veut, mais assez justes tout de même, d'exprimer ce dogme de la
présence réelle, voir même de répondre aux objections trop faciles des
infidèles.
Les mystères divins dépassent l'intelligence humaine, ils l'ont tout de
suite compris. " Dieu n'est pas un homme comme moi, dit un chef. Si
un chien, disais-je en moi-même, voulait songer quelles sont les pensées
des hommes, que devrait-il dire autre chose, si non que l'homme n'est
pas du tout de même qu'un chien. Eh bien. Dieu ne serait pas tout
puissant et ce qu'il est, si l'homme pouvait comprendre tout ce qu'il est."
" Oui, mes frères, croyons sans aucun doute parce qu'il l'a dit et qu'il
est Dieu tout-puissant, "croyons que Jésus-Christ est dans l'hostie, qu'il
est proche de nous et dedans nous lorsque nous communions. Il s'est
voulu cacher comme le petit enfant dans le sein de sa mère. Si la mère
ne croyait pas à la vie de son enfant et qu'elle voulût le voir avant le
temps, jamais elle ne le pourrait voir que mort et elle se ferait mourir
elle-même. Ainsi quiconque refusera de croire que Jésus-Christ est en
riTostie s'il ne le voit pas. jamais ne méritera de le voir. Attendons
que lui-même veuille se découvrir, et alors nous l'envisagerons avec
autant de joie qu'une mère voit son enfant dont elle a patiemment
attendu la naissance."
Cette pensée me surprit beaucou]), dit le missionnaire, l'entendant de
la bouche de ce chrétien. Ce qui est le plus étonnant, c'est que de telles
pensées viennent d'elles-mêmes à ces bonnes gens. Ce qui me fait avouer
que vraiment leur foi est un ouvrage de Dieu seul.
Il est bien admirable, et il seml)le qu'il faille voir en cela une mani-
festation spéciale de la miséricorde divine envers les pauvres sauvages,
que le mystère du Saint-Sacroment ait si facilement et comme de lui-
même, trouvé le chemin de leurs cœurs. On dirait qu'ils sont fiers
d'avoir le bon Dieu avec eux. Ils aiment à lui rendre visite. Ils se
— 208 —
tiennent longtemps devant lui, et ils lui rendent grâce en termes tou-
chants de ce qu'il a daigné les amener ainsi dans sa maison.
Ils lui apportent leurs enfants, les lui présentent ave-j les sentiments
d'une tendresse vraiment amoureuse. Ils parlent tout haut, on entend
cette prière : '' Toi qui as tout fait, tu sais tout, tu vois au-delà, bien loin
tout ce qui arrivera, voici mon enfant, si tu connais qu'il ne veuille point
avoir d'esprit quand il sera grand, s'il ne veut point croire en toi,
prends-le devant qu'il t'offense; tu me l'as prêté, je te le rends, mais
comme tu es tout-ii^uissant, si tu veux lui donner de l'esprit et me le
conserver, tu me feras bien plaisir."
Des orphelins vont d'eux-mêmes aux pieds de Xotre-Seigneur cher-
cher leur consolation : '' c'est vous qui serez mon père, qui serez ma mère,
puisque je n'en ai plus sur la terre."
Les sauvages ne partent jamais en voyage sans se rendi'e à l'église et
demander la bénédiction du Maître.
Le missionnaire est-il absent, la chapelle fermée, ils se mettent à
genoux devant la porte ou aux fenêtres, et prient quand même avec une
égale ferveur.
Les catéchumènes eux-mêmes éprouvent en présence du Saint-Sacre-
ment quelque chose d'indéfinissable, dont ils se rendront mieux compte
plus tard, après le baptême et à leur première communion. " C'est donc
cela, diront-ils, 'que j'avais tant de plaisir à m'approcher du tal)ernacle,
je n'y pouvais rien comprendre." Mais c'est bien la réflexion attendrie
des disciples d'Emmalis.
A certaines heures on les appelle à l'aide d'un vieux chaudron sus-
pendu à un arbre et qui sert de cloche. Ils accourent de partout.
C'est le dimanche, non seulement les fidèles de la bourgade se rendent
fidèlement pour la messe. On accourt de très loin, de cinq lieues, lors-
qu'on est au plus fort de la pêche ou de la chasse, que la neige et le froid
rendent le voyage pénible, en dépit des oragesi, souvent même en s'expo-
sant à tomber aux mains d'une peuplade ennemie. " Eh, quoi donc !
Dieu n'est-il pas avec moi, si je suis tué en chemin pourrais-je mieux
mourir, n'irai-je pas droit dans le ciel, puis-je craindre la mort quoique
je marche au milieu des périls, m'entretenant dans ces pensées! "
Pour guider leur piété le missionnaire a donné aux chefs un calendrier
de sa façon qui leur fait connaître le dimanche et les prinicpales fêtes,
Le chef avertit ses gens, personne ne voudrait manquer au précepte, dès
(|u'il est seulement possible de raccomplir. Il en est (|ui durant sept
ans n'auront manqué la messe qu'une seule fois, et encore par pur acci-
dent. Les catéchumènes eux-mêmes se rendent fidèlement, bien qu'on
ne leur permette pas de pénétrer dans l'église pendant le saint sacrifice.
Ce qui d'ailleurs active leur désir. Une mère infidèle apporte dans un,
berceau son bébé baptisé. Obligée de rester à la porte, elle tient son
enfant au bout des l>ras de inanière à se trouver par lui présente à la
messe.
De même ceux (pii oui commis (pielque faute tant soit ]H'\\ |)ul)lii|ii(^
doivent se soumettre à la pénitence que leur impose le missionnaire. Ils
l'aeceptent volontiers, pourvu (pi'avec le ])ardon on leur accoi'de l'aduiis-
sion à la messe. " Mon Dieu, disent-ils alors à genoux devant l'autel,
— 209 —
iaites-nioi miséricorde, je vous ai offensé, je vous en demande pardon.
Avez ])itié de moi. j'ai commis un «'rand ]>éché, mais vous êtes bon,
faites-moi misériiorde. je ne comnu'ttrai ])hi> jamais cette offense, je me
confesserai. Ayez pitié de moi et vous autres qui êtes ici assemblés,
priez pour nmi afin que Dieu me fasse miséricorde, je suis bien marri de
l'avoir fâcbé." Puis ils baisent la terre. Un des cliefs s'écrie: '^ prions
pour lui, afin (|ue Dieu lui fasse miséricorde.'' Et tout le monde à genoux
priait tout haut Xotre-Seigneur d'avoir pitié de ce pauvre pénitent. Ceci
ne nous reporte-t-il pas aux premiers temps du christianisme? Les mis-
sionnaires confessent (pie de 'pareils spectacles leur perçaient le cœur.
"Mon Père, dit un capitaine, j'entendrai la messe hore de l'église, je ne
mérite pas d'y entrer, — Pourquoi, lui dit le Père? — J'ai bu avec des
gens qui ont commis des excès. — As-tu excédé toi-même? — Xon, J'ai
bu avec ceux qui l'avaient fait. — Cela ne doit point t'em|)êcher que tu
n'entres dans l'église. — Je t? prie, mon Père, répond-il, que je sois
puni, afin que les auties haïssent la boisson qui nous perd."
Ces ])énitences publi(pu's, inspirées ])ar le resi)ect dû à la présente de
Dieu, vont ([uelquefois jusqu'à la discipline et au fouet. — "' Je vous sup-
plie. Seigneur, que ce que je sens maintenant sur ma chair, ce que je
sens par les coups de fouet efface les péchés que j'ai écrits mal à propos
sur votre livre. Seigneur! ayez pitié de moi qui ai mérité l'enfer et qui
vous demande pardon. Je vous abandonne mon corps et mon âme et
vous promets de vous être plus fidèle à l'avenir, moyennant votre grâce."
Ces châtiments étaient adoucis par le sentiment du profond respect que
ces nouveaux chrétiens comprenaient devoir porter à la maison du Sei-
gneur. Ce lieu est saint et terrible, c'est la vérité dont ils étaient avant
tout pénétrés.
*
* *
Du reste, cette crainte toute filiale n"em))êclie pas leur amour d'être
ardent et leur confiance d'être très vive. C'est ce qui inspire surtout
leur regret amer d'avoir été si longtemps privés des lumières de la foi.
Sachant que Jésus-Christ s'était premièrement donné aux hommes
sous les espèces du pain et du vin le jour (pii précédait sa nu)rt, ils té-
moignent de grands sentiments de reconnaissance. Ils lui demandent
très humblement pardon tous ensemble de ce qu'ils n'avaient pas rendu
auparavant tous les devoirs de vénération et d'honneur à cette adorable
victime et à ce divin sacrifice.
Ils entendent la messe avec une modestie et une piété qui ravissent les
missionnaires. Les enfants eux-mêmes y mettent une telle joie et une
telle attention qu'on les compare à leur avantage aux petits Européens.
Ceux qui servent à l'autel le font avec autant de grâce et de modestie
que s'ils avaient été élevés dans une académie hini réqléc.
Si par suite de l'absence des missionnaires il n'y a point de messe cé-
lébrée le 'dimanche, on se rend quand même en «rrand nombi-e à la vlia-
pelle. T^n des anciens ou des chefs dirige la prière et même, avec toute
l'assistance, fait les cérémonies habituelles de la messe. T^a même chose
se pratique dans les maisons, oii la famille réunie se figure être à l'église
— 210 —
auprès du Saint-Sacrement et procède, mais avec une dévotion réelle et
un grand sérieux, comme font nos enfants de chœur quand ils s'amusent
entre eux à dire la messe.
C'est qu'ils ont, ces sauvages, très sincèrement acquis le sentiment de
la réalité du sacrilice divin et de la présence réelle, et que la sainte messe
concentre effectivement pour eux toute la doctrine qui leur a été en-
seignée.
Aussi ne se contentent-ils pas de l'office dominical. Ils veulent en-
tendre la messe sur semaine et même, dans toutes les chrétientés aussitôt
organisées, ils vont autant qu'ils le peuvent à la messe quotidienne. On
leur a bien expliqué qu'ils n'y sont point tenus, que c'est affaire de pure
dévotion. " Père, ne nous dis point que Dieu n'est pas fâché si nous
n'assistons pas à la sainte messe, dis-nous seulement qu'il agrée que nous
nous y trouvions, cela suffit pour nous y faire venir. Les j^aresseux se
pourraient prévaloir de la moitié de ton discours." Plusieurs en ont
fait la promesse : j'irai tous les jours à la sainte messe, j'aimerai Dieu de
tout mon cœur, je le prierai souvent. Au son de la cloche ou à son dé-
faut au lever, du soleil, avec une diligence qui est ensemble une des causes
et un fruit de leur ferveur, souvent en s'imposant de véritables priva-
tions, malgré les intempéries, hommes, femmes et enfants accourent
comme invités à un festin.
La chapelle est trop petite, bon nombre entendent la messe dehors, au
milieu des neiges et du froid, avec autant de dévotion que si chaque jour
était un jour de fête. On en a vu entendre ainsi jusqu'à cinq messes à
genoux, ce qui était un véritable martyre pour des gens à qui pareille
posture était auparavant inconnue.
Un Français avait été tout émerveillé de voir tous les habitants d'une
bourgade, debout en un tour de main, enveloppés de leurs couvertes qui
servaient de robe et de lit, rendus à la chapelle en cet équipage. Les
voir entendre la messe, dit un missionnaire, ce me fut le plus doux ra-
fraîchissement que j'aie eu pendant ce voyage et qui a entièrement
essuyé mes fatigues passées.
* *
Si tel est pour les sauvages l'attrait de l'église et du sacrifice eucha-
ristique, que dire de leur désir de la communion et de la ferveur qu'ils
apportaient à la recevoir.
Pour les enfants, la première commiinion est l'oljjet d'une attente
anxieuse et d'une espérance très vive. Tout jeunes encore, à huit ans,
on les voit supplier le Père de les instruire au plus tôt. S'il les renvoie
ou fait mine de les remettre à plus tard, ils se jettent à ses pieds, le ca-
jolent et le supplient juscju'à ce qu'enfin on leur accorde les leçons de
catéchisme qu'ils implorent. Notre-Seigneur s'empare vite de leur
cœur. Ils se préparent au grand jour avec une ferveur incroyable. Ils
s'imposent même des jeûnes et diverses mortifications qui causent au
Père autant d'étonnement que d'édification. Si on leur demande pour-
quoi ils ont un si grand désir de communier, ils répondent que Jésus les
viendra baiser au cœur, et qu'il embellira leur âme.
— 211 —
Chez les adultes nouvellement bai^tisés, le désir est le même. " Je n'ai
point encore communié. Mon Père, je t'en prie, accorde-moi le bonheur
de la communion, je vais partir au loin, je ne sais si je reviendrai
jamais." Un autre: ''Mon Père, serait-ce donc à ce coup que je commu-
nierai? " Et cehii-ci, un capitaine s'il vous plaît: " Tu m'as toujours re-
fusé ce bonlieur, tu m'as remis du printemps à l'automne, j'ai eu peur
pendt-nt tout l'été de mourir devant que l'on m'ait porté à la bouche cette
nourriture de mon âme. Dieu m'a conservé la vie, me voici de retour,
que diras-tu maintenant? Xe m'afflige pas plus longtemps. Tu ne sais
pas, mon Père, combien mon âme est triste, si tu le savais, tu lui donne-
rais la communion qu'elle demande."
Les parents eux aussi veulent voir communier leurs enfants et s'em-
ploient à les préparer. Ainsi cette mère qui vient demander pour elle
et ses deux filles le pain de vie, voulant qu'on les instruise au plus tôt.
C'est le dimanche matin, elles espéraient communier ce jour même, le
seul Père qui est là n'entend pas leur langue, son confrère ne viendra
que dans la soirée, elles sont à jeun depuis la veille à midi, et cependant
elles attendent qu'il arrive. " Mais pourquoi êtes-vous restées si long-
temps ? " Cette (juestion les étonne. " Mais nous resterions volontiers
tout le jour, nous revicndro:is souvent, nou ne pouvons pas nous en-
nuyer ..."
Leur humilité n'est pas moins admirable et ils ont des manières à eux
d'exprimer leur pénitence et leur néant en présence d'un Dieu qui se
donne comme aliment au moment de communier : " Il me semblait que
j'étais comme une pauvre petite puce, et je m'étonnais qu'un si grand
capitaine voulût entrer dans le corps d'un si petit animal." Ils ne crai-
gnent pas de se proclamer publiquement indignes de communier, exagé-
rant même les fautes légères qu'ils peuvent avoir commises, et se
confessant plusieurs fois avant de s'approcher de la sainte Table. Avant
de recevoir ainsi Xotre-Seigneur, "ils étaient, disent-ils, comme de pau-
vres chiens qui ne mangent que ce que mangent les chiens et ne
connaissent d'autre nourriture."
Ils comprennent, comme le Père l'a dit. que le Fils de Dieu se cache
sous la blancheur du pain pour éprouver notre foi. '' Oui c'est vrai,
disent-ils tout haut dans l'église, nous avons beau nous déguiser, il vient
exprès dans notre cœur pour voir tout ce qui se passe. Il connaît bien
si nous croyons par feintise ou non. C'est pour cela qu'il se cache afin
de découvrir si nous avons de la malice dans l'âme."
Leur foi est si vive et leur ferveur si grande que le missionnaire ne
]:eut s'empêcher d'éc:ire : " Toutes les peines ([u'on a i)rises, toutes les dé-
penses qu'on a faites pour le salut des sauvages sont plus que suffisam-
ment payées par la conversion des âmes amenées à de pareils sentiments.
Si les sauvages pouvaient tirer ces phrases et ces pensées d'un autre livre
que celui de Jésus-Christ, je douterais s'ils disent vrai, mais non, la
source eu est absolument divine, c'est à elle que remonte leur amour
pour le sacrement de l'Eucharistie."
Ils comprennent ce ((ue c'est que la grâce sanctifiante, qui rend l'âme
belle aux yeux de Dieu et qu'il faut posséder pour communier digne-
ment. Eux-mêmes cherchent et trouvent autour d'eux des termes de
— 212 —
comparaison naturellement typiques. La grâce sanctifiante, c'est comme
nne peau de castor très belle, très soyeuse, très riche, sans déchirure,
([u"un père aimant son fils et satisfait de sa conduite lui donne en ré-
compense. Celui-ci est tout fier d'être ainsi vêtu et tout le monde
l'admire. Et son père lui-même l'en aime davantage. Il la conserve
tant qu'il se comporte bien, mais s'il lui arrive de se montrer ingrat et
d'offenser son père, celui-ci poiir le châtier enlève au fils coupal)le la
l)elle robe dont il l'avait enveloppé, nuiis il ne la dédiire ni ne la briile.
Oh non, il la serre précieusement, la tient en réserve et attend dans la
tristesse que son fils revienne à de meilleurs sentiments et lui demande
pardon. Au fils repentant et absous le père rendra la peau de castor.
X'est-ce pas la parabole de la robe nuptiale?
Ils goûtent sensiblement la communion. " Nous sommes venus toui
exprès pour nous confesser et pour recevoir Celui qui nous a faits ses
enfants par le baptême. C'est l'unique commerce et le seul trafic qui
nous amène." Et ces gens, qui sont venus de très loin avec grande fa-
tigue, reçoivent la communion avec mille bénédictions et actions de
grâces, et repartent pour leur chasse.
" Mon cœur est tout autre qu'il n'était, je sens je ne sais quelle douceur,
quelle joie inexprimable, avant j'étais comme un petit animal, renfermé
dans son trou et qui n'ose sortir. Il se présente, il sort à demi, mais la
peur le fait relancer dans sa tanière. Voilà comme j'étais avant d'avoir
]'eçu ce mets divin. Mon Sauveur a visité mon cœur, vous diriez qu'il
n'est plus dedans moi, qu'il vole dedans l'air, prêt à faire en quoi que ce
soit la volonté de Dieu." L'amour divin les transporte. " Il me semble
que rien au monde ne me saurait séparer de vous, dit une mère, je ne
crains ni la pauvreté, ni la douleur, ni la mort, je sens néanmoins que
j'aime ma petite fille, mais je vous aime l)ien davantage, si vous la
voulez, prenez-la, mon Seigneur, je ne vous quitterai pas pour cela, ni
pour chose aucune qui soit au monde."
Ne croirait-on pas relire saint Paul?
Ils disent tout haut, au sortir de la sainte Table, que Jésus-Christ est
le maître de leur cœur, possède leur esprit et les rendra robustes.
" A l'heure même que je communiai, je sentis Jésus-Christ dans mon
cœur et j'aperçus en même temps, que c'était lui qui m'élevait à soi et
m'enseignait ce que jamais je n'aurais su comprendre. J'avais été
jusqu'alors comme un homme qui s'égare ou qui craint de s'égarer au
milieu de la nuit, mais maintenant je marche en assurance comme nous
faisons en plein jour. Croyez, dit-il, tout ce qu'on nous enseigne, mais
surtout, croyez fermement que Jésus-Christ entre dans notre cœur lors-
que nous mangeons le pain sacré."
'' Après avoir reçu Notre-Seigneur, mon cœur est plein de joie, je ne
sais ce qu'il dit, je sais bien qu'il parle mais je ne l'entends pas. Il va
plus vite que ma pensée. Il me semble que ce que Dieu me fait est
admirable. Je tremble tant j'ai peur de salir ce qui est en moi. Il
m'est avis qu'on me dit dans l'âme qu'il faut que je sois bon, puisque
je crois en lui, et que je ne commette aucun mal."
" C'est la communion qui donne le courage, ce n'est point un mensonge
rpie Jésus-Christ soit dans riiostic. je Tv sentis après aAoir coniniunié,
mais je ne sais si depuis ce temps-là il denunire toujours dans mon cœur.
. —213 —
Car bien souvent, faisant tout antre chose, je nie sens tout tliangé,
comme s'il y avait en moi-même quelqu'un qui me parlât, et souvent je
lui parle sans dire mot, il me répond et je vois bien pour lors qu'il en-
tend mes désirs.'"
Ils s'entretiennent avec Dieu et s'animent nuituellement à l'action de
grâces. Quand vous avez communié, il faut regarder Jésus-Christ dans
votre cœur sans parler, il le faut adorer en silence et lui dire au fond de
votre âme : '' Oh Seigneur, je me donne à vous, prenez mon cœur, pos-
sédez votre pauvre créature, et quand vous lui aurez parlé quelque temps
du cœur, alors vous ])ourrez remuer vos lèvres." C'est une mère sauva-
gesse qui parle ainsi à ses enfants.
Avant la communion, on répétait à satiété l'invocation : Jésus, ayez
pitié de moi ! Au sortir de la sainte Table, on entendait : Jésus, je te
remercie ! Jésus, je te remercie !
On comprend (jue les sauvages s'éloignaient avec peine du sanctuaire
où ils avaient éprouvé de si douces jouissances : " Oh ! que j'ai eu de peine
à me résoudre à ce voyage. Il me semblait, cpiand je quittai la chapelle
pour m'eml)arquer, ([u'on m'arrachait le cieur, et jamais ie n'eusse pu
me résoudre à partir, n'était que j'espérais te trouver à Tadoussac et que
j'aurais le moyen de me confesser et de communier."' Ils reviennent
aussitôt qu'ils le peuvent pour retremper leurs âmes dans la communion :
" Je viens. Père, te dire qu'il me semble que je ne sens plus rien dans
mon cœur, il y a tro]) longtemps (jue j'ai reçu Celui qui a tout fait, je
t'en prie, fais-moi communier de nouveau pour renouveler mon courage."
Ils aiment à communier souvent, bon nombre même en viennent à la
commtinion fréquente, apportant cha(|ue fois le môme soin à s'y pré-
parer. Les missionnaires se voient même contraints de modérer leurs
désirs et leurs transports. Ils leur enseignent, et ils apprennent faci-
lement la méthode de la communi(Ui spirituelle, (pi'ils ])rati(|uent avec
une piété étonnante (|uand ils sont privés du bonheur de s'approcher
effectivement de la sainte Table.
Ce sont les malades surtout qui sentent le besoin de recevoir un ali-
ment qui leur tiendra lieit parfois de nourriture corporelle, dans lequel
ils puiseront la force de supporter leurs souffrances, et trouveront le
remède à leur faiblesse.
Aussi longtemps qu'ils le peuvent, ils se font transporter de leur lit
et de leur cabane à la chapelle pour y recevoir Celui 'lui a tout fait, (pii
est le maître de la vie, de la santé, de la mort et qui nutintes fois récom-
pensera par une guérison soudaine leur foi, leur amour et leur confiance.
Une jeune fille impotente est couchée ))ar terre sur une ])eau d'ori-
gnal, sa mère l'en envelo])])e et. aidée d'une autre femme, la transporte
à l'église où elle peut entendre encore une fois la sainte messe et rece-
voir la communion. Si on porte le bon Dieu dans une cabane pour le
donner en viati(|ue à un mourant, on l'accompagne tout le long de la
route avec une grande ]uété. récitant tout haut et en commun des
prières et des invocations appro])riées. A l'entrée d(^ Xotre-SeiLnieur
— 21-1 —
dans la maison, la foi du malade est si vive qu'elle lui donne des forces
étonnantes. 11 se lève de son lit, se jette à deux genoux en terre et
d'une voix mourante : "" Ici, mon Seigneur, je crois fermement que c'esc
vous qui venez pour me visiter, je me meurs dans cette foi, et dans le
repentir d'avoir été ainsi longtemps sans vous connaître, ayez pitié de
moi." Sur son visage resplendit la joie qui remplit son cœur. Il respire
le contentement d'une âme qui s'en allait sciemment au ciel. Et jusqua
dans son agonie, il semblera qu'elle prend plaisir à adorer Celui dont
elle va bientôt jouir.
" Jésus, ma vie, et mon capitaine, je crois en votre parole, vous êtes
dans mon cœur quoique vous ne paraissiez pas, je le crois, oui, en vérité,
je le crois; déterminez de moi comme il vous plaira. Je vous verrai,
oui, je vous verrai."
Un autre peut difficilement parler tant il est faible, mais le sentiment
est plus fort que la maladie, il s'écrie : " Oh ! que vous êtes bon de m'être
venu visiter, ô mon Sauveur, je ne vous vois pas maintenant, vous vous
cachez, mais je vous verrai bientôt. Vous m'avez promis le paradis,
j'attends la mort joyeusement, quand il vous plaira de l'envoyer. Je
vous aime, j'irai avec vous et là je vous prierai, notamment pour ceux
qui m'ont instruit et m'ont fait vous connaître."
Tels sont les sentiments dont nous retrouvons fréquemment l'expres-
sion chez les malades en présence de la Sainte Eucharitie.
Si le missionnaire est absent, si le bon Dieu se fait attendre, c'est une
véritable angoisse qui étreint le cœur du malade. L'ardeur de son désir
égale l'inquiétude qui le tourmente de mourir sans avoir communié.
" ISF'aurai-je point cette consolation devant mon trépas, de recevoir Celui
que je verrai bientôt au ciel ! "
Le bonheur du moribond d'avoir reçu son Dieu est partagé par ses
parents et par toute la famille, qui expriment tout haut leur admiration
et leur reconnaissance pour l'excès des bontés de Celui qui n'avait pas
dédaigné la bassesse de leur hutte et de leur cabane, et ils gardaienc
pieusement la mémoire du jour béni oii Jésus était entré dans leur
pauvre demeure.
*
* *
Une foi si vive, et qui s'était emparée dès l'abord des premiers chré-
tiens que la grâce s'était choisis parmi les sauvages, leurs sentiments de
respect et d'amour envers l'Auguste Sacrement devaient comme natu-
rellement recevoir leur expression solennelle au jour de la fête consacrée
par la liturgie à Jésus Eucharistique, et spécialement aux processions
que les missionnaires n'eurent garde d'omettre partout où elles pou-
vaient s'organiser. D'autant moins qu'elles entraient mieux dans les
goûts des sauvages, très friands de ces démonstrations éclatantes et
bruyantes. Aussi n'y a-t-il pas lieu de s'étonner de voir l'empressement
et la joie avec lesquels s'y portaient les nouveaux fidèles. Us mettaient
ce jour-là leurs plus beaux costumes, se rangeaient docilement deux a
deux pour le défilé. L'honneur de porter le dais était très envié par les
:.nû
capitaines : c'était un spectacle très agréable au ciel et à la terre de voir
ce sauvage qui a fait le jour mtme si première communion, couvert
d'une modestie vraiment chrétienne, sous uYic belle robe de fourrure,
porter le dais à la procession avec la première personne du pays, le gou-
verneur.
Une escouade d'arquebusiers fait entendre des salves d'escopetteries,
on chante des motets et des cantiques en l'honneur du Très Saint-Sacre-
ment. Les païens eux-mêmes se mettront de la partie, entraînés par
l'exemple et par le bonheur manifeste des chrétiens. C'est la fête de
toute la tribu. Il est bien difficile, dit un Père, au soir même d'une de
ces manifestations triomphales, de voir Jésus-Christ ainsi honoré par
des barbares, sans en rts-^entir de la joie Jusqu'au profond de son cœur.
Après avoir lu ce qui précède, on pourrait être tsnté de croire que
nous avons simplement voulu établir une thèse, formulée au préah\ble,
que nous avons trop facilement généralisé quelques cas particuliers,
donnant crédit aux sauvages répandus par l'immensité de notre pays, de
ce qui aurait pu n'être que l'éclosion de sentiments isolés, partagés tout
au plus par une élite d'âmes plus ferventes, en rapports plus intimes et
plus habituels avec les missionnaires, bref, que nous aurion> fait res-
sortir des exceptions pour en faire la règle ; il n'en est rien, c'est le con-
traire qui est vrai.
Les quelques traits que nous avons cités se retrouvent à chaque page
de nos premières annales. Ils sont rapportés | ar cliaeun des apôtres de
la Xouvelle-ï'rance. Ils nous sont donnés comme traduisant en termes
trop concis, ce qui était pour eux-mêmes et à leur grand étonnement la
caractéristique des âmes qu'ils amenaient à la foi, et des chrétientés que
leur infatigable zèle avait en peu d'années groupées autour des chajielles
et multipliées un peu partout. Xous-mêmes, nous n'avons pu que glaner
dans leurs récits déjà trop brefs. Ce que nous avons, comme une sorte
d'essence, exprimé de leurs Relations, suffit cependant à convaincre le
lecteur que la dévotion eucharistique sous tous ses aspects a imprégné
l'atmosphère et pénétré le sol du Canada dès les débuts de son évangé-
lisation.
Les missionnaires qui avaient apporté avec eux l'amour intense de
Jésus-Christ, le désir de travailler pour sa gloire, la volonté même de
verser pour lui leur sang, ne ])ouvaient puiser ailleurs que dans le sacri-
fice de l'autel et dans la communion eucharistique le courage, la force,
la constance qu'ils devaient porter jusqu'à la confession de la foi. jus-
qu'au martyre dans les plus affreux supplices.
La flamme divine qui les consumait, devait se communiquer comme
d'elle-même aux nouveaux convertis et, dans l'ensemble de la doctrine
qui leur est enseignée, ce qui les touche et les attire plus que tout le
reste, c'est l'amour immense d'un Dieu qui se donne jusqu'à se faire
l'ami habituel et même la nourriture des âmes. C'est par là que la
grâce les a surtout captivées. Elles ont été ravies, au point de produire
— 216 —
cette élévation de pensées et de sentiments (jiie les missionnaires se
plaisent à nous traduire. C'était partout la même chose, les faits re-
latés se répètent avec la même généralité à Tadoussac, à Québec, à Sil-
lery, à Trois-Eivières, à Montréal, à Laprairie, sur les bords du Eiche-
lieu ou du Lac Champlain aussi bien que sur les rives de TOutaouais et
dans toutes les contrées d'alentour et jusque sur les chemins de l'Ouest
et de la Baie d'Hudson.
Et traînés en captivité avec leurs missionnaires, torturés et mis à
mort comme eux au milieu des plus atroces souffrances et jusqu'à leur
dernier soupir, c'est le souvenir Eucharistique qui garde ces nouveaux
chrétiens contre toute faiblesse, les défend contre toute apostasie et leur
fait conquérir la palme de la victoire finale.
Il y aurait d'ailleurs tout un autre travail à faire pour redire l'his-
toire des martyrs Eucharistiques de la Nouvelle-France.
Hâtons-nous de conclure à la vérité de cette parole que prononçait
au Congrès de Londres Mgr l'archevêque de Montréal: "Le Canada est
une terre Eudiaristique '".
L'Eglise en a fait la conquête par le sang du Christ et par celui de
ses apôtres. Puisse-t-elle le garder toujours avec ce titre qui a été et
qui est encore sa plus grande gloire ! Ce vœu se réalisera avec le se-
cours de la grâce.
Tel sera l'espoir de tous après les éclatantes manifestations de foi,
d'amour et de piété, offertes par tout un peuple à Notre-Seigneiir au
cours et à l'occasion du Congrès Eucharistique de Montréal.
Comme complément au travail de Monseigneur Emard, le
R. P. Pacifique envoie au Congrès, du sein de ses missions, les
notes ci-jointes sur " Véûucation eucharistique des sauvages Mic-
macs. "
LES PSAUMES EUCHARISTIQUES CHEZ
LES MICMACS
La première forme sous laquelle les S()Ui'i((U()is ou Micmacs du sud-
ouest (anciennement su rouet) encore païens, ont entendu parler de
l'Eucharistie, a amené une confusion dans leur esprit peu exercé. On
leur disait que nous nous prosternions devant le Soleil, qui est Jésus. Et
ils pensaient qu'il s'agissait du soleil du firmament, et non point du
soleil ou ostensoir du Saint-Sacrement. Mais dès (pi'ils furent chré-
tiens, ils se rendirent compte du dogme eucharistique et ils comprirent
Texcès d'amour, par le(|uel le Fils de Dieu devenu homme, s"est fait
notre nourriture — mit jipt jeoaJsii. — ils en furent vivement touchés
et appelèrent ce sacrement Petjiîi (ijii jiHingeoei ou le Bienfait par excel-
lence. Quant à la merveilleuse application de ce bienfait ])ar la messe
— 217 —
et la communion, il a fallu introduire dans leur langue ces deux mots
l'ran^-ais, dont on a fait — Alames — et — Cemnieoti.
Leur foi bien éclairée et leur dévotion bien affermie se sont mainte-
nues avec une admirable constance, jusqu'à nos jours. Pendant près de
150 ans, ils n'avaient, qu'à de rares intervalles, la visite du missionnaire,
mais ils conservaient toujours, copiés de leur main (en hiéroglyphes ou
en caractères de leur petit alphabet de douze lettres) les prières, les
instructions et surtout les hymnes et les psaumes, composés ou intro-
duits dans les offices publics par l'abbé Maillard (1T35-1T62). C'est en
effet, par le moyeu des psaumes et autres chants doctrinaux sur les
grandes vérités, les sacrements et la vie de Xotre-Seianeur Jésus-Christ,
que cet apôtre de génie a réussi à imprégner de foi et de religion, cette
petite tribu privilégiée, restée toujours fidèle. Ils se réunissaient seuls,
dans les bois, les dimanches et les jours de fêtes, pour réciter le cha])clet
et chanter leurs offices. Les vérités de la foi, répétées harmonieuseiuent
par toutes les voix, entretenaient ainsi dans leur esprit et dans leur
cœur, la vie surnaturelle: elles avivaient le désir de l'cvoir le uiinistre de
ces grandes choses, de jouir de la présence du Sauveur, et de recevoir en
alinient son Corps très saint.
Les psaumes eucharistiqties tenaient une grande place dans ces offices.
Il y en avait muitre, outre les hymnes, antiennes, motets, etc. Le pre-
mier — Oedaolg, ogtinin — chante les merveilles de la présence réelle
et les motifs de les croire. Le deuxième — Ocleg, mif/natof — chante
la communion, ses effets, les dispositions requises, le malheur de la mau-
vaise communion. Le troisième — Sesogoli, mignntot — rappelle l'ins-
titution de l'P^ucharistie et de la sainte messe, prodiae d'amour, ciment
d'union, etc. Le quatrième — Gil, Sesos, ola nigetj — est une pieuse
aspiration de l'âme à Jésus-Hostie.
" 0 Jésus, qui vous mettez sous les apparences du pain pipnagaiieino-
goalsin (huit mots en un seul) * nous vous saluons avec humilité.
"■' Quoique nous ne vous voyions pas clairement, * nous vous croyons
présent dans l'hostie (osgitjipenegoigtog, dans l'extérieur, l'enveloppe
du pain).
" Qu'ils vous louent ceux qui jouissent déjà dans le ciel. * les anges et
les bienheureux.
" Que nous vous bénissions et vous aimions, * nous qui continuons
d'être vivants.
"Qu'ils tremblent tous devant vous. * les suppliciés de l'enfer {incn-
toagi. royaume du Manitou).
'*' Xous saluons également, ô Jésus, votre sang * élevé maintenant dans
le calice.
" C'est le même que vous avez ré])andu, * étant attaché à la croix,
"Afin de nous préserver * des tourments éternels.
"Vous le répandez de nouveau sur l'autel * pour nous faire miséri-
corde.
"C'est ainsi (|ue pour nous vous daignez vous tenir * devant \otre
Père, que nous ne cessons d'affirmer.
" Xous ne voulons pas num juer de vous en remercier, ô Jésus; * ayez
pitié de nous pauvres pécheurs.
— 318 —
'•' ISTe cessez point de nous écouter, ô Jésus ; * ne vous fatiguez pas de
nous purifier de nos iniquités.
" Et nous, puissions-nous ne pas cesser de vous obéir, ô Jésus,*à vous
qui ne cessez pas de tant nous aimer.
'*' Gloire soit au Père, etc."
Nous n'avons trouvé en usage à Eistigouclie que ce dernier psaume,
avec un grand nombre d'h\Tnnes et autres cliants en l'honneur du Saint-
Sacrement. Les autres, à la longue, avaient été oubliés. Echappant
au contrôle efficace du missionnaire, ces chants sacrés avaient été
maintes fois recopiés par les sauvages avec des inexactitudes considé-
rables ; bien des versets ne signifiaient plus grand'chose, et on les laissait
de côté. Mais on les retrouve dans leur intégrité et leur beauté litté-
raire dans les manuscrits de l'Abbé Maillard; et il n'est pas très difficile
de les remettre eu honneur, au grand profit de la piété. Un prêtre
docte et pieux, à qui je donnais un jour le mot-à-mot d'un passage de
cette littérature, s'émerveilla de la profondeur théologique, de l'exacti-
tude et de la popularité de ces chants. On enttnd les Micmacs les
répéter dans les wigwams, dans les champs, sur les rivières, dans les bois,
mais jamais par moquerie ni plaisanterie, même quand ils ont pris nu
coup de trop. Il y en a, comme chez les blancs, qui ne fréquentent pas
l'église, à cause de certains obstacles, qu'ils ne savent pas vaincre; mais
chez eux ils chanteront la messe, les vêpres, le salut.
Aussi, le souvenir du grand Bienfait, le respect de la présence réelle,
l'estime de la communion sont-ils profonds chez les Micmacs. Les
étrangers ont souvent remarqué avec quel respect ils saluent l'Eglise, en
passant; et celui qui se permettrait quelque irrévérence dans le saint
lieu, ou aux environs, ne pourrait, sans scandale, être admis aux sacre-
ments avant de faire une réparation publique. Un jour, un ivrogne
ayant réussi à s'introduire dans l'église de Eestigouehe, sans être remar-
c|ué, prononça quelques mots à haute voix pendant Tinstruction ; il dut.
on le comprend, faire cette réparation. Mais une personne de piété très
ordinaire, qui avait été témoin du scandale, me dit ensuite qu'elle
n'avait pu s'empêcher de pleurer en voyant aius^i outrager Notre-
Seigneur, dans sa maison. Elle aurait, dit-elle, préféré se sentir percer
le cœur, que de voir ainsi blesser le cœur du bon Sauveur. Je me sou-
viendrai aussi toujours de la désolation, j'allais dire du désespoir, d'un
Micmac de Terreneuve, qui très éloigné de l'église, n'avait pu commu-
nier depuis longtemps, et eut encore, malgré une marche rapide, le mal-
heur d'arriver à ma messe, après la communion.
On peut juger par là, de la vivacité des sentiments religieux, et en
particulier de la dévotion au Saint-Sacrement chez cette petite nation
indigène. On doit, sans aucun doute, l'attribuer, en grande partie à
l'usage des cliants eucharistiques, si bien appropriés à leur caractère et
à leurs besoins spirituels.
— 219 —
Mgr La pointe, vicaire-général do Chicoutimi, présente à son
tour le résultat de son enquête sur le culte et les œuvres eu-
charistiques dans le diocèse de Chicoutimi. Ce diocèse, situé
à l'extrême Nord-Est canadien, s'est beaucoup développé en
ces dernières années, grâce à la colonisation de ses terres
fertiles et à un accroissement de la population presque exclu-
sivement canadienne -française.
LES ŒUVRES EUCHARISTIQUES
DU
DIOCESE DE CHICOUTIMI
I. — Historique du Culte Eucharistique au Saguenat
Le diocèse de Chicoutimi compte 6-i paroisses ou missions, un sémi-
naire diocésain et un nombre considérable d'établissements religieux
d'enseignement ou de charité.
La popuhation catholique du diocèse est tout entière canadienne-
française. Les non-catholiques, au nombre d'une trentaine au phis,
sont ou protestants ou juifs.
Depuis le premier voyage de Cartier à Québec, en 1535, jusqu'au mi-
lieu du XVIIe siècle, tous les vaisseaux d'outre-mer qui remontaient le
Saint-Laurent, faisaient escale à Tadoussac, à l'embouchure du Sa-
guena}', où les aborigènes venaient par milliers chaque année échanger
leurs riches pelleteries pour divers produits de l'industrie européenne.
Tadoussac devint célèbre dans le monde entier, et les cartes géographi-
ques du temps nous montrent la partie connue de l'Amérique du Nord
divisée en trois grands territoires : La Xouvelle-France, le Canada et le
Eoyaume de Saguenay, dont Tadoussac était la capitale. En fait, Ta-
doussac ne fut toujours qu'un poste de traite; il n'est aujourd'hui
encore qu'un modeste bourg de quelques centaines d'habitants. La ca-
pitale actuelle du " Eoyaume de Saguenay " est Chicoutimi. siège du
diocèse du même nom, situé à 75 milles de Tadoussac, sur la rivière
Saguenay.
D'aucuns prétendent que le saint sacrifice de la messe fut célébré
pour la première fois sur le continent américain du nord, à Tadoussac,
à l'époque du second voyage de Cartier, en 1535. Cette date marquerait
donc, en quelque sorte, la prise de possession par Jésus-Hostie des nou-
velles terres (|ue le hardi navigateur malouin venait de découvrir et dont
il faisait hommage à son Dieu et à son roi.
L'heure n'était pourtant pas venue où Jésus allait enfin fixer sa de-
meure au Saguenay. et une multitude de peuples assis à l'ombre de la
mort depuis de nombreux siècles devaient être privés longtemps encore
du pain de vie, jusqu'à ce que le Père Dolbcau, Récollot, vint en ]fil5,
évangéliser les sauvages réunis à Tadoussac et y offrir de nouveau le
Saint Sacrifice.
— 220 —
De Uil.") à 1()28, les courageux fils de saint François furent fidèles à
venir tous les étés instruire les pauvres enfants des bois et leur distribuer
la sainte Eucharistie.
En 1G33, la mission de Tadoussac échut aux Pères de la Conipaguie de
Jésus, qui la desservirent sans interruption jusqu'en 1782. Durant ce
siècle et demi, 25 missionnaires jésuites, bravant comme l'apôtre saint
Paul les dangers de terre et de mer, sillonnèrent en tous sens cette
immense région qui s'étend, sur la rive nord du Saint-Laurent, du La-
brador à La Malbaie, sur la rive sud, de la Baie-des-Chaleurs à l'Ile-
Verte, et, dans l'intérieur, des Sept-Iles à la Hauteur-des-Terres, et de
Tadoussac aux sources du Saint-Maurice et à la Baie d'Hudson. Xeuf
peuplades indiennes, vivant dans un rayon de plusieurs centaines de
milles autour de Tadoussac, furent évangélisées simultanément durant
cette période par les Pères de la Compagnie de Jésus : ce sont les Mon-
tagnais, les Algonquins, les Papinachois, les Esquimaux, les Mistassins,
les Outabitibies, les Xaskouapis, les Etchemins et les (Jaspéïiens. Leurs
principales missions ou lieux de réunions furent Tadoussac, Chicoutimi,
Métabetchouan, Nékoubeau, le Lac Mistassini, ITle-Verte. Cacouna, les
Trois-Pistoles, Eimouski, Ristigouche, les Sept-Iles, les Ilets-Jérémie,
Betsiamis, les Escoumains et les Bergeronnes.
On frémit en lisant le compte-rendu d'une si éloquente simplicité que
chacun de ces missionnaires fait à son supérieur des travaux accomplis
dans ce vaste champ oii s'exerce leur activité d'apôtres ; des routes par-
courues, tantôt en canot, tantôt à la raquette, à travers bois, par ime
chaleur torride ou un froid à pierre fendre, des fatigues imposées, des
privations généreusement acceptées, des souffrances physiques et morales
glorieusement supportées pour la gloire de Jésus crucifié. Quelle belle
lignée d'hommes ! Quels vaillants soldats du Christ ! Quels héros que
ces Religieux souvent issus de familles nobles et de mœurs jiatriciennes,
tous habitués en tout cas, sinon au luxe, du moins au confort et aux
jouissances intellectuelles de la société la plus policée de l'Europe, et qui,
apparemment sans regret, sans une minute d'hésitation, le crucifix sur
la poitrine, le bréviaire sous le bras, s'enfoncent jioui- des mois, (pielque-
fois pour des années, seuls, dans la forêt, en compagnie d'hommes d'une
grossièreté repoussante, pour vivre avec eux dans une afl^reuse promis-
cuité et une misère qui n'a pas de nom.
Seul le Dieu de l'Eucharistie pouvait les consoler et les soutenir au
milieu de tant d'épreuves. Aussi célébraient-ils aussi souvent (|u"ils
pouvaient les saints mystères pour se nourrir et nourrir leurs néophytes
du pain dc.s forts. Les premiers autels des missionnaires furent tantôt
un arbre renversé, tantôt les flancs d'un canot d'écorce de bouleau. Les
premier temples de Tadoussac, du Saguenay et du Lac Saint-. lean m\
furent d'abord que de longues cabanes d'écorce et de feuillage. C'est
ainsi que la première mission à Tadoussac, en ÏGL"), fut dite dans une
de ces chapelles rustiques. Le Père DeQuen, en 1052, dit ainsi la messe
sur les bords du Saguenay et du. Lac St-Jean (ju'il avait découvert en
1647. En juillet 16G1, les Pères Dablon et Dreuillettcs sont à îv^ékou-
beau, à plusieurs cents milles du Lac St-Jean. En 1671, le Père Albanel
atteint la Baie d'Hudson. Yai cette môme année 1671, le Pèi'e de Cres-
— 221 —
pieul (lil la messe sur les bords de la Baie des Ha ! Ha !, le 12, le 13 et
le 14 novembre. 11 passe Tliiver au Lac-à-la-Croix, aujourd'hui dans la
paroisse d'Hébertville, et y dit la messe tout Thiver.
A la période des chapelles très primitives dont nous Tenons de parler,
succéda celle des temples un peu plus stables. C'est ainsi que Tadoussac
eut sa première chapelle en l(i48. Elle fut construite par le Père De-
Quen. Onze ans après, elle était remplacée par une chapelle en pierre.
Celle-ci ayant été incendiée en 1GG5, le Père de Crespieul en bâtit une
troisième sur les mêmes fondations en 1671. Enfin une quatrième, la
plus ancienne chapelle en bois de l'Amérique, que les touristes de nos
jours vont en si grand nombre contempler et vénérer, fut érigée par le
Père Coquart en 1T4Î. Fai KÎGS, le Père de Beaulieu fait élever une
chapelle à l'Anse-St-Jean et y dit la messe une partie de l'hiver. En
1676. le Père de Crespieul fait bâtir à Chicoutimi une chapelle de 30
pieds de longueur, dédiée à saint François-Xavier. Cette chapelle fut
incendiée en 1692. Le Père Laure la remplaça en 1726 par une autre
de 25 pieds de longueur sur 15 pieds de largeur. Celle-ci fut démolie
en 1856. Dans l'année 1676. en même temps qu'à Chicoutimi, le Père
de Crespieul fit bâtir à l'embouchure de la rivière Métabetchouan la pre-
mière chapelle qu'on ait vue sur les bords du Lac St-Jean. Elle était
dédiée à saint Charles. L'infatigable Père de Crespieul, qui, durant
trente ans desservit presque toujours seul le '" Koyaume de Saguenay '',
fit ériger encore deux autres chapelles : l'une à Xékoubeau, en 1686. qu'il
dédia à saint Antoine, l'autre au lac Mistassini, sous le vocable de Saint-
Xicolas, en 1678. Après la mort du Père Jean-Baptiste de la Brosse,
dernier des missionnaires jésuites au Saguenay. arrivée en 1782. la mis-
sion de Tadoussac fut desservie assez irrégulièrement jusqu'en 1845.
Xous osons espérer qu'on nous pardonnera d'avoir par ces notes brèves
au moins fait entrevoir, au commencement de ce ra])p<)rt, à quel ])rix
ces hommes aussi illustres par leurs vertus que par l'étendue de leurs
travaux apostoliques que furent les missionnaires du Saguenay, établi-
rent le règne do Jésus-Christ dans ce '* lîoyaume " qui est devenu, pour
la plus grande partie, le diocèse de Chicoutimi. Il y a. nous semble-t-il,
entre le Saguenay d'aujourd'hui et celui d'autrefois un admirable lieu
de filiation surnaturelle. Qui seminat in henedictionibus, de henedic-
tionibus et metet. La race cpii habite ce pays n'est plus la même: mais
la terre paraît avoir reçu une bénédiction spéciale, et Jésus qui y fut si
bien accueilli aux temps anciens, s'y est établi en pennanence et y règne
sans conteste. Il y règne sur tout le peuple par sa loi fidèlement oljservée.
Il y règne dans les familles oxx fleurissent les vertus des ancêtres. Il y
règne dans ses temples, nombreux et beaux, où se réunissent en rangs
pressés le dimanche, aux jours de fêtes, à la messe quotidienne et à la
prière du soir, d'innombrables fidèles au visage franc et ouvert, à l'âme
vaillante, et à qui l'éducation catholique a donné un cachet d'une rare
distinction. Il y règne enfin par son Saint-Sacrement pieusement adoré
et fréquemment reçu.
Il est digne de remarque, en effet, que les tribus sauvages du Saguenay
et des environs, d'un caractère doux et de mœurs paisibles, reçurent avec
empressement et docilité les enseignements des missionnaires.
— 222 —
D'autre part il est à noter que toute la côte nord du Saint-Laurent,
depuis La Malbaie jusqu'à Portneut' ainsi que les deux comtés de Chi-
coutimi et du Lac St-Jean, furent presque entièrement colonisés, surtout
au début, par le surplus de la population de Charlevoix. Or, on sait que
nulle part ailleurs plus que dans ce coin des Laurentides isolé du reste
du pays ne se sont conservées dans toute leur pureté les mœurs simples,
honnêtes et profondément religieuses de nos ancêtres. Aussi, à peine
les premiers pionniers étaient-ils venus se fixer à la Baie des Ha ! Ha !,
qu'ils y construisirent une modeste chapelle en 1845, et le curé de La
Malbaie, le lîévérend M. Bourret, vint y célébrer la sainte messe l'année
suivante.
En cette même année, 1845, le Père J.tB. Honorât, O.M.L, qui, avec
trois confrères, venait d'être chargé de la desserte de ce qui restait de
sauvages au Saguenay et de quelques blancs qui s'y étaient fixés, érigea
une autre chapelle à Saint-Alphonse et y dit une première messe le jour
de Noël. La même année surgissait une nouvelle chapelle à Chicoutimi,
à l'usage des colons. Après un demi-siècle d'abandon, l'héritage des
Jésuites, cultivé par eux avec tant de soins et au prix de si grandes
misères, et dont les fruits duraient encore «malgré tout, ne pouvait tomber
en de meilleures mains que dans celles des Pères Oblats. Ceux-ci,
aidés de deux prêtres séculiers, MM. Lazare Marceau et J.-B. Gagnon,
fondèrent les premières paroisses et desservirent toutes les missions sau-
vages du Saguenay de 1844 à 1853. Les anciens de Chicoutimi et du
Lac St-Jean gardent un souvenir attendri des Pères Honorât, Durocher,
Bourassa, Fiset, Arnaud et Babel, pour ne mentionner que les principaux
d'entre eux.
II — Etat actuel du Culte Eucharistique
Aujourd'hui, grâce au dévouement apostolique inlassable du clergé sé-
culier et régulier et au rude labeur de ces intrépides colons qui eurent
le courage de s'arracher à leurs foyers et à la fascination du grand fleuve
sur les bords duquel s'était écoulée leur vie si tranquille et de franchir
à travers bois 100 milles de montagnes pour venir s'ensevelir dans les
profondes solitudes du Saguenay et du Lac St-Jean, le vieux Eoyaume
de Saguenay, devenu les riches comtés de Chicoutimi et du Lac St-Jean,
forme avec Charlevoix, qui leur a été annexé, l'un des diocèses les plus
fortement organisés au point de vue religieux et éducationnel.
Le clergé du diocèse de Chicoutimi, se composait à l'origine presque
exclusivement de prêtres qui reçurent leur éducation au Séminaire de
Québec et au Collège de Ste-Anne de la Pocatière. Ce sont encore des
prêtres sortis de ces deux institutions qui furent mis à sa tête comme
évêques ou préposés à la formation des clercs dans le séminaire diocé-
sain. Les uns et les autres continuèrent à Chicoutimi les traditions de
piété et de zèle apostolique qui ont rendu chère au peuple canadien la
mémoire des hommes illustres qui furent leurs maîtres, et ceux qu'ils
ont formés à leur tour ne s'écartent point de la voie qu'ils leur ont
tracéo. Nous en trouvons la preuve notamment dans leur amour de la
sainte Eucharistie et dans les pieuses industries par lesquelles ils en pro-
pagent activement le culte parmi les fidèles.
— 323 —
C'est tiusi (jue tou?, à de rares exceptions près, sont membres de
l'Association des Prêtres-Adorateurs, et que la plupart des curés font
diaque semaine l'heure d'adoration en public et groupent régulièrement
autour d'eux aux pieds du Très Saint-Sacrement un grand nombre de
leurs paroissiens. Cette piété et ce zèle des pasteurs obtinrent de tout
temps les résultats les plus consolants. Aussi, en 1890, l'évêque de Chi-
coutimi, qui était alors Mgr Bégin. aujourd'hui archevêque de Québec,
pouvait-il rendre au Saint-Père, lors de sa visite ad limina, cet élogieux
témoignage que dans tout son diocèse cinq personnes seulement n'avaient
pas fait leurs pâques cette année-là. " Dio sia bencdctto! " s'écria Léon
XIII en levant les mains au ciel. Et le saint Pontife ajouta: " pKit à
Dieu qu'il y eût beaucoup de diocèses comme celui-là dans le monde
entier ".
L'année dernière, une vingtaine de fidèles tout au plus n'ont pas
accompli le devoir pascal. La presque totalité communient régulière-
ment aux Quarante-Heures et aux quatre ou cinq principales fêtes de
l'année, telle que la Sainte-Anne, la Toussaint, JSToël, etc. La commu-
nion du premier vendredi du mois est en honneur chez la plupart. On
peut dire que la masse des fidèles communient chaque mois. La com-
munion hebdomadaire et même quotidienne entre de plus en plus dans
les habitudes. Partout oii l'on s'occupe de faire communier fréquem-
ment les enfants, le zèle des curés récolte des fruits abondants. Les
triduums eucharistiques sont suivis et appréciés. La Confrérie du Très
Saint-Sacrement existe en un certain nombre d'endi-oits, quoiqu'elle ne
soit généralement pas affiliée. Dans beaucoup de paroisses on expose le
Très Saint-Sacrement le premier vendredi du mois. Presque partout
le curé fait la prière du soir à l'égïise. et tous ceux qui le pouvcnt en
profitent pour faire leur visite au Saint-Sacrement.
Au reste, le tableau suivant nous donnera peut-être une idée plus juste
encore de la condition présente des œuvres eucharistiques dans le diocèse.
Xous avons pris au hasard 34 paroisses dont la population totale est de
45,358 âmes. Le nombre de communiants dans les 34 paroisses est de
28.810.
Le nombre de familles dans les villages est de 3,563
Le nombre approximatif des assistances à la messe chaque jour
de la semaine est de 1,934
La moyenne des communions quotidiennes est de 921
La moyenne des communions hebdomadaires est de 1,891
Le nombre d'hosties consacrées dans l'année est de 227.481
Voici donc une population de 28,810 communiants qui accuse un
total de 227,481 communions dans le cours d'une année.
Ce résultat offre un intérêt tout particulier si l'on tient compte du
fait que toutes ces paroisses, moins deux, sont des paroisses rurales, dont
la très grande majorité des habitants demeurent à une distance de 1 à 6
milles de l'église, qu'ils ne peuvent atteindre qu'en voiture.
La paroisse de Chicoutimi (cathédrale) a une population de 3,285
communiants, dont la moitié environ sont des cultivateurs résidant à
— 224 —
une grande distance de la ville. La moyenne des assistances quoti-
diennes à la messe est de 230
La moyenne des communions quotidiennes est de 140
La moyenne des communions hebdomadaires est de 350
Le nombre des hosties consommées en une année est de.. .. 05,000
La moyenne des communions annuelles par communiant est de 19.7
Paroisse du Sacré-Cœur du Bassin (Chicoutimi) :
Communiants 1,250
Moyenne des assistances ([uotidicunes à la messe sur semaine. 150
Communions quotidiennes 80
Communions hebdomadaires 350
Hosties consommées en une année 34.000
Moyenne des communions annuelles par communiant 27.2
La paroisse du fSacré-CVcur du Bassin se compose i)ros(]u'entièrement
d'ouvriers employés dans les grandes usines de la Compagnie de Pulpe
de Chicoutimi ou dans diverses industries qui se rattachent à la fabrica-
tion de la pâte de l)ois. Un certain nombre d'entre eux font le travail
de nuit à l'usine. Le personnel de l'industrie de la pulpe à Chicoutimi,
si l'on tient compte de ceux qui sont employés la plus grande partie de
l'année dans la forêt à la coupe et au flottage du bois, comprend environ
800 hommes. Tous n'appartiennent pas à la paroisse du Bassin; mais
tous, depuis les Directeurs de la compagnie jusqu'au plus humble des
manœuvriers, sont catholiques et canadiens-français. Le succès prodi-
gieux de l'entreprise, qui est peut-être la plus florissante de ce genre en
Amérique, il nous plaît de le constater en passant, est l'illustration la
plus éclatante de ce que peut produire le génie canadien-français aidç
du travail consciencieux d'ouvriers formés à cette grande école de res-
pect, d'honnêteté et de courage viril qu'est l'Eglise catholique. Nous ne
croyons pas qu'on puisse trouver ailleurs dans le monde entier nn groupe
d'ouvriers mieux édujués, plus sobres, plus moraux, à l'esprit plus délié,
aux allures plus bourgeoises, et disons le mot, plus heureux aussi, que
ceux de la Compagnie de Pulpe de Chicoutimi. Ces belles et puissantes
usines qui ne datent que d'hier ont groupé autour d'elles des centaines
de familles de huit à douze enfants, dont le chef est généralement pro-
priétaire d'une maison qui ressemble souvent bien plus à un joli " cot-
tage " suburbain qu'à une habitation ouvrière. Au centre, s'élève une
vaste et imposante église en pierre, qui n'a pas coûté moins do $60,000,
dont le paiement s'eilectue graduellement sans impositiun forcée, par
les contributions volontaires des ouvriers.
Ceux-ci n'ont jamais permis aux Unions internationales de ])énétrer
dans leurs ranirs. Au contraire, ils ont com])ris qu'ils jjou valent se suf-
fire à eux-mêmes sur le terrain de l'association comme sur tous les
autres, et ils ont fondé, il y a trois ans, une union locale: la Fédération
ouvrière de (chicoutimi, qui est l'âme de tout leur organisme social et
économique, ("est en même temps une société éinincmnient é(lucatri<'e..
où se discutent une foule de questions et où s'élaborent ((uantité de pro-
jets dont la réalisation apporte toujours aux ouvriers soit une aug-
Li.> OiiAii.i K- m l it.N(.i:i;s.
SpKAKKItS Ol TIIK C'OXdHKSS.
— 225 —
iiientalion de bien-être, soit de nouveaux moyens de s'instruire ou de se
récréer honnêtement. Inutile de dire que cette Union s'inspire, dan? isa
constitution comme dans sa direction, des principes catholi(|ues. notam-
ment de ceux (pie renferme l'immortelle encyclique de Léon XIII sur la
condition des ouvriers.
Mais le foyer où s'alimente continuellement et où se purifie ce mairni-
fique esprit chrétien ; le centre véritable où viennent se fondre toutes
les bonnes volontés, où germent et se développent sous les clutudes
effluves de la grâce divine, pour de là rayonner dans les familles et
jusque dans l'usine, les saines idées sociales et les sentiments de foi et
de charité fi'aternelle dont nous venons d'énumérer sommairement les
heureux fruits, c'est l'église paroissiale, c'est le Très Saint Sacrement,
compris, aimé et reçu fréquemment. On a l'impression de (pieUpie
chose de neuf, en ce pays du moins, mais de grand dans son admirable
simplicité, quand on voit, le jour de la fête du travail, par exemple, pa-
trons, contre-maîtres et ouvriers, s'a])procher enseml)le de la Tal)le
sainte, entL'udre pieusement la messe solennelle, assister ou prendre part
même, dans raprès-niidi. aux jeux organisés par la jeunesse, puis le soir,
assister tous ensemble à \ine représentation récréative dont les ouvriers
font tous les frais.
Quand l'étranger visite l'important établissemeni industriel de la
Compagnie de Pulpe, il aperçoit de loin le drapeau du Sacré-Cœur qui
flotte sur la principale usine, et en y entrant, son attention est tout de
suite attirée ])ar les statues de la Sainte Vierge et de saint Joseph dont
une auréole de lumières électriques signale la ])résence à l'ouvrier d^' nuit.
On ne s'étonne plus alors de voir l'ordre et la bonne entente régner
partout. Quand les patrons ont un tel souci de rappeler sans cesse à
l'ouvrier ([u'au-dessus d'eux il y a un Maître commun à qui tous doivent
foi et hommage, si avec cela ils traitent leurs subordonnés avec justice
et charité, s'ils leur témoignent en toute occasion les égards dus à U'ur
qualité d'hommes et de chrétiens, ceux-ci ne peuvent guère être autr;'
chose (|ue des travailleurs consciencieux et fidèles. L'œuvre accomplie
à Chicoutimi par les Directeurs de la Compagnie de Pulpe n'est donc
pas comme celle de tant d'autres industries, exclusivement une œuvre
d'argent. C'est aussi une ceuvre catholique et nationale. Ils font plus
que répandre le hien-être matériel autour d'eux! ])ar l'autorité de leur
parole et ])ar l'entraînement de leur exem])le, ils édu(iuent leurs em-
ployés: ils leur donnent conscience de leur dignité d'ouvriers catholicpies
et accumulent ainsi à Chicoutimi un capital moral autrement stal)le et
autrement pi'oductif que le cajutal ai'gcnt.
Nous aurions heaucou]) à dire des institutions reliiiieuses diocésaines,
mais ce rapport est déjà trop long, et l)on gi'é mal gré. non-; devons
abréger.
Le Séminaire de la Sainte-Famille coni])te 2G0 élèves. Le fondateur
de cette maison, ^Igr I). lîaciiu'. premier évêtpie de Chicoutimi, ses suc-
cesseurs sur le trône épiscopal. N'X. SS. Bégin et Lal)rec(pu'. hommes
très pieux, serviti'urs très fidèles et assidus de Jésus-Hostie, ont eu à cn'ur
d'v faire fleurir avant tout la piété. On peut dire (|ue la communion
8
— 22G —
fréquente y fut toujours en très grand honneur. Pour être exact, toute-
fois, nous devons ajouter qu'elle ne devint générale que petit à petit,
sous la poussée des Directeurs qui se succédèrent depuis 1880. L'un
d'eux, au cours de ses vacances d'étudiant en Europe, avait l'honneur
d'être durant quelques jours l'hôte des Salésiens, au Valdocco, près de
Turin. A l'air discipliné des enfants que recueille et élève cette célèbre
institution, à leur assiduité au travail, à leur évidente piété, à la familia-
rité respectueuse et toute la confiance qui réglait leurs rapports avec
leurs maîtres, il comprit la profonde sagesse et l'actualité de la parole
si souvent citée de cet incomparable éducateur que fut Don Bosco : " Il
n'y a que deux moyens de gouverner les enfants, le bâton et la commu-
nion. J'ai choisi le dernier." Le spectacle édifiant de ces centaines
d'enfants de la rue se rendant dans la chapelle aussitôt après le lever, se
confessant librement, simplement, sans l'ombre de respect humain, en
grand nombre, durant la messe, et communiant presque tous chaque
matin, valut au jeune visiteur plus que la lecture du meilleur traité
d'éducation, et l'impression qu'il en rapporta eut sur sa vocation d'édu-
cateur une influence décisive. Aussi, déjà avant le décret de Pie X stir
la communion fréquente, la communion quotidienne existait au Sémi-
naire de Chicoutimi. Aujourd'hui tous les élèves communient au moins
le dimanche et le jeudi de chaque semaine; les 4/5 communient quatre
ou cinq fois la semaine; les 2/3 tous les jours. Inutile d'énumérer les
résultats obtenus.
Parmi les institutions de filles, l'Ecole Normale et le couvent de Chi-
coutimi, dirigées par les Eévérendes Sœurs du Bon-Pasteur de Québec,
avec leurs 90 communions quotidiennes sur 97 communiantes; le couvent
des Ursulines de Roberval, dont les 216 communiantes consomment
36,000 hosties en 10 mois; l'Orphelinat de l'Hôtel-Dieu Saint-Valier de
Chicoutimi, dont 30 élèves sur 50 communient chaque jour, méritent évi-
demment une mention spéciale; car les chiffres ci-dessus témoignent
éloquemment de la ferveur qui règne dans ces maisons.
On pourrait en dire à peu près autant des autres institutions simi-
laires dirigées soit par les Sœurs, soit par les Frères, notamment de l'Or-
phelinat des Frères de saint François Eégis, à Péribonca, qui n'est qu'à
ses débuts, mais dont les 30 élèves montrent une remarquable piété
envers la sainte Eucharistie.
Le culte de la sainte Eucharistie, on le voit par ces quelques notes, a
de profondes racines au Saguenay. Ce fut sans doute pour le bon
Maître une invitation d'y asseoir son trône et d'ouvrir plus largement
aux âmes pieuses de Chicoutimi les trésors de son cœur, par l'institution
de l'adoration perpétuelle. L'établissement de cette œuvre, sainte entre
toutes, fut départi aux dignes filles du Vénérable Père Eymard, les
Servantes du Très Saint-Sacrement.
Arrivées à Chicoutimi en 1903.au nombre d'une quinzaine, ces pieuses
filles reçurent d'abord l'hospitalité des Kévérendes Sœurs du Bon-Con-
seil, puis s'installèrent provisoirement l'année suivante dans une maison
de la rue Paeino. La pauvreté et l'exiguité du local attiraient la com-
— 227 —
passion de tous les visiteurs. La chapelle n'avait pas plus de 8 pieds de
haut; mais Jésus était là dans son ostensoir, qu'importait le reste. Le
9 juillet 1904, dans ce modeste local, eut lieu la première cérémonie de
vêture et de profession perpétuelle de sujets canadiens et américains. Le
25 mars 1906, la petite communauté prenait possession du couvent
actuel, bâti sur une des collines de Chicoutimi. Mais il n'y avait point
encore de chapelle. Le Seigneur, toujours bon pour ceux qui mettent
en Lui toute leur confiance, avait choisi une famille dont la générosité
inspirée par une foi ardente pourvut au temple du Eoi de l'Eucharistie.
Le 18 juin 1909, Mgr Larocque consacrait la nouvelle chapelle ainsi que
l'autel de marbre blanc, et plaçait Xotre-Seigneur dans un ostensoir
d'or pur. Lui faisant prendre possession d'un trône duquel II ne des-
cendra plus. Le grain de sénevé a grandi : il n'est pas encore devenu
un grand arbre, mais 32 Sœurs professes, novices et postulantes, en-
tourent Jésus de leur amour et le jour et la nuit. Aussitôt qu'elles le
purent, les Servantes du T. S. Sacrement établirent l'œuvre de l'Agré-
gation des laïques, faisant ainsi de leur sanctuaire un centre de dévo-
tion eucharistique pour les personnes du monde.
L'Agrégation compte actuellement 645 membres actifs, dont 425
dames et demoiselles et 220 hommes. Le compte-rendu des adorations
pour les quatre dernières années accuse les chiffres suivants :
1907 2,986 adorations.
1908 6 677 adorations.
1909 6.903 adorations.
1910.. .. probablement 8,000 adorations.
Ces chiffres parlent d'eux-mêmes.
Comme on le voit, le culte de l'Eucharistie, implanté au milieu des
tribus indiennes du Saguenay au prix de tant de souffrances par les mis-
sionnaires Récollets, puis étendu et généralisé par les Jésuites et les
Oblats, soigneusement entretenu jusqu'à nos jours par nos pieux évêques
et notre fervent clergé séculier et régulier dans nos 64 paroisses et nos
nombreuses maisons d'éducation et de charité, a produit de précieux
fruits. Xotamment, il a contribué à garder la foi vive dans le peuple,
à protéger les colons ainsi que les ouvriers des villes et des villages con-
tre l'envahissement des fausses doctrines, à sauvegarder la pureté des
mœurs, à tremper les caractères et à infuser dans les âmes des vertus
domestiques et sociales qui nous justifient de concevoir les plus belles
espérances.
L'antique Royaume de Saguenay, en effet, avec son sol d'une éton-
nante fertilité; avec son domaine forestier le plus étendu et le plus riche
de la Province de Québec; avec ses nombreuses chûtes d'eau, source iné-
puisable de force motrice; avec sa population homogène et entièrement
catholique; protégé qu'il est, du reste, contre le flot de l'immigration
étrancrère par son éloignement des grands centres et par sa chaîne des
Laurentides, qui, comme une muraille de Chine, le sépare du reste du
monde- possédant tout de même, des moyens de communications faci es
dans son chemin de fer et dans son profond fleuve Saguenay qui relie
— 238 —
directement Chieoutinii à l'Europe; ce royaume, dis-je, constitue, à
notre avis, une des plus l)elles réserves nationales canadiennes-françaises
et catholiques. Puisse le règne de Notre-Seigneur sV affermir de plus
en plus!
Le rapport qui suit sur " I<t dfvoiinn séculaire des Espagnols
à rEticharistir dû à la, plume de M. le riian. Mimaz Rci/na, di-
recteur des œuvres eucharistiques de Malapja, a été envoyé au
<''on<i,rès de ]Montréal, comme une préparation au Conorès eu-
charistique qui se tiendra en Espa<»ne, Tan prochain. Lec-
ture en est faite par le R. P. Pitre de la Communauté des
Pères du T. S. Sacrement, de Montréal.
Avant de reprendre son siè«e, le Rév. Père Pitre transmet
à Passistance le vœu formulé par Pauteur, à savoir : '^ que les
Canadiens réunis en Congrès eucharistique à Montréal, sym-
pathisent avec PEspaj^ne dans la crise relioieuse qu'elle tra-
verse, et il demande des prières pour que l'Espagne catholique
fasse du prochain Congrès eucharistique, un triomphe nou-
veau au Christ eucharistique. " Ce vœu est unanimement ap-
plaudi.
" LA DEVOTION DU PEUPLE ESPAGNOL A LA
TRES SAINTE EUCHARISTIE "
Messeigneup.s,
Mesdames, Messieurs,
T^a théorie scientifique du centi'e de notre système planétaire fut
controversée pendant de longues années, jusqu'à ce qu'enfin prévalut
dans les écoles l'opinion du savant chanoine Nicolas Copernic. Cette
opinion se résume dans les termes suivants: le soleil est le centre de
notre systènu' planétaire, et c'est autour de ce centre que se meuvent la
terre et les autres planètes avec leurs satellites.
Selon cette théorie, quand la terre dans son mouvement de rotation,
ramène sur nos têtes les irradiations des rayons solaires, les ténèbres
s'illuminent, les ombres dis])araissont, les horizons resplendissent: c'est
le Jour radieux: c'est le règne de hi lumière, de la chirté, de la splen-
deur; mais quand le roi des astres a fourni sa course, (pi'il est disparu,
les oiubres reviennent, l'obscurité nous envahit de nouveau, les ténèbres
nous enveloppent: c'est la nuit.
Ainsi, la Très Sainte Eucharistie étant, comme l"a dit l'insigne Père
Faber. le cœur et le centre de la vie chrétienne et du culte catholique,
autour duf|uel tournent les sacrements avec leurs satellites, les sacra-
jnentaux, nous pourrions dire que (piand les âmes qui hal)itont la terre
se posent devant le Soleil diviti. la Tiès Sainte Eucharistie, pour rece-
voir les clartés qu'elle répand autour d'elle, ces âmes vivent dans le plein
jour, au zénith du jour eucharistique. C'est ce qui arrive maintenant
9-)0
aux liabitants de la ville si cultivée et si relipiouse de Montréal qui
prennent part au Yingt-et-unième Con^rrès EuchariïJtiqup International.
A'oici le jour que le Dieu des tabernacles a fait j)nur les catholiques de
1" Amérique du Xord et pour ceux qui sont venus y reievoir les irradia-
tions et la chaleur (ju'envoie le Soleil de l'Eucharistie, llaec dies quam
fecit Dont in us.
Mais tandis cjue brille ici le l)eau jour du Vingt-et-unicuu' Congrès
Eucharistique International, l'aurore d'un autre jour eucharistique
s'approche de l'Espagne. Alaintenant, sur ce point de la terre, il y fait
nuit. ]\fais la nation catholi<|ue par excellence, n'est-elle pas digne de
recevoir thms son sein k^s clartés de ces jours splcndides qui s'appellent
les Assemblées eucharistiques internationales? Est-ce que ])ar hasard la
foi fervente du peuple espagnol en Jésus au Très Saint-Sacrement, ne
mérite pas ([ue brille sur son territoire, le Vingt-deuxième Congre-'
Eucluiristifjue ?
Il me semble ouïr, à cette proposition, des lèvres de cette auguste
assend)lée, la phrase biblique du prophète Isaïe: "Ciistos quid de nocte?"
Toi, (|ui viens à nous au nom de l'Espagne eucharistique, comme le
représentant des prêtres adorateurs et de la Ligue Sacerdotale Eucha-
ristique, toi (jui veilles sur ce mouvement des lignes avancées des fils
d'Aaron, que nous dis-tu de la foi du peuple espagnol en la Très Sainte
Eucharistie comnu^ élément préparatoire du futur Congrès? Ciisfos quid
de nocte? (Isaïe, XXIII).
Permettez qu'avant de répondre à votre demande, je vous salue res-
pectueusement et affectueusement au nom de ma Patrie bien-aimée, la
nation es])agnole, la terre natale de notre illustre ])atron saint Pascal
Baylon, au nom de l'Espagne (jui avec le grand Christophe Colomb,
envoya les premiers prêtres qui. sur ces nouvelles terres, offrirent le
Saint Sacrifice de no.s autels, et eurent le bonlieui- de déposer Jésus-
Eucharistie dans la poiti-ine des fils de rAméri(|ue. Pecevez. auguste
Assemblée, la salutation chaleureuse que par l'entremise de ce prêtre, le
dernier de ceux qui lui ap])artiennent, vous envoie affectueusement la
catholi(|ue Espagne.
Pour rendre plus brève l'exposition de notre sujet, nous diviserons
l'histoire eucharistique, en trois épo(|ues: la première depuis la prédica-
tion apostoli(|Ue jusqu'au troisième Concile de Tolède; la seconde jus-
qu'à la découverte des Améri(|Ues. et la troisième depuis la découverte
des Améri(|ues jus(|u'à nos jours.
La foi des enfants de l'Lspagne en la divine Kucharistie est aussi
ancienne (|ue le christianisme, et nous pouvons l'esciuisser en nous ser-
vant de ces synd)()les par les(|uels le Seigneur Dieu d'Isi'aël voulut main-
tenir et conserver la foi de son peuple, durant les (|uarante années qu'il
voyagea dans le désert, cheminant vers la Terre Promi.se. Jéhovah lui
— 230 —
envoya le pain du ciel, comme dit le Livre sacré de l'Exode, et une nuée
en forme de colonne qui éclairait ses pas pendant les obscurités de la
nuit, tandis que lui faisant ombre elle le préservait pendant le jour des
ardeurs du soleil. Le Seigneur a fait une chose semblable pour les
enfants de l'Espagne en leur accordant la grâce -de la foi par le moyen
de la prédication de l'Apôtre saint Jacques.
Depuis l'invention du corps du bienheureux apôtre, vérifiée à la fin
du siècle dernier, fait authentiquement confirmé par l'Archevêque, le
Chapitre et les autorités de la cité de Santiago de Compostelle (Ga-
lice) ; la venue de cet apôtre (saint Jacques) en Espagne et ses
travaux apostoliques dans la région aragonaise, particulièrement dans
la ville de César-Auguste, aujourd'hui Saragosse, sont une vérité histo-
riquement certaine. Là, le célèbre fils de Zébédée, Jacobus, célébra les
divins mystères; là, il illumina des splendeurs de la foi les intelligences
de ses premiers auditeurs, sur qui il fit pleuvoir, dans le Saint Sacrifice,
la manne du ciel, le corps sacré du Christ.
Ce fut alors, le 2 janvier de l'an 40 de l'ère chrétienne, que l'infati-
gable apôtre, se reposant des labeurs du jour et se trouvant près du
rivage de l'Ebre, entendit ces harmonies célestes, précurseurs de cette
visite extraordinaire dont il plut à la Très Sainte Vierge de favoriser
son envoyé en terre d'Espagne. Après que les chœurs angéliques eurent
chanté l'Ave Maria, ils remirent à saint Jacques la colonne de marbre et
la petite image qu'elle devait porter. ISTotre-Dame promit à son disciple
aimé que le pilier béni, emblème et signe de son amour, soutiendrait et
conserverait à travers les siècles la foi des fils croyants de l'Espagne.
Conformément aux indications de la Vierge Immaculée, l'apôtre
éleva autour de la sainte colonne une modeste chapelle, le premier temple
dédié en ce monde à la Mère de Dieu, dans lequel se célébraient les
divins mystères et où les premiers chrétiens recevaient tous les jours la
Sainte Communion. L'office liturgique de Notre-Dame du Pilier
approuvé et ordonné dans toutes les églises d'Espagne le 12 octobre par
Sa Sainteté Pie IX, est un témoignage remarquable en faveur de la tra-
dition aragonaise, qui nous montre la foi du peuple espagnol alimentée
non plus par la manne du désert, mais par la Très Sainte Eucharistie,
et éclairée non par une colonne aérienne et lumineuse, mais par le pilier
béni apporté miraculeusement à cette terre.
Cette divine semence cultivée par les sept hommes apostoliques
envoyés plus tard par l'apôtre Saint Pierre afin de continuer l'œuvre
du protomartyr du Collège Apostolique, commença à produire des
fruits multiples et variés dans tous les alentours de cette Province
Romaine, qui en même temps qu'elle embrassait la doctrine du Crucifié,
prenait l'habitude de fréquenter la Sainte Table. Mais quand le bras
puissant des empereurs romains se leva pour détruire, s'il était possible,
cette Table Sacrée et pour en arracher ses fervents convives, les mêmes
faits qui se produisaient dans les catacombes de Piome, se renouvelèrent
dans ces régions. Les catacombes de Sainte Engrace à Saragosse et les
cavernes saintes du Sacré-Mont de Grenade, furent témoins de la pré-
sence réelle de Jésus au Très Saint-Sacrement. Dans ces lieux véné-
rables, il se donnait en communion aux fidèles, les nourrissait et les
— 231 —
fortifiait i)our rcâiriter à la cruauté inouïe des Dèce, des Maxime et des
Dioelétien dont les violences firent d'innombrables victimes, très parti-
culièrement à Saragosse, où s'élève un temple grandiose aux nombreux
martyrs immolés dans cette cité près du Pilier Mariai.
Le Sang Précieux du Christ qui, par la communion produisit ces glo-
rieux martyrs appelés Laurent et Vincent. Fructueux et Narcisse, Léo-
cadie et Eulalie, Justine et Rufine, Cyriaque et Paula avec d'autres sans
nombre, féconda le sol de l'Espagne et le peupla de chrétiens éprouvés
et fervents, comme l'atteste saint Jérôme dans sa lettre à Lucinien,
séculier de la Bétique marié à Théodora. Saint Augustin l'atteste de
même dans sa cinquante-quatrième épître à l'évêque Jénarol, où il lui
recommande la conservation de cette belle pratique de la communion
quotidienne. Une preuve très éloquente de la foi du peuple espagnol
en l'Eucharistie est le Décret du fameux Concile appelé: de Aquis Coe-
lenis, (Compostelle) réuni par ordre du Pape saint Léon pour écarter
les périls des priscillianistes et de l'irruption des barbares. Les Pères
ordonnèrent que le Très Saint-Sacrement serait exposé dans le taber-
nacle, afin d'animer la foi professée par les chrétiens et la conserver au
moyen de l'adoration du Très Saint-Sacrement. A partir de l'année
448 dans laquelle se tint le Concile précité, commença à Lugo l'exposi-
tion de sa Divine Majesté, coutume qui s'est conservée jusqu'à nos jours
dans l'Eglise Cathédrale.
En outre du Concile de Aquis Coelenis, celui de Illiberis, le premier
de Saragosse, le premier et le second de Tolède, témoignent du culte et
de la discipline eucharistique à cette époque, qui atteignirent leur
apogée dans la célèbre Assemblée de Tolède convoquée sur les instances
du fils de Léovigilde, le célèbre Eécarède. Celui-ci était parvenu à
étendre sa domination sur toute la Péninsule Ibérique, en unissant le
royaume des Suèves à l'empire Visigoth; mais l'unité de la foi catho-
lique manquait pour fondre les diverses tribus que comprenait le nouveau
royaume.
Le troisième Concile de Tolède fut la reconnaissance solennelle de la
souveraineté sociale du Christ dans notre Evspagne. Divisée d^abord en
tribus ou nations différenciées par leurs religions, soumise plus tard à
l'empire romain, et assujettie depuis au joug puissant et terrible de la
barbarie des Suèves, des Gotlis, des Visigoth», elle vit arriver avec une
allégresse indicible le jour du 8 mai de l'année 589. Ce jour-là, firent
serment au pied du trône de Jésus-Christ au Très Saint-Sacrement,
les Galiciens, les Visigoths et les Hispano-Romains, les vaincjucurs et les
vaincus, les ariens d'hier et les catholiques d'aujourd'hui chantent d'un
commun accord le Symbole de Nicée : " Nous croyons en un seul Sei-
gneur, Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, Dieu de Dieu, lumière de
lumière, vrai Dieu de vrai Dieu engendré et non fait, consubstantiel au
Père." Alors, dit un historien de cette assemblée, retentit la voix puis-
sante du Christ Jésus, qui fait toujours ce qu'elle dit, et qui répond au
Credo des Espagnols en disant : " Espagne, dès aujourd'hui tu es une
Xation. N'oublie pas que tu nais en confessant ma divinité." Et
c'est bien là,Messieurs, le caractère propre et providentiel de notre
nation. Celui-là n'entend pas l'histoire, qui ne voit pas que l'Espagne
— 232 —
n'existe au milieu des peuples (pie pour défendre et propager la souve-
raineté sot'iale de .Jésus au Très Saint-Saerenieut, eomuie eela se vérifie
depuis k' troisièuie C'oneile de Tolède jusqu'aux Kois Catholiques.
II
A'ous me direz que toutes les gloires du trône de Ixécarède^ sous le bel
étendard de l'unité catholique placé sur les hauteurs de l'impériale
Tolède, disparurent bien vite, le trône et la bannière s'enfonçant dans
les eaux ensanglantées du Guadalete. pour laisser passage aux fils du
Coran. L'Espagne eucharistique mourut-elle? Non, Messieurs.
Regardez les rochers de la Auseba et vous verrez le vaillant Pelage
implorant le secours divin dans la grotte de Covadonga où il assemble
les troupes chrétiennes pour ressusciter l'empire et la souveraineté de
Jésus-Eucharistie.
" Si on lit impartialement notre histoire, a dit l'éminent cardinal
Sancha, on ne pourra se dissimuler que la lutte séculaire de la recon-
quête fut soutenue et couronnée de succès par la vertu et l'attraction du
Sacrement Eucharistique, d'où Jésus-Christ, irradiant d'abondantes lu-
mières sur les chrétiens, et échelonnant les miracles des Hosties con-
sacrées en diverses régions, leur traçait les grandes lignes de défense
qu'ils devaient suivre et leur communiquait l'unité d'action et l'énergie
héroïque pour guerroyer contre les Maures et vaincre les ennemis du nom
chrétien."
Depuis le troisième Concile de Tolède, il n'y a dans notre histoire ni
pactes, ni serments, ni codes, ni batailles, ni victoires, ni conquêtes, ni
monuments notables qui n'aient été conçus et exécutés si ce n'est en
prenant pour base la souveraineté sociale de Jésus-Christ et sa présence
réelle dans le Sacrement de l'Autel.
"La Ligue de Galice et d'Asturie, ou encore le 'pacte de Pelage, formé
en 716 dans la grotte de Cavadonga, prescrit le respect et la vénération
du Très Saint-Sacrement, et exige des guerriers l'assistance à la Messe
et la sainte communion avant d'entreprendre la bataille contre les
Maures. De cette foi ardente, de cette confiance absolue dans le Sacre-
ment eucliaristi(iue naquit la coutume des coffrets et des chariots de
l)ataille dans lesquels la Sainte Eucharistie était conduite à la tête des
armées chrétiennes, ce dont témoignent les coffrets précieux qui se con-
servent encore: celui de Jaime le batailleur à Daroca, celui du Cid à
Burgos, celui des rois d'Aragon à Barcelona, celui de saint Ferdinand
et d'Isabelle à Grenade. On exposait, planté sur ces chariots, le pennon
royal, tout couvert de syud)oles et d'emblèmes se rapportant à l'Hostie
consacrée ".
Ce fut api'è> avoi)' assisté au Saint-Sacrifice et avoir reçu la sainte
communion des mains des cM'iniles \'oto et Félix, ([ue se réunirent dans
l'erniitage de Xotre-Danic de bi Cave, près de -laca, les trois cents gen-
lilshoninH'S (jui proclamèrent rim]é|)!'mhince chrétienne des royaume-^
de Sobrarbe, de Xavarre et d'Ai'agon et les délivrèrent fie la domination
sarrasine; et en vertu de ce même pacte, la ligue de Sobrai'l»' exigea ])lus
tard des garanties de justice et de liberté des Pois de Léon, et les obligea
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à consigner dans leurs chartes (|Ue Xotre-Seigneur Jésiis-Christ est celui
qui règne et qui gouverne le royaume ".
" De même, les Vasques ne prêtaient serment qu'au moment de la
célébration de la Messe, à l'autel placé sous l'arbre de (iuernica, et les
députés étaient ol)ligés d'y assister comme comlition nécessaire pour
pouvoir prendre part aux sessions et aux résolutions des délégations".
Le même esprit informe la loi d'Aragon, dans laquelle selon le pacte
posé au début, les rois sont obligés à donner des garanties de liberté et
de rectitude avant d'être consacrés et d'exercer leur pouvoir. Aj)rès avoir
entendu la Messe et reçu la sainte connnunion, ils devaient prêter ser-
ment devant la Divine Majesté des autels, et le grand Justicier qui le
recevait au nom des Etats, déclarait ((u'ils avaient été élus chefs du
royaume, à condition de conserver les droits et les libertés des mêmes
Etats, et que, s'ils ne le faisaient pas, l'élection serait tenue pour nulle.
Sous la puissante influence eucharistique, le peuple Aragonais, dont la
valeur et la bravoure n'ont pas leurs pareilles dans le monde, conserve
sa dignité, repousse la tyrannie, bannit de ses lois la torture et le juge-
ment secret, délivre les Baléares et Valence de la domination agaré-
nienne, règne sur la Méditerranée et j)orte le noui glorieux de la Tatrit'
jusqu'aux portes de l'Asie.
Les quatre pactes ici mentionnés sont les ([uatre grands piliers de la
foi eucharistique sur lesquels s'élève l'indépendance régionale d'abord,
ensuite l'indépendance nationale, et sur lesquels se fondent l'autorité, la
législation, les libertés (fueros) et la puissance militaire de notre pays.
Les Maures, dit un historien, furent vaincus par la croisade de Jaime I
d'Aragon, et pour témoigner que cette victoire est due au pouvoir du
Christ au Saint-Sacrement, le roi don Jaime lui dédie mille églises, et
lègue au Sanctuaire de Daroca le coffret eucharisti(|ue qu'il avait porté
dans les batailles, pour que s'y gardent les corporaux et les Hosties en-
sanglantées et cachées à Luchante. Saint-Jean-des-rois de Tolède,
église élégante et d'un mérite artistique incomparable, est de même
dédiée à r.Vgneau-[nnnaculé en actions de grâces des triimiphes obtenus
par Ferdinand le Saint, qui consacre toute rEsjiagne au Très Saint-
Sacrement dans la Cathédrale de Tolède.
Mais si grands (|ue soient les triomphes obtenus par nos rois, pen-
dant cette glorieuse épopée de sept siècles, ])our éteudre rem|)ire de la
souveraineté au Christ Eueharisticiue sur les territoires qui en même
temps étaient recon(|uis à l'Espagne, la découverte de l'Amérique, réa-
lisée par le Génois Cbristophe Colomh avec l'aide et la ])rotection d'Lsa-
belle la Catholi(|ue. porte à son apogée et ferme dignement la période
historiiiue de la foi eucharistique du peuple espagnol.
Ce fut après avoir communié avec ses éipiipages que l'intréjiide Colomb
monta sur ses caravelles, pour affronter les sombres mystères des océans.
TTT
Avant la déiouverte des .Vmériques et l'accroissement des possessions
espagnoles pendant les règnes de l'empereur Charles I d'Espagne (»u
Charles-Quint d'Alleuiagne, et surtout du grand Philippe TL ou pût
— 234 —
affirmer que le Soleil Divin de l'Eucliaristie dominait tout le royaume,
à tel point qu'il n'y en avait pas un coin qui manquât de recevoir la
lumière du Dieu du Sacrement : Non est qui se abscondat a colore eis.
Nous sommes arrivés à la troisième période indiquée pour examiner la
foi du peuple espagnol dans l'Eucharistie, c'est-à-dire au XVIe siècle
marqué dans l'histoire générale de l'Eglise par le célèbre Concile de
Trente.
L'influence importante que les prélats et les théologiens espagnols
exercèrent au Concile de Trente, est connue de tous ; je vous rappellerai
à ce propos cet avis des Pères : " hodie sessio non celehratur, quoniam
Lainez infirmatur." Les théologiens espagnols avec Salmeron, Lainez
et Pierre de Soto, portèrent le " pondus diei et aestus " à la tête de ces
mémorables sessions, et ce furent eux qui proposèrent au Concile de res-
taurer la pratique de la communion fréquente et quotidienne, ce qu'ac-
ceptèrent avec grande joie les Pères dans la vingt-et-unième session.
C'est pourquoi il n'y a pas lieu de s'étonner, si, à partir de cette gran-
diose Assemblée, et à peine la doctrine de la communion fréquente et
quotidienne enseignée par les Pères de Trente connue du peuple espa-
gnol, la fréquentation de la Table Sainte et l'adoration publique et
solennelle de l'auguste Sacrement se développèrent si magnifiquement en
Espagne. Saint Ignace de Loyola avec sa Compagnie illustre et
aguerrie: sainte Thérèse de Jésus avec saint Jean de la Croix et leurs
nobles enfants du Carmel ; saint Pierre d'Aleantara avec ses frères, les
fils et les imitateurs fidèles de leur saint Patriarche saint François;
l'apôtre de la charité envers les malades, saint Jean-de-Dieu, avec ses
frères hospitaliers, et beaucoup d'autres hommes insignes dans la piété
et dans la science, promurent et propagèrent la pratique de la commu-
nion fréquente en harmonie avec les enseignements du Concile de
Trente; ce furent eux qui formèrent cette belle constellation eucharis-
tique autour de Jésus au Saint-Sacrement dans le ciel de l'Eglise d'Es-
pagne durant les XVIe et XVIIe siècles.
Il faut avouer cependant, que malgré tous les efforts de nos rois pour
empêcher l'entrée des doctrines protestantes et jansénistes dans le sein
de l'Eglise espagnole, les pays étrangers imprégnés de ces doctrines anti-
eucharistiques qui devaient nécessairement produire des résultats mortels
à la communion fréquente finirent par s'y faire jour ; ce qui fit qu'on ne
communia plus qu'une ou deux fois par semaine dans les maisons reli-
gieuses et que furent rares les personnes qui fréquentèrent le Banquet
Eucharistique dans les siècles postérieurs. Depuis la seconde moitié, ou
plutôt depuis le dernier tiers du XIXe siècle jusqu'à nous, très particu-
lièrement depuis le Décret Sncrn Tridentina Synodus, une puissante
réaction eucharistique s'est opérée dans le peuple espagnol, puisque l'on
compte aujourd'hui par milliers les communions des dimanches et des
jours de fête dans beaucoup d'églises des principales villes du royaume.
Il est impo^siljle d'insérer dans les étroites limites de ce mémoire, tous
les témoignasres éloquents de la foi eucharistique du peuple espagnol
pour l'adoration de l'auguste Sacrement pendant l'époque moderne de
notre histoire. Depuis le beau temple du Corpus Christi érigé au com-
mencement du XVIIe siècle par l'archevêque de Valence, si dévot à
— 235 —
l'Eucharistie, jusqu'à la modeste chapelle dédiée à Tolosa, il y a trois
ans, à l'adoration du Très Saint-Sacrement que pratiquent les religieux
de la Congrégation fondée par le Vénérable Père P. Julien Eymard, la
péninsule Ibérique est parsemée de monuments, d'associations et de con-
fréries du Saint-Sacrement, les unes antérieures, les autres postérieures
à celle de Sainte-Marie de la Minerve, fondée par Paul III, publiant
toutes, la foi du peuple espagnol à l'Eucharistie. Ainsi s'explique la
splendeur et la magnificence des processions du Corpvs, pour lesquelles
on conserve comme autant d'insignes reliques, les riches et artistiques-
custodes d'or et d'argent qui, imitant la litière des anciens rois, servent
au Roi Suprême, au Christ-Eucharistie pour circuler à travers les rue&
et les places des cités espagnoles.
Il est certain qu'aujourd'hui il ne reste plus que des vestiges de ces
associations, parce que les vents arides et brûlants de l'impiété moderne
ont desséché notre terre, flétrissant tant d'institutions eucharistiques-
pour la restauration desquelles nous attendons avec anxiété le prochain
Congrès Eucharistique International. Cependant le nombre des Adora-
teurs du Très Saint-Sacrement va croissant dans notre Espagne, se dé-
veloppe tous les jours et couvre le pays tout entier d'une splendide
moisson eucharistique. C'est ce que proclament l'adoration perpétuelle
toujours vivace dans l'antique Basilique de Lugo, la multitude des villes
espagnoles où se pratique l'exposition des Quarante-Heures. C'est ce que
proclament ces chœurs de vierges, magnifique efflorescence de notre terre
eucharistique : les Esclaves du Très Saint-Sacrement. l'Institut de
espagnoles où se pratique l'exposition des Quarante-Heures. C'est ce que
proclament cette armée innombrable d'adorateurs nocturnes dans tous
les diocèses de la péninsule, et surtout cette illustre pléiade de milliers
de prêtres-adorateurs qui, avec les Religieux du Très Saint-Sa<?renient,
forment autour des tabernacles de toutes nos églises la cour du Divin
Roi.
Pour terminer le résumé que nous venons de faire, des dernières ma-
nifestations de la foi eucharistique du peuple espagnol, je vous dirai un
mot de l'action sociale eucharistique réalisée en Espagne jusqu'au-
jourd'hui.
Deux Congrès Eucharistiques nationaux, de grande importance, y ont
été tenus, celui de Valence convoqué en 1893 par le Cardinal Sancha, et
qui fut célébré par un grand concours de Prélats et d'Associés inscrits
au nombre de cinq mille et celui qui eut lieu trois ans plus tard à Lugo
sur l'invitation du Prélat de ce siège épiscopal, l'excellentissimo seigneur
Don Benito Murua. Il ne fut pas inférieur au précédent, et saint
Pascal Baylon y fut proclamé Patron des Œuvres Eucharistiques espa-
gnoles, un an avant que Sa Sainteté Léon XIII proclamât et désignât
l'humble convers franciscain avocat et protecteur des Œuvres Eucharis-
tiques du monde entier.
Trois Assemblées eucharistiques se sont tenues aussi à Saragosse, à
Lugo et à Séville; elles eurent pour objet principal l'organisation des
centres eucharistiques pour le meilleur gouvernement et le service de
l'action eucharistique en Espagne.
Il est certain, comme il a déjà été dit précédemment, que le Décret
— 236 —
sur la communion fré(|uente, a été mervcilU'Usement mis en pratique par
les catholiques espagnols, avec la coopération puissante de Tarchicon-
frérie de la Ligue Sacerdotale Eucharisticiue (\m compte déjà en
Espagne, quinze mille huit cent douze prêtres. Il est indéniable qu'il
man.jue pour illustrer la foi fervente (lu peuple espagnol un Congrès
International (pii soit comme un phare lumineux répandant ses clartés
sur tout le territoire espagnol, et mettant à profit les précieux éléments
que renferme aujourd'hui l'Espagne Eucharistique, ranime la foi, res-
suscite les anciennes associations et indique enfin les routes que doit
suivre l'action eucharistique pour arriver à la restauration du culte 'de
l'Eucharistie.
Vous me direz peut-être, (jue les circonstances actuelles (|ue traverse
la nation espagnole dans l'ordre politico-religieux, ne sont pas les plus
favorables à la réalisation de l'arrêté pris par le Comité directeur des
Congrès Eucharistiques Internationaux et accepté par Son Eminence le
Cardinal Archevêque Primat de Tolède, de célébrer en Espagne l'an
prochain, 1911, le vingt-deuxième Congrès Eucharistique International.
Pour répondre à cette objection, il me suffira de vous rappeler le haut
et grandiose exemple que vient de donner aux catholiques du monde
entier la foi catholique du peuple espagnol, lorsque l'immense majorité
de la nation espagnole s'est levée comme un seul homme à la voix de
leurs vaillants Prélats pour adhérer à la belle et énergique protestation
qu'ils faisaient respectueusement devant les hauts pouvoirs, afin d'ob-
tenir la suspension des ])rojets de loi et de dispositions ayant pour but
la diminution des Ordres Eeligieux et l'affaiblissement de la foi catho-
lique. Il y a encore de la foi en Espagne! Sa Sainteté Pie X a été
très consolée par de si belles manifestations.
Pour moi, j'estime qu'au milieu de ces aridités qui régnent dans le
désert de l'incrédulité et de l'impiété, et qui, pour notre malheur, ont
pris en Espagne leurs lettres de naturalisation, et malgré ces aridités,
j'estime que le Dieu de l'Eucharistie veut donner à la nation espagnole,
la Manne Divine et les torrents de grâces qui jaillissent du Cœur de
Jésus-Eucharistie, ]iar le moyen du prochain Congrès Eucharistique In-
iernational, au(|uel vous invite pai' le dernier de ses enfants, l'Espagne
Eucharistique f|u"ont formée les fils de saint Jacques et de la A'ierge du
Pilier.
— 2;3r —
M. Tabbé Prud'homme, secrétaire de rarelievêché de Saiut-
Bouiface, traite ensuite de l'état de la piété eucharistique au
Mauitoba et dans le Nord-Ouest du Canada.
ETAT DE LA PIETE EUCHARISTIQUE AU
MANITOBA
En parcourant les annales des premiers temps apostoliques du Xord-
Oiiest, on se sent invinciblement saisi d'un sentiment d'admiration, à la
pensée des souffrances et des privations de tous genres endurées avec un
courage héroïque par ces chevaliers du Christ. Xe me demandez pas à
quelle source ces athlètes de la foi allaient fortifier leur âme, car ils ont
pris soin eux-mêmes de nous confier le secret de leur touchante cons-
tance. Ils se retrempaient dans le sang de leur Tîédemi)teur. Sur la
plage déserte, au sein de la forêt vierge ou sous la loge de miséi'al)les sau-
vages ne respirant que la guerre sanulante, rajiines et satisfaction des sens,
le missionnaire offrait le saint Sacrifice de la messe pour la conversion de
ces barbares, et demandait à Jé-^us-Hostie de féconder la semence jetée
en terre par son serviteur. Aussi bien, le trioin])he de la foi dans ces
vastes contrées, plongées naguère dans les honteuses servitudes du paga-
nisme et des vices qu'il engendre, montre sous un jour hiniineux la vie
débordante qui s'échappe du Sacrement d'Amour. C'est bien au sein
de ces peuples primitifs. qiu> l'on touche du doigt pour ainsi dire, la
transformation (|ui s'opère dans ces anus neuves ])ar la manducation
eucharisticiue. ^Fais il send)le qu'il fallait pour triouiphor des préjugés
séculaires des tribus nomades de l'Ouest, et élever leur intelligence à la
hauteur des vérités évangéli(iues, non sculeuuMit 1;' uiarl-vv (piotidien de
toute une vie de fatigue et d'abandon, uiais le sacrilice sanulant sous la
hache meurtrière de ces barbares. T.e Père Aulnault, S.J., sera la vic-
time ])ure dont le sang coulera sur les rives désolées de l'Ile-au-Massacre.
On rapporte f|ue trois jeunes Sioux, fils d'une veuve, s'acharnèrent
au Père Aulnault, et lui enfoncèrent le crâne au moment où il élevait la
main pour absoudre s?s comj)agnons de voyage. Tls s'em])arèrent de
son calice. Dieu les punit d'une manière épouvantable de ce sacrilège.
Dès le premier soir du campement, au moment où ils s'apprêtaient à
prendre leur repas, l'un des trois se levant tout à coup, poussa un cri
affreux et tomba foudroyé. Le lendemain soir, le second mourait dans
les mêmes circonstances. La mère, en essuyant ses larmes, dit alors :
"Je sais la cause de mes malheurs. C'est le ^Manitou de la rol)e noire
qui a foudroyé mes deux enfants." Et au même instant, olle i>rit le
calice, le jeta au fond d'une rivière, et le dernier de ses fils fut épargné.
— 238 —
Il semblerait que le sang versé sur le Lac-des-Bois criait vengeance
comme celui d'Abel. Taudis que les sauvages des Prairies courbaient
leur front sous l'eau régénératrice, les aborigènes du Lac-des-Bois de-
meuraient réfractaires à la grâce.
Un jour, Mgr Langevin assistait à leur traité à l'île Wabiscoug. Jus-
qu'à ce jour, ils avaient refusé d'écouter Le missionnaire. Monseigneur
demanda la permission de leur parler. Us se montrèrent peu disposés
à se rendre à cet appel ; toutefois ils promirent de rendre réponse le len-
demain. Le jour suivant Monseigneur et ses jjrêtres qui l'accompa-
gnaient offrirent le saint Sacrifice de la Messe pour la conversion de ces
infidèles. A peine les messes étaient-elles terminées, que les chefs ve-
naient annoncer à Monseigneur qu'ils permettaient à ses missionnaires
de leur parler d'Ecoles Industrielles. On sait que depuis, grâce à ces
écoles, bon nombre de conversions ont eu lieu. Le Dieu Eucharistique
avait dompté le cœur endurci de la tribu la plus païenne de l'Ouest. —
On T'a répété bien souvent, c'est par le sacrement de son amour que le
Christ a pris possession de nos immenses prairies. Jésus-Hostie, mieux
encore que la colonne lumineuse qui couvrait l'Arche sainte, et dirigeait
le peuple de Dieu vers la terre promise, a illuminé les intelligences, ré-
chauffé les cœurs, et fortifié les volontés de ces pauvres enfants de la
nature.
Les missionnaires ont constaté souvent que là où le saint Sacrifice
avait été offert, les invocations démonologiques des forts en médecine
étaient frappées d'impuissance. C'est que le Christ sur nos autels,
comme sur l'étendard de la croix, terrasse les puissances infernales, pour
laisser s'épancher de son côté ouvert les immenses trésors de ses grâces,
et s'emparer des âmes par l'excès de son amour pour elles. Il com-
prenait bien les effets merveilleux de l'Eucharistie pour l'établissement
du règne de Dieu dans l'Ouest, le premier évêque de la Rivière-Eouge,
Mgr Provencher. A cette époque, on ne connaissait presque jamais le
pain au repas, et il arriva à Mgr Provencher de souffrir de la faim, par
le manque absolu de toute nourriture. Et pourtant, ce saint évêque avait
à sa disposition les argents nécessaires pour avoir une table convenable.
C'est qu'il donnait tout à ses missionnaires, afin qu'ils pussent élever
quelque chétive cabane, oii l'Hostie sainte pût être exposée, et bénir de
ce trône élevé au prix de bien des larmes et des souffrances, la popula-
tion de ce pays.
Mgr Provencher travailla de ses propres mains à la construction de
sa cathédrale et de son évêché. Et depuis, que de missionnaires ont suivi
cet exemple. Elles ne sont pas rares les maisons-chapelles qui ont été
construites en grande partie par le missionnaire. Dans un grand nom-
bre de paroisses, des églises substantielles, dont quelques-unes pourraient
rivaliser avec colles des paroisses du Saint-Laurent, ont été construites,
mais nous comptons encore un nombre considérable de maisons-cha-
pelles. Quelques-unes sont tellement pauvres que le prêtre peut à peine
empêcher le vin de geler durant Thiver. Nous comptons 104 églises avec
prêtres résidents, 100 cbapelles de mission, 60 églises ou chapelles des
Ruthènes du rite ruthène, 1 collège, 1 petit-séminaire, 30 couvents, 3
— 239 —
hôpitaux, 1 hospice, 1 maternité, 1 crèche, 3 orphehnats, 1 école indus-
trielle et 9 écoles-pensionnats, autant d'endroits où le Dieu de l'Eucha-
ristie reçoit les a/dora tions de 123,073 catholiques, dont 78,073 du rite
latin, et 45,000 du rite ruthène.
Xous sommes heureux de le dire ici, les catholiques de rarchidiocèsc
de Saint-Boniface ont hérité de leurs pères dans la foi, du respect et de
la dévotion envers le Saint-Sacrement. Dans nos paroisses, la Fête-Dieu
se célèbre avec éclat et piété. Sur le parcours de la procession, se dres-
sent des arcs de triomphe, couverts de banderolles et de draperies. Les
chemins sont ornés de verdure, tandis que les reposoirs chargés de
fleurs, se dressent sous les portiques de catholiques honorés de recevoir la
visite du Christ. La communion du premier vendredi du mois est soli-
dement établie partout, tandis que la cathédrale et plusieurs autres
églises des différentes paroisses, voit chaque semaine une foule nom-
breuse assister à l'Heure-Sainte. Partout, un nombre de plus en plus
nombreux de fidèles, répondant aux vœux de Pie X, s'approchent chaque
semaine et même pour une élite, chaque jour, de la Table Sainte.
Xous assistons en ce moment dans l'Ouest au spectacle réconfortant
d'une intensité merveilleuse dans la vie catholique. Le drapeau du ca-
tholicisme se déploie sous la brise de l'Ouest, dans tous les coins du pays.
Xous sommes en bonne voie de placer sur tous les coins stratégiques, des
autels d'où ra^'onne l'influence de la foi catholique. Les prêtres se
prodiguent avec un dévouement admirable pour soutenir le zèle de ces
groupes nouveaux qui surgissent avec une fécondité étonnante. Les ca-
tholiques se comptent et se forment en cette phalange invincible qu'on
appelle la Paroisse. Ces paroisses naissantes ne se laissent jamais en-
tamer. Elles essaiment plutôt et la vie catholique coule à pleins bords.
Cette floraison extraordinaire promet une abondante moisson pour
l'avenir. Fondées dans le dévouement et le sacrifice, ces chrétientés nous
permettent d'espérer un avenir consolant pour la jeune Eglise de
l'Ouest. '' Introibo ad altare Dei, ad Deum qui lœtificat juveniiitem
meam." — Je m'approcherai de l'autel de Dieu, du Dieu qui réjouira
ma jeunesse," peuvent répéter ces noyaux de paroisse qui s'imposent des
sacrifices énormes pour faire briller dans la prairie la croix de salut.
Cette marche triomphale de l'Eglise nous donne droit de livrer nos
cœurs aux plus consolantes espérances pour l'avenir, parce que les
œuvres fondées dans le sacrifice ne peuvent manquer d'attirer les béné-
dictions de Dieu. Ce n'est point cependant sans des difficultés de toutes
sortes que se poursuit encore à l'heure actuelle cette marche conquérante
et triomphante du Christ-Hostie à travers nos plaines sans fin. A un
moment même on aurait cru l'œuvre catholique paralysée. En effet,
l'arrivée dans nos contrées de peuples, venus de tous les points de la
vieille Europe avec leur langue et même leur rite divers, semblait une
difficulté insurmontable. Où, en effet, trouver des prêtres, parlant toutes
ces langues, et pouvant desservir ces populations? Allemands, Hongrois,
Polonais, Italiens et Flamands purent cependant bientôt trouver dans
le clergé séculier et régulier des prêtres parlant leur langue.
La difficulté semblait plus grande et insoluble pour ce qui coni orne
— 240 —
les populations du l'ite l'utliènc. Les seliisinatiques et certaines sectes
protestantes eseoni})tant reuibarras dans lequel se trouvait Tépiscopat de
l'Ouest, s'efforcèrent tle semer le trouble et la division parmi ces braves
gens. Mais ils avaient compté sans le dévouement des prêtres latins
belges, canadiens-français et français. Bravement et sans crier leur
héroïsme sur tous les toits, humblement mais héroïciuement, ces prêtres
s'imposèrent l'étude de la langue ruthène, afin de pouvoir se dévouer
plus complètement à l'œuvre du Christ Eucharistique, au milieu de ces
bonnes populations, où les RK. PP. Basiliens exercent déjà un apostolat
si fécond.
Grâce à ce dévouement qui fait de jour en jour des recrues toujours
plus nombreuses, parmi nos jeunes prêtres de langue française, le pro-
blème des langues et des rites est en voie sûi'e de se régler.
C'aurait été, en effet, une erreur grave et une faute lamentable de
chercher à amener ces divers peuples à une uniformité de langue, pour
parer aux inconvénients de l'heure présente. L'expérience est là pour
prouver, quoi qu'on en dise en certains milieux, que l'abdication de la
langue entraîne hélas et comme fatalement l'apostasie de la foi. Il n'y
a jias de raisonnement qui tienne devant le fait brutal, dont la constata-
tion est quotidienne. 11 y a mille fibres intimes de l'âme, que la langue
maternelle seule fait vibrer avec une émotion intense, créant une menta-
lité particulière, et qui cessent de répondre aux échos d'une langue
étrangère. Quand ces liens se brisent, on obtient une transformatioii
dangereuse. Lin catholique qui se dépouille de sa langue pour embrasser
celle de la majorité, risque fort d'épouser également la manière de penser
et de croire de cette majorité. Et certes, nous pouvons le dire sans
crainte , nul plus que l'archevêque de Saint-Boniface n'a compris, et ne
com])rend encore cette vérité. Il s'est donné beaucoup de mal pour don-
ner à chaque nationalité et à chaque rite des prêtres de même langue et
de même rite, et à cet effet, il s'est rendu à Vienne même, voir l'Em-
pereur d'Autriche. Aussi, nul plus que lui ne s'est fait le défenseur de
ce droit naturel et imprescriptil)le que les fidèles ont d'apprendre à con-
naître et à prier Dieu en la langue que Dieu leur a donnée.
Et c'est ainsi qu'en travaillant à donner à cha(|ue race des prêtres
parlant sa langue, il a travaillé à conserver à l'Eglise des milliers dQ
fidèles, et à Jésus-Hostie des conirs heureux de le recevoir dans son au-
guste sacrement.
Nous avons doru- l)i;'ii raison d'espérer que Jésus-Hostie qui nous a
protégés dans le passé, et (|ui a suscité tant de dévouement juscprà ce
jour, continuera de protég<M' l'Eglise de l'Ouest, afin (prelle reste fidèle
à son passé de gloire.
A]>rcs ce derniVr rai)p()rt, le secrétaire annonce que le
temps manque ponr la Icctnre des denx deiniei-s travaux an
j)rf)iiramme : '' L'Associtilion de l'(envi-e des E|>lises pauvres
à Ivome ", par Mj'r Laurent! ; rap])()rt, qui devait, être lu par
^r. l'aV)bé (MaT)in, supérieur du ('o]lèi>e (^anadien à Rome ; et
1' " Eu(diaiistie dans les pr<'miers siècles d'après les fouilles
— 241 —
aicliéoloiiiciiies d'Afrique "", par le Kév. Père Delatre, des
l*ères l^laiics d'Afii(iiie, travail (jui devait être lu par le Supé-
rieur de leur Postulat de (Québec.
Nous dounous ci-dessous le texte de ces deux travaux :
L'ARCHIASSOCIATION DE L'ADORATION
PERPETUELLE ET DE L'ŒUVRE DES
EGLISES PAUVRES A ROME
I OlUGIXE.
Au treizième siècle, Dieu abaissa ses regards sur une humble fille de
la Belgique — Julienne de Eetinne — pour entourer de nouvelles splen-
deurs le culte du Très Saint-KSacren)ent. La Fête du Corpus Domini,
célébrée pour la première fois, en 1246, dans la Collégiale de St-Martin
à Liège, fut quelques années après, par un de ses archidiacres devenu
le Pape I^rbain IV — qui l'un des premiers avait reconnu en Julienne
rinspiration divine — étendue à toute l'Eglise j)ar une bulle à jamais
célèbre.
Lorsqu'en 1846, avec un magnifique élan de foi. la Belgique se pré-
parait au Jubilé six fois séculaire de cette fête triomphale, apparut le
IÛIl' rayon d'une œuvre bien plus humble et plus intime, inais également
inspirée par le Seigneur à une autre vierge belge, pour l'honneur et la
gloire de la Sainte Eucharistie.
Depuis trois ans, cette œuvre germait dans l'ombre, sous les yeux de
Monseigneur Joachim Pecci, qui. nommé au commencement de 1843,
Xonce Apostolique en Belgique, ne tarda pas à se trouver on rapport
avec le comte Ferdinand de Meeiis. et à assister par là même, au château
dArgenteuils aux premiers essais d'une entre])ris(' destinée à recevoir
un jour de son autorité suprême, bénédiction et couronnement. Ce fut
à \i\ fin de cette mênu^ année 1S43, cpie Mik' de Meeiis, alors âgée de vingt
ans, fit la découverte, pour elle très inattendue, de la pauvreté des églises
de paroisses de campagne, l)ien proches cependant de la capitale. .Sa
))iété en fut alarnuH'. et en même temps, une grâce puissante airissant
sur son âme. concentra toutes ses aspirations vers le Très Saint-Sacre-
ment et le profond respect dû à son culte.
Peconnaissant bientôt la valeur éphémère des eiforts individuels pour
poui'voir à des liesoins qui chaque jour se dévoilaient plus nond)reux,
elle conçut la pensée d'une As-^oeiation à laquelle le lî. Père Boone de
la Compagnie de Jésus accorda tout son zèle d'apôtre, et dont, pour la
première fois, il fit entrevoii' la pensée, en parlant à Bruxelles de la pau-
vreté du Divin ^laître. au moment oii le grand Jubilé de 1S46 était
polennellenient annoncé. Par une de ces coïncidences doid la Providence
a le secret, l'Association de l'Adoration perpétuelle et de r(Euvre des
Eelises pauvres abi-itait ses premiers ])as sous le trioiuplie de l'Eucba-
ristie, sous l'auréole de sainte Julienne: de l'origine de Tune et de
l'autre institution un futur pape avait élé le témoin.
— 242
II — But.
Comme l'indique le titre porté par l'Association^ cette œuvre a un
double but : l'adoration du Très Saint-Sacrement, et le secours aux
églises pauvres. Sous ce double aspect, elle ne fut pas toujours com-
prise. La splendeur des chiffres représentant ses offrandes, éblouit par-
fois ceux qui, dans des congrès ou ailleurs, entreprirent de la louer;
l'éclat et la charité matérielle absorba l'attention, provoqua des applau-
dissements; beaucoup firent de nouveaux appels à sa générosité, croyant
en cela répondre à son unique désir.
Mais l'œuvre est plus que cela et doit être considérée soiis un jour plus
noble et plus digne. Son esprit, son âme, le point de mire de tous ses
efforts consistent à faire connaître, aimer et adorer Jésus dans la Sainte
Eucharistie ; là est sa vie, sa force, le secret de cette vertu qui lui donne
un poste éminent parmi les œuvres eucharistiques, qui la rend digne
d'une prédilection spéciale du Souverain Pontife, qui la fait croître et
fleurir plus et mieux chaque jour.
Elle veut donc et elle obtient que du décor requis par le culte divin,
découlent les eaux abondantes de la foi, le feu de la charité, l'expansion
de la piété, l'enthousiasme des peuples pour Jésus. A l'œuvre de Marie,
elle joint celle de Marthe; elle cherche à attirer les âmes par le bienfait,
ce à quoi les cœurs ne résistent pas.
De ses rangs elle n'exclut personne; à tous elle s'adresse. A l'homme
elle demande son esprit, son cœur, son courage et sa vaillance contre le
respect humain. La femme, elle la fait, selon la belle expression de
Léon XIII, entrer en quelque manière dans le Sancta Sanctorum par le
travail de ses mains. Elle la fait concourir indirectement au saint sa-
crifice par les ornements qu'elle prépare. Elle l'appelle au sublime
apostolat de chercher, non seulement des associés, mais des zélatrices qui
gagnent des âmes au plus grand des mystères, au plus saint des amours.
Jamais elle ne dévia de ses principes.
Afin d'en assurer la stabilité et l'inamovibilité, elle les appuya, dès
1856 sur l'Institut des Sœurs de l'Adoration perpétuelle auquel elle
donna naissance, pour qu'il devînt son centre et son soutien, ce que le
Saint-Siège daigna sanctionner en 1872 par sa haute et définitive appro-
bation.
III — Histoire.
Pendant le cours de ces années d'organisation et d'affermissement,
l'Association avait pris une extension considérable. En Belgique, elle
était érigée dans tous les diocèses, et les églises secourues se comptaient
par milliers. La Hollande, l'Autriche, la Bavière et le nord de l'Italie
avaient adopté ses règlements et travaillaient dans le même but et le
même esprit. Depuis douze ans, elle avait étendu son champ d'action
aux missions étrangères, et, connue par ses bienfaits en Orient et en
Occident, recevant de partout les témoignages de la plus vive reconnais-
sance, elle en bénissait d'autant plus le Seigneur, que ses dons étaient
— 243 —
toujours accompagnés de la prière, généralement prise en considération,
de répandre dans le peuple la dévotion au Très Saint-Sacrement par
l'établissement de l'heure publique et mensuelle d"adoration.
Telle était l'Œuvre à la mort de S. S. Pie IX. Soit pour l'encou-
rager, l'approuver ou la bénir, le saint et vénéré Pontife avait daigné, à
dix-neuf reprises différentes, lui donner des preuves touchantes de sa
bonté paternelle. Le moment était venu pour ITnstitut de s'établir à
Eome; en 18T8, il y fonda une maison.
Léon XIII n'avait pas perdu de vue aucun de ses souvenirs de Bel-
gique. Mis au courant par Son Eminence le Cardinal Dechamps. arche-
vêque de Malines, de l'emploi qu'avait fait l'Association de son temps et de
ses ressources, Sa Sainteté la trouva digne d'être appelée au pied de son
trône Pontifical et par un décret de 1879, confirmé par un bref de 1881,
il en transféra le siège de Bruxelles à Eome. lui conférant en même
temps le droit de s"agréger licitement et validement les associations de
même nom et de même but de l'univers entier, lui accordant ainsi l'in-
signe honneur d'être à Jamais " Œuvre Catholique Eomaine ", honneur
encore accentué par le titre de Prima Primaria reçu en 1895.
A ces hautes et paternelles bienveillances, l'Archiassociation répond
par un profond amour, par le respect le plus filial, le plus soumis, le
plus dévoué envers la Sainte Eglise et son Auguste Chef, faisant de ces
sentiments le lien qui l'unit intimement et inséparablement à toutes ses
affiliations, d'autant plus encore actuellement que, par son précieux
autographe du 21 décembre 1908, Sa Sainteté Pie X exprime le vif
désir qu'ils soient ravivés sans cesse à la source de tout amour et de
toute unité, le Très Saint-Sacrement.
IV — Avenir.
Dès le transfert de l'Archiassociation à Eome, les demandes d'affilia-
tion affluèrent vers son centre. Par 397 branches, dont plusieurs ont
de nombreux rameaux, elle s'étend aujourd'hui en Europe, en Asie, en
Afrique et en Amérique.
Beaucoup de ces Associations, non contentes de secourir les églises pau-
vres de leur propre pays, ont grandement à cœur les missions étrangères.
Toutes sont généreuses, toutes sont ardentes et pieuses, et chaque année
les Anges du Seigneur ont à enregistrer des multitudes d'actes de dévoue-
ment, marqués au coin du sacrifice et de l'abnégation. Que dire des
actes pieux, des heures d'adoration, des chants, des hymnes et des can-
tiques en l'honneur du Très Saint-Sacrement? Le concevoir se peut à
peine ; le langage humain se refuse à les nombrer.
Dans ce vaste et beau pays du Canada, le Centre de Eome ne compte
que trois affiliations: l'une à Montréal, l'autre à Québec, la troisième à
St-Albert, d'où Mgr Légal écrit: "Qu'il veut répandre de plus en plus
cette Association qui encourage et spiritualise les travaux des Altar So-
cieties". . . . Puisse l'écho de ces paroles d'or résonner au cœur de cha-
cun des membres de ce Congrès, afin que. d'une voix unanime ils agréent
et émettent le vœu que, selon l'expression du Saint-Père, "par l'appui
— 244 —
des Erêqiies. le itomhrc des Associulioiis euciniristiques s'aiigmenle ", et
<|ue rini des fruits des iiu mortelles assises sur lesquelles sont fixés en ce
moment les yeux des deux mondes, soit l'érection de l'Association de
l'Adoration perpétuelle et de r(Euvre des églises pauA'res dans tous les
diocèses du Canada.
LES SYMBOLES EUCHARISTIQUES
d'après les Monuments de Carthage.
En 1886, le Cardinal Lavigerie, 'archevêque de Cartha<ïe, à l'occasion
de rétablissement do l'Adoration perpétuelle, publiait une magnifique
lettre ])astorale sur l'histoire du dogme et du culte de la Sainte Eucha-
ristie dans l'ancienne Eglise d'Afrique.
Parmi les précieux documents dont cette siavante étude était abon-
damment nourrie, l'éminent Prélat faisait connaître les principaux
symboles eucharistiques fournis par l'archéologie chrétienne de Car-
thage dont il était le fondateur.
T^n quart de siècle après la publication du beau travail de l'illustre
Cardinal, son successeur Mgr Combes, héritier de son zèle, a désiré voir
cette (puvre complétée d'après nos dernières découvertes. CV'tte fois,
c'est à l'occavsion du Congrès Eucharistique de Montréal, que Sa Gran-
deur m'a demandé d'entreprendre ce travail, mais pour le conduire à
bonne fin, il m'eût fallu passer en revue des centaines de monuments, je
])ourrais dire des milliers, et pour cela des loisirs me faisaient défaut.
Il m'en eût cependant coûté beaucoup de ne pouvoir répondre au désir
dont m'honorait Mgr l'Archevêque. Une autre raison encore me pressait
de tenter rimi)ossible ])our satisfaire Sa Grandeur, c'est que le Congrès
Eucharistique auquel ce travail est destiné va se tenir au Canada, dans
cette ville de Montréal où, missionnaire d'Afrique, conservant mon cos-
tume arabe de Pèi-e Blanc, je reçus, il y a 35 ans, pendant tout un hiver,
la ])liis sympathique et généreuse hospitalité. Jamais je n'oublierai
l'accueil que nous firent le saint Evêque Mgr Bourget, l'aimable Mgr
Eabi'e, les congrégations religieuses, le clergé et les fidèles du diocèse de
^Foiiti-éal. lors(|ue nous leur tendions la main \)(n\v le-s (cuvres aposto-
li(|iics du Cardinal Lavigerie.
Le souvenir de mon séjour au Canada m]est demeuré trop cher pour
que je ne saisisse avec un vif empi-essement cette occasion providentielle
de dire aux Canadiens toute ma l'ecoiinaissance et ma fidèle affection.
Je me suis donc luis à l'œuvre et j'ai été heureux de consacrer à ce
travail le peu de temps dont je pouvais disposer durant le l)eau mois de
Sacré-Cceuf.
Ce travail, n'est encoi-e ([u'unc ébauche. Xoti'c eiu|uête faite trop pi'é-
cipitamment est nécessiairenuMil incom))lète. Elle suffira cependant à
montrer "quelle place le Sainl-Saii'ciiieni icnail dans l'esprit et dans le
cfpiir " des chrétiens d'Afriiiuc
— 243 —
Xos collections du Muséi' l.avigcrie renfernieiit quantité de }uonu-
ments olt'i'ant des synil)oles eucharistiques. Xous eu relevons sur le
marbre, sur la pierre, sur les mosaïques et sur les terres cuites de toute
sorte: carreaux, plats, lampes.
(^ertains sujets, je dois le faire remaniuer. offrent jjlusieurs sens em-
hlématiques. Ainsi telle représentation qui symbolise la grâce ou le
baptême, peut aussi s'appliquer à TEucharistie, source de miséricorde et
de salut où selon Texpression de la PSienlieureuse Margueiito-Marie,
Tâme se lave dans le précieux sang de Jésus-Clirist. (1) Pour y recon-
naître le sens eucharisti(iue. il faudra tenir compte des motifs dont ces
sujets sont accompagnés.
LES MAKBIJES.
La découverte de plusieurs basiliques chrétiennes à Cartilage a con-
sidérablement augmenté dans les collections du Musée Lavigerie la série
des symboles eucharisti(]ues.
Des ruines de la Basilica Majoruin qui renferme les corps de sainte
Perpétue et de sainte Félicité, et dans laquelle saint Augustin prêcha
plusieurs fois, nos fouilles ont exhumé des milliers de marbres funé-
raires. Malgré la rage des destructeurs (jui s'est acharnée sur ces mo-
numents, j'ai pu y reconnaître bon nombre de symboles eucharisti(iues.
Voici les principaux :
La grappe de raisin avec épi de blé.
Des épis disposés en couronne.
Le calice d'où émerge une croix accostée de deux ]ietits cercles et sur-
montée d'une colombe.
D'autres marbres portent aussi des récipients accompagnés de la pahne
ou de la colombe.
Dans ces diverses représentations il est facile de reconnaîti'e l'emblème
de la divine f^ucharistie sous l'une ou l'autre des espèces sacramentelles
— le pain et le vin. Il en est de même dans une scène où. au premier
plan d'un paysage, emblème sans doute du paradis, se voit une fontaine
au milieu de laquelle s'élève une vasque en forme de grand calice accom-
pagnée d'arbres, de colondjes et de Ijrebis.
Xon loin de la Basilica Majorum, on a trouvé, au mois d'août 1909,
une petite plaque de marbre blanc portant un nom cher à Carthage:
I» E K I^ E T A' A
IX r A C E
et sur la droite de cette inscription, a été gravée, avec une brandio de
grenadier, une jolie grappe de raisin, symbole eucharistique qui se ren-
contre d'ailleurs fréquemment sur les dalles funéraires de Carthage. Il
serait trop long de citer tous les exemples.
(1) Le K^irnc du Ca'ur dc.TC'sns. l'nris, Montmartre 1000. T. II. y. 127.
— 246 —
On peut voir dans le Musée Lavigerie un curieux fragment de chancel
ou fenestdla, marbre travaillé à jour et ayant servi de clôture soit à une
chapelle, soit à un cihorium ou à un tabernacle. Sur le bandeau hori-
zontal séparant deux rangées de baies étroites et arrondies au sommet (1)
se lit le premier mot d'ime inscription : IKTHUS avec cette particularité
que l'iota, initial du mot est barré de façon à former la croix.
IKTHUS
Ici nous avons en toutes lettres avec la croix, le mot grec qui signifie
Poisson et avait pour les chrétiens le sens de Jésus-Christ, Fils de Dieu
Sauveur. Cette fenestella convenait bien au lieu où Notre- Seigneur de-
meurait réellement présent dans la Sainte-Eucharistie; Lui, le divin
Poisson adoré par les Fidèles que Tertullien appelle les pisciculi, petits
poissons.
Lorsque fut construite, il y a quinze ans, par les Franciscaines Mis-
sionnaires de Marie, la chapelle de sainte Monique, on découvrit une
dalle de pierre sur laquelle était gravé un calice entre deux colombes,
symbole eucharistique bien évident. C'est en ce lieu qu'avait été établie
dès 1886, par Son Eminence le Cardinal Lavigerie, l'Adoration perpé-
tuelle du Très Saint-Sacrement.
Dans sa lettre sur l'histoire du dogme et du culte de la Sainte Eucha-
ristie, écrite à cette occasion, le Cardinal Lavigerie mentionne d'abord
comme symbole eucharistique le Bon Pasteur que Tertullien signale sur
les calices, pastor quem in calice depingis (Lib. de Pudicit. C. X). A
Carthage, dans les monuments que nous avons découverts, nous le voyons
souvent figurer soit gravé au trait, soit plus fréquemment sculpté en re-
lief sur les dalles funéraires et sur les sarcophages. Nous y remarquons
aussi le vase pectoral ou vase à lait Mulitra qui rappelle la bouchée de
caillé dont parle sainte Perpétue dans sa vision et qu'elle reçut les mains
jointes, ce qui était une manière de faire comprendre qu'elle avait com-
Tuunié. De là vient qu'on a voulu voir dans la Mulitra un symbole
eucharistique.
jSTos marbres de Carthage nous ont aussi fourni le Poisson, symbole
dont il sera parlé plus loin.
En dehors de Carthage je ne citerai que quelques exemples de sym-
boles eucharistiques gravés ou sculptés sur la pierre. A Sidi-Abich, près
d'Enfîdaville, on a découvert une basilique dont les chapitaux étaient
ornés d'un calice en relief.
Dans la même région, à Herglah, l'ancienne ville épiscopale Houea
Coelia, je me souviens d'avoir vu, il y a une trentaine d'années, une
pierre sculptée portant un calice accosté do deux paons. Du calice sort
une double tige dont les feuilles et les fruits sont becquetés par des co-
(1) Ces baie^ ont 0 m. 08 de large et 0 m. 28 de hauteur. Les lettres de
l'inscription ont 0 m. 03.
— 247 —
lombes. La pierre était encastrée, la tête en bas, dans le mur d'une
maison arabe.
La même représentation symbolique apparaît à Henehir-Kouki (1)
sur une pierre offrant deux paons qui boivent dans un calice d'oii sortent
des pampres.
On pourrait multiplier les exemples.
LES mosaïques.
Parmi les mosaïques de Cartilage offrant des symboles eucharistiques,
une des plus curieuses se voit dans la salle romaine du Musée Lavigerie.
Elle provient des ruines de la grande basilique Damonsel-Karita , où elle
recouvrait une tombe. Des deux côtés de l'épitaphe inscrite dans une
couronne, apparaissent divers s}Tnboles eucharistiques. C'est d'abord
un grand calice à anses, puis un petit calice sans anses, à pied étroit
accompagné d'une grappe de raisin qui ne laisse aucun doute sur le sens
des emblèmes et, détail plus particulièrement intéressant, se voit à côté
le chalumeau qui servait à absorber le précieux sang. Ces symboles
eucharistiques sont complétés par deux colombes.
M. Rohaut de Fleury, dans son grand ouvrage : La Messe, en parlant
de l'usage des deux calices pour la célébration du saint sacrifice, signale
notre mosaïque comme un monument archéologique d'une importance
capitale.
Les calices sont souvent représentés sur les mosaïques chrétiennes de
Carthage, même en dehors des dalles funéraires. En 1887, je vis près
de Bordj-Djédid une mosaïque offrant un calice à anses dont la coupe
était marquée d'une croix gammée, c'est-à-dire de quatre gamma ( V )
et dont l'orifice semblait montrer des pains.
Sur le terrain appelé Bir-Ftouha, emplacement probable du martyre
de saint Cyprien, les ruines d'une basilique et d'un baptistère nous ont
fourni d'abord une mosaïque ornée de poissons disposés par quatre en
forme de croix, la tête appliquée à un petit cercle.
Le même sujet se retrouve au Musée Lavigerie sur le fond intérieur
d'une poterie d'argile. On y voit un disque formé de cercles concentri-
ques très serrés, au nombre de 13 ou 14, le plus grand ayant 43 milli-
mètres de diamètre. Autour de ce disque de la forme et de la grandeur
d'une hostie, aboutissent les têtes de cinq poissons, symboles des fidèles
puisant la vie et la force dans la Sainte Eucharistie.
Une autre grande mosaïque de la même basilique était décorée de nom-
breux médaillons renfermant soit un oiseau, soit un calice à deux
anses, soit encore un calice sans anses, dont l'intérieur do couleur rouge
figurait le sang du divin Agneau immolé par amour pour nous. Le ca-
lice rempli de sang est placé sur un monticule duquel s'échappent les
quatre sources symboliques. Un cerf et une biche. em])lèmes des fidèles
avides de puiser la grâce dans le Sacrement de l'Eucharistie, viennent
s'y désaltérer. Le sujet se termine à droite et à gaucho, par une palnio.
1 ) Cagnat-Explorations. 3e fasc. )>. 28.
— 24S —
-l'ai reconnu trois varianti'S de cette scène synil)()li((ue et elle devait se
répéter un plus grand nombre de fois dans rensend)le de la mosaïque
dont la dis])nsition m'a ]iaru convenir à une très vaste l)asiliqne cir-
culaire. (1).
Elle renfermait des sépultures et la toud)e d'un ])rêtr(> y était ornée
d'une croix dans un cercle entre deux colombes.
LES LAMPES.
Les lampes cli retiennes sorties des niines de Cartilage se comptent par
milliers, et malgré tout ce cjui a été recueilli jusqu'à ce jour, le sol sur-
tout dans certains endroits, en est encore rem])li.
Souvent ce ne sont que des débris, mais les débris quand ils sont nom-
breux donnent une idée plus complète de l'abondance incalculable de ces
lampes.
Des lampes intactes, comme des lampes réduites en morceaux, il me
serait aussi dil'Hcile d'apprécier le nombre (pie d'essayer de compter
les feuilles, les fleurs ou les fruits d'un grand arbre en plein rapport.
Parmi ces milliers de lani[)es chrétiennes, il y a des centaines de sujets
et de variétés de sujets.
Les Missions Cdtlioliqucs, en 18<S0, ont donné mon premier travail sur
les lampes chrétiennes. (2)
Plus tard, la Rente de rArf Clivétien a pul)lié la liste des diverses re-
présentations figurées sur nos lampes (3). Cette série compte près d'un
millier de numéros. D'autres listes ont été données dans des rapports
sur nos fouilles. Enfin, il me reste à publier un choix comprenant une
centaine de lampes inédites. Plusieurs trouveront place dans la pré-
sente notice.
Parmi ces milliers de lampes chrétiennes, il y a quantité de sujets
divers, et si certains reviennent souvent absolument identicpies parce
qu'ils proviennent du môme moule, il y en a cpii se présentent avec un
grand nombre de variantes.
Dans ces séries, au point de vue eucharistique, nous n'aurons que l'em-
barras du choix. Disons d'abord que pour les premiers chrétiens, la
lampe elle-même <pii produit et répand la lumière était le symbole de
Notrc-Seigneur Jésus-Christ, la vraie lumière qui est venue éclairer le
monde: " Erat lit.r vera quœ illuiiilnaf omneiii lioiiiineni veniente)n in
hune mundum." (Joan. 1, 9). Elle était aussi un symbole eucharistique,
car Notre-Seigneur est le Verbe de Dieu, et saint Augustin l'appelle
Panis CœlesUs (Ps. cx.41, I).
Xous possédons à Cai'thage des lampes qui n'ont d'autre sujet que
plusieurs poissons, lions ou lièvres emblèmes des âmes qui puisent la
lumière avec la vie et la force dans la réception de l'adorable sacrement.
M) Cf. Inscriptions clirétiennes, Paris, 189ô, p. 7
(2) Lampes C'iiri'tiennes de Cartliufre. Explications dos svmbolo?. fi4 p. et
60 gr.
(3) Les lampes chrétiennes de Carthage. Lille 1890.
— 249 —
DAXIEL EXTEE LES LIOXS.
Un sujet qui revient fréquemment sur nos lampes et dans lequel il
convient de reconnaître un syuibole eucharistique, est la scène de Daniel
entre les liens au moment où le prophète Habacuc lui présente le paia
miraculeux qui doit le soutenir dans son épreuve et lui tonserver la vie
au milieu des animaux féroces.
LE POISSOX.
L"n des principaux et des plus anciens emblèmes de Jésus-Eucharistie
est le Poi'sson.
Les Carthaginois, surtout ceux ipii étaient cKorigine phénicienne, les
Punici christiuni, comme les appelle saint Augustin, devaient avoir une
prédilection pour le Poisson employé comme symbole de Xotre-Seigneur.
Beaucou]! descendaient des Sidoniens, comme on peut s'en convaincre
par nos stèles votives. Or, le mot Sidon, au rapport de l'historien
Justin, n'était autre que le mot Poisson. La ville phénicienne portait
ce nom à cause de l'abondance de poissons dans les eaux (pii la baignaient.
SIdoïKi appellaveriint. nain piscem FJioenices Sidon vacant. (Liv.
XVlII-3.)
Aussi voyons-nous le poisson figurer à Carthage. durant la période
puniciue, non seulement sur les stèles votives, mais encore sous forme de
réci])ient, ou de marque de potier sur les terres cuites ou encore comme
amulette.
Quoi qu'il en soit, le symbole du Poisson fut adopté de bonne heure
par les chrétiens de Carthage pour figurer Xotre-Seigneur. et nous le
voyons se multiplier à foison sur nos lampes comme symbole de Xotre-
Seigneur et des Fidèles. Cet usage est d'ailleurs c(mforme au mot bien
connu (le Tertullien: Xos piscicnli secunduin IKTIHV nostrum Jesum
Cliristum,Tious sommes de petits poissons à Timitation de notre IKTIIUS.
Jésus-Christ. Un grand nombre de ]am])e3 chrétiennes de Carthage
offre le Poisson entouré de pisciculi ou petits poissons.
Le sens eucharisti(pie n'est pas douteux. Il suffit pour s'en con-
vaincre de s'en rapporter à la laineuse inscription (rAiitiin: " l'rmez la
douce nourriture du Sauveur des Saints — Mangez avidemcui 1 KTJIJ'V
reçu sur vos mains.
C'était de cette facjon, la main drdite croisée sur la gauche. (|ue dans
les premiers siècles de l'Eglise, les fidèles recevaient le pain consacré. Ils
se communiaient ensuite eux-mêmes. Sainte Per{)étue mentionne cet
usage lors(|u'elle écrit de la Sainte Eucharistie: Accepi junctis uiauibus.
Je crois à j)eine nécessaire de rajjpelcr ici que le mot IKTHUS est
formé des initiales des mots: lESOUS XPTSTOS THEOU UIOS SO-
TEP. Jésus-Christ, Fils de Dieu. Sauveur. C'est i)récisément à caus'i
de cette signification que les chrétiens firent du Poisson leur signe de
reconnaissance, leur arcane par excellence, et cette loi du secret, vis-à-vis
des païens fut lidèleiniMil observée dan-; l'Eglise d'Afrique. C'est ce
qui explique l'usage si général qu'elle fît des synd)oles.
— 250 —
Sur nos lampes, riIvTHUS ayant la fonne de dauphin ou de toute
autre espèce de poisson, quand il est entouré de petits poissons {pisci-
culi) signifie que le fidèle se nourrissant de la Sainte Eucharistie, doit re-
produire en lui les vertus de Jésus-Christ selon cette parole qui est, je
crois, de saint Grégoire de Nysse, Christiamis alter Christus.
Les motifs qui entourent le Poisson représentent les fidèles, et c'est
ainsi que nous voyons riKTHUS entouré, non seulement de pisciculi,
mais de colombes, de lièvres, symbolisant les âmes qui ont horreur du
péché et en fuient l'occasion, puis entouré de croix, de cœurs, de palmes,
de fleurons, de feuilles de vigne, d'ornements en forme de grappe, ou
de forme géométrique, tels que disques, carrés, triangles, losanges, etc.
Autant d'éléments dont la disposition et le nombre peuvent offrir, d'après
les œuvres des Pères d'Afrique et en particulier de saint Augustin,
ample matière, à de minutieuses et savantes interprétations. Si jamais
on fait une édition illustrée des œuvres du saint évêque d'Hippone pres-
que tous les sujets de nos lampes y trouveront place.
ISTulle part cependant le sens eucharistique du Poisson n'apparaît avec
plus d'évidence que sur nos lampes où il figure sur l'orifice d'un calice.
Le Musée Lavigerie possède plusieurs exemplaires de lampes avec ce
sujet tout à fait caractéristique.
Voici la description des deux dernières lampes au Poisson trouvées à
Cartilage et entrées au Musée Lavigerie.
Dans la première, le Poisson est représenté nageant, c'est-à-dire plein
de vie, entre deux petites croix, une au-dessus et l'autre au-dessous. Au-
tour du Poisson ainsi accompagné de deux croix, figurent six pisciculi
ou petits poissons.
Dans la seconde, le Poisson est entouré de six fleurons, un fleuron cru-
ciforme entre deux fleurons en forme d'S à gauche; et au côté opposé un
fleuron en S entre deux fleurons cruciformes.
LE CALICE.
Nous avons vu plus haut l'usage cité par Tertullien de peindre le Bon
Pasteur sur les calices qui servaient au divin sacrifice, nous avons vu le
calice portant Notre-Scigneur Jésus-Christ sous la forme du Poisson.
Comment maintenant ne pas reconnaître sur nos lampes de Carthage,
un sens eucharistique dans le calice dont l'orifice est rempli de petits
ronds figurant des pains; dans le calice au-dessus duquel se tiennent
deux colombes becquetant une grappe de raisin ; dans le calice orné
d'une croix latine (1) ou d'une rosace en forme de croix; dans le calice
accosté de deux pisciculi et entouré d'autres motifs parmi lesquels sont
encore deux pisciculi, avec deux cœurs, deux disques, etc . . . . enfin dans
le calice où se désaltère un cerf, application du premier verset du psaume
XLI : Quemadmodum, desiderat rervvs. . . .
Voici la description des dernières lampes au calice entrées au Musée
Lavigerie.
n ) Notes archéologiques. Lillo, 1894, p. 29 avec fig.
— 251 —
1. Le calice surmonté d'une colombe est accosté de deux brebis. Au-
tour: deux oiseaux, deux poissons, quatre cœurs et deux carrés.
Au revers, cercles concentriques.
2. Le Calice.
Autour quatre poissons, quatre cœurs, quatre carrés; au bout douze
motifs disposés symétriquement.
Au revers sept petits fonds disposés en forme de grappes.
Le calice orné extérieurement d'une croix.
Autour : disques, carrés et motifs en forme de V.
L-e calice surmonté d'une croix latine entre deux palmes ; croix et
palmes semblent sortir de l'orifice.
Autour: fleurons cruciformes, cœurs et triangles.
L'AGXEAU.
Un autre symbole eucharistique, c'est l'Agneau. Jésus-Christ est
notre agneau pascal, immolé pour nous (Tert. Contr.. Marc, Liv. Y. ch.
7).
Sur plusieurs lampes chrétiennes il apparaît avec buste humain por-
tant la croix. Nous le voyons aussi placé au-dessous de deux croix et
encore, ce qui est plus significatif, surmonté du monogramme du Christ
X et K (X KIST OS) dans une couronne et entouré de feuilles de vigne
pour indiquer, comme dit le Cardinal Lavigerie, '" non l'agneau du sa-
crifice ancien ou celui du Calvaire, mais l'agneau du sacrifice de l'autel
dont la vigne donne la matière et dont le glaive de la parole fait seul
couler le sang." {Lettre pastorale, p. 15.)
Sur une autre lampe l'agneau est accosté d'une croix et entouré de
cœurs. *
Mais le plus souvent il se présente accompagné d'une feuille de vigne,
et pour confirmer le symbole eucharistique, on le voit entouré, soit de
médaillons renfermant chacun un agneau la tête retournée vers une croix
qui se dresse sur sa croupe (il y a de ces petits médaillons d'une finesse
presque microscopique (1); soit de cœurs renfermant une feuille de
vigne, soit encore de colombes, de croix, de palmes, etc . . . .
LE LIOX.
On sera peut-être étonné qu'après l'agneau, symbole eucharistique,
nous placions ici le Lion, Mais saint Augustin nous dit que ces deux
animaux si différents représentent Xotre-Seigneur. Multa diversa sunt
Léo et Agnus et tamen utroque sigtiificatur Christus, et il ajoute: "Si
l'Agneau est l'emblème de l'innocence de la victime divine, le Lion est
l'emblème de sa force. Christus autem et innocens est ut Agnus et for-
tis ut Léo (In ps. CVIII. 20). Lorsque sur nos lampes, le Lion est en-
touré de poissons, de colombes, de croix, de cœurs, etc., je pense qu'il
(1) Désormais nous désignerons ces petits médaillons sous la simple dénomi-
nation de médaillons à l'Agneau.
— 252 —
faut reconnaître l'intiMition de figui-cr Xotre-Seip-nenr dans ]"y^]ucha-
ri>tie.
Une de nos lampes inédites olîre le Lion entouré de deux di5i|ues. et
de quatre petits lions courant chacun vers une feuille de vigne.
Ici le symbole ne peut être plus clair. Les fidèles ne doivent-ils pas,
selon le langage de saint Jean-Chrvsostôme, sortir du banquet sacré sem-
blables à des lions respirant la Hamme et devenus terribles au démon.
LA C'OLOMBE.
La Colombe doit être aussi classée parmi les symboles eueliaristiques.
Christum Columha demonstrare solita est, dit TertuUien (adv. Avalent.
c. III). Détail curieux, le mot grec PEK ISTEKA qui signifie colombe,
a la même valeur numérique (801) que les lettres AI plia et Oniega par
lesquelles est désignée la divinité de Jésus-Christ.
La colombe est donc la figure de Notre-Seigneur, et on ne peut douter,
ce me semble, de sa signification eucharistique, lorsqu'on la voit sur nos
lampes, portant au bec une feuille de vigne ou une grappe de raisin,
remplacée parfois j)ar la croix ou un fleuron cruciforme.
Il en est de même quand elle se montre entourée de pisciculi, de
petites colombes, de lièvres, de médaillons à l'Agneau ou disques, de
croix, de cœurs, de palmes, etc ....
Voici la description d'une lampe à la colombe, trouvée récemment.
La colombe est accompagnée d'un fleuron circulaire renfermant une
croix. Autour se voient dix motifs en forme de l)oucliers du genre pelia
alternés avec dix fleurons.
Plusieurs de nos lampes offrent un oiseau sous un ])orti(iue ou taber-
nacle, dans l'attitude de la souffrance et accompagné d'une palme. On
ne saurait mieux figurer la divine victime de nos autels. Nous croyons
y reconnaître le Pélican et le triomphe des humiliations et des souf-
frances de Jésus-Cbrist. Parmi les motifs qui entourent ce sujet, nous
trouvons les coloml)es, les médaillons k l'Agneau, les cœurs, les fleurons
cruciformes.
Une de nos lam])es porte aussi le J^hénl.r aceom]iagné de pisciculi.
L'AKBRE DE VIE.
L'Eucharistie est aussi figurée par TArbre (pic j'appellci'ai avec Ori-
gène, l'Arbre de Vie. ''Le Christ qui est la vertu de Dieu, la sagesse
de Dieu, est aussi l'Arbre de Vie sur lequel nous avons été entés." (Mar-
tigny, Dict. des Ant. chr., art. Arbre.) Quant au sens eucharistique de
l'arbre, quelle que soit son es])èce ou sa forme, nous le reconnaîtrons aux
motifs dont les chrétiens de Carthage l'accompagnaient.
Voici la dcscri[)tion d'une lampe inédite (pii ne laisse pas de doute à
ce sujet.
Elle poite le Palmier. D'un ti-oiU' droit sortent deux groupes de
jjalmes sur lesquels se tiennent deux colondjes affrontées, ayant entre
— 253 —
elles im petit cercle imprimé en creux. A droite el à gauche une palme.
Au revers de cette lampe, le potier a tracé le monogramme du Christ
(X et E).
Ici l'intention de figurer Xotre-Seigneur par l'Arbre de Yie en même
temps que l'Eucharistie paraît manifeste. En tout cas, on ne peut
douter c[ue l'auteur de cette lampe n'ait, en la façonnant, pensé à Jésus-
Christ, puisqu'il l'a marquée du monogramme sacré.
C'est le même sens ({u'il convient de donner à l'arbre accosté d'un
lièvre et d'une colombe.
Xous avons dans ce sujet, à côté de l'arbre de vie, le symbole du fidèle
prompt à fuir le péché et l'emblème de l'innocence, conservée ou recou-
vrée, nécessaire pour se présenter au banquet eucharistique.
Mais parmi les arbres et les arbustes, parmi tous les végétaux, le s^^n-
bole le plus caractéristique de l'Eucharistie, est la Vigne. Xotre-
Seigneur est appelé vigne, dit saint Augustin, tout comme il est appelé
brebis, agneau, lion, pierre angulaire, etc. . . Dicitur Doniinus vilis per
similitudinem quemadmodum dicitur ovis, agnus, Ico, petra, lapis angii-
laris, et cetera. {Tract. LXXX^ in Joan-1).
Un sujet qui revient assez souvent sur nos lampes de Carthage est
celui de deux Hél)reux rapportant de la Terre Promise l'énorme grappe
de raisin. Xous le rencontrons même entouré de pampres pour en
accentuer le sens eucharistique. Bien des textes de saint Augustin pour-
raient être cités: En voici deux: " Dictiis est enim Dominus Botriis
uvae." (In. ps. YIII, 2). Primas Boiras in torcahtri pressas Christas
e^t (In ps. LV, 4).
Deux lampes de notre collection portent comme sujet principal la
feuille de vigne et sur l'une la feuille de vigne est accompagnée d'un
lièvre. Autour se voient d'une part dix fleurons et d'autre part quatre
feuilles de vigne alternées avec six disques.
LE MOXOGKAMME DF CHRIST.
Les différentes sortes de monogrammes du Christ doivent aussi parfois
représenter Xotre-Seigneur dans l'Eucharistie. Le monogramme du
Christ, soit qu'il se présente sous la forme de six rayons équidistants,
c'est-à-dire formé de^ lettres iôta et Khi-I et X, initiales des deux mots
lESOrS XKISTOS. ou bien sous la même forme avec I transformé en
rhô (K)' on t'ncore S')us hi forme de croix conservant la boucle du rhô. a
souvent un sens eucharistique (|ui se l'ecounaît surtout lorsqu'il est en-
touré de colombes, de piscicali, de médaillons à l'Agneau, de lièvres, de
calices, de fleurons cruciformes, de cipurs, de feuilles de vigue, de croix,
de palmes, etc.
Sur une de nos lampes, le monogranune constant inien (X et P) esr
acc()m])agné d'une grappe de raisin, sur ])lusieurs autres, la croix mono-
grammatique est ornée intériourenu-nt des médaillons à l'Agneau et dans
ce cas, c'est la divine victime immolée pour nous qui est figurée.
— 254
LA CEOIX.
Nous pouvons eu dire autant de la croix.
Xos lampes de Cartilage offrent une variété sans nombre de représen-
tations de l'instrument sacré de notre salut. Il y aurait un magnifique
album à faire avec les diverses sortes de croix — les unes fort simples,
les autres paltées et gammées que différents moules ont imprimés sur nos
lampes.
Fréquemment la croix figure en honneur sous une sorte d'arc de
triomphe ou de tabernacle. On la voit portant une colombe, symbole de
Notre-Seigneur Jésus-Christ. On la trouve aussi accostée des deux
lettres Alpha et Oméga dont la valeur numérique, comme je l'ai dit plus
haut, est égale à celle du mot PERISTEEA qui signifie Colombe. Le
plus souvent la croix a des bras larges et paltés, dont le champ se rem-
plit d'une grande variété de motifs ou de symboles.
Parmi les croix de cette forme, il convient de signaler tout spéciale-
ment la croix ornée de médaillons à l'Agneau et la croix toute remplie
de grappes de raisin. Lorsque je vois la croix ainsi décorée d'agneaux ou
du fruit de la vigne, je ne puis la désigner sous un autre nom que celui
de Croix Eucharistique. L'Eglise n'invoque-t-elle pas ISTotre-Seigneur,
avant la communion sous ce titre d'Agneau de Dieu qui, victime
d'amour, s'est immolé pour notre salut ? D'autre part, Jésus-Christ n'a-
t-il pas dit de lui-même: Ego sum vitis vera, je suis la vraie vigne?
On peut appliquer à la vigne des croix de nos lampes ce mot très an-
cien puisqu'on l'avait attribué à saint Cyprien : Ista beata vitis a Christi
stipite surgens, cette bienheureuse vigne surgissant de la croix. (Marti-
gny, art. vigne) .
La croix eucharistique se montre entourée de poissons, de colombes, de
calices, de croix, de monogrammes et de cœurs.
Une des plus belles lampes du Musée Lavigerie, longue de dix-huit
centimètres et large de douze, porte une belle croix paltée dont le centre
est orné d'une petite croix de la forme de celle de Malte, et tout le reste
du champ est rempli de grappes de raisin. Cette croix eucharistique
est accostée de deux colombes et entourée de six cœurs. Au revers le
potier a imprimé six doubles cercles qu'il a eu soin de disposer en forme
de grappe triangulaire et il y a là encore un symbole qui confirme les
autres.
EPILOGUE.
Nous aurions encore à passer en revue les carreaux d'argile et les
fonds de plats. La description de ces derniers nous fournirait l'occasion
de dire un mot de la représentation du cœur dans l'iconographie chré-
tienne. On aura sans doute été frappé du nombre de fois que le cœur
apparaît parmi les motifs symboliques entourant sur nos lampes le sujet
principal, emblème de Notre-Seigneur. Nous l'avons vu renfermant la
feuille de vigne. Nous le verrions sur les plats de terre rouge, tantôt
renfermant sous diverses formes le monogramme du Christ, tantôt ren-
fermant la croix elle-même.
— 255 —
Il y a là un problème nouveau à étudier. La représentation du cœur
de Jésus dont on connaît déjà un exemple indubitable pour le XlVe
siècle (1) ne pourrait-elle pas être plus ancienne?
En tous cas, j'aurais plaisir à grouper les monuments que j'ai trouvés
et qui peuvent jeter quelque rayon de lumière sur cette question. Des
descriptions exactes confinnées par des desseins fidèles permettraient de
voir quelle conclusion en tirer.
Mais il a fallu nous borner. Toutefois, le présent travail sur les sym-
boles eucharistiques de Carthage, rédigé à la hâte et tout incomplet qu'il
est, suffit à donner une idée de la quantité et de la grande variété de ces
symboles, et à prouver une fois de plus quelle place occupait la divine
victime de nos autels dans l'esprit et le cœur des chrétiens d'Afrique (2).
*
*
Au coup de midi, le président lève la séance, en se faisant
l'interprète des sentiments de l'auditoire pour remercier les
distingués rapporteurs qui ont dit des choses si remplies d'in-
térêt.
§ 2° AU MONUMENT NATIONAL
Cette séance devait être consacrée à des études générales
de la plus haute importance sur le Mvstère Eucharistique.
C'est S. G. Monseigneur Heylen, Evêque de Xamur. qui pré-
side la séance.
Aux côtés de Mgr le Président sont assis Mgr Odelin, vi-
caire général de Paris, et le R. P. Galtier,*des Pères du T. S.
Sacrement, Secrétaire du Comité des Travaux.
( 1 ) Le règne du Cœur de Jésus. 2e éd. T. IV, p. 464.
(2) Lettre pastorale du Cardinal Lavigerie sur l'Eucharistie, p. 13.
250 —
Le A*. P. GaUicr, Père du T. S. Sacrement, et secrétaire de
la séance, se lève le premier et lit le travail suivant.
APERÇU DU MOUVEMENT EUCHARISTIQUE DANS
LE MONDE ET AU CANADA
Dès le (lél)ul de ce XXie Congrès Eueliaristique, le premier qui se
tienne dans ees pays d'Amérique si éloignés des régions où ils sont nés
et où, jusqu'à ce jour, ils ont tenu leurs assises, il a ])aru utile, sinon
nécessaire, de consacrer la première étude de nos réunions de travail à
préparer un champ propice aux délibérations qui vont suivre, en éclai-
rant les esprits sur le véritable état de la dévotion eucharistique dans le
monde et en particulier au Canada, à l'heure actuelle. C'est le travail
(jue Ton a bien voulu me confier. Puis-je. en le traitant, ne pas tromper
votre attente et réussir à vous intéresser.
I — Le Mouvement Eucharistique dans le Monde.
Si l'on étudie attentivement l'histoire religieuse des temps modernes
(et par là, j'entends surtout la dernière moitié du XIXe siècle passé, et
une partie de notre XXe siècle actuel), l'on est frappé d'une chose, c'est
que cette époque, qui s'est signalée, dans toutes les branches de l'activité
humaine et du domaine religieux, par une magnifique effloraison d'œu-
vres de toute sorte, s'est aussi distinguée par un si puissant mouvement
des âmes vers l'Eucharistie, que l'on a pu, en toute vérité, appeler notre
siècle, une époque eucharistique.
Et quand j'appelle ainsi notre temps un siècle eucharistique je ne
prétends nulh'ment faire entendre que l'Eglise ait attendu le XIXe
siècle pour honorer l'Eucharistie et en exploiter les immenses richesses.
Xon certes ! — A toutes les époques de son histoire, et dès les premières
années de son existence, l'Eglise a compris que l'Eucharistie était le
centre de sa vie, le Mystère fondamental de son culte le grand foyer de
sa force, le grand Don qui lui était confié par son divin Fondateur, et
elle lui a toujours payé le tribut de son adoration, de sa reconnaissance
et de son amour.
Et j)ourtant si je (•f)mpare notre siècle à ceux (pii l'ont i)réc'édé. je ne
puis m'empécher d'y constater, d'une part, une telle gloi'ification de
l'Eucharistie par l'Eglise par des moyens si nouveaux et si nombreux,
et, d'autre part, un te! mouvement des âmes vers ce Sacrement de vie,
qiU' notre époque m'apiJîii'aît comme une Epoque fïiiinrmwpul ciirlinris-
tique.
Et par là, entendons une épocpie échiirée par une affiniuition plus écla-
tante, plus solennelle et ])\\\^ universelle de la présence de Jésus au Saint-
Sacrement: — une épo(jue oii l'Eucharistie a été plus manifestée, plus
adorée, plus reçue et a pris dans la vie chrétienne une place prépomlé-
Le ComitI^; dks Tkavai x.
thk c'ommittek ox e.s.says.
— 257 —
rante; — une époque où les Œuvres eucharistiques se sont le plus déve-
loppées et épanouies.
A vrai dire, ce renouvellement de la Dévotion au plus grand des Mys-
tères, qui a marqué notre siècle, a son point de départ plus haut : j'aime
à en saluer l'aurore dans la Révélation du Sacré-Cœur de Jésus à Parav ;
vous savez dans quelles circonstances.
Et pourtant, mes Frères, il était dit que cette manifestation eucharis-
tique, commencée à Paray, devait attendre notre siècle pour se dévelop-
per et atteindre son épanouissement.
Le XVIIIe siècle devait passer sur le Eévélation du Sacré-Cœur, l'en-
sevelissant, pour ainsi dire, sous la pierre du silence le plus glacial, dans
le tombeau de l'oubli le plus profond; l'éclat qui avait brillé un instant
autour du tabernacle allait s'éteindre dans une obscurité plus profonde
encore; et le siècle du Philosophisme incrédule allait succéder au siècle
de l'hérésie Protestante et Janséniste, pour aboutir enfin au règne de
l'impiété triomphante et de la Eévolution.
Le XIXe siècle s'était ouvert sous un double souffle: au dehors de
l'Eglise, dans la société, un souffle d'incrédulité, d'irréligion et d'immo-
ralité, fruit de la Eévolution; au dedans de l'Eglise, un souffle d'indiffé-
rence et de froideur, reste vivace du Jansénisme, se traduisant par un
culte triste et froid, des Sacrements peu fréquentés, une Table Sainte
abandonnée, des autels désertés et un tarissement presque complet des
Œuvres de la piété et de l'apostolat.
Et voici, que, à l'inverse de ce mouvement d'irréligion ou d'indiffé-
rence, se dessine peu à peu dans l'Eglise un puissant et magnifique cou-
rant de foi, de charité, et d'apostolat ; il se produit une renaissance de
la vie chrétienne dans les âmes, se manifestant par une admirable efflo-
raison d'Œuvres de toute sorte, telle que n'en avait peut-être point vu les
âges précédents : Congrégations religieuses, Apostolat des missions, Asso-
ciations charitables et sociales, et toutes ces œuvres innombrables au
sujet desquelles on a pu dire, qu'il n'est pas resté, dans notre siècle, un
besoin des âmes qui n'ait été satisfait, ni une misère qui n'ait été se-
courue.
Or, si nous cherchons à savoir où ce puissant renouveau de la vie
chrétienne a pris son origine, de quelle source il est sorti, nous ne tar-
dons pas à nous apercevoir qu'il est contemporain d'un retour très
accentué de la piété chrétienne vers le grand Sacrement de la Piété, vers
le Sacrement d'où dérive toute vie pour l'Eglise et pour les âmes: vers
l'Eucharistie.
C'est dans ce culte du Cœur de Jésus cherché, adoré, honoré au Très
Saint-Sacrement, que les âmes fidèles sont venues de plus en ])his re-
tremper leur foi, embraser leurs ardeurs et puiser une vie abondante.
Ainsi, la dévotion au Saint-Sacromont semble bien avoir été. aux mains
de la Providence, l'instrument dont Dieu s'csi servi pour renouveler la
vie chrétienne et raviver la piété dans l'Eglise.
Et c'est pour ce motif que je salue dans le siècle actuel, l'Ere eucha-
ristique par excellence, annoncée et promise par le divin Cœnr à Parav.
9
— 258 —
L'Ere eucharistique!... ah! voyez donc, mes Frères, si elle ne Test
pas notre époque, plus encore, j'ose le dire, qu'aucun des siècles qui l'ont
précédée !
Je ne puis rentrer présentement dans tout le détail des Œuvres innom-
brables que le siècle dernier a vu surgir en l'honneur du Très Saint-Sa-
crement, mais un regard d'ensemble vous convaincra de la vérité de mon
assertion.
Ce siècle a vu l'Exposition du Très Saint-Sacrement, si rare jadis, de-
venir de plus en plus fréquente, et se répandre partout. L'institution
des Quarante-Heures, cette sorte de Fête-Dieu perpétuelle, dont le signal
est parti de Kome au seizième siècle, a attendu pour ainsi dire notre
siècle, pour prendre des développements inespérés et se répandre dans
presque tous les diocèses de l'univers. — La salutaire pratique de VHeure
Sainte, inspirée il y a deux siècles et demi, par le Sacré-Cœur à la Bien-
heureuse Marguerite-Marie, est entrée décidément dans les habitudes de
la vie chrétienne. — ïj'Adorationj diurne et nocturne, s'est établie un
peu partout, groupant autour de l'Hostie des Gardes d'Honneur, des
Confréries, des phalanges vaillantes et dévouées, surtout au sein de nos
grandes cités. L'Adoration Réparatrice s'est établie en divers lieux
pour répondre à un des grands besoins de l'époque actuelle, tantôt con-
voquant toutes les nations aux pieds de l'Hostie outragée, comme dans
le sanctuaire érigé par Léon XIII à Rome, et tantôt se donnant pour but
de réparer les crimes d'un peuple en particulier, comme à Montmartre,
en France. — Des Instituts Religieux sont fondés, plus nombreux qu'en
aucun autre siècle, avec la fin unique ou du moins principale, de glorifier,
d'honorer le Mystère Eucharistique par l'adoration ou par l'apostolat.
Du côté des femmes, ces congrégations religieuses ne se comptent déjà
plus.
Parallèlement aux Œuvres d'adoration et de glorification de l'Eucha-
ristie, nous avons assisté, en nos temps, à un puissant retour des âmes
vers Ja Sainte Communion.
Ce mouvement a commencé à se dessiner vers le milieu du siècle der-
niier où l'on vit des hommes comme Montalembert, Ozanam, Cortès,
Daniel O'Connell, Veuillot, Marceau, Sonis, et bien d'autres, s'appro-
cher de la Table Sainte, jusque-là presque déserte et y entraîner de nom-
breux imitateurs. Le mouvement ne s'est plus arrêté depuis, et comme
une vague de fond venue du large, il s'est fortifié, accru et grossi sans
cesse, pour aboutir enfin au geste magistral de Pie X, montrant la Table
Sainte à tous les chrétiens et leur disant : " Allez-y tous, et souvent."
Aussi, avons-nous vu, à notre époque, des Œuvres comme la Cammu-
nion Réparatrice, la Communion des Premiers Vendredis du Mois, la
Communion Hebdomadaire s'établir partout. Nous avons vu des mul-
titudes de fidèles, des bataillons d'hommes, de véritables armées, se pré-
cipiter à la Table Sainte aux jours des Communions pascales, à certaines
solennités, et dans les sanctuaires célèbres où elles venaient en pèleri-
nage. Nous avons vu les Œ^uvres de la Jeunesse, les Conférences de
Saint-Vincent de Paul, les Cercles Catholiques, en un mot toutes les
Associations chrétiennes, donner un contingent de plus en plus nom-
breux de convives au Banquet sacré.
— 259 —
Que dis-je? Xotre siècle a vu et voit encore (et cela est symptoma-
tique au plus haut point), le plus grand pèlerinage des temps modernes,
le plus fréquenté, le plus célèbre, LOUKDES, devenir un pèlerinage
eucharistique, et une glorification sans pareille du Très Saint-Sacrement.
La terre de Lourdes n'est-elle pas désormais la terre du Saint-Sacre-
ment, celle où le Christ Eucharistique est plus manifesté, plus adoré,
plus reçu, plus glorifié que jamais il ne l'a été au cours des âges ?
Mais parmi toutes les Œuvres qu'a fait surgir le puissant mouvement
eucharistique de l'heure présente, il en est une qui brille entre toutes les
autres d"un plus vif éclat et qui démontre bien, aux yeux les moins pers-
picaces, le caractère eucharistique de l'heure actuelle; c'est TŒuvre des
Congrès Eucharistiques.
Qui ne connaît cette magnifique institution, l'une des plus belles, des
plus florissantes et des plus fécondes qu'ait fait surgir dans l'Eglise l'ac-
tivité religieu&e des temps modernes?
iJ-ins les trente années de leur courte existence, ces Congrès ont par-
couru une partie de l'univers et tenu leurs assises solennelles dans les
villes les plus illustres. On les a vus, comme dans une course triomphale,
promener le Eoi de l'Hostie à travers le monde, lui dresser des trônes
dans les plus grandes capitales, et convoquer tous les peuples à la glori-
fication du Christ Eucharistie. Hier c'était la France, la Belgique,
l'Italie, l'Angleterre, l'Allemagne; aujourd'hui, c'est l'Amérique; de-
main ce sera l'Espagne, l'Autriche, l'Afrique et d'autres pays encore;
car le mouvement ne s'arrêtera pas en si belle voie.
Oh ! n'est-ce pas. Messieurs, que le XIXe siècle a bien été un sièclfr
eucharistique ?
Et pourtant il me semble que le XXe siècle le sera plus encore et que
scion toute apparence, il assistera à une glorification incomparable de
l'E'ucharistie.
Car, ce n'est qu'au cours du nouveau siècle que nous verrons l'épa-
nouissement complet de la dévotion au Saint-Sacrement, en même temps
que se tireront les dernières et les plus terribles conséquences des prin-
cipes funestes de la Révolution anti-chrétienne.
C'est alors qu'en face de l'excès du mal apparaîtra, comme l'a promis
le Sacré-Cœur, le Grand Remède, le Grand Moyen de Salut !
Ce siècle a commencé par un hommage solennel au Saint-Sacrement.
A l'heure où sonnait son premier minuit, des milliers de prêtres, sur
tous les points du monde, montaient à l'autel pour consacrer à Dieu^
avec la Victime eucharistique, l'aurore des temps nouveaux; et le XXe
siècle naissant, baptisé pour ainsi dire dans le sang précieux de Jésus-
Christ, est apparu dès la première heure, spectacle unique dans l'his-
toire des siècles passés, comme un siècle eucharistique.
Depuis ce premier jour, que d'événements religieux de la plus liaute
importance sont venus confirmer ce caractère particulier de notre
époque ! En aucun temps, l'Eglise semble n'avoir multiplié les Actes en
riionneur du Très Saint-Sacromont, et favorisé la dévotion eucharis-
tique, autant qu'en ces temps derniers.
Plus que jamais, l'Eucharistie devient le foyer où s'alimente la vie
— 260 —
chrétienne, le centre vers lequel convergent tontes les âmes et autour du-
quel gravitent toutes les dévotions.
Aussi, est-ce avec conviction que je salue le XXe siècle comme le
siècle de l'Eucharistie !
II — Au Canada.
Dans ce mouvement eucharistique contemporain qui, grâce aux Con-
gre;; Eucharistiques, grâce surtout à l'action persévérante des Papes,
s'étend de plus en plus dans le monde entier, quelle a été la part du Ca
nada? Il est légitime de nous le demander. Un regard attentif, mais
rapide, sur ces dernières années nous le dira.
Je n'ai pas à vous démontrer ici que le Canada catholique (son his-
toire en fait foi), est une terre eucharistique.
Baptisé dès sa naissance par ses premiers pionniers, qui furent des
missionnaires du Christ; grandi à l'ombre des autels de l'Eucharistie,
qu'il sut, au besoin, défendre vaillamment; groupant toujours, au cours
de son évolution trois fois séculaire, ses villes et ses villages autour d'un
clocher et d'un tabernacle ; le peuple canadien est demeuré non seulement
croyant mais aussi dévot à l'Eucharistie.
On peut dire que la foi de notre peuple au Sacrement de l'Autel est
demeurée vive et profonde, et que ce Mystère a toujours été le grand
objectif de sa vie religieuse; témoin cette Fête-Dieu qui est vraiment
restée la fête populaire des Canadiens et ces Pâques annuelles qui ont
toujours été jusqu'ici, grâce à Dieu, une fête de vie pour la grande masse
de notre peuple croyant.
Je ne m'attarderai pas à vous faire l'histoire eucharistique du Canada.
Un érudit de la plus haute compétence le fait, aujourd'hui même, dans
une des réunions de ce Congrès.
Je ne veux, pour m'en tenir aux limites de mon travail, que vous
donner un aperçu du mouvement eucharistique au Canada, à l'heure
actuelle.
Il est certain que depuis quelques années (20 ans, peut-être, environ),
un mouvement eucharistique assez puissant s'est dessiné chez nous : faible
et imperceptible d'abord, mais augmentant graduellement de puissance
et d'étendue, pour devenir de plus en plus général et pour ainsi dire
irrésistible. Le changement est si grand, que les anciens l'avouent et,
comparant leur temps avec le nôtre, ils nous disent parfois naïvement:
que c'est à ne plus s'y reconnaître, tant l'évolution des âmes vers la dé-
votion eucharisti(|Tip a été profonde et générale.
C'est surtout depuis qu'a paru le décret de Pie X sur la Communion,
suivi d'année en année par d'autres actes pontificaux qui en précisaient
encore le sens et la portée, que le mouvement des âmes vers l'Eucharis-
tie s'est accentué et a marché chez nous à pas de géant.
Si nous considérons d'abord, le-s (euvres d'adoration, nous verrons
qu'elles se sont beaucoup développées au Canada. L'Exposition per-
pétuelle des Quarante-Heures a été organisée dans la plupart des dio-
— 261 —
cèses, et il est certains d'entre eux où elle fonctionne aclmiral)lement
d'un bout de l'année à l'autre. Partout où elles ont lieu, les Quaranto-
Heures sont devenues une solennité paroissiale de la plus grande impor-
tance, une date de rénovation pour les âmes, et comme une seconde
Pâque où tout le monde à peu près, surtout dans les campagnes, tient à
s'approcher de la Sainte Table.
L'Exposition et l'Adoration mensuelle du Très Saint-Sacrement, ont
lieu aussi dans la plupart des paroisses, des communautés et des mai-
sons d'éducation; ici toute la journée, là durant une ou plusieurs heures
seulement, au jour fixé d'avance, le plus souvent, le premier vendredi.
Cet exercice n'est pas toujours laissé à l'initiative et à la piété privée.
En beaucoup de lieux, il devient un office public et solennel où tout le
monde est convoqué. Cette heure d'adoration se fait alors par les quatre
Fins du Sacrifice, avec des prédications ou des lectures, des prières et
des chants.
Il est telle paroisse populeuse de ville où l'assistance à ces exercices
se compte par 1500 à 2000 personnes.
Dans une autre paroisse, que je pourrais nommer, on a établi une
Heure d'Adoration spéciale pour les hommes, une pour les femmes, une
pour les enfants des écoles, et à chacune de ces Heures, l'église est tou-
jours pleine à regorger.
En beaucoup de lieux on a été plus loin et, sous la zélée impulsion du
Prêtre, l'Adoration est devenue hebdomadaire. Au jour et à l'heure
jugée la plus convenable, le jeudi soir, par exemple, ou le dimanche, les
âmes de bonne volonté de la paroisse se réunissent à l'église; le prêtre
ouvre le Tabernacle ou même expose le Très Saint-Sacrement et l'Ado-
ration se poursuit pendant une heure de la manière indiquée plus haut.
n est de petites paroisses rurales, où l'on voit de 50 à 100 personnes
assister à cet exercice hebdomadaire; et des paroisses de ville où l'assis-
tance va jusqu'à 200 ou 300 personnes.
Dans beaucoup de pensionnats et de collèges, l'Heure Sainte, c'est-à-
dire l'Adoration mensuelle, parfois même liebdomadaire, s'est établie
avec un succès étonnant et elle est devenue, en quelque sorte, par la seule
force des choses, un point dii règlement très aimé et très goûté.
Ailleurs, le zèle du prêtre est ])arvonu à introduire dans la paroisse la
Visite quotidienne du Très Saint-Sacrement, et l'on voit aux moments
les plus favorables de la journée, de bonnes âmes, de rudes ouvriers, des
enfants au sortir de l'école, aller saluer l'Hôte divin du Tabernacle.
Ailleurs encore, le prêtre profite de la prière du soir pour attirer les
fidèles à l'église et leur faire ainsi visiter le Très Saint-Sacrement.
2° Mais il est un point de la dévotion eucharistique sur lequel le
mouvement, depuis quelques années, a été plus accentué et plus consolant
encore, si l'on tient compte des anciens préjugés et de ra1)stention géné-
rale de jadis: Je veux dire la fréquentation de la Sainte Table. C'es^
bien ici que se trouve le vrai étiage auquel on peut juger le mouvement
eucharistique dans un pays.
Le Canada est, à ce qu'il me semble, je le disais à Cologne l'an der-
nier, l'un des pays du monde où, depuis l'apparition du décret do Pie X,
le retour des âmes vers la Sainte Table s'est dessiné avec le plus de rapi-
— 2G2 —
tlité et de puissance et le nombre des communions a le plus considéra-
blement augmenté.
Dans la plupart des paroisses, surtout rurales, où il était déjà de tra-
dition que presque tout le monde s'approchât de la Communion une à
deux fois par an, Ijeaucoup ont été amenées à la communion de tous les
trois mois.
Aux premiers vendredis du mois le nombre des communions est très
considérable, et cette habitude de la communion mensuelle va toujours
s'alïermissant et se généralisant partout, pour peu que le prêtre se
montre dévoué et zélé. Ce matin-là, la Table Sainte voit accourir des
convives par centaines; et je pourrais citer telles paroisses de ville oii
l'on distribue deux ou trois mille communions tous les premiers ven-
dredis du mois. En certains lieux^ l'exposition du Très Saint-Sacrement
a lieu de bon matin, diirant les messes, et les ouvriers et les ouvrières
sont conviés à venir adorer et communier à la fois, avant d'aller à leur
travail.
Pour beaucoup d'hommes et de femmes peu libres en semaine, nous
voyons fleurer la communion hebdomadaire ; et je pourrais vous parler de
nombreuses congrégations d'hommes où l'on voit un grand nombre de
membres communier tous les dimanches.
Dans les paroisses urbaines et même rurales, la Table Sainte réunit,
tous les jours, un groupe assez nombreux de convives. Il est telle église
de Montréal où se distribuent, chaque année, environ 200,000 commu-
nions.
Mais c'est surtout dans les Collèges, les Pensionnats, les Communautés
religieuses, que la communion fréquente et quotidienne a été mise en
honneur. Sous les efforts répétés des confesseurs, des directeurs et au-
môniers, les préjugés sont tombés, et l'on a vu le banquet sacré réunir un
groupe toujours croissant de convives.
Dans tel collège de 300 jeunes gens, dans tel pensionnat de jeunes
filles, il y a une moyenne de cent à 150 communions quotidiennes, et
presque tous les élèves communient deux ou trois fois la semaine. Dans
les communautés, la communion qui n'est pas quotidienne est devenue
l'exception. •
* *
Tous ces résultats eucharistiques ont été obtenus par le zèle du clergé,
secondé par l'esprit de foi de nos populations.
Dès que parut le décret de Pie X, dès que fut connue la vraie doctrine
de l'Eglise et le désir du Pape, les prêtres, un peu partout, se mirent à
l'œuvre.
Les Prêtres- Adora tours, au nombre de 2,000, pour la plupart mem-
bres aussi de la Ligue Sacerdotale de la Communion, donnèrent l'ex-
emple.
Par la parole publique, par la direction privée, et surtout, par une
assiduité plus grande au confessionnal, ils se sont efforcés d'attirer de
plus en plus les âmes à l'Adoration, à la communion, à la dévotion au
Très Saint-Sacrement.
— 263 —
Deux moyens leur ont particulièrement réussi pour attirer les âmes à
l'Eucharistie : la Prédication eucharistique, surtout celle des Triduums
eucharistiques tant recommandés par Pie X; et l'établissement de r.4?--
chiconfrérie du Très Saint-Sacrement. Ils sont de plus en plus nom-
breux les centres de Confréries érigés dans les paroisses, communautés,
maisons d'éducation qui se sont fait affilier à l'Archiconfrérie ou l'Agré-
gation eucharistique dont le siège est dans l'église des Eeligieux du Très
Saint-Sacrement à Rome. Une paroisse où l'Archiconfrérie est vivante
devient vite une paroisse eucharistique.
Pour être complet je devrais dire un mot, en terminant ce rapide
aperçu des Institutions Eucharistiques qui ont germé sur la terre du
Canada, depuis quelques années.
Je sais bien que toute famille religieuse honore l'Eucharistie de toutes
ses forces, et à ce point de vue, le Canada compte une magnifique cfflo-
raison de communautés où le Saint-Sacrement est entouré d'hommages
assidus.
Cependant il est certains Instituts religieux dont la fin plus spéciale
et plus directe est de glorifier le Saint-Sacrement de nos autels. Notre
siècle, je vous le disais, en a vu éclore un certain nombre en divers pays.
Le Canada n'en est pas dépourvu, et c'est ainsi que l'on a vu il y a
vingt ans, les Fils du Père Eymard, venir ériger à Montréal leur pre-
mier sanctuaire d'adoration et d'apostolat, qui est devenu le berceau et
le centre de plusieurs œuvres eucharistiques.
Après eux, on a vu les Franciscaines fonder à Québec, un sanctuaire
d'Adoration.
Puis un peu plus tard, en 1902, était fondé à IIull, diocèse d'Ottawa,
la Communauté des Servantes de Jésus-Marie, avec le but de réparer les
péchés du monde et de prier pour les prêtres aux pieds de l'Hostie
exposée. Enfin, c'était la ville de Chicoutimi qui ouvrait ses murs, en
1903, aux filles du Vén. Père Eymard, les Servantes du Très Saint-Sa-
crement dont le but est l'Exposition solennelle et l'Adoration du Très
Saint-Sacrement, et dont les sanctuaires deviennent vite un foyer ardent
de dévotion eucharistique.
Je m'arrête, forcément obligé d'être incomplet dans cette étude rapide,
car que d'autres choses il y aurait encore à ajouter.
La vérité m'oblige pourtant à dire que tout n'est pas parfait au Ca-
nada, pas plus qu'ailleurs, sous le rapport de la piété eucharistique.
Bien des préjugés restent à vaincre, des indifi'ércnces à secouer, en cer-
tains milieux, soit parmi les fidèles, soit même parmi les prêtres. Il est
des collectivités et des individus qui sont restés en dehors du mouvement
eucharistique et réfractaires aux directions pontificales et à la grâce
eucharistique des temps actuels.
Tel qu'il est pourtant, cet aperçu rapide du développement actuel do
la dévotion eucharistique en notre ])ays est très consolant, dans son en-
semble; et j'ose même dire, en terminant, que c'est à sa foi et à son
amour envers l'Eucharistie que le peuple canadien doit d'être resté jus-
qu'à ce jour un des peuples les plus religieux de l'univers.
264
III — La Mission du P. Eymard.
Mais notre étude demeurerait incomplète si nous n'indiquions, au
moins en passant, les instruments providentiels dont Dieu s'est servi
pour provoquer dans son Eglise ce mouvement des âmes vers l'Eucharistie
qui a marqué notre époque contemporaine.
Vous le savez, en effet, Dieu ne fait rien directement par lui-même
ici-bas, et toutes ses œuvres, toutes ses interventions providentielles dans
le domaine de notre histoire, il les réalise par des instruments providen-
tiels qu'il choisit librement.
Quels furent les instruments et les ouvriers de Dieu pour pousser les
âmes vers la dévotion eucharistique? Je ne parle pas des Précurseurs
éloignés de ce mouvement parmi lesquels je pourrais citer la Bienheu-
reuse Marguerite-Marie, saint Vincent de Paul, saint Alphonse de Li-
guori et beaucoup d'autres saints du XVIIe et XVIIIe siècle; je veux
uniquement parler des ouvriers effectifs de la dévotion eucharistique qui
marque l'heure actuelle.
Or, si l'on examine attentivement l'histoire religieuse du siècle dernier,
l'on constate sans peine que le mouvement des âmes vers l'Eucharistie
ne s'est puissamment dessiné que vers le milieu du XIXe siècle.
A cette époque, on voit apparaître une pléiade de saints personnages
que la Providence semble susciter tout exprès pour cette œuvre de réno-
vation eucharistique.
Toute une légion d'apôtres de l'Eucharistie se mettent en campagne.
A leur tête marche Pie IX, puis plus tard Léon XIII, qui, à plusieurs
reprises, recommandent instamment la communion fréquente et encou-
ragent les Œuvres Eucharistiques. Puis viennent Mgr Gerbet avec son
ouvrage si célèbre sur " le dogme régénérateur de l'Eucharistie." Mgr
de la Bouillerie avec ses méditations inspirées, Mgr de Ségur avec ses
précieux opuscules, le P. Hermann avec ses hymnes enflammées, M. Des-
genettes qui pousse les hommes à la communion hebdomadaire, le E. P.
Eamière avec ses collaborateurs de l'Apostolat de la prière, M. Ozanam,
de Cuers, Marceau, de Benque et leur œuvre de l'Adoration Xocturne,
Mgr Doutreloux, Mgr Mermillod qui donnèrent une si forte impulsion
aux Congrès Eucharistiques.
Or, parmi ces hommes surnaturels dont la Providence se servit pour
susciter ou pour aider le mouvement des âmes vers l'Eucharistie, deux
ont eu une action plus puissante, une part prépondérante, et ont brillé
d'un éclat plus grand.
Le premier de ces grands apôtres de rEueharistie fut le B. Curé
d'Ars. Il n'épargna aucun effort pour donner à ses paroissiens l'estime
et l'amour de ce Sacrement. A tous ceux qui venaient à lui, à tous les
innombrables pénitents qu'il réconcilia avec Dieu, il prêchait avec un
charme délicieux et un pittoresque imprévu do langage, les divines effi-
cacités de l'Eucharistie; et à tous les chrétiens il proposait la pratique
vitale de la communion fréquente.
Mais à côté de Jean-Marie Vianne}', la Providence avait suscité dans
le même temps, un autre prêtre dont elle voulait faire, plus spécialement
Lk CoMiri': i)i:s 1'i.\.\N( es.
Tiii: CoMMii ii:i; on l"i\\N(r:s.
— 205 —
encore, l'instrument de ses desseins pour propager dans l'Eglise la dévo-
tion au Très Saint-Sacrement.
Cet homme est celui que le Vénérable Curé d'Ars appelait son sain-
ami : c'est le Vénérable Pierre-Juliex Etmaed.
Voilà l'homme providentiel, qui, par sa dévotion ardente, son apos-
tolat fécond et les œuvres qu'il a établies a vraiment été: l'Ouvrier des
temps eucharistiques.
Je ne vous dirai pas comment, prêtre, vicaire de campagne, curé, le
Père Eymard apparut partout l'adorateur assidu et l'apôtre zélé de
l'Eucharistie.
Pour être plus encore au Très Saint- Sacrement, le Père Ejmaard em-
brassa la vie religieuse et fut dix-sept ans Mariste. Au milieu des di-
verses fonctions qu'il exerça et des charges qu'il occupa, sa dévotion
eucharistique ne fît que s'accroître. Son assiduité au pied des saints
autels; sa prédication qui revenait sans cesse sur l'Eucharistie, comme
sur un thème favori : son zèle ardent à favoriser la communion fré-
quente: tout cela lui avait fait décerner, avant l'heure, comme par un
mystérieux pressentiment, le surnom populaire de Père du Très Saint-
Sacrement.
Mais ce qui fit surtout du Père Eymard, l'ouvrier de la dévotion
eucharistique en nos temps modernes, ce fut la double fondation des
Eeligieux et des Servantes du Très Saint-Sacrement.
C'est un fait d'observation, qu'à toutes les époques de l'Histoire de
l'Eglise, on a vu tout grand mouvement religieux, tout nouveau besoin
des âmes provoquer la fondation d'un Institut religieux. Or. la dévo-
tion particulière de l'Eglise, en ce siècle, dit Mgr Beaunard, dans son
beau livre "Un siècle de l'Eglise de France," appelait un Institut qui
eût pour dévotion spéciale d'honorer Jésus-Christ et de le faire honorer
dans le plus grand de tous ses Mystères : l'Eucharistie. Ce fut la Con-
grégation du Très Saint-Sacrement, " Pie IX avait déjà dit de son côté :
"L'Eglise a besoin de cette œuvre: qu'on se hâte de l'établir."
Conclusion : Il m'est donc permis de conclure ce rapide aperçu du
mouvement eucharistique, à l'heure actuelle, en affirmant que le Vén.
Père Eymard, tant par ses vertus et son action ])ersonn(>lle si féconde,
que par sa double Congrégation religieuse a exercé ime influence prépon-
dérante sur ce mouvement eucharistique, dont il a été l'ouvrier provi-
dentiel, à l'heure actuelle.
Même, à ne considérer que le Canada, l'on doit constater (c'est sans
doute pure coïncidence?) que le mouvement eucharistique actuel si pro-
noncé, est contemporain de l'établissement on notre pays des Congréga-
tions du Vén. Père Eymard. De sorte qu'ici, comme ailleurs, le A^éné-
rable Père a été même après sa mort, l'apotre de la dévotiox eucha-
ristique.
C'est à ce titre que j'ose, on tenuinant. exprimer un vœu que jo vous
demande de partager.
Il y a deux ans. l'Eglise a accepté l'introduction de la cause do béati-
fication de ce grand S(>rvitoiir do Dieu, do cet apôtre zélé du Très Saiut-
Sacrement, de cet Initiateur do la dévotion eucharistique que fut le Père
— 266 —
Eymard. A cette occasion, un concert unanime de louanges et de vœux
s'est élevé de tous les points du monde et de tous les rangs de la hiérar-
chie catholique. La cause a été reprise activement avec im second procès
informatif et déjà elle est en excellente voie de succès. Mais, l'Eglise,
prudente et sage, attend toujours pour glorifier et couronner ses enfants,
l'heure choisie par Dieu.
Je forme donc le désir et je dépose le vœu, déjà formulé en plusieurs
Congrès et ratifié unanimement au Congrès Eucharistique de Lourdes:
" Que le Congrès Eucharistique de Montréal veuille bien
" accorder ses suffrages a la cause de béatifcation du vén. père
" P. J. Eymard, et déposer humblement aux pieds du Vicaire du
" Christ le désir de la voir le plus tôt possible couronnée d'un
" plein succès."
La mise du Vénérable Père Eymard sur les autels, contribuerait puis-
samment à faire du XXe siècle, un siècle eucharistique et donnerait à
l'Œuvre des Congrès un nouveau et glorieux Patron.
Puisse ce jour être hâté par nos vœux !
*
La parole est ensuite donnée au second rapporteur, M. Fab-
bé Curotte, professeur de dogme à l'Apollinaire à Rome et
Consulteur de la Congrégation des Sacrements, qui doit trai-
ter de " VEîwharistie envisagée comme Centre du dogme et de la
vie de l'Eglise. "
Nous ne pouvons malheureusement donner le texte com-
plet de ce remarquable travail.
Le rapporteur commence par ss demander : Qu'est-ce que le dogme
chrétien? Puis, après avoir répondu à cette question, il se demande si
ce dogme chrétien admet une vérité qui en soit comme le point central ;
et si l'Eucharistie peut être considérée comme cette vérité. Enfin, étant
admis que le Christ-Eucharistie soit le dogme central de l'Eglise, est-il
aussi le fait central de son histoire et le principe de sa vie?
Le dofçme catlioliquo, expose le dif^tingiKî rai)portenr, comporte deux aspects :
il se compose de vérités et de faits, quoi qu'en ait dit le modernisme. Or, dans
e(it ensemlde d>i dogme, il est un ))oiiit, à la fois vérité et fait dopmatique, autour
duquel tournent toutes les autres vérités : c'est le dogme de la personnalité du
Verbe résumant en lui il la fois la nature humaine et la nature divine du Verbe,
c'e.st le fait de l'Incarnation ofl l'on voit e:; même Verbe accomplissant le (roi-
pième et dernier acte (Réparation) d'un drame commencé avec l'aide de Dieu
seul (Création) et continué par l'd'uvre de l'iiomme seul (Péché orijrinel).
L" Verbe incarné. Jésus-Clirist, réunit eu lui les deux trrand(;s réalités vt les
deux termes de la religion : Dieu et l'homme. Aussi l'Incarnation du Wrbo
constitue-t-elle 1:; fait central de l'histoire relitjieuse de riuimanité.
— 267 —
Si donc le Verbe Incarné renferme en lui toutes les réalités dogmatiques, b£
rincarnation constitue le fait central de l'histoire de l'Eglise, il s'en suit ijue-
l'Eucharistie, simple prolongement de l'Incarnation, constitue à la fois la vërité-
centrale et le fait central du dogme chrétien. Et il s'en suit enfin que, le Dieu-
eucharistique étant le chef de la société catholique et les membres de celle-ci Jie
vivant que de la vie du chef, la vie de l'Eglise repose tout entière sur l'Eucha-
listie. Aucune source de grâces n'est plus abondante, puisque nous recevons
l'auteur même de la grâce.
Il convient donc que le prêtre, dans la prédication comme au catéchisme,
insiste sur cette valeur de l'Eucharistie qui apparaît comme un centre dans,
l'unité et la variété du plan divin. C'est le voeu du rapporteur.
Le résumé que nous venons d'exposer no saurait donner qu'une faible-
idée du travail développé, avec force argumentations, par le savant pra-
fesseur qu'est M. l'abbé Curotte.
*
*
C'est encore une autre belle et profonde étude que l'audi-
toire eut le plaisir d'entendre avec le rapport du R. P. Lopi-
cier sur " les Relations de Marie et de C Eucharistie ^
RELATIONS DE LA TRES SAINTE VIERGE AVEC
LE TRES SAINT-SACREMENT
Nous lisons dans le troisième livre des Eois, qu'un jour Bethsabée,
mère de Salomon, se rendit auprès de son fils, pour lui présenter une
requête. Aussitôt le grand roi se leva, alla à la rencontre de sa mère et
se prosterna devant elle. Puis il s'assit sur son trône, fit placer un trône
pour Bethsabée, sa mère, et l'invita à s'asseoir à sa droite. (1)
Je félicite Messieurs les Membres du Congrès Eucharistique de ]\ront-
xéal, qui ont préparé un si beau trône pour le nouveau Salomon, le Eoi
Hostie, de n'avoir pas oublié Marie, sa Mère. Je constate avec joie qu'ils
ont voulu qu'elle aussi ait son trône dans ces splendides manifestations,
et je leur suis tout reconnaissant de m'avoir choisi pour ériger, ou du
moins pour orner de mon mieux, en ce Congrès solennel, le trône do
JSTotre-Dame du Très Saint-Sacrement.
Vous n'auriez pas pu, Messieurs, faire une chose en elle-mênu^ plus
utile, et à moi plus agréable. Jésus est bien, comme il le dit lui-même,
" la voie, la vérité, la vie ; " (2) et cependant, l'Eglise l'enseigne expres-
sément, en Marie se trouve " toute la grâce de la voie et de la vérité,
toute l'espérance de la vie et de la vertu." (3)
(1)3 Rois. IL 19.
(2) S. Jean. XIV. 6.
(3) Ecclé., XXIV, 17.
— 268 —
Aussi, parler de Jésus au Sacrement de son amour, montrer comment
l'Hostie Sainte rayonne ainsi qu'un soleil brillant sur l'Eglise et sur la
société, eût été chose incomplète, si l'on n'avait rappelé le souvenir de
cette Vierge incomparable, que saint Jean vit dans l'île de Patmos, re-
vêtue du soleil, ayant la lune sous ses pieds, et autour de sa tête une cou-
ronne de douze étoiles (1). D'ailleurs le Dante, dans son admirable canti-
que, ne met-il pas dans la bouche de Béatrice ces remarquables paroles :
" Elève maintenant tes regards vers la figure qui plus que tout autre res-
semble au Christ (c'est-à-dire vers Marie), car sa clarté est la seule qui
puisse disposer à voir le Christ." (2)
En effet, pour voir un objet haut placé, il faut fortifier notre vue : et
la vision de Marie, l'étoile du matin, est en réalité la meilleure disposi-
tion pour connaître Jésus-Christ le soleil de gloire.
Et je vous remercie d'avoir choisi, pour préparer le trône de notre
Mère, un servite de Marie. L'Ordre des Servîtes ou Serviteurs de
Marie, fondé au treizième siècle par sept nobles patriciens de Florence,
a pour but d'honorer tout spécialement notre Mère des Cieux. Et leur
souci principal, comme aussi la gloire de leurs fils, a toujours été de
s'occuper de la Mère de Jésus, de promouvoir son culte, de compatir à
ses douleurs, d'exalter ses louanges, en même temps qu'ils se sont dis-
tingués en tout temps par une dévotion toute spéciale à l'auguste Sacre-
ment de l'autel.
Je ne puis cependant oublier que c'est à la reconnaissance bienveil-
lante de mes anciens élèves du Collège Canadien de Eome, que je dois
d'assister à ce magnifique Congrès. Leur invitation a été si pressante,
l'élan de leur générosité si spontané, l'accueil à mon arrivée si cordial,
que je resterais confus, si je ne savais qu'ils ont voulu, en honorant mon
humble personne, témoigner leur attachement à la doctrine qu'ils ont
puisée dans la ville éternelle. A eux aussi mes vifs remerciements.
Mais surtout merci pour le plaisir que vous me donnez aujourd'hui de
parler, devant cette auguste assemblée, de la glorieuse Mère de Dieu. Il
y a longtemps que mes goûts personnels et mes études de prédilections
m'ont attiré vers Celle que l'on considère à juste titre comme le plus
riche joyau dans la couronne de l'Eternel, Celle que l'on a nommée en
toute vérité un luminaire de splendeurs, le complément de la Très Sainte
Trinité. Il y a dans Marie tant de trésors cachés, de beautés spiri-
tuelles, tant de richesses, de perfections et de grâces, que la considéra-
tion des privilèges de cette divine Mère, l'étude de sa vie, de ses gran-
deurs, forment l'occupation la plus agréable qu'on puisse imaginer pour
l'esprit et pour le cœur. Chose merveilleuse, plus on étudie Marie, plus
on trouve en elle des beautés jusqu'alors inconnues. Comme les pre-
miers explorateurs qui posèrent le pied sur le sol du Canada, à mesure
qu'ils s'avan(^aient dans ce pays féerique, ajoutaient aux découvertes
déjà faites des découvertes toujours plus merveilleuses, ainsi, en étu-
( 1 1 Apof.. XI r. 1.
(2) Parail., cant. XXXII, F4. SS.
— 269 —
diant Marie^ on passe de surprise en surprise. Ses privilèges ne se
comptent pas, et l'œil humain ne trouvera jamais en elle un horizon
pour s'arrêter.
J'avoue qu'en lisant le titre du thème que Messieurs les organisateurs
du Congrès m'avaient destiné (Relations de Marie avec le Très Saint
Sacrement), je n'étais pas de prime abord pleinement convaincu qu'il y
eût là l'énoncé d'une vérité strictement théologique; je croyais qu'il y
avait là un champ ouvert à l'imagination fertile des âanes pieuses, plutôt
qu'aux solides raisonnements de la saine théologie. Je craignais que le
sujet ne vint à me manquer: et voilà que maintenant, au contraire, j'ai
grand peur de manquer à mon sujet.
Car, en réfléchissant sérieusement, j'ai découvert tant de liens intimes
entre Marie et la sainte Eucharistie, que j'ai dû me convaincre que le
thème qui m'a été proposé constitue une de ces vérités déposées en germe
par Notre-Seigneur soit dans les Ecritures, soit dans la Tradition, avec
l'intention qu'elle se développe dans le cours des siècles, c'est-à-dire au
moment opportun où, de la profession explicite de ces vérités, résulte-
rait un bien notable pour la foi et la morale chrétiennes.
Or le moment, nous semble-t-il, est venu de proclamer bien haut que
Marie est intimement unie à la très sainte Eucharistie; de reconnaître
que c'est à elle surtout que nous devons l'institution de ce saint Sacre-
ment; que la foi en Marie nous conduit directement à la foi au Sacre-
ment de l'autel ; et qu'une dévotion filiale à la Eeiue des Cieux est le
moyen le plus efficace pour porter les fidèles à une plus grande dévotion
à Jésus-Hostie.
Voilà, ô Eeine, le tribut d'hommage que, en ma qualité de votre servi-
teur attitré, je tiens à déposer à vos pieds; voilà la couronne que je vou-
drais voir suspendue au-dessus de votre trône. Permettez que dès
maintenant, tous tant que nous sommes ici présents, nous vous saluions,
nous vous proclamions avec tout l'enthousiasme de notre dévotion filiale,
avec toute la solennité que nous inspire cette auguste assemblée : " Xotre-
Dame du Très Saint-Sacrement."
Dieu éprouve un désir immense de distribuer à ses créatures d'innom-
brables faveurs, mais il veut d'ordinaire, comme condition de sa libéra-
lité, qu'on les lui demande avec instance ou même qu'on ait recours à
l'intercession de certaines âmes privilégiées. Nous en avons une preuve
dans les nombreux passages de la Sainte-Ecriture, qui nous montrent
tantôt Moïse s'interposant pour les juifs, tantôt Job intercédant pour
ses faux amis, tantôt Esther suppliant Assuérus d'épargner son peuple.
Parmi toutes les créatures liumaines ou angéliques, la préférée do
Dieu est celle qu'il a lui-même choisie pour la Mère de son Fils unique.
Aussi .Marie est-elle notre médiatrice auprès de Dieu, la trésorière du
Ciel, la toute-puissance suppliante. Toutes les grâces doivent passer par
ses mains, ou se donner à sa prière. Or. l'Eucharistie est une grâce de
choix, la grâce par excellence. Elle nous sera donc donnée par l'inter-
médiaire de Marie, à cause de ses mérites surabondants et à sa prière
toujours efficace.
D'abord le Dieu de l'Eucharistie n'a pas voulu s'incarner sans le con-
sentement de Marie. Dans les desseins divins, pour que le Fils de Dieu
— 370 —
s'incarnât et vînt raclieter le monde, il fallait qu'une jeune fille, éprise
de Tamour de la sainte virginité, consentît néanmoins à devenir. la mère
du Dieu Rédempteur et par là même la Co-Rédemptrice du genre hu-
main. Cette femme fut Marie.
Les soixante-dix semaines annoncées par Daniel touchaient à leur fin.
On parlait dans les familles juives de Tattente du Eoi Sauveur; on lisait
les prophéties. Marie compte à peine trois printemps, que déjà, éclairée
par les lumières de l'Esprit-Saint, elle comprend les grandeurs, les
exquises beautés de la sainte virginité. Elle ne sait pas avec certitude
si la mère de l'Emmanuel serait vierge ; Dieu ne lui a pas révélé le sens
précis des paroles : '' Ecce Virgo concipiet; " ce qu'elle sait, c'est que les
vierges seules seront admises à la cour du grand Eoi et de sa Mère,
" Adducentur Régi virgines post eam." Marie veut être de cette Cour
virginale, pour mériter d'approcher le Messie et de servir sa Mère. Elle
devient par là même l'initiatrice de cet élan, de cette passion de la
pureté, qui, plus tard, portera tant d'âmes vers l'état glorieux de la sainte
virginité. C'est ainsi qu'elle remplit, sans le savoir, la première con-
dition pour être la Mère de Dieu.
Voici bientôt le messager divin, qui, de la part de la Trinité sainte
vient lui offrir ce titre glorieux. 0 mystère ineffable! Elle-même, la
mère de l'Emmanuel ! Ce qui la frappe maintenant, c'est moins la gloire
qui lui est offerte, que la proximité du salut d'Israël. Toutefois le sou-
venir des prophéties rappelle à l'humble Vierge que la mission du Ré-
dempteur doit s'accomplir dans la souffrance et les larmes. " Nous
l'avons vu, il était sans beauté .... homme de douleur et connaissant la
souffrance." (1) Elle comprend qu'il s'agit pour elle d'être associée à la
passion de son Fils et de devenir la co-Rédemptrice du genre humain.
Elle sera généreuse ; elle ne refusera rien à son Dieu ; elle nous donnera
le Sauveur, quoi qu'il puisse lui en coûter. C'est ce " Fiat " qui a rendu
possible l'Incarnation et l'Eucharistie qui en est l'application prolongée
dans la suite des siècles.
Dès lors, entre la Vierge mère et l'Eucharistie se forme un lien essen-
tiel, un lien indissoluble. Le corps de Jésus dans l'Eucharistie c'est le
corps né de la Vierge Marie, formé de son sang, nourri de son lait ; c'est
le corps de l'homme Dieu qui est à jamais le fils de Marie. (3) Oui
c'est bien au " Fiat " de l'Annonciation qu'on doit la vérification, com-
plétée plus tard dans l'Eucharistie, de cette parole de Jésus : " Voici que
(1) Isaie., LUI. 2. .S.
(2) Comme toute génération suppose un changement substantiel, il serait faux
do supposer que l'Eucharistie contient, ne fût-ce que dans une porportion mi-
nime, la chair même de la Très Sainte Vierge, loutefois, si l'on considère la
source d'où le Verbe s'est fait chair, on peut affirmer que sa chair est la chair
de Marie, en tant que c'est d'elle qu'il a pris son corps. C'est dans ce sens qu'il
faut interpréter les paroles souvent citées et qu'on attribue à tort à Saint- Au-
gustin: " Caro Chrisli caro est Mariae." Le passage du grand D >etour d'ilip-
pone, qui, seml)le-t-il, a donné origine à cette formule, est le suivant, dont
cependant la signification est toute différente: " kSicut vera caro Mariae, vera
caro Christi, tjuae indc suscepta est" Sermo CCCLXII de Resurr. mortuorum.
Alias de diversis, 221.
— 271 —
je suis avec vous tous les jours jusqu'à la consommation des siècles-" (1)
aussi jusqu'à la consommation des siècles, l'Eglise chantera dans lar-
deur de son enthousiasme : '
" Ave verum corpus natum de Maria Yirgine."
" Pange lingua gloriosi
" Corporis mysterium,
" Sanguinisque pretiosi
" Quem in niundi pretium,
" Fructus ventris generosi
"Rex effudit gentium."
Soyez bénie, ô mère incomparable, pour ce généreux '' Fiat "' tout-
puissant mot d'ordre qui a déterminé la venue du Dieu Emmanuel
c est-a-dire du Dieu Eucharistique. A ce titre donc, vous méritez déjà
o Marie, qu on vous invoque: " Xotre-Dame du Très Saint-Sacremcni."
-Les relations de Marie avec l'Eucharistie ne se bornent pas au fait de
nous avoir donné l'Emmanuel, le Dieu avec nous jusqu'à la fin des
siècles; Marie a eu dans l'institution même de ce Divin Sacrement une
part plus spéciale. Eappelons-nous en efïet cette règle générale que Dieu
s est imposée dans la collation de ses bienfaits. Il veut nous accorder
ses grâces, mais il établit comme condition préalable le bon plaisir et la
pnere de Marie. Ainsi que de même c'est aux ferventes supplications
de^ Marie que Dieu a accéléré l'accomplissement de l'Incarnation, de
même pour se mettre sous les apparences eucharistiques, le Verbe fait
homme a eu égard aux prières et aux ardents désirs de sa Mère bien
aimee.
Xous aimons à penser, et la plus stricte théologie nous autorise à
croire que Marie, si privilégiée de Dieu, n'a pas été sans connaître long-
temps à l'avance, plus ou moins ouvertement, le mystère de l'Eucharistie.
Elle comprenait mieux que personne le besoin qu'ont les hommes de la
société de Dieu pour vivre dans la sainteté. Elle a dû souvent
demander à Dieu, soit avant, soit après la naissance de Jésus, qu'il dai-
gnât accomplir son ardent désir exprimé par ces paroles : " Mes délices
sont d'être avec les fils des hommes." (2) En souhaitant le venue du
Messie, Marie réclamait également sa permanence sur notre terre qui a
tant besoin de lui. Du reste, elle n'était pas sans connaître, par les
lumières de l'Esprit-Saint, que, dans le royaume messiani(|ue, le peuple
de Dieu, plus favorisé que sous la conduite de Moïse, serait nourri d'un
pain céleste dont la manne n'était que le symbole ; que le festin de
l'Agneau Pascal n'était qu'une figure imparfaite, l'ombre éloignée d'un
festin bien plus merveilleux préparé pour les générations futures; que
le Messie venant remplacer les victimes anciennes, serait la victime nou-
velle, offerte en sacrifice et donnée en nourriture sur toute la terre, selon
cette parole de Malachie : ''Du levant au couchant. ... en tout lieu on
(1) S. Mathieu. XXVTTI, 20.
(2) Prov., VIIT, .31.
— 2:2
offre en mon nom ime oblation pure/' (1) Elle connaissait assez les
desseins de Dieu pour le supplier de les accomplir sans délai. Elle posait
ainsi la condition préliminaire, nécessaire à la réalisation de ce grand
bienfait, c'est-à-dire son intercession maternelle.
. *
* *
Vous êtes-vous jamais demandé pourquoi le jjremier miracle accompli
par Jésus dans le but de manifester son caractère messianique, se fit à
l'occasion d'une noce, et consista à convertir l'eau en vin? ^e voulait-il
pas, l'époux de nos âmes, nous présenter ce fait significatif comme le pré-
lude et le s}TTibole de cet autre banquet où il nous aurait donné en
nourriture son corps et son sang, scellant ainsi l'union mystique des
iidèles avec lui-même? Or, de même que Jésus n'opéra qu'à la prière de
Marie le changement de l'eau en vin, de même c'est seulement à la prière
de cette divine Mère qu'il opérera plus tard le miracle de la transsubs-
tantiation, c'est-à-dire le changement du pain et du vin en son corps et
en son sang. D'ailleurs, comment douter que Marie n'eut déjà présente
à l'esprit l'institution de l'Eucharistie, quand elle prononçait à Cana de
Galilée les charitables paroles: "Ils n'ont pas de vin." (2) Xe connais-
sait-elle pas les Ecritures annonçant le moment où Dieu donnerait aux
hommes un pain possédant toute douceur et un vin (pii fait germer les
vierges ?
Mais nous avons une preuve plus éclatante encore que c'est à l'inter-
cession de Marie que Jésus-Christ a daigné instituer le sacrement de son
amour.
ISTotre-Seigneur, à mesure qu'il voyait s'avancer le terme fixé pour sa
vie publique, manifestait à ses disciples, l'un après l'autre, les mystères
du Eoyaume des cieux. Et voilà qu'un an à peine de prédication écoulé,
il choisit ses apôtres et leur enseigne la prière par excellence, l'oraison
dominicale, la prière qui doit être le résumé de toutes les autres prières.
Il y est dit: " Panem nostrum quotidianurn supers uhstantialem da nobis
liodie." ('■]) " Supersubstantialem ", c'est-à-dire non seulement le pain
(|ui fortifie le corpis, mais le pain qui nourrit l'âme, qui la fait vivre de
la vie surnaturelle de la grâce. (4) Quelques mois plus tard, Jésus ex-
il) Mal.. TI. 11.
(2) S. Jean, II, 4. — Par rapport aux paroles de Notre-Seigneur : "Quid mihi
et tibi, mulier ", les commentateurs les plus autorisés font observer qu'elles sont
l'équivalent de laissez faire, c'est-a-dire, soyez tranquille, la chose se fera. Quant
au mot femme, il était, cliez les orientaux, l'expression du respect joint à la
tendresse.
(3) S. Mathieu. VI.
S. Luc, XI.
(4) Les paroles de S. Thomas sont ici Ti remarniici': '■ Sivc hoc intelligatur
de pane sicramentali, quotidianus usus proficil hon.ini. in qito etiam intelli-
r/untur omnia alia saeramenta, sive eiiam intcHi<jatnr de pane corpurali." 2/2ae
LXXXIIL art. 0.
273 —
])lique à ses disciples la nature de ce pain céleste. Ce pain, c'est lui-
même : '"' Je suis le pain de vie." '' Voici le pain descendu du ciel, afin
que si quelqu'un en mange, il ne meurt pas." (1) Mais il faut relire en
entier ce magnifique chapitre de saint Jean, pour comprendre qu'il s'agit
ici d'un pain tout spécial, qui n'est autre que le corps même du Sauveur.
Cette promesse de l'Eucharistie nous rappelle la promesse faite à la
Samaritaine, d'un fleuve d'eau vive qui doit apaiser notre soif spiri-
tuelle: "Celui qui boira de Feau que je lui donnerai, n'aura jamais
soif ". (2) C'est par excellence le don de Dieu à l'humanité. " Si tu
connaissais le don de Dieu," (3) Or, si la Samaritaine, entendant les
paroles de Jésus, s'est écriée dans l'enthousiasme de sa foi ardente:
" Donnez-moi cette eau, afin que je n'aie pas soif," (4) a fortiori notre
divine Mère, qui, plus que tout autre comprenait et goûtait les paroles
du Maître a-t-elle dû penser souvent à ce jDain surnaturel et répéter au
moins chaque jour dans l'élan de son cœur : " Panem nostrum supersuh-
stantiaîem da nohis." Marie a donc prié longtemps, au moins pendant
plus d'une année, en se servant des paroles mémos enseignées par
Jésus-Christ, pour obtenir l'institution de l'Eucharistie. Or, comme la
prière de la Mère de Dieu est toujours exaucée, on peut dire en toute
vérité que c'est à sa prière et à ses ferventes supplications que nous de-
vons l'immense bienfait de l'institution de la Très Sainte Eucharistie.
*
* *
On nous objectera peut-être que l'Eucharistie est un miracle : que dans
le miracle c'est Dieu qui opère lui-même directement, en produisant des
effets dont la nature n'est pas capable: que pour cette raison on ne
saurait admettre la coopération de Marie dans l'institution de la Sainte
Eucharistie.
Il est vrai que dans la production du miracle. Dieu opère directement,
mais il ne s'ensuit pas qu'il exclut toute coopération de la part des créa-
tures. Selon l'enseignement de la théologie, la créature joue toujours,
dans la production du miracle, un rôle actif: quelquefois elle dispose la
matière à recevoir la forme à laf|uelle Dieu la destine, ou tout au moins
elle intercède auprès du Très-Haut afin que le miracle ait lieu en réalité.
C'est ainsi que, généralement parlant, Dieu n'accomplit de miracle qu'à
la prière de ses Saints: c'est par eux qu'il se laisse émouvoir pour
accorder aux sourds l'ouïe, aux aveugles la vue. et en général aux ma-
lades la santé du corps. Ainsi donc Dieu avait décrété que dans Tac-
complissement du grand miracle de l'institution du Très Saint-Sacre-
ment. Marie aurait une part active, en procurant au monde par pog
prières si ferventes et si agréables à la divine Majesté, ce témoignage
(1) S. Jean, VT, àO. 50.
(2) S. Jean. Vî, 13.
(3) Ibid., 10.
(4) Ihid.. 15.
— 374 —
sensible et durable de l'amour d'un Dieu Sauveur envers l'humanité
déchue. D'ailleurs, Marie n'avait-elle pas déjà hâté par ses vœux, ses
soupirs et ses ardentes supplications, le moment de la venue du Messie?
Merci, ô Eeine. d'avoir ainsi intercédé pour nous. C'est à vos prières
que Jésus-Christ nous a été donné dans l'Incarnation ; c'est à vos prières
et à vos supplications qu'il a daigné faire en sorte de rester avec nous
présent sur nos autels jusqu'à la consommation des siècles.
*
* *
Marie a encore un autre titre à notre reconnaissance pour ce qui
regarde l'institution de la sainte Eucharistie, car nous pouvons dire en
toute vérité, sans exagération aucune, que c'est principalement pour sa
divine Mère que Jésus a voulu opérer ce miracle de son amour: c'était
pour lui rendre par la communion, son Corps et son Sang qu'il avait
reçus d'elle par l'Incarnation, c'était aussi en vue de la ferveur de dévo-
tion avec laquelle elle devait, elle, la mère du bel amour, recevoir son fils
caché sous les voiles sacramentels.
C'est un sentiment pieux que Marie a communié à la dernière Cène,
probablement dans une salle adjacente au Cénacle. Plus tard, après
l'Ascension, une pieuse tradition nous représente la Vierge-Mère rece-
vant journellement, des mains de saint Jean, le corps de son Eils (1).
Oh ! avec quelle ferveur Marie s'unissait à Jésus caché sous les voiles sa-
cramentels ! C'était alors dans son cœur la réitération des sentiments de
foi, d'amour, de dévotion sans bornes, qu'elle avait éprouvés au moment
oîi elle avait conçu dans son chaste sein le Verbe de Dieu. Jamais
aucune âme, quelque privilégiée qu'elle ait été, n'a apporté dans ses com-
munions autant d'ardente charité qu'en apportait Marie dans les siennes.
La dévotion qu'ont éprouvée les plus grands Saints dans les moments de
plus intense ferveur n'a été qu'un faible reflet de celle de Marie au mo-
ment où elle reçut le pain consacré des mains de son propre Fils.
Ainsi donc, nous, disons que c'est à Marie que nous sommes redevables
de l'institution du Sacrement de l'autel puisque c'est surtout en vue des
dispositions saintes avec lesquelles elle devait le recevoir, que Jésus a
voulu se donner à nous sous les espèces du pain et du vin.
Ah ! il est bien certain qu'avant d'instituer le sacrement de son amour,
Jésus prévoyait déjà toutes les profanations auxquelles il serait exposé
dans le courant des siècles, de la part d'hommes impies, blasphémateurs
des choses saintes, d'hommes à l'âme noircie d'ingratitude ; il connaissait
les indifférences dont il serait l'objet même de la part de ses amis; la
(1) On peut lire sur ce sujet le pieux et édifiant ouvrage "La communion de
Marie, Mère de Dieu ", par le P. Bernardin, Capucin, édité par le P. Félix Si-
xnounct, Paris, Lecoffrc, 18G0.
— 275 —
tiédeur et presque la froideur avec lesquelles bien des âmes le recevraient ;
et, ce qui est plus, pour beaucoup, l'inutilité de ce sacrement qui devien-
drait même pour plusieurs une cause de ruine spirituelle. Oui, toutes
ces considérations auraient bien pu détourner le divin Maître du projet
de donner aux hommes son Corps et son Sang en nourriture dans TEu-
charistie. s'il n'avait eu, pour le consoler, la vision des saintes ferveurs
et des parfaites adorations dont son Sacrement d'amour serait l'objet de
la part de sa Mère bénie. Marie, par une seule communion, suppléa à
la tiédeur, aux indifférences, aux apostasies des siècles à venir. Aussi,
malgré ces abus, l'Eucharistie est instituée, et c'est surtout à la ferveur
de Marie que nous devrons cet immense bienfait de l'amour d'un Dieu,
comme d'ailleurs c'est à cette divine Mère que nous sommes redevables
pour la création de l'univers tout entier, puisque, au dire de docteurs
catholiques, c'est surtout pour l'amour de Marie que Dieu a créé le
monde. Honneur donc et reconnaissance à Notre-Dame du Très Saint-
Sacrement !
*
Nous avons dit que l'un des motifs de Notre Divin Sauveur, en insti-
tuant l'Eucharistie, était de rendre à sa Mère bien-aimée, autant qu'il
était en lui, ce même corps et ce même sang, qu'il avait reçus d'elle par
l'Incarnation, en les lui communiquant, dans les espèces du pam et du
vin, pour être sa nourriture à la Table Sainte.
Notre-SeigneuT ne se laisse vaincre par personne en généreuse recon-
naissance, lui qui a promis qu'un verre d'eau donné en son nom, ne serait
pas sans récompense. Or, il savait que c'était au consentement de Marie
qu'il devait d'avoir pris un corps semblable au nôtre, et il brûlait de lui
en témoigner toute sa reconnaissance. Mais que pourra-t-il offrir de
mieux à sa Mère que ce même Corps et ce même Sang qu il a reçus
d'elle Ainsi donc, ô Marie, cette chair que vous avez donnée au Verbe
pour qu'il se fît homme, il vous la rendra dans l'Eucharistie comme
déifiée, pour vous déifier vous-même; ce sang que vous lui avez donne
mortel et passible, il vous le rendra immortel et glorieux, d abord dans
l'Eucharistie, afin que vous vous en abreuviez, puis sur le Calvaire,
sortant de ses plaies douloureuses. Comme les fleuves retournent a la
source d'où ils découlent, ainsi le Sang précieux de Jésus qui est sorti
de vous, retourne à vous; et c'est ainsi que votre Fils vous recompense:
tout ce qu'il a reçu de vous, il vous le rend, après l'avoir déifie en lui-
même. C'est donc là pour vous un nouveau titre pour mériter detre
saluée Notre-Dame du Très Saint-Sacrement: car s'il est vrai que Jésus
s'est donné spontanément pour chacun do nous. 'Umdidit semetipsum
pro me ", il est également vrai que pour Marie seulement ce don inf>ffab e
a été provoqué par un sentiment de reconnaissance du plus doux des nia
envers la plus aimable des mères.
— 276 —
Si nous sommes redevables à Marie pour l'institution de la Sainte
Eucharistie, nous ne lui sommes pas moins redevables pour la perma-
nence de l'Eucharistie au milieu de nous, en ce sens que le recrutement
et la formation des premiers prêtres furent surtout l'œuvre de la bien-
heureuse Mère de Jésus.
Dès l'origine de la prédication évangélique, le rôle de la femme chré-
tienne nous apparaît entouré d'une auréole glorieuse, brillant reflet
d'une noble mission que le paganisme n'avait pas soupçonnée, et que le
judaïsme n'avait pas pleinement compris. Ce rôle consiste à aider le
prêtre dans sa mission sanctificatrice. Les saintes femmes servent les
apôtr-es, et leur sont de précieuses auxiliaires pour instruire les per-
sonnes de leur sexe, pour s'occuper surtout des enfants et des pauvres.
Mais au-dessus de ces saintes femmes, Marie domine toute l'Eglise.
Sa sollicitude maternelle embrasse tous les hommes ; elle veut les attirer
tous à son Fils survivant sur la terre, à la divine Eucharistie. Elle leur
parle des bontés de Jésus, de la loi d'amour qu'il est venu apporter au
monde: "Aimez-vous les uns les autres, comme moi-même je vous ai
aimés." Ils ne doivent avoir qu'un cœur et qu'une âme, car ils sont tous
frères, enfants du même père et de la même mère, nourris du même pain
de vie. Et ce pain de vie n'est autre que son bien-aimé, caché sous les
espèces sacramentelles, et son souvenir la rend "malade d'amour." (1)
" Qu'a donc ton bien-aimé de plus que les autres, lui demandaient les pre-
miers chrétiens, qu'a donc ton bien-aimé de plus que les autres, pour que
tu nous conjures de la sorte ?"
" Mon bien-aimé," répondait Marie, " est blanc et vermeil ; il se dis-
tingue entre dix mille. . . Son aspect est celui du Liban, élégant comme
le cèdre... et toute sa personne est pleine de charme. Tel est mon
bien-aimé, tel est mon ami, filles de Jérusalem. "(2)
Et comment ce bien-aimé, qui est si beau, se rend-il présent dans
l'Eucharistie? Par le ministère des prêtres. Marie prend donc soin
surtout de ceux, parmi les premiers chrétiens, qui sont appelés, par leur
vocation, à être les ministres de l'autel, la source permanente de l'Eu-
charistie. Elle aime à les rassembler autour d'elle dans sa modeste
demeure; elle est zélée pour la sanctification de chacun d'eux; elle prie
pour eux, afin que leur foi ne chancelle pas, que leur vertu demeure
intacte ; elle comprend plus que personne l'éminence de leur dignité, l'in-
fluence de leurs actes, la responsabilité qui pèse sur leurs épaules; elle
sait quels fruits de salut seront produits par leur sainteté et leur zèle, et
combien seraient funestes à l'Eglise leur négligence et leur infidélité.
Elle aime à raviver en eux les souvenirs de la vie dx\ Sauveur, et à les
enflammer par la chaleur communicative de ses pieux entretiens: en un
mot, sa modeste; demeure, là, sur le mont Sion, à côté du Cénacle, est le
premier séminaire catholique.
H) Cant., VT. 8.
(2) Cant.. VI. 10. s. s.
— 2?7 —
Marie entoure les premiers prêtres et évêques du respect qui leur est
dû, et quoiqu'étant leur reine et leur mère, elle vénère en eux les repré-
sentants de l'autorité de son divin Fils. Elle enseigne ce respect aux
fidèles; elle leur fait comprendre que sans les apôtres ou les prêtres, on
ne saurait avoir ni la doctrine de Jésus, ni l'Eucharistie, source de toute
grâce, et qu'ainsi pour s'unir à Dieu, il faut se tenir uni au prêtre qui
le représente et qui est son ministre. *' Qui adhaeret sacerdoti, adhaerel
Deo/'
Ainsi donc, après l'Ascension du Sauveur, Marie est uniquement
occupée à honorer l'Eucharistie, à attirer les fidèles à l'Eucharistie, à
sanctifier et à former les prêtres, consacrés surtout pour produire et
donner l'Eucharistie. Elle s'est donnée tout entière au service de l'Eu-
charistie; et de même que c'est à elle que l'on doit la formation des
premiers ministres de l'Evangile, de même aussi veillera-t-elle jusqu'à
la fin des siècles, pour que le front du prêtre soit toujours entouré de
l'auréole de la vertu et de la sainteté, et le titre de ''' Eegina Coeli ", avec
lequel on aimera à honorer Marie, ne sera que la traduction du titre
'' Xotre-Dame du Très Saint-Sacrement," que nous revendiquons pour
notre Mère et notre Eeine.
DEUXIEME PAETIE
Une foi vive et sincère en Marie dispose l'âme à la foi
en la Très Sainte £ucliaristie
Il est difficile d'exalter autant qu'elle le mérite l'excellence de la foi.
C'est cette vertu divine qui soulève l'homme au-dessus de ce bas-monde,
et qui le transporte dans une région supérieure où il peut contempler de
loin les biens inestimables qui nous attendent dans la patrie. Avec la
grâce, la foi est notre plus précieux trésor. C'est la foi qui a suscité
cette glorieuse phalange de martyrs, qui forme la plus belle couronne de
l'Eglise catholique; c'est elle qui a soutenu, au milieu des plus grands
sacrifices et des plus cruelles privationss, les vaillants explorateurs de ce
riche et immense territoire. Cette foi, ô mes frères du Canada, ces pre-
miers apôtres vous l'ont léguée comme la portion la plus précieuse de
leur héritage, et vous-mêmes vous l'avez conservée jusqu'ici avec un soin
jaloux. Dieu en soit loué !
Or, l'Eucharistie est le centre de la foi catholique. Elle nous rappelle
le dogme de la Très Sainte Trinité, la chute d'Adam, son relèvement par
la promesse d'un Rédempteur, l'Incarnation avec toutes ses circonstances
de travaux, de souffrances, d'humiliation, le divin bienfait de la grâce
qui nous rapproche de Dieu, nous transforme dans les splendeurs mêmes
de la divinité. Chose merveilleuse, un simple acte de foi en la pré.sonce
— 278 —
réelle de Jésus au Sacrenieut de son amour équivaut virtuellement à des
actes réitérés autant de fois qu'il y a d'articles distincts dans le symbole
catholique. Oh ! quelle consolation, pour une âme vraiment chrétienne,
de pouvoir, par un acte de foi et d'amour en la présence de Jésus dans
le tabernacle, affirmer sa croyance dans ces sublimes vérités que Dieu
lui-même nous a révélées !
Mais quel est le moyen le plus efficace pour conserver intacte la foi
en la divine Eucharistie? îs^ous n'hésitons pas à le dire: c'est la foi en
Marie, une foi vraie et sincère en sa maternité divine et en ses étonnants
privilèges.
Remarquez bien que je dis " une foi vraie et sincère " en la maternité
divine; une telle foi en effet ne fait qu'un avec la foi au mystère de
l'Incarnation; aussi, la vraie foi en la maternité de Marie est-elle in-
compatible avec une erreur quelle qu'elle soit, touchant rincarnation.
Ce n'est pas croire en l'Incarnation que d'admettre deux personnes en
Jésus-Christ, comme a fait Nestorius, ou de confondre en une seule, la
nature divine et la nature humaine, comme a fait Eutychès; dans l'un
et l'autre cas, on en vient à rejeter la maternité divine, car Marie n'est
pas Mère de Dieu, si elle n'a engendré qu'une personne humaine, et elle
n'est pas Mère de Jésus-Christ si elle a engendré un Dieu en qui la na-
ture humaine est comme absorbée par la divinité.
Le protestantisme, pour avoir rejeté l'autorité de l'Eglise et avoir
voulu se reposer sur ses propres forces, en est arrivé à renier Jésus-
Christ, Dieu et Homme. Si nous examinons bien les écrits de ses
docteurs modernes, nous verrons qu'ils sont tous ou presque tous tombés,
soit dans le Nestorianisme, soit dans rEutATliianisnie, c'est-à-dire qu'ils
divisent la personne du Sauveur, ou bien ils confondent ses deux natures.
L'erreur moderniste, empruntée des théologiens protestants, allemands
et anglais, et vulgarisée en France par le malheureux abbé Loisy, n'est
autre chose, au fond, que la reproduction, avec quelques variantes, de ces
anciennes hérésies. Ces gens-là n'ont pas la vraie foi en la divine ma-
ternité, parce qu'ils n'ont pas la vraie foi en l'Incarnation du Verbe.
Tout autre est la foi des catlioliques aux grandeurs de Marie, et par
conséquent au m3'Stère de l'Incarnation. Oui, ô Mère bien-aiméc, nous
croyons à vous et à vos privilèges. D'abord vous êtes la Mère de Dieu :
vous avez non seulement consenti, mais concouru à l'accomplissement
du mystère de l'Incarnation. Vous êtes en outre pleine de grâce. Ce
qui fait votre bonheur et votre gloire, c'est moins votre titre, pourtant
si éminent de Mère de Dieu selon la chair, que votre privilège d'avoir
reçu en plénitude dans votre cœur la vie divine, d'avoir été toute trans-
formée par l'union de votre âme avec la divinité. La vie divine qui
illumine l'âme de Jésus vous a été communiquée avec abondance. Vos
dispositions intérieures sont les mêmes que celles de votre Fils, comme
dans un cercle plus grand, un cercle plus petit contient en lui tous les
rayons du premier, bien que dans une plus petite mesure. Vous êtes
— 279 —
une photographie micrographique de Jésus, contenant eu abrégé tous
les traits de sa beauté parfaite. Vous êtes le canal de toutes les grâces,
la Co-Eédemptrice du genre htunain, le bouclier de notre foi, l'extermi-
natrice des hérésies, la porte du ciel et la Keine de l'univers.
Qu'on ne s'étonne donc plus si je dis que la foi aux privilèges de
Marie nous dispose à croire à l'Eucharistie et aux bienfaits qu'elle pro-
duit dans nos âmes. La foi en Marie c'est d'abord la foi en l'Incarna-
tion qui a son prolongement dans l'Eucharistie; c'est ensuite la foi au
chef-d'œuvre de Dieu parmi ses créatures; c'est la foi à l'immense cha-
rité de Dieu; croire aux ineffables prérogatives de Marie nous dispose
donc à croire au grand miracle de l'Eucharistie et aux faveurs de notre
union avec Dieu dans ce Sacrement.
Ce n'est pas d'aujourd'hui seulement que l'on a refusé de croire aux
merveilles eucharistiques. Déjà, à la promesse de ce don divin, les habi-
tants de Capharnaùni s'écriaient dans un moment d'infidélité
perfide mêlée d'ingratitude : " Cette parole est dure, et qui ijeut
l'écouter? (1)
Mais d'où vient donc la difficulté de croire en l'Eucharistie? De ce
qu'il y a dans ce divin sacrement deux sortes de miracles : le miracle de
la présence réelle de Jésus-Christ sous les saintes espèces et le miracle
des effets de cette présence. Par la transsubstantiation, il arrive que
sur tous les autels de l'univers, se trouvent, sous les apparences du pain
et du vin et sans occuper d'étendue extrinsèque, le vrai corps et le vrai
sang du Fils de Marie; ensuite la réception du sacrement de l'autel
donne la vie à nos âmes en nous unissant intimement à Dieu.
Or, si en vénérant la divine maternité de Marie, nous croyons et
admettons que la chair née de cette vierge est une chair divine, une chair
unie hypostatiquement au Yerbe de Dieu, trouverons-nous impossible
qu'elle reçoive un honnetir moindre, celui de pouvoir être comme Dieu
en dehors de l'espace et présente simultanément en mille lieiix divers ?
L'Incarnation, en effet, est le plus grand des miracles. Qu'un homme
soit vraiment Dieu et qu'une femme soit vraiment la ]\Ière de Dieu,
voilà, enseigne le Docteur angélique. le point culminant de toutes les
œuvres les plus merveilleuses du Très-Haut. La présence réelle de Jésus
au Saint-Sacrement. l)ien qu'étant une œuvre extraordinaire, est ceix'n-
dant, comme miracle, inférieuro à l'Incarnation: il faut une ])ui.-sance
plus grande pour faire qu'un homme soit vraiment Dieu, que pour
mettre sur nos autels le corps de Jésus-Christ caché sous les saintes
espèces.
En outre, si le Verbe de Dieu peut devenir le vrai fils d'une femme,
pourquoi ne pourrait-il pas contracter avec chacun de nous une union
admirable, mais cependant moins intime? Et si en devenant le fils de
Marie, il a voulu euricliir sa ^tère do.> plus glorieux privilèges de nature
1 ) S. Jean, VI, GO.
— 280 —
et de grâce, pourquoi, en s'unissant à nos âmes, ne pourrait-il pas y ré-
pandre à profusion ses grâces de choix? Marie recevant de Jésus, en
tant que sa vraie Mère, tous les trésors de perfection et de grâce dont
une pure créature peut être ornée, voilà bien la figure d'une âme qui, par
le fait de recevoir le Saint-Sacrement, est inondé des bienfaits du Très-
Haut.
Donc, en croyant à la maternité divine et aux grâces qui en ont découlé
pour Marie, nous sommes tout portés à croire à la réelle présence de
Jésus dans le Sacrement de l'autel, et à ses effets merveilleux dans les
âmes; au contraire, en rejetant les privilèges de Marie, on en vient à ré-
duire l'Eucharistie aux proportions d'un symbole : c'est ce qu'ont fait les
protestants.
*
* *
Peut-être nos frères séparés, ou du moins plusieurs d'entre eux, recon-
naissent-ils que Marie a réellement formé le corps de THomme-Dieu et
que par conséquent on peut vraiment l'appeler Mère de Dieu ; néanmoins
ils ne veulent pas comprendre que Jésus se devait à lui-même de combler
sa Mère des plus sublimes prérogatives. Aussi n'ayant pas le moindre
soupçon des merveilles opérées en Marie, de sa vie surnaturelle, de sa
toute-puissance agréée par son Fils, ils ne peuvent admettre que Dieu
s'abaisse jusqu'à s'unir réellement à nous, vivre en nous et avec nous. La
vie divine en nous, ils l'ignorent, parce qu'ils ne veulent pas reconnaître
cette même vie dans Celle qui mit au monde l'auteur de notre vie.
Pour nous, catholiques, à la vue de tant de bienfaits accordés par le
cœur si aimant de Jésus à une pure créature, sa Mère, nous comprenons
tout de suite et croyons sans aucune hésitation, qu'il peut, en nourrissant
nos âmes dans le banquet eucharistique, nous communiquer à nous aussi
sa vie divine. Si nous reconnaissons qu'il a traité si généreusement sa
Mère, nous qui sommes ses frères, nous lui faisons l'honneur d'avoir con-
fiance en Lui, quand il nous offre son Corps et son Sang comme un gage
de participation à la vie divine et immortelle, quand il nous dit : " Ceci
est mon Corps, recevez-le et vous vivrez."
Ah ! la foi vive, ardente en l'Eucharistie, que de consolation elle cause
à Notre divin Sauveur! Comme elle le dédommage des infidélités de
beaucoup ; comme elle satisfait son Cœur assoiffé d'amour ! Oh oui, Jé-
sus, nous faisons nôtre, cette si noble et spontanée protestation de l'apôtre
bien-aimé : " Et nous, nous avons connu l'amour que Dieu a poiir nous,
et nous y avons cru." fl) Oui. nous croyons que vous êtes réellement
présent au sacrement de votre amour, et que, en vous donnant à nous,
vous nous comblez de tous les bienfaits, vous qui, venant dans le sein de
votre Mère bénie, l'avez ornée de tous les plus excellents privilèges de
grâce et de perfection.
Il) l Ep.. IV. ](i.
— 281 —
Mais nous aimons à aller plus loin encore; nous n'hésitons pas à dire
que l'Eucharistie, qui nous donne la vie à tous individuellement, doit
aussi donner la vie, le salut et le bonheur à nos sociétés; et c'est la foi
en Marie qui est destinée à préparer cette transformation merveilleuse.
A nos sociétés qui languissent dans la souffrance, Jésus, du tabernacle,
fait entendre cette aimable invitation : '"' Venez à moi, vous tous qui
peinez et ployez sous le fardeau, et je vous soulagerai.'' (1) C'est la mul-
tiplication des pains au désert qui a ranimé les foules dél'ailhuites. La
multiplication du pain eucharistique nous est offerte comme un remède
salutaire aux défaillances sociales. Or, en croyant à Marie, on est tout
porté à reconnaître l'action salutaire de l'Eucharistie sur la société.
Quand on croit que Dieu sur le Calvaire nous a confiés à une Mère si
bonne, qui est notre Mère à tous, on croit plus aisément à son amour
dans l'Eucharistie, à ce sacrement d'unité et de paix, à ce " Pain Eucha-
ristique qui, affranchi de l'espace et de toute division, est destiné à
réunir les terres séparées par l'océan." (2) Oui, en croyant à Marie, on
croit à la possibilité de s'aimer les uns les autres et à l'efficacité de cet
amour mutuel pour le bonheur de tous; on comprend qu'à cette grande
famille, née du Cœur de Jésus en Croix et spirituellement engendrée par
Marie, selon cette parole : " Voici votre mère ", Dieu ne voulait pas seu-
lement acorder cette vie par laquelle chacun de nous est devenu à la fois
enfant de Dieu, frère de Jésus et fils de Marie, mais encore une vie de
famille, où nous vivions réellement en frères, sous l'égide maternelle de
notre commune Mère, Marie. La maternité universelle de Marie par
rapport au genre humain, vérité proclamée par Jésus sur la croix, est
la clef pour comprendre la fraternité universelle que le Sauveur veut lui-
même sceller de son Corps et de son Sang, au Sacrement de son amour.
D'autre part, voyons de quelle manière le monde souffre par Tabsence
de foi en Marie, et comme le refus de croire aux prérogatives de cette
Vierge bénie mène à l'incrédulité envers le Très Saint-Sacrement.
D'abord, n'est-ce pas un fait bien frappant que là où la foi en Marie
est languissante ou morte, la foi en l'Eucharistie est également tiède ou
entièrement al)sente? X"est-ce pas un fait que les protestants ont rejeté
" in globo " le culte de l'Eucharistie avec le culte de Marie, tandis que
les Eglises grecques, chez lesquelles le culte de Maire est en honneur,
ont conservé la foi et le culte en la présence réelle de Jésus au Sacre-
ment de l'autel? Et n'y a-t-il pas un indice encore plus frappant de
cette union intime entre la foi en Marie et la foi en l'Eucharistie, dans
ce fait, que les Ritualistes, qui reviennent à la foi en la présence réelle
de Jésus-Christ dans l'Eucharistie, au point de soutenir envers et contre
(1) S. Mathieu, XI, 28.
(2) Lettre de S. Sainteté Pie X au Card. Vincent Vaniuitclli. Kv.hiu.' <h- l'ié-
veste, le déléguant comme son représentant au Congrès Kucliaristi<nic d.- Mont-
réal, 26 mai 1910.
— 282 —
tous la validité des ordinations anglicanes, jDour ne pas s'avouer privés
dans leurs églises du Sacrement de Tautel, sont en même temps récon-
ciliés à notre belle et consolante doctrine touchant la maternité et les
privilèges de Marie? Ces faits ne semblent-ils pas indiquer clairement
que nier les privilèges extraordinaires de cette divine Mère, c'est se dis-
poser à nier l'Eucharistie ?
Nous n'en sommes pas étonnés. Comment admettre en effet une
union spirituelle de l'homme avec la divinité au Sacrement de l'autel,
union destinée à sanctifier nos âmes, si nous n'admettons pas en Celle
qui a engendré le Verbe et qui par conséquent lui est unie par les liens
les plus forts qui puissent exister, une semblable communication de
grâces et de vertus, produite en son âme par Celui même qu'elle avait
engendré ? Si le Verbe de Dieu, l'auteur de la grâce n'a pas communiqué
cette même grâce, et dans une mesure exceptionnelle, à sa Mère, qui som-
mes-nous, pour que nous prétendions nous unir à ce même Verbe de Dieu
dans l'Eucharistie?
Du reste, puisque l'Eglise nous enseigne que Marie est le dispensatrice
des dons de Dieu, il est évident que rejeter volontairement la foi en
Marie, refuser de croire en ses privilèges, c'est offenser Dieu, en n'hono-
rant pas comme il le désire Celle qu'il a tant honorée lui-même et qu'il
veut tant voir honorée de tous les hommes; c'est le blesser au cœur en
doutant de sa sagesse, de sa bonté ou de sa puissance dans le choix qu'il
dût faire de sa Mère et dans l'amour qu'il lui a témoigné. C'est aussi
offenser Marie, qui désire que les bienfaits du Très-Haut envers elle
soient connus et loués par tout l'univers; elle veut que toutes les créa-
tures unissent leurs voix à la sienne pour remercier Dieu des faveurs
qu'elle en a reçues ; c'est l'offenser parce que son cœur maternel, désireux
de nous faire du bien, est réduit à l'impuissance par le fait de notre in-
crédulité ; n'allant pas à elle, nous ne pourrons pas être conduits à Jésus.
Cette double offense de Dieu et de Marie a de douloureuses consé-
quences. La première condition pour obtenir, c'est de demander : " pe-
tite et accipieiis ", et c'est de demander comme il convient, " en mon
nom ", a dit Notre-Seigneur, et " par Marie ", ajoute la tradition. Celui
qui prie Dieu avec l'intention de donner à sa prière toutes les conditions
requises, même celles auxquelles il ne pense pas, peut espérer d'être
exaucé. Celui qui exclut la condition de l'intervention de Marie, n'a pas
le droit d'être exaucé. Dieu, dans sa miséricorde, peut avoir égard à une
telle prière individuelle faite de bonne foi, mais en règle générale de
semblables demandes ne lui sont pas agréables. Il n'est donc pas éton-
nant que ceux qui ne reconnaissent point les grandeurs de Marie, errent
de plus en plus dans la foi, et surtout n'aient pas le bonheur de croire
en l'Eucliaristie, centre de notre foi. La foi, qui est la racine et le fon-
dement de notre justification, nous vient par Marie, la dispensatrice de
toutes les faveurs divines.
0 mes frères séparés, pourquoi faut-il que vous nous donniez conti-
nuellement ce spectacle de méconnaître, de mépriser Jésus au tabernacle
de son amour? Pourquoi faut-il que vous passiez dans nos églises devant
l'autel du Très Saint-Sacrement, sans même soupc;oiincr que là se trouve
le plus grand trésor que nous possédions, le Corps sacré de notre divin
— 283 —
Sauveur? Pourquoi faut-il que nous vous voyions, dans Tamertume de
nos âmes, vous raidir en présence du Dieu d'amour caché sous les appa-
rences du pain, rejeter ses libéralités, lui reprocher, presque comme une
folie, ses excès de charité ? Pourquoi ne tombez-vous pas à genoux devant
l'Hostie consacrée? Pourquoi n'adorez-vous pas le Sauveur présent sur
nos autels ? Pourquoi ne vous approchez-vous pas de la Table Sainte, où
un pain vous serait servi qui possède toutes les douceurs, un mets des
plus exquis, qui fortifie l'âme et l'empêche de mourir? Ah! c'est parce
que vous vous obstinez à méconnaître Marie, Marie qui nous a donné ce
pain, Marie qui, par sa médiation, nous en fait goûter les délices, nous
en fait percevoir tous les fruits.
Oh ! puissiez-vous revenir à Marie, pour que, par elle, vous reveniez à
Jésus ! Puissiez-vous entendre l'invitation maternelle que vous fait cette
Eeine de miséricorde : " Venez à moi, vous dit-elle, et rassasiez-vous de
mes fruits, vous tous qui me désirez. Car mon souvenir est plus doux
que le miel, ma mémoire passera dans toute la suite des siècles. Ceux
qui me mangent auront encore faim, et ceux qui me boivent auront
encore soif. Celui qui m'écoute n'aura jamais de confusion, et ceux qui
agissent par moi ne pécheront point." (Eccli. XXIV, 18, seqq.)
TROISIEME PAETIE.
La dévotion à Marie nous conduit à la dévotion à
l'Eucharistie
Si une foi vive et profonde on Marie, dans sa maternité, dans ses pri-
vilèges, est un chemin sûr qui nous conduit à Jésus-Hostie, un moyen
pour augmenter en nous la croyance en la présence réelle et dans les mer-
veilleux effets que produit en nous l'Eucharistie, une dévotion filiale
envers cette divine Mère est également le meilleur moyen pour aug-
menter dans nos âmes la dévotion envers la très sainte Eucharistie.
Et d'abord, n'est-ce pas un fait remarquable, que partout où la dévo-
tion envers la sainte Eucharistie a pris un ])liis grand essor, ce mouve-
ment a été précédé, par une dévotion spéciale envers la Mère de Dieu?
Voyez Lourdes où l'on peut dire que s'est développé plus que dans n'im-
porte quel autre endroit du monde, le culte envers riuicharistie. par les
communions quotidiennes, par ces adorations fréquentes qui frappent
quiconque visite ce sanctuaire béni, par ces admirables processions où
Jésus distribue, comme autrefois, aux pauvres malades la santé et la vie.
Est-ce que tout cet élan de foi et d'amour envers Jésus-Hostie n'est pas
l'œuvre de Marie? Xe semble-t-il pas que la lîeine du ciel no soit a]ii»iiriio,
à Bernadette, n'ait voulu l'érection de cette grandiose Basilique qui cou-
ronne les rochers de Massabielle, la consécration, par des pèlorinagei»
— 284 —
sans précédent, de ces endroits privilégiés, qu'afin d'y faire honorer,
adorer par le monde entier, son Fils caché sous les voiles eucharistiques ?
A Lourdes, qui doit sa célébrité à Marie, Marie se dérobe, pour mettre
en relief Jésus-Hostie. Voyez aussi cette admirable Congrégation des
Pères du Très Saint-Sacrement, qui passent leur vie en adoration aux
pieds des autels, n'est-ce pas à l'inspiration de Marie qu'elle doit sa pre-
mière inspiration, à Marie qui demandait au vénérable P. Eymard d'ins-
tituer une société de prêtres, dont le but exclusif serait d'adorer Jésus au
Sacrement de l'autel, et de s'offrir ainsi en holocauste avec la divine Vic-
time pour les péchés du monde?
Et pourquoi cette liaison intime du culte de l'Eucharistie avec le culte
de Marie? C'est jjarce que Marie est à la fois la mère de Jésus et la
nôtre. Comme notre mère, elle veut notre bien, et dès là que nous nous
jetons dans ses bras par une dévotion sincère, elle nous conduit à son
Fila bien-aimé, qui est plein de puissance et de bonté, elle incline nos
cœurs suavement mais fortement vers la très sainte Eucharistie.
Or, de quelle manière, par quels ressorts cachés, la Vierge bénie
accomplit-elle ce rapprochement de l'âme qui lui est fidèlement dévouée,
avec la sainte Eucharistie?
C'est d'abord parce que Marie est la Vierge très pure, et Jésus dans
l'Eucharistie se manifeste de préférence aux âmes pures, exemptes des
souillures de la terre. Il est impossible d'aimer Marie, de lui être dévoué,
de vivre avec elle de la vie de l'Esprit, sans se sentir porté à la pureté.
A une époque de péril national. Dieu suscite, des marches de Lorraine,
une vierge pure, pour sauver la France. Au milieu des camps, Jeanne
était comme une fleur suave, dont le parfum inspirait aux âmes des
guerriers le saint amour de la pureté. Si l'influence d'une jeune fille a
été si puissante sur le cœur des hommes d'armes, que ne fera pas le très
pur lys de virginité de la mère de Dieu sur l'âme de ses enfants, qui
n'ont qu'un désir, .qu'une préoccupation, celle de lui plaire et de lui res-
sembler autant que possible? Oui, il est impossible d'approcher Marie
et de l'aimer, sans se sentir grandir en sainteté, et surtout sans être épris
d'horreur pour tout ce qui pourrait quelque peu ternir la pureté de l'âme
ou du corps.
Or, la pureté est une lumière douce et suave, qui nous fait reconnaître
Dieu dans toutes ses manifestations, et surtout dans la plus grande de
toutes, l'Eucharistie. Notre-Seigneur l'a dit : " Heureux ceux qui ont
le cœur pur, car ils verront Dieu ! " (1) Autrefois, quand sur les bords
du lac de Génésareth, Jésus ressuscité se montra à ses disciples, seul saint
Jean, l'heureux fils de la Vierge, le reconnut. C'est que la virginité dont
il était orné, était pour lui comme un flambeau qui lui découvrait, sous
la figure de ce mystérieux personnage, celui que les autres ne pouvaient
pas voir : Jésus, le Fils de la Vierge Marie.
Ah! qu'elles sont vaines, les protestations pharisaïques soulevées na-
guère contre cette remarque de la dernière Encyclique de Notre Saint
Père le Pape, oii il est dit que les Eéformateurs " occupés non pas à cor-
n ) S. Mathieu, IV, 8.
— 2S5 —
riger les mœurs, mais à nier les dogmes, multipliaient les désordres, re-
lâchaient pour eux et pour les autres les freins apportés à la licence.. . .
et mettant à profit les passions des princes ou des peuples plus cor-
rompus, ruinaient avec une sorte de violence tyrannique, la doctrine, la
constitution, la discipline de l'Eglise."' Ah! qu'il est déplacé tout le
bruit qu'on a voulu susciter autour de cette phrase !
Il y a longtemps que le verdict impartial de l'histoire avait prononcé
le même jugement; et les actes, aussi bien que les paroles des patriar-
ches de la Eéforme protestante sont là, pour prouver que l'une des
causes principales de l'abandon de la foi en la divine Eucharistie a été
la corruption des mœurs. La débauche et l'impureté s'accommodent mal
de la présence de Jésus au sein de la société chrétienne. Ah! si du moins
ces pseudo-réformateurs avaient conservé une dévotion filiale envers
Marie ! Cette divine Mère aurait pu reconduire ces enfants prodigues à
la sainteté et à Jésus. Mais ils s'éloignèrent de la Eeine des Vierges,
pour n'avoir pas à être conduits par elle au Eoi de la pureté. Allons,
nous, à Marie la plus pure des Mères ; elle nous conduira à l'Eucharistie,
la nourriture des âmes pures.
Voulez-vous connaître encore une autre raison qui doit nous faire re-
courir à Marie pour accroître notre dévotion envers l'Eucharistie, une
autre raison qui nous pousse à aller à Jésus par sa Mère Immaculée ?
C'est que Marie est " la Mère du bel Amour " (1). Et quel est, après
Dieu, l'objet privilégié de cet amour, sinon Jésus, son bien-aimé: " Mon
bien-aimé, dit-elle, est à moi, et je suis à lui." Or l'amour aime à se
communiquer : plus nous aimons une personne, plus nous souhaitons de
la voir aimée par d'autres. Oh ! combien Marie ne souhaitait-elle pas,
durant sa vie mortelle, de voir Jésus aimé des foules ! Comme elle souf-
frait de le voir méconnu, persécuté, haï ! Et maintenant que votre
Jésus, bien que dans la gloire, est encore parmi nous au tabernacle de
l'autel, qui pourra dire, ô Marie ! de quelle affection vous entourez ce
divin Sacrement? Les circonstances dans lesquelles ce banquet d'amour
a été institué, les espèces accidentelles sous lesquelles se cache votre Fils,
l'usage auquel ce pain céleste lui est exclusivement réservé, tout cela
contribue à faire de la sainte Eucharistie le centre de votre affection
toute spéciale. Du haut des cieux, vous contemplez, avec un intérêt
jaloux, l'Eucharistie conservée dans nos tabernacles ; les espèces sacra-
mentelles sont pour vous une figure des langes dans lesquels vous enve-
loppiez, avec quel amour ! les membres si délicats de votre Jésus que vous
veniez mettre au monde à Betliléem, et l'état d'annihihition dans lequel
vous voyez votre Bien-aimé réduit, vous rappelle Taniour infini qui l'a
porté à se faire homme comme nous.
Or. entre Marie et ses dévots serviteurs, il s'établit une intime com-
(1) Eccli., XXIV, 17.
— 286 —
munauté de sentiments et d'affection. Cette divine Mère, en effet, nous
communique et fait grandir en nos cœurs ce qu'on pourrait appeler sa
passion unique, son amour immense pour son Fils et son Dieu, gon besoin
de jouir de sa divine présence, besoin qui se traduit par une soif insa-
tiable de l'Eucharistie, et par un désir véhément de l'honorer et de la
faire honorer par tous les moyens possibles. Et comme ce sacrement
d'amour est l'application faite à chaque âme des fruits de la Passion du
Sauveur, et que cette application ne peut manquer d'intéresser souve-
rainement la Co-Eédemptrice du genre humain, Marie nous communique
cet attrait personnel qu'elle conserve au ciel pour la sainte Eucharistie, à
ce point que plus une âme croît en dévotion envers Marie, plus aussi elle
se sent attirée vers le Sacrement de l'autel.
*
* *
Permettez, mes Frères, que je vous rappelle ici un fait authentique,
soigneusement conservé dans les annales de l'Eglise. Il s'agit de sainte
Julienne de Falconieri, fondatrice des Tertiaires Servîtes de Marie et
nièce de saint Alexis Falconieri, l'un des sept fondateurs du même
Ordre. Arrivée au terme de sa vie, cette glorieuse sainte dont l'amour
avait été partagé entre la dévotion à Marie et la dévotion à l'Eucharistie,
après avoir reçu les sacrements de Pénitence et d'Extrême-Onction, se
vit refuser le Saint-Viatiquè, faute de pouvoir conserver les saintes
espèces dans son estomac délabré par la maladie. C'était pour une âme
comme celle de Julienne, assoiffée de Jésus, une bien grande douleur que
de quitter cette vie mortelle sans être munie du Saint- Viatique et de se
voir en quelque sorte séparée de son Epoux bien-aimé à ce moment su-
prême. 'Ne pourrait-elle pas du moins satisfaire sa dévotion, en con-
templant, une dernière fois, l'Hostie-Sainte? Elle prie donc son confes-
seur de vouloir bien lui apporter le saint Ciboire, pour qu'au moins la
vue de l'auguste Sacrement soit pour la douleur de son âme une suprême
consolation. Le prêtre se rend à ses désirs. A la vue du pain eucha-
ristique, Julienne, quoique extrêmement affaiblie, mais soutenue par la
force de sa charité, se prosterne à terre, les bras en croix, pour adorer
son Dieu. Sa figure méconnaissable auparavant par sa maigreur et dé-
faite par la maladie, brille maintenant d'une beauté angélique.
Mais la présence du très saint Corps de Jésus, loin d'éteindre l'ardeur
de sa charité immense, ne fait qu'augmenter. Julienne demande la per-
mission de baiser le Divin Sacrement; le prêtre refuse; elle le supplie
avec instance de poser la sainte hostie sur sa poitrine; on se rend à ses
vœux, et pour cela on la couvre d'un blanc corporal. Mais à peine le
pain céleste a-t-il touché la poitrine de la vierge qu'aussitôt il y pénètre
miraculeusement et disparaît aux yeux des assistants. En même temps,
Julienne pousse vers son bien-aimé ce cri d'amour: "0 mon doux
Jésus ! " et rend son âme à Dieu dans les chastes embrassements de ce
divin époux. Plus tard, on procède comme d'ordinaire à la toilette fu-
nèbre du saint corps. — Oh merveille! Que trouve-t-on? la poitrine de
Julienne au côté gauche, porte l'emprointo d'une hostie représentant
— 287 —
l'image de Jésus crucifié. Ainsi par la toute-puissance de Dieu, l'image
du Christ que pendant sa vie elle avait toujours portée dans sa pensée
et dans son cœur, se montrait après sa mort aux yeux de tous, sur son
corps, comme le sceau du Divin Amour, rappelant ces exhortations
faites par l'époux à sa bien-aimée: '•■ Placez-moi, ô ma bien-aimée, comme
un cacliet sur votre cœur !" Julienne était une des plus fidèles servantes
de Marie, et Marie lui avait inspiré l'amour du Saint-Sacrement.
Cette étude sur les relations qui relient Marie à la sainte Eucharistie
serait incomplète, si nous ne rappelions un autre trait de ressemblance
entre la divine Mère et Jésus-Hostie, ressemblance qui l'ait qu'une dévo-
tion sincère et forte envers Marie porte l'âme à s'approcher fréquemment
de l'Eucharistie, et à recevoir les fruits de salut qu'elle nous apporte.
*
L'Eucharistie, mes bien chers frères, n'est pas seulement le plus grand
don que Dieu nous a fait, c'est encore une école de souffrance et de sacri-
fices. Par le temps oii ce divin Sacrement a été institué, c'est-à-dire
avant la Passion du Sauveur, et par la manière dont il s'accomplit tous
les jours sur nos autels, c'est-à-dire par l'état d'anéantissement et de su-
jétion où Jésus se réduit dans l'Eucharistie, il nous rappelle les souf-
frances et la mort de Jésus-Christ. " 0 sacrum conviviuvi," s'écriait
saint Thomas, " in quo Christus sumitur, recolitur memoria passionis
ejus!" Oui, ce fut immédiatement avant que commençât la passion de
Jésus que l'Eucharistie fut instituée; et ce sacrement ne s'accomplit pas
à l'autel, sans que le prêtre forme sur les saintes espèces de nombreux
signes de croix, qui rappellent la mort ignominieuse soufferte par Jésus
sur le calvaire. L'Eucharistie est donc une école de sacrifice, dans la-
quelle, en nous rappelant sa passion, Jésus nous donne l'exemple souve-
rainement éloquent des plus sublimes et des plus héroïques vertus. L'Eu-
charistie, c'est l'école de l'humilité la plus profonde, du renoncomont à
ses propres désirs, de l'immolation parfaite.
Il y a quelques années, une dame anglaise, riche et généreuse, mais
protestante, désirant doter son pays d'un hôpital bien aménagé, où les
malades pussent trouver la santé, ou du moins un soulagement dans leurs
misères, s'en vint à Paris pour visiter un de ces magnifiques établisse-
ments érigés par la charité catholique, où les plus affreuses maladies
étaient naguère soignées par des religieuses avec un dévouement sans
limites. Elle allait se retirer, remplie d'admiration surtout à cause de
la joie qu'elle voyait peinte sur tous ces visages ravagés par la maladie,
et en se proposant de reproduire ce qu'elle avait vu. quand la supérieure
lui fit remarquer qu'il y avait encore un local qu'elle n'avait pas visité,
mais dont la reproduction ne serait pas possible dans l'établissement pro-
jeté. Et pourtant, ajouta la Supérieure, sans cela, vous n'obtiendrez
certainement pa5 le but que vous poursuivez. — Et quel est ce local,
demanda anxieusement la dame ? — Voici, répondit la Supérieure, en
ouvrant toutes grandes les portos de la chapelle. C'est ici que se con-
serve le Très Saint-Sacrement, où les malades pnisont la force pour sup-
porter leurs misères.
— 288 —
L'Eucharistie est donc une école de sacrifice. Or c'est précisément à
une telle école que nous conduit une dévotion sincère à Marie qui est
appelée la Mère des Douleurs, la Reine des Martyrs, car tout ce que
Jésus a souffert, Marie l'a également souffert, et sa compassion n'a été
que le contrecoup de la passion de Jésus. Or Marie ne veut pas que nous
dégénérions ; elle veut que nous soyons des héros marchant sur les traces
de notre frère aîné. Elle nous mène donc à l'école de l'Eucharistie, afin
que nourris du Corps de son Fils^ nous fassions revivre en nous son cou-
rage, son esprit de sacrifice, l'héroïsme de sa sainteté.
Tout récemment, en descendant le Saguenay, j'ai voulu m'arrêter à
Tadoussac, cet endroit trois fois sacré où la première messe a été célébrée
dans le Nouveau-Monde. Tandis que je visitais, l'âme remplie d'émo-
tion, ces souvenirs vénérables, mes regards tombèrent sur une image de
Marie tenant sur ses genoux le corps inanimé de Jésus. Ah ! c'est bien
là ce que nous voyons à peu près partout dans nos églises: l'image de
Marie, Mère de Douleurs, à côté de l'autel où se conserve le Corps de
Jésus, montrant aux affligés le chemin pour arriver à Celui qui est le
pain des forts !
*
* *
D'autre part, nous voyons que la dévotion envers Jésus-Hostie conduit
l'âme spontanément et d'une manière irrésistible à une plus grande et
plus filiale dévotion envers Marie. Jésus ne veut pas être inférieur à sa
Mère en bonté, en générosité: Marie amène les hommes au banquet
eucharistique; Jésus, par un secret de sa grâce, incline leurs cœurs à
l'amour envers cette divine Mère, et les attire doucement mais fortement
h elle. Il y a entre Jésus et Marie, comme une sainte émulation pour
se faire connaître et aimer mutuellement. Aussi partout où se trouve
une hostie consacrée, là nous pouvons être sûrs de trouver également une
image de Marie : et c'est ce qui justifie, de ce côté aussi le titre de
" Notre-Dame du Très Saint-Sacrement." Titre glorieux qu'exprime
si bien le désir de ISTotre-Seigneur, son soin jaloux de procurer toujours
la T)lus grande gloire de sa Mère !
Et comment pourrait-il en être autrement? Est-ce qu'un fils peut se
désintéresser de l'honneur de sa mère? Est-ce qu'il ne cherche pas à la
faire honorer, surtout quand cette mère se dépense pour la gloire de son
fils? Est-ce que la dévotion à Marie ne produit pas précisément dans
l'âme, bien que d'une autre manière, les mêmes effets que la dévotion au
Très Saint-Sacrement de l'autel ? L'une et l'autre, en effet, communi-
quent à l'âme cette force de vie qui la rend capable des plus généreuses
entreprises, des plus nobles héroïsmes; l'une et l'autre inondent le cœur
de paix et de joie spirituelle, première condition pour avancer résolu-
ment dans le service de Dieu. Oui, on peut appliquer à la dévotion
envers la très sainte Vierge aussi bien qu'à la dévotion envers l'Eucha-
ristie ce que les Livres Saints disent "de la Sagesse (1) : " Elle est un
(1) Prov., III, 18.
Le Comité di: RfxKPTiox.
Thk ('()M\tiTTi;i; ox lîia kptiox.
— 289 —
arbre de vie pour ceux qui la possèdent, et celui qui s'y attache est heu-
reux ".
On ne peut pas lire, sans émotion, les origines de cette grande ville de
Montréal. Le 18 mai 1642, M. de Maisonneuve et ses intrépides com-
pagnons mettaient pied à terre sur cette île, en chantant, dans l'excès de
leur reconnaissance, des psaumes et des hymnes. Leur premier soin,
avant de rien entreprendre, fut d'y faire célébrer solennellement le
Saint-Sacrifice, et l'Hostie Sainte demeura exposée toute la journée, qui
fut toute consacrée aux exercices de piété et d'actions de grâces envers la
personne adorable du Sauveur présent dans les saintes espèces, et (|ui
prenait ainsi possession de votre île. Ce fut le premier Congrès Eucha-
ristique de Montréal.
Mais qui donc avait préparé cette démonstration, digne prélude des
solennités que nous célébrons aujourd'hui? X'est-ce pas Marie, six ans
auparavant, qui, le jour de la Purification, avait inspiré simultanément
à M. Olier et à M. de la Dauversière, l'idée d'envoyer des prêtres et des
religieuses pour évangéliser le Canada? (1) Oui. c'est l)icn à l'interces-
sion, à la protection à l'inspiration de Marie que l'on doit ce splendide
épanouissement de vie religieuse que nous admirons ici. C'était la Mère
de Dieu qui poussait les premiers explorateurs à voguer vers Montréal,
afin d'y faire ériger par eux un trône pour son Fils.
Mais, comme toujours, Jésus ne se laissera pas vaincre en générosité.
La ville qui bientôt s'érigera sur les rives du grand Saint-Laurent sera
tout spécialement consacrée à la Eeine des cieux. elle s'appellera, par
excellence, Ville-Mcn'ie, Marianapolis (2). Elle sera grande et verra
surgir dans son sein, de nombreux centres de vie religieuse, on t'appel-
lera la Eome de l'Amérique. Les institutions qui se développeront à
l'ombre de sa montagne royale, seront si grandes et si prospères, que son
évêque s'appellera à juste titre le vicaire de Marie. Marie avait érigé à
Jésus un trône à Montréal; Jésus veut que sa Mère y ait son trône à
côté du sien. Oh ! qu'ils se multiplient dans le monde entier les trônes
à Notre-Dame du Très Saint-Sacrement !
(1) Histoire (le la Coloiiic française en Canada, 1865, t. 1. pp. 3SG. 441.
(2) Dan^ la lettre que les Associés de :Montréal écrivirent au Paiic Urbain
VIII (164.3) il est dit expressément: "L'île de Montréal, que (la C'onipapnie
des Associés) possédait lé<ritinienieiit. elle l'a donnée en propre a l'Immaculée
Mère de Dieu, (ju'elle a choisie i)our la patronne de la conversion des infidèles:
et voulant qu'elle fût la Mère et la Heine de t.ius les habitants de l'île de
^lontréal, elle lui a dédié une chapelle," etc.
10
— 290 —
CONCLUSION".
Combien est justifié ce beau titre que les Souverains Pontifes Pie IX
et Léon XIII, et Notre Saint Père le Pape Pie X consacraient solen-
nellement, en l'enrichissant de nombreuses indulgences : " Notre-Dame
du Saint-Sacrement " ! Ce titre n'est-il pas le complément obligé de cet
autre titre si cher au cœur chrétien : " Notre-Dame de la Compassion " ?
Saluer Marie Peine des Martyrs, c'est la prier de nous faire participer
aux mérites de la passion de Jésus ; l'invoquer " Notre-Dame du Saint-
Sacrement ", c'est reconnaître la part qui lui revient dans l'institution
de la sainte Eucharistie; c'est affirmer solennellement notre foi dans ce
mystère d'amour; c'est chanter d'un cœur pur et joyeux le glorieux
Credo de la foi catholique; c'est prier Marie de nous aider à recevoir
souvent et dignement le pain des élus, le vin qui fait germer les vierges.
*
* *
Ah! mes bien-aimés frères du Canada, que vous êtes heureux, que
votre sort est enviable ! En entrant dans vos églises, nous voyons, même
aux jours de semaine, des foules recueillies se prosterner au pied des
autels et s'approcher en masse de la table eucharistique; nous voyons
vos œuvres catholiques prospérer et grandir, étendant au loin leur action
bienfaisante; l'enfance, vous l'élevez dans de purs sentiments d'honnê-
teté et de droiture ; vos prêtres vous les entourez de ce respect et de cette
vénération que mérite leur caractère sacré, et avec cela vous voyez gran-
dir votre prospérité temporelle à tel point qu'elles vous semblent ré-
servées, les bénédictions d'Isaac à Jacob. " Oui, l'odeur de mon fils est
comme l'odeur d'un champ qu'a béni Jéhovah : Que Dieu te donne de la
rosée du ciel et de la graisse de la terre et abondance de froment et de
vin " !
Et tout ceci, pourquoi ? Parce que vous avez soigneusement conservé
le précieux germe de la foi catholique déposé dans vos cœurs par le bap-
tême; parce que vous avez repoussé généreusement toute compromission
avec l'esprit d'erreur et de mensonge; parce que vous avez jalousement
conservé le dépôt des vérités révélées. Oui, c'est à vous que s'appliquent
les paroles du psalmiste : " On a appelé heureux le peuple qui jouit de
ces biens, oui heureux le peuple dont Jéhovah est le Dieu ". Vous êtes,
ô mes frères du Canada, la preuve la plus évidente que la grâce parfait
la nature, que la foi catholique est une source de bénédictions même dès
ce monde, que plus on est soumis à l'Eglise, plus on la vénère et plus on
en suit les directions, plus aussi on participe aux bienfaits de la pros-
périté temporelle. Et cette prospérité, oii a-t-elle sa raison d'être, sinon
dans votre foi, dans votre dévotion ardente à Jésus-Eucharistie, le centre
d'oii rayonne la vie chrétienne, et dans votre amour à Marie, à qui nous
sommes redevables pour ce grand Sacrement, et qui en est comme la gar-
dienne attitrée. Amour donc et louange à Jésus-Hostie et à Notre-Dame
du Très Saint-Sacrement!
— 291 —
Il ne faudrait cependant pas, mes frères, vous bercer d'illusion et vous
imaginer que l'ennemi du genre humain demeure spectateur impassible
en présence du bien qui se fait au Canada, en présence de la foi qui
anime vos populations heureuses et tranquilles. Déjà des bruits de
guerre se font entendre. Il y a dans l'air comme des senteurs de pou-
dre. Des conventicules se forment dans des endroits écartés, à la faveur
des ténèbres, dans le but d'attaquer le Christ et son Eglise. Il fallait
toute l'intuition, toute la persévérance de quelques jeunes héros, pour
déjouer les ruses des ennemis et pour briser leur trame criminelle. Hon-
neur à ces chevaliers sans peur et sans reproche, qui ont employé leur
temps, leurs forces et leurs énergies à dévoiler ces traîtres de la patrie
et de la foi !
Mais l'expérience du passé doit être un avertissement pour l'avenir.
La prospérité de ce pays ne peut pas ne pas exciter les âpres convoitises
de l'esprit d'infidélité et d'erreur. Aux plans déjoués et aux désirs déçus
succède d'ordinaire une passion que rien n'assouvit; un appétit mal sa-
tisfait fait place quelquefois à une faim vorace. D'autre part des
dénonciations, bien que justes et inspirées par le devoir, provoquent sou-
vent, comme dans le cas de Joseph, des vengeances mortelles.
Ainsi donc, il vous faut envisager la perspective d'attaques ultérieures,,
plus sérieuses, plus terribles que les précédentes. Il vous faut vous pré-
parer à la lutte. Et pour cela vous avez besoin, plus que jamais, de
vous fortifier par la nourriture de l'Eucharistie. Ce pain des élus vous
rendra capables, comme autrefois Elie, d'accomplir l'ascension de la
sainte montagne, en foulant aux pieds les ennemis du Christ. Et afin
de vous mieux disposer à recevoir souvent et avec fruit Jésus-Hostie, à
savourer les délices de sa présence, à vous sanctifier au contact de ses
chairs sacrées, adressez-vous d'abord à Marie. La glorieuse Eeine du,
Ciel qui a contribué, par sa maternité divine et ses ferventes supplica-
tions, à l'accomplissement du mystère de l'Eucharistie, vous enseignera
à recevoir fréquemment, et avec d'heureux résultats pour vos âmes, ce
sacrement de force, de pureté et de salut. (1)
( 1 ) Nous avons parlé de la célébration ck- la sainte Messe en union avec Marie
dans notre ouvrage " L'Immaculée Mère de Dieu, Corédomptrice du genre hu-
main." Turnhout. in06, c. XXVI. Nous aimerions il recommander aux prêtres,
toutes les fois qu'ils doivent célébrer la Sainte :Messc, la récitatioii attentive des
deux prières indulgenciées. " O Mater pietatis ", et " O felicem virum ". Saint-
Joseph est par excellence le patron de la vie intérieure; ain^ est-ce il lui qu'il
faut aussi s'adresser, pour obtenir de recevoir les fruits de grflces que la com-
munion est appelée il produire dans nos ftmes. Le pouvoir d'intercession du
Saint Patriarche donnera au prêtre la consolation de voir se vérifier en lui la
belle parole de Saint- Air broi se (L. v Comin. Luc, c. 5) : "Qui tlmuinlio Christum
recipit in teriun, maximis ddeclalionibus eiuhirunlium pascilur rolxtjititum, ".
292
*
* *
Il ny a pas à en douter : en associant, dans nos prières et nos médita-
tions la Sainte Vierge avec le Très Saint-Sacrement, non seulement
nous honorons Marie par le fait que nous reconnaissons la part qui lui
revient dans l'institution de ce mystère d'amour, mais aussi nous hono-
rons Jésus-Christ lui-même, qui aime à s'entendre appeler et qui se glo-
rifie d'être le vrai Fils d'une Vierge si sainte et si pure. Oui, rien n'est
plus doux aux oreilles de Jésus-Eucharistie que cette pieuse salutation
que redisent si souvent les échos de nos temples :
" Ave Verum
" Corpus natum
" De Maria Virgine . . . . "
'"' 0 Jesu clemens,
" 0 Jesu pie,
" 0 Jesu fili Mariae " !
C'est encore pour cette raison que l'Eglise approuve et encourage la
pieuse coutume de chanter les litanies de la Sainte Vierge ou quelque
autre motet en son honneur, à l'exposition du Très Saint-Sacrement.
D'ailleurs, la bénédiction du Très Saint-Sacrement, ne fut-elle pas, dans
l'origine, une prière populaire en l'honneur de la Sainte Vierge? au
moyen-âge, à la clôture de l'office divin, on avait coutume de réciter,
surtout le samedi, jour dédié à Notre-Dame, des antiennes, des versets
et des oraisons, en l'honneur de la Très Sainte Vierge, en présence du
Saint-Sacrement exposé. On considérait alors avec raison qu'on ne
peut mieux honorer Marie, qu'en invitant Jésus, à prendre part, pour
ainsi dire, aux louanges que nous adressons à cette divine Mère. Il
supplée, par son amour filial, à ce que nos hommages ont de froid et
d'imparfait. Maintenant, que le rite de la bénédiction du Saint-Sacre-
ment a été modifié dans une autre direction, et que c'est Jésus surtout
(jue l'on veut honorer dans le sacrement de son amour, nous invitons
Marie à venir prendre place dans nos concerts de louange et de remer-
ciement envers le Dieu-Eucharistie. Oui, il est juste, le titre que nous
revendiquons pour notre Mère du Ciel : " Notre-Dame du Très Saint-
Sacrement " !
Mais je me reprocherais de n'avoir pas ici fait mention du glorieux
saint Joseph, fjui a arraché aux fureurs d'Hérode, la vie de Jésus, le
futur pain de vie et que vos ancêtres ont eu à cœur do vénérer tout spé-
cialement dès les premières années de la colonie. Déjà en 1624 le glo-
rieux patriarche avait été choisi comme premier patron de la Nouvelle-
France; quelques années plus tard, 1637, les pieux colons le proclamaient
patron du Canada tout entier, ot lo premier algoii(|uin reçu dans la reli-
gion catholique, recevait au baptême le nom du chef de la Sainte-
— 293— ■
Famille. Et aujourd'hui ne voyons-nous pas se développer rapidement,
sur les flancs du Mont-Eoyal, en l'honneur du saint Patriarche, un
sanctuaire qui, par les grâces et les faveurs que le ciel y dispense, promet
de devenir le Lourdes du Canada ? Ah ! ils comprenaient, les premiers
colons de ce vaste pays, ils comprennent les pieux fidèles de Montréal,
que par saint Joseph nous arriverons sûrement à Marie, sa sainte épouse,
et qu'une dévotion vraie et sincère à ce très chaste époux de l'auguste
Vierge, nous rapprochera de la Sainte-Eucharistie et nous en fera per-
cevoir tous les fruits. Unissons donc, dans notre amour à l'Eucharistie,
une tendre dévotion envers Marie et saint Joseph. Demandons-leur de
nous bien disposer à recevoir Jésus au Sacrement de rautel. et une fois
que nous l'avons reçu, de recueillir toutes les grâces de salut que Dieu
nous destine par ce moyen.
Je terminerai. Messieurs, en vous demandant de ratifier solennelle-
ment la résolution prise jadis, par vos glorieux ancêtres, sous l'inspira-
tion de saint Joseph. Cette résolution est aussi fidèlement rapportée
par le Père Le Jeune, jésuite : " Par la faveur et par les mérites (de saint
Joseph), les habitants de la Xouvelle-France, demeurant sur les rives
du grand fleuve Saint-Laurent, ont résolu de recevoir toutes les bonnes
coutumes de l'ancienne, et de refuser l'entrée aux mauvaises." (1)
Oui, continuez à ouvrir vos ports à l'élan de générosité qui a de tous
temps distingué la France, à sa dévotion envers Marie, dont elle est le
royaume choisi, — " regjium Galliae, regiiiiin Mariae," à son ardeur à
combattre les ennemis de la foi, à son entreprenante activité pour tout
ce qui touche à la gloire de Dieu et au salut des âmes; mais fermez ces
mêmes ports impitoyablement aux invasions sournoises de l'esprit sec-
taire, à l'orgueil intolérable d'une science trompeuse et mensongère, aux
insinuations perfides d'une fausse critique, mais surtout à ce mépris
qu'affectent certains esprits, aussi légers que hautains, par rapport à la
vraie méthode d'études théologiques que la tradition nous a léguée et que
l'Eglise nous ordonne de suivre.
Puisse le Père nourricier de Jésus, en écartant les dangers qui mena-
cent notre foi, nous inspirer une tendre dévotion envers Marie, l'ancre
de notre espérance; puisse cette Mère bénie, à son tour, nous conduire
à l'Eucharistie, le sacrement de l'amour de Jésus !
Saint Joseph, époux fidèle de Marie, priez pour nous !
Xotre-Dame du Très Saint-Sacrement, priez pour nous !
Jésus présent dans la Sainte Eucharistie, soyez jusqu'à la mort notre
nourriture !
(1) Relation de 1C37, Edition de Québec, p.
— 294 —
*
* *
En terminant son Etude, le R. Père exprime le Vœu : " que
" la dévotion à Notre-Dame du T. 8. Saerement, qui résume et
" honore tous les rapports si étroits enti-e Marie et rEucha-
" ristie, se répande de plus en plus dans la piété chrétienne.
" C'est bien au Congrès de Montréal " Ville de Marie " et à
" Monseigneur son archevêque, vicaire pour ainsi dire de Ma-
" rie en tant que pasteur de " Ville-Marie ", à promouvoir
" cette dévotion dans le Nouveau-Monde. "
Ce vœu est à peine formulé que Mgr Labrecque, Evêque de
Chicoutimi, se lève pour l'appuyer en ces termes :
" Me serait-il permis d'ajouter un vœu à l'étude si intéressante et à la
motion présentée par le E. P. Lépicier ? Attendu : les fondements théolo-
giques si profonds et les raisons d'opportunité sur lesquelles se base la
dévotion à IST.-D. du T. S. Sacrement, qui unit Marie à l'Eucharistie, il
serait à désirer que pour favoriser cette dévotion qui répond aux besoins
des âmes à l'heure actuelle, l'Eglise institue une fête et un office de
ISTotre-Dame sous ce vocable, permettant ainsi aux Evêques d'ériger des
paroisses sous le titulaire de Notre-Dame du T. S. Sacrement. Ce désir,
je l'ai, et comme évêque, je le formule ici, demandant au Congrès de le
partager et de l'appuyer en vue de démarches à faire à Eome."
Mgr Archamhaiilt, Evêque de Joliette, se rallie pleinement à
l'Evêque de Chicoutimi et fait remarquer que déjà dans son
diocèse, comme en plusieurs autres, il a ordonné d'ajouter
aux invocations à réciter après la bénédiction du T. S. Sacre-
ment : " Bénie soit Notre-Dame du T. S. Sacrement ! "
C'e vœu de Mgr Labrecque et cette remarque de Mgr Ar-
chambault reçoivent l'approbation enthousiaste de toute l'as-
sistance.
Ici Mgr le Président fait remarquer qu'il n'appartient pas
à un Congrès de provoquer lui-même directement des dé-
marches en Cour de Rome : il doit se contenter d'exprimer le
vœu qu'elles soient faites. Et pour ce qui est du vœu présent,
concernant la dévotion à Notre-Dame de T. S. Sacrement, il
•se dit heureux de s'y rallier avec l'assistance, autant que
Rome jugera opportune sa réalisation.
— 295 —
Alors Mgr Archambault propose la modification suivante :
" Le vœu pourrait donc être exprimé en ce sens : que la
section d'études du Congrès verrait avec bonheur Rome ac-
corder l'office de Notre-Dame du Très Saint -Sacrement ; —
sans qu'il y ait de demande directe au Saint-Siège, faite au
nom du Congrès — ".
Toute l'assemblée se rallie à ce vœu à l'unanimité.
Les rapports déjà nombreux, mais si brillants présentés
jusque-là n'avaient pas fatigué l'auditoire. Aussi accueillit-il
avec empressement le travail si impatiemment attendu de
M. le Docteur J. I. Desroches, l'un des médecins les plus distin-
gués de Montréal, sur un sujet palpitant d'intérêt :
LA MORT APPARENTE ET REELLE
en rapport avec l'administration des sacrements
De tout temps les médecins ont apporté beaucoup de soins dans l'étude
des signes de la mort. A toutes les époques des doutes ont existé sur la
certitude de ces signes, et ces soupçons ont amené à faire sans cesse de
nouvelles recherches. De nos jours, les praticiens n'accordent pas assez
d'attention à ce grave sujet; dans tous les cas, on se contente du témoi-
gnage d'un proche qui vient vous dire que le malade n'est plus. Pour-
tant, on reconnaît qu'il y a une vie latente avant la mort véritable.
N'est-ce pas un grand danger pour de regrettables et terribles méprises ?
Il importe donc de s'en occuper, et c'est la raison de ce travail.
Il intéresse à la fois, les médecins et les prêtres : les médecins, pour les
mettre en garde contre les verdicts trop précipités de mort : les prêtres,
pour leur donner des facilités plus grandes à venir en aide aux âmes à
l'heure suprême de la vie.
Vie et Mort.
Comment vous entretiendrais-je de la mort sans vous parler de la vie,
car la mort se définit par la vie, et mon sujet ne serait pas complet si je
ne traitais de l'une et de l'autre.
— 296 —
La vie est une énigme que le savant et le penseur n'ont encore pu
bien pénétrer ni bien définir. Pourtant cette mj-stérieuse inconnue plane
et agit sur la nature entière ; la vie est où la plante végète ; la vie est où
l'animal sent et agit; mais c'est dans l'homme, que la vie s'épanouit
dans tout son éclat et apparaît sous la forme la plus belle et la plus
achevée. Qu'y a-t-il, en eiîet, de plus beau que la machine humaine qui
se répare et se renouvelle sans cesse elle-même? Qu'y a-t-il de plus mer-
veilleux que l'aliment, corps inanimé, qui entretient la vie et qui se
transforme en la substance humaine?
Pour mieux comprendre comment la mort accomplit son œuvre de
destruction, pénétrons dans cette étonnante machine qu'est notre corps
et voyons comment la vie y apparaît et s'y maintient.
î^otre organisme représente une fédération d'éléments cellulaires
étroitement associés et animés sous l'action d'un principe formateur.
L'activité humaine peut être envisagée dans chaque cellule comme en
autant de vies partielles. Il y a environ trente trillions de cellules dans
l'homme, qui sont comme autant d'ouvriers qui respirent, qui se nour-
rissent et qui travaillent, accomplissant ainsi les fonctions multiples de
la vie en nous. La cellule vivante n'a aucun repos, son activité ininter-
rompue concourt aux grands phénomènes d'assimilation, de défense ou
de destruction. C'est un moiivement continuel du dehors au dedans, du
dedans au dehors, qui est appelé le tourbillon vital.
L'appareil digestif élabore les aliments destinés à nourrir et à entre-
tenir l'organisme. Douées d'un pouvoir réparateur, ces substances pénè-
trent dans le sang, dans la lymphe, et finalement dans leur milieu vrai-
ment physiologique qui est cette atmosphère liquide dans laquelle
baignent les myriades de nos cellules organiques. Les deux facteurs de
la nutrition sont d'une part, une cellule vivante, d'autre part, un milieu
extérieur où elle baigne et avec lequel elle opère un échange continuel
de matériaux.
N'essayons pas d'expliquer cet incompréhensible, cet insondable mys-
tère qui fait que la cellule vivante attirant à elle les matériaux du
dehors, les change en sa propre substance.
Ainsi tout notre être physique est dominé par la nécessité de la vie
cellulaire. On a conscience que la vie se réalise dans une immense
multitude de cellules associées par groupes, mais ayant entre elles un
lien de solidarité vitale. On conçoit du même coup que la mort, pour
s'étendre à toutes ces cellules, demande un temps plus ou moins long.
Y a-t-il une atteinte grave dans les mécanismes compliqués qui président
au ravitaillement ou à la décharge de l'organisme, la vie alors est com-
promise, périclite et s'éteint. Divers groupes de cellules peuvent sur-
vivre plus ou moins longtemps, mais privées progressivement de s'ali-
menter ou de s'exonérer, elles sont enfin entraînées dans la mort.
Que le cœur cesse de battre, c'est la famine universelle. Que le pou-
mon soit gravement lésé, c'est l'asphyxie partout. Que le rein cesse de
fonctionner, c'est l'empoisonnement par les matériaux usés retenus
dans le sang. Mais comme la vie active et anime environ trente tril-
lions de cellules associées par groujjes dans notre organisme, et que
chaque élément cellulaire est plus ou moins nécessaire à tous les autres
Lk ('oMin'; i)i;.s ('f:Ri';M()Mi:.s irr DricoRATioNS.
Tut: COMMITTKK ON ('KRKMOMIiS AMI l)K( OKM IONS.
— 297 —
suivant que le lien de solidarité vitale est plus ou moins étroit, il s'en-
suit que la mort est tout simplement un état produit par l'arrêt de l'un
des rouages les plus essentiels à la vie, tels que le cerveau, lé cœur, les
poumons, les reins, le foie.
Quand on dit d'une personne qui vient d'espirer qu'elle est morte, c'est
lin pronostic d'une mort réelle que l'on fait plutôt qu'un jugement de
fait. On exprime que la personne est en train de mourir, et non pas
qu'elle est morte d'ores et déjà. De là l'importance de bien di:5tinguer
la mort élémentaire de la mort générale.
Considérons la mort dans ses degrés, et nous reconnaîtrons une mort
apparente qui est la suspension incomplète et temporaire des phéno-
mènes vitaux, et la mort réelle ou l'arrêt définitif et total de ces phé-
nomènes.
La mort se définit par la vie: elle est la cessation des actes et des phé-
nomènes qui caractérisent la vie. La vie et la mort apparente sont
encore conciliables et peuvent coexister. Mais la mort réelle est l'arrêt
de la fonction cellulaire, c'est la dissolution du composé humain, c'est
la séparation de l'âme d'avec le corps, c'est l'entrée de l'âme dans
l'éternité.
Dans tous les cas de mort, il s'écoule après le dernier soupir, un temps
plus ou moins long avant que la mort ait envahi tous les éléments cel-
lulaires, qu'elle devienne générale.
jSTous voilà en face d'un problème dont la solution est pleine de gra-
vité et entraîne de troublantes responsabilités. Entre le moment vul-
gairement dit de la mort et la mort réelle, il existe une rie latente ou à
l'état de force radicale. En conséquence, nos semblables, lorsqu'ils
sont supposés défunts, doivent encore, pendant un certain temps, être
l'objet de l'assistance spirituelle et de l'assistance corporelle.
SiGXES DE LA MoRT.
Depuis longtemps la médecine pratique est à la recherche des signes
certains de la mort réelle. En voici douze que nous fournit la médecine
légale :
1° — L'arrêt de la respiration;
2° — L'arrêt de la circulation;
3° — La rigidité cadavérique;
4° — L'absence de la contractibilité musculaire;
5° — Le défaut de redressement de la mâchoire inférieure:
6° — La perte de transparence de la main:
7° — La formation d'une tache sur la cornée;
8° — L'obscurcissement des yeux:
9° — La vacuité des carotides:
10° — Le défaut de crépitation vitale:
11° — Le manque de vésicules après les brûlures:
12^^ — Enfin la putréfaction.
— 298 —
On a recours à la bougie et au miroir pour constater si la respiration
existe encore. Ces moyens ne peuvent autoriser une conclusion de mort
certaine.
Le vase d'eau placé sur l'abdomen n'est pas un signe sûr, vu que des
oscillations peuvent se produire par le déploiement des gaz intestinaux.
L'auscultation du cœur ne permet pas toujours de percevoir les bat-
tements de cet organe, qui sont souvent imperceptibles même à l'oreille
la plus exercée.
La saignée est un moyen sans valeur, vu que l'incision des veines
peut être suivie d'un écoulement sanguin chez des sujets morts et inca-
pables de retour à la vie. L'on sait que les vrais cadavres ne saignent
pas ordinairement à l'ouverture des vaisseaux sanguins. Mais le même
fait peut avoir lieu chez des malades comme les cholériques. On ne
peut donc pas se servir de ce procédé en toute confiance.
Le seul signe qui permet d'affiriner que la vie est éteinte et ne se ra-
nimera point, est celui de la putréfaction.
S'en rapporter aux autres signes,, en dehors de la décomposition cada-
vérique, pour se soustraitre à toute inquiétude avant l'inhumation, c'est
exposer, plus souvent qu'on ne se l'imagine, les prétendus morts à être
enterrés vivants.
Quand un père, une mère, un frère, une sœur, un proche, un ami, en-
tourés de personnes qui leur sont chères, rendent le dernier soupir, ne
nous empressons pas de les juger comme réellement morts.
Encore moins, dans les cas de mort violente, comme un effet d'acci-
dent, surtout si les victimes ne sont pas sérieusement meurtries, broyées
et écrasées, on ne peut dire que la vie cellulaire soit éteinte, que la sé-
paration de l'âme et du corps ait eu lieu immédiatement.
De même, dans les cas de mort subite, par suite de syncope, de con-
vulsions, d'apoplexie, de submersion, de pendaison, d'inhibition sous
l'influence d'un choc nerveux, comme les personnes concernées n'ont
plus de manifestations vitales, nous ne devons pas les considérer, à
l'heure même, comme absolument mortes.
Aussi les individus trouvés dans les chambres d'hôtel ne sont-ils pro-
bablement, en bien des cas, que des morts apparents, lorsqu'on constate
qu'ils ont cessé de vivre.
Il est admis aujourd'hui que le moment de la mort absolue ne suit pas
immédiatement la suspension des fonctions visibles et perceptibles. Il
s'écoule un temps plus ou moins long, entre ce qu'on appelle le dernier
soupir et la réalisation de la mort véritable.
La mort nlisolne ou iiTémédinble est le commencement de la désagré-
gation des éléments cellulaires et est suivie de leur retour à l'état in-
organique.
Disons donc qu'avant la mort réelle, sous les apparences d'une mort
qu'on peut désigner sous le nom de mort intermédiaire ou relative, il y
a toujours une période de vie latente, ou à l'état de puissance.
Le docteur Bergie, rapporteur au Congrès international de Bruxelles,
en 1896, exprimait ainsi l'opinion des savants de l'Europe:
"Les inhumations précipitées ont répandu dans le public une terreur
— 299 —
légitime que les récits populaires ont parfois exagérée. Mais à côté de
faits mal établis, combien l'histoire n'enregistre-t-elle pas d'horribles
méprises? Les craintes sont donc justifiées et il ne faut pas que de nou-
velles victimes soient enterrées vivantes. L'humanité impose le devoir
d'employer tous les moyens de constater la mort d'une manière indu-
bitable.
Des Sessartz, doyen de la Faculté de médecine de Paris, écrivait :
" Dès l'antiquité la plus reculée, les hommes voués à l'étude ont re-
connu que les signes de la mort étaient incertains. Leurs successeurs,
plus éclairés et plus attentifs, ont démontré qu'il existe un intervalle
entre l'apparence et la réalité de la mort, que la longueur de cet inter-
valle, allant parfois à plusieurs jours, est en raison inverse de la durée
de la maladie, et enfin qu'il n'est .qu'une seule preuve sûre et infaillible
que l'homme n'est plus vivant, c'est la putréfaction."
Le docteur Josat, inspecteur des décès à Paris, après de sérieuses re-
cherches, arrive à la conclusion suivante :
" De ce qui précède, il résulte que la science n'a point trouvé et ne
trouvera probablement jamais le moyen de distinguer la mort réelle de
la mort apparente ; que la putréfaction est, au contraire, le signe cer-
tain de la mort, et que toutes les institutions propres à empêcher les
inhumations précipitées doivent avoir pour but de constater ce signe de
la mort réelle."
Les signes pris de l'arrêt du cœur, de l'absence de la respiration ne
peuvent être regardés comme des preuves de la réalité de la mort.
Combien, en effet, sont nombreux les cas de rappel à la vie ou de revi-
viscence après une période plus ou moins prolongée de mort intermé-
diai]'e où la circulation et la respiration avaient complètement cessé !
La science établit que certains animaux après congélation complète ont
pu être rappelés à la vie. Qui peut croire que dans ces faits naturels
ou artificiels, le cœur n'avait cessé de battre et les poumons de respirer.
Brouardel, doyen de la Faculté de médecine de Paris, disait:
" On doit considérer l'absence des battements du cœur comme un
signe de la mort apparente, mais on ne saurait l'envisager comme un
signe de la mort réelle."
" Les grandes fonctions de la respiration et de la circulation peuvent
persister sous une forme imperceptible et échapper aux observations les
plus minutieuses. Tout ce qu'on peut affirmer, c'est qu'on ne perçoit
plus d'opérations vitales des pulsations cardiaques et de la fonction
respiratoire; mais on ne peut jamais prétendre avec certitude qu'il n'en
existe pas."
Pour affirmer le passage suprême, on a coutume de relever d'autres
signes, comme la pâleur des membres, l'aspect cadavérique de la face,
les taches livides, le refroidissement ou la disparition de la chaleur
vitale et l'œil flasque, affaité et terne. Comme le soutient le Kév. P.
Ferrères, ces signes ne constituent guère que des signes de mort pro-
bable, même très probable, mais non absolument certains. On en peut
donc en déduire des preuves pour préciser le moment de la mort
véritable.
L'apparition des taches livides dites cadavériques. 8 à 15 heures après
— 300 —
la mort, n'est pas admise comme une preuve que la vie est éteinte irré-
médiablement. Elles apparaissent quelquefois chez les cholériques avant
la mort réelle; elles se sont manifestées plus d'une fois chez des
asphyxiés qui sont revenus à une santé parfaite.
Les signes tirés de l'œil cadavérique ne démontrent pas qu'ils est im-
possible de ranimer le corps.
D'après Xiederkorn, la raideur cadavérique commence de 2 à 6 heures
après le moment dit communément la mort. Après 34 heures, elle
est généralement complète, et elle disparaît après 36 à 48 heures.
Pour Capellman, la rigidité cadavérique s'observe certainement de
une à vingt-quatre heures après le dernier soupir. Elle a une grande
valeur, mais elle expose à de graves erreurs, vu qu'elle se manifeste
durant la vie chez des malades, comme chez ceux qui sont atteints de
tétanos, d'asphyxie, de syncope, de convulsions, etc.
Le refroidissement du prétendu mort est-il propre à établir la cer-
titude absolue de l'état cadavérique?
Selon Icard, ce signe est quelque chose de très troublant au point de
vue de sa valeur. Il prétend qu'il ne vaut pas pour tous les climats et
ne peut être constatée par une température atmosphérique qui n'est pas
inférieure à 20° C.
La science varie sur la détermination du degré de température au-
dessous duquel la vie est impossible. Pour être à peu près complet, le
refroidissement prend une durée moyenne de quinze à trente heures.
Il reste donc que le seul signe de la mort réelle est la putréfaction
quelque peu avancée.
La putréfaction est précédée de la coloration verdâtre de l'abdomen
et commence après le troisième jour. Mais un grand nombre de cir-
constances font varier cette époque entre quelques heures et dix-huit à
vingt jours.
Fréquence de la vie latente.
Après la mort au sens vulgaire, il existe toujours une vie latente.
C'est une vérité proclamée par l'expérience et reçue aujourd'hui par la
science. Dans ces dernières années surtout, des faits fréquents et nom-
breux l'ont démontrée à l'évidence. Il importe de faire pénétrer dans
toutes les couches sociales la connaissance sur cette grave réalité, ei
nous avons à cœur de ne pas laisser embaumer un prétendu mort ayant
encore la vie, et d'éviter tout enterrement précipité. On ne saurait trop
y réfléchir, et qu'on se représente tout ce qu'il y a d'épouvantable dans
le fait d'être mis vivant dans une ])ière et de s'y trouver condamné à
faire face à une mort irrémédiable.
Pour éviter l'inhumation précipitée, la constatation d'un décès doit
être fondée sur la plus rigoureuse inspection. Il y a des cas nombreux
où la vie latente, sous les apparences de la mort, ne se révèle pas aux
yeux des gens étrangers à la médecine, mais se montre à l'coil et au juge-
ment du savant observateur.
Dans le premier degré de la vie latente, certains mouvements sont
— 301 —
difficilement perceptibles; dans le second degré, il n'y a plus possibilité
de distinguer la plus minime vibration vitale, c'est la mort intermé-
diaire ou relative de certains auteurs. Cet état intermédiaire ne serait
plus la vie à proprement parler, mais elle s'y trouve pourtant encore à
l'état de puissance; il ne serait non plus la mort absolue, puisque le
retour à la vie a pu être réalisé pour un certain temps, qui a permis
d'exprimer certains désirs et de recevoir en pleine connaissance les der-
niers Sacrements.
Cette vie latente peut s'expliquer par la vie nutritive qui se continue
dans les cellules ou qui peut être suspendue sans le départ de l'âme,
pendant une période difficile à déterminer, mais qui dure généralement
une à trois heures, d'autres fois dix-liuit à vingt heures, parfois même
plusieurs jours.
La vie latente est certainement possible à l'état de force radicale dans
les éléments cellulaires. Tout le mécanisme extérieur de la vie orga-
nique peut être aboli, et peuvent faire défaut toutes les oscillations
vitales dans les différents groupes de cellules qui constituent l'être hu-
main, et, cependant, il y a encore possibilité de la vie tant que les centres
réflexes du système nerveux sont en puissance fonctionnelle.
Aucun ne peut déterminer exactement la durée du temps qui s'écoule
entre le dernier soupir et la cessation de la vie cellulaire, d'où résulte
la séparation de l'âme d'avec le corps. L'on sait que l'âme rationnelle
est le principe formel de l'être humain. Après la cessation de tout mou-
vement dans la vie organique, l'âme peut persister comme principe
formel. Or, la présence de l'âme suffît à maintenir l'excitabilité à l'état
de puissance, et l'expérience en a établi le fait incontestable pai- la rani-
mation.
D'après le docteur Blanc, la vie latente serait très fréquente, surtout
chez ceux qui succombent à la suite d'accident, soit de blessure, de con-
tusion, de chute, de submersion, d'asphyxie, d'hémorrhagie, d'inhibition,
d'anesthésie, de narcotisme, de décharges électriques, de la foudre,
d'ivresse, etc.
Voici une autre série de faits en faveur de la vie latente:
Le docteur Barnardès raconte des cas de noyés qui. restés submergés
pendant un quart d'heure, deux heures, seize heures et qui, retirés dans
un état de mort apparente, recouvraient toutes les fonctions vitales et la
santé parfaite.
D'après le docteur Surl)led, des noyés ont pu être ranimés après plu-
sieurs heures d'insensibilité absolue, de même que des individus étouffes
par les moyens de carbone ou la fumée d'incendie.
Fne digression ici pour dire qu'il y a deux catégorie? de noyés : les
noyés bleus et les noyés blancs. T^e docteur Geniesse affirme que chez
les seconds la syncope peut être prolongée quelquefois un temps consi-
dérable.
L'accident subit ])eut venir de causes extrinsèques, comme cliez les
noyés, les pendus, les individus frappés par la foudre ou de décharges
électriques, etc.; de causes intrinsèques, comme Tapoplexie, Tépilopsie,
— 302 —
les convulsions, l'iiémorrliagie, rempoisonnement, le choléra, la peste,
etc.
Selon Zaccliias, parfois ceux qui paraissaient morts par efïet de ces
accidents furent ranimés, deux ou trois jours après être demeurés en
état de vie latente.
Pour M. Witz, quelques hommes, tués apparemment par décharge
électrique, furent ranimés après une et trois heures d'efforts incessants.
Le '• Cosmos," en 1903, relatait qu'un soldat, qui s'était pendu, revint
à la vie après l'emploi, durant plusieurs heures, de tractions rythmées
de la langue.
Ils sont nombreux, dit le docteur Blanc, les cas de soldats blessés sur
le champ de bataille, morts d'hémorrhagie, qu'on rappela à la vie après
deux, quatre et même douze heures de mort apparente.
A ce propos, qu'on me permette de citer ici un fait bien suggestif,
une triste aventure dont un prêtre distingué de cette ville faillit être le
héros malheureux.
Un jour qu'il voyageait sur mer, venant d'Europe en Amérique, et
que la traversée l'éprouvait durement, le E. Père X . . . se sent tout à
coup plus gravement indisposé. Puis survient une syncope, accompa-
gnée de toutes les apparences de la mort. — Il n'y a plus de doute, le
bon Père est bien passé de vie à trépas. Or, mourir en mer c'est avoir
l'abîme pour tombeau. — Au bout des 24 heures réglementaires, le décès
étant dûment constaté, on s'apprête à immerger le pauvre défunt, et
tous les préparatifs sont terminés, quand tout à coup le mort se réveille,
s'agite et revient à lui peu à peu. Mine des assistants ! . . . .
Et le pauvre malheureux, qui vit encore aujourd'hui, nous racontait
que, durant sa prétendue mort, sans pouvoir faire un signe, il enten-
dait néanmoins tout ce qui se disait autour de lui. — Encore un peu, et
il se réveillait au froid contact de son tombeau liquide !
X'est-ce pas à la fois horrible et suggestif ?
Le docteur Laborde, dans une communication adressée à l'Académie
de Médecine de Paris en 1900, établit que le terme moyen de la vie la-
tente dans tous les cas est de trois heures.
Le docteur Coutenot soutient que la durée moyenne de la vie latente
est de une à trois heures, le maximum correspondant aux morts subites,
et le minimum aux morts occasionnées par les maladies longues.
A cette partie de ce travail, qu'il me soit permis de vous dire, avec le
Rcv. P. Ferreres que les fœtus, les nouveaux-nés se présentent souvent
dans un état de mort apparente et peuvent demeurer ainsi des heures,
et parfois des jours, sans que l'on puisse saisir en eux aucun signe de
vie, et qu'un grand nombre ont été rappelés à la vie ou trouvés vivants
après un temps plus ou moins long.
Les docteurs Laborde, Icard, Mossart, Soirro, Delineau et autres, té-
moignent avec de nombreuses observations en faveur de la grande téna-
cité de la vie chez l'enfant qui naît en état d'asphyxie ou de mort
apparente. Le Rév. P. Ferreres en conclut que l'on ne doit pas priver
du Baptême le nouveau-né apparemment mort, à moins qu'il ne pré-
iente le signe de la putréfaction.
303 —
*
* *
CONCLUSIOXS PRATIQUES,
Je pourrais continuer à raconter des faits à l'appui de la vie latente,
mais je crois en avoir assez dit pour porter la conviction dans tous les
esprits et me permettre d'en déduire les conclusions suivantes :
1° La vie humaine est servie par une immense multitude d'élé-
ments cellulaires. Ces cellules sont autant d'organes indispensables à
l'entretien de la vie, mais elles sont insuffisantes pour expliquer ce qu'est
la vie. On sent bien qu'elles sont au service d'une puissance supé-
rieure que le savant et le penseur n'ont encore pu définir scientifique-
ment. La vie demeure toujours pour nous un profond mystère. Ces
trente trillions de cellules animées par le souffle de Dieu-Créateur sont
autant de vies partielles. Que la mort arrive, soit par la maladie ou
par un accident, elle n'envahit pas d'emblée tous les éléments cellulaires,
mais progressivement; elle est d'abord élémentaire, puis elle devient
générale. Ce qui permet de dire qu'il y a dans tous les cas, d'abord une
mort apparente et intermédiaire puis une mort réelle.
2° Attendu les difficultés du diagnostic de la mort réelle et les dan-
gers de la mort apparente, surtout dans les décès subits, il est désirable
que le corps soit examiné d'une manière attentive et complète par im
médecin, et qu'un certificat de décès ne soit délivré avant qu'il ait cons-
taté la rigidité cadavérique et le signe de la putréfaction.
3° Que le médecin soit tenu d'attendre plusieurs heures après le mo-
ment supposé de la mort pour pouvoir constater certains signes impor-
tants et certifier le décès.
4° Avant la déclaration du décès par le médecin, qu'il soit défendu
de procéder à l'autopsie, à l'embaumement, à l'ensevelissement et à la
mise en bière.
Voilà des précautions que, me semble-t-il, nous devrions mettre en
pratique et qui seraient à l'avantage de nos chers défunts.
5° Il ne m'appartient pas de déterminer les cas où la licéité et la va-
lidité de l'absolution et de l'Extrême-Onction sont parfaitement claires.
Seulement si l'on considère sérieusement toute chose, on comprend que,
les Sacrements étant pour les vivants, ils peuvent être administrés,
quand même on aurait devant soi tous les signes de la mort, à part celui
de la putréfaction, surtout dans les cas de mort accidentelle et subite.
Laissez-moi vous dire que je n'ai pas la prétention, par ce travail, de
jeter des clartés nouvelles sur la question si troublante de la vie latente
avant la mort véritable. Seulement, je veux attirer l'attention publi-
que, et surtout celle des Messieurs du Clergé sur cette question, Caril
serait désirable que ces Messieurs fissent là-dessus l'éducation des fidèles
confiés à leurs soins, et les avertissent de ceci :
— 304 —
Qu'après qu'une personne a rendu le dernier soupir^ il y a toujours
pendant un temps plus ou moins long, une vie latente ou une mort ap-
parente qui n'est pas la mort réelle.
Après une longue maladie, la vie latente ou la mort apparente dure
au moins une heure.
A la suite d'accident ou de mort subite, la vie latente ou la mort
apparente dure de trois à dix-huit heures, parfois même plusieurs jours.
C'est dire qu'une personne qui vient d'expirer a droit à l'assistance du
prêtre, et qu'il est du devoir de toute personne présente de l'aller quérir.
Encore un mot et je termine.
J'ai lu quelque part ces belles paroles : " Un homme qui va mourir
doit agir comme un homme qui va mourir et non pas comme im homme
assuré du temps."
Comme il n'y a que le médecin qui puisse faire le pronostic des cas
de maladie, à lui iticomhe le devoir d'avertir à temps le malade de la
gravité de son état.
La tâche est parfois difficile, souvent pénible, mais la pensée de l'âme,
de la vie future et de Dieu l'engagera toujours à l'accomplir.
La pensée de la mort, quand on la voit de près, ne donne-t-elle pas à
notre vie un sens particulier? JST'est-elle pas propre, si le malade a
gardé son intelligence intacte, à lui fournir une heureuse occasion de
prendre plus au sérieux le salut de son âme, et parfois de réparer toute
une mauvaise vie?
Que chacun de nous, médecins, fasse siennes ces paroles de Sir John
Fayrer, membre de la Société Eoyale de Londres :
"Je n'admets pas que la mort surprenne un malade sans qu'il en ait
été infoiTué."
Soyons donc, nous médecins, vigilants et prudents, et ne laissons
jamais mourir un malade sans l'assistance du prêtre.
Vœu.
Un voeu est déposé pour que les Messieurs du Clergé se convainquent
mieux de la fréquence des morts plus apparentes que réelles; qu'ils ins-
truisent sur ce grave sujet, les fidèles confiés à leurs soins et combattent
leurs préjugés; enfin, pour qu'ils se montrent très larges à administrer
l'absolution et V Extrême-Onction à ceux qui, apparemment morts, ne le
sont probablement pas encore.
Une grande latitude est laissée sur ce point ])nr la théologie: le juge-
ment et le zèle du prêtre lui dicteront, dans ces cas. sa conduite pra-
tique. Mais qu'il se rappelle qu'il vaut mieux, pour le salut des âmes,
pêcher par excès de largeur que par trop de sévérité dans l'administra-
tion des derniers Sacrements.
Sacranicnta propter homines:
— 305
*
* *
Après co travail magistral, très écouté et souvent applaudi, Mgr le
Président félicite le bon et chrétien Docteur qui l'a fait. Il insiste pour
que, dans la pratique, on s'inspire de ses conclusions pour le plus grand
bien des âmes.
«
» *
Il reste à peine le temps au dernier rapporteur, le R. 1*.
Guillot, Rédemptoriste, de donner connaissance de son tra-
vail ; mais comme il a eu soin de le faire distribuer imprimé
à l'assistance, il se contente d'en faire ressortir les idées maî-
tresses et d'en accentuer les conclusions auxquelles se rallie
l'auditoire, car elles n'appellent aucune discussion.
RAPPORT
SUR LA
DEVOTION AU CŒUR EUCHARISTIQUE DE JESUS
MivSSIEURS,
J"ai riionneur de vous présenter un rapport sur la dévotion
au Cœur Eucharistique de Jésus et sur l'Archiconfrérie du même nom.
Comme cette dévotion est encore peu connue au Canada, il est bien na-
turel qu'on nous demande: " Qu'entendoz-vous par ''Cœur Eucharis-
tique?" Qu'est-ce que cette dévotion ])eut ajouter à celles du Sacré-
Cœur et du Saint-Sacrement? Pourquoi cette nouvelle terminologie?"
Je tâcherai de répondre à ces questions en comparant brièvement ces
diverses dévotions, et j'espère par là vous faire conuaîiro suffisamment
l'origine, la nature et l'utilité de la dévoti(m au Cceur Eucharistique, et
engager efficacement le clergé et le peuple canadiens à l'adopter avec
im pieux empressement.
OPTGTNE. — A mesure que la charité se refroidit dans le monde.
■NTotre-Seigneur se plaît, pour reconquérir les âmes, à leur manifester,
sous de nouvelles formes, rincroyablo amour qu'il leur porte.
— 306 —
C'est ainsi, pour nous borner aux dévotions mentionnées, qu'en 1208
il se révèle à la Bienheureuse Julienne de Liège et lui demande de faire
établir la fête du Saint-Sacrement. En 1264, le Pape Urbain IV or-
donne la célébration de cette belle fête dans l'Eglise Catholique tout
entière, et la Fête-Dieu donne tout à coup une splendeur inouïe au culte
eucharistique.
En 1675, Notre-Seigneur dévoile à la Bienheureuse Marguerite-Marie
les secrets de son Cœur " qui a tant aimé les hommes, et qui, pour re-
connaissance, ne reçoit de la plupart que des ingratitudes," et bientôt,
malgré d'inévitables contradictions, le culte du Sacré-Cœur est approuvé
par les papes et allume dans le monde des incendies d'amour pour notre
divin Sauveur.
Oserai-je comparer à ces grands événements l'origine de la dévotion
au Cœur Eucharistique? Il le faut bien, puisqu'elle porte les mêmes
caractères : il y a de part et d'autre la révélation des desseins de Dieu à
une humble femme, l'approbation solennelle de l'Eglise, et une merveil-
leuse et salutaire diffusion dans le peuple chrétien. Jugez-en.
Le 22 janvier 1854, dans une chapelle de Communauté, le Saint-Sa-
crement était exposé à l'adoration des fidèles; au milieu de la foule
recueillie se trouvait de passage une sainte religieuse profondément
vouée à l'amour de la divine Eucharistie. Ce fut l'heure où le Sauveur,
faisant d'abord vivement sentir à cette âme fervente l'oubli dans lequel
on le laisse, ainsi que les outrages dont on l'abreuve dans son Sacrement
d'amour, daigna lui adresser ces touchantes paroles : " Que d'âmes m'en-
tourent et ne me consolent pas ! Mon Cœur demande l'amour comme
un pauvre demande du pain ! . . . C'est mon Cœur Eucharistique, fais-le
connaître, fais-le aimer ! Eépands cette dévotion ! "
La servante de Dieu aurait voulu entendre : " Mon Sacré-Cœur ;" mais
non, le terme de " Cœur Eucharistique " inconnu jusqu'alors, retentit
nettement et se formula distinctement et à plusieurs reprises dans son
âme, et c'est uniquement sous ce titre que Notre-Seigneur ne cessa dès
lors de la favoriser des grâces les plus admirables et de lui confier la
mission de répandre ce culte béni.
Depuis lors, la dévotion au Cœur Eucharistique a été étudiée, exa-
minée, discutée, combattue même, et elle a triomphé de toutes les
entraves que l'enfer lui a suscitées. Elle a su conquérir l'amour des
Princes de l'Eglise et de son Chef Suprême. Deux cent quatorze Car-
dinaux, Archevêques et Evêques de diverses nations l'ont recommandée
avec instance ou louée avec enthousiasme. Les trois derniers Souve-
rains Pontifes, les seuls qui l'ont connue, Pie IX, Léon XIII et Pie X,
en vingt-quatre Brefs ou Eescrits, l'ont approuvée solennellement et
enrichie de très précieuses indulgences.
Aussi, elle s'est répandue rapirlement, et au dernier Congrès Eucha-
ristique international, le R. P. Kécheur pouvait dire sans crainte d'être
démenti: "Elle est maintenant connue et pratiquée dans tout l'univers
catholique."
Telles sont les raisons qui nous font penser que notre divin Eédemp-
teur veut la diffusion de cette belle dévotion.
— 307 —
NATUEE. — Mais que signifient les mots: " Cœur Eucharistique?"
Ces mots désignent tout simplement Tamour que Jésus nous témoigne
par le don de la divine Eucharistie.
Tel est le sens qu'a fixé la suprême autorité de la Sainte Eglise.
Dans un Bref du 16 février 1903, par lequel il érige cette dévotion en
Archiconfrérie, Léon XIII ne s'est pas contenté d'en consacrer le nom
et d'en approuver les pratiques, mais il a voulu encore en déterminer
l'objet précis. Vous trouverez dans la Raccolta la note suivante qu'il
a rédigée lui-même et répétée dans le Bref d'érection, et qui donne la
notion exacte de la dévotion. " Xous n'avons rien plus à cœur et rien
ne nous est plus doux que de donner dans cette Auguste Ville un
siège digne d'elle à cette association de fidèles, qui, tout en ayant envers
le Sacré-Cœur une dévotion ne différant en aucune manière de la dévo-
tion de l'Eglise, s'appliquent à rendre un culte spécial d'amour, de re-
connaissance et de vénération à cet acte de dilection suprême, en vertu
duquel notre divin Eédempteur, prodiguant toutes les richesses de son
Cœur institua l'adorable Sacrement de l'Eucharistie, pour demeurer
avec nous jusqu'à la consommation des siècles ! "
Le Eévérendissime Père Lepidi, O.P., Maître du Sacré Palais, a fort
bien formulé la même idée dans la page suivante : " Il n'y a pas de dé-
votion plus excellente que la dévotion au Cœur Eucharistique de Jésus.
Cette excellence provient de son objet qui n'est autre que l'amour su-
prême de Jésus voulant instituer l'Eucharistie, pour demeurer présent
au milieu de nous, renouveler sur la terre, jusqu'à la consommation des
siècles le sacrifice de la croix et nous donner sa chair en nourriture et
son sang en breuvage. Il veut par là nous communiquer son esprit de
mort et de vie, nous unir à Lui et nous transformer en Lui et ainsi nous
pénétrer de son esprit divin, réunir tous les croyants en un seul tout et
composer un seul corps animé d'un même esprit sous l'unique Chef, le
Christ-Jésus. De la sorte l'Eglise est une, soumise et consacrée à Dieu,
servante, amie et fille de Dieu.
" Telle est l'idée qu'il faut se former de la dévotion au Cœur Euclia-
ristique, si l'on veut en mesurer toute l'excellence, et qu'il faut faire
passer dans la pratique, si l'on veut en recevoir tous les bienfaits. Quelle
est la dévotion comparable à la dévotion au Cœur Eucharistique de
Jésus, puisqu'elle réalise le but final de la prière de Jésus: ut sint
unum ! Qu'ils soient un ! "
La dévotion au Cœur Eucharistique est distincte de la dévotion au
Sacré-Cœur comme le spécial est distinct du général. Elles ont quelque
chose de commun l'une et l'autre ont pour objet principal Tamour de
Jésus-Christ s\Tnbolisé par l'objet matériel qui est son Cœur de chair
uni personnellement au corps, à l'âme et à la divinité du Verbe incarné.
Mais elles ont aussi, dans leur réalité comme dans leur nom. quelque
chose de distinct. Le voici : tandis que la dévotion au Sacré-Cœur ho-
nore d'une manière générale l'amour de Jésus donnant à rhonime tous
les bienfaits de la rédemption, la dévotion au Cœur Eucharistique honore
d'une manière spéciale l'amour qui a déterminé l'institution du Saint-
Sacremont et du sacerdoce chrétien. La première regarde le Cœur du
Sauveur comme le SMnbole universel de sa vie morale, ou du moins de
— 308 —
sa charité pour nous, et sa charité connue la source d où sont sortis tous
ses bienfaits : l'Incarnation et la Passion, l'évangile et la grâce, la Sainte
Vierge et l'Eglise, l'Eucharistie et le ciel. Dans le Cœur de Jésus, la
seconde ne considère que l'amour qui a été le motif princiiDal de sa vie
sacramentelle. Cet acte d'amour est si merveilleux, si touchant et si
bienfaisant pour nous, et en même temps si méconnu et si outragé, qu'il
mérite bien un culte spécial d'amour et de reconnaissance, ainsi que le
disait encore l'illustre Pontife Léon XIII.
Le Cœur Eucharistique se distingue du Saint-Sacrement comme la
cause de l'effet et le donateur du don qu'il fait. Le culte du Saint-
Sacrement a pour objet d'honorer la présence réelle du Sauveur devenu
notre hôte, notre nourriture et notre victime; le culte du Cœur Eucha-
ristique s'élève jusqu'à l'amour qui a été la cause de ce don ineffable, et
s'efforce de le payer de retour et de lui faire réparation des ingratitudes
dont il est l'objet, en lui rendant ses hommages au lieu même où il
réside ici-bas par amour pour nous, comme l'indiquent les statuts de
l'Archiconfrérie.
*
* *
UTILITE. — Bien que distincte de l'une et de l'autre, la dévotion
au Cœur Eucharistique contient le secret d'unir admirablement, dans
la foi, le culte et la charité, les belles dévotions au Sacré-Cœur et au
Saint-Sacrement. Par elle, en effet, l'attention des fidèles est attirée et
retenue sur les relations du Sacré-Cœur et de l'Eucharistie, et ces deux
objets préférés du culte catholique, leur apparaissant dans l'intime rap-
port de cause à effet, se rendent témoignage l'un à l'autre, se font mieux
connaître et mieux aimer l'un l'autre. Le Sacré-Cœur proclame l'Eu-
charistie l'œuvre de son amour pour nous, et celle-ci nous montre la
grandeur de cet amour.
Or, contempler l'Eucharistie, non pas seulement en elle-même, mais
dans le Cœur de Jésus, dans les desseins de son amour qui a conçu et
réalisé cette merveille des merveilles, n'est-ce pas le moyen le plus
simple et le plus efficace de la mieux comprendre et d'en goûter toute
la suavité? "Eclairée par le rayonnement du Cœur de Jésus, l'Eu-
charistie, dit le P. Tesnière, voit les profonds mystères dont elle se com-
pcse, dissipés par la lumière la plus douce et la plus bienfaisante. Si
l'amour ne l'explique pas, elle est un scandale et ime folie pour le sens
humain. Mais si l'amour intervient, tous ces excès sont sagesse et
chef-d'opiuvre. attrait et charme, séduction et conquête de nos cœurs.
Or l'amour dans son symbole, c'est le Cœur. Que le fVimi- Eucharis-
tique soit donc mis en lumière aussi directe et aussi intense (|ue possible
et le culte de l'Eucharistie atteindra à son apogée."
Mais, direz-vous, n'a-t-on pas toujours vu l'amour dans le Saint-
Sacrement? Oui, sans doute, et pourtant saint Alphonse .se plaignait de
ce que l'amour de Jésus n'était pas assez prêché. Sainte Marie-Made-
leine de Pazzi gémi>sait de ce fju'il n'était pas connu. L'Ame privilé-
~ 309 —
giée, dont je vous parlais il n"v a qu'un instant, éclairée de Dieu dans
Toraison, tra(;ait ces mots qui l'ont jjartie de la belle prière au Cœur
Eucharistique: "Cœur Eucharistique de Jésus, Cœur humilié, délaissé,
oublié, méprisé, outragé, méconnu des hommes." Sera-t-il jamais
assez connu, assez aimé et assez honoré, le Saint-Sacrement? Et si une
dévotion peut aider à obtenir ce résultat infiniment désirable, faut-il la
repousser sous prétexte qu'on peut l'atteindre sans elle? Or, la dévotion
au Cœur Eucharistique jious oriente vers l'Eucharistie, pour la mettre
en évidence et la l'aire resplendir aux rayons du foyer d'amour d'où elle
a jailli jusqu'à nous.
Donner, et encore plus, se donner, c'est le besoin de l'amour; c'est sa
vie, sa joie, sa gloire, et son dernier acte. Or, le Fils de Dieu s'est donné
lui-même, comme personne, excepté lui, n'est capable de se donner : il
s'est donné dans sa vie mortelle; il se donnera un jour à nous dans sa vie
glorieuse ; il se donne dans sa vie eucharistique. Cette donation peut
nous jouissons actuellement nous dévoile toute la tendresse de son Cœur,
toutes les richesses de son amour, '' l'acte suprême de sa dilection." " In
finem dilexit." Ce qu'il donne, c'est lui-même, le Fils de Dieu et le Fils
de Marie; lui-même avec tous ses dons précédents et la semence de tous
ses dons futurs. Il a comme ramassé tous ses bienfaits dans ce bien-
fait plus grand que tous les autres; il y a réuni sa vie. sa mort et sa ré-
surrection; ses prières, ses actions, ses souffrances, ses vertus et ses
mérites; la grâce et la gloire, le Calvaire et le ciel, fondus en un pour
être offerts à Dieu en sacrifice et aux hommes en aliment. Si vous
aimez à juger d'un cœur à la valeur de ses dons, comme on juge d'un
arbres à ses fruits, que dites-vous d'un cœur capable de faire un pareil
préseoit ?
Jésus ne se contente pas de nous donner tout son être d'une nuinière
purement extérieure comme un objet de contemplation ou de culte.
Non, c'est dans notre intérieur qu'il prétend se jeter; c'est au cœur
qu'il nous vise. Il lui plaît de venir en nous, d'y demeurer, d'y vivre,
que dire de plus?
Il se donne à nous en nourriture. C'est la forme la plus complète et
la mes<ure suprême de la donation. Y a-t-il rien qui soit plus à nous
que le pain que nous mangeons, et qui, passé en nous, devient natre
substance ? Jésus sans doute ne se transforme pas en nous, mais il
nous assimile plutôt à lui; il alimente en nous la vie la plus précieuse
que nous possédions, la vie chrétienne, éternelle et divine. Et comment
douter, quand ce Sauveur réside dans notre poitrine, qu'il nous aime
individuellement, particulièrement, intimement et tendrement?
Enfin, Jésus se donne au prix des plus sensibles douleurs et des plus
grands sacrifices. Il lui faut être victime au Calvaire et victime à
l'autel. Il le sait mieux que tout autre: il connaît d'avance, il rossent
vivement les douleurs de sa passion et les anéantissements plus profonds
et plus prolongés de l'autel, qui le livre plus faible encore aux injures
des pécheurs. Son amo'ur n'en est pas découragé: d'un seul bond, il
franchit ces montagnes d'ingratitudes, de haine, d'impiété; il s'élance
au travers des siècles d'outrages vers l'âme pure et chérie pour lui
porter sa substance en nourriture et lui dire: '* .\nio bien-ainiéc. ni
— 310 —
jamais tu doutes de mon amqur, regarde ce Sacrement dans lequel je me
donne totalement à toi : avec un tel gage, tu ne peux plus douter que je
ne t'aime et que je ne t'aime beaucoup."
Eridemment, c'est par les aspects les plus touchants et les plus sanc-
tifiants que le Cœur Eucharistique unit dans la doctrine le Sacré-Cœur
et le Saint-Sacrement. Il est comme le trait d'union qui donne à ces
deux mots d'affection un sens encore plus frappant et une éloquence plus
persuasive; lé cristal qui, pour les enflammer, fait converger sur les
âmes ces deux rayons ardents; l'harmonie dans laquelle se fondent ces
deux chants d'amour; enfin la synthèse naturelle qui ravit les savants,
dès qn'ils l'approfondissent, et reste accessible à un enfant, dès qu'il
comprend le sens des mots : aimer et donner.
*
Mais c'est surtout dans la pratique du culte, que, selon la parole du
Cardinal Guibert, " la dévotion au Cœur Eucharistique réunit en elle
ce que les dévotions au Très-Saint-Sacrement et au Sacré-Cœur oait de
plus excellent."
Pour atteindre à la perfection de l'une et de l'autre, il faut les unir
le plus étroitement possible. Le Sacré-Cœur réclame des hommages
eucharistiques. Il disait à la Bienheureuse Marguerite-Marie : " J'ai
une soif ardente d'être aimé des hommes dans le Saint-Sacrement, et je
ne trouve presque personne qui s'efforce de me désaltérer." D'un autre
côté, le culte de l'Eucharistie se porte volontiers de nos jours vers
l'amour du Sacré-Cœur qui en est la source, et vers la réparation des
ingratitudes qu'il y reçoit.
Mais si telle est heureusement la tendance des âmes les plus éclairées
et les plus pieuses, combien d'autres, hélas ! par ignorance, irréflexion,
défaut de foi ou d'entraînement d'une dévotion tout extérieure, séparent
dans leur piété ces deux cultes qui s'appellent et se complètent l'un
l'autre ! Ne s'est-on pas lamenté justement de voir bien des personnes
dévotes s'attarder devant une image du Sacré-Cœur, en laissant dans
l'abandon le Dieu d'amour réellement présent dans la même église et
avide de se communiquer à elles? N'a-t-on pas toujours à déplorer la
froide indifférence des multitudes croyantes elles-mêmes, .qui ne s'ap-
prochent que rarement de ce grand ami de l'homme, et encore, moins
par amour que par crainte, devoir ou coutume.
Le secret le plus simple et le plus direct, le plus populaire et le plus
efficace pour combattre ces égarements de la piété, rapprocher dans la
pratique les deux cultes et en cueillir les meilleurs fruits de sainteté,
c'est la dévotion au Cœur Eucharistique. Après avoir justifié ce rap-
prochement devant l'esprit, et l'avoir fait goûter au cœur, elle en sus-
cite et aiguillonne la continuelle pratique. Son nom seul est déjà une
invitation à participer aux mystères de l'autel. Mais l'idée, la grande
— su-
idée, bien comprise et prêchée avec zèle, d'un Dieu qui nous aime et nous
convoite jusqu'à l'union eucharistique, voilà la provocation qui triomphe
des âmes, voilà le levier le plus capable de soulever les masses appe-
santies par les dissipations et les attaches terrestres, et de les entraîner
par l'amour vers le Jésus de nos tabernacles.
Eclairé sur cette dévotion, on ne peut plus penser au Sacré-Cœur sans
voir aussitôt sa grande préoccupation de s'unir à nous dans le mystère
eucharistique, et ce qui nous presse de répondre à ses desseins, ce n'est
pas seulement la magnificence du don qui nous est fait, c'est mille fois
plus l'amour gratuit, désintéressé, immense, qui a choisi et nous présente
ce don inappréciable; ce sont les vertus, les douleurs, les intentions que
cet amour a produites dans le Cœur le plus dévoué qui fut jamais à
notre bonheur. Le Cœur Eucharistique pousse par lui-même, direc-
tement et immédiatement, ceux qui le contemplent, à des actes de reli-
gion envers l'Eucharistie, et il les fait réaliser par des motifs et pour
des fins de charité. Ces hommages eucharistiques, rendus en esprit
d'amour et de réparation, sont la conclusion logique, la résultante natu-
relle de la notion même de cette dévotioiu.
Sans doute, la dévotion au Saint-Sacrement est essentiellement ca-
tholique; tous les chrétiens ont le strict devoir d'adorer la présence
réelle de l'Homme-Dieu, d'assister à la messe les dimanches et les fêtes,
et de communier à Pâques, ou plus souvent, si leur faiblesse le requiert.
Mais voulez-vous un moyen puissant de faire bien remplir ces devoirs,
et de susciter en outre une dévotion spéciale, ardente et fructueuse à ces
divins mystères? Invitez les âmes à se demander souvent: "D'où vient
cet incomparable don?" Prêchez-leur qu'évidemment, ni la contrainte,
ni la justice, ni l'intérêt n'ont pu déterminer l'infinie Sagesse et la
Toute-Puissance à nous le départir. L'amour seul a pu réaliser une
telle merveille.
Lui seul y manifeste toutes ses tendances. L'amour en effet re-
cherche la présence assidue, l'union intime, le bonheur suprême de la
personne aimée. Celui de Jésus trouve toutes ces satisfactions dans la
Sainte Hostie, où il vit au milieu de ceux qu'il aime, s'immole pour
leur salut, et s'unit au corps et à l'âme de ses fidèles.
De son côté, comment l'âme, éprise du Cœur Eucharistique, pour-
rait-elle négliger de chercher le Cœur de Jésus dans le Saint-Sacre-
mejit, et de se conduire en tout avec lui comme avec un ami présent,
vivant et aimant, qui la charme et la comble de ses bienfaits?
Dans l'adoration privée ou publique, l'hostie sainte la ravit, parce
qu'elle contemple l'auteur de cette merveille: le Cœur de Jésus "qui
palpite sous le voile des saintes espèces " et ne se présente à ses adora-
tions nulle part ailleurs sur la terre; la sainte messe l'attire puissam-
ment, parce que le Eédempteur s'y offre lui-même par une volonté tou-
jours actuellement aimante et toute dévouée à la gloire de son Père et
au bonheur de ses frères; la communion la transporto, parce qu'elle la
livre à Jésus qui, en étant épris, l'envahit, la purifie et l'illumine, Ycm-
brase et l'emporte dans le sein de Dieu, pour lui communiquer la vie
surnaturelle de la divine charité.
— 312
* *
Et voilà un autre lien eaitre les dévotions qui nous occupent : la cha-
rité, qui est leur fin commune et leur effet suprême.
C'est pour entretenir et développer la vie de la charité reçue au Bap-
tême que Jésus a institué son " Sacrement d'amour." L'union au corps
du Sauveur n'est qu'un moyen de réaliser l'union des âmes avec sa
divinité par la grâce et l'amour.
En nous manifestant son Cœur ou son amour, le Seigneur ne cherche
qu'à attiser en nous le même feu de la charité qui nous transforme en
lui, " Pontife innocent et saint,'' et nous unit à Dieu et à tous les
enfants de Dieu.
Lisez son discours de la Cène. C'est l'Evangile du Cœur Eucharis-
tique : tout y tend à l'amour et à l'union : "Je vous fais un comman-
dement nouveau, a-t-il dit à ses apôtres, c'est que vous vous aimiez les
uns les autres... Comme mon Père m'a aimé, moi aussi, je vous ai
aimés : demeurez dans mon amour."
Dieu, en effet, n'aime que pour être aimé. Sachant l'homme sensible
à l'amour qu'on lui témoigne. Il compte gagner plus sûrement son
affection en aimant le premier qu'en faisant valoir ses droits absolus, ou
qu'en vantant ses infinies perfections. Sans doute, le motif propre de
la charité, c'est Dieu lui-même, et dans le ciel, c'est la vision de ses in-
finies perfections qui fait la joie suj^rême des bienheureux; mais sur
notre terre d'épreuve, où la beauté divine nous est cachée, rien ne pro-
voque notre cœur à l'amour de Dieu comme l'intime persuasion que ce
grand Dieu nous aime véritablement. Du moment que cette conviction
est vivement sentie, une complète révolution s'opère dans l'âme : si c'est
une âme pécheresse, elle se convertit avec la générosité d'une sainte
Marie-Madeleine; si elle est déjà pieuse et régulière, elle conçoit de plus
hautes vues de bien, elle forme des projets de plus grande perfection,
elle prend de nouvelles voies et elles les suit au prix des plus héroïques
sacrifices. Elle s'écrie avec saint Paul : " La charité de Jésus-Christ
me presse de l'aimer en retour;" et avec saint Jean: "Aimons donc
Dieu, puisque Dieu nous a aimés le premier." " C'est un grand jour,
écrit le P. Faber, un jour de crise que celui où la connaissance de
l'amour de Dieu pour nous passe à l'état de conviction sensible."
La dévotion au Cœur Eucharistique a la noble ambition de provo-
quer cette bienheureuse " crise," en persuadant à tous que Dieu aime
chacun de nous, qu'il désire ardemment son amour, qu'il ne s'immole et
ne se donne tout entier à chacun de nous, que pour alimenter en nous
la vie de la grâce et de la charité, nous unir intimement à lui-même et
à nos frères, nous communiquer ses divines affections et nous préparer
à l'union triomphante du ciel.
Cette idée que Dieu nous aime, il faut s'en convaincre par la contem-
plation du Cœur Eucharistique; il faut la prêcher aux foules, et nous
auroas pris le meilleur moyen de les faire participer avec fruit aux
mystères eucharistiques et de sanctifier par la divine charité leur vie
tout entière.
— 313 —
Ces considérations sont résumées eu excellents ternies dans la i)rière
suivante de rArchiconfrérie du Cœur Eucharistique.
" Seigneur Jésus, nous croyons fermement à cet amour suprême qui
institua la Très Sainte Eucharistie, et ici, devant cette Hostie, il est
juste que nous adorions cet amour, que nous le confessions et l'exaltions
comme le grand foyer de la vie de votre Eglise. Cet amour est pour
nous une pressante invitation ; vous semblez nous dire : " Voyez com-
bien je vous aime ! En vous donnant ma chair en nourriture et mon
sang en breuvage, je veux, par ce contact, exciter votre charité, vous
unir à moi ; je veux réaliser la transformation de vos âmes, en moi le
Crucifié, en moi qui suis le Pain de la vie éternelle; donnez-moi donc
vos cœurs, vivez de ma vie et vous vivrez de Dieu." Xous le recon-
naissons, ô Seigneur, tel est l'appel de votre Cœur Eucharistique, et
nous vous en remercions, et nous voulons, oui, nous voulons y ré-
pondre ..."
Confrérie. — La dévotion au Cœur Eucharistique se cultive et se
])ropage par le moyen d"une Archicunfrérie de même nom. dont le Sou-
verain Pontife Léon XIII a fixé le siège dans l'Eglise Pontificale de St-
Joachim. à Eome, et confié la direction aux Pères Eédemptoristes.
" Cette association se répand rapidement, disait le E. P. Massélis au
congrès eucharistique de Tournai (1905), et là où elle est érigée, on
voit se produire un courant de piété singulièrement consolant vers le
Sacrement de nos autels."
Parfois, c'est le Cœur Eucharistique qui attire à la Confrérie les âmes
ravies, qui espèrent y trouver des prédications régulières ou des exer-
cices de piété fréquents et tous eucharistiques, propres à raviver en elles
cet aspect admirable de nos plus touchants mystères. D'autres fois, on
s'y enrôle, parce qu'on convoite les riches et nombreu.«;es indulgences
qu'elle prodigue libéralement. Permettez-moi d'en signaler une : Tin-
dulgencc plénière accordée aux associés une fois le jour, quand ils font
une demi-heure de prière en présence du Très Saint-Sacrement, dans
n'importe quelle église ou chapelle, même si durant ce temps ils enten-
daient la messe d'obligation, récitaient l'office divin ou faisaient
l'oraison mentale. Vous pensez bien qu'à elle seule, cette précieuse in-
dulgence multipliera les adorateurs de la sainte hostie, et favorisera
l'assistance à la messe et la communion fréquente.
Les conditions d'admission sont des plus faciles. Faire inscrire ses
nom et prénom dans les registres d'une confrérie affiliée à l'Archicon-
frérie romaine, et réc-itor la consécration au Cœur Eucharistique le jour
choisi pour l'admission, voilà tout ce qui est de rigueur.
Les autres pratiques et prières mentionnées dans les " Statuts de
l'Archiconfrérie," la réunion mensuelle que demande le diplôme d'ag-
grégation, l'adoration diurne ou hebdomadaire qu'on y a rattachée par-
fois, sont dos exercices facultatifs, purement conseillés, mais nullement
requis pour participer aux indulgences et bénéfices de l'Association.
Grâce à cette latitude, les Curés de paroisses, les Directeurs de commu-
nautés ou d'autres établissements peuvent trouver dans cette confréne
un excellent moven d'établir, de régulariser, de consacrer ou d'enrichir
— 3M —
d'indulgences les divers exercices pieux qu'ils ont l'habitude ou l'inten-
tion de faire pratiquer en l'honneur du Saint-Sacrement.
D'après le Cardinal Parocchi " on ne saurait trouver rien de plus
opportun en notre temps pour alimenter la piété chrétienne, ainsi que
pour favoriser et accroître la dévotion envers l'adorable Sacrement de
nos autels."
Je conclus en empruntant les éloquentes paroles du regretté Père
Tesnière, S. S. S., au Congrès de Lourdes, 1899: "C'est parce que le
nom de Cœur Eucharistique exprime nettement l'union si nécessaire et
si féconde du Sacré-Cœur et de l'Eucharistie, que Je le salue avec ma
foi et ma reconnaissance, que je vous demande de l'acclamer ici, de vous
habituer à le dire et à le redire souvent, de le faire connaître partout;
car c'est un nom de vie et d'espérance, un nom d'avenir et de triomphe
pour toutes les saintes causes qui l'auront invoqué, un nom qui mérite
la chaude acclamation de tous ceux qui font profession de piété, soit
envers l'Eucharistie, soit envers le Sacré-Cœur."
Messieurs, ce vœu du savant et pieux religieux, Je le propose à votre
vénérable assemblée, dans la forme suivante, accueillie déjà par plu-
sieurs congrès eucharistiques internationaux :
Vœu :
" Considérant que la dévotion au Cœur Euchanstique est un des
moyens les plus efficaces pour faire mieux connaître, aimer et fré-
quenter la Sainte Eucharistie, le Congrès international de Montréal
émet le vœu qu'elle se propage de plus en plus et soit expliquée aux
fidèles. Il désire également que l'on établisse dans les paroisses, dans
les communautés religieuses, dans les maisons d'éducation, et partout où
il sera, passible, des confréries du Cœur Eucharistique et qu'elles soient
agrégées à l'Archiconfrérie érigée à Rome dans l'Eglise Pontificale de
Saint-Joachim.
La parole est ensuite donnée à M. le Docteur St-Pierre,
de Montréal, qui doit donner connaissance d'un rapport de
M. le Docteur Boissaric, chef du Bureau médical des Consta-
tations à Lourdes, sur les :
" LES MIRACLES EUCHARISTIQUES DE LOURDES "
C'est le 22 août 1888 que commencèrent à Lourdes les grandes mani-
festations eucharistiques: les processions avec les acclamations des
foules, la bénédiction des malades, les guérisons sur le passage du Saint-
Sacrement. Depuis cette époque, nous avons vu d'année en année
grandir ces pieuses démonstrations. Tous les pèlerinages les ont adop-
— 315 —
tées, elles se renouvellent tous les jours durant les six mois d'été, et ce
sont elles qui imjDriment au pèlerinage de Lourdes, sa note dominante,
son caractère spécial.
Dans les congrès eucharistiques précédents, cinq fois déjà, Ton vous a
fidèlement rapporté les guérisons qui s'opèrent à Lourdes sur le passage
du Très Saint-Sacrement. Et je ne serais pas venu continuer devant
vous le récit de ces merveilles, si elles ne se présentaient chaque fois sous
des aspects nouveaux. Ce n'est pas seulement à la procession qu'elles
se produisent, mais c'est aussi à la messe, à la communion, partout où
les malades se trouvent au contact ou sous le regard de Jésus-Hostie.
J'ai vu naître et grandir ce mouvement, je l'ai suivi depuis 1888 ;
c'est donc un témoin qui vous apporte une histoire vécue. J'ai recueilli
les premières impressions des miraculés, j'ai noté tous les changements
survenus dans leur état. Et, il }■ a deux ans, dans les grands anniver-
saires de 1908, en voyant défiler les 400 miraculés que précédaient le
Saint-Sacrement, je pouvais retrouver leur nom. reconstituer leur his-
toire, car ma vie avait été intimement mêlée à la leur.
■'>
MIEACLES !
Mais cette histoire est écrite par Dieu plutôt que par les hommes; et
pour ce qui nous regarde, nous avons été heureux de pouvoir en recueillir
avec un soin pieux tous les détails ; jamais, dans aucun temps, dans
aucun pays, Dieu ne s'est manifesté par des prodiges plus éclatants, plus
nombreux; et c'est autour du Saint-Sacrement que toutes ces merveilles
viennent converger.
Dans les premières années, j'ai vu les malades se relever à la proces-
siçn, mus par une impression violente qui les soulevait sur leur bran-
card. C'était la première fois que ces résurrections se produisaient sous
les yeux de la foule. J'ai vu se lever ainsi nos plus grands miraculés.
Dans les piscines, un certain mystère entoure les malades; mais à la
procession, c'est à ciel ouvert, à une heure donnée, dans un rendez-vous
déterminé; c'est presque le miracle demandé par les incrédules.
Et voyez vous-même. Depuis cinq ans, Jeanne Gasteau est atteinte
d'un mal de Pott, d'une tuberculose généralisée. Sa vie n'est plus
qu'une question de jours. On la porte sur le passage de la procession;
elle est sans mouvement, sans parole. Le Saint-Sacrement approche,
Jeanne soulève un peu la tête, elle entr'ouvre les yeux : " Mais bientôt
dit-elle, des fourmillements parcourent tous mes membres et puis, je
sens un calme absolu. Je me redresse sur mon matelas, je me lève et
traverse aisément tous les rangs des brancards qui étaient au-devant de
moi. Il y avait près d'un. an que je ne m'étais levée ; je me dirige vers la
grotte, je me mets à genoux les bras en croix et je reste une demi-heure
en prière. Je ne ressens aucune fatigue et, cependant, après ce voyage
de trois jours je n'ai encore pris aucun repas et à peine quelques gouttes
de bouillon."
Au récit de ces merveilles, le monde entier s'émeut et les incrédules
— 316 —
même se mêlent à nos pèlerins. Un romancier célèbre vient d'étudier
sur place le secret de ces guérisons. On attendait de sa plume un ver-
dict ofiiciel et le Eévérend Père Picard ne craint pas de le placer à ses
côtés derrière le dais. Il suit, pâle, étonné de ce spectacle nouveau pour
lui, et lorsqu'il arrive dans la basilique, tandis que les malades l'œil fixé
sur leur Dieu, concentrent, dans une ardente prière, toutes les puissances
de leur âme. le romancier cherche une porte pour s'enfuir. Zola est
mort depuis longtemps, mais ses miraculées encore vivantes rendent
toujours témoignage de la tendresse et de la puissance de la Vierge
Immaculée.
Mais j'ai hâte d'arriver aux guérisons de ces dernières années. Au
Congrès de Londres, le Dr Duret, professeur à la Faculté catholique de
Lille, analysait 148 cas de guérisons constatées sur le passage du Saint-
Sacrement. Le cadre de ces guérisons ne cesse de s'agrandir, surtout
depuis que le Saint-Père, par un décret du mois de décembre 1905 a re-
commandé la communion quotidienne. C'est par centaines que nous
pourrions noter les grâces obtenues au moment de la communion, à
Lourdes et dans le monde entier, partout oii les malades tournent leur
pensée vers la grotte, partout où l'on fait des neuvaines en Invoquant
Notre-Dame de Lourdes.
Une des plus remarquables guérisons est certainement celle de Marie
Bernigau, du diocèse d'Autun, guérie le 20 juillet 1908 en recevant la
Sainte Communion à la Grotte. Elle était atteinte d'une maladie qui
ne pardonne pas, d'une sclérose en plaques, d'une altération très étendue
de la moelle épinière. Il y avait douze ans qu'elle était malade. Elle mar-
chait ou plutôt se traînait péniblement avec des béquilles. Elle ne
pouvait détacher ses pieds du sol; ses yeux étaient agités d'oscillations
continuelles, sa vue très affaiblie, sa parole embarrassée, son intelligence
diminuée.
Au milieu de tous ces signes de déchéance physique, elle conservait
une piété très vive qui l'avait peu à peu conduite à la communion quoti-
dienne. A l'hôpital, nous disait-elle, je communiais chaque jour, et
c'est sans doute la Sainte Vierge qui m'avait inspiré cette pensée, car
personne ne m'avait conseillé cette dévotion. C'est devant l'autel de la
Visitation de Paray-le-Monial, acheté par la paroisse de Saint- Aubin,
en Charolais, pendant la Eévohition, ique Mlle Bernigau fit sa première
communion et prit l'habitude de ces communions quotidiennes qui l'ont
soutenue durant sa longue maladie.
Eille semble avoir été préparée par le Sacré-Cœur pour ces grâces de
choix et elle devait encore guérir à Lourdes en recevant la Sainte Com-
munion à la grotte.
Marie Bernigau continue la série de ces grandes guérisons eucharis-
tiques qui depuis quelques années ne cessent de se multiplier autour de
nous.
Les guérisons se produisent paiiout où les malades sont pour ainsi
dire sous le regard de Jésus-Hostie. Le vendredi matin, 28 août, Mgr
Marganti, archevêque de Ravenne, rapportait le Saint-Ciboire de la
— 317 —
grotte au Kosaire. Ernestine Guilloteau était couchée sur un brancard
à côté de la grotte. Au moment où le Saint-Sacrement pa<se à côté
d'elle, voilà qu'elle se lève tout à coup et suit la Sainte-Hostie jusqu'au
Kosaire. A la vue de ce squelette ambulant, la foule ne peut retenir un
cri de saisissement. Sept médecins avaient constaté chez elle une tu-
berculose arrivée aux dernières limites de la résistance organique. Elle
avait perdu 70 livres de son poids, son regard éteint, sa maigreur cada-
vérique inspiraient à tous ceux qui la voyaient un sentiment d'effroi et
de compassion. Ernestine Guilloteau est une de nos deux ressuscitées
de 19Û.S.
Henriette Hauton, la seconde ressuscitée de la même année, fut
guérie le 9 septembre à la procession du Saint-Sacrement. Elle avait
20 ans et ne pesait que 35 livres. Sa mère la portait dans son tablier.
Au passage du Saint-Sacrement Mlle Hauton se lève et fait quelques
pas. Elle n'avait pas quitté le lit depuis cinq ans. Cette guérison s'est
maintenue. Aujourd'hui Henriette Hauton pèse 120 livres. C'est donc
bien une résurrection complète qui s'est opérée chez cette malade.
Madame Biré, du pèlerinage de la Vendée, fut guérie dans les mêmes
conditions. Elle était absolument aveugle, incurable. D'après le
rapport de trois oculistes, il y avait chez elle une destruction complète
des fibres nerveuses, dernier terme de l'atrophie du nerf optique. Ma-
dame Biré se trouvait à la Grotte lorsque le prêtre qui rapportait le
Saint-Ciboire au Eosaire passe à côté d'elle. Elle ne le voit pas, mais
lorsque le Saint-Sacrement se trouve près d'elle, ses yeux s'ouvrent et
elle aperçoit la Vierge de la Grotte. C'était le 6 août 1908. Encore
une guérison de l'année du cinquantenaire.
Xous avons vu Madame Biré souvent depuis cette époque, et non seu-
lement sa vue est parfaite, mais sa santé générale, très affaiblie alors,
a retrouvé son équilibre; elle a engraissé de 52 livres. H ne reste plus
trace de ce choc violent qui avait ébranlé tout son organisme.
* *
Je vous ai dit que des guérisons s'opéraient à distance. Permettez-
moi d'en citer une toute récente arrivée en Angleterre le 22 mai dernier.
Joseph, fils de Duncan Boothman. M. A., Membre du Sénat de l'Uni-
versité de Cambridge, souffrait depuis dix ans d'otorrhée avec douleurs
intermittentes, et d'une surdité absolue, même par transmission directe
des sons à travers les os du crâne.
Le certificat d'un chirurgien auriste de Londres, en date du 17 mai,
cinq jours avant la guérison, établit que la vie du jeune Joseph est en
danger imminent, qu'une opération s'impose, que le tympan est détruit
et que l'inflammation menace de gagner le cerveau et de causer la mort.
Le certificat du médecin ])roduit au bureau des constatation.-, ajoute (|ne,
même en cas de succès opératoire, la surdité pour toute la vie reste
absolument certaine.
— 318 —
Après avoir consulté la science, M. le Sénateur voulut s'adresser
plus haut. Une neuvaine fut commencée le 14 mai. Toute la famille
du jeune malade reçut la Sainte Communion chaque jour et fit le vœu
d'un pèlerinage à Lourdes si on obtenait la guérison de Joseph. Et le
dimanche, 22 mai, alors que l'enfant servait la messe, il fut radicalement
guéri juste au moment de l'élévation de la Sainte Hostie.
C'est aussi à l'élévation qu'une religieuse de Saint-Joseph de Cluny,
complètement aveugle, fut guérie. En mission dans les environs de
Pondichéry, elle se fit conduire à la messe le 5ème jour d'une neuvaine
à Notre-Dame de Lourdes, et sans transition, subitement, à l'élévation,
elle voit le prêtre à l'autel. Depuis ce jour, elle lit son office, fait elle-
même sa correspondance et jouit du grand soleil du Bon Dieu.
Pendant le pèlerinage national de 1909, la procession du 22 août
nous réservait des manifestations inattendues. La procession allait
finir; le dernier chant devait appartenir à Jeanne d'Arc, car on célé-
brait un triduum en son honneur. Le maître de chapelle d'Orléans
monte sur les degrés du Rosaire, fait un signe à la foule qui couvre l'Es-
planade, et trente mille voix entonnent le cantique à la vierge de Dom-
rémy :
" Sonnez, fanfares triomphales "
A peine avait-on chanté une strophe que des acclamations retentis-
sent; un malade se lève, puis un autre, puis encore un autre. Une
poussée formidable se produit, le chant du Magnificat domine tous les
chants et la foule, escortant les malades guéris se précipite vers le bureau
des constatations.
Nous n'entrerons pas dans le détail de ces guérisons, mais nous dirons
qu'à côté de ces merveilles, nous apercevons Jeanne d'Arc qui semble
tendre la main à Bernadette.
La France du Moyen-Age et la France Moderne se rencontrent dans
les grandes manifestations de Lourdes. La France du Moyen- Age, c'est
Jeanne, une enfant qui pose sa quenouille pour se mettre à la tête de
nos armées et rappeler la victoire sous nos drapeaux. C'est le triomphe
de la force, c'est le duel gigantesque de deux peuples que Dieu vient
terminer par la main d'une enfant.
La mission de Bernadette paraît plus difficile, car il s'agit de con-
vertir un peuple qui a fait litière de toute croyance, un peuple qui, rou-
gissant de sa foi, retourne à la superstition et adore sa raison divinisée.
C'est une entreprise d'une portée plus haute.
Cependant, ce n'est plus une jeune et robuste guerrière, c'est une
enfant de 14 ans à peine, sans aucune instruction, une enfant qui ne
parle pas même le français. Avec cet intermédiaire, aussi humble
qu'effacé, Dieu va forcer la science à discuter, à reconnaître le surna-
turel.
Au Moyen-âge, on ne connaissait que les lois de la force. En 1858,
l'année des apparitions, le religion de la matière régnait en souveraine:
— 319 —
la science devait résoudre tous les problèmes. Le surnaturel, l'au delà,
chimères, chansons avec lesquelles on avait, nous disait-on, bercé la
pauvre humanité .... C'est à ce peuple enorgueilli de ses savants et de
ses découvertes que la voix d'une enfant est venue rappeler avec une
force nouvelle la chute de l'homme et le mystère de sa Eédemption.
Jeanne nous apportait sur sa bannière les deux noms : " Jésus Maria,"
et ces deux noms donnent tout le pèlerinage de Lourdes."
Les savants, fascinés par ces problèmes nouveaux viennent en foule
dans le bureau des constatations. Xous les voyons suivre pieux et re-
cueillis nos processions du Saint-Sacrement. Depuis vingt ans, cinq ou
six mille médecins sont venus à Lourdes assister à nos enquêtes, un cer-
tain nombre ont pris part à nos travaux.
Tous les peuples ont les yeux fixés sur Lourdes. L'Allemagne pro-
testante discute avec passion les problèmes qui s'agitent autour de nous ;
la presse des deux mondes reproduit nos guérisons. Les évêques font
étudier par des commissions canoniques les faits les plus importants, et
déjà trente et quelques guérisons ont été proclamées miraculeuses.
L'Immaculée-Conception et le Sacré-Cœur sont étroitement unis, et
cette union se lit à toutes les pages de notre histoire. Sur les rampes
du Eosaire se dresse la statue de saint Hyacinthe donnée par les Polo-
nais. Le Saint tient dans sa main droite un ciboire qu'il vient de
soustraire aux profanations des barbares, et sur son bras gauche repose
une Vierge qui n'a pas voulu demeurer plus longtemps dans un temple
où n'habitait plus son Divin Fils.
Les Polonais, comme tous les peuples qui ont souffert pour leur foi,
perçoivent avec une acuité particulière tous les besoins de cette foi per-
sécutée. Ils ont compris les liens indissolubles qui doivent unir l'Im-
maculée-Conception et l'Eucharistie, et ils ont voulu faire revivre ces
pieuses traditions empruntées aux grands siècles de foi, traditions que
Dieu vient consacrer par des prodiges chaque jour renouvelés.
Nous entrevoyons le règne social de jSTotre-Seigneur Jésus-Christ dans
ces manifestations populaires, grandioses, inconnues jusqu'ici, qui font
retentir nos esplanades de chants de triomphe. Xous entrevoyons aussi
son règne plus intime dans les cœurs depuis le décret sur la communion
quotidienne.
A Lourdes, la prière est incessante, c'est la respiration des âmes.
L'adoration se continue et la nuit et le jour. Le jour, les invocations
remplissent l'air, et la nuit deux ou trois mille âmes, et souvent davan-
tage, sont absorbées dans la contemplation de leur Dieu. Leurs pensées
comme des flèches vivantes sont dirigées toutes ensemble vers le Taber-
nacle.
Il y a des convertis de la journée, il n'y a plus d'indifférents; tous
adorent.
A Lourdes, tout se concentre autour du Saint-Sacrement, et les ado-
rations se poursuivent aussi bien au dehors sous la voûte du ciel que
dans nos églises. Ce ne sont pas seulement les âmes d'élite, c'est la foule
qui acclame le Dieu de nos autels; c'est le règne du Sacré-Cœur gravé
dans nos poitrines tout comme sur nos étendards.
— 320 —
Ce n'est plus Jeanne d'Arc qui bataille pour nous, c'est la Vierge qui
prend en mains le soin de nos destinées. Et sur cette terre du Canada,
seconde France, qui tient en réserve nos meilleures traditions, notre
avenir se colore d'espoirs plus certains, et nous entrevoyons pour notre
pays une nouvelle renaissance chrétienne.
Avec le développement du culte eucharistique, notre pèlerinage a
grandi dans des proportions inattendues. Nous avons reçu dans une
seule année plus d'un million de visiteurs. Dans le même temps, on a
compté cent mille messes et un million de communions.
Depuis deux ans, onze cents médecins sont venus dans notre bureau
étudier le miracle. Tout cela n'est pas œuvre humaine. Lourdes,
pétrie de surnaturel restera comme le témoignage de ce magnifique
réveil catholique qui a marqué le cours de ces cinquante dernières
années.
Quand vos rues et vos places vont retentir des chants de triomphe
sur le passage du Saint-Sacrement, vous entendrez les échos des grandes
manifestations de Lourdes, et vous ferez revivre les meilleurs jours de
la France chrétienne dont vous avez gardé intactes les plus pures tra-
ditions.
Si notre commune patrie a créé entre nous des liens indissolubles,
notre foi que Dieu ravive par des prodiges éclatants entretient dans nos
âmes la même flamme, et nous sommes heureux de célébrer avec vous
les merveilles eucharistiques qui doivent imprimer à notre siècle sa note
dominante.
La séance, suivie avec attention et intérêt, est levée à
midi
M iAbbë A.MARTIN
J.i;s OIM.A.MSAMJIK.S l)i; I.A l*lJO( l..S.Sl(l.\.
'Jlli: ORCAXrZKKS (11- TIli; PlUtCllSSION.
— 321 —
ARTICLE II
SEANCES DE VENDREDI, 9 sept.
§1° A L'UNIVERSITE LAVAL
• Séance Pédagogique.
La Séance d'hier matin avait été une séance d'études histo-
riques ; celle de ce matin devait être consacrée à VEducation
eucharistique de la Jeunesse et elle portait, au programme, le
nom de " Séance pédagogique. "
A 10 heures, la vaste salle présentait un coup d'œil inac-
coutumé : au premier plan, des cornettes blanches de tous les
styles et de toutes les dimensions ; tout autour, les costumes
sévères des prêtres et des religieux enseignants ; dans les
galeries, encore des prêtres joints aux laïques qu'intéresseni
l'enseignement et l'éducation.
Sur l'estrade, Monseigneur Brunault, Evêque de Nicolet,
préside, ayant à ses côtés Nos Seigneurs Heylen, Emard, Roy,
Gabriels, plusieurs prélats et les divers rapporteurs. Le R.
P. Galtier, S. S. S., remplit l'office de secrétaire de la séance.
M. l'abbé Papineau, Préfet des études du Séminaire de Ste-
Thérèse, ouvre la séance par un travail sur :
"L'ADORATION DU TRES SAINT-SACREMENT
DANS LES MAISONS D'EDUCATION
SECONDAIRE '
L'adoration du Très Saint-Sacrement est un devoir pour tous les
chrétiens, car " Il est digne l'Agneau qui a été mis à mort, de recevoir
la puissance et la divinité, la sagesse et la force, l'honneur, la gloire et
la bénédiction." (Apocal. V, 12.)
Elle devient une source de grâces pour le fidèle adorateur: "Heureux
l'homme, qui chaque jour, est de garde à la porte de mon tabernacle, il
aura de moi la vie et le salut." (Prov. VIII,34.) Ainsi l'ont toujours
compris les vrais disciples de Jésus-Christ. Los premiers chrétiens
voulaient avoir avec eux le Très Saint-Sacrcanent. On a vu des saints
11
— 322 —
vivre presque continuellement au pied des autels. Sainte Gertrude y
passait des nuits entières. Saint Louis de Gonzague, saint Stanislas de
Kostka étaient en relations constantes avec le Christ-Hostie. Tous
connaissent la dévotion tendre, la passion Eucharistique de S. Bonaven-
ture, de S. Alphonse de Liguori, de S. Pascal Baylon, de S. Benoît
Labre, de la B. Marguerite-Marie, du B. Jean Vianney, curé d'Ars.
L'adoration du Très Saint-Sacrement est-elle pratiquée comme il
convient dans nos maisons d'enseignement secondaire? Je suis heureux
de pouvoir dire publiquement qu'elle y est très en honneur. Une visite
commune se fait quotidiennement, des saints sont donnés fréquemment,
le premier Vendredi du mois, et les Quarante-ïïeures sont l'occasion de
belles et touchantes cérémonies.
La visite commune se fait-elle partout de la même manière et à la
même heure? Une réponse affirmative vous surprendrait. Ici, on va à
la chapelle avant le dîner pour l'examen particulier; là, on y va après
les repas; ailleurs, la visite se fait pendant une récréation; dans d'au-
tres collèges enfin, elle se fait à la prière du soir, j^ous pourrions
peut-être viser à plus d'uniformité. La visite commune serait bien à
sa place, il me semble, après la prière du soir : une page des " Visites "
de saint Alphonse par exemple, serait lue devant le tabernacle ouvert;
viendrait ensuite le chant du Tantum ei-go, et la visite se terminerait
par la bénédiction avec le ciboire. Je laisse ce nouveau jjlan de visite
à votre appréciation.
Les réponses que j'ai reçues concernant les visites individuelles et fa-
cultatives sont moins consolantes. Dans quelques maisons, où la com-
munion fréquente est pourtant noml)reuse, elles se pratiquent fort peu,
et dans la plupart de nos collèges, les élèves ne vont à la chapelle que
pour y faire une courte prière. Sans doute, il faut féliciter ces élèves
même de cette visite de trois ou quatre minutes : ils rendent grâces à
Dieu pour le grand don qu'il nous fait de l'adorable Eucharistie, ils ré-
parent, dans une certaine mesure, les irrévérences et les mépris qu'il
reçoit dans ce Sacrement d'amour de la part des pécheurs. Mais qu'ils
sont encore loin de la vraie pratique de l'adoration, de la pratique des
saints ! Je ne m'étonne pas que nos élèves, après leur sortie du collège,
abandonnent si vite ce salutaire exercice de la visite individuelle. Ils
n'en ont Jamais compris l'importance, ils n'en ont jamais goûté les
fruits. On croit trop généralement que tout est fait lorsqu'on est resté
à genoux durant quelques instants devant le Saint-Sacrement, les mains
jointes et le corps incliné. Si nous n'avions que de jeunes enfants, nous
pourrions difficilement exiger davantage. Pour eux. im regard simple
et confiant vers le tabernacle, une ardente prière qui monte vers Dieu
comme une flaiinne, c'est beaucoup; ils ne peuvent faire plus. Mais
nous avons dans nos collèges de grands jeunes gens, capables de réflé-
chir, de méditer de converser avec Dieu, capables, autant que le paysan
du curé d'Ars, " d'aviser Notre-Seigneur et de se faire aviser par lui."
Ceux-là ne devraient pas se contenter d'une simple prière. Quand nous
trouvons sous la plume de saint Alphonse de Liguori: "Ce qu'il y a de
certain, c'est que. après la «ainto communion, il n'y a point de dévotion
— 323 —
plus agréable à Dieu, plus avantageuse pour nous que la visite au Saint-
Sacrement,'' nous savons bien que ce grand saint n'entendait pas parler
d'une visite de trois ou quatre minutes, mais d'une visite où l'on réflé-
chit, où l'on médite, où l'on dit à Dieu ses besoins et ses misères, où l'on
prend le temps de goûter les charmes de cette parole divine qui se fait
entendre à l'âme humaine au pied du tabernacle.
Nous devons à nos élèves de leur donner cette formation; nous devons
les initier peu à peu à la pratique si importante de la méditation devant
le Saint-Sacrement. A la chapelle, ils sont dans un lieu de propitia-
tion — locus propitiationis, — dans un lieu de lumière et de force
— locus illuminationis et virtutis — .
Locus propitiationis. — Au pied de l'autel, en présence du Dieu trois
fois Saint, de Celui qui s'est anéanti jusqu'à se faire l'esclave de tous,
de Celui qui souffrit, sans se plaindre, toutes les douleurs humaines pour
les péchés du monde, nos élèves apprendront à s'humilier de leurs fautes
journalières, à rougir d'eux-mêmes, à se relever de leur abjection, à se
guérir et à se transformer au contact de l'Hôte divin do nos tabernacles.
Locus illuminationis et virtutis. — Xous avons maintes fois constaté
combien nos élèves aiment à s'instruire auprès d'une âme cultivée qui
sait ouvrir les trésors de ses connaissances et fixer l'attention sur des
choses sérieuses. Pourquoi oublient-ils Celui qui a dit : " Je suis la
Voie, la Vérité et la Vie," " C'est moi qui donne aux hommes, et j'ac-
corde aux petits une intelligence plus claire que celle que les hommes
peuvent donner." Un quart d'heure d'attention à la voix discrète du
Docteur des docteurs qui se cache sous les voiles eucharistiques, leur en
apprendrait plus que la lecture des savants ouvrages et que la conversa-
tion des hommes les plus instruits. Auprès de Lui, ils pénétreront da-
vantage les profondeurs des vérités éternelles, ils apprendront quelle
direction ils doivent donner à leur vie. Combien de jeunes gens ont
une fausse conception de la vie. Ils ne songent aucunement à se mettre
en complète valeur. Ils estiment que vivre c'est s'épargner toute
espèce d'ennuis ou se procurer le plus de jouissances possible, se tenir
à l'écart de la bataille, fuir les responsabilités, éluder les difficultés. Ce
sont ces élèves-là surtout qu'il faut conduire à la chapelle. L'Homme
des douleurs présent à l'autel leur inspirera l'amour des souffrances, il
leur montrera ses épines, il leur présentera sa croix : il leur apprendra
à ne pas chercher en eux leur propre fin, il les enflammera d'un zèle
ardent pour le salut des âmes, il en fera des apôtres. Des apôtres, vous
le savez. Messieurs, on nous en demande de toutes parts pour faire
obstacle à l'irréligion qui monte et à la corruption qui grandit. Faisons
de nos élèves de vrais adorateurs, des adorateurs convaincus, et nous
aurons formé de véritables apôtres. Soumis, pendant toutes leurs études,
à un régime de suralimentation spirituelle, ayant respiré quotidienne-
ment l'air pur de nos chapelles, ils sortiront de nos collèges avec un
tempérament robuste et une santé inaltérable, ils auront en eux cette
forte vie qui règne sous l'écorce des chênes. Eclairés à la lumière du
sanctuaire, " ils ne chercheront pas uniquement à luire sur le chan-
delier," ils échaufferont la maison de Dieu et guideront les foules h
travers les obscurités de ce monde. '' lîle erot lucerna ardcns et lucens."
(Jean, V. 35.)
— 324 —
A quel moment de la journée convient-il de permettre à nos élèves
cette méditation quotidienne, ou de plusieurs fois la semaine, devant le
Saint-Sacrement? Le temps des récréations offre bien des difficultés et
serait peu propice à la méditation. L'heure toute désignée pour cet
exercice, me paraît être l'étude du soir. Le grand silence qui règne
alors dans la maison porte bien au recueillement. C'est aussi le mo-
ment de faire l'examen de la journée. Ceux qui ont failli dans la lutte
éprouveront le besoin de se confesser, tous prépareront la communion
du lendemain. Quelques-ums de nos élèves, même parmi les fervents
de la communion fréquente, font encore et pendant longtemps, des
chutes lamentables. Ils s'en plaignent et se découragent. N'y a-t-il
pas raison de croire que ce quart d'heure d'adoration joint à la commu-
nion déterminera beaucoup plus vite une victoire décisive?
Messieurs, c'est un fait d'expérience que, dans la vie chrétienne,
l'homme finit bientôt par n'être plus touché he ce qu'il fait, s'il n'est
ranimé de temps en temps par quelque chose d'extraordinaire. Il nous
faudra donc profiter des Quarante-ïïeures et des Premiers Vendredis
pour donner à nos cérémonies religieuses tout l'éclat possible, tout l'in-
térêt de la nouveauté. Nous sommes peut-être un peu prévenus contre
les manifestations extérieures: ce qui fait croire à quelques étrangers
que nous sommes froids envers l'Eucharistie. Ne craignons pas trop
ces manifestations. Ceux qui ont assisté, au moins une fois à la gran-
diose réunion mensuelle des hommes de France dans l'église du Sacré-
Cœur de Montmartre, ceux qui ont vu ces milliers d'hommes envahir
les grandes nefs de la basilique et faire escorte à Notre-Seigneur dans
une procession triomphale, ceux qui ont entendu ces milliers de voix
chanter " Adoremus in œtemum, Hosanna au Fils de David," qui les
ont entendu crier " Seigneur, nous croyons, nous espérons en vous."
"Nous avons blasphémé votre nom, Seigneur, pardonnez-nous. Nous
avons profané le saint jour du dimanche. Seigneur, pardonnez-nous,"
ceux-là savent bien tout ce que les cérémonies extérieures ont de pou-
voir pour émouvoir les âmes et réchauffer la piété envers Jésus-Hostie.
L'érection de l'Archiconfrérie du Très Saint-Sacrement dans les col-
lèges, serait" encore un grand moyen d'entretenir la vie eucharistique de
nos élèves. Nous l'avons établie au Petit Séminaire de Sainte-Thérèse
en 1907. Les résultats obtenus sont des plus consolants. Presque tous
les élèves en font maintenant partie. Le prêtre directeur de cette asso-
ciation, a non seulement la mission de réunir souvent les élèves pour
leur parler de l'Eucharistie, mais il préside aux grandes cérémonies
faites en l'honneur de Jésus-Hostie; il voit par lui-même si les commu-
nions et les visites se maintiennent toujours nombreuses et fréquentes.
Un groupe d'élèves, choisis dans les différentes classes et appelés zéla-
teurs, le secondent dans son œuvre. Ils ont comme premier et principal
devoir de prêcher d'exemple. La solennité du Premier Vendredi est
l'objet d'une attention particulière do la part des membres de l'Archi-
confrérie. Dès le mercrodi soir, les confessions sont préparées par une
visite d'un quart d'heure, devant le tabernacle ouvert. Une revue gé-
nérale est faite d'abord sur le mois écoulé. Puis tous ensemble et à
— 325 —
haute \\ ix, nous demandons pardon des péchés commis pendant le mois.
Vient ensuite un second examen: Ai-je été fidèle à mes communions et
à mes visites? Si j'ai failli à mes résolutions, quelle en est la cause?
Ce second '' cinq minutes " se termine par une prière à Xotre-Seigneur,
le suppliant de conserver toujours vive et puissante dans la maison, la
dévotion à l'Eucharistie. Le troisième " cinq minutes " est consacré
au " mot d'ordre " donné par le directeur, pour le mois qui commence.
Ainsi préparée, la communion du Premier Vendredi est devenue une
revue générale.
L'heure d'adoration qui clôt cette Journée est toujours très solennelle.
Les zélateurs recueillent des aumônes pour l'illumination et voient eux-
mêmes à l'ornementation de l'autel et à l'exécution du chant.
Je suis parfaitement convaincu que la solennité du Premier Vendredi
est toujours la source d'un regain de vie spirituelle chez nos élèves.
Plaise à Dieu qu'ils retrouvent pendant leurs études universitaires cette
belle journée du Premier Vendredi du mois !
Au mois de juin dernier, nous avons voulu profiter de la dernière
heure d'adoration, pour donner à cette cérémonie un éclat inaccoutumé.
Xous avons proposé à nos finissants, tous membres de rArchicoafrérie,
de faire, au pied de l'autel, en présence de toute la communauté, la pro-
messe solennelle — promesse d'honneur sans doute — de se dévouer
tout entiers au salut des âmes par l'Eucharistie, s'ils devenaient prêtres,
et de ne jamais manquer la messe le dimanche, de communier au moins
une fois par mois, le premier vendredi autant que possible, et de visiter,
de temps en temps Xotre-Seigneur présent au tabernacle, s'ils restaient
dans le monde. Il me semble que c'est par de telles promesses, faites
de plein gré, par tous nos finissants, à la veille de leur départ, et rem-
plies courageusement pendant leur cours universitaire, que nous prépa-
rerons des conducteurs d'âmes vraiment dignes de ce nom. Nous aurons
plus que des hommes d'honneur, nous aurons des chrétiens.
■ Je vous ai dit comment fonctionne à Sainte-Thérèse TArchiconfrérie
du Saint-Sacrement, je vous ai fait connaître les résultats heureux de
oette association; qu'il reste bien entendu que je n'ai d'autre pensée que
celle de soumettre à vos sages considérations ce nouveau moyen d'action.
Enfin, Messieurs, pour répandre autour de nous la vie eucharistique,
la vie d'adoration, il faut en remplir d'abord nos propres veines. " Xe
soyons pas du nombre de ceux qui disent et ne font pas." (Matth.
XXIII. 5.) Notre parole ne sera efficace que si elle est accompagnée de
l'exemple, "/n omnibus teipsum praebe exemplum bonoriim openirn."
fTit. II, 7). Le Christ lui-même a d'abord enseigné par l'exoniplo et
ensuite par la parole " Cœpit facere et doccre." (Act. I. I.) Il ost im-
portant que les élèves sachent que les prêtres sont fidèles à la visite. A
Sainte-Anne de la Pocatière. ils sont invités à s'unir aux professeurs
pour l'heure d'adoration hebdomadaire. C'est un exemple à imiter.
Je ne veux pas insister sur ce dernier point, je vous demande même
pardon d'avoir touché à un sujet aussi délicat, je me reconnais si peu
d'autorité pour prêcher mes confrères.
— 326 —
Vœu :
Je termine donc ce rapport, en exprimant le vœu que tous les prêtres
éducateurs s'appliquent avec zèle à développer l'esprit d'adoration chez
les élèves de nos collèges.
Pour réussir dans cette œuvre de première importance^ je soumets à
votre approbation les moyens suivants :
1° Faire une visite commune quotidienne et la terminer par le chant
du Tantum Ergo, et la bénédiction du Saint Ciboire.
2° Favoriser de toute manière les visites individuelles et faculta-
tives, initier peu à peu les élèves à la méthode des saints : courte médi-
tation devant le Saint-Sacrement.
3° Donner spécialement aux cérémonies des Quarantc-Heures et des
Premiers Vendredis, tout l'éclat possible, tout l'intérêt de la nouveauté.
4° Eriger dans tous les collèges, V Archiconfrérie du Très Saint-
Sacrement et faire, une fois le mois, l'adoration solennelle en commun.
5° Prêcher d'exemple.
*
Après lecture de ce rapport, la parole est donnée à ]M.
l'abbé J. Halle, directeur de l'important collège de Lévis.
"LA COMMUNION DANS LES COLLEGES CLAS-
SIQUES DE LA PROVINCE DE QUEBEC
Un questionnaire assez complet avait été envoyé, à l'occasion du Con-
grès de Montréal, aux séminaires et aux collèges de langue française de
la Province de Québec. Tous, je crois, ont répondu et plusieurs avec
des détails très intéressants. Le rapport que j'ai l'honneur de vous
présenter est, en grande partie, le résumé, quelquefois le texte même,
des réponses reçues.
Leurs auteurs ont sans doute travaillé pour Notre-Seigneur dans
l'Eucharistie, mais ils me permettront bien tout de même de les remer-
cier très sincèrement de leur grande bienveillance.
Divisions de ce travail
Les quinze questions posées peuvent être ramenées à quatre points
principaux.
1° — L'état de la communion dans les séminaires et collèges avant et
après le Décret Sacra Tridentina, ainsi que le degré d'augmentation.
2° — Les résultats de cette communion fréquente pour la moralité,
la piété, l'obéissance et les études.
3° — L'adaptation des règlements à la pratique de la communion
fréquente, de telle sorte que ni la discipline, ni les études n'aient à en
souffrir.
4*^ — Enfin, les mo3'ens employés dans le passé ou à prendre à
l'avenir, pour développer encore ce beau mouvement vers la Sainte-
Table.
— 327 —
1° — Etat de la communion
Avant le Décret
La communion fréquente et quotidienne, telle que nous l'entendons
aujourd'hui, ne se faisait probablement que dans un seul collège, il y a
trente ans. Dans la plupart des autres il était question, au plus, de la
communion hebdomadaire, et de celle du premier Vendredi de chaque
mois. Dans quelques-uns même, on ne faisait que la communion de la
quinzaine ou du mois, demandée par le règlement.
Vers 1890 ou 1893, dans huit ou dix séminaires et collèges, des direc-
teurs et confesseurs zélés commencèrent, non sans difficultés, à faire
communier sur semaine. On y amena quelques élèves choisis parmi les
meilleurs. Cet exemple en entraîna d'autres petit à petit; mais le
nombre ne dépassa jamais trente, quarante ou cinquante par jour.
Encore ces chiffres ne furent-ils atteints que dans quelques institutions.
Après le Décret.
Depuis 1905-06 il y a eu progrès partout. Dans quelques maisons il
a été extraordinaire, surtout là où le mouvement était lancé depuis
quelques années. Chez d'autres il y a eu retard et la marche a été plus
lente. On peut affirmer cependant, que depuis deux ans il n'y a pas
une seule maison d'enseignement secondaire — je n'ai pas à m'occuper
des autres ici — qui ne soit pas complètement dans le mouvement de la
communion fréquente et quotidienne.
Après cet aperçu général venons-en au nombre des communions heb-
domadaires, fréquentes et quotidiennes, ainsi qu'à la quantité des hosties
distribuées pendant l'année scolaire. — Vous toucherez du doigt le pro-
grès immense réalisé depuis le Décret.
Nous parlerons des internes d'abord. Il est bon de noter, pour les
étrangers qui liront ce rapport, que le nombre moyen des élèves pen-
sionnaires est d'à peu près 300 dans plusieurs de nos maisons. Doux
ou trois dépassent ce nombre. Quelques-unes sont plutôt près de 2f!0 ;
enfin d'autres, plus rares encore, ont moins de 200.
Voici les différentes réponses. La communion hebdomadaire est pra-
tiquée par les quatre-cinquièmes ou quatre-vingt pour cent, disent deux
rapports, deux cent vingt-cinq sur deux cent quatre-vingt quinze com-
munient chaque semaine, dit un autre. Dans un séminaire moins con-
sidérable, à peu près tous communient doux fois par semaine. Plusieurs
répètent ceci: Tous communient chaque semaine, il n'y a que quelques
exceptions.
La communion quolidienne varie depuis 20 par jour dans doux col-
lèges, 25 ou 30 dans doux autres, 75 par jour dans un cinquième. 100
dans un sixième, la moitié dans un septième, et dans les autres maisons
jusqu'à 120. 130, 140, 170. 192 et 200 par jour. 11 est ici question
d'une moyenne prise sur toutes les communions do la semaine.
— 328-^
Le nombre des hosties distribuées pendant Tannée scolaire est de
25,000, 27,000, 32,000, 37,000, 41,800, 45,000, 53,000 et même 55,000
Eemarquons bien que ces cliifïres sont pour les internes seulement.
Plusieurs maisons ont même la bonne fortune de n'avoir qu'un très
petit nombre d'externes. Cette catégorie d'élèves est mentionnée dans
quelques rapports seulement. On y remarque qu'il est difficile de les
faire communier sur semaine et de contrôler ces communions.
Un collège cependant, qui a 250 externes arrive à une moyenne de 75
communions par jour. Mais il faut dire, qu'il ne souffre pas des incon-
vénients ou des habitudes des grandes villes.
Quels sont les plus fidèles? Les grands ou les petits?
A cette question secondaire, les trois quarts ont répondu en faveur
des petits. D'autres, distinguant entre les petits, les moyens et les
grands, disent que les moyens — sans doute à cause des passions — -
sont les plus retardataires. En général, les grands donnent l'exemple
et s'approchent très souvent de la Sainte Table. Trois collèges, sans
faire cette distinction, ont répondu que les grands sont en majorité, que
plusieurs se font zélateurs et réussissent bien dans cet apostolat. J'ai
cru voir que dans ces institutions, par les Congrégations ou autrement,
on s'occupait spécialement des grands.
2° — Les résultats
Cette augmentation de communions depuis le Décret a-t-elle eu
des résultats appréciables? En d'autres termes, y a-t-il maintenant
dans nos séminaires et nos collèges plus de piété, de moralité, de travail
et d'obéissance que par le passé? Y a-t-il plus de vocations et se pré-
pare-t-on mieux pour l'avenir?
Tous répondent avec un ensemble vraiment remarquable : Oui, et
grand progrès en tout.
La piété est devenue plus solide, plus tendre et plus générale; tenue
plus recueillie à la chapelle ; messe mieux entendue. On devient plus
respectueux pour tout ce qui regarde l'Eucharistie; partout, prières
mieux faites. Les élèves aiment l'heure d'adoration. La préparation
à la confession est plus soignée.
La moralité est beaucoup meilleure: progrès très sensible partout.
Dans plusieurs collèges, peu d'élèves se présentent à confesse sur se-
maine, le mercredi par exemple, et cependant le nombre des commu-
nions est considérable, surtout le jeudi matin. Certains élèves se font
les défenseurs de la morale, en arrêtant les mauvaises conversations. Il
y a modestie beaucoup plus grande dans les paroles, ajoutent plusieurs
rapports. Conversations mauvaises à peu près disparues, dit un autre.
Enfin, un dernier affirme que la communion fréquente a été la ruine
des amitiés particulières.
Le travail est de beaucoup supérieur à celui des années précédentes;
amélioration très sensible sur ce point; les élèves sont plus studieux.
Voilà ce que l'on répète presque partout. Un rapport fait remarquer
que sur ce point, le progrès n'a pas été aussi grand que pour la moralité^
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— 329 —
l'obéissance et la piété. Il attribue ce défaut au fait qu'on n'a pas assez
attiré l'attention des élèves sur ce côté de la question.
Pour la discipline et l'obéissance il y a eu progrès remarquable par-
tout, quelques-uns disent: dans toutes les salles, d'autres mentionnent
particulièrement les grands. En somme, l'esprit est changé: plus de
coteries, de mutineries, de mauvais esprit. On est plus charitable entre
condisciples. Les caractères difficiles se transforment. Quelques-uns
remarquent plus de confiance et de respect envers les maîtres. L'esprit
est excellent, les cas d'insubordination sont très rares maintenant.
La culture des vocations est devenue plus facile. On se décide plus
jeune. Le nombre des vocations à l'état sacerdotal ou religieux aug-
mente presque partout, même beaucoup, dans certaines maisons. On
aime l'apostolat : la raison en est dans la piété et la pureté qui sont les
fruits de l'Eucharistie.
La formation pour l'avenir donne de grandes espérances. C'est tout
un réveil. Les caractères sont plus fermes. On est compromis dans le
bien et on se prépare à être des hommes de foi et des chrétiens fervents,
cela se dit en conversation et se répète dans les discours. Toutes ces
bonnes volontés et ces énergies sont dirigées et promettent de se tenir
groupées dans le monde, grâce à l'A. C. J. C. D'ailleurs, si nous sui-
vons ceux qui sont sortis depuis deux ou trois ans, et qui sont au Grand-
Séminaire ou à l'Université, ou dans le commerce, nous voyons déjà " le
blé qui lève." Et comme ils seront les classes dirigeantes, ce blé qui
lève promet d'abondantes moissons pour l'avenir.
3° — Organisation
Dans le questionnaire mentionné plus haut, j'avais demandé ceci:
Comment est organisée et fonctionne chez vous la pratique de la com-
munion sur semaine?
Indiquez, s'il vous plaît, quels sont les moyens pris pour la faciliter
sans nuire à la discipline et aux études?
Ici, les réponses deviennent plus importantes parce qu'elles compor-
tent de sérieuses leçons pour le progrès de la communion dans l'avenir.
Cette remarque a encore plus sa raison d'être pour la dernière partie
de ce travail.
Pour ce qui regarde le moment de la confession et de la communion,
voici les réponses :
En général, on entend les confessions des internes plusieurs fois par
semaine, le soir: dans quelques institutions le mercredi et le samedi,
dans un plus grand nombre, quatre fois, et dans quelques-uns, tous les
soirs sans exception. C'est un maximum qui demande des sacrifices de
la part des confesseurs; mais il semble que la confession de deux fois
par semaine est un minimum que l'on devrait atteindre partout.
Il est vrai que, là où il y a confession régulière moins fréquente, les
élèves ont la permission d'aller le soir à la chambre de leur directeur
de conscience, mais les inconvénients, au point de vue de la discipline.
— 330 —
seraient certainement moins grands, si les confesseurs se rendaient enx-
mêmes à la chapelle, chaque jour.
Dans plusieurs collèges, il y a confession régulière le matin à la cha-
pelle, avant la communion. Ah ! voilà l'idéal : la confession du matin !
Si elle était de règle, bien des communions seraient favorisées et par-
fois peut-être des sacrilèges seraient évités. Les raisons en sont évi-
dentes. Dans d'autres maisons, quelques prêtres reçoivent quelques
pénitents à leur chambre, à la descente du dortoir. Il me semble
— • sans qu'il soit besoin d'y insister — que c'est encore un minimum
très désirable, sinon nécessaire.
Quant aux externes, s'ils font, le soir, l'étude dans le séminaire, ils
pourraient profiter de ce temps pour leur confession. S'ils s'en vont
dans leur famille au sortir de la classe, il est bien inutile de leur de-
mander de se confesser avant leur départ. Eésister au courant sera un
sacrifice que très peu pourront s'imposer. Voilà pour la confession.
L'organisation pour l'heure de la messe et le moment de la commu-
nion n'est pas moins importante. Plusieurs collèges et séminaires l'ont
vu dans la pratique.
La solution est facile dans les pensionnats oii il n'y a que très peu
d'externes. On peut alors mettre la messe de communauté avant ou
après l'étude du matin, mais toujours avant le déjeuner.
Dans les institutions oii il y a un grand nombre d'externes, on a com-
mencé par envoyer les communiants internes seuls, à une messe de 6
hrs par exemple, et on laissait les autres à l'étude. A cela il y a trois
inconvénients: celui de déranger l'étude au départ et au retour, celui
d'avoir une étude supplémentaire pour les communiants avec la diffi-
culté de contrôler ceux qui essaieront d'y aller pour gagner du temps,
enfin, celui de laisser entendre que les communiants sont ou doivent
être une minorité. Cette dernière raison est plus forte qu'elle ne le
paraît à première vue, parce que les enfants suivent toujours un peu le
courant, qui, dans ce cas, serait contre la communion. Sans doute un
élève ne doit pas communier parce que les autres y vont, mais il faut
au moins qu'il ne soit pas retenu par l'exemple du grand nombre qui n'y
va pas. Ce qu'il y aura d'un peu défectueux dans le bon exemple des
condisciples pourra être corrigé d'un mot dans les instructions du soir,
ou par une bonne préparation, lue par le maître, avant le communion;
et l'enfant ira recevoir Notre-Seigneur, ce qii'il n'aurait peut-être pas
fait autrement par négligence ou par légèreté.
Qu'on essaie donc d'avoir deux messes de communauté, une pour les
internes, avant le déjeuner, l'autre pour les externes, et on verra l'aug-
mentation de la communion suivre rapidement. Pendant cette deuxième
messe les pensionnaires iront à l'étude ou resteront en récréation.
La messe de communauté pour les internes, a lieu dans presque toutes
les maisons qui ont fait le changement, à la descente du dortoir. Des
avantages évidents militent en faveur de cette lieure matinale. Cepen-
dant, dive7-.s('S circonstances tout à fait indépendantes de la volonté des
directeurs, peuvent empêcher, en quelques endroits, d'adopter cette ma-
nière de faire.
— 331 —
Yoilà pour l'heure de la messe et pour l'assistance; que reste-t-il à
dire pour ce qui concerne la communion elle-même, c'est-à-dire ses cir-
constances.
Quelques-uns continuent de la donner comme autrefois à la commu-
nion du prêtre. D'autres, en plus grand nombre, la distribuent au
commencement de la messe ou à l'Evangile. Si on garde la première
méthode, les non-communiants ont en prime un quart d'heure de récréa-
tion ou d'étude, et on se trouve à mettre contre la pratique de la commu-
nion l'attrait de l'élève pour le jeu ou pour l'étude; or, si on tient
compte de la légèreté de cet âge, c'est encore un obstacle de plus à sur-
monter.
Il est donc mieux de les faire communier au commencement de la
messe. Qu'on fasse une préparation, c'est très bien. 11 n'est pas né-
cessaire qu'elle dure dix minutes, même si elle n'a pas été immédiate-
ment précédée de la prière du matin. Quatre ou cinq minutes d'une
lecture faite lentement et distinctement, par le maître qui préside,
devrait suffire. Dans quelques collèges, il y a une courte méditation au
dortoir le soir ou le matin, même le soir et le matin; ailleurs cet exer-
cice se fait à l'étude ou à la chapelle. Ce sont autant de raisons pour
abréger la préparation, de manière que les non-communiants n'en soient
pas fatigués; ainsi, il ne serait pas nécessaire de faire venir les com-
muniants à la chapelle avant les autres. Ceux qui ne communient pas
n'auront que ces quelques minutes de préparation, auxquelles ils ne
seraient pas obligés d'ailleurs, mais avec le bon esprit qui règne partout,
on ne voit pas comment ils y trouveront à gloser. Le fait est, que
quand l'habitude est prise personne n'y pense plus, si tant est qu'ils y
aient jamais pensé.
11 faudrait aussi aider, de temps en temps, les enfants à faire Yaction
de grâces, au moins leur en rappeler souvent les quelques points prin-
cipaux. Ils sont si légers, ces jeunes. Ce serait le temps de leur faire
prendre des résolutions pratiques pour la journée, et ces résolutions
feront éviter la routine. Le soir, la prière ou la lecture au dortoir, leur
rappellera l'idée de faire un petit examen particulier: ils verront alors
s'ils ont tenu parole à Xotre-Seigneur. Cet examen est d'ailleurs de
règle dans plusieurs maisons. Ainsi l'Eucharistie deviendra comme le
centre aimé de leur vie.
La tenue doit être parfaite : tous en conviennent. Ici, on s'approche
de la Sainte Table les yeux baissés, les bras croisés, c'est très bien — et
y venir les bras croisés est une manière plus virile que les mains
jointes. — Mais, de grâce, ne réglementons pas les sorties des bancs ;
que jamais, le maître ne se tienne \k debout pour présider le défilé:
c'est la porte ouverte à la fausse honte et au sacrilège, surtout chez les
jeunes. Pas de contrôle apparent, mais l'atmosphère de la liberté!
Comme dernier détail, voyons par qui la communion doit être distri-
buée; par le célébrant ou par un autre ])rêtre.
Quand il y a affluence. le célébrant doit au moins se faire aider:
autrement la messe durerait trois quarts d'heure. C'est la pratique de
plusieurs maisons. Ailleurs, on la fait distribuer complètoniont par
im autre et au commencement de la messe.
OO.i
4° — Moyens pour promouvoir la communion
fréquente
Pour avoir une communauté dont les élèves s'approchent en grand
nombre de la Sainte Table, il y a de nombreux obstacles, mais qui ne
sont certainement pas insurmontables. D'abord les difficultés venant
•de la perte de temps doivent être écartées par une meilleure adaptation
•du règlement. Ce qui s'est fait dans plusieurs maisons peut évidem-
ment se faire partout. Il serait vraiment malheureux qu'un règlement
qu'on dit être l'expression de la volonté de Dieu, pût être et restât un
obstacle à la communion fréquente qui est certainement conforme à
cette même volonté.
^ Les obstacles concernant les écoliers sont intrinsèques ou extrin-
sèques. Les obstacles intrinsèques naissent des préjugés, du manque
de formation eucharistique, de la légèreté ou des passions indomptées,
ou enfin de l'apathie. Les difficultés extrinsèques viendront des pa-
rents, du respect humain ou des occasions de péché.
En face de ces soldats de l'armée du mal, quels sont les officiers de
l'armée de Dieu?
D'abord, le prédicateur, et le prédicateur de retraite ou de Triduum.
On comprend que dans ces moments décisifs de la grâce où les âmes
sont éclairées et entraînées, c'est le temps convenable pour lancer ou
accroître le mouvement de la communion fréquente. La vie divine
dans les âmes est im fruit, une résultante de plusieurs éléments.
Or, c'est principalement dans ces instants où tout conspire pour le bien,
que les éléments de salut se rencontrent. Celui qui n'en profiterait pas
pour semer, faire germer ou enraciner profondément l'idée de la com-
munion serait le cultivateur qui laisserait passer les beaux jours du
printemps sans confier le grain à la terre. Plus tard il manquera tou-
jours quelque chose. Quand, après une retraite, l'âme sera retournée
à ses mauvaises habitudes, le cœur sera comme une terre desséchée dans
laquelle la divine parole ne fera presque pas de fruit.
Or, prêche-t-on suffisamment la communion dans les retraites de
commencement d'année. Pour ma part, je ne le crois pas. Bon
nombre de ces prédicateurs ne sont pas encore suffisamment entrés dans
le mouvement inauguré par Pie X. Il faut des Triduums Eucharis-
tiques ou des retraites qui ressemblent à ces Triduums demandés par
le Pape: c'est-à-dire un jour pour les fins dernières, un autre pour la
confession et ses éléments, un troisième pour la communion. Si ce
XXIe Congrès Eucharistique donne une poussée vigoureuse dans ce
sens, il aura fait beaucoup pour la communion fréquente dans nos sé-
minaires.
Le deuxième officier du Christ dans cette croisade c'est le prédicateur
de collège, surtout s'il est en môme temps le directeur des élèves, et s'il
leur parle souvent dans les conférences spirituelles. Le devoir des pré-
dicateurs est tout tracé dans le fameux Décret: ''Les prédicateurs et
les confesseurs exhorteront fréquemment et avec beaucoup de zèle, etc."
— 333 —
Or, qui peut exhorter plus fréquemment et avec plus de zèle que le di-
recteur des élèves? Voyant ce qui se passe, il en constate la nécessité
plusieurs fois par jour, parce qu'il sent le manque de surnaturel dans
la vie de l'écolier. De son côté, l'élève ne résiste pas très longtemps à
la prédication persévérante et convaincue d'une même vérité. Cette
répétition de la parole divine est une force naturelle et une puissance
surnaturelle. Mais pour arriver au but, il ne faut pas dire seulement:
communiez ! communiez donc ! " L'ennui naquit un jour de l'unifor-
mité." Au lieu de répéter la thèse, redisons plutôt les arguments de
cette thèse ; montrons de toute manière, et en profitant de toutes les cir-
constances favorables, le désir de I^otre-Seigneur, le désir de l'Eglise,
le besoin des âmes, et cela par des comparaisons familières, souvent par
leur expérience personnelle. Demandez à l'écolier si la communion lui
a fait du bien? Il vous répondra presque toujours par un grand oui!
Le K. P. Lintelo, dans un "' Triduum Eucharistique " donne tous les
arguments.
L'expérience prouve que de tous les obstacles énumérés les passions,
et les passions presque seules, peuvent résister à la prédication fré-
quente. Eepassons un à un les principaux obstacles. D'abord, les
anciens préjugés? On les réfute; et, même sans qu'on réfute ces objec-
tions, elles tombent peu à peu devant l'exposition claire des raisons
données dans le Décret. — Le manque de formation? On la donne
cette formation, et, à force d'entendre répéter les arguments avec con-
viction, il faut bien que ces esprits encore neufs en gardent une em-
preinte un peu durable. — La légèreté des jeunes? Une exposition
impressionnante du dogme de la présence réelle, de bonnes préparations
et de ferventes actions de grâces lues avant et après la communion
réussiront à fixer leur attention. — Enfin Vapathie, l'inertie sera se-
couée par une prédication forte des grandes vérités. La crainte sera
pour les paresseux le commencement de la sagesse. C'est le moment de
mettre au service de la plus sainte des causes, toute l'éloquence dont on
peut disposer. C'est une question de vie ou de mort surnaturelle. A
moins de supposer vaguement que Xotre-Seigneur n'a pas donné à son
Eglise les moyens surnaturels suffisants pour sauver les âmes, notre foi
doit nous faire admettre que, avec ces moyens, nous pourrons arracher
à l'enfer, au moins celles qui ont bonne volonté. Or les jeunes gens
de mauvaise volonté sont assez rares. La cause la plus fréquente
de cet engourdissement spirituel, c'est la passion, et surtout l'impu-
reté. Cette concupiscence effrénée reste le grand obstacle intrinsèque
à la communion fréquente. Le zèle du prédicateur et du directeur diri-
gera donc tous les efforts contre ces habitudes. Ce sera directement
parfois et souvent, par des attaques détournées, le grand ennemi à ré-
duire. La mort, le jugement, l'enfer, le calvaire seront ces moyens
indirects qui feront réfléchir. Si le directeur connaît ces passionnés
— comme nous verrons plus loin — sa prédication des vérités générales
sera mieux dirigée vers le but, plus claire et d'application plus facile:
La prière et les sacrifices des autres élèves offerts pour ceux qui en ont
le plus besoin, achèveront peut-être l'œuvre commencée, ou obtiendront
la grâce, tout en formant ces bons à l'apostolat.
— 334 —
Le directeur peut avoir encore une autre influence sur ses élèves.
Plusieurs parmi les plus difficiles et qui résisteront même à la prédi-
cation, amèneront pavillon devant une parole dite à propos, avec bonté
et avec une grande foi. Les circonstances ne manqueront pas d'ail-
leurs. Le directeur devra presque toujours attendre l'instant favorable.
Par exemple, un élève difficile est en faute, en difficulté avec un maître
pour paresse ou dissipation ■ — ce qui n'est pas inouï pour cette catégorie
d'écoliers — alors, ce sera le moment propice, très souvent le moment
de la grâce. Sans faire aucune interrogation, le directeur, qui connaît
son homme, qui sait de quel tempérament, de quel caractère il est, en
profitera pour lui dire ce qu'il pense de son cas, lui montrant où sont
les causes probables du mal et où seraient les remèdes naturels et sur-
naturels les mieux appropriés. C'est là que viendra la question de la
communion. Il est évident que le confesseur ne peut remplir ce rôle
aussi bien auprès de certains élèves, parce qu'il n"a pas sur eux les ren-
seignements que possède le directeur. Celui-ci peut donc faire beau-
coup pour la communion chez les élèves difficiles et aider le confesseur.
Le directeur peut avoir encore une influence considérable pour éclairer
les consciences, d'abord en chaire. Si le prédicateur de retraite n'en a
pas suffisamment parlé, la chose est nécessaire et capitale. " Que
l'homme s'éprouve lui-même,'' a dit saint Paul ; et l'enfant ne fera pres-
que jamais ce travail, un peu répugnant, si on ne vient pas à son se-
cours. Il faudra donc dire à tous qu'il y a beaucoup de consciences
embrouillées, et beaucoup de confessions à reprendre ; on peut le prouver
en prenant des textes à la douzaine dans " La Confession d'après les
grands maîtres," du E. P. Zelle, S.J. Au préalable, si on n'a pas soi-
même de conviction arrêtée en cette matière, on fera bien de lire tout ce
beau livre. Si après cette lecture, même rapide, quelqu'un n'était pas
convaincu, je ne saurais vraiment pas quoi ajouter. Il est difficile, en
effet, de supposer qu'un homme puisse ne pas se ranger du côté d'au-
torités comme saint Augustin, saint Thomas d'Aquin, saint Alphonse
de Liguori, le Curé d'Ars, saint Léonard de Port-Maurice, saint Philippe
de N"éri et une dizaine d'autres. D'ailleurs, quand on n'en a pas
trouvé beaucoup de ces confessions mal faites, c'est qu'on n'en a pas
cherché.
Après avoir donné ces preuves en chaire — qu'on répète bien ceci
aux écoliers — : La fausse honte existe même chez ceux qui paraissent
les meilleurs: peut-être surtout chez ceux-là; et pour se débarrasser de
tout ce fardeau, il suffira de voir dans le confesseur le représentant du
Christ, un prêtre qui, comme une mère et comme Dieu aussi, aime l'âme
malade plus encore que celle qui se porte bien. C'est la brebis égarée
de la parabole; c'est le petit enfant maladif qui donne tant d'insomnies
à la mère.
Après cette prédication générale, il restera toujours l'action indivi-
duelle du directeur sur quelques âmes que le démon tiendra enchaînées
malgré le prédicateur et même malgré le confesseur. Si le directeur
est un peu avisé et en éveil, il pourra juger d'une manière très probable
où est lo faible de chacun, l'ourqnoi? Parce qu'il est au meilleur
, — 335 —
poste d'observatiou. C'est lui qui connaît la conduite générale de
l'élève, son caractère, son tempérament, les défauts qui percent ou appa-
raissent au grand jour en classe, à la chapelle et surtout en récréation.
Connaissant donc la manière d'agir de ses écoliers, le directeur,
d'après le principe qu'on juge de l'arbre à ses fruits, remontera aux
causes. Par exemple, voici un élève qui a un tempérament où domine
l'affection; il ne prie pas à la chapelle; il est dissipé ou paresseux aux
études et en classe; il ne communie qu'une ou deux fois tous les quinze
jours, et c'est fini; ses lèvres proféreront même de mauvaises paroles;
et cela dure, sans changement aucun, depuis des semaines. Evidem-
ment le directeur ne peut pas laisser continuer indéfiniment cet état de
choses. D'ailleurs, le mal empirera encore, et il faudra peut-être ren-
voyer cet écolier plus tard. Alors, saisissant une occasion favorable,
par exemple, quand l'élève est puni ou renvoyé de la classe pour dissipa-
tion, le directeur, à mon avis, devra en profiter pour lui dire franche-
ment son opinion sur sa conduite et surtout sur les causes probables de
ses manquements extérieurs; et s'il juge que la conscience est en mau-
vais état, il pourra faire à cet élève, mais d'une façon personnelle et
directe, l'application des remarques déjà faites en chaire sur le fait que
souvent la mauvaise conduite dépend du mauvais état de l'âme : im arbre
bon porte ordinairement de bons fruits. Ces paroles répétées pour un
seul, feront plus d'impression. L'écolier réfléchira et verra si, fran-
chement, CCS remarques de son meilleur ami ne s'appliquent pas à sa
conscience. Il est alors facile de créer des circonstances qui aident la
réflexion : il est important aussi de paraître excuser l'élève et de lui dire,
par exemple, pour l'encourager: que le mal commence par les paroles
des compagnons ; que bien des fois le mal s'enracine sans qu'on y ait mis
de malice personnelle ; qu'ensuite on a pu être dans le doute, ne sachant
pas clairement si c'était bien ou mal; que probablement la conscience
disait d'en parler à confesse, et qu'on ne savait pas comment s'exprimer:
c'était si facile pourtant, lui suggérera-t-on, de dire un mot qui eut pro-
voqué l'éveil du confesseur et de se faire interroger. En un mot, l'éco-
lier verra que le cas en question n'est pas inouï et qu'on en sort facile-
ment. On laissera l'élève en disant : faites-vous interroger depuis quel-
ques années, depuis que vous avez rencontré de mauvais amis, ou depuis
que vous avez des doutes, et votre cœur sentira ensuite un grand bon-
heur; vous ne serez plus sombre comme ces jours derniers. En classe,
à la salle tout ira mieux. Le diable n'aura pas autant de facilités pour
vous tenter. — Ou encore, suivant les circonstances, si on le jiigo plus à
propos, on pourra avertir tout simplement le confesseur et lui dire: M.
un tel se conduit de telle manière; (ce dernier moyen est évidemment
le seul que peut employer le directeur qui n'est pas prêtre). Que de
confesseurs pensent leur pénitent très bon, lorsqu'il va mal ou très tïuiI :
ils ne s'accusent de presque rien au Saint Tribunal : on interroge ])('u
ou point. L'attention du confesseur une fois attirée, il devra chercher
la cause quelque part dans la vie présente ou dans les confessions pas-
sées. ' Tous ces détails énumérés plus haut pour enlever la fausse lionte
^dont parlent tant les Docteurs et les saints — pourront varier beau-
coup suivant les circonstances et les individus. L'important est de sup-
— 336 —
poser que le mal existe et de vouloir prendre les moyens pour éclairer
la conscience et pour faciliter l'aveu en s'adressant soit au pénitent, soit
au confesseur.
Je demande pardon d'insister autant sur cette question et sur ces
détails. Qu'on me permette de dire que ce n'est pas pour le plaisir
d'aligner des mots. S'il m'est permis d'apporter ici ma faible expé-
rience de cinq années de direction dans une maison de 550 élèves — ex-
ternes et pensionnaires — je ne crains pas d'affirmer devant Dieu que
ces deux manières d'agir ont produit, à ma connaissance, des résultats
merveilleux. Que d'enfants après ces confessions générales ont com-
plètement changé de conduite, ont gagné jusqu'à dix, quinze et vingt
places dans leurs classes, et sont venus me remercier, quelquefois en
pleurant de joie, du service signalé que j'avais rendu à leur âme.
Encore une fois, il ne s'agit pas d'interroger, ni de forcer les cons-
ciences — pas de crainte chimérique — mais seulement d'éclairer ces
âmes et de faciliter l'aveu. C'est la substance de la doctrine prêchée
sur ce sujet qu'on applique aux circonstances et à la conduite de tel ou
tel élève.
Après le prédicateur de retraite, le prédicateur ordinaire et le direc-
teur, celui qui peut le plus pour la communion fréquente, c'est bien le
confesseur. Son action a moins d'extension mais beaucoup plus d'in-
tensité que celle des autres. Presque tous les rapports mentionnent
l'influence exercée par tant de prêtres zélés, qui se dépensent sans
compter pour diriger les âmes de nos élèves. Le texte du Décret cité
plus haut, et la nature même de cette fonction sacrée font entrevoir le
bien que peuvent faire pour la communion fréquente des confesseurs
zélés et convaincus de la vraie doctrine.
Le professeur lui-même pourra beaucoup dans ce sens, en expliquant
le catéchisme dans sa classe. Bien plus, il devrait se faire un devoir de
profiter des occasions — au besoin, les faire naître — pour répéter les
arguments de la communion fréquente. Si le maître a l'autorité de l'âge
et de la science, s'il a l'avantage de préparer des élèves aux examens du
baccalauréat, ou à des fonctions dans le commerce, qui ne voit l'immense
appoint, qu'un mot de sa part, apportera à la bonne cause. Dans ces
cas, le maître se trouvant à travailler plus immédiatement et plus visi-
blement dans l'intérêt de l'élève et de son avenir, tout ce qui tombe de
ses lèvres est recueilli et utilisé avec un grand soin.
Ajoutons encore l'attrait du culte extérieur, l'importance et la solen-
nité données aux fêtes eucharistiques et aux premiers Vendredis de
chaque mois, aux fêtes de Notre-Seigncur. Les heures d'adoration,
avec chant bien préparé et prédication eucharistique, auront une bonne
part d'influence pour éclairer la foi et réchauffer l'amour envers l'Eucha-
ristie.
Les obstacles extrinsèques venant du respect humain tendent à dis-
paraître par le courant même vers la Sainte Table, et aussi par l'ac-
croissement de la foi.
— 337 —
Il reste, en certains milieux, l'empêchement de la part des parents,
non pas tant de leur mauvaise disposition, que de l'habitude de veiller
très tard le soir et de l'opposition ou de la négligence qu'ils mettent à faire
lever leurs enfants, le matin, pour la communion. Comme on le voit,
il s'agit ici des externes. Ces inconvénients sont plus fréquents dans
les grandes villes, là où on se promène sur la rue, quand on ne va pas au
club ou aux spectacles. Un directeur disait dans son rapport : si le
Congrès peut me donner les moyens de faire pralicjuer la communion
fréquente à mes externes, je lui en serai bien reconnaissant. Quelques-
unes des conclusions du rapport de M. l'Abbé Camirand, qui sera pré-
senté tout à l'heure, sur la communion en vacances, auraient sans doute
leur application pour les externes pendant l'année. Si on a d'autres
suggestions à faire, je les enregistrerai ici parce que cette question est
d'une grande importance.
Vœu :
Le XXIe Congrès Eucharistique émet le vœu :
1° Qu'on fasse quelques modifications dans les règlements des col-
lèges, s'il y a lieu, afin de faciliter la confession et la com,munion. Que
pour communier, le élèves ne soient pas obligés de sacrifier une part
d'étude ou de récréation. Que, pour atteindre toutes ces fins, la messe
de communion soit la messe de communauté, au moins pour tous les
internes, et que la communion soit donnée au meilleur moment.
2° Que les prédicateurs, confesseurs et surtout les directeurs, con-
vaincus des motifs de la communion fréquente, tels qu'exposés dans le
Décret, et s'inspirant des instructions données à la Ligue Sacerdotale
" exhortent fréquemment et avec beaucoup de zèle à un usage si salu-
taire." Que les professeurs eux-mêmes disent un bon mot, de temps en
temps, sur la communion, l'Eucharistie, la piété, etc., soit dans leurs
catéchismes, soit en d'autres occasions, soit même on classe.
3° Que le directeur, étant le mieux placé pour connaître ses élèves,
tâche d'avoir, à part son influence générale dans la prédication et la lec-
ture spirituelle, une action surnaturelle efficace sur les élèves difficiles:
et cela, soit par lui-même, soit en avertissant le confesseur, qui explo-
rera alors,par l'interrogation prudente et habile, la vraie cause cachée
de la mauvaise conduite extérieure. Ainsi, pour ces écoliers la commu-
nion quotidienne deviendra facile et beaucoup de sacrilèges seront évités.
— 338 —
Ce rapport, émiuemmeut pratique, est applaudi, comme il
le méritait, par tous les prêtres présents dans rassemblée.
Après les collèges classiques et ecclésiastiques, voici une
autre branche importante de l'enseignement secondaire, dont
va maintenant nous entretenir M. l'abbé Brosseau, aumônier
de la grande Institution du Mont St-Louis, à Montréal. Son
travail a pour titre :
LA CONFESSION, LA COMMUNION ET LA LIBERTE
DE CONSCIENCE
DANS LES PENSIONNATS DE FRERES
Quand le Pape d'aujourd'hui aura terminé sa carrière féconde, il
passera assurément à l'histoire comme le Pape de la vie intérieure de
l'Eglise : son Décret de 1905 sur la communion fréquente et quotidienne
est un acte d'une portée immense, c'est le point de départ d'un mouve-
ment régénérateur qui se prolongera à travers les siècles, c'est la vie ca-
tholique devenant plus intense et plus profonde par l'Eucharistie.
Et si nous, prêtres, nous voulons être les collaborateurs du Pape dans
cette véritable Eenaissance moderne, nous devons sans doute nous
efforcer d'amener à la Table de vie tous les membres de l'Eglise; mais,
si nous voulons que le mouvement soit complet et durable, c'est surtout
auprès de l'enfance et de la jeunesse qu'il nous faut porter notre apos-
tolat; les fidèles avancés dans la vie répondront plus ou moins à notre
appel, mais peu importe: si nous réussissons à donner à la jeunesse l'ha-
bitude de la communion fréquente et quotidienne, l'avenir est à nous:
Spes messis in semine!
Déjà les prêtres consacrés aux œuvres de jeunesse se sont mis au tra-
vail avec zèle, déjà dans les collèges classiques, oii se forme la classe
dirigeante de l'avenir, le mouvement de la communion fréquente et quo-
tidienne fait des progrès consolants, comme l'a montré l'excellent
travail de M. l'Abbé Halle.
Mais outre les collèges classiques il y a d'autres collèges où se forme
une classe très importante, la classe des hommes de commerce et de
finance, la classe bourgeoise, si vous le voulez, qui par son nombre ec
son influence joue un rôle si considérable dans toute société; là aussi le
mouvement de la communion fréquente et quotidienne a trouvé des
apôtres et donne de très bons résultats. Le modeste travail que j'ai
l'honneur de vous présenter a pour but de vous exposer ce mouvement
dans les pensionnats de garçons. Si l'on traite séparément des collèges
commerciaux et des collèges classiques, ce n'est pas seulement à cause
de la différence des études ; vous le comprenez, c'est plutôt à cause de la
situation particulière du prêtre chargé de la direction spirituelle dans
— 339 —
les collèges commerciaux. Dans les collèges classiques il y a en moyenne
de quinze à vingt prêtres, chacun de ces prêtres a son petit troupeau de
pénitents, il peut exercer son action sur un groupe restreint, il peut
contrebalancer discrètement le manque ou l'excès de zèle de tel confrère ;
et puis, les élèves peuvent, au besoin, changer de confesseur. Mais dans
les pensionnats ou collèges commerciaux, il n'y a qu'un seul aumônier;
c'est à lui de pousser tout le troupeau vers la Table Sainte; sans doute,
il a l'avantage d'une plus grande unité d'action et d'un plus grand
mérite dans le succès; mais aussi, comme il est l'unique prédicateur et
confesseur du collège, il a besoin d'apporter à son apostolat plus de zèle
encore pour remuer toute cette masse, il a besoin de plus de prudence
aussi pour diriger son zèle et prévenir les abus.
C'est pourquoi, dans un premier point, vous me pennettrez de vous
soumettre brièvement le résultat d"une enquête sur la communion fré-
quente et quotidienne dans nos pensionnats ou collèges commerciaux ;
dans un second point, évidemment le plus important parce que le plus
pratique, nous verrons quelques précautions à prendre pour ne pas
gêner la conscience des enfants, et pour obvier au danger des mauvaises
confessions, des communions de routine et des communions sacrilèges.
Dans la province de Québec, on compte quinze ou seize pensionnats
ou collèges de garçons à un seul aumônier. En vue du présent travail,
des questions ont été adressées à l'aumônier de chacun de ces collèges,
lui demandant : les statistiques de la communion fréquente et quoti-
dienne, les moyens employés, les résultats obtenus, les suggestions à
offrir. Presque tous les aumôniers ont répondu, avec grande prompti-
tude et courtoisie parfaite, et de leurs réponses il ressort :
1. Que partout, dans les collèges en cause, la pratique de' la commu-
nion fréquente et quotidienne fait des progrès constants, surtout depuis
ces trois dernières années; inutile de donner les chiffres pour chaque
collège, qu'il suffise de constater que le groupe de ceux qui communient
chaque jour s'est doublé la seconde année et s'est triplé la troisième
année, et qu'aujourd'hui dans la plupart de ces collèges, le tiers des
élèves communient quotidiennement, et même dans quelques-uns cette
proportion s'élève à la moitié; la communion fréquente, celle de deux
ou trois fois la semaine, a suivi les mêmes progressions.
2. Que les moyens employés sont presque partout les mêmes: d'abord
la prédication générale, rappelant très souvent le rôle de l'Eucharistie
comme remède aux passions et comme stimulant de la piété; cette pré-
dication revient naturellement en annonçant le premier Vendredi de
chaque mois, ou les Quarante-Heures, ou les fêtes de Notre-Seigneur et
de la Sainte-Vierge. Ensuite V exhortation individuelle au confes-
sionnal beaucoup plus puissante que la prédication, puisque le confes-
seur peut faire toucher du doigt au pénitent la maladie et le remède:
— 340 —
c'est par là surtout qu'il peut atteindre les grands élèves et leur dé-
montrer que la communion est le salut de la jeunesse et de leur avenir.
Enfin le catéchisme préparatoire à la première communion: c'est là
l'occasion par excellence d'inculquer pour toujours aux enfants le rôle
normal de la communion quotidienne, et de les décider à s'y adonner
dès leur enfance.
3. Que les résultats obtenus sont aussi presque partout les mêmes,
c'est-à-dire: accroissement de la piété personnelle et diminution des
fautes graves, surtout des fautes contre la pureté; meilleur esprit des
élèves à l'égard de leurs professeurs; entrain plus grand dans les récréa-
tions, et surtout application plus marquée à l'étude et à la classe.
Ce sont là les résultats immédiats de la communion fréquente et quo-
tidienne chez les jeunes étudiants; ils sont déjà admirables, et ils prou-
vejit que la communion est par excellence la source des trois grandes
vertus de l'écolier : la pureté, l'obéissance et le travail. Mais qui pourra
calculer les résultats plus éloignés? Le jeune homme qui aura passé au
collège six ou sept années de vie régulière, de lutte avec lui-même et de
contact avec Dieu, ne sera-t-il pas merveilleusement préparé à jouer
son rôle de chrétien et d'apôtre dans le monde? Et, si Dieu l'a marqué
d'une vocation religieuse ou sacerdotale, ne sera-t-il pas déjà tout formé
à la vie sublime de pureté, 'd'obéissance et de travail qui sera la sienne ?
De plus en plus on se plaint de la rareté des vocations, on désire dans
le monde des jeunes gens fortement trempés pour devenir les piliers de
l'Eglise et de la nation; voilà donc la source de la vie et de la force,
voilà donc l'espoir de l'avenir: la jeunesse sauvée et formée par la com-
munion fréquente et quotidienne : " Spes messis in S&mine." — " Semen
est verhum Dei." — Voilà ce qui doit stimuler le zèle des prêtres
chargés des œuvres si laborieuses mais si fécondes de la jeunesse.
II
Constatons-le avec bonheur, ce n'est pas le zèle qui manque, le zèle
existe partout. Ce qui pourrait peut-être manquer parfois, c'est la pru-
fience qui doit accompagner le zèle. Jusqu'ici je vous ai fait part des
prorjrès de la communion fréquente et quotidienne, des moyens employés
pour la promouvoir, et des résultats obtenus : il me reste à vous commu-
niquer la dernière partie des réponses envoyées, celle des suggestions
relatives aux abus.
Ces abus se rapportent aux deux dispositions que le Pape a déclarées
requises pour la communion : l'état de grâce et l'intention droite ; et
dans la pratique il y a à craindre chez les enfants — pensionnaires
n'ayant qu'un seul confesseur — le manque de rectitude dans l'intention
et le manque d'état de grâce. Voyons un peu comment parfois les abus
peuvent être provoqués.
1. Prenez d'abord l'aumônier qui dans sa prédication n'encourage pas
seulement les élèves pieux à communier souvent, mais va jusqu'à s'em-
porter contre ceux qui ne répondent pas à son zèle, et jusqu'à leur
— 341 —
donner une note infamante: qu'arrivera-t-il ? Un certain nombre
d'élèves se mettront à la communion fréquente et quotidienne par pur
respect humain, pour ne plus tomber sous les foudres du prédicateur.
D'autres continueront à faire la sourde oreille, et se considéreront
comme des espèces d'impies, et sortiront du collège avec cette attitude
désastreuse; et pourtant ils communient une fois, peut-être deux ou
trois fois par mois : sont-ce là des impies ? Le prédicateur ne doit-il pas
plutôt se contenter de montrer les avantages immenses de la commu-
nion? Après tout, la communion fréquente et quotidienne n'est pas de
nécessité absolue.
2. A part la prédication imprudente de l'aumônier, il peut y avoir
l'intervention des professeurs qui produise des abus. Assurément les
professeurs ne doivent pas s'imaginer qu'ils n'ont absolument rien à voir
à la piété de leurs élèves, sous prétexte de rie pas toucher au domaine de
l'aumônier; ils peuvent seconder puissamment celui-ci, par exemple
quand vient l'heure de la confession pour la classe, en rappelant aux
élèves l'appel qui leur a été fait le dimanche précédent, ou la grandeur
de la fête du lendemain, ou les bienfaits de la communion. Mais ils ne
doivent pas aller plus loin, ils ne doivent pas attirer l'attention des
élèves sur ceux qui s'abstiennent de la confession et de la communion;
autrement quelques-uns de ces derniers reçoivent les sacrements par
respect humain.
De même quand vient le moment de la communion, surtout de la
communion générale, il ne faut pas que les professeurs semblent s'aper-
cevoir que quelques élèves restent à leur place ; encore moins que chaque
professeur fasse lever ses élèves banc par banc pour aller à la Sainte
Table, de manière à faire remarquer ceux qui s'abstiennent: ne vaut-il
pas mieux que les élèves s'approchent pêle-mêle, comme les fidèles le font
à l'église ? l'esthétique y perdrait un peu, mais la liberté de conscience y
gagnerait beaucoup ! Par-dessus tout, il ne faut pas que les professeurs
fassent des sacrements un moyen de récompense et de châtiment ; on me
dit qu'en un certain collège un élève ayant commis une faute très grave
on lui donna pour pénitence de se confesser, et puis de communier trois
fois la semaine: si là-dedans les professeurs avaient l'intention droite,
l'élève pouvait bien ne pas l'avoir du tout !
3. Pour faciliter la communion fréquente et quotidienne des élèves,
il est évident qu'il faut de même leur faciliter la confession fréquente,
c'est là le côté le plus onéreux mais le plus fécond et le plus méritoire
de l'œuvre. Or, combien de fois par semaine l'aumônier doit-il en-
tendre les confession — Je parle des séances générales, et non pas de
quelques confessions isolées — ? Ici les avis sont partagés, quelques au-
môniers croient suffisante la confession hebdomadaire, d'autres récla-
ment la confession quotidienne: ne sont-ce pas là deux opinions
extrêmes, et la meilleure n'est-elle pas entre les deux? Un aumônier
me fait remarquer que la confession quotidienne a un danger: non-
seulement elle expose les enfants à la routine, mais dans certains cas
les enfants y comptent pour pécher plus facilement, en se disant: jo ne
manquerai pas ma communion, j'irai à confesse. Xe vaut-il pas mieux
— 342 —
que les enfants s'habituent à marcher par eux-mêmes au moins pendant
quelques jours? Souvent ils hésiteront de tomber à la seule pensée qu'ils
doivent communier le lendemain. D'un autre côté, s'ils tombent il faut
bien qu'ils puissent se relever avant longtemps et reprendre leurs com-
munions, sinon ils resteront dans leur péché et s'éloigneront de la Table
Sainte. En pratique, deux séances régulières de confessions par semaine
ne sont-elles pas suffisantes, puisqu'alors les élèves ne restent que trois
ou quatre jours sans confessions? Et puis chaque matin avant la messe
n'j suffit-il pas de quelques minutes de séance, pour les cas accidentels
ou urgents?
4. D'ailleurs, il y a ici une raison particulière, c'est que ces confes-
sions très fréquentes prennent très souvent le temps des études ou des
récréations: les petits élèves ne demandent pas mieux que de passer leur
i('].i])s à la chapelle, mais les grands élèves, ceux qui par exemple pré-
parent leur diplôme, s'insurgent contre ce qui leur semble une perte de
temps, et prennent la confession en aversion. Aussi bien, pour la com-
munion, certains aumôniers croient utile de prolonger l'action de grâces
après la messe, et enlèvent ainsi dix ou quinze minutes à l'étude du
matin ; les grands élèves s'en plaignent, les professeurs aussi, au détri-
ment de la communion quotidienne. Pourquoi ne pas enlever ce grief,
et ne pas rendre la Sainte Messe et la Sainte Communion aussi courtes
que possible?
L'aumônier doit se souvenir que quelques-uns seront gênés avec lui,
ot qu'il doit inviter de temps en temps un confesseur étranger. L'ex-
périence prouve que d'ordinaire les élèves préfèrent aller quand même à
l'aumônier, mais ne fût-ce que pour l'avantage de deux ou trois, il vaut
mieux prévoir tout danger de sacrilège. Combien de fois faut-il
amener un confesseur étranger? — Puisque, selon la règle ordinaire,
l'Eglise croit qu'un confesseur extraordinaire suffit aux 'religieuses tous
les trois mois, ne serait-ce pas amplement suffisant, pour les élèves des
pensionnats, d'avoir un confesseur étranger une fois par mois ?
m
Vous le voyez, si la communion fréquente et quotidienne a fait des
progrès fort constants, nous devons nous souvenir qu'il y a quelques
précautions à prendre pour prévenir les abus. Ces précautions, je me
permets de les résumer dans le vœu suivant, que je soumets humblement
à votre approbation :
Vœu :
La section pédagogique du XXIe Congrès Eucharistique émet le vœu
suivant :
Que dans les pensionnais de garçons à un seul aumônier, le dit aumô-
nier tout en continuant à promouvoir le plus possible la pratique si
salutaire de la communion fréquente et quotidienne, s'efforce de pré-
venir les abus :
— 343 —
(a) En ne donnant jamais en chaire de note infamante à ceux qui
■ s'abstiennent de communier ;
(1)) En prévenant toute intervention intempestive des professeurs;
(c) En entendant les confessions au moins deux fois par semaine;
(d) En évitant de prendre sur le temps de l'étude pour la confes-
sion ou pour l'action de grâces;
(e) En évitant toute familiarité avec les élèves, et en leur procu-
rant un confesseur étranger environ une fois par mois, autant
que possible, ou au moins tous les trois mois.
C'est à peu près le même sujet que le précédent qu'étudie,
à un autre point de A-ue, le rapporteur suivant, M. le Chanoine
Roij, chancelier de l'Arclievêclié de Montréal, dans un travail
qui a pour titre :
LA COMMUNION DANS LES PENSIONNATS DE
JEUNES FILLES
Le Décret de Pie X sur la communion fréquente et quotidienne ne
pouvait manquer d'exercer une action salutaire dans les pensionnats de
jeunes filles. Il trouvait là un terrain tout préparé à recevoir la pré-
cieuse semence : des âmes neuves, non touchées encore par les habitudes
du péché grave, se développant dans une atmosi^hère de foi et de piété,
vivant sous le même toit que Jésus-Hostie, conservant dans toute leur
fraîcheur les naifs élans d'amour pour le Dieu de la première commu-
nion et sollicitées doucement chaque matin vers la Table Sainte par
l'attrait de l'exemple.
Et de fait, la communion fréquente n'a pas tardé à être en honneur
dans nos couvents. Autrefois les élèves en général n'y communiaient
qu'une fois par mois, quelques-unes tous les quinze jours, et un bien
petit nombre toutes les semaines. Mais aujourd'hui, d'après des rap-
ports soigneusement contrôlés, presque toutes reçoivent Xotre-Seigneur
au moins trois ou quatre fois par semaine et un très grand nombre tous
les jours.
Qu'a-t-il fallu pour provoquer ce mouvement général vers la Sainte
Table? Tout simplement faire comprendre à ces enfants qu'elles pou-
vaient communier souvent et même tous les jours, que c'était là le désir
de Xotre-Seigneur et de l'Eglise, et qu'elles en retireraient les fruits les
plus précieux. Il a suffi de leur expliquer, par le Décret du Saint-Père,
que les deux seules conditions absolument requises pour la communion
fréquente et quotidienne étaient l'état de grâce et l'intention droite.
Quand de plus elles ont été persuadées que leurs légers défauts, leurs
imperfections ne devaient pas en soi les éloigner du bon Maître, elles se
sont senties disposées à aller souvent vers lui. De pressantes exhorta-
tions au catéchisme et au confessionnal, puis l'entraînement de l'ex-
emple, ont fait disparaître les dernières hésitations. Et maintenant
dans nos pensionnats nous pouvons contempler chiKjUo malin le beau
spectacle de ces longs délilés d'enfants, se dirigeant vers la Table Sainte,
pieuses, recueillies et portant dans le regard comme un reflet des cieux.
— 344 —
Mais les bons résultats de la communion fréquente sont-ils aussi
facilement constatés? Je n'hésite pas à répondre qu'ils sont très réels
et très bien établis.
C'est déjà un elïet d'une haute valeur que celui qui provient de l'aug-
mentation de la grâce par la réception de l'Eucharistie, et c'est assu-
rément une excellente chose pour ces âmes de profiter du temps où elles
peuvent si aisément en faire bonne provision pour l'avenir. Plus tard,
quand elles sentiront la poussée des passions, quand elles seront envahies
par les dangers du monde, quand elles auront à porter de lourdes res-
ponsabilités, elles n'auront peut-être plus la même facilité de se nourrir
du Pain des forts; mais au moins elles pourront alors puiser dans le
trésor formé par de nombreuses communions aux beaux jours de leur
enfance. Et si elles venaient à tomber dans l'abîme du péché, le divin
Maître se souviendrait qu'autrefois dans leur cœur il a trouvé bon
accueil et il les ramènerait à lui en leur accordant avec la grâce de la
conversion la reviviscence des mérites acquis au temps du pensionnat.
La communion fréquente a produit encore d'autres résultats plus par-
ticuliers, plus précis, plus palpables, si je puis ainsi parler : elle a fourni
un puissant facteur dans l'œuvre de l'éducation. Les directrices des
couvents sont unanimes à proclamer que de cette union intime avec le
Dieu de l'Eucharistie jaillissent les effets les plus marqués et les plus
consolants relativement au goût pour les choses de la piété, au perfec-
tionnement du sens chrétien, à la réforme du caractère, à la lutte contre
les défauts, à l'observance de la règle, au sérieux de la vie.
L'une d'entre elles, placée en bonne position pour voir, a très bien
suivi cette action salutaire et je ne crois pas pouvoir mieux faire que
de donner ici quelques-unes de ses précieuses constatations.
" Nous éprouvons chaque jour, dit-elle, les effets consolants de la com-
munion fréquente dans notre pensionnat. En général, nous remarquons
chez les élèves une piété plus profonde et plus durable, qui se manifeste
non seulement par la bonne volonté qu'elles apportent à s'acquitter des
prières de règle, mais encore par l'empressement à faire en leur parti-
culier de petites visites à la chapelle aux heures de liberté.
On ne voit plus, comme autrefois, d'airs mécontents et ennuyés à
l'annonce d'un exercice religieux de surérogation. Leur attitude, leurs
allées et venues dans le lieu saint décèlent un esprit de foi plus vif, un
respect plus profond pour la présence réelle. Ce qui frappe toutes les
maîtresses c'est la générosité avec laquelle les élèves renoncent au repos
du matin pour assister à la sainte messe. Personne n'a l'idée de rester
au lit sous prétexte de malaise et de fatigue. On en a même vu plu-
sieurs qui ont refusé un repos peut-être nécessaire pour ne pas manquer
leur communion.
Il est vraiment consolant do constater l'amour et le respect qu'elles
ont pour la parole de Dieu. C'est avec zèle qu'elles s'instruisent de la
religion. L'heure du catéchisme ne leur pèse pas. Elles apportent de
— 345 —
l'émulation à la préparation des examens; elles se plaisent à discuter
les objections que l'on formule contre la religion, afin d'être plus en état
de défendre leurs croyances.
Le sens catholique se développe de plus en plus chez elles. On pour-
rait mentionner telles élèves en particulier, assez portées autrefois à cri-
tiquer, ou du moins à trouver sévères les décisions des supérieurs ecclé-
siastiques, et qui défendent aujourd'hui avec feu ou acceptent avec une
soumission filiale les ordonnances de l'autorité religieuse. D'autres
ont le désir d'exercer une sorte d'apostolat au sein de la famille en en-
gageant leurs parents à s'approclier plus souvent des sacrements et à
pratiquer plus fidèlement les devoirs de la vie chrétienne.
L'esprit mondain tend à disparaître. Les grandes élèves semblent
moins avides de nouvelles frivoles. Les bals, les théâtres, les parures
sont rarement le sujet de leurs conversations. Elles ne manifestent plus
de désirs impatients de goûter elles-mêmes les plaisirs du monde. Celles
qui soupiraient après leijr liberté et rêvaient d'une vie de luxe et de
jouissances ont perdu l'illusion de croire que le bonheur d'une jeune fille
consiste uniquement dans la toilette et les fêtes mondaines.
Il n'y a plus chez les élèves cet esprit de caste si nuisible à la charité
fraternelle. Les petits avantages de naissance ou de fortune sont
laissés dans l'ombre. Elles forment une famille unie où règne l'amitié
la plus cordiale.
Quant à la réforme du caractère, la communion fréquente a opéré
chez un grand nombre d'élèves une véritable transformation. Des en-
fants dont l'insubordination, le mauvais esprit, l'influence pernicieuse
faisaient le tourment des maîtresses, sont devenues des sujets d'édifica-
tion pour tout le pensionnat. Les unes ont corrigé leur indépendance,
leur opiniâtreté; les autres, leur apatbie ou leur esprit romanesque.
On constate que la formation du caractère devient plus facile chez les
élèves qui pratiquent la communion fréquente. Les réprimandes, les
avertissements sont pris en meilleure part. Il suffit parfois de rappeler
le souvenir de la communion du matin pour faire rentrer dans le devoir
une élève qui s'en écarte, ou encore pour provoquer le repentir d'une
faute.
Nous ne trouvons aucun obstacle à ce que les élèves fassent la commu-
nion fréquente. Si l'on veille à les préserver de l'esprit du monde et à
les maintenir dans une atmosphère de piété, si on leur fait prendre à
cœur la correction de leurs défauts et la pratique des vertus, la commu-
nion fréquente sera assurément le moyen le plus efficace de leur eanc-
tification."
Tout comme leurs chères maîtresses, les enfants elles-inênie.s se
rendent compte du bien que produit dans leurs âmes la réception de
l'Eucharistie. Il y a quelques mois, j'eus l'idée de demander aux élèves
du pensionnat dont je suis chargé de m'écrire tout simplement quels
effets elles croyaient avoir retirés de la sainte communion. A ma sug-
gestion d'autres aumôniers ont fait de même. Et nous avons reçu des
réponses toutes pleines d'aveux touchants et de sentiments délicats. Ces
lettres, si elles étaient publiées, constitueraient peut-être le plaidoyer le
— 346 —
plus éloquent et le plus décisif en faveur de la eommuinon fréquente, en
même temps qu'elles pourraient être l'une des plus belles gerbes de fleurs
offertes à Jésus-Hostie.
Permettez-moi de détacher une ou deux de ces fleurs pour mieux sa-
vourer le fortifiant parfum de piété qui se dégage d'une âme par le
contact journalier avec Notre-Seigneur, . et pour mieux constater aussi
combien l'Eucharistie développe toutes les vertus qui se résument dans
la fidélité au devoir, en même temps qu'elle ravive et anoblit ce qui est
le plus doux et le plus sacré au cœur d'un enfant : l'affection filiale.
" La communion, écrit une jeune pensionnaire, a produit en moi de
très grands effets. Ce qui m'aide à le constater, c'est la différence qui
existe entre ma conduite passée et celle de cette année. Je suis plus
soumise et je ne prononce plus ce non de révolte qui jaillissait de mes
lèvres en réponse aux ordres de mes maîtresses. Que dire de mes colères
passées ! Elles étaient continuelles, elles éclataient en classe, pendant la
récréation, l'étude, provoquées quelquefois par une simple plaisanterie
de mes amies ou un petit reproche des autorités. Alors je jetais avec
fracas ce que j'avais en mains, je frappais du pied, je bousculais tout, au
grand effroi de quelques-unes de mes compagnes qui s'enfuyaient, et au
plaisir des autres qui se moquaient de moi. Eevenue à moi-même,
j'avais honte, je me trouvais sotte d'avoir agi ainsi pour une chose qui
n'en valait pas la peine. Tout de même, si ma maîtresse me faisait
observer que j'avais manqué de jugement, je ne l'avouais jamais, et dans
mon orgueil je persistais à dire que j'avais raison, bien que je susse avoir
tort.
" Maintenant toute cette colère a disparu, bien que je ne sois pas
encore confirmée en douceur. Souvent j'ai envie de me fâcher; je suis
si vive que je dis bien encore des mots aigres; mais je les regrette tout
de suite et je tâche de les réparer pour me corriger entièrement. Oh !
j'ai du travail à faire avant de ressembler à Celui qui a dit: " Apprenez
de moi que je suis doux et humble de cœur." Mais il vient chaque matin
dans mon cœur, et je suis sûre qu'il m'aide à me perfectionner.
" Il me semble aussi que je suis un peu plus consciencieuse dans l'ac-
complissement de mes devoirs d'élève. Je n'aime pas encore la règle,
mais j'en remplis les moindres obligations pour faire plaisir à Dieu, à
mes chers parents, à mes maîtresses. Eien ne me paraît trop difficile
après cela. Et quand je fais plaisir à Jésus, je le ressens dans ma com-
munion suivante: il m'aime mieux et je l'aime mieux. ... Je constate
que je suis moins rêveuse depuis que je reçois chaque jour mon Dieu.
Cette tendance que j'avais à laisser errer mon imagination, surtout le
soir avant de m'endormir, je l'ai réprimée. Ces rêveries étaient la
cause des distractions que j'avais le matin dans mon action de grâces.
Les projets que j'avais faits la veille me hantaient alors l'esprit. Ayant
pour ambition que Jésus ne trouve pas trop long le temps qu'il passe
dans mon cœur, je m'applique à faire disparaître tout ce qui pourrait
interrompre la causerie intime que je lui fais. J'ai un peu plus de piété,
je crois. La prière ne m'ennuie plus; je ne la recherche pas encore;
mais quand je dois prier, je prie de mon mieux.
— a4: —
" Les sacrifices qu'exige le silence me coûtent beaucoup moins. Quant
à ceux que nécessite la correction de ma vanité, de ma gourmandise, je
les fais aussi, mais avec plus de peine. Les chagrins que le bon Dieu
m'envoie je les accepte avec plus de calme; je ne murmure plus contre la
Providence qui éprouve ma famille par des revers de fortune et des in-
succès dans les entreprises. Et cela parce que je comprends que c'est
pour mon bien que Dieu m'éprouve.
" Si j'ai perfectionné un peu mon vilain caractère, si j'ai acquis plus
de force de volonté, je le dois à la bonté de Jésus, qui m'accorde de le
recevoir chaque jour."
" La sainte communion, dit une autre enfant, a développé en moi le
désir d'exercer une salutaire influence dans ma famille. Je veux inspirer
aux miens par ma conduite et par ma fidélité à mes devoirs religieux,
une vraie dévotion et une plus grande exactitude à accomplir les pra-
tiques d'une vie chrétienne. Je me dis qu'il y a quelque chose de plus
doux que d'avoir ses parents près de soi, c'est de les savoir près de Dieu."
Ces aveux des élèves, comme le témoignage de leurs maîtresses, sont
assurément consolants et encourageants.
Il est cependant une tendance fâcheuse que la pratique de la commu-
nion fréquente n'est pas encore parvenue à combattre d'une façon satis-
faisante : c'est la propension à la mollesse qui s'allie d'un côté à l'horreur
de l'effort et du sacrifice, de l'autre à la recherche exagérée des jouis-
sances et du confort. Ce penchant funeste se fait sentir quelquefois à
l'intérieur du couvent; il se manifeste davantage pendant les vacances;
mais il se révèle surtout quand les élèves de nos grands pensionnats en
viennent à étudier l'importante affaire de leur vocation. Ces jeunes
filles qui pourtant ont montré un goût prononcé- pour les choses de la
piété, une volonté bien accentuée de marcher dans les sentiers du devoir,
une noble émulation pour réaliser l'idéal de la perfection chrétienne,
semblent perdre courage quand on leur laisse entrevoir la perspective de
tout abandonner pour suivre le divin Maître. Ce qui dans la vie reli-
gieuse leur fait peur davantage ce n'est pas la multiplication des longues
prières, ce n'est pas le travail, ce n'est pas le dévouement, ce n'est pas
même toujours l'adieu à un père et à une mère aimés : mais c'est tout ce
qui est opposé au bien-être et aux aises que donnent le luxe et le con-
fort; c'est le renoncement aux plaisirs du monde tels qu'ils apparaissent
à leurs yeux de 16 ou 18 ans; c'est l'échange de riantes toilettes contre
la sombre robe de bure ; c'est l'assujettissement à une règle rigide ; c'est
le lever de bonne heure; c'est en un mot le sacrifice de cette vie facile;
commode, exempte de toute contrainte, pleine de jouissances, qu'elles ont
menée jusque-là au foyer paternel.
Si la communion fréquente n'a pas réussi encore à vaincre la mollesse,
ce grand obstacle à la vie religieuse, c'est que la vague de bien-être
amenée par la vie à l'américaine en a facilité le développement parmi
nous et y a fait prendre déjà de fortes racines : c'est que nous méritons
peut-être le grave reproche que faisait naguère Mgr d'IIulst à son audi-
toire de Notre-Dame: "Il n'est pas possible, disait l'illustre conféren-
cier, que dans nos familles aisées, où la foi est professée, Dien ne fasse
— 348 —
pas plus de choix qu'on ne voit de vocations éclore ; donc il y en a beau-
coup qui périssent atrophiées. Ah ! c'est que cette plante délicate ne
peut vivre et grandir que dans un milieu propice. L'austérité d'un in-
térieur chrétien, voilà l'atmosphère qu'elle réclame. Vous la con-
damnez à croître côte à côte avec la molesse des habitudes et la dissi-
pation de l'existence : elle en meurt et c'est par votre faute."
Mais, il faut l'espérer, la communion fréquente, quand elle se sera
propagée encore davantage, quand elle aura exercé sur l'âme des parents
comme sur celle des enfants une action plus longue et partant plus effi-
cace, parviendra à avoir raison de cette mollesse et de ses désastreuses
conséquences. Et nous pourrons voir éclore de nombreuses vocations
religieuses, non seulement dans les humbles couvents des campagnes,
mais encore dans les grands pensionnats des villes.
II
Mais pour que la sainte communion produise tous les fruits qi\e nous
en attendons, il importe de recourir aux précautions et aux moyens re-
connus comme nécessaires ou efficaces par l'observation et l'expérience.
Il n'entre pas dans mon plan de les indiquer tous; Je veux seulement en
signaler quelques-uns qui me paraissent plus appropriés à la catégorie
de personnes dont nous nous occupons en ce moment.
Aux jeunes filles des couvents, plus encore qu'aux autres fidèles, il
convient de répéter souvent la grave recommandation de l'apôtre saint
Paul: " Prohet autem seipsum homo et sic de pano illo edat." (1 Cor.
11, 28). En effet, pour atténuer les fâcheuses conséquences de la légèreté
si naturelle à l'enfant, pour écarter les dangers de la routine, et aussi
quelquefois de la vanité, il faut redire et redire encore aux élèves com-
bien elles doivent être pures pour recevoir dignement le Dieu de toute
sainteté, que plus elles éprouveront la pureté de leur âme, plus elles man-
geront avec profit le pain céleste.
Et le grand moyen de se purifier, de s'éprouver, c'est la confession.
Pour bien communier il faut se bien confesser. Or c'est là surtout
chez les élèves des pensionnats le point délicat et difficile. Dans ces
jeunes consciences, à côté de beaucoup de candeur, il y a tant de petites
complications; malgré une certaine ouverture de cœur, il y a tant de re-
coins qui tendent à rester fermés; aux manifestations de confiance se
trouvent mêlées tant d'hésitations craintives et déconcertantes ! Et tout
cela naturellement favorise les perfides desseins du démon muet, tout
cela l'aide à embrouiller les consciences, à susciter les inquiétudes para-
lysantes, à arrêter l'aveu libérateur.
C'est le rôle du confesseur d'entraver une action si funeste. Et pour
y réussir, entre autres choses, deux qualités lui sont nécessaires: la honte
et la réserve. Une bonté patiente, qui ne se lasse de rien, une bonté agis-
sante qui se révèle en toute occasion, et par les paroles et par les actes,
une bonté ingénieuse, 'qui perce dans les interrogations, les avis et sur-
tout les reproches. Un seul mot de sévérité, un simple mouvement
— 349 —
d'impatience, le moindre signe d'étonnement, peut engendrer des
frayeurs qu'on ne soupçonne pas, fermer la porte aux aveux jugés néces-
saires et amener l'irréparable malheur de confessions et de communions
sacrilèges.
A la bonté, l'aumônier doit joindre la réserve. Et cette qualité, que
je considère comme capitale, doit le porter à restreindre le plus possible
ses rapports avec les enfants en dehors du confessionnal.
Pour cela, il doit séjourner le moins possible au couvent, et s'abstenir
de se trouver dans les lieux de récréations, de rencontrer les élèves en
circulant dans la maison, de causer evec elles, de leur faire de petites
taquineries. Il doit, en un mot, écarter tout ce qui tendrait, même de
loin, à engendrer la familiarité ou à diminuer le prestige et le respect.
De plus, à mon humble avis, le confesseur dans les pensionnats de
jeunes filles ne doit pas s'occuper des études d'une manière immédiate
et directe. Il y a pour lui, je crois, des inconvénients sérieux à donner
des cours, à visiter les classes, à prendre part aux examens, à assister à
la proclamation des notes. L'encouragement donné aux études ne serait
pas une suffisante compensation au danger d'enlever ainsi beaucoup
d'efficacité à son ministère auprès des âmes. Une enfant qui, au cours
d'une leçon, ou pendant la lecture des mentions, aura été embarrassée
ou réprimandée en présence de l'aumônier, que l'aumônier lui-même
aura peut-être interrogée d'une façon gênante, ou grondée avec quelque
sévérité, ne manifestera pas immédiatement après au confessionnal lu
même filiale confiance et la même ouverture de cœur. C'est là une
constatation basée sur l'expérience et conforme du reste au tempérament
de la jeune fille.
Le confesseur, est-il besoin de le rappeler, doit être d'un accès facile
et toujours à la disposition des enfants, pour dissiper leurs doutes et
leur inquiétudes par une bonne parole, et au besoin par l'absolution. Il
saura aussi approprier à leur jeune âge et à leur caractère ses moyens
de direction; il les amènera à se servir de la communion pour combattre
leurs défauts; il les aidera à rendre de plus en plus droites et pures leurs
intentions.
Qu'il entoure aussi d'un soin tout particulier les finissantes. C'est
un fait admis que pendant la dernière année de couvent les élèves sont
mieux disposées à recueillir les bonnes leçons, les salutaires influences,
les impressions durables; c'est pendant ce temps que la pratique de la
communion s'établit avec plus de chance de persévérer et de se perpé-
tuer ensuite.
Toujours dans le but de procurer davantage les bons ofl'ets de la com-
munion, il est encore d'autres précautions que de leur côté les directrices
de pensionnats ne doivent pas négliger. Ainsi, qu'elles veillent à ne
pas fausser la conscience de leurs élèves. Cédant au très louable motif
d'inspirer de l'horreur pour certaines fautes, par exemple: les manques
de franchise, les petits vols, les conversations inconvenantes, elles ne
— 350 —
doivent pas parler de manière à créer l'impression que ce sont là tou-
jours d'épouvantables péchés mortels. Autrement, les enfants qui
auraient eu ces faiblesses, seraient détournées de la Sainte Table ou
seraient peut-être exposées à faire de mauvaises communions.
C'est aussi le devoir des directrices d'assurer aux élèves la plus com-
plète liberté de conscience. Sous prétexte de ne pas chagriner monsieur
l'aumônier, qu'elles prennent garde d'exercer aucune pression, d'user
d'aucun stratagème pour pousser vers son confessionnal celles qui se-
raient portées à diriger ailleurs.
Je les prie instamment aussi de ne pas faire d'une façon trop évidente
le pointage de celles qui communient et de celles qui ne communient pas,
de n'attacher à la fréquence de la communion aucune forme de récom-
pense, aucune note appréciative de conduite, et cela afin de ne pas ex-
poser les enfants à l'hypocrisie et à la tentation de se servir de l'auguste
Sacrement de l'autel pour gagner des bons points ou autres faveurs.
Pour écarter toute apparence de contrôle, de même que pour respecter
les petits mystères et les troubles de conscience qui très souvent sur-
gissent à l'improviste dans ces âmes impressionnables et peu éclairées,
il importe de ne pas marquer à la chapelle d'un signe extérieur celles qui
veulent s'approcher de la Sainte Table. C'est dire qu'on ne peut ap-
prouver la pratique de leur donner des places spéciales ou de leur faire
porter le voile blanc, tandis que les autres gardent le voile noir. L'ex-
périence a démontré que cette recommandation a sa raison d'être. Une
élève, en effet, qui se proposait de communier, pourra tout à coup sentir
des inquiétudes : c'est la pensée d'une faute qu'elle s'imagine n'avoir pas
bien accusée, ou encore peut-être une petite dissipation à laquelle elle
s'est laissée aller en se rendant à l'oratoire. Bien qu'en réalité il n'y
ait guère matière à se troubler, la pauvre enfant ne peut dominer ses
alarmes et elle se croit indigne de recevoir Notre-Seigneur. Mais comme
elle a le voile des communiantes elle a peur de causer de l'étonnement
en restant à sa place, et le respect humain la porte à suivre ses com-
pagnes en dépit des protestations de sa conscience.
Par ces différentes situations délicates que nous venons d'entrevoir et
par bien d'autres qui sont d'occurrence journalière, les maîtresses peu-
vent juger combien leur action sur les élèves en matière de communion
doit être toute de tact, de mesure et de discrétion.
Voilà quelques-unes des constatations que l'exercice du ministère dans
un couvent m'a permis de recueillir. En me laissant vous en faire part
vous avez pu, du moins j'ose l'espérer, suivre l'essor qu'a pris la pratique
de la communion fréquente dans nos pensionnats de jeunes filles, ad-
mirer las effets consolants qu'elle a produits et noter aussi les résultats
qui restent à obtenir. Si vous avez en plus trouvé quelque chose à re-
tenir dans les suggestions que j'ai eu l'honneur de vous soumettre, je
serai amplement dédommagé de ma peine. Je me réjouirai à la pensée
que la piété eucharistique de nos chères enfants du Canada contribuera
peut-être à accentuer chez leurs jeunes sœurs des autres pays le mouve-
ment vers le Dieu de nos autels.
— 351 —
Vœux
Et pour donner une conclusion pratique à ce rapport, je soumets au
XXIe Congrès Eucharistique International le vœu suivant :
1. Que l'on continue à promouvoir avec un zèle persévérant et éclairé
la pratique de la communion fréquente et quotidienne dans les pen-
sionnats de jeunes filles;
2. Qu'on s'applique sans cesse à obtenir de la sainte communion des
effets salutaires relativement à la piété solide, au développement du
sens chrétien, à la réforme du caractère et à la fidélité au devoir.
3. Qu'on travaille avec une ardeur particulière à combattre par la
communion la mollesse et la recherche des jouissances et à faire dispa-
raître ainsi le plus grand obstacle aux vocations religieuses.
* *
Tout le monde se rallie à cette conclusion du distingué rap-
porteur, et la parole est offerte à M. l'abbé Gronix, professeur
au collège de Valleyfield, qui doit nous parler de :
"LA PERSEVERANCE APRES LA SORTIE DU
COLLEGE, ET LA COMMUNIOÎJ "
Mon travail m'imposait comme préliminaire, une petite enquête sur
l'état de la piété eucharistique dans les patronages, dans les cercles,
dans la vie du monde. Je me suis efforcé de la faire avec tout ce que
la curiosité et la discrétion peuvent avoir de compatible. Je vous ap-
porte aujourd'hui le résultat de mes recherches, avec une tentative
d'explication de l'état de choses que j'aurai à vous signaler, et la propo-
sition timide de quelques remèdes.
Les constatations peuvent être réduites au nombre de trois: c'est pre-
mièrement — et de cela, je pense, chacun se doute un peu — une dimi-
nution notable dans les pratiques de piété, et particulièrement dans le
chiffre des communions, après la sortie du collège; c'est ensuite que
cette diminution s'opère d'ai)rès une loi presque rigoureuse, à savoir
que les pratiques de piété deviennent de moins en moins fréquentes, à
mesure que le jeune homme écliappant davantage à une réglementation
de ses actes, il organise lui-même sa vie religieuse: c'est enfin qu'il n'y
a rien dans les obstacles rencontrés par les jeunes gens, rien qui tienne
— 353 —
uniquement aux conditions du milieu, rien en conséquence qui soit vrai-
ment insurmontable et dont ne puisse faire triompher une éducation
virile et intégrale.
La communion quotidienne — ainsi en ont témoigné les jeunes gens
et les directeurs de groupes que j'ai pu entendre — est partout à l'état
d'exception — la communion hebdomadaire n'est le fait que d'un
nombre trop restreint; il en faut dire presque autant de la communion
mensuelle.
Au patronage, les communions sont encore nombreuses, bien qu'assez
souvent le jeune homme soit déjà pris par les exigences matinales du
travail quotidien. C'est que pour être en dehors du collège et de l'école,
le patronage demeure néarmioins comme un abri transitoire avant la
vie du monde. Les directeurs sont encore là et tout près pour donner
l'impulsion aux volontés hésitantes.
Dans les cercles de la jeunesse, et même de l'A. C. J. C. — en dehors
des collèges, bien entendu — les communions se font déjà plus rares.
Et c'est tout simple : dans les cercles, n'est-ce point la vie presque entiè-
rement libre? La direction comprend qu'il lui faut respecter l'auto-
nomie des individus : elle se fait plus discrète, elle n'agit que de loin.
Elle n'agit plus du tout dans la vie du monde. Les messieurs du
monde veulent organiser eux-mêmes leur vie religieuse — quand ils
l'organisent. Ils prétendent ne relever plus que de leur liberté, de
l'initiative de leur conscience, et dans ces conditions, il arrive — ce qui
doit arriver: la piété eucharistique perd encore quelque chose.
Et voilà comment, Messieurs, je me suis cru justifiable d'énoncer une
loi dont vous me pardonnerez la hardiesse, sinon l'apparence para-
doxale : chez nous plus l'on a de liberté, moins Von a de piété; ou pour
parler plus exactement, moins Von n'a d'exercices de piété.
II
Vous attendez une explication de cet état de choses.
Si l'on veut rendre compte d'une différence si profonde entre la piété
au collège et la piété dans le monde, il convient assurément de faire la
part des difficultés plus nombreuses et plus grandes. Mais si considé-
rable est la marge qu'il faut aller plus outre et trouver des raisons moins
superficielles. D'autant que le jeune homme de patronage, quoique
obligé au travail matinal, n'en reste pas moins capable de plus d'efforts
et de plus de régularité.
Le problème devient donc plus complexe si on le restreint au cas des
cercles de la jeunesse catholique comme à celui des catholiques d'action.
Voici des jeunes gens et voici des hommes qui mettent leur dévoûment
au service de la religion, qui croient à la nécessité de la vie pieuse pour
eux-mêmes et pour les autres, et néanmoins ces mêmes gens — en de-
hors d'une honorable majorité qui tend à s'accroître et que je ne mets
pas en cause — restent étrangement économes de pratique religieuse,
de l'i].«!age de la communion.
t-l
-: K
OQ
w _
ë ^
— 353 —
Quelle sera Texplication pleinement suffisante de ces illogismes de
doctrine et de conscience?
Messieurs, dès son entrée dans la vie du monde, un angoissant pro-
blème se pose au jeune homme : celui de l'insertion du catholicisme
dans sa vie. A l'école comme au collège, protégé qu'il était par l'âge,
par l'organisation extérieure de sa vie contre beaucoup de difficultés et
de passions, la religion lui avait paru d'une pratique relativement
facile. Les premiers contacts avec le monde ont bouleversé cette éco-
nomie. Une lutte tragique ne tarde pas à se livrer entre, d'un côté, les
intérêts et les passions juvéniles, et de l'autre, la foi en la vieille loi du
monde. La pratique de la religion apparaît gênante, hérissée de sacri-
fiices coûteux. Comptez en plus avec les objections plus captieuses et
plus redoutables qui se dressent sur sa route.
Encore que le problème ne se pose guère souvent sous l'aspect intel-
lectuel, il serait téméraire de nous dissimuler que notre jeunesse en doive
être de plus en plus tourmentée, à mesure que se fera plus lourde l'in-
fluence inévitable de l'atmosphère rationaliste.
Mais c'est surtout le problème moral qui préoccupe le jeune homme
de chez nous. Et pourquoi donc résoudra-t-il le problème, sinon toujours
contre sa foi et contre la loi morale, du moins très souvent contre le plus
grand nombre de ses anciennes pratiques religieuses?
Partageons, si vous le voulez bien, en trois catégorie?, selon la solu-
tion qu'ils donnent au problème, les jeunes gens dont le cas nous occupe.
C'est, en premier lieu, la catégorie infiniment plus nombreuse des
aspirants esprits forts, libres-penseurs en herbe qui dans l'orgueil de
leur première moustache ne se reconnaissent plus capables d'incliner
leur intelligence devant le credo de Pasteur et de Brunetière, de Bossuet
et de Pascal, de Thomas d'Aquin et des Pères de l'Eglise, et à l'instar
des jeunes Romains abandonnant leurs amis d'enfance avec la robe pré-
texte, se croient tenus de renier leur foi en dépouillant la défroque de
collégien. De ceux-ci nous n'avons rien à dire, si ce n'est que leur cas
ne saurait tout de même laisser insensible une âme de prêtre, et qu'il
faut leur offrir une cure moins intellectuelle que morale, à base de pu-
reté et d'humilité.
Bien autrement intéressant le groupe, très nombreux celui-là, des
jeunes hommes qui ont résolu de faire de leur vie autre chose "^ qu'un
commentaire en actions des chansons de Béranger et des poésies d'Alfred
de Musset," qui toutefois ne se soucient guère de donner une part pré-
pondérante dans leur vie à la religion, et cela va sans dire, aux exercices
de piété et à la pratique des Sacrements. Et la raison? Messieurs,
je ne vous livre ici que des confidences d'étudiants: dans la plupart des
cas, il faudrait, paraît-il, en accuser la formation religieuse. ^Si le jeune
homme sacrifie si lestement ses pratiques de piété, c'est qu'en face du
conflit dont je vous parlais tout à l'heure, ces pratiques il ne les a point
crues supérieures à la grandeur des sacrifices et au p<?ril des batailles
qu'il fallait accepter pour les défendre et les garder.
Il reste 1. groupe des apôtres, de ceux qui communient souvent, pas
12
— 354 —
autant néamnoiiis qirau collège, ni sans doute autant qu'ils le devraient
et qu'ils le pourraient. Ce n'est pas du tout, pour ces derniers, indif-
férence ou froideur, c'est très peu affaire d'inconscience; c'est un peu le
préjugé du temps perdu en dévotions trop nombreuses; c'est beaucoup
une imparfaite connaissance des conditions d'efficacité de la vie d'apôtre.
m
Mais déjà une évidente conclusion se dégage n'est-ce pas, de l'analyse
de tous ces faits? La recherche et l'examen du mal nous en aura con-
vaincus, Messieurs : s'il y a des remèdes, et si l'on peut en proposer
d'efficaces, il faut aller les demander à l'éducation. La fréquence de
la communion ne tient pas chez nous à une question de foi, mais à une
question de ferveur; ce n'est pas une question de conviction, mais de
degré, d'intégrité dans la conviction. Or la ferveur comme la convic-
tion intégrale, c'est l'école d'abord qui peut les préparer.
J^ous avons tous lu dans " La Barrière " de M. Kené Bazin, cette page
de psychologie poignante oii Félicien Limerel avoue à sa cousine Marie
qu'il croit, à certains symptômes, avoir perdu la foi de son enfance. Et
comme la noble et naïve Marie s'étonne :
" Comment se peut-il ? Toi, élevé dans un collège dirigé par des
prêtres? toi, élevé par eux?" — " Xon, instruil. ce n'est pas la même
chose,'' corrige sévèrement Félicien.
Instruire ! Elever ! Ce sont là plus que deux mots : ce sont deux édu-
cations, si toutefois l'une mérite ce nom. Et quand on voudra se rendre
compte du progrès ou de la décadence véritable dans un pays, il faudra
toujours. considérer laquelle de ces deux conceptions l'emporte dans les
théories comme dans les pratiques des maîtres.
Sans doute, il ne faut point accepter qu'on rende nos collèges seuls
responsables de la banqueroute des consciences et de tous les plongeons
de nos élèves. On n'a pas encore breveté que je sache, le système d'édu-
cation qui ait pu réussir à ne faire que des invulnérables, par une cris-
tallisation trop commode de la liberté morale en une sorte d'immobilité
déterministe.
Il n'empêclie que. si l'on fait attention à la complexité et à la
gravité du problème que, dans son éducation doit -résoudre un adolescent,
à l'impossibilité absolue où l'on se trouve entre douze et vingt ans de
diriger seulement ])ar soi-inêiiic. un travail si compliqué et si mystérieux,
à l'inefficacité par ailleurs trop ordinaire d'une direction générale qui
s'exerce à distance et sur la masse, il y a peut-être ]ie\\ do se demander
si, pour que les élèves touchent vraiment au succès, on leur apporte en
même temps (|ii(' des pi-iucipcs siirfisaiiiiticiit éclairés, uiu' direction qui
atteigne d'assez près les individus.
Si l'on nous permettait de dire tout le fond de notre pensée, nous
dirions qu'il conviendrait peut-être, (|uelles que soient la précision et
l'élévation de nos théories, de chercher s'il y a entre elles et leur mise en
œuvre, une parfaite et continuelle soudure.
— 355 —
Nous pourrions, après cela, examiner un peu l'éducation des diverses
facultés du jeune homme. Si, par exemple, dans toute question d'édu-
cation même religieuse, il y a une question de conviction, ont-ils vrai-
ment raison ceux qui nous demandent d'orienter nos méthodes vers une
conquête plus assurée de la virilité intellectuelle? D'aucuns ne vont-ils
pas jusqu'à prétendre que le verbalisme, le psittacisme qui sont la mort
des intelligences, seraient chez nous, pas plus qu'ailleurs, mais chez nous
autant qu'ailleurs, le défaut actuel de la formation des esprits ! La con-
viction, dans l'ordre naturel, est un produit de choix qui ne vient que
dans les terres fortes. Toujours elle suppose un cerveau d'une particu-
lière maîtrise, d'une active spontanéité, d'une large autonomie. Elle
ne s'impose pas; elle se propose et elle se conquiert. Et aussi, faute
pour la vérité de rencontrer des intelligences assez viriles, assez libérées
de la tyrannie du mot, est-il aisé à qui veut se permettre une petite en-
quête, de découvrir tout le placage intellectuel des prétendus convictions
de nos enfants ? Méritent-ils le nom auguste de convictions ces principes
et ces vérités qui flottent à la surface de l'intelligence comme des feuilles
mortes au fil de l'eau, et que le plus léger souffle emporte à la dérive?
Mais il y a mieux qu'une claire et solide intelligence pour assurer la
dignité et la continuité d'une belle vie : il y a le caractère et il y a la
conscience. Et ce serait peut-être une question de savoir si les capitu-
lards en piété ne manquent pas. plus que de toute autre chose, d'énergie
morale. On nous insinue parfois, Messieurs, que nous n'examinons
pas assez d'après les ressorts moraux de l'âme de nos enfants, que dans
l'appréciation de nos élèves, nous regardons trop à la note de conduite
quelconque plutôt qu'cà la valeur en or morale dont cette note devrait
être comme le carat. Et nous le savons, ce qui importe, ce n"e?t pas tant
le maximum de la note que les idées, les principes qui dirigent inté-
rieurement la vie des jeunes, les sentiments qui les échauffent et les sou-
tiennent, les habitudes et les attitudes de leur conscience en face du
devoir. Quoi que nous fassions, et quel (|ue soit le système d'éducation
par nous ])réconisé, c'est un principe inéluctable que la conscience du
jeune homme qui ne s'appuie point sur une forte synthèse morale, où les
actions ne sont point comme le prolongement naturel, habituel des
idées, où l'idée du devoir n'est pas directrice souveraine, est une cons-
cience vouée à tous les naufrages.
Et l'on ne nous reprochera point assurément de préparer ici. en ma-
tière d'éducation religieuse, un dressage assez peu surnaturel. Xous
maintenons toute son action au surnaturel qui est d'envelopper ou de
développer la nature, en sorte que le catholique inté.crral soit toujours
un type d'humanité supérieure.
Au reste, puisqu'on chuchote aussi contre l'éducation religieuse,
voyons ce qui en est.
Xous avons constaté tout à l'iieure que dans la mesure où il écbappe
à la direction, le catliolique de chez nous s'éloigne de ses anciennes pra-
tiques religieuses. Xe serait-ce qu'il y aurait dans la direct i<»n des
— 35G —
consciences une défectuosité? Qu'on n'apprendrait pas suffisamment au
dirigé à se passer de directeur? Non point en ce sens qu'il serait louable
dans les afl'aires de sa vie religieuse de ne relever que de soi et de ses
petites lumières. Mais encore faudrait-il qu'une direction, pour avoir
été efficace, eût rendu le dirigé capable de vivre de sa vie propre, l'eût
rompu à l'initiative personnelle, sans le besoin d'attendre toujours un
ordre ou un avis de son directeur pour aller à la messe ou faire une gé-
nuflexion.
Peut-être encore serait-il bon de surveiller mieux V éducation de la
liberté, d'habituer au sacrifice, à la spontanéité, en laissant libres cer-
tains exercices, en faisant plus d'efforts pour empêcher en vacances ces
ruptures si déplorables entre la conduite et les croyances, cet écart si
large entre les principes du collège et les pratiques d'alors. Les allures
de nos écoliers pendant les mois d'été, l'inconcevable volte-face qu'ils
semblent faire alors à tous leurs principes et à toutes leurs habitudes
devraient alanner profondément sur la nature de leurs convictions et
la fragilité de leur conscience, leurs maîtres les plus optimistes. Trop
souvent, l'expérience l'a démontré, les jeunes gens n'auront, devenus
hommes, d'autre fidélité à leur foi que celle qu'ils auront méritée et
acquise dès le temps du collège, par leurs sacrifices personnels à l'étudier
et à la pratiquer. Point d'espérance sérieuse à fonder sur le jeune
homme qui donne à sa religion les seuls sacrifices que lui arrache le rè-
glement collégial. Et le sacrifice, le dévouement, l'héroïsme même,
n'ayons point peur, de grâce, de les demander et parfois de les imposer.
Le plus grand tort comme le plus grand outrage qu'on puisse faire à la
jeunesse c'est d'oser ne point lui demander tout son cœur.
Si d'autre part la piété des jeunes gens ne semble ni intégrale ni vi-
vante, est-il au-dessus des efforts d'un bon enseignement et d'une intelli-
gente direction spirituelle d'obtenir que nos adolescents ne ramènent
plus la piété à ce qui n'en est que les exercices? qu'ils ne dénaturent
point la prière, l'usage des Sacrements, et en particulier de l'Eucha-
ristie jusqu'à les rabaisser à l'unique rôle de préservatifs? Ne pouvons-
nous espérer qu'ils ne jetteront plus par dessus bord, avec un si abomi-
nable geste d'insouciance, leurs pratiques de collège, le jour où nous
aurons appuyé peut-être davantage sur le devoir de reconnaissance et
d'amour à l'égard du Christ, sur les promesses de vie, de perfection et de
grandeur surnaturelles qu'emporte avec elle la réception de l'Eucha-
ristie? Tl faut leur faire sentir que le catholicisme est, avec son fond
surnaturel, tout ce qu'il y a de plus noblement humanisant, que s'il
entre dans une vie de jeune homme, il n'y devient pas que l'adversaire
des passions inférieures, mais encore et surtout l'allié de nos instincts
les plus nobles, qu'il s'y introduit comme un principe vivant et assimi-
lateur pour nous défendre sans doute, mais encore plus pour nous trans-
former, nous grandir, vivifier tous les germes supérieurs dont l'efferves-
cence surnaturelle fait la plus haute beauté et la plus sublime noblesse
de l'homme, parce qu'elle lui fait apparaître au front l'empreinte divine.
Cette persuasion s'emparera facilement du jeune homme apôtre qui
— 357 —
n'aura besoin, pour être plus avide de rEucharistie, que de réfléchir
qu'on ne répand point la vie autour de soi, si d'abord on ne la possède
soi-même intensivement. Toute vie extérieure ue vaut (.|ue dans la
mesure de toute vie intérieure. Sans une vie chrétienne profonde et
intense, toute action devient agitation. Et avant de prétendre remuer
les masses profondes du peuple, il importe à ceux qui ambitionnent de
jouer le rôle de levain spirituel de porter vraiment en eux le divin et
incoercible ferment.
IV
Vous le voyez, Messieurs, je n'offre point de recettes pour pousser
des jeunes gens à la Table Sainte après le collège. Des recettes, je n'en
ai point trouvé, et franchement je ne crois point et je ne souhaite point
qu'il y en ait. ISTos élèves ne continueront de communier et ne doivent
continuer de communier qu'entraînés par l'élan de la foi que, avec l'aide
de Dieu nous avons fait naître dans leurs âmes.
Ce n'est pas à dire que certaines organisations ne puissent soutenir
nos jeunes gens dans leur persévérance. L'expérience a prouvé qtie rien
n'est propre comme une charge d'âmes à rendre plus intense la vie reli-
gieuse. Une irrésistible logique, un fort sentiment de loyauté entraîne
l'apôtre à perfectionner son âme et à chercher pour son action humaine
un appui dans l'action divine. N"e sera-ce point dès lors travailler à la
diffusion de la communion, que d'organiser un ))eu partout, à la cam-
pagne comme à la ville, des groupes d'apôtres selon les vœux et l'esprit
de notre Association Catholique de la jeunesse Canadienne-française?
Le même esprit apostolique ne cessera d'animer nos patronages, puis-
qu'ils ne devront pas être une œuvre de préservation, mais d'abord et
toujours une école de formation, une caserne féconde d'où sortiront les
soldats et les chefs de l'armée catholique.
Je me demande aussi ce qui pourrait bien empêcher nos étudiants des
universités catholiques de foinner chez eux, comme leurs camarades de
Louvain, de Lille, de Paris, etc., des associations de l'Adoration eucha-
ristique, de la messe et de la communion quotidienne — associations où
l'on s'engage à payer de sa personne pour entraîner les autres.
Et enfin, puisque la transition du collège à la vie du monde ne s'ac-
complit pas sans danger pour les pratiques religieuses, pourquoi nos
maisons d'éducation ne s'efforceraient-ellcs point d'atténuer le trop
brusque de cette transition, en s'occupant davantage par exemple de di-
riger leurs élèves vers les cercles universitaires de l'A. C. J. C, ou encore
en imitant dans la mesure du possible l'initiative des ^lessieurs du Col-
lège d'Antoing. Ces Messieurs ont fondé un bulletin mensuel pour
demeurer en contact avec leurs anciens élèves, et les gauler fidèles aux
principes du temps du collège. Dans ce bulletin, les vieux et les jeunes
ont leur part de rédaction. Les vieux y parlent de leurs périls, do leurs
expériences, de leur persévérance: c'est une leçon d'énergie. T.es jeunes
y parlent de la vie du vieux collège, de leurs aspirations fraîches et
pures, des idéals qu'il ne faut point trahir: c'est une leçon de réconfort
et d'enthousiasme. Quelques-uns de nos collèges possèdent déjà ce
— 358 —
bulletin. Qui sait s'il ne serait pas i^ossible de le transformer un peu
et d'en faire, à Tusage des anciens élèves, un Bulletin de persévérance?
Il reste un dernier mo}x>n, Messieurs. Et ce sera pour tous les
prêtres qui célébreront demain, d'emporter dans leur cœur, à l'heure du
Sacrifice, le souvenir de toute la jeunesse canadienne. iSTous, ses éduca-
teurs et ses meilleurs amis, nous prierons tous ensemble, n'est-ce pas,
pour qu'elle apprenne à mieux connaître le don de Dieu. Quand les
jeunes auront gravi avec le prêtre les degrés de l'autel, ils auront la force
de gravir seuls les degrés de la Table Sainte.
Vœux ;
1° — Que les éducateurs de la jeunesse préparent la persévérance
future des jeunes gens confiés à leurs soins, en leur donnant, dès le coU
lège, une formation virile basée sur la conviction et l'esprit de sacrifice;
2° — Qu'on habitue la jeunesse à voir dans la Communion un acte
vivant, viril, ennoblissant, et non une simple pratique de piété;
3° — Que l'on fonde pour la jeunesse, à son entrée dans la vie du
monde, des associations, patronages, cercles dont le but principal sera
le maintien des convictions reçues au collège et la pratique religieuse
poussée jusqu'à la communion fréquente.
Une autre question qui préoccupe beaucoup les éducateurs
■de la jeunesse c'est la persévérance des enfants durant les va-
cances. C'est le sujet que va traiter M. l'abbé Camirand :
'LA COMMUNION DES ENFANTS PENDANT LES
VACANCES "
Les enfants et les jeunes gens qui sont dans les différentes maisons
d'éducation de notre pays, nous donnent, pendant l'année scolaire, le
spectacle bien édifiant de la communion fréquente et quotidienne, et
cela pour le plus grand nombre d'entre eux. (Certes, la parole de notre
auguste Pontife a été cntciuluc sur cette terre canadienne, et nulle part
ailleurs, peut-être, le clergé n'a répondu à son appel avec un zèle plus
empressé. Aussi, avons-nous déjà récolté une abondante moisson, riche
des plus douces consolations. Mais il faut le dire, si l'âme du prêtre
et de tout chrétien (|ui aime son Dieu et son pays, éprouve une joie
bien grande quand elle voit ainsi la fleur de notre jeunesse se nourrir,
tous les matins, du pain des forts, si elle se prend à espérer que plus
tard, CCS jeunes gens sauront n'user dos choses d'ici-bas que dans la
mesure nécessaire pour acquérir celles de l'éternité — nouveaux soldats
— 359 —
de Cédéon, qui marchant vers le combat, ne ployèrent pas le genou en
terre, mais se contentèrent de prendre dans le creux de leur main un
peu de l'eau du torrent, — elle se sent remplie de crainte quand elle voit
ces mêmes jeunes gens partir joyeux pour le temps des vacances. C'est
que, en effet, un bon nombre de ceux qui, au collège, étaient fidèles à
une pratique de piété, la plus utile de toutes et même moralement né-
cessaire pour plusieurs, abandonnent cette pratique pendant les jours
de liberté, et après deux mois d'absence, leur âme est moins belle, leur
volonté moins disciplinée, un trésor de bonnes dispositions, d'énergies
et de mérite est perdu.
Cet état de choses nous afflige profondément et nous cherchons un
moyen d'enrayer ce mal. Comment, en effet, pourrions-nous ne pas
nous intéresser à ces jeunes gens, lorsque Jésus lui-même appelait à lui
les petits enfants pour les embrasser et regardait doucement le jeune
homme qu'il aima perce qu'il était bon, lorsque notre chef vénéré, Pie
X, leur réserve ses plus tendres sollicitudes, (1) et fonde sur eux ses
espoirs les plus fermes et les plus consolants. Oui, à l'exemple de Jésus
et de Pie X, nous les aimons aussi ces jeunes gens, car ils sont bons;
nous les aimons car ils sont les soldats pour la lutte de demain qui se
prépare rude et décisive ; nous les aimons parce qu'ils sont l'espérance
de l'Eglise et de la société.
D'ailleurs, n'est-ce pas sur la jeunesse que semblent se concentrer, en
grande partie, les efforts de l'erreur? c'est donc vers elle que nous de-
vons aussi orienter notre zèle de fils dévoués de l'Eglise, car non moins
que nos ennemis, nous savons que celui qui possède la jeunesse est
maître de l'avenir.
Dans le monde on se plaît à répéter, et avec raison, que les succès
appartiennent à l'organisation. Aussi pondant que sans cesse et par-
tout, les partisans du mal jettent leurs filets pour surprendre, enlacer et
corrompre la jeunesse, pourquoi les ouvriers du bien n'auraient-ils pas
(1) Voici les belles et nobles paroles que le Pape a-lressait, en 1908, aux étu-
diants catholiques des universités italiennes : " J'éprouve donc une vive ronso-
" lation de vous voir, ô chers jeunes gens, vous qui avez l'a.çe des nobles senti-
" ments, des généreuses actions, des splendides victoire-. Représentant de Jésus-
" Christ, qui trouvait ses délices dans la jeunesse; comme lui rcfrardant nn
" jeune homme : intuitus eum dilexit illum, ainsi moi, vous regardant, je sens
"le besoin de vous dire que je vous aime et que j'apprécie votre courage. \ ous
"devez donc me regarder non seulemnt comme un père, mai? comme un frère et
"un tendre ami. Pour cette raison, je m'approprie les paroles de rapôtre bien-
" aimé du divin Rédempteur, qui écrivit aux jeunes gens : i^criho robis juvenes,
" qvoniam fortes csti^S', et verbum Domini manet in vobis. et vicifitis T>inh;num
" (I Jean TI). Sovez forts pour garder et défendre votre foi alors que tant la
" combattent et la "perdent : soyez forts pour garder la parole de Dieu et la ma-
"nifester par les œuvres, alors que tant d'autres l'ont chassée de leur ilme;
" soyez forts pour acquérir la vraie science et pour vaincre les obstacles que vous
" rencontrerez quand vous voudrez agir en faveur de vos frères.
"N'avez pas peur qu'on veuille vous imposer de graves sacritices. vous d
" fendre des distractions licites. On veut seulement vous rendre vraiment cb
"votre âge. qui est celui des belles espérances, rendre splendide votre carrK^re
" afin qu's^ l'automne de votre vie vous puissiez en goûter U-^ fruits dont les
" fleurs de votre printemps sont le présage.
dé-
er
— 360 —
eux aussi leur organisation serrée et ne jetteraient-ils pas leurs filets
eucharistiques ?
Or, si nous voulons que nos enfants répondent à nos espérances quand
ils seront laissés à eux-mêmes sur l'âpre chemin de la vie, si nous vou-
lons qu'ils soient une valeur sur ce champ de bataille qui est le monde,
où l'on n'a plus à croiser le fer pour défendre son Dieu, mais oii il faut
résister au choc des idées malsaines, se tenir debout dans un conflit de
doctrines et de tendances diverses et opposées, où la vie chrétienne in-
tense et passée à l'état d'habitude est la seule cuirasse qui puisse pro-
téger le soldat, il faut de toute nécessité qu'ils apprennent, ces enfants,
à devenir et deviennent de fait des communiants, car ne compteront et
ne seront soldats demain, que ceux qui observeront la discipline du chef.
Ainsi l^a jugé Pie X.
Aussi nous avons entendu l'invitation pressante et toute débordante
d'amour, par laquelle le chef de l'Eglise, le vicaire du Christ, convie nos
enfants et notre jeunesse à la Table Sainte. Il veut les former, ces
enfants, à une école de vertu et de force. Que pouvons-nous faire pour
entrer plus efficacement dans l'accomplissement de ses desseins; que
pouvons-nous faire pour que, après avoir suivi fidèlement Jésus pendant
dix mois, nos enfants ne s'en éloignent pas pendant les jours de va-
cances ? Telle est la question qui se pose et tel est le problème que nous
avons à résoudre.
Nous allons d'abord exposer les causes du mal et ensuite nous indi-
querons les remèdes.
1° — Les causes du mal.
Nous voyons trois principales causes de cette différence entre le
nombre de communions faites par nos élèves pendant l'année scolaire
et pendant les vacances :
1. — Le milieu dans lequel vit l'enfant pendant les vacances.
2. — L'absence d'une préparation à faire pendant l'année de collège.
3. — Le caractère et la nature même de l'enfant.
(a) Le milieu. — Je ne veux pas ici généraliser d'une manière
absolue, mais indiquer seulement un certain nombre de cas qui se ren-
contrent en difierents endroits et qui ont été signalés par des prêtres
éducateurs de la jeunesse.
Considérez dans quelle position difficile se trouve parfois un enfant
pendant ses vacances.
Il est jeté brusquement en dehors d'un milieu où tout l'édifiait et l'in-
vitait à communier: règlement, confrères, supérieurs, bons exemples,
pieuses exhortations, tout, au collège, lui créait une atmosphère favo-
rable.
Suivez-le maintenant dans sa ville, dans sa paroisse, et jusque dans sa
famille.
— 361 —
Très souvent, tout est cliangé, même dans beaucoup de nos familles
chrétiennes. L'atmosphère est devenue lourde et n'a plus ce parfum de
piété qui l'invitait là-bas, à s'approcher souvent de la Sainte-Table.
Chez ceux avec qui il est en contact, il trouve une indifférence regret-
table pour tout ce qui a trait à la communion fréquente. Les siens,
ceux-là même <jui devraient l'édifier, son père, sa mère, ses frères, ces
sœurs ne sont pas familiarisés avec cette pratique, et avec les amis de la
famille, avec les fidèles de l'endroit, ils sont habitués à envisager la fré-
quentation de la Sainte-Table comme une pratique qui doit rester
étrangères aux gens du monde. Il y a ici un premier obstacle. L'enfant
est obligé de faire ce que les siens et les autres ne font pas. Il est seul
pour défendre ses idées, seul pour se soutenir dans ses résolutions. Seul
pour résister à l'influence du milieu, il n'aura pas la force d'aller com-
munier. La peur de se singulariser, un peu de respect humain, la fai-
blesse naturelle, ont vite ébranlé ses résolutions et l'amènent à adopter
une ligne de conduite toute différente de celle qu'il s'était proposé de
suivre.
Mais il y a plus que cela, dans certaines familles.
Dès son arrivée du collège, l'enfant manifeste le désir d'assister à la
sainte messe tous les matins afin d'y faire la sainte communion, et pour
cela il demande qu'on l'éveille à une heure régulière, qui est celle de la
messe. A cette demande, on répond: "Mon enfant, tu es fatigué, tu
es en vacances et tu as besoin de repos, demeure au lit et dors bien aussi
longtemps que tu pourras." "D'ailleurs, tu en fais assez de commu-
nions pendant Vannée," ajoutent les uns. D'autres, conservant toujours
l'esprit d'une formation dont le diable se réjouit beaucoup, ajoutent une
leçon de catéchisme à leur façon et font comprendre à l'enfant qu'iZ est
dange^-eux d'abuser de la communion qvÀind on la fait souvent, surtout
quand on est jeune." Il y a ici opposition directe et formelle.
Donc pour ne pas compromettre la santé de l'enfant, on se garde bien
de l'éveiller pour l'heure de la messe, ça serait cruel de le faire; ou bien
parce que l'on ne croit pas à l'efficacité et à la nécessité de la commu-
nion, on persuade à l'enfant qu'il est mieux pour lui de s'en passer, ou
du moins qu'il n'en souffrira aucun dommage. Et la douceur du lit,
unie à la douceur de l'invitation des parents et à la force des arguments
donnés, obtient une victoire facile: l'enfant dort et oublie ses résolutions.
L'influence regrettable du milieu peut se présenter sous une autre
forme.
Sous prétexte que l'enfant a bien travaillé pendant l'année et qu'il
mérite une récompense, ou bien simplement parce que les vacances doi-
vent être agréables, ou encore par négligence et bonasserie, les parents
ne se préoccupent guère de distraire leurs enfants par un travail hon-
nête ou par des amusements l)ien en rapport avec leur état. En agissant
ainsi, ils méconnaissent leur rôle de protecteurs et de gardiens, ils accor-
dent trop de liberté, ils manquent de surveillance et sont ainsi cause de
l'éclosion de mauvais penchants dans cette jeune nature ; en somme ils
engagent, ils poussent leur enfant vers un genre de vie (jui s'accommode
mal avec la communion fréquente.
— 362 —
Souvent encore le mal vient de ce que Tenfaut appartient à une de
ces familles qui jouissent d'une certaine aisance, et pour cjui les vacances
sont, avant tout, un temps de distractions, d'amusements, de parties de
plaisirs, de villégiature, de mondanités diverses. Pour mieux jouir du
repos on va demeurer à la campagne, loin des villes et souvent aussi, loin
des églises. Dans ces familles, tous les jours les veillées se prolongent
jusqu'à une heure assez avancée, et le matin on dort jusqu'à une heure
plus avancée encore. L'enfant vit ainsi dans une atmosphère plus ou
moins saturée de mondanités, et soit à cause de l'éloignement de l'église,
soit surtout à cause du régime de vie aucjuel il est soumis (le sommeil
du matin étant devenu une nécessité), il trouve au sein de sa famille
une pierre d'achoppement pour sa piété, et ses résolutions de communion
fréquente sont abandonnées.
Mais la cause qui, pour le plus grand nombre des enfants de nos
maisons d'éducation, explique ce changement d'habitude dans la pra-
tique de leur vie, c'est la distance qui les sépare de l'église.
Pour la quasi totalité de ceux-ci, la communion sur semaine est régu-
lièrement impossible. Ils pourraient la faire les dimanches et les jours
de fête, mais ici encore les difficultés sont nombreuses, car dans les cam-
pagnes il n'est pas toujours facile de se rendre à l'église dès l'heure ma-
tinale. Ce qui est pratiquement possible, presque toiijours du moins,
c'est de s'y rendre une demi-heure ou un peu plus avant l'heure de la
grand'messe, mais alors, nouvelle difficulté. Pourront-ils recevoir la
communion lorsqu'elle a déjà été distribuée une ou deux fois aux per-
sonnes qui résident dans le voisinage de l'église? Le curé ne peut pas
attendre tous les retardataires, et puis est-il bien convenable d'ouvrir
ainsi le tabernacle pour chacun qui se présente?
(b) La préparatio7i. — Peut-être aussi que l'enfant ne laisse pas le
collège avec une préparation suffisante, parce que pendant l'année l'on a
négligé de le foiTner, et à la veille des vacances, on ne lui a pas fourni
des armes, on ne l'a pas prémuni contre les dangers qui l'attendaient.
(c) L'enfant lui-même. — Cependant, la volonté de l'enfant, il faut
bien l'avouer, bien qu'elle puisse être aidée et soutenue, dépend aussi de
lui-même, et elle n'est pas toujours disposée à faire les petits sacrifices
nécessaires pour continuer, pendant les vacances, l'œuvre commencée
au collège.
Chez les uns il y a une négligence, une apathie naturelle, ime absence
d'ambitions nobles, une légèreté qui les empêchent de profiter des cir-
constances qui leur rendraient facile la pratique de la communion fré-
quente pendant les jours de repos. Pour d'autres, rol)stacle vient de
mauvais compagnons. Oh ! combien de fois, j'ai entendu cette parole
navrante: "Mon père, j'ai été entraîné par un mauvais compagnon!"
Et l'histoire de sa vie démontrait que ce mauvais compagnon, ce démon,
était revenu souvent à la charge et avait tenu ca^ptif dans des chaînes
honteuses cet enfant f|ui sans cela aurait conservé son cœur pur.
— 363 —
L'obstacle à la communion fréquente, c'est enfin la jeunesse avec ses
entraînements et ses passions. 11 en coûterait trop de se gêner à ce
point. On ne comprend pas le danger auquel s'expose un Jeune homme
qui volontairement s'éloigne du chemin de la vertu. On remet à plus
tard les efforts qui peuvent assurer une victoire présente.
2" - — Les remèdes au mal.
Le premier remède à employer, le plus pressant et le plus important,
c'est celui qui consiste à préparer un milieu à l'enfant pour le temps des
vacances. C'est une vérité incontestable que c'est au prêtre qu'il appar-
tient de former la jeunesse et de diriger le monde moral. Mais dans
cette œuvre de formation, il y a une influence avec laquelle le prêtre doit
compter, car elle est une force à laquelle on résiste difficilement et
contre laquelle viennent souvent se briser et s'évanouir tous les efforts
pour la formation de la jeunesse et la direction des âmes, je veux parler
de la famille. (1)
La famille est le milieu dans lequel vit l'enfant; or nous connaissons
l'influence du milieu. Elle n'est pas négligeable pour ceux qui ont un
caractère déjà formé; pour l'enfant elle est plus considérable encore,
parfois même décisive pour toute une vie. Partout où il se trouve,
l'enfant fait ce qu'on l'invite à faire, et sa conduite n'est ordinairement
que la reproduction de ce qu'il voit faire ou entend de la part de ceux
avec qui il vit. Or, quand ceux avec qui il vit sont des personnes qu'il
respecte et qu'il vénère, sont les auteurs mêmes de ses jours, jugez de
l'influence du milieu. N'est-ce pas qu'elle sera décisive, irrésistible?
Il faut donc assurer à l'enfant un milieu favorable pour le temps des
vacances. Même, nous le disons avec ime conviction fondée sur le té-
moignage unanime et concordant de tous ceux qui s'occupent de notre
jeunesse étudiante, pendant le temps des vacances: le succès de l'œuvre
(1) Ce n'est pas le prêtre qui agit le premier sur ronfant. s'empare de son Ûme
et commence son éducation. Ce n'est pas lui qui par la parole et par l'exemple,
agit le plus puissamment et le plus constamment sur l'enfant. Ce n'est pas lui
qui est chargé d'orienter sa vie en gouvernant les premiers essais de sa destinée.
C'est la famille. Elle est sa première école; c'est la qu'il recueille les premières
leçons et qu'il reçoit les premiers exemple?. Elle e-;t même la seule pend;int
quelque temps, et pour le reste du temps, qu'elle le veuille o\i non. elle continue
a exercr son influence, h côté, au-dessus, parfois même :"\ l'inverse de l'autre, sur
laquelle elle a l'immense avantage de venir avant elle. Et vous savez le mot fi»
souvent cité d'Horace -. Quo semel est inibuta recens servabit odorem testa diu.
Les éducateurs qui ont il lutter contre les tares de famille et contre la tyrannie
de leur atavisme, ou contre l'influence d'une éducation première mal comprise,
savent très bien ce que cela veut dire.
C'est donc la famille qui apparaît comme arbitre suprême de la destinée des
enfants ; c'est chez elle qu'il faut cherclier le secret de leur avenir. C'est aux
parents que Dion a confié de première main, l'avenir des enfants ; l'école ne vient
qu'à titre d'auxiliaire et de tuteur subrogé, pensée que 'M>xr Couraud a rendue
d'un mot très expressif et très heureux -.l'avenir des enfants est au coeur des
parents. (Enseignement chrétien, lî)10, p. 7).
— 36-i —
que nous poursuivons dépend de Vatmosphère dans laquelle vivra l'en-
fant au sortir du collège. Si en quittant le collège l'enfant trouve dans
la famille des exemples comme il en avait pendant Tannée, si quelqu'un
est là pour le surveiller et lui donner des conseils, la transition sera
presque sans effet sur lui.
Or, cette atmosphère, ce milieu familial, vie et salut de l'enfant, c'est
le prêtre dans le ministère paroissial, et lui seul, qui le préparera, qui le
créera s'il le faut. Le curé de la paroisse sera donc le premier ouvrier
qui dépensera ses forces pour assurer la communion fréquente des
enfants pendant le temps des vacances.
Pour préparer ce milieu, il faut d'abord former l'esprit de nos popu-
lations, ce qui est un travail considérable. Nous savons que ce travail
a déjà été généreusement entrepris, mais personne n'en doute, il reste
encore beaucoup à faire. Cependant il sera relativement facile de donner
un complément et une pleine efficacité à ce travail, car nous pouvons le
dire avec un profond sentiment de joie et même de fierté nationale, nos
populations ont été conservées bonnes, grâce à la vigilance et à l'action
du clergé canadien, et aujourd'hui elles sont bien préparées, elles sont
prêtes à recevoir cette nouvelle et divine semence de la communion quo-
tidienne, que notre Pontife bien-aimé nous demande d'y jeter à pleines
mains. Nous posons en principe que la paroisse sera ce que la fera le
Curé, et déjà pour illustrer ce principe nous avons des exemples nom-
breux. Nous connaissons plusieurs paroisses où le Curé, avec un zèle
infatigable, s'est appliqué à propager la communion fréquente et quo-
tidienne, en employant la méthode intensive que signifient ces mots du
décret de 1905: Crebris admonitionihus multoque studio. . . . rappelant
à tous et avec soin les dispositions nécessaires mais suffisantes pour com-
munier avec fruit, et répondre ainsi au désir ardent du Cœur de Jésus.
Il a fait connaître et apprécier les immenses trésors du saint sacrifice
de la messe; il a pressé ses paroissiens de ne pas négliger ce trésor qui
est à leur disposition, et leur a proposé que, au moins un ou deux mem-
bres par famille assistassent à la sainte messe chaque jour; il leur a fait
comprendre que selon l'esprit de l'Eglise, sacrifice et participation au
sacrifice ne doivent jamais être séparés, et d'avance il a réfuté les raisons
futiles et détruit les vains prétextes que l'on se donne pour négliger l'un
et Fautre.
Aujourd'hui, dans ces paroisses, l'on communie. Les vains scrupules
ont disparu et la famille est devenue un des milieux les plus favorables
pour l'enfant en vacances. Il y a là un père et une mère qui aiment la
communion fréquente et y encouragent leurs enfants, car ils en ont
compris la souveraine importance ou mieux la nécessité. Il y a de plus
des frères et des sœurs qui assistent à la sainte messe tous les jours et y
font très souvent la sainte communion. En un mot, il y a des conseils
et des exemples, et chose très consolante, l'enfant qui y passe ses va-
cances communie comme pendant l'année. C'est vraiment le cas de
rappeler ces paroles de saint Pie V:"^ Qu'il y ait de bons confesseurs et
ce sera la reforme complète de tous les chrétiens."
Dans notre cas donc, il faut que par la voix du prêtre, les parents
— 365 —
soient bien instruits sur leurs devoirs envers leurs enfants. Ils doivent
seconder le prêtre dans ses efforts, surveiller leur enfant pendant les
vacances, le diriger par une sage discipline et une régulière distribution
de son temps, car rien ne lui serait plus funeste que de l'abandonner à
lui-même, à ses caprices, aux inclinations de sa nature. Trop de liberté
amènerait chez lui, et à courte échéance, la ruine morale. Pendant
l'année, l'enfant a travaillé, il est un peu fatigué, c'est vrai, mais la
conclusion est-elle qu'il ne peut, qu'il ne doit pas se lever le matin pour
assister à la sainte messe? Il semble bien que ce sont là des prétextes
invoqués par un amour mal entendu et qui cachent presque toujours un
manque de piété et de foi.
Non, ce n'est pas causer un dommage à la santé de l'enfant que de
l'éveiller le matin pour qu'il assiste à la messe et y communie selon sa
dévotion. Si l'enfant se lève à une 'heure raisonnable, après s'être
couché de même, sa santé n'en sera que meilleure, car un sommeil pris
à des heures régulières et un lever qui évite la mollesse du matin, cons-
tituent une des meilleures lois de l'hygiène physique et morale.
Grâce à ce travail, nous avons vu des parents comprendre leur devoir
vis-à-vis de leur enfant et devenir un aide puissant pour le Curé. Au-
jourd'hui, ils secondent ses efforts et complètent son œuvre. Ils sont
convaincus que leur enfant allant baigner les premiers instants de sa
journée dans l'amour et le sang de Jésus, sera une joie pour toute la
famille; ils sont débarrassés des fausses idées relativement à la commu-
nion fréquente et se gardent bien d'invoquer comme arguments la
légèreté et l'irréflexion du jeune âge ou le danger des abus; ils n'osent
plus dire à l'enfant qu'il en a assez fait pendant Tannée et que Dieu ne
lui en demande pas autant pendant les vacances ; ils comprennent que
c'est le Pape, que c'est Jésus lui-même qui invite les enfants à venir à
lui, disant à tous: Laissez-les venir à moi, je les aime et je les veux em-
brasser.
Loin de se montrer indifférents ou de détourner leur enfant de la
Sainte Table, ils le pressent doucement de s'en approcher, et l'amènent
eux-mêmes à Jésus. Le régime de vie a été changé en grande partie,
le reflet de mondanité a fait place à un esprit profondément religieux,
et ceux dont la fortune le permet prennent encore les moyens pour
passer d'agréables vacances, mais tout en s'éloignant un peu des villes
pour respirer l'air pur des campagnes, ils aiment à choisir un endroit
près d'une église ou d'une chapelle, afin que la distance ne devienne pas
un obstacle pour ceux de la famille (lui aiment à communier .souvent.
En ceci, rien d'étonnant, quand on se rappelle que Jésus peut toujours
subjuguer les cœurs et en renouveler l'esprit, et qu'il n'est pas plus dif-
ficile de soumettre ces familles au joug doux et suave de la vie cliré-
tienne, qu'il ne le fut autrefois de faire pénétrer l'esprit de sacrifice et
d'abnégation dans les milieux païens et jusque dans les familles des
puissants de la Konie des César et des Xéron.
Cependant le prêtre, dans le ministère, n'a pas encore satisfait à tonte
l'étendue de son devoir quand il s'est efforcé île pi-éparer à l'enfant un
— 36G —
milieu eucharistique. 11 importe en effet de le remarquer, cette in-
fluence du milieu n'aura pas sa pleine efficacité, ne recevra pas sa per-
fection et son complément, si le curé ne porte ■ pas personnellement à
l'enfant, pendant ses vacances, un intérêt particulier. Je dis même que
si son zèle ne va pas jusque là, les premiers efforts déployés dans l'ac-
complissement de ses devoirs, ne seront pas suffisants pour faire porter
des fruits abondants.
Nous prêtres, nous sommes les coadjuteurs de Dieu dans le monde,
et quand il s'agit de former cette classe d'élite, ces citoyens intègres qui
devront diriger la société et protéger les droits imprescriptibles de
l'Eglise, le curé dans sa paroisse a sa très large part de travail à faire.
De concert avec ceux q.ui se dépensent dans une maison d'éducation, il
doit faire, de la jeunesse surtout, l'objet particulier de son zèle, pendant
le temps des vacances, puisque tous l'admettent, cette époque est sou-
vent désastreuse. Or, pour donner à la jeunesse cette attention parti-
culière et être vraiment un prêtre selon le cœur de Pie X, il faut qu'il
trouve des moyens pour multiplier son action et assurer son influence
auprès d'elle.
Le temps est venu où pour conserver le précieux héritage de foi que
nous avons reçu de nos pères, il nous faut le disputer à un ennemi qui
est à nos portes, que dis- je, qui est au milieu de nous. Pour que les
avantages soient de notre côté dans cette lutte, il faut nous préparer
des influences puissantes et des dévouements généreux; pour cela
sachons nous-mêmes nous dévouer sans compter. (1)
Vous donc qui avez la charge des âmes dans une paroisse, si en outre
de votre action auprès des parents, vous vous appliquez à connaître l'en-
fant de nos collèges pondant ses vacances, si vous l'attirez à vous en lui
témoignant de l'intérêt, si vous l'engagez souvent à être fidèle à ses pra-
tiques de piété, si, selon les circonstances, vous lui parlez de ses devoirs
et un peu de son avenir, s'il comprend, s'il sent que vous l'aimez pour
son Ame et par amour pour l'Eglise et le sang de Jésus, en un mot, si
vous vous appliquez à le diriger en gagnant d'abord sa confiance, il est
(1) Xe dites donc jamais : j'ai fait mon devoir, maintenant advienne que
pourra, je demeure tranquille. .Te serais tenté de répéter ici cette parole qu'un
apôtre adressait un jour auv prêtres de son pays : " J'ai fait mon devoir. Oh !
" cette parole n'est pas de l'Evangile. Jésus-Christ même n'a pas parlé ainsi de
" ses bourreaux. J'ai fait mon devoir ! qu'est-ce que cela ? Le devoir c'est si
"froid, c'est glacial comme la terre. Aujourd'hui ne calculons pas tant, agissons
" davantage. Que l'on forme les jeunes prêtres à la science et à la parole, mais
" aussi qu'on les forme il l'action. Le monde nous dit : Vous êtes prêtres et
" vous tenez la France dans vos mains, voiis avez jusque dans le dernier village
" un lionime instruit ; si vous saviez, si vous vouliez, vou^s pourriez nous écraser.
" Eli hicn ! sachons et voulons, non pour écraser qui que ce soit. Dieu nous en
"garde ! mais pour essayer de les sauver tous. (Abbé Mullois, Industries du zèle
'sacerdotal, t. T, C. I, p. 6) "Nous pourrions peut-être rappeler ici l'opportunité
de ces paroles de Léon XIII, dans son Encyclique aux Evêques d'Italie, le 8 dé-
cembre 1902 : "Nous désirons que vers la fin de leur éducation dans les Sémi-
"naires, les aspirants au sacerdoce soient instruits comme il convient, des do-
" cuments pontificaux concernant la question sociale et la démocratie chré-
" tienne." L'Abbé J. Tuntes a traité cette question dans deux tracts de l'action
populaire.
— 36; —
à vous et nous ne craignons plus pour lui. Tous le verrez à la Sainte
Table souvent pendant la semaine, et votre récompense sera d'avoir
fortement contribué à faire un grand chrétien.
Et pour dire toute notre pensée, pourquoi, dans l'intérêt de Fœuvre
que nous poursuivons, ne nous serait-il pas donné de voir partout ce
que nous constatons déjà en plus d'un endroit. Les élèves étudiants
pourraient avoir des relations plus fréquentes avec le curé, qui pour
exercer sur eux une surveillance et une influence plus efficaces, les in-
viterait quelquefois à prendre un repas au presbytère, et saurait
organiser de petites réunions d'amusements auxquelles seraient invités
tous les élèves de la paroisse. 11 y a là un excellent moyen pour le pas-
teur, de multiplier son action bienfaisante dans la paroisse et surtout
auprès des jeunes gens. (1)
De plus, une union intime et sacerdotale entre les prêtres de l'ensei-
gnement et ceux du ministère devra produire les meilleurs résultats au
au point de vue qui nous occupe. Les premiers pourront communiquer
aux seconds des renseignements utiles et réciproquement. Ceci aurait
pour effet de réchauffer le zèle de tous, et de mettre en lumière les diffé-
rents moyens d'action auprès de la jeunesse. Pour entretenir ces bons
rapports, les prêtres de l'enseignement pourront profiter du temps des
vacances pour visiter les curés et les élèves eux-mêmes. 11 est certain
que ces derniers seront touchés de l'intérêt qu'on leur porte, et par con-
séquent encouragés dans leurs bonnes résolutions.
Comme conclusion, nous croyons que grâce à l'action des curés et des
parents, il est possible (|ue les vacances soient vraiment pour nos élèves
des jours de repos passés dans la pratique de la vertu. Ceux donc qui
demeurent dans le voisinage de l'église seront l'édification de tous par
la fréquentation de la Sainte Table, et si quelques-uns étaient pressés par
le travail ou les occupations, ils seront moins longtemps dans l'église,
mais ils ne se priveront pas pour cela de la divine nourriture, car quand
on est pressé ou en voyage, on reste moins longtemps à table, mais on
ne se prive pas ])our cela de manger.
J'arrive à la question de la distance de l'église. Xous sommes ici
dans le Xou veau-Monde. Xotre pays s'étend entre les deux océans qui
donnent à 1,500 lieues de distance l'un de l'autre, et la population ost
loin d'être aussi dense que dans la vieille Europe. Il y a, répandu dan?
nos campagnes, un peuple actif et laborieux qui fournit à nos collèges
(1) N'oublions pas que dans cf> travail do snrvoillaiicp et (rcnc<)\na«roniPiit. le
curé pourra, avec avantage, mettre A profit le zèle et l'intelli.i.'eiie(" de s..n vicaire.
Ce dernier, en effet, comme tout prêtre de Dieu, aime les Ame-, et son A.L'e rel.ti-
vement peu avancé, lui permet de consacrer aux œuvres qu'il entreprend, un^ phi-^
gra-nde somme de travail et <le dévoilement. S'il est en même temps directeur
d'un cercle de jeunes gens. A.C'.J.C. on autre. A ce titre encor.' il i.oiirra ren. re
de grands services i\ notre cause, non seulement en protégeant 1 enfant. i>ar des
eus nue lui suggérera son zèle, contre toute influence mauvaise et en le sr.u-
int dans ses résolutions, mais encore en l'intéressant aux affaires du c-r.de.
moy
tenant
Q
GS
près des deux tiers de nos élèves pour renseignement secondaire, et ces
élèves, pendant les vacances, se trouvent séparés de l'église par une dis-
tance qui varie de deux à cinq et même à huit milles. Pour eux, il y a
généralement impossibilité physique de venir très souvent à l'église,
mais, remarquons-le bien, tout n'est pas dit quand on a prononcé ce mot.
Si l'enfant de nos braves familles de cultivateurs manifeste le désir
de faire souvent la sainte communion, et si les parents qui ont conservé
la vieille foi des ancêtres, ont été formés par le pasteur selon l'esprit de
Pie X, l'on verra, n'en doutons pas, l'enfant s'approcher souvent de la
Table Sainte, et cela malgré une distance parfois considérable. (1) Je
n'en veux pour preuve que le fait suivant: Il y a telle paroisse que je
connais, où le curé s'est appliqué avec zèle à former l'esprit de sa popu-
lation à la communion fréquente. Aujourd'hui les familles éloignées
de l'église se rendent au village parfois les jours de semaine, mais Bur-
tout les dimanches et les jours de fête un peu avant l'heure de la grand'-
messe, afin d"y faire la sainte communion. Cette paroisse est formée
d'une population rurale, le village est composé de quelques maisons
seulement, et cependant chez ces rudes mais honnêtes laboureurs, le
nombre des communions pendant les trois dernières années, a augmenté
de 300 %, ce qui donne une moyenne de 20 communions par personne
pour l'année 1909, lorsque cette moyenne n'était que de 5 communions
par personne en 1907. Il va sans dire que paniii ces personnes, ainsi
éloignées de l'église, plusieurs font, en moyenne, plus qu'une communion
par semaine. Ce fait prouve d'abord que la communion fréquente et
quotidienne est une chose pratique pour tout le monde, mais ne prouve-
t-il pas aussi d'une manière évidente que ceux de nos élèves qui seraient
enfants de familles vivant dans de semblables paroisses, pourraient faire
la communion hebdomadaire et môme plus qu'hel>domadaire?
Il se présente la difficulté mentionnée dans la première partie. Pour
obtenir un semblable résultat, il faut que Varmoire du bon Dieu soit tou-
jours ouverte selon les besoins des âmes, mais ce qu'exige ce besoin des
âmes, en quoi consiste-t-il ? Il s'agit de la distribution de la commu-
nion, le dimanche, dans les paroisses. Voici, je crois, une solution de
la question.
(l) Lon me citait dernièrement plusieurs cas de communions quotidiennes
faites dans les paroisses par des personnes assez éloignées de l'église, entre autres
celui-ci. Pendant le catéchisme de première communion le curé et le vicaire
avaient bien expliqué aux eîifants le désir de Notre-Seigneur de les voir com-
munier tous les jours. L'un d'eux comprit ce désir de Jésus. Il demeurait il
lin mille de l'église, et cependant les temps pluvieux de l'automne et les froids
de 1 hiver ne l'ont pas empêché de faire a pied tous les jours cette distance de
un mille pour faire la sainte communion. Il est aujourd'hui dans un séminaire
et il continue sa bonne pratique.
Dans une autre paroisse, le cure a eu le bonlieur de voir ses enfants de pre-
mière communion, au nombre de 56, revenir tous les jours a la sainte Table
pendant près d'une semaine, et cela malgré la distance de 6 a 7 milles qui en
obligeait quelques-uns ù. partir de la maison a 4 ou 5 heures du matin. Tous
venaient a pied. On est souvent étf)iiné des merveilles produites par l'Eucharistie
cliez les enfants. D'autres cas iiourraient être cités.
I
— 369 —
En premier lieu qu'il soit bien entendu et bien compris que la sainte
communion sera toujours distribuée à des heures déterminées et inva-
riables. Cette condition paraît essentielle pour le progrès de l'œuvre.
L'heure de cette distribution peut varier suivant les lieux, mais nous
pouvons dire que dans les paroisses où le curé est seul, la distribution à
toutes les heures depuis 6 heures, et immédiatement avant la grand"-
niesse serait convenable. Dans les paroisses où il y a plusieurs prêtres,
la distribution pourrait avoir lieti avant et pendant la messe basse, et
ensuite à toutes les demi-heures. Cette distribution à toutes les demi-
heures a lieu même dans des paroisses où le curé est seul.
En relation très intime avec cette question de la communion avant la
grand'messe, il y a celle du nombre de confessions qu'il faudra entendre
le dimanche matin. Ici nous nous contentons de dire que, avec le temps,
nous pourrons amener les fidèles, en très grand nombre, surtout ceux
des villages, à prendre pour habitude de se présenter à confesse les jours
de semaine, lorsqu'ils croiront devoir le faire, de manière que le di-
manche matin, ils n'aient qu'à se présenter pour recevoir la sainte com-
munion. Une semblable pratique supprimerait de beaucoup la fatigue
des confessions le dimanche matin, dans les paroisses où le curé est seul.
X'ayant que les confessions de personnes éloignées de l'église, le travail
ne serait pas trop considérable. (1)
Grâce à ces mesures, le pasteur comme autrefois le saint curé d'Ars,
aura le bonheur de voir ses paroissiens venir en grand nombre, faire ce
que l'on a si bien appelé le bon repas du dimanche. Et s'il a la bon-
heur d'avoir des enfants de nos maisons d'éducation dans sa paroisse, sa
consolation et sa récompense seront de les voir s'approcher souvent de la
Sainte Table, et marcher sous le regard de Dieu.
Cependant, il ne faut pas oublier que, d'un autre côté, l'enfant doit
entrer en vacances bien préparé pour les différents devoirs et obligations
que réclament son âge et sa condition. Or, cette préparation, c'est nu
collège qu'il la recevra. Nous touchons ici aux devoirs du prêtre édu-
cateur, et certes, nous pouvons le dire, la part de travail qui incombe à
ce dernier n'est pas la moins délicate. En premier lieu il importe de
se bien rappeler que dans une maison d'éducation, il faut que chaque
prêtre, directeur, surveillant ou professeur, soit bien convaincu qu'il a
une œuvre à faire. Il faut qu'il se pénètre de l'importance de sa mis-
sion et qu'il voie ouvert devant lui le champ d'apostolat le plus beau ot
le plus fertile: l'âme et le cœur du jeune homme.
Il y a tout d'abord, une préparation éloignée qui se fait pendant
l'année qui consiste à discipliner l'enfant de manière à le faire entrer
dans la vie avec des convictions. Pour cela, il faut se servir de la iné-
(1) Voir la lettre pastorale de Slgr Arclianibault -^ur la cmiiimmi..ii fréouente
publiée dans les annales des Prêtres Adorateurs, 1909, p. H52.
— 370 —
thode de spontanéité de préférence à la méthode d'autorité (1) c'est-à-
dire qu'il ne faut pas mettre comme dans un moule rintelligence non
encore formée du jeune homme et diriger exclusivement par voie d'au-
torité sa volonté qui en est à ses premiers essais. A Tintelligence, il
faut montrer la lumière et ouvrir des horizons ; à la volonté il faut indi-
quer line direction et provoquer son activité pour que d'elle-même elle
se détermine à faire ce qu'il y a à faire. Pour cela il faut rappeler
souvent à l'enfant les paroles si lumineuses du décret de Pie X. La
communion quotidienne est le vœu le plus ardent de Notre-Seigneur et
de l'Eglise, et le régime normal du chrétien en état de grâce. Le ré-
sultat principal à obtenir par la communion quotidienne est le triomphe
sur la convoitise et la préservation des péchés mortels. On fait aussi
de la communion quotidienne une question pour l'intelligence d'abord,
ensuite, on invite l'enfant, on le presse doucement pour qu'il fasse l'ex-
périence de ce régime, et bientôt on est en état de lui faire toucher du
doigt la vertu puissante du Sacrement.
Concurremment, il faut s'appliquer à développer dans l'enfant le sen-
timent de l'honneur et de la responsabilité personnelle, à allumer dans
cette jeune âme la flamme de l'apostolat, le désir de faire du bien, de
se dévouer pour une cause sainte : VEglise du Christ qui a besoin de dé-
fenseurs de tout âge et de toute condition. Vivant ainsi, l'enfant pren-
dra conscience des énergies que renferme son être, il s'appliquera à les
diriger, il vivra sa vie de collège, il ne la subira pas.
(1) Voir Le Père Lacordaire et les jeunes gens", par le Père Noble, 0. P.
p. 66.
" Un jeune homme qui ne délibère jamais, qui ne choisit jamais, qui est pas-
" sif dans tous ses actes, ne sera propre un jour qu'à obéir lâchement aux
" hommes et aux choses qui le domineront par l'effet du hasard. (Lettres à des
jeunes gens. 32e lettre).
L' " Apôtre de Marie " s'est demandé, tout dernièrement, comment il fallait
préparer, façonner un jeune homme en vue de l'avenir. Sa conclusion nous est
ainsi rapportée dans la Revue Augustinienne, t. 16, p. 644.
" Il faut avant tout enraciner dans l'âme du jeune homme une foi à toute
'•"épreuve, un esprit qui ait en quelque sorte à l'état d'instinct, le sens catholique
'■ et -ache faire rapidement les triages nécessaires, rejetant les éléments inassi-
'■ milables ou même nuisibles et organisant les éléments utiles. Nous ne pouvons
"empêcher une foule d'idées plus ou moins dangereuses d'arriver aux esprits;
" les formations de serres chaudes sont un leurre aujourd'hui. Façonnons donc
'■' les esprits de manière qu'ils résistent au choc inévitable. Il faut élever en
" conséquence les esprits, non pas en plein air, mais pour le plein air, non <lans
*■' la liberté effrénée, mais pour la liberté. I^^es objections présentées par Jiou-^
* n'auront rien de dangereux pour l'âme ni l'esprit. Les difficultés du moment
*■ conduiront â donner un enseignement aussi complet que possible, fondé sur les
"grands principes et illuminé par leurs expériences successives. De cette tna-
'■ nière, la vérité, mêlée h leur vie concrète, leur apparaîtra plus claire, plus Vi-
" vante, ils l'aimeront comme une chose personnelle, comme leur vérité, et la
"(défendront contre toute attaque, car ils se sentiront attaqués et contredits
' en elle.
" Faites en sorte, dit Mgr Baunard, que les jeunes gens qui sortiront de Vos
" mains aient la tête dans la lumière, le cœur dans la charité et la conscience
" dans la force."
— 371 —
Cependaut, le prêtre éducateur n'oubliera pas que, quel que soit le
milieu d'où il part- et celui où il va, l'enfant reste toujours avec les fai-
blesses de sa nature, surtout celles qui sont inliérentes à son jeune âge.
Pour cela il a besoin d'être aidé, stimulé par des moyens qui l'accom-
pagnent et qui soient pour lui une sauvegarde jusque pendant les va-
cances. Voici ces différents moyens qui tous semblent pratiques et
efficaces.
La retraite de fin d'année. — Xous recommandons fortement de ter-
miner l'année scolaire par une petite retraite, pendant laquelle, si on ne
l'a fait d'avance, on rappellera aux élèves les dangers des vacances, et
l'importance pour un jeune homme de conserver son cœur pur pendant
ces jours et de se donner à lui-même une preuve de la sincérité et de la
vitalité de sa vie chrétienne. Puis, afin de soutenir encore plus effica-
cement sa volonté, on aura recours aux moyens suivants :
Correspondance avec le directeur de conscience. — Comme il y a obli-
gation pour le confesseur, au moins dans une certaine mesure, de pré-
server ses pénitents, même pendant les vacances, les confesseurs dans les
collèges pourront insister auprès d'eux, afin de les déterminer à leur
écrire deux ou trois fois pendant les huit ou neuf semaines de vacances.
Dans ces lettres, les enfants pourront dire comment se passent les va-
cances ; quelles sont leurs occupations ; ils pourront parler de leurs joies,
de leurs peines, surtout ils devront dire s'ils sont fidèles à leurs résolu-
tions de communier un certain nombre de fois chaque semaine ou cha-
que mois. Bien entendu, le confesseur se fera un devoir de répondre
sans retard à ces lettres, rappelant à son pénitent certains conseils ot
l'assurant que cette correspondance est sous un secret inviolable. Ce
moyen a donné d'excellents résultats.
Distribution d'un Billet-Souvenir. — Le moyen qui est peut-être le
plus efficace est la distribution d'un billet-souvenir, sur lequel se trou-
vent résumés les principaux devoirs de l'élève en vacances et sur lequel
aussi l'enfant écrit le nombre de communions qu'il s'engage librement
et spontanément à faire pendant chaque semaine ou chaque mois. Cet
engagement ne doit pas être pris à la légère. Il doit être approuvé par
le confesseur qui ne permettra pas à l'élève de le signer s'il prévoit (|ue
son pénitent sera forcé d'y manquer à cause de circonstances indépen-
dantes de sa volonté. L'enfant pourra montrer ce billet-souvenir à Bei=
parents dès les premiers jours des vacances ot leur exprimer son désir
d'y être fidèle. Ces images conservées avec soin, seront pour l'élèvo
rendu à la fin de ses études un "aide précieux" pour faire sa retraite
de vocation.
Billet de confession. — T>e directeur du collège devra insister sur la
nécessité d'apporter au retour des vacances, un billet de confession pour
chaque mois. Bien entendu, ceci n'indiquerait f|u'un minimum de con-
fessions.
Le tabh'ou-carte. — C'est une heureuse combinaison des deux moyens
qui précèdent, et qui consiste en une carte spéciale sur la<|Uolle est ré-
— 372 —
serve un petit carré blanc pour chaque jour du mois. L'enfant n'a qu'à
l'aire une croix dans le carré qui correspond au jour de sa communion,
et à renvoyer, chaque mois, sous enveloppe, cette carte à son directeur de
conscience en y ajoutant quelques mots, s'il le veut. Comme on le voit,
ceci peut tenir lieu de la correspondance, qui se trouve rendue facile par
ce moyen, et de billet de confession. Bien entendu, l'engagement dont
nous avons parlé sous le titre de billet-image, demeure requis et con-
serve son efficacité.
Apostolat spécial dans les cercles et les congrégations de la S. Vierge.
— Les directeurs des cercles de l'A.C. J. C. dans les collèges, pourront
s'appliquer, à la veille des vacances surtout, à faire une propagande
parmi les membres du cercle. Ils y développeront l'esprit d'apostolat
et les nobles ambitions. Pour cela rappelant souvent aux membres le
but de leur association et les moyens de l'atteindre, ils leur demanderont
d'affirmer pendant les vacances leurs principes de vie chrétienne et de
semer abondamment par le bon exemple. Le directeur de la congréga-
tion de la Sainte Vierge (1) pourra employer la même méthode. S'il y
a un cercle déjà formé dans la paroisse, le directeur de ce cercle, comme
nous l'avons indiqué plus haut, y recevra les étudiants avec une attention
spéciale.
Recommandations aux parents. — L'attention des parents pourrait
être attirée d'une manière particulière, par une lettre circulaire, mais
surtout par une exhortation publique à la fin de l'année, sur l'obliga-
pendant les vacances, et de ne pas laisser ses caprices et ses passions
pendant les vacances, et de ne pas laisser ses caprices et ses passions
prendre l'empire sur lui par suite d'un manque de surveillance ou d'une
indulgence trop débonnaire ; en un mot de seconder les efforts du curé.
Enfin, avant de partir pour les vacances, le directeur de conscience
dira à l'enfant : En arrivant dans votre paroisse, allez en toute confiance,
vers les prêtres qui sont là, faites-vous bien connaître comme écolier, et
si vous avez besoin d'aller à confesse, allez les trouver sans gêne à l'église
ou même au presbytère, toujours vous serez le bienvenu. Le prêtre édu-
cateur, de son côté, se fera un devoir de continuer l'exercice de son
ministère auprès des jeunes gens qui passent les vacances dans le voisi-
nage du collège en leur procurant l'avantage de s'y confesser chaque
semaine comme pendant l'année, et même plus souvent si le besoin se
fait sentir.
Avec la formation acquise au collège, muni do ces moyens qui lui rap-
pelleront ses résolutions et ses obligations, vivant dans un milieu fami-
lial favorable, objet de la sollicitude paternelle du curé et sous la sur-
veillance éclairée de parents chrétiens, l'enfant no perdra pas ce qu'il
avait acquis au collège. Son apathie naturelle sera secouée, sa négli-
gence vaincue, les mauvais compagnons éloignés; il sentira naître dans
son âme un noble idéal, de pures et fortes aspirations qui chasseront
(1) Lire un article intéressant sur les congrégations de la Ste- Vierge «lans
les collèges, paru dans les "Etudes", 20 novembre 1905.
3-* o
( o —
le respect humain, et les vacances ne seront pour lui que la continuation
des efforts, des luttes, des victoires de l'année. Pour obtenir ces heu-
reux résultats, il faut et il suffit qu'il y ait de toutes parts, une action
commune, uniforme, méthodique, et pour cela il faut que tous soient
convaincus de l'importance du travail qu'il y a à faire et de la possibilité
d'obtenir un résultat pratique.
Nous avons fini, il ne nous reste plus qu'à exprimer les vœux suivants :
1° — Que les directeurs et professeurs des maisons d'éducation s'ap-
pliquent pendant l'année, à donner à leurs élèves, une formation en vue
des vacances, et qu'ils organisent la croisade de la communion fréquente
et quotidienne pendant les vacances, en employant ceux des moyens in-
diqués qui leur paraîtront les plus convenables;
2° — Que le curé fasse connaître aux enfants l'intérêt particulier qu'il
leur porte, et rappelle souvent aux parents le concours qu'ils doivent lui
donner pour assurer la persévérance des enfants durant les vacances.
* *
Après M. l'abbé Caïnirand, M. l'abbé DescJuimps vient
entretenir l'assemblée de l'" Education Eucharistique des
Sourdes-muettes" :
NOTES SUR L'EDUCATION EUCHARISTIQUE DES
SOURDES-MUETTES
Me sera-t-il permis, au commencement de ce travail, de faire remar-
quer que cette question de l'éducation eucharistique des sourds-muets
n'a jamais été traitée dans les Congrès Eucharistiques précédents, et que
cet honneur était réservé à notre pays et à notre chère ville de Montréal
en particulier?
Et potirtant, dans le monde entier, même dans les milieux non catho-
liques, on se préoccupe de l'enseignement des sourds-muets. Naturelle-
ment placés à un tout autre point de vue que nous, ils n'ont souci que
du développement intellectuel et moral et de la formation de citoyens,
et ils mettent en œuvre toutes les ressources que peut fournir la science
pédagogique la plus étendue pour arriver à ce but.
Nous qui avons outre cette fin légitime des aspirations beaucoup
plus grandes, plus nobles et plus saintes, celles de développer chez
ces déshérités avec le sens intellectuel et moral, un sens religieux aussi
parfait que le permet leur infirmité; n'avons-nous pas le devoir de ne
rien négliger pour assurer à ces âmes en détresse le moyen de participer
aux inappréciables bienfaits de la religion et particulièrement de l'Eu-
charistie, centre de la vie des âmes? Or. si entre les catholiques et les
non-catholiques le point de vue est différent, les moyens de formation
sont identiques, savoir: transplanter l'enfant sourd-muet de sa famille
dans un milieu plus favorable à l'éclosion d'une intelligence normale à
— 374 —
la vérité, mais dépourvue des moyens les plus propres à se manifester,
la communication avec ses semblables. Ce milieu, c'est (1) l'institution
des sourds-muets et (2) des sourdes-muettes, et puisqu'il s'agit de for-
mation chrétienne, j'ajouterai: c'est l'école dirigée par ces religieux et
ces religieuses, que des études spéciales, s'ajoutant à une sublime vocar
tion ont rendus plus aptes que tous autres à ce genre d'enseignement. Je
laisse de côté tous les préliminaires de la formation intellectuelle et
morale que reçoit l'enfant en arrivant à l'Institution: efforts des insti-
tutrices à remplacer aussi exactement que possible la sollicitude et le tra-
vail maternels, puis, le rapprochement de la parole connue avec l'idée
qu'elle représente; surtout le développement du désir d'apprendre par
mécanisme physiologique, ce qui se présente directement à l'intelligence
de l'entendant parlant. Ce mécanisme ne crée pas de faculté spéciale chez
l'enfant, il ne sert qu'à découvrir ce qui était caché chez lui et arrêté
dans son épanchement au dehors, par sa malheureuse infirmité. Car,
comme le dit si bien de Gerando : " Le sourd-muet possède le germe de
tous les sentiments, de toutes les affections, comme dans son entende-
ment il y a le foyer de la raison." En supposant donc acquises déjà
par l'enseignement journalier, un certain nombre de connaissances ma-
térielles auxquelles se joignent quelques idées abstraites et spirituelles
que le maître ou la maîtresse ont pu faire pénétrer par le moyen des
signes extérieurs, tels que l'alignement, représentant l'obéissance à un
règlement et à une autorité ; l'entrée à la chapelle en silence, la génu-
flexion, l'inclination de la tête, comme manifestation du culte ou du
moins de respectueux sentiments à l'égard d'un être supérieur tout-
puissant et qui voit tout, tout cela, dis-je, supposé acquis, voyons par
quels procédés aussi simples que naturels, on peut commencer l'éduca-
tion eucharistique du sourd-muet.
La première pensée qui se porte sérieusement vers le tabernacle chez
les sourds-muets et le premier désir qui naît dans leur âme de recevoir
Jésus-Hostie, viennent d'abord de la constatation du bonheur sensible
chez les autres le jour de la première communion. Avec le sens d'ob-
servation qu'on leur connaît, ils ont vite aperçu chez les privilégiés de
la communion la transformation qu'a opérée le sacreanent. Ils ont re-
marqué chez les uns, outre le reflet joyeux de la physionomie qui
marque le bonheur de l'âme, mille indices révélateurs des grandes choses
qui viennent de s'opérer en eux: la modestie du maintien, du regard,
le recueillement et le silence, la douceur et la charité dans les rapports,
surtout la réforme de la conduite. De telle sorte que s'ils trouvent chez
quelques-uns un manque d'harmonie entre le grand acte accompli et la
conduite ordinaire de la vie, ils en demeurent surpris et scandalisés.
Leurs regards, lorsqu'ils rencontrent une de ces inconséquences semblent
dire à tous : Eh quoi ! voilà un jeune homme ou une petite fille qui a
communié et tout le fruit de sa communion se résume à cela? Comment
peut-il donc agir ainsi ?
(1) Institut des Clercs Viateurs, St-Louis, Montrf^al.
(2) Institution des Sœurs de la Providence, 595, rue St-Denis, Montréal.
— 375 —
En même temps qu'il constate facilement (sans pourtant s'en rendre
bien compte) les effets de la communion dans l'âme et dans la conduite,
le sourd-muet, va se mettre immédiatement à l'œuvre pour opérer chez
lui-même ce qu'il voit avoir été chez les autres la condition de l'admis-
sion au banquet eucharistique. Et alors, il n'est pas d'effort qu'il ne
fasse pour corriger ses défauts et acquérir les vertus préparatoires au
sacrement. C'est chez lui comme chez tous les autres, la manifestation
la plus claire de l'ardent désir qui remplit son âme, et qui les fait dès
longtemps avant la fin de leur préparation, solliciter la faveur désirée
par d'instantes prières et même avec des larmes. C'est ce désir que
l'instituteur va exploiter pour inculquer à l'enfant la formation reli-
gieuse et eucharistique. Il n'est pas de détails inutiles, et le maître
compétent trouvera toujours matière à enseignement là où d'autres ne
trouvaient rien à relever ou à reprendre. Il va sans dire qu'une con-
naissance approfondie des lois pédagogiques et psychologiques est néces-
saire en cela, et on ne doit rien négliger pour l'acquérir. A ce souci de
devenir meilleur, se joint naturellement celui d'apprendre les choses de
la religion, sans lesquelles, il le sait, il ne pourrait jamais faire sa pre-
mière communion. Il étudie. Les éléments de l'histoire sainte, sous
la direction du maître ou de la maîtresse, lui fournissent les premières
idées de Jésus Sauveur. Les récits bibliques éveillent chez le sourd-muet
un intérêt qui va chaque jour croissant, et prennent dans leur vie quoti-
dienne une forme de leçons pratiques qui vont façonner leur âme sur le
divin modèle, et l'unir par anticipation à l'âme de Jésus. L'enfance
de Xotre-Seigneur à Xazareth, telle que l'Evangile et la foi nous per-
mettent de l'imaginer, tous les actes du Sauveur adolescent, toutes les
manifestations des vertus de l'Homme-Dieu sont successivement rap-
prochés de sa vie et de ses actes journaliers, et présentés à son imitation.
Puis les grandes scènes de la vie publique sont commentées en toute
simplicité pour développer leur connaissance des attributs de Dieu, sur-
tout de sa puissance, de sa sagesse, de sa bonté; et en faisant passer
devant leurs yeux les miracles du Verbe Incarné, on a soin d'appuyer
davantage sur ceux qui peuvent plus facilement exciter les sentiments
de reconnaissance: tels que les guérisons des malades, la multiplication
des pains, figure de l'Eucharistie. Mais c'est le miracle des miracles
qui va faire l'objet d'un enseignement précis, détaillé, tout plein de la
plus haute portée morale et religieuse. Le sourd-muot conimoncc alors
à comprendre tout ce qu'il peut tirer de l'Eucharistie pour la nourri-
ture de son âme, pour le secours dans la tentation, pour l'assurance de
son salut: et sa foi et sa confiance s'en accroissent davantage. De
même en est-il de la prière qu'il fait alors avec plus de piété «'t du
sacrifice de la messe auquel il assiste avec plus de recueillement, ])arco
qu'il les comprend mieux.
Après quelques années d'une préparation aussi minutieuse qui exige
du maître ou de la maîtresse tant de sollicitude et de travail. <-t de
l'élève une correspondance de tous les instants, le sourd-muet semble
parfaitement disposé à retirer de l'auguste sacrement tous les fruits (|ue
l'Eglise en attend.
— 376 —
En effet, si Ton a pu admirer chez lui, les effets merveilleux de trans-
formation morale que produit le seul désir de la communion, combien
plus admirables encore sont les fruits du sacrement.
Déjà pour les chrétiens fervents, possédant tous leurs sens extérieurs,
l'Eucharistie est le centre de la vie spirituelle, l'école des vertus et le
secret de la perfection; mais ces pauvres êtres, à cause de la plus grande
simplicité de leur âme, s'abandonnent plus totalement à l'influence de
l'Eucharistie. Ils se livrent tout entiers et se laissent façonner comme
une cire chaude selon la volonté de celui qui possède toute leur âme. La
pensée de l'Eucharistie les suit partout. Ils apparaissent bien dans tous
leurs actes comme placés directement sous les regards divins de Celui
qui habite en eux. De là, leurs efforts constants d'observer dans toutes
leurs actions et jusque dans les moindres gestes une modestie exemplaire
et d'éviter à tout prix, ce qui pourrait blesser la vue de leur Sauveur
caché dans leur cœur aussi bien que sous la blanche hostie. Et comme
dans la vie de saint Louis de Gonzague, la plus grande partie du temps
qui s'écoule entre deux communions, est employée en actions de grâces
pour la première et en préparation de la seconde. Et comme aussi le
disait si bien le directeur de l'Institut des sourds-muets de Montréal, le
Eévérend Père Cadieux : " La joie seule de pouvoir renouveler le bonheur
de l'union de son âme avec le Dieu Eucharistique pousse le sourd-muet
à s'approcher de la table des anges. Et cette grande action il la fait
avec une préparation sérieuse et avec un profond respect."
La communion quotidienne est en usage parmi les élèves actuels.
Avec ce secours, il n'est aucun sacrifice qu'ils ne puissent accepter
généreusement. Plaire à Jésus et sauver leur âme étant leur unique
préoccupation.
Après la sortie de l'Institution, il faut avouer que cet amour de la
sainte communion s'affaiblit chez un grand nombre de nos élèves. A-t-
on remarqué pareille diminution de ferveur chez ceux qui entendent?
Peut-être. En tout cas, ne voyant pas leurs parents et leur voisinage
aussi réguliers à la Table Sainte que leurs maîtres et maîtresses et leurs
condisciples et compagnes, obligés de se lever de bonne heure, après avoir
le soir précédent veillé sans doute plus tard qu'à Técole, ne trouvant
plus un règlement déterminé et un moniteur pour régler ce lever, forcés,
ou de gagner leur vie, ou de prendre soin du ménage et d'une famille
naissante, ou bien encore, rencontrant certaines gênes ou difficultés à
faire leur confession à un prêtre peu habitué à leur langage, ils négligent
peu à peu, malgré les avertissements et les conseils, la réception de la
sainte Eucharistie. Il faut dire toutefois que plusieurs commimient
tous les mois, d'autres tous les quinze jours, un certain nombre chaque
semaine, et quelques heureuses exceptions plusieurs fois la semaine et
tous les jours. La vraie école de la vertu et du devoir, c'est donc la très
sainte Eucharistie.
On trouve enfin chez le sourd-muet et la sourde-muette le digne cou-
ronnement de cette vie de foi et d'amour envers l'Eucharistie dans une
mort joyeuse et douce qui fait l'admiration de tous ceux qui en sont
— 377 —
I
témoins aussi bien que la consolation des maîtres et des maîtresses de
ces infortunés.
Ces quelques remarques suffiront pour faire comprendre avec quel
enthousiasme et quelle joie profonde, les sourds-muets et les sourdes-
muettes ont accueilli la nouvelle du décret de notre Saint Père, Pie X,
sur la communion fréquente. Communier tous les jours est pour nos
chers enfants le suprême bonheur et véritablement le commencement
du ciel.
Vœux :
Comme l'expérience prouve que les élèves sourds-muets, une fois sortis
des Institutions sont plus exposés que d'autres à perdre de leur ferveur
et de leur amour envers l'Eucharistie, je me permets de formuler les
vœux suivants :
I. Que l'attention la plus grande soit donnée aux sourds-muets et
sourdes-muettes des paroisses dans l'accomplissement de leurs devoirs
religieux, en leur facilitant et la confession et la communion.
II. Que Messieurs les Curés aident de toute leur influence, les profes-
seurs de l'une et de l'autre Institution dans les tentatives souvent in-
fructueuses qu'ils font auprès des parents pour retenir le plus longtemps
possible les élèves en classe, et leur donner ainsi une formation eucha-
ristique plus solide et plus durable.
III. Que partout, autant qu'ils le peuvent, ils veuillent bien aider
également de leurs conseils et de leur influence, les parents, pour les dé-
terminer à faire instruire leurs enfants sourds-muets dès que l'âge le
leur permet et contribuer ainsi à leur faire connaître plus tôt le Dieu
de l'Eucharistie.
Enfin, une autre section, intéressante elle aussi, de l'en-
fance chrétienne, est celle dont nous entretient le R. P. Badeî,
clerc de St-Viateur, en traitant de :
LA FORMATION DES ENFANTS DE CHŒUR
Si la sainte Eglise permet de suppléer par des enfants de chœur, aux
clercs nécessaires pour les fonctions sacrées, c'est qu'elle rencontre faci-
lement, en effet, dans renfanco, sinon la gravité et le sérieux, du moins
l'innocence et la piété que réclament nos sublimes mystères.
Cependant, si personne ne parle à ces enfants de la dignité de leur
rôle, si personne ne leur enseigne à le remplir pieusement, si en un mot
ils sont livrés à eux-mêmes, bientôt ils se familiarisent avec les choses
les plus saintes, et deviennent les plus dissiix's et les plus turbulents des
enfants de la paroisse. Trop souvent c'est l'appas seul de quelques sous
à gagner, et non la piété, qui les attire à l'église. Aussi les voit-on
parfois exécuter avec routine, sans tenue, leur angéliquo ministère.
Faut-il s'étonner si, dans la suite, quelques-uns d'entre eux ilnissent par
s'éloigner de toute pratique religieuse?
— 3TS —
Pour éviter ce déplorable déiiouement d'un des plus beaux rôles de
l'enfance, que leur a-t-il manqué? Eien autre qu'une formation sérieuse,
d'abord basée sur un choix Judicieux, puis développée par un enseigne-
ment soigné des cérémonies, et enfin couronnée par une culture morale
inspirée surtout de recueillement et de piété.
1°^ — Choix des enfants de chœur
On doit choisir les enfants de chœur parmi Vélite des jeunes garçons
de la paroisse : leurs fonctions quotidiennes qui les rapprochent de nos
saints mystères, leurs relations étroites avec le prêtre et l'Eucharistie
dont ils sont les ministres subalternes, leur personne destinée à être un
jour ou les lévites du Dieu trois fois saint, ou bien les chrétiens les plus
parfaits de la localité, sont autant de raisons graves qui incitent MM.
les Curés ou leurs suppléants à faire un excellent choix. (Dans ce mot
'' suppléants "' nous comprenons non seulement MM. les vicaires et les
chapelains, mais encore le religieux, religieuses et toute personne légiti-
mement chargée de diriger les enfants de chœur.)
Que l'on se garde, en conséquence, d'accepter indifféremment, sans
examen, les premiers enfants qui se présentent. Trop jeunes, ils seraient
inaptes à comprendre et inhabiles à exécuter les diverses cérémonies de
notre culte; trop âgés, ils ne pourraient pas rendre de longs services.
Le plus pratique est de choisir parmi les garçonnets d'une dizaine d'an-
nées : le prêtre, le frère ou la sœur catéchistes apprennent alors à les
mieux connaître, peuvent aisément les former et les utiliser pendant les
quatre ou cinq années qu'ils doivent encore fréquenter l'école primaire.
En second lieu, ils doivent appartenir aux familles réputées les meil-
leures de la paroisse : les meilleures moins par l'aisance que par la vertu :
" les pauvres, rappelle Bossuet, sont les véritables citoyens de cette
bienheureuse cité que l'Ecriture Sainte nomme le royaume de Dieu dans
l'éternité, et par conséquent aussi de l'Eglise militante qui est le
royaume de Dieu dans le temps." Qu'ils entrent donc les premiers, et
que l'on évite d'écarter systématiquement des fonctions sacrées certains
enfants, parce que pauvres.
En troisième lieu, ils seront intelligents, propres à recevoir une bonne
éducation religieuse, puis, sur appel divin, une culture littéraire et
théologique. Avant tout, ils se distingueront par leur pieuse docilité
et se montreront attachés au prêtre, disposés à accepter son influence et
à suivre ses conseils.
Eésumons-nous : de la soumission auréolée do piété, une intelligence
ouverte, des parents très chrétiens, une dizaine d'années d'âge, telles
peuvent être, à notre humble avis, les bases de l'admission.
2° — Formation technique
Après un bon choix, il est permis de se promettre im excellent groupe
d'enfants de chœur, si l'on veut s'adonnor avec méthode à leur forma-
tion technique.
— 379 —
La personne chargée des petits clercs doit s'appliquer à savoir exac-
tement elle-même les cérémonies quelle se propose d'enseigner, puis
s'attacher tout d'abord à former de bons Servants de Messe. Pour cela,
elle groupe les garçons choisis, leur apprend à lire les Képons de la
Messe et leur en donne le sens général et précis ; ensuite, ces Répons, elle
les imprime profondément dans leur mémoire, phrase par phrase, et
exige toujours une prononciation articulée, correcte, bien accentuée.
Après quoi seulement elle aborde les Cérémonies; d'abord celles de la
Messe basse ordinaire, pour passer à celles de la Grand'Messe. Elle a
soin de procéder du simple au complexe, du fréquent au plus rare, et
d'exercer ses jeunes clercs par mouvements et évolutions répétés.
Si la série des cérémonies forme un tout trop considérable, elle la
sectionne en parties restreintes, bien tranchées et faciles à distinguer
des autres, et elle ne passe à la section suivante que si la précédente est
retenue et suffisamment pratiquée en exercices simulés.
Pour toutes les cérémonies importantes, surtout les complexes, il est
très utile d'en donner au moins une répétition d'ensemble au chœur et à
l'autel où l'office doit avoir lieu: par ce moyen, les enfants, si faciles à
se décontenancer, se familiarisent avec les lieux et les dispositions par-
ticulières du sanctuaire.
Dans CCS exercices préparatoires, soit partiels, soit généraux, il faut
veiller à la tenue, à la démarche de chaque élève, et exiger une exacte
précision avec un ensemble parfait et des mouvements sans raideur ni
gaucherie. L'enfant intelligent et avide de succès, est capable des plus
surprenants efforts pour se dépouiller de ses allures rustiques et sans
grâce, et donner à son maintien plus d'élégance et d'esthétique reli-
gieuses.
' Mais ne perdons pas de vue que les enfants sont aussi par nature
légers et oublieux. Il faut donc revenir fréquemment sur les mêmes
fonctions, les mêmes cérémonies. Des répétitions générales s'imposent
au moins chaque mois, si l'on veut obtenir et conserver une troupe stylée
d'enfants de chœur.
D'abord la répétition portera sur les répons liturfii(iiirs <\uo tout
servant à l'autel doit savoir imperturbablement et. autant que possible,
comprendre. S'il n'a pas l'intelligence des paroles latines qu'il récite,
l'enfant se relâche jusqu'à en fort mal prononcer les syllabes; il accentue
à faux, bredouille, coupe, omet, au point, si l'on n'y veille de près, de
donner du répons le premier et le dernier mot que relie un marmottage
sans signification aucune. Ailleurs il anticipe avec irrévérence sur l'of-
ficiant, — comme d'ordinaire il arrive à VOrate fratres " , — et déroule
avec volubilité son long répons, sans avoir attendu la fin du verset.
Plus fréf|uentes encore sont les revisions que réclament les m,ouve-
ments, car ils se composent de détails plus nombreux et présentent bien
des complications pour un jeune cerveau. Un bon "Maître des Céré-
monies ne craint pas de répéter tous les mois les principales fonctions.
De préférence, il choisit l'heure qui précède la Orand'Mosso nu les
Vênres, selon la disponibilité du local et dn temps. Bien plus, avant
— 380 —
un office important ou rare, devant ses enfants en habits de cliœur et
rangés il rappelle les fautes habituelles, les remarques générales et les
rites spéciaux à cet office, afin de rafraîchir la mémoire des enfants et
d'attirer leur attention sur les particularités du jour.
Un autre moyen de prévenir et de combattre leur légèreté et leur
insouciance natives, et par là de stimuler leur attention, c'est celui
d'établir en eux de V émulation. Sans doute, ce sentiment trop dé-
veloppé pourrait éveiller l'envie, la jalousie, les disputes; mais contenu
dans de sages limites et dirigé avec tact, il produit d'excellents résul-
tats. Le Maître des Cérémonies divise ses petits clercs en trois groupes
principaux : le premier comprend les grands fonctionnaires : cérémo-
niaire, thuriféraire ; le deuxième, les acolytes et le porte-attributs ; le
troisième, les divers cérofaires. Il décrète ensuite que pour être admis
à passer dans la classe supérieure, l'enfant doit s'être acquitté dignement
de ses charges inférieures. Par cette disposition, il établit un concours
permanent de bonne tenue et de savoir-faire parmi son petit monde qui
se surveille et rivalise d'efforts pour obtenir de l'avancement. Et afin
d'alimenter ce concours et d'entretenir l'émulation d'une promotion à
l'autre, il a grand soin de former plusieurs enfants aux mêmes fonctions
et d'alterner les rôles entre les membres de chaque groupe. Qu'on
veuille bien mettre ces petites industries à l'essai, et l'on se convaincra
de leur excellence et contre la routine ou la légèreté enfantines, et contre
la vanité prétentieuse, indépendante de petits fonctionnaires sans con-
currents : mais à la condition cependant de toujours réserver aux plus
habiles et aux plus attentifs, les cérémonies les plus solennelles ou les
plus beaux costumes de chœur. Les enfants sont vivement sensibles à
ces marques d'honneur, s'ils les voient attribuées à leur conduite et apti-
tudes à l'autel. Et de temps à autre, il serait habile de distribuer
médailles, images, pieuses brochures aux plus méritants.
A ces récompenses individuelles peu onéreuses et très efficaces, donc fort
pratiques, mais personnelles, il est bon d'ajouter des récompenses collec-
tives, accordées à la troupe entière en retour de sa bonne volonté générale :
par exem_ple, des soirées récréatives où le Directeur des enfants de chœur
s'ingéniera à trouver des jeux variés et aimés, ou à réjouir les yeux par
des vues instructives, faites à la lanterne magique ou au cinémato-
graphe ; ou encore à délecter les oreilles avides par d'agréables auditions
de phonographe, chant et musique, déclamations dramatiques ou co-
miques. Et puis, la belle saison venue, on organiserait des pique-niques
ou mieux de pieux pèlerinages aux sanctuaires voisins; enfin un " Arbre
de Noël " ou une Fête annuelle avec un programme attrayant et des prix
décernés aux plus assidus à bien remplir leurs fonctions sacrées.
En agissant ainsi, le prêtre, ou son suppléant, est sûr de s'attacher
ses disciples toujours acessibles à ces amabilités palpables, de les retenir
sous son influence et do leur faire aimer un ministère qui leur procure
de si pures jouissances.
Mais épris du zèle de la Maison de Dieu, il ne saurait se contenter des
— 381 —
apparences. Avant tout il aspire à former la conscience, le cœur de ses
petits clercs. Aussi ne peut-il concevoir leur formation technique sans
l'appuyer solidement sur son fondement naturel: sur une profonde
formation morale.
3" — Formation morale
Chez l'enfant de chœur, cette formation doit embrasser deux disposi-
tions spéciales: le recueillement et la piété : la première prépare à la se-
conde, et toutes deux assurent l'attention, la bonne tenue, la ferveur que
demande le service de Dieu.
(a) Recueillement. — Nous devons veiller tout d'abord à ce que l'enfant
n'apporte pas dans le lieu saint sa dissipation coutumière du dehors. Pour
l'aider à s'en dépouiller facilement, commençons à exiger à la sacristie ou
au vestiaire, ces vestibules du sanctuaire, un silence profond et religieux.
Ne permettons ni à nous ni à personne des propos déplacés, des plai-
santeries railleuses, des conversations inutiles. Xous faut-il donner un
ordre, faisons-le au moins à voix contenue et grave. Bannissons aussi
de la sacristie toute camaraderie avec nos subordonnés ou autres: sinon
nous aurions vite provoqué chez notre petit monde familiarité, laisser-
aller, étourderie toujours regrettables. L'enfant est bien aise de ne voir
dans son Directeur qu'un égal, afin de se décharger de toute contrainte
gênant ses caprices.
Faisons plus. Quand nos petits clercs revêtent leur habit de chœur,
surveillons-les : la discipline toujours, et quelquefois la morale s'en
trouvent fort bien. Voyons aussi à tous les détails de la tenue : pro-
preté des mains, du visage, des chaussures ; bon état des soutanes et des
surplis. Tout cela fait sentir à nos disciples la dignité de leur rôle.
Qu'on ne retrouve donc nulle part le ridicule jupon noir dont on affu-
blait naguère encore trop souvent, les enfants de chœur.
Après cette inspection, et par ce silence recueilli de la sacristie, l'en-
fant est prêt à entrer au chœur. Là, sous les regards des fidèles, du
clergé, de Dieu réellement présent, il est aisé de le maintenir dans le re-
cueillement. Il suffit que les évolutions y soient relativement graves,
les yeux modestes, les mains pieusement jointes ou occupées; il suffit
que la surveillance y soit aisée, adroite, inaperçue, s'étendant cependant
à tous les enfants de chœur. Ne nous y permettons jamais la moindre
observation bruyante. Si l'un de nos clercs se trompe, laissons-le plutôt
faire. Avertissons uniquement des yeux ou d'un petit geste de la main :
cette délicatesse l'enfant la comprend et l'apprécie. Et remettons au
retour à la sacristie, les remarques à faire et les blâmes à infliger.
Mais nous n'aurons pas souvent à molester nos petits clercs, si nous
savons leur inpirer une vive piété.
(h) Piété. — Posons d'abord en principe que la piété est obligatoire
et condition fondamentale pour faire partie des enfants de chœur. Son
absence ou sa notable diminution entraîne l'exclusion. Cela bien
affirmé, efforçons-nous d'enraciner cette vertu chez nos servants. Elle
s'entretient et s'accroît par la prière. Avant chaque office, faisons
— 382 —
donc réciter au moins un Ave Maria avec quelques invocations à î^otre-
Dame des Anges, et aux Saints Anges Gardiens. Et afin d'engager nos
enfants à égrener quelques dizaines de leur chapelet, pendant leurs
loisirs au cliœur agrégeons-les à rArchiconfrérie du T. S. Eosaire, et
faisons-leur en connaître les faveurs insignes.
La piété s'alimente encore par des commentaires alertes et pleins d'in-
térêt sur les cérémonies et leur symholisme sublime; elle s'accroît sur-
tout par la communion fréquente qui " avive la dévotion, disait le B.
Curé d'Ars, comme un bon coup de soufflet excite le feu de la forge." Il
faut y amener nos enfants de chœur; et pour cela épuiser, au besoin,
toutes les industries que le zèle sacerdotal a su découvrir et pratiquer.
Enfin l'association est aussi iin excellent stimulant de piété. Orga-
nisons nos petits clercs en Confrérie Canonique avec sa fête religieuse
et récréative, ses dignitaires, ses obligations très réduites, ses privilèges
étendus et précieux, et un organe de relation sous forme de brochure
périodique, pour le moins mensuelle.
Or, ici rien, ou si peu que rien, n'est à créer. On peut même choisir
entre la Confrérie de Saint-Jean Bcrchmans et celle des Saints Ange'^-
Gardiens. De plus, cette dernière publie, depuis trente ans environ, un
Messager mensuel intitulé " l'Ange Gardien." (1)
Aux admirables articles consacrés aux Saints Anges, aux conseils
pieux, aux édifiantes historiettes, à la vie des saints, il serait facile
d'ajouter une explication des cérémonies sacrées et une étude adaptée à
l'enfance, sur l'année liturgique, d'après la manière de l'illustre Béné-
dictin Dom Guéranger; ainsi nous obtiendrions à bon compte, une pu-
blication des plus intéressantes et des mieux appropriées à nos enfants
de chœur.
Sans doute, cette formation morale et technique de nos jeunes clercs
ne saurait se réaliser sans imposer au clergé paroissial, ou à ses sup-
pléants, quelques sacrifices et un surcroît de labeur. Mais en retour, un
pasteur zélé peut retirer d'une excellente troupe d'enfants de chœur des
résultats précieux et fort consolants.
4° — Résultats
D'abord les offices sacrés deviendront plus beaux, par conséquent plus
édifiants. Nos petits clercs transformeront, par leurs évolutions pieuses,
le sanctuaire comme en une chaire éloquente d'où les fidèles recevront
par le sens si impressionnable de la vue, de touchantes leçons de foi et
d'adoration, leçons d'autant mieux acceptées qu'elles seront données par
de jeunes enfants sans prétentions, et parfois par des enfants qui sont
les leurs précisément. Les paroissiens se plairont davantage à l'église.
Ils y prieront avec plus d'attention et do ferveur. Leur afflucnce et
assiduité croissantes permettra aux pasteurs de les catéchiser avec
{ 1 ) Une petite revue que l'on pourrait aussi procurer aux enfants de chœur,
c'est lo Bulletin Eucharistique, ou le Petit Messager du St-Sacremcnt, revues
publiées par les Pères du St- Sacrement.
— 383 —
succès, de les affermir dans les pratiques religieuses et surtout de leur
faire apprécier, aimer et fréquenter le Sacrement de l'Eucharistie : fover
de toute vie chrétienne et gage de prédestination.
Et quant à nos enfants de chœur, nous les aurons améliorés, eanctifiés,
angélisés. Chez tous nous serons parvenus à inculquer de solides prin-
cipes chrétiens qui en feront des recrues assurées pour VA. C. J. C. et
nos congrégations d"]iommes. Et -chez quelques-uns, nous aurons fait
germer, mûrir la vocation ecclésiastique ou religieuse, fruit incompa-
rable de l'apostolat sacerdotal.
Vœu :
Stimulés par tant de conséquences si précieuses, nous demandons la
permission d'exprimer le vœu — priant le Congrès de vouloir bien l'ap-
puyer^— le vœu de voir le clergé paroissial s'appliquer avec zèle cons-
tant à former directement ou par un coadjuteur, dans chaque paroisse
respective une excellente troupe d'enfants de chœur, qu'il aura soin de
choisir avec discernement, d'instruire avec méthode et persévérance de
leurs fonctions sacrées, de façonner au recueillement, à la piété solide,
et surtout à la communion fréquente, et d'encourager par une intéres-
sante publication mensuelle.
Et ce faisant, les pasteurs et leurs suppléants auront provoqué l'avan-
cement du Règne de Jésus, et répondu au désir ardent de noire Souve-
rain Pontife Pie X qui n'a rien plus à cœur que de
"Restaurer toutes choses dans: h Christ Jésus."
*
* *
Avant que la séance ne soit levée, le Secrétaire le
Révérend P. Galtier fait mention d'une importante étude
qu'il a reçue, pour le Congrès, du R. P. Lambert, ^lissionnaire
Apostolique. Ce travail a, du reste, été distribué à l'auditoire
par les soins du Comité. Le secrétaire en souligne pourtant
le caractère et en promulgue le vœu final. Voici le texte de
ce rapport.
LA DEVOTION ENVERS LA SAINTE EUCHARISTIE
dans les maisons d'éducation en France
Mkssifxrs et Yéxérks CoxFni^:RES.
On a fait aux précédents CVingiés Eucharistiques, notamment à celui
de Londres, le reproche " de refouler à l'arrièrc-plan les questions pra-
tiques," et de ne pas assez veiller à ce que les rapports lus en .séanoee
"aient le caractère d'une vulgarisation sérieuse plutôt que celui d'études
— 384 —
scientiliques. (1)" De là vient, a-t-on dit, que le public de ces Assem-
blées, qui se recrute avant tout parmi les prêtres du ministère, les
hommes d'oeuvres, qui viennent au Congrès pour chercher le mot d'ordre
et une direction autoriisée pour leur apostolat eucharistique," a été plus
d'une fois déçu et mécontent jusqu'à se plaindre. (2).
Un second reproche qu'on a fait aux rapporteurs vise un certain opti-
misme qui fait présenter sous leur jour le plus brillant les œuvres et les
pratiques qu'ils préconisent. A les entendre, tout est toujours parfait,
sans le moindre défaut ; on croit avoir affaire à des masses, alors qu'il ne
s'agit que de modestes groupements; on s'imagine qu'il est question
d'œuvres solidement établies, en plein fonctionnement et activité, alors
qu'elles sont encore dans la période de tâtonnement et de début. Bref,
volontiers on conclurait qu'il ne reste rien à faire, alors qu'en réalité,
tout est parfois encore à faire.
Je voudrais. Messieurs, éviter ce double écueil et ne pas encourir de
votre part ce double reproche. Aussi bien, abordant d'emblée et sans
autre préambule le sujet que le Comité du Congrès eucharistique de
Montréal m'a demandé de traiter, à savoir: L'état de la dévotion eucha-
ristique dans les Maisons d'éducation chrétienne en France, je m'atta-
cherai à vous le présenter sous son vrai jour, sans céder au désir pré-
conçu de n'en dire que du bien, à tout prix.
Au surplus, en s'adressant au Directeur de l'Œuvre internationale des
Prêtres Educateurs dont le siège est en France, (3) le Comité a eu soin
de lui demander de faire sur le sujet proposé " un rapport tout à fait
pratique et des plus documentés." Il a pensé que la section sacerdotale
de ce Congrès, en vue de laquelle ce rapport était demandé, pourrait
ainsi en retirer plus d'édification et de profit.
Dans ce but, et pour donner au travail que j'avais à vous présenter,
Messieurs et chers Confrères, tout l'intérêt désirable et tout le caractère
pratique possible, j'ai adressé, en temps voulu, par l'organe de la Eevue
mensuelle que je dirige : Le Prêtre Educateur, (4) un questionnaire dé-
taillé à tous les Supérieurs de Petits Séminaires, de Collèges et Insti-
tutions ecclésiastiques de France. (5).
Si pénible qu'en soit l'aveu, la vérité m'oblige à dire qu'un très petit
( 1 ) Le Congrès eucharistique de Westminster. Souvenirs et impressions, par
M. le Chan. Erman, secrétaire général de l'évêchë de Metz, 1910.
(2) 2hid.
(3) Paris. 228. Boulevard Péreire.
(4) Brochure de 32 pages in-8°, avec un supplément de 8 pages : Le Mot
d'Ordre, destiné aux écoliers chrétiens. Prix de l'abonnement, sans le supplé-
ment, pour la France : 6 fr., pour l'P^tranger : 8 fr., avec le supplément: France:
6 fr. 50, Etranger: 8 fr. 50.
(5) Ce (Questionnaire était la reproduction a peu près textuelle de celui que
S. G. Mgr lEvêque de Metz, a adressé lui-même, cette année, aux Supérieurs des
Maisons d'Education de son diocèse, pour établir de façon très précise, à l'occa-
sion du Congrès eucharistique diocésairi tenu au mois de juin, il Metz, la Bitua-
tion de ces Maisons au point de vue de la dévotion envers l'Auguste Sacrement
d€ nos autels.
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— 385 —
nombre de Supérieurs ont répondu à ce questionnaire. A la rigueur,
ils n'y étaient pas tenus. Toutefois, comme j'avais pris soin de leur
faire connaître les motifs de ma démarche, faisant valoir, avant tout, la
gloire qui rejaillirait sur l'Adorable Eucharistie de leur témoignage per-
sonnel, et de tous les témoignages réunis, présentés à ce Congrès, je
croyais avoir quelque droit d'espérer qu'il serait fait meilleur accueil à
ma démarche. Grande fut donc ma déception devant la froideur, tout
au moins apparente, causée par une abstention aussi générale ....
Mais, à défaut de renseignements officiels obtenus à l'aide du ques-
tionnaire dont j'ai parlé, j'avais, pour me documenter, les diverses com-
munications ofècieuses fournies, au cours des années 1909 et 1910, par
la correspondance particulière des abonnés de ma Eevue et des associés
de l'Œuvre des Prêtres Educateurs dont cette Eevue est l'organe.
Autant la première source documentaire s'était parcimonieusement
épanchée, autant la seconde avait été abondante. Aussi bien, pour ré-
pondre à vos désirs, n'ai- je eu qu'à puiser à cette source, sans autre em-
barras que celui du choix.
Je vais donc essayer. Messieurs, de vous démontrer, à l'aide des témoi-
gnages que j'ai pu recueillir, ce qui se fait chez nous, dans les maisons
d'éducation où l'on a compris l'incontestable utilité — ce n'est pas assez
dire, — l'impérieuse nécessité de mettre la jeunesse écolière en un con-
tact, non pas accidentel, isolé, mais habituel, assidu, avec l'Eucharistie,
ce Sacrement si bien nommé par l'angélique Docteur Sacramentum Sa-
cramentorum (1), et dont il a dit, avec saint Den;ys TAréopagite: " Per-
fectio perfectionum, consummatio omnium sanctificationum ; nullus
potest perfici perfectione hierarcliica, nisi per divinissimam Eucharis-
tiam." (2).
Depuis la promulgation du Décret Sacra Tridcntina Synodus grâce
à la piété et au zèle de Xos Seigneurs les évoques, un niouveineiit v]u<
accentué de dévotion envers la Sainte Eucharistie s'est manifesté dans
certains diocèses de France et, en particulier, dans diverses maisons
d'éducation.
Il me serait difficile, à défaut de données suffisantes, d'établir ici une
statistique rigoureusement exacte. Qu'il me suffise de signaler, parmi
les diocèses auxquels je fais allusion, ceux de Cambrai. Cliambéry,
Eodez, Xanc}^ Lyon, Belley, Coutanccs, Angers. Rouen, Fréjus. Et
qu'il me soit permis, dans cette énumération très certainement incom-
plète, de mentionner également le diocèse de Metz, qui n'appartient
hélas ! plus à la France, mais qui reste toujours et quand même français
et lorrain d'esprit et de cœur. (3)
(1) m Part. Q. LX\'. .3.
(2) s. Dyon., De Ecoles. Hier. Cap. III.
(3) On n'ignore pas que le très pieux et très apostolique évêquc <lo Metz, S. G.
Mgr Benzler. n'a pas ces'.é, depuis surtout le spleiuiide ('oii;,'r.-^s .•vieliaristique
tenu, en 1907, dans sa ville épiscopale, de promouvoir et d'i-ncoura^ier, i-n toute
occasion, et tout récemment, par un Congrès eucharistique diocésain, la dC-votion
de ses fidèles et le zèle de ses prêtres envers l'Auguste Sacrement de nos autels.
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— ûSG —
En groupant les divers renseignements dont je disposais et en les met-
tant en regard tlu questionnaire adressé aux supérieurs, voici, d'une
façon à peu près uniforme, la situation des maisons d'éducation chré-
tienne dans ces diocèses.
1° Esprit de la maison. — En général, on est favorable à la commu-
nion fréquente et quotidienne et, par suite, aux diverses formes de la
dévotion envers la Sainte Eucharistie.
2° Connaissance du Décret. — 11 est lu chaque année, à la chapelle,
et commenté dans les études. Les prédicateurs y reviennent dans les
instructions, soit pendant les retraites de rentrée et de première com-
munion, soit pour le tridumn préparatoire à la Fête-Dieu ou à l'adora-
tion perpétuelle du Très Saint-Sacrement. Des feuilles, tracts et opus-
cules eucharistiques sont distribués aux élèves. Dans certaines maisons
on a introduit dans les Cours d'Instruction religieuse et rendu obliga-
toire pour chaque élève, soit la récitation du texte du Décret iSacra Tri-
dentina Synodus, soit le Petit Directoire de la Comunmion fréquente
et quotidienne, par M. l'abbé Vandepitte, do3'en honoraire du diocèse de
Cambrai. Les élèves doivent en apprendre un certain nombre de ques-
tions pour chaque classe : excellent moyen de vulgarisation d'un Décret
qui contient en substance dans quelques pages toute la doctrine catho-
lique sur la communion (1).
3° Moyens employés. — Les pensionnaires communient à la Messe de
Communauté, à laquelle ils assistent aussitôt après leur lever. Tout le
monde reste à la chapelle, même ceux qui n'ont ])as couimunié, pour
l'action de grâces, qui ne se prolonge guère que de cinq à huit minutes,
après la messe terminée, et qui est suivie immédiatement de la lecture
d'une courte méditation (dix minutes environ), [.es élèves vont ensuite
en étude.
Quant aux externes, ils sont lil^res d'aller communier dans leurs pa-
roisses respectives (un certain nomln-e avec leurs parents) ou de venir
communier au collège, où une luesse est <lite pour eux à 6 h. ^/^.
Cette méthode n'est pas la luême partout; elle varie suivant les dio-
cèses et les établissements; on conçoit f|u"il serait difficile d'établir sur
ce point une règle uniforme.
Les élèves peuvent demander à aller voii- leui' confesseur, n'importe
quel jour, pendant les études ou pendant la récréation. Et le matin,
s'ils le désirent, ils ont la facilité de s'adresser à l'un ou l'autre des
])rêtres (|ui sont à la chapelle, à la descente des dortoirs. Depuis que le
réginu' de la Coiniimnioii ii'équente s'est introduit dans les maisons
d'éducation, on a dû niodilier l'ai-ticle odieusement compressif do cer-
tains aiu-iens règlements (|ui interdisait aux élèves de voir leurs confes-
seurs jlleurs fju'au confessionnal et à d'autres jours et heures qu'à ceux
de la confession conventuelle.
r Résiilhilx ohh'iiiix. — Actnelleiiient. dans la plupai'l des établis-
(1) .le si{,'ii:i]i' A nie-; fr,iifi ■^l•|■s la ]);'titc Inocliurc du Tî. P. Kou-scaii. 8. J-
La Communion fréiiiinilr ,V:\]n('^ h- Dt'Pict du 20 dôccmbro 100.1. Çurstions >t
rênovucR. — BnixoUo^. A. T>-\vit. lituiiiro. .13. run Royale. ].(> cent : (i francs.
— 387 —
sements dont je parle, les trais quarts des ponsioiinaires et la moitié des
ixternes communient tous les jours. Presque tous les autres commu-
nient plusieurs jours par semaine, et le reste au moins tous les huit
jours. Je ferai remarquer que cette moyenne existe à i)eu près unifor-
mément dans tout établissement où, d'un commun accord et animés du
même zèle, les maîtres favorisent, par les divers moyens en leur pouvoir,
la pratique de la Communion fréquente et la dévotion t^nvcrs la Sainte
Eucharistie.
5° Influence de la dévotion eucliaristique et de la Coin iiianiun en par-
ticulier. — Pourrait-il se faire que cette influence, ne fin pas des meil-
leures au point de vue de la piété, du bon esprit, de la moralité et même
de la discipline et du travail? (1)
" Sur 130 ou 140 élèves, écrit M. le Ch-anoine Cirumel, supérieur de
VEcole de X.-D. de La ViUette, à Chambéry, tous communient plusieurs
fois par semaine. D'où progrès considérable dans l'allure générale exté-
rieure." *' Il faut dire, obesrve-t-il, que nous prati(iiions la Commu-
nion quotidienne depuis plus de quinze ans, et que cette })rati(iiic <"st
générale ici depuis huit ans."'
" L'esprit général, poursuit le zélé supérieur, se manifeste par l'ou-
verture des âmes, qui nous permet de les connaître et de leur faire le
bien nécessaire; par la docilité beaucoup plus grande, en dépit de la lé-
gèreté naturelle, au point de vue de la discipline et du travail : ])ar
Vattachement plus profond de nos anciens élèves à leurs maîtres et à la
maison où ils ont été heureux, grâce à l'esprit de simple et douce fami-
liarité qui vient de leur ouverture d'âme, et des habitudes vertueuses
provenant de la présence habituelle de désus-llostie en leur cœur; atta-
chement qui dure et leur fait entretenir des relations suivies (lettres,
visites fréquentes), qui permettent de les garder et de les préserver en
vacances, et même après leur portie définitive.
6° Persévérance. — Je viens, Messieurs, de prononcer le mot de va-
cances. N^aturellement elles sont toujours iine épreuve et trop souvent
un écueil auquel se heurte et se brise la bonne volonté de bien des éco-
liers. " Pour y obvier, écrit M. Grumel. nous demandons une corres-
pondance suivie; nous la provoquons, au besoin, exigeant une réi)onse à
notre rappel à Tordre. Xous cherchons même à faire revenir certains
élèves au Collège pendant les vacances, pour pouvoir raviver i-n (>u.\ les,
bonnes dispositions."
Il est incontestable, chers et vénérés Confrères, que les vacances pro-
duisent à peu près toujours un déchet sous le rapport de la fré(|uence
de la Communion. Mais aussi, reconnaissons-le avec l'auteur des lignes
(jui précèdent, "les difficultés sont grandes: dangers des vacances, pa-
resse personnelle; parfois hostilité phis ou moins affirmée des parents;
éloigneiiicut de l'église, travaux et services exigés des eMlant!*. et aussi
— disons-le — certaine opposition non motivée, systématique, ou insuf-
(1) La j)lupart des détails qiio je viens de reproduire sont extraits d'ini rapport
de M. le Chanoine Richard. supVrii'Ur de l'Institution St Jude. ;1 Armentières
( Nord ) .
— 388 —
fisance de zèle de la part de certains curés " (1), ou bien encore " absence
dans les paroisses de communion fréquente, soit absolue, soit au moins
quant aux hommes et aux jeunes gens." (2)
Toutefois on peut augurer de certains faits significatifs la fidélité per-
sévérante des écoliers aux pratiques affectionnées par eux pendant l'an-
née scolaire.
" Une nouvelle qui vous consolera, m'écrivait un Supérieur : le matin
de iK)tre distribution des prix, tous nos élèves sans exception ont fait la
Sainte Communion. Le mot d'ordre ne leur avait pourtant pas été
donné. Ils ont voulu, par là, bien commencer leurs vacances, et débuter
comme ils avaient l'intention de continuer." (3)
" Je tiens, m'écrivait un professeur, à vous signaler un fait dont vous
ferez l'usage qu'il vous semblera bon, si tant est, que vous le jugiez assez
caractéristique. Dans notre Ecole de F., où la Communion presque
quotidienne est en honneur, le matin de la sortie, le plus grand nombre
a communié. Nous avions donné les prix la veille. Toute la soirée, de
5 à 7 heures, les élèves ont eu récréation. En de tels moments, on n'est
guère en goût de piété: la perspective des vacances absorbe toute autre
pensée. Eh bien, nos élèves, en grand nombre, sont venus se confesser
pendant cette récréation. Tout en tenant compte de l'entraînement
possible, il me semble qu'il y a là un signe rassurant, et que de ce fait
on est en droit de conclure que la Communion est entrée dans la vie
ordinaire de ces chers enfants. De mon temps (comme l'on dit), jamais
chose pareille n'aurait pu même être imaginée." (4)
J'ai dit, l'an dernier, au Congrès eucharistique de Cologne, l'influence
moralisatrice et transformatrice de la fréquente communion au Collège
Sainte-Marie de La Seyne-sur-Mer. Voici ce qu'on m'écrit, cette année,
de ce collège : " Le bon mouvement imprimé par vous est devenu un
élan généreux. La messe libre est en honneur, et tous les jours, un
grand nombre d'élèves s'approchent de la Sainte Table. Les plus grands
donnent un exemple salutaire. Le résultat est merveilleux. L'esprit
de sacrifice, atmosphère de la pureté, se répand dans les âmes. On sent
que le chrétien se forme, qu'il sera robuste et armé pour les luttes de la
vie. Xous avons obtenu, cette année, un résultat pratique : l'instruction
religieuse a gagné beaucoup. Les élèves étudient cette matière plus
sérieusement, et plusieurs avec un zèle remarquable. Ce point est
important dans un collège qui prépare aux concours. De plus, un mou-
vement véritable se dessine vers le service du bon Dieu. C'est un hon-
neur de pouvoir dire à son directeur que l'on rêve le sacerdoce." (5)
(1) M. le Chan. Grumel Sup. de l'Ecole N.-D. de la Villette, Chambéry (Sa-
voie) .
(2) Rapport de M. l'abbé' Bouvy, professeur au Petit Séminaire de Moiitigny-
lès-Metz, au C'orifiçrôs eucliaritique diocésain de IMetz, 8 et î) juin 1910.
(3) Lettre de :\1. l'abbé C, Supérieur :\ N. D. de X.
(4) Lettre de M. l'abbé C. professeur il L.
(5) Lettre de M. l'abbé BossoTinet, Directeur i\ l'Institution Sainte-Marie, de
la Sevne-sur-Mer fVar).
— 389 —
Telle est, Messieurs et Vénérés Confrères, dans son ensemble, et quel-
ques-uns de ces détails, la physionomie d'un certain nombre de Maisons
françaises d'Education au point de vue de la dévotion eucharistique,
notamment de la Sainte Communion.
Tout à l'heure, j'ai nommé le diocèse de Metz, resté français quand
même d'esprit et de cœur. Je n'aurais qu'à reproduire ici, pour vous
édifier, les communications faites par les Supérieurs des diverses Insti-
tutions catholiques au Congrès eucharistique diocésain, tenu les 8 et 9
juin de la présente année, dans la ville de Metz. Vous y verriez quels
consolants résultats on peut espérer et obtenir lorsqu'on s'applique de
toute son âme à implanter parmi la jeunesse la connaissance et l'amour
du Dieu qui met ses délices à vivre avec les enfants des hommes !
Je me contenterai, à titre de renseignements, de produire la statistique
suivante, des plus suggestives.
Des communications officielles adressées à l'Evêché de Metz, il appert
qu' " il y a progrès très sensible dans le rapport de la fréquence des com-
munions et, ce qui est encore plus encourageant, d'année en année, la
marche en avant continue. Au Petit Séminaire de Montigny-lès-Metz,
de même qu'au collège de Bitsch, un bon nombre d"élèves, un tiers à peu
près, tous les jours ; un peu plus de la moitié des élèves s'approchent de la
Table sainte tous les dimanches, et le reste, c'est-à-dire un sixième à peu
près, tous les quinze jours, très peu seulement toutes les trois semaines.
Une autre statistique nous montre la marche ascendante du mouve-
ment: au Petit Séminaire il y a eu, pour l'année scolaire 1908-09, 200O
communions d'élèves en plus que l'année précédente; et pour l'année
scolaire courante, en prenant pour base la première partie de l'année,
nous aurons une augmentation de 3000 communions sur l'an der-
nier." (1)
Il va de soi que le mouvement des autres manifestations de la dévo-
tion eucharistique dans ces maisons est à l'avenant. Et cela se conçoit.
Je défie d'établir que la pratique de la Communion fréquente s'implante
et se généralise dans un milieu chrétien ou scolaire quelconque, sans
que, simultanément et comme nécessairement, on n'y voie s'établir la
pratique de la visite au Très Saint-Sacrement et de la messe quotidienne,
une foi plus vive, une piété plus manifeste envers l'Eucharistie ; sans
qu'on n'y sente, plus réelle et plus intense, ce que je nommerai, sans
crainte d'être accusé de mysticisme, " la vie eudiaristique," et j'entends
par ce mot une vie dont l'Eucharistie est l'aliment et le centre, le mobile
et la fin.
Le Supérieur d'une Institution ecclésiastique du diocèse de Metz
m'écrivait: "La pratique de la communion fréquente et quotidienne est
en notable progrès dans notre Institution, depuis la promulgation du
Décret Sacra Tridentina Synodm. Le nombre de communions est de
108; celui des hosties consommées par mois est de 650, soit environ 400
(1) La Communion fréquente des Elèves des Etablissements d'Education et
d'instruction. Rapport présont^ au fonar?-* oucliaristiqui' (lioc<^<ain de Metz,
en 1910, par M. l'abbé Bouvy, professeur au Petit Séminaire.
— 390 —
les diiuanclios et 2-30 en semaine. . . . Xous pouvons enregistrer dès
maintenant des etîets immédiats : tenue parfaite à la chapelle et pendant
les exercices de piété, en général ; régularité plus grande dans l'observa-
tion (lu règlement et, dans une certaine mesure^ application plus cons-
laute à Télude."" (1)
Un autre supérieur du même diocèse m'écrivait, de son côté : " Le
chiffre officiel de nos élèves est de -^75, mais le chiff're des commu-
niants n'est que de 220. La moyenne des communions de chaque
jour a été de T)!) pour 190T-1908, et de 57 pour 190.S-1909 Le
nombre des hosties consommées dans l'année a été de 13,370, pour
1907-1908, et de 15,4-15, pour 1908-1909. Les élèves sont absents pen-
dant trois mois (vacances de Xoël, de Pâques, grandes vacances: août et
septembre).'' (2)
Si du pays de Lorraine nous nous transportons dans les régions plus
lointaines de la Lrance Coloniale, ou même des pays soumis au Protec-
torat de la France, nous aurons encore de consolants renseignements à
recueillir.
Le Directeur d'une modeste école du Liban m'écrivait, il }' a quelques
mois : "■ ^Nous n'avons guère ici qu'une vingtaine d'élèves qui aient fait
leur première Communion. Sur ce nombre, (piatre ou cinq s'approchent
chaque jour de la Sainte Table; presque tous les autres communient au
moins une fois par semaine. C'est peu, sans doute; mais ce n'est qu'un
début, déjà bien consolant. L'un des plus fervents parmi nos élèves me
disait, il n'y a pas longtemps: "Je ne m'étais proposé tout d'abord que
'• deux ou trois fois par senuiine ; mais je me trouvais si ])ien de mes
" communions, il m'en coritait tant de rester un jour sans recevoir
" Xotre-Seigneur, ([Ue je me suis mis à la Communion quotidienne, et
"je n'ai qu'un désir: de m'y maintenir."
" Depuis le commencement de la présente année scolaire, j'ai rappelé
à nu'S élèves. cluKpie semaine, presque chaque jour, une pensée propre à
leur donner restime et le goût de la fréquente Communion.
"D'autre part, nos enfants, qui sont tous maronites, ont pris l'habi-
tude, à leur ai'rivée à l'école, vers 5 h. i/o du matin, de faire d'abord une
visite au Saint-Sacrement. Le soir, à mesure (|u'ils finissent leur de-
voir,' ils vont également saluer Notre-Seigneur avant de retourner à leur
maison. Cette numière de faire, la grande liberté que leur petit nombre
nous permet de leui- laisser, ne nous ont donné, jusqu'à présent, que
d'excellents résultats. Je n'ai vu aucune part, en France, des élèves
ayant meilleur esprit et nécessitant moins de surveillance." (3)
Du fond de l'Ivxtrénu'-Oi'ienl, d'un Petit Séminaire de l'Ànnam, on
m'écrivait aussi : " L'oMivre de Dieu continue à se faire ici, pas assez vite
( 1 ) IJappoii (le ^I. l'abbé Lamberton, Supérieur de l'Institut Saint-Augustin,
(le 15it^cli.
(2) Kapport de M. le Cliaii. Hamant, Supérieur du Petit Séminaire de Monti-
^ny-les-Met/.
(3) lettre du Cli. ¥r. Marie-Basile, de la Société de iviarie, Directeur de l'Kx-
ternat N.-D. du Liban, à Amchit (Syrie).
— 391 —
à notre gré — que ne sommes-nous plus saints ! — mais enfin nous
sommes on réel progrès depuis l'an dernier. I^e nombre de nos commu-
niants (luotidiens augmente plutôt (ju"il ne diminue. La dévotion
eucharistique, Tattrait vers la Communion plus fréquente se manifestent
de plus en plui> parmi nos élèves. Les résultats en sont des plus con-
solants. Si je vous disais qu'ils donnent, étudient, prient sans aucune
surveillance officielle! A l'étude, au dortoir, à la chapelle, ils sont livrés
à eux-mênu'S. Ce n'est pas que nous n'ayons pas les yeux sur eux, mais
aucune surveillance officielle comme en France; aucun surveillant attitré
ou de semaine. Xous voulons surtout que leur conscience les surveille
et qu'ils s'habituent à tenir compte de la présence sacranuMitelle de Jé-
sus-Christ en eux. . . Au connuencement, je trouvais cet usage étrange,
et même inadmissibh'. Voilà huit ans que je me trouve ici, et je re-
marque que tout est parfaitement dans l'ordre et que nos chers élèves
n'abusent nullement de la grande latitude qu'on leur laisse." (1)
Je ne doute pas, mes chers et vénérés Confrères, qu'en écoutant la
lecture de ces détails édifiants et quelques-uns émouvants, vous n'ayez
entrevu, dans une évidence qui a fait tressaillir vos cœurs apostoliques,
le parti, — s'il m'est permis d'employer ce mot — que nous pourrions
tirer de l'adorable Eucharistie, si nous savions al)oucher^ en (pielque
sorte, les âmes avec elle.
C'est la réflexion qui, malgré moi, revenait sans cesse à mon esprit,
tandis que je dépouillais la volumineuse correspondance de laquelle j'ai
extrait les détails nécessairemeni réchiits (|ue vous venez d'entendre, de
me disais, l'âme oppressée d'une invincible tristesse: Si nous savions!
si nous voulions!... Si tous les prêtres éducateurs voulaient, chacun
})Our une part, entrer dans les vues du Souverain Pontife et de la Sainte
Eglise, qui sont les désirs mêmes de Jésus-Christ, porter, pousser les
âmes, les jeunes ânu'S vers l'Eucharistie, implanter le " régime sauveur ''
de la Communion frécjuente et (piotidienne, quelle transformation mer-
veilleuse et rapide s*op?rerait parmi la jeunesse élevée dans nos col-
lèges ! . . .
Mais, de même (juc toute médaille a son revers, les détails consolants
que vous venez d'entendre. Messieurs, sont malheureusement contreba-
lancés et même atténués par d'autres détails <|ui iiermettent de dire (|ue,
malgré les apparences, nos Maisons d'Education ne donnent pas encore
la mesure de ce ([u'on en peut attendre.
Je disais tout à l'heure que, dans la production des témoignages des-
tinés à vous édifier sur la vraie situation de ces maisons, au point de vue
de la dévoticm et de la vie eucharisti(|ues, je n'aurais (|ue Ti-mbarriH du
choix.
Je me trompais. Messieurs. 11 est un autre end)arras (|Ue j c|)rouve
et qui m'arrêterait, si la nature de cette Assemblée, exclusivement com-
(1) Lettre .lu i;. 1>. M. Maunicr. .Mis-, apost. Pc-tit Séminain- .!.• An Ninli par
Quanf^-Tri ( Aunaiu ) .
— 392 —
posée de prêtres, ne me donnait le droit, mieux encore, ne m'imposait
le devoir de dire la vérité, toute la vérité.
Or, la vérité, pour autant, du moins, qu'il m'a été permis de l'établir
à l'aide d'une enquête minutieuse et de renseignements puisés à bonnes
sources, la vérité est que, malgré les apparences, la dévotion envers la
Sainte Eucharistie, n'est pas, dans la majorité de nos collèges catho-
liques en France, ce qu'elle pourrait et devrait être.
Et pour concrétiser et préciser mon dire et ne pas demeurer dans les
généralités, je dis que :
1° La pratique de la visite au Très Saint-Sacrement, soit officielle
et en commun, soit privée et d'initiative personnelle, y est relativement
peu en honneur; les maisons où elle fonctionne sont le petit nombre.
Tel Petit Séminaire transformé en collège ou étiqueté d'un nom plus
ou moins séculier, depuis la fameuse '' Loi de Séparation," et dans le-
quel existait cette pratique, l'a supprimée ou l'a laissée tomber en désué-
tude, sans rien faire pour la conserver.
2° L'assistance à la messe quotidienne tend à devenir de plus en plus
rare dans bon nombre de maisons d'éducation dirigées par des prêtres.
Sous prétexte de donner aux études le temps rigoureusement exigé par
les implacables programmes officiels; de ménager les susceptibilités des
familles, ou de ne pas imposer aux élèves un exercice auquel ils ne seront
pas tenus, une fois sortis du collège, on a réduit l'assistance quotidienne
à la messe à deux jours par semaine : le dimanche et le jeudi. Dans
certaines institutions, il n'y a d'obligatoire que la messe dominicale.
Les autres jours de la semaine, l'audition de la messe est facultative.
Y assistent les élèves qui désirent communier. Il va de soi que là où
la fréquente communion n'est pas en honneur, l'assistance à la messe
en semaine ne l'est pas davantage.
3° Enfin la pratique de la Communion, qui a pris, en France, une sé-
rieuse extension dans un certain nombre de collèges catholiques, est
encore fort réduite et limitée en un assez grand nombre d'autres. Je
ne pense pas exagérer en affirmant que dans un tiers à peine est pra-
tiquée la Communion fréquente, — j'entends par là, la Communion Bur
semaine. — Dans la plupart des maisons où cette Communion existe, ce
sont surtout les jeunes élèves et, en nombre plus restreint, les élèves
moyens, que l'on voit s'approcher plus fréquemment de la Table Sainte.
Dans la division des grands élèves, ceux qui communient sur semaine
sont plus rares. En sorte que l'exemple, qui devrait venir es hautes
classes, faisant défaut, les abstentions se multiplient et s'accentuent peu
à peu chez les élèves de la moyenne division, lesquels, inévitablement,
exercent une influence de relâchement sur leurs plus jeunes camarades.
C'est ainsi qu'on a vu toi établis^omont où la réception de la Sainte
Eucharistie, de fréquente qu'elle était à une époque, et dans chacune
des divisions inférieures, en est venue à n'être plus qu'hebdomadaire
pour une moyenne: la Comuninion sur semaine n'y est plus qu'excep-
tionnelle,
Dois-je, Messieurs, à l'appui de mon dire et pour démontrer qu'il re-
5
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S 5
— 393 —
pose sur des fondements certains, produire des témoignages qui le con-
firment?. . . Sans vouloir les multiplier — ce qui serait introduire une
note trop triste dans ce concert de louanges à la gloire du Divin Sacre-
ment que doit être un Congrès eucharistique, je me permettrai quelques
sobres citations.
" Je crois que la majorité des maîtres, m'écrivait-on d'un collège ca-
tholique, précédemment Petit Séminaire (1), n'ont du Décret de 1905
qu'une vague idée . . . "
•' A part une ou deux instructions données au cours de l'année sco-
laire sur la Sainte Communion, écrit-on d'ailleurs, on ne fait rien chez
nous pour vulgariser la doctrine du Décret. Je ne sache pas qu'aucun
professeur ait eu la pensée d'en expliquer et d'en commenter le texte,
en faisant à ses élèves le cours d'instruction religieuse; nos élèves vivent
d'une certaine routine, suivent les usages reçus, sans presque soupçonner
qu'ils puissent faire plus et mieux. Mes pénitents constituent une caté-
gorie tellement à part, qu'ils n'osent communier aussi souvent que je le
voudrais et que je les engage pour le bien de leur âme.""
" La Communion fréquente est très peu en honneur parmi nos grands
élèves ... Le malheur est que, en passant d'une division à l'autre, les en-
fants qui avaient commencé à s'approcher en semaine de la Table Sainte,
perdent trop leurs bonnes habitudes. De sorte que la communion de-
vient moins fréquente précisément à l'époque de l'âge critique, où elle
serait encore plus nécessaire. Et je ne vois pas qu'on fasse chez nous
assez pour réagir. Les professeurs s'abstiennent de tout prosélytisme
personnel. Ils abandonnent ce soin aux confesseurs."
" La visite au Saint-Sacrement tend plutôt à baisser, surtout en pre-
mière division, celle des grands. La Garde d'Honneur du Très Saint-
Sacrement établie autrefois, n'a pas été continuée, depuis le transfert
de notre maison de X. . . à Z. . . ."
" Nous avions autrefois messe de communauté chaque matin. Depuis
quelques années, la messe quotidienne a été remplacée par la messe bi-
hebdomadaire. La diversité des éléments dont est composée notre popu-
lation scolaire a amené cette modification, qui n'a pas peu contribué, j'ose
le dire, à une diminution notable de l'esprit profondément religieux qui
animait notre maison."
Que conclure, Messieurs, de ces divers témoignages? — et, je le répète,
qu'un très petit nombre — sinon que nous sommes loin encore de la per-
fection, et que s'il y a utilité à dire ce qui se fait, il peut y en avoir aussi
à dire ce qui ne se fait pas, afin de conjurer le péril de se complaire dans
une béate satisfaction et une quiétude funeste aux âmes. Nous nous
disons, peut-être trop, que nous faisons notre possible, alors que ce pos-
sible est loin d'être la mesure de ce qu'on doit attendre de nous. Il n'y
a pas de pire illusion que celle qui consiste à se croire en règle, tandis
que, en réalité, on néglige maints points importants.
(1) On comprendra que je n'aie citr- aucun nom de personnes ou de collèges.
La délicatesse du sujet m'imposait la plus entière discrétion.
— 39i —
Je vous demande pardon, Messieurs et vénérés Confrères, d'avoir fait
entendre dans cette Assemblée une note aux apparences pessimistes.
Humble représentant de la France, il semblait tout naturel et d'ailleurs
réclamé par la circonstance, que je ne disse que du bien de mon pays,
qui, après plus de deux siècles, est aussi resté le vôtre ! (1)
Dire du bien ! Je le voudrais et, vive Dieu ! du bien, il y en a encore
en France. Mais mon cœur ne peut ignorer ce que mou esprit, ce que
mes yeux de chair constatent, hélas ! avec une peine indicible : lenvahis-
senient grandissant du terrain de nos libertés religieuses et, par consé-
quent nationales, par des hommes qui ont en mains le pouvoir, mais qui
n'ont jias au cœur le véritable amour de la France. Et tandis que les
attaques se multiplient, tandis que les brèches s'élargissent, que le rem-
part de nos libertés démantelées croule sous les coups des lois liberti-
cides; tandis que chez nous la foi est en plus grand péril, que rensei-
gnement chrétien est de plus en plus menacé; et que, par la logique
même des choses, un sentiment sublime, quoique très simple et très na-
turel, devrait dominer, étreindre comme une passion le cœur de ceux (pii,
momentanément encore, disposent du droit de donner cet enseignement:
sentiment de zèle surnaturel, désir souverain de façonner des âmes on
même temps que des intelligences ; de préparer, par tous les moyens en
leur pouvoir, tine jeunesse profondément, irréductiblement chrétienne :
serait-il admissible, serait-il seulement possible que ce sentiment, ce désir
soient étouffés, ou affaiblis par d'autres préoccupations inférieures':'...
En ce cas. Messieurs, comment ne pas s'alarmer d'une telle attitude?
Comment ne pas la signaler comme un danger pour l'avenir de la
France? Comment ne point songer à la grave responsabilité qu'en-
dosseraient ceux qui enseignent et qui ne seront de vrais profes-
seurs que parce que précisément formateurs d'âmes, et qu'à la
condition d'être apôtres. Car. Messieurs, j'estime, et votis estimez avec
moi, n'est-il pas vrai? que faire la classe et ne faire que la classe, pour
un prêtre, c'est le dernier des contre-sens. Point n'est besoin dit sacer-
doce pour apprendre à des écoliers du français, dti latin et du grec: de
l'histoire, de la ]ihilosophie et des mathématiques: le premier breveté
venu le peut tout comme nous, peut-être mieux que nous. Mais pour
atteindre les âmes, les élever, les façonner aux habitudes vertueuses, à
la vie du Christ que doit reproduire tout chrétien, Chris! iaiiU'^ alicr
Christxis, nul n'y est plus apte que le prêtre, et c'est parce que nous
sommes prêtres, <\\\e l'on fait de nous, de quelques-uns de nous, des pro-
fesseurs.
Quand donc cela sera-t-il compris, mais compris et tenu à l'égal d'un
dogme, par le généralité des 7nembres du Clersfé enseignant Cpour ne
parler que de cette catégorie de prêtres!) Ah ! Messieurs, prions et agis-
sons pour que le règne etirharisfirjur de Xotre-Seigutnir n(lv\onno, et que
notre devise à tous soit celle de notre Auguste et bien aimé Pontife Pie
X: Jnstanrnre nmin'a in Clirixlo!
{ 1 ) On n'ignore pas que le Canada fut terre française, de 1534 h 1763.
— 395 —
Prêtres éducateurs du Canada, instruisez-vous de l'exemple de vos
Frères de France, non qu'ils soient — comprenez bien ma pensée — in-
fidèles à leur mission — ce serait de ma part une criante injustice, dou-
blée d'une outrecuidance inqualifiable, que de seulement l'insinuer. —
Mais, sans être infidèle à sa mission, on peut, même en des points im-
portants — n'être pas tout à fait à la hauteur de sa tâche. Et c'est
parce que la chose est possible chez nous, (pi'il est permis de souhaiter
qu'elle ne le devienne pas chez vous 1 . . .
Mais qu'est-il besoin de vous tenir ce langage? l'rêircs Adorateurs,
Prêtres Educateurs du Canada, membres de cette admirable Jjif/iie t>(i-
cerdotale eucharistique, implantée dans la Xouvelle-Fnnicc par la Con-
grégation française du Très Saint-Sacrement, dont je salue ici les dignes
représentants, les Supérieurs des Maisons des deux Amériques, et dont
je suis particulièrement fier de saluer le religieux aussi distingué (pie
modeste, secrétaire du Comité local, cheville ouvrière et organisateur
intelligent et actif des travaux de ce Congrès, — vous l'avez tous nommé,
le P. Etienne Galtier, que je suis allé chercher, il y a 24 ans. au fond
delà catholique Lozère et amené, précieuse recrue, au duvénat eucharis-
tique de Paris; (1) — Prêtres du Canada, vous avez su travailler à im-
planter au sein de ce pays et, en particulier, dans les milieux de jeu-
nesse, la connaissance et l'amour de l'Eucharistie, le " régime sauveur "
de la Communion fréquente et quotidienne; et vous avez, sans aucun
doute, apporté à ce Congrès l'éloquent témoignage des fruits de votre
zèle, des résultats bénis de ce si opportun apostolat.
Aussi bien n'aurai-je. en finissant, (ju'uue parole de félicitation à vous
adresser et qu'un souhait à formuler.
Soyez bénis, mes vénérés Confrères, vous surtout, membres du Clergé
enseignant du Canada, soyez bénis d'avoir si bien compris (pie pour
former une jeunesse chrétienne, il faut avoir formé, tout au nu)ins faut-
il inlassablement travailler à former en soi l'homme nouveau, noinm.
hominein, l'homme de justice, de vérité et de sainteté, un nouvel Adam,
un autre Christ; et que pour faire aimer Jésus-Christ, il faut l'aimer
soi-même, et vivre en lui, vivre de lui et par lui : Ipse vivet propter me.
Que le Prêtre Educateur oriente sa vie vers ce but : alors il sera vrai-
ment à la hauteur de sa tâche, et son ministère sera pour lui, dans toute
la force du terme, l'exercice d'un apostolat, du plus important et du plus
opportun des apostolats.
(1) J'ai été, de 1885 à 1888, directeur de ce Juvénat. J'ai appartoiiu, do 1880
il 1895 a la Congré<ration du T. S. Sacrement, l'n affreux nialliour de famille,
l'assassinat de mon frère et de ma belle-sœur, m'ublipèrent d'.-n sortir pour
prendre il ma charge mes trois neveux orphelins. Il m'est doux d'avoir l'occasion
publique de professer une fois de plus mon profond et tidèle attachement A la
famille religieuse du Vén. P. Eyniard.
— 39G
Vœux :
Je me permets, en finissant, de proposer au Congrès l'adoption des
vœux suivants, dont les deux derniers furent soumis et approuvés, l'an
dernier, au Congrès eucharistique de Cologne.
1° Pour entrer dans les vues du Souverain Pontife qui sont de tout
édifier sur le Christ, " instaurare omnia in Christo," tous les prêtres
ayant charge d'âmes mettront tous leurs soins à implanter autour d'eux
la dévotion, sous toutes les formes qu'elle comporte, envers la Sainte
Eucharistie.
'2° Appuyés sur l'autorité du Décret Sacra Tridentina Synodus et
pour se conformer à la lettre et à l'esprit de ses ordonnances, les Mem-
bres du Clergé enseignant s'emploieront, d'un commun accord et avec
tout le zèle dont ils sont capables, à promouvoir dans les Maisons d'Edu-
cation la pratique de la Communion fréquente et quotidienne et à déve-
lopper parmi leurs élèves les autres pratiques de dévotion envers
l'adorable Sacrement de nos autels.
3° Conformément à la décision rendue, à la date du 15 septembre
1906, par la Sacrée Congrégation du Concile, les mêmes Membres du
Clergé enseignant s'efforceront d'affectionner leurs plus jeunes élèves à
la pratique de la Communion fréquente et quotidienne, de telle façon
que ces derniers puissent bénéficier de ses avantages aussitôt après leur
première communion, et puiser dans une participation assidue au Ban-
quet eucharistique les grâces de pureté, de piété, de force et de persévé-
rance qui feront d'eux des chrétiens vertueux, de vrais disciples de Jé-
sus-Christ, les défendeurs de sa cause, les promoteurs de son règne dans
le monde.
— 397 —
2° Au Monument National
La seconde séance générale de ce matin, consacrée comme
celle qui s'était tenue au même lieu, la veille, à des études
d'intérêt général, est présidée par Sa Grandeur Mgr LaRocque^
Evêque de Sherbrooke, assisté, comme secrétaire, par M. Le-
coq. Supérieur de St-Sulpice.
Mgr le Président adresse au nombreux auditoire quelques
paroles vivement applaudies; puis M. le Secrétaire annonce
Mgr Bcwil, Vicaire Général et aumônier des Ursuliiies des
Trois-Rivières, qui présente le rapport suivant :
DE L'EDUCATION EUCHARISTIQUE DES ENFANTS
DANS LA FAMILLE, A L'ECOLE, AU
CATECHISME.
ifonseigneur, Mesdames, Messieurs,
Le sujet que j'ai riionneur de traiter devant vous ce matin est inscrit
a;i programme sous ce titre: "De l'éducation eucharistique des enfants
dans la l'amille, à l'école, au catéchisme."' L'énoncé de ce titre nous est
fait en une formule qui paraît un peu nouvelle. Mais le sens qu'il ren-
ferme est en tout conforme à l'enseignement authentique et traditionnel
de l'Eglise; il nous met de plus sous les yeux des points de vue d'une si
grande justesse et d'une clarté si lumineuse que l'esprit en saisit la con-
venance avant toute démonstration.
Nous ne devons pas être surpris que dans lui congrès préparé avec tant
de soin, on ait réservé une place spéciale pour les petits enfants. La
part privilégiée que le divin Maître leur a faite dans son Cœur, les pro-
tégeait d'avance contre les oublis involontaires, et plus encore contre des
omissions que l'on aurait pu croire motivées. Et puis, c'est bien dans
une assemblée générale comme celle-ci, qu'il convenait de s'occuper d'eux.
Ce qui les concerne n'intéresse-t-il pas toutes les classes et tous les âges
de la société ? N'est-il pas désirable que tous puissent se rendre compte
nu bien fondé des conclusions et des vœux qui seront exprinu''s ici : vœux
et conclusions qui nous révéleront la pensée intinu^ de ce i\\U' nous pour-
rions appeler l'âme inspiratrice et dirigeante de ce congrès.
— 398 —
J'entre dans mon sujet, sans antre préambule, en sollicitant pour quel-
ques instants votre indulgente attention.
Et d'abord, quel sens devons-nous donner à ces mots : '" De Téducation
eucharistique des enfants?'' Si Je ne me trompe, nous voulons dire
que dans la formation religieuse et chrétienne des enfants, il nous faut
donner une attention spéciale au mystère eucharistique; leur faire con-
naître ce qu'il en est lui-même ; le culte qui lui est dû ; la raison divine
de son institution; et ces connaissances, les faire pénétrer de bonne heure
dans leurs âmes, non pas seulement d'une manière théorique, comme
objet de leur croyance; mais bien d'une manière pratique, en quelque
sorte vivante, de telle sorte qu'ils apprennent ce qu'est Jésus-Hostie par
rapport à nous, quelles sont avec nous ses relations intimes et quelle est
la part d'action qui lui appartient dans la direction morale et religieuse
de notre vie.
L'exposé de quelques vérités bien connues, rendra plus clair ce que
j'ai à dire sur ce sujet; qu'il me soit permis de les rappeler en peu do
mots.
L'homme a été créé pour Dieu, pour le posséder éternellement et par-
tager son bonheur par la vision béatifique. C'est ce que nous appelons
la vie éternelle, vie de gloire, la seule vraie vie, but suprême qu'il doit
atteindre s'il veut accomplir sa destinée. Cette vie éternelle qui a sa
consommation et son parfait épanouissement dans le ciel se prépare et
commence sur la terre par la vie surnaturelle de la grâce; et le moyen
d'y arriver, c'est la connaissance et l'amour de Dieu et de Notre-Seigneur
Jésus-Christ. Car, nous dit le divin Maître, en s'adressant à son Père
céleste, " la vie éternelle consiste à vous connaître, vous le seul vrai
Dieu, et Celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ." (St-Jean XVII-3 )
Ainsi dans l'ordre du salut, la connaissance de Notre-Seigneur Jésus-
Christ ne peut se séparer de la connaissance de Dieu. Cette connais-
sance, absolument nécessaire aux adultes, devient aussi obligatoire pour
les enfants, à mesure que, avec la croissance de l'âge et le développement
de leur intelligence, s'accroît aussi leur propre responsabilité. Mais
qu'est-ce que connaître Jésus-Christ, et jusqu'oii doit s'étendre cette di-
vine connaissance qui est le principe d'un si grand bonheur ?
Connaître Jésus-Christ, c'est avant tout savoir, conformément aux
données de la foi, qu'il est le vrai Fils de Dieu, le Verbe incarné, qu'il
i'.it le Sauveur du genre humain et que, pour le sauver, il a souffert, il
est mort, et qu'après être ressuscité glorieusement, il est monté au ciel
pour nous y préparer une place.
Mais ce n'est pas tout. La foi nous enseigne que, avant de monter
vers son Père, il a voulu établir sa demeure d'une manière permanente
ou milieu de nous. Voici que je serai avec vous tous les jours jusqu'à
\i\ fin des siècles, avait-il promis à ses a])ôtres, et, en instituant un sacer-
doce impérissable, sur le type de son sacerdoce éternel, il a opéré la mer-
veille des merveilles, il nous a laissé le sacrement que la piété des fidèles
appelle le sacrement d'amour. Et depuis dix-neuf siècles, Notre-Seigneur,
monté au ciel en sa chair glorifiée, opère cependant le miracle que nous
ndorons à genoux. T! est resté au milieu de nous, il iu)us a donné son
(orps. et comme son corps est vivant et inséparable de sa divinité, il
— 399 —
s'ensuit que depuis dix-neul" siècles et jusqu'à toujours, nous avons avec
nous le Fils éternel de Dieu, qui vit au milieu de nous, sans Jamais nous
quitter, parce que ses délices sont d'être avec les enfants des hommes.
Et nous pourrions rester indifférents en présence de ce mystère ! Et
les hommes pourraient, sans ingratitude et sans détriment de leur vie
surnaturelle, suivre leur chemin à travers le monde et à travers les
siècles, en laissant dans l'isolement et dans l'oubli leur divin compagnon
de route !
Non, il ne peut en être ainsi. Ce serait trop méconnaître les des-
seins si généreux et si pleins de miséricorde du Cœur de Jésus. Il
s'ensuit que la connaissance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, pour être
complète et intégrale, comporte la connaissance du mystère eucharistique
et ne peut en être séparée. En effet, si le divin Maître a pu dire en
s'adressant à son Père céleste : " La vie éternelle consiste à vous connaître.
Vous, le seul vrai Dieu, et celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ/'
(S. Jean, XVII-3), il nous dit à nous: Je suis le pain de vie; je suis le
pain vivant, moi qui suis descendu du ciel; si quelqu'un mange de ce
pain, il vivra éternellement, et le pain que je donnerai, c'est ma chair
pour la vie du monde. Si vous ne mangez la chair du Fils de Thomme,
vous n'aurez point la vie en vous, etc. Et lorsqu'il institue l'adorable
pacrement : Prenez et mangez, ceci est mon corps, etc. Telle est donc la
pensée intime, la volonté nettement marquée du divin Sauveur. Il a
fait entrer la Sainte Eucharistie dans l'économie de la rédemption et
de la sanctifieation des âmes; et ce qu'il a établi doit demeurer et de-
meurera, tant qu'il y aura sur la terre des âmes à régénérer et à r-anc-
tifier.
Xotre-Seigneur, en instituant l'auguste mystère, s'est proposé des fins
multiples. Qu'il ait voulu glorifier son Père par ses abaissements mys-
tiques et son immolation jamais interrom])ue : qu'il ait eu dessein, en
même temps, de faire du bien aux hommes, voilà sans doute, la fin su-
prême et dernière de la cérémonie accomplie à la dernière cène, ^fais
si nous méditons les paroles que noiis venons de citer et si nous considé-
rons les s}Tnboles dont il s'est servi pour réaliser le miracle de sa pré-
sence réelle et pennanentc' au milieu de nous, nous devons recojinaître
qu'une pensée spéciale, dominante, lui a inspiré ce grand acte. Ce quïl
annonce à ses apôtres et aux Juifs, ce qu'il promet, ce n'est pas préci-
sément, et avant tout, une chose sainte et divine qu'il faudra vénérer et
adorer, ce n'est pas seulement un sacrifice qui devra être renouvelé tous
les jours pour le salut du monde. C'est une nourriture dont il veut que
nous îuangions : c'est un pain dont il veut nous rassasier. Ah ! la chose
sainte, ou plutôt la personne divine qu'il faudra adorer y sera sans doute,
puisque c'est elle qui va faire l'objet de son don: le sacrifice perpétuel
V sera aus?i. puisque c'est le moven qu'il choisit ])our se donner, comme
il veut se donner. Mais tout cela y sera, afin ^que nous ayons sans cesse
et tous les jours, une nourriture divine, une nourriture dont la propriété
sera d'entretenir en nous la vie de la grâce, jusqu'à notre entrée dans
la vie de la gloire. C'est ainsi que les apôtres l'ont entendu et compris.
C'est ainsi que les premiers r-hrétiens. instruits nar les apôtres, l'^mt
compris et pratiqué. C'est ainsi que l'Eglise, héritière et dépositaire
infaillible des enseignements des ajmtres et du ^faîtrc l'a toujours -om-
— 400 —
pris et enseigné. Et tous ceux, qui à un titre quelconque sont chargés
de l'instruction religieuse des enfants, ne doivent-ils pas leur distribuer
le même enseignement, et ne serait-ce pas méconnaître les aspirations
et les exigences surnaturelles de ces enfants, que de les laisser grandir
jusqu'aux approches de l'adolescence, avec des idées vagues et plus ou
moins erronées à l'égard de la Sainte Eucharistie ? Ces enfants ont
droit à la connaissance intégrale de leur divin Eédempteur et Sauveur,
leurs éducateurs sont obligés de la leur donner autant qu'ils sont ca-
pables de la recevoir, avant même qu'ils comprennent le devoir de la
demander. Mais cette connaissance, ils ne l'auront pas, tant qu'on leur
laissera ignorer le sacrement dans lequel il se tient captif et caché, pour
assurer à ceux qu'il a rachetés, les fruits surabondants de sa rédemption.
Pour eux comme pour les adultes, la table est dressée par le Père
de famille. Si nous y sommes conviés comme les premiers chrétiens,
les enfants d'aujourd'hui, comme ceux des premiers âges, ont droit eux
aussi d'y prendre place, et les besoins spirituels de leurs Jeunes âmes
demandent qu'ils n'en soient pas écartés. Parvuli petierunt panem.
Faudra-t-il ajouter qu'il n'y a personne pour le leur donner? Et non
erat qui frangeret eis.
1. — Dans la famille.
Mais pourrait-on demander, les enfants, dans leur bas âge, sont-ils
capables d'être instruits d'une manière profitable et efficace d'un mys-
tère aussi élevé? d'un mystère à l'égard duquel les impressions des sens
semblent si peu en harmonie avec les enseignements de la foi? Je pour-
rais répondre d'abord, que l'enfant est naturellement disposé à admettre
ce qui lui est enseigné. Simple et sans défiance, il accepte tout, il croit
tout de la part de ceux en qui il a mis sa confiance. Mais je m'arrête
à une autre considération.
Il y a un phénomène de l'ordre de la grâce que l'on oublie trop souvent,
par suite de la manière toute naturaliste dont on envisage les choses qui
sont au-dessus de la nature.
L'enfant qui a été baptisé, a reçu avec la grâce sanctifiante, d'une
manière infuse, le principe des vertus surnaturelles, et notamment des
vertus théologales, la foi, l'espérance et la charité. Par le fait qu'il est
ordonné vers sa fin dernière, qui est la vision de Dieu, et que le bon
Dieu habite en lui, toutes les facultés de son âme sont, pour ainsi dire,
imprégnées des influences de la divinité. L'eau sainte du baptême y a
fait naître des aptitudes et des aspirations spéciales vers les choses cé-
lestes. On dirait une sorte d'instinct supérieur, surnaturel qui l'attire,
(jui le porte doucement à subir les impressions et à concevoir les senti-
ments que la foi et l'amour de Dieu seuls peuvent inspirer. Oui, il est
plus facile, qu'on ne serait porté à le croire, d'inspirer aux enfants la
Tiiété et l'amour de Xotre-Seigneur Jésus-Christ. Et l'un des moyens
les plus efficaces pour y arriver, c'est de leur parler de Jésus-Christ
comme présent au milieu d'eux, de leur montrer, en (]uelque sorte, en
leur faisant connaître le mystère de l'Eucharistie.
Dites-leur que le Fils de Dieu est venu autrefois sur la terre, qu'il est
mort, qu'il a souffert pour eux; ces vérités, sans doute, si elles sont bien
— 401 —
mises à leur portée, ne les laisseront pas insensibles. Cependant, c'est
un fait d'expérience que les choses qui se sont passées loin de nous, ou
dans le lointain des âges, ne font pas ordinairement sur nos âmes une
impression bien profonde et bien durable. Celles, au contraire, qui se
passent sous nos yeux, dont nous sommes témoins, nous impressionnent
davantage; et, si elles s'accomplissent en notre faveur, plus est grand
le témoignage d'amour dont elles font preuve, plus nous sommes portés
à rendre amour pour amour, à l'être bienfaisant qui se montre généreux
à notre égard. C'est une loi de la nature à laquelle les enfants eux-
]nêmes ne font pas exception. C'est ce qu'opérera en eux, la connai.>-
sance de la Sainte Eucharistie, en mettant sous leurs yeux le mémorial
toujours persistant de l'amour qui a fait Jésus-Christ se sacrifier pour
i;ous. Bien qu'ils se trouvent ici en présence d'un mystère qu'ils ne
comprennent pas, ils laisseront bientôt voir que ce Jésus si bon a déjà
su gagner la meilleure part des affections de leur cœur. Plus d'un
trait de l'histoire pourrait être cité à l'appui de ce que je dis. Le Vén.
M. E^Tnard, encore enfant, avait un tel désir de la sainte communion
que, pendant la messe, qu'il aimait à servir, après que le prêtre avait
communié, il tirait sur sa chasuble et lui disait : "' Et moi, mon père, à
mon tour " . .
Sainte Madeleine de Pazzi, lorsqu'elle voyait sa mère revenir de l'é-
glise, oii elle avait fait la sainte communion, courait à sa rencontre et
lui prodiguait ses témoignages de respect et de tendresse en lui disant:
'•' Mère, tu sens Jésus."
On dira peut-être que ce sont des exceptions, que ces enfants étaient
plus spécialement prévenus par les dons de la grâce, soit. Mais ne
pourrait-on pas dire aussi que ces faits seraient moins rares et moins
extraordinaires, si la foi des enfants était plus éclairée, si on leur faisait
mieux connaître le Sainte Eucharistie.
Après l'exposé de ces vérités générales, venons à des considérations
pratiques et d'application journalière.
.1 quel âge de la vie devrait commencer cette éducation religieuse et
eucharistique des enfants, et quels doivent être leurs premiers maîtres
dans la science de Xotre-Seigneur ? Un trait bien touchant de l'évan-
gile se présente naturellement à notre esprit, pour nous donner la ré-
ponse à cette question.
Tandis aue Jésus parcourait la Judée, on lui amenait de toutes parts
les petits enfants, afin qu'il les bénît; et les apôtres, qui ne connaissaient
encore qu'imparfaitement l'esprit et les tendresses du Cœur de leur
divin Maître, cherchaient à les éloigner. ]\Iais. Jésus, les reprenant,
leur disait: "Laissez venir à moi les petits enfants," et il les recevait
avec bonté, les caressait et les bénissait. Qui donc amenait ainsi les
enfants à Jésus-Christ ? Evidemment leurs parent'', et les enfants Ti'y
seraient pas allés d'eux-mêmes, si les parents ne les y eussent amenés:
ei en disant à ceux (|ui l'entouraient: laissez venir à moi les ix'tit< en-
fants, il leur disait éfinivalemment : amenez-moi les petits enfants, qu'ils
apprennent à me connaître, et ne craignent pas de s'approcher de moi.
et je les comblerai de bénédictions.
Cette histoire est pleine d'enseignements pour vous, mères chre-
— 402 —
tiennes, le Cœur de Jésus est tout amour pour vos enfants, comme il
ai ma il ses petits frères de la Judée. Et, comme il faisait aux jours de
sa vie mortelle, il ne cesse de vous dire, à vous aussi: amenez-moi vos
petits riifants, ([ue par vous ils me connaissent, qu'ils apprennent à
nraiiHcr, comuie moi aussi je les aime et désire leur procurer le plus
grand de tous les bienfaits.
Oui. faites comme ces pieuses femmes de la Judée qui ne craignaient
pas de se rendre imi)ortunes en se pressant autour de Jésus et en lui
amenant leurs enfants. Si l'on veut vous écarter, et éloigner de Jésus
les chères petites créatures que vous aimez, insistez davantage, soyez
courageuses et persévérantes: ne craignez pas les oppositions d'un faux
zèle ou d'un respect mal entendu, et moins encore les clameurs de la
haine et de la jalousie envers Jésus, et vos saintes hardiesses vous vau-
dront à vous et à vos enfants, le bonheur de recevoir des paroles de ten-
dresse et de bénédiction d"un prix inestimable.
l'n ])rêtre éminent du clergé de Paris répondant un jour à l'un de
ses confrères qui parlait de ce sujet, lui dit spirituellement : Ainsi, vous
voulez que l'éducation eucharistique des enfants commence le jour de
leur baptême. — C'est bien cela, répliqua celui-ci. La répartie paraîtra
peut-être paradoxale. Voyons plutôt si elle n'est pas l'expression d'une
vérité profonde.
Il y a des mères chrétiennes qui, au jour du baptême de leurs enfants,
ne man(|uent jamais de les offrir au Sacré-Cœur de Jésus ou à la Très
Sainte Vierge par le ministère de la marraine. C'est mi usage que
l'on ne saurait ti'op louer et recommander. La pieuse mère reconnaît
par là (|ue l'enfant appartient à Dieu, et lorsque après avoir été régénéré"
par la grâce du ba])tême, il est déposé dans ses bras maternels, elle le
reçoit comme un dépôt doublement cher et sacré. Cet enfant est bien
à elle, mais il est aussi le fils adoptif du Très Haut, l'héritier de son
royaume, le cohéritier de Jésus-Christ. Dès lors, un double amour en-
vironne et protège cet enfant: l'amour de ses parents selon la nature,
et l'amour du Père céleste qui le lui confie, comme il confia son premier
né. Jésus, à Joseph et à Marie. Il suit de là, que par une disposition
admirable de la Providence, plus les enfants sont jeunes, plus ils dé-
pendent de leurs parents, et plus ces derniers auront à répondre à Dieu
do la manière dont ils auront pris soin de leurs jeunes années. D'un
autre côté, les ])arents. s'ils ont vraiment l'esprit de foi. resteront faci-
lement convaincus qu'ils ont besoin de Dieu, mais aussi qu'ils peuvent
d'autaiil plus compter sur Lui, j)our ce (pii regarde le l)ien de leurs en-
fants. La prière se ])résente alors comme un ])ressant et impérieux
devoir, comme une ressource d'une efficacité incalculable dans l'œuvre
de l'éducation. Oui. pères et mères, vous n'êtes pas seuls, vos eff'orts
ne sont pas isolés pour l'accomplissement de ce grand devoir: Dieu lui-
niême y est intéressé. Priez pour vos enfants, qui sont aussi les enfants
de Dieu. Vous avez tous les motifs de confiance pour vous réconforter
si vous savez recourir au grand moyen de la prière.
Priez et apprenez à vos enfants la nécessité et la pratique de la prière.
dès leurs plus tendres années. Que le saint Nom de Jésus résonne comme
une douce mélodie à leurs oi-eilles, f|u'il s'exhale de leurs cœurs et coule
sur leurs lèvres comme une onction sainte riui les charme et les sanctifie.
— 403 —
L'éducation chrétienne des enfants est un édifice qu'il faut construire;
l'âme est un tabernacle où la divinité elle-même veut recevoir Tliospita-
lité. Oli, le prophète royal l'a chanté: Nisi Dominus œdificaverit domum.
in vanum hiboraverunt qui œdificant eam. Si le Seigneur ne bâtit lui-
même la maison, c'est en vain que des ouvriers travailleront à la bâtir.
La prière vous obtiendra ce concours nécessaire de l'architecte divin, et
ainsi votre travail ne sera pas stérile. Veillez aussi avec un soin jalou.x,
sur l'innocence de vos enfants. Oh ! comme elle doit vous être chère
cette blanche pureté de l'âme de vos enfants, et quel plus précieux trésor
pourriez-vous avoir sous votre garde 1 Comme elle les disposera heureu-
senu'ut à la connaissance et à l'amour de la Sainte Eucharistie 1 Jésus
l'a dit : Bienheureux les cœurs purs, parce qu'ils verront Dieu. Ils le
verront et ils s'y attacheront. Jésus lui-même est un aimant qui attire,
qui charme et qui captive. Les coeurs purs ont une affinité nu'rveilleuse
à subir l'influence de cet aimant. Ainsi attiré par Jésus, gardé et pro-
tégé par vous, l'enfant grandira dans toute la fraîcheur de sa beauté,
et deviendra ce tabernacle vivant et richement orné où Jésus aimera à
se reposer. C'est ainsi que l'éducation aura commencé au baptême. Or,
le terrain étant si bien préparé, l'instruction religieuse deviendra plus
facile et portera des fruits abondants. Puisque c'est de vous, parents
chrétiens que l'enfant doit recevoir les premiers enseignements, ne trou-
verez-vous pas profondément raisonnable et infiniment désirable, que la
connaissance de Dieu jette les rayons de sa lumière dans son âme, dès
le ])remier réveil de sa vie intellectuelle. A mesure que le jour s'y fera
plus brillant et plus l)eau, que cette raison se développera sous l'inttiu'nce
du milieu où elle vivra, et par les choses qu'elle entendra et qu'elle verra,
faudra-t-il fjue le bon Dieu. (|ue Jésus soit mis de côté, pour donner toute
la place aux choses terrestres et de l'ordre purement naturel, et laisser
languir, s'étioler, et peut-être, hélas! périr la vie surnaturelle qui fait
de cet enfant l'émule des anges sur la terre. Cette considération, loyale-
ment comprise, nous fait voir quand doit commencer l'éducation dont
nous parlons. Les progrès de l'âge, mais surtout la mesure progressive
du développement intellectuel de l'enfant, nous indinucnf aussi la marche
ascendante de cette éducation et la direction qu'il faut lui donner. Or,
ne crovez pas qu'au début de leur édiuation. il convienne de faire aux
enfants des discours et des exhortations qu'ils ne sont pas encore ca-
pables de sui)porter. L'amour maternel s'y connaît mieux en petites
industries merveilleusenu-nt propres à faire pénétrer dans les âmes les
choses qu'il veut y faire entrer. Que la mère sache seulement profiter
des circonstances qui se présentent si .«ouvent dans la vie de famille,
par exemple, un mot d'explication sur une prière (prellc 1"' f:ii<^ récite;-;
une petite correction ou une récompense que l'enfant aura méritée. Dites-
lui que tell(> chose qu'il a faite, cause de la peine au petit Jésus: que
telle autre lui fait plaisir. Tx^s enfants sont familiers avec les autres
petits enfants. Ils les aiment et traitent avec eux d'égal à égal. Pro-
fitez de cette disposition naturelle pour parler de l'Knfant Jésus et le
faire aimer. Une simple image qui le représente dans la crèche de
Bethléem excitera la curiosité de votre enfant. Et si vous lui dites
nu'il est le Eils de Dieu. Dieu lui-même. nuMl s'est fait petit enfant pour
lui ressembler, qu'il l'aime et (|u'i1 veut le conduire au ciel, votre enfant
— 404 —
l'aimefa aussi, et avec raniour naîtront et grandiront dans son cœur le
respect, la conliance et les autres sentiments qui rapprochent les âmes
de Jésus. Cette petite image vous aidera à lui enseigner une foule de
choses, que sans elle il aurait longtemps ignorées. Montrez-lui le même
Jésus adolescent, maniant la scie et le rabot, dans l'atelier de Saint
Joseph, et pratiquant l'obéissance la plus absolue à ses parents. Oh !
comme il lui paraîtra beau et aimable ce cher petit Jésus ; et quand en-
suite, vous lui ferez voir le même Jésus attaché à la croix par la malice
des hommes, et pour expier nos péchés, le cœur de cet enfant sera ému
et profondément touché, et il vous manifestera ses sentiments par ses
exclamations et quelquefois par ses pleurs. Vous lui aurez inspiré, en
même temps, avec la dévotion au crucifix, la crainte et la détestation du
péché. Vous arriverez^ ainsi facilement, à lui parler de la Sainte Eu-
charistie. Ce même petit Jésus, que vous lui avez montré si bon, si
généreux, si aimable, dites-lui qu'il demeure au milieu de nous, qu'il
est dans nos églises, et que les petits enfants peuvent le voir et lui parler.
Conduisez-le à l'église, aussitôt que son âge vous le permettra. Montrez-
lui le tabernacle oii il repose. Faites-lui voir la sainte hostie, lorsqu'elle
est exposée sur l'autel, ou que le prêtre distribue la sainte communion
aux fidèles. Vous en viendrez à lui expliquer comment cette blanche
hostie, qui était du pain avant la messe, est devenue, par la consécration,
le vrai corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ; que le prêtre opère ce
changement par le pouvoir qui lui a été donné par Notre-Seigneur Jésus-
Christ, à qui rien n'est impossible; que Notre-Seigneur a choisi le pain
pour nous montrer que c'est une nourriture qu'il veut nous donner. Et
que cette nourriture vraiement divine est admirablement efficace pour
nous aider à éviter le mal et à pratiquer la vertu.
Demandez-lui ensuite, s'il n'aimerait pas lui aussi à recevoir Jésus
dans son cœur, à faire sa première communion. Et vous verrez combien
vif se manifestera chez lui l'attrait pour la sainte communion. Vous
en viendrez bientôt à lui faire faire la communion spirituelle, cette pra-
tique trop négligée, et pourtant si salutaire; vous la ferez avec lui par
de toutes courtes formules qu'il apprendra facilement et pourra ensuite
réciter lui-même. Que de choses vous lui aurez déjà appris à respecter
et à aimer par les relations qu'elles ont avec l'Eucharistie ! C'est l'é-
glise dont la beauté l'a charmé et qu'il considère comme la maison de
Dieu; c'est le prêtre, l'homme de l'Eucharistie, celui qui lui donnera
Jésus dans la sainte communion et qui le conduira à Jésus pour vivre
avec lui dans le ciel. C'est le saint sacrifice de la messe, auquel ii assis-
tera avec respect, avant même d'en connaître la nature, ainsi que la
sainteté et la grandeur. Dites ces choses, et d'autres encore, à votre
enfant de quatre ou cinq ans, à six et à sept ans, répétez-les-lui sous
diverses formes, sans le fatiguer ni l'ennuyer. Faites entrer dans votre
foyer quelque bonne revue eucharistique, bien illustrée et enrichie de
traits historiques. Cas moyens divers vous conduiront à des résultats
dont vous serez vous-mêmes étonnés.
2 A l'école.
Cependant, voilà que le
le
Cependant, voilà que le temps est venu pour vos enfants de prendre
chemin de l'école. Les maîtres et les maîtresses, s'ils ont conscience
— 405 —
de leur devoir, deviendront vos auxiliaires, et dans une large mesure
vos suppléants, dans l'œuvre de l'éducation. Gardez-vous cependant de
croire que votre tâche est finie. Intéressez-vous à leurs efforts et à leurs
progrès, et faites en sorte qu'ils s'en aperçoivent. Voyez souvent où
ils en sont dans l'étude de leur catéchisme; veillez à ce que leurs prières
se fassent avec exactitude et avec piété, que leur dévotion à la Sainte
Vierge devienne plus ardente, et montrez-leur surtout l'importance que
vous attachez au grand acte de leur première communion. Et lorsque
ce grand jour sera arrivé, n'oubliez pas, si vous le pouvez, que le moyen
le moins équivoque et le plus édifiant de leur témoigner votre joie, c'est
d'aller prendre part avec eux au banquet divin. Que de vues humaines et
terrestres se mêlent hélas ! aux motifs de foi dans les actes préparatoires
à la première communion. N'est-il pas vrai que la vanité, bien plus
que les idées sérieuses, semble absorber toute l'attention de certaines
âmes d'enfants. 0 mères chrétiennes, faites en sorte que vos petites
filles soient bien plus préoccupées de la pureté de leui-s cœurs et du désir
de posséder Jésus, que de la joie dissipante et toute profane d'avoir de
beaux habits neufs, plus riches et mieux faits que ceux de la petite voi-
sine, ou de recevoir de jolis cadeaux, qu'elles convoitent et dont elles ont
été privées jusque-là.
Lorsque la première communion est faite, que vos enfants ne la re-
gardent pas comme un acte isolé et sans suite dans la vie chrétienne.
S'il est si bon et si salutaire de communier une fois, ne doit-on pas con-
clure qu'il l'est infiniment plus de communier souvent. Montrez-vous
donc favorables à la pratique de la communion fréquente, même quoti-
dienne, et donnez à vos enfants toute la facilité possible pour satisfaire
leur dévotion. S'il leur est donné de fréquenter les collèges ou les pen-
sionnats, les obstacles seront presque entièrement levés. Votre plus
doux devoir sera alors de leur permettre de continuer durant les vacances
la pieuse coutume qu'ils auront contractée dans le cours de l'année sco-
laire.
Xous avons parlé du devoir des parents; il convient de voir un peu,
ce qui doit se faire à l'école. C'est ici que les maîtres et maîtresses,
religieux ou laïques, aimeront à se rappeler la grandeur ot la beauté des
fonctions qu'ils ont à exercer au nom des familles. L'entrée à l'école
ne doit pas marquer un point d'arrêt darus l'œuvre de la formation mo-
rale et religieuse des enfants. C'est au contraire, le lieu de poursuivre
par des procédés spéciaux ce qui a dû être bien commencé; et mémo
n'arrive-t-il pas trop souvent que rien, ou à peu près rien n'a encore été
commencé. En effet, si l'on excepte la connaissance de quelques courtes
prières, un grand nombre de parents ont attendu l'âge de l'école pour
donner h. leurs enfants les première? notions de la science encbaristiquo
ou simplement religieuse. Pour plus d'un enfant donc, pour les plus petits
surtout, à l'école comme dans la famille, c'est à l'enseignement maternel
qu'il faut recourir; et avec quel zèle industrieux et quelle patience in-
lassable ! Pour la plupart cependant, et après les premiers débuts, le
travail s'accomplit d'une manière j)lus régulière et plus suivie. On aura
des moyens d'action plus efficaces pour intéresser, pour exciter l'ému-
lation, pour graver dans les esprits les notions que le programme mémo
de l'école fournit l'occasion de donner. Dans la religion, tout converge
— 4ÛG —
vers Jésus-Clirist : le passé, le présent, ravenir, tout se rapporte et abou-
tit à lui. C'est donc à le faire connaître et aimer que l'enseignement
religieux doit tendre et arriver. Mais Jésus-Christ accomplit son œuvre
de rédemption par le moyen des sacrements, et parmi les sacrements,
comme l'Eucharistie est le plus excellent, c'est aussi à lui que se rap-
portent tous les autres. Voilà les grandes lignes de l'enseignement re-
ligieux partout où il se donne, et que Ton doit trouver notamment à
l'école. L'étude et l'explication du catéchisme mettront sous les yeux
des enfants l'exposé des vérités de détail. L'histoire sainte, et surtout,
l'histoire sainte en tableaux, qui excite à si haut degré l'attention des
enfants, sera pour l'instituteur un auxiliaire aussi efficace qu'il est inté-
ressant. Vous avez là l'histoire des patriarches, des conducteurs du
peuple de Dieu, des prophètes, qui outre les prophéties proprement dites,
qu'ils nous ont laissées, ont été par leur vie, les figures vivantes, multi-
pliées du Messie. Vous avez les sacrifices figuratifs, dans lesquels une
part était réservée pour la nourriture de ceux qui offraient les victimes.
Vous avez particulièrement, la manne dont Dieu nourrit son peuple dans
le désert pendant quarante ans. Quelle saisissante figure prophétique de
la Sainte Eucharistie, et comme le divin Maître saura lui-même se servir
de ce miracle d'une si longue durée, pour annoncer cette autre manne,
infiniment plus merveilleuse, dont il voudra nourrir l'humanité.
Ainsi les moyens d'action ne manquent pas. Si l'instituteur ou l'ins-
titutrice savent les mettre en œuvre, ils pourront se donner le mérite de
faciliter et d'aider efficacement le travail du cathéehiste, pour la ])répa-
ration à la première communion.
3. — Au catéchisme.
Nous disons du catéchiste; en effet, l'instruction religieuse des enfants
est assez importante pour être considérée comme une fonction spéciale.
Le catéchiste est donc, particulièrement avec le prêtre, l'homme de l'édu-
cation eucharistique. Dès lors, il ne doit rien négliger pour la rendre
aussi parfaite que possible. Et d'abord, qu'il se pénètre bien de la
vraie doctrine de l'J^^glise sur la présence réelle, afin d'en donner des
notions exactes et ])récises. C'est principalement ici, que la foi vive est
la base et le soutien de tout. Qu'il sache bien aussi, touchant la sainte
communion, (pielle est la pratif|ue depuis les apôtres jusqu'à Pie X, de-
puis les en.seigneinents des Pères les plus illustres, jusqu'aux prescrip-
tions et recommandations des conciles les plus autorisés. Qu'il apprenne
à exposer clairement ce que désire, ce que veut le Divin Cœur de Jésus,
les conditions et les dispositions nécessaires ou simplement désirables
pour partici|)er au saint mystère. Qu'il laisse cependant au confesseur,
le soin de déterminer ce qui convient à chaque enfant pour la réception,
plus ou moins fréquente, de la sainte communion. Mais (pi'il s'efforce
de leur faire connaître quelf|uc bonne méthode facile, bien à leur portée,
pour s'y pré[)arer convenablement. Un excellent moyen pour exciter et
soutenir la ferveur de leur dévotion, serait de leur recomnuuuler d'avoir
toujours, en communiant, quelque intention précise, déterminée, visant
bien le but. c'est-à-dire les grâces qu'ils veulent ol)tenir. Tl v a tant de
— 4:0: —
besoins divers qui peuvent être la matière de nos désirs les plus légi-
times, de nos prières, de nos supplications. Besoins personnels pour
l'âme et pour le corps; besoins de nos parents, de nos amis, de ceux qui
dépendent de nous, de la sainte Eglise si éprouvée et si contrariée dans
la j)oursuite de sa mission divine. Les âmes du purgatoire, les i)auvres
pécheurs, les mourants. Mon ])ieu, que d"indigences et de maux à sou-
lager !
C'est au catéchiste qu'il appartient également d'expliquer la nature,
Texcellence, la nécessité de l'action de grâces après la communion, et les
moyens de la bien faire. Qu'il apprenne aux petits garçons à servir la
sainte messe, et à le faire avec respect et dévotion, leur montrant l'excel-
lence, l'avantage de cette sainte fonction. A tous les enfants, qu'il in-
dique comment se comporter en présence du Très Saint-Sacrement, sur-
tout pendant la messe ou lorsqu'il est exposé à l'adoration des fidèles.
Tout ce (|ui se rapporte à la Sainte Eucharistie est digne de respect et
mérite d'être connu. Les vases sacrés, les ornements sacerdotaux, au
moins les plus apparents. LTn enfant bien instruit de sa religion ne doit
pas ignorer ces choses, et ne pas confondre les noms ou l'usage do ces
différents objets. L'estime qu'il en aura ne pourra que lui mieux faire
comprendre la grandeur, la sainteté de nos divins mystères, et l'attacher
au culte de respect et d'amour qui est dû au sacrement de Jésus-llostie.
Qu'il me soit permis avant de terminer, d'insister sur un point d'une
importance fondamentale, qui soutient tout le dogme et toute la liturgie
de l'Eucharistie. Que tous ceux qui, à \\n titre quelconque, veulent en-
seigner la religion aux enfants, et je dirai même au peuple chrétien,
mettent le plus grand soin et appliquent infatigablement leur zèle, à
mettre en pleine et vive lumière et à établir sur des bases inébranlal)les
le dogme de la divinité de Jésus-Christ. Si l'Eucharistie est niée par
les uns, et paraît à d'autres si difficile à croire, si chez certains catho-
liques, la dévotion h l'Eucharistie est si refroidie et même si chance-
lante, ne faut-il pa.s en voir la cause, ou dans un manque complet de foi
ou dans une foi mal éclairée et mal affermie dans la divinité de Celui
qui nous l'a donnée ? Vn exemple frappant nous est rapporté dans
l'évangile.
Après que Jésus leui- eut fait entendre ces paroles: " Si vous ne man-
gez ma chair et ne buvez mon sang, vous n'aurez point la vie en vous,
etc.," les juifs (pii l'écoutaient, commencèrent à se dire: Comment celui-
ci peut-il donner sa chair à manger ? Beaucoup de ses disciples au.«si
l'ayant entendu, dirent: Ce discours est dur et qui peut l'écouter ? Ils
ne crovaient pas, ou ils ne croyaient qu'imparfaitement à la divinité de
Jésus-Christ, et ils s'en allèrent. Mais alors Jésus s'adressant aux douze :
" Et vous, voulez-vous aussi vous en aller ? " Simon Pierre lui répon-
dit: " Seigneur où irions-nous? vous avez les paroles de la vie éternelle.
Et nous avons cru et nous avons connu que vous êtes le Christ, le Fils
de Dieu...." On ne s'in(|uiète guère du romiiirnf. et du pourquoi
d'une chose qui surpasse nos convictions humaines lorsqu'on sait
que cette chose est l'œuvre de la Toute-Puissance de Dieu : voili\ pour-
quoi, nous qui ne sommes pas les fîls de la né'-ratiou. ni «lu douter ou
de l'incrédulité, mais les tenants de la foi de Pierre, pane que nous
croyons ([ue Jésus-Christ est le vrai Fils de Dieu, possédant tous les
— 408 —
attributs de la Toute-Puissance de Dieu, nous croyons aussi que la
Sainte Eucharistie est vraiment sa chair et son sang, et qu'en recevant
sa chair et son sang, nous recevons en nous la plénitude de la divinité.
Si donc, il nous arrivait qu'une pensée funeste vint quelquefois traverser
notre âme, comme une ombre de l'esprit des ténèbres, et nous incliner
à la négation ou au doute, disons fermement et sans hésiter : Seigneur,
ce sont des paroles de vie pour l'éternité que vous avez dites. Je crois
que vous êtes le Fils de Dieu; mon Seigneur et mon Dieu.
Je m'arrête pour ne pas trop dépasser le temps assigné, ni abuser de
votre bienveillante attention. J'ai voulu exposer d'une manière simple
et accessible à tous, le soin que nous devons mettre à donner aux enfants
des notions justes et vraies de la Sainte Eucharistie, dans la famille,
à l'école, au catéchisme. Dans ces trois situations de leur vie, c'est tou-
jours la même tâche qu'il faut poursuivre, le même but cher à nos cœurs
où il faut s'efforcer de les faire arriver: leur faire connaître et liimer
Notre-Seigneur Jésus-Christ, pour les amener par là de bonne heure à
la réception fréquente et quotidienne de la Sainte Eucharistie. C'est le
voeu que nous formons, c'est le résultat infiniment désirable que nous
voulons réaliser. Puisse cet enseignement eucharistique, se répandre de
plus en plus et se généraliser au sein de la société.
Peut-être le jour viendra-t-il bientôt, que, par suite d'une heureuse
modification de la mentalité chrétienne chez les parents et chez les en-
fants, chez les éducateurs à tous le degrés et chez ceux qu'ils instrui-
sent, il sera permis d'admettre les enfants à la première communion plus
tôt qu'on ne le fait ordinairement aujourd'hui. Ainsi nourris du pain
de vie, avant que les germes de mort semés par les passions ne les aient
envahis, nos chers enfants verront se réaliser en eux ce que leur divin
Maître indiquait comme le but de sa mission ici-bas : Je suis venu, afin
qu'ils aient la vie et que cette vie soit en eux plus abondante.
Le deuxième rapport fut celui de M. l'abbé Simard, de l'évê-
ché de Sherbrooke, sur :
" L'ASSISTANCE A LA MESSE ET LA SAINTE
COMMUNION '
T^a Sainte Eucharistie est un sacrement dans lequel, sous les espèces
du pain et du vin, Notre-Seigneur Jésus-Christ tout entier est contenu
pour la nourriture spirituelle de notre âme.
La Sainte Eucharistie est aussi le sacrifice de la loi nouvelle, qui nous
rappelle le sacrifice sanglant de la croix et par lequel nous adorons Dieu,
dans l'oblation non sanglante du corps et du sang de Jésus-Christ, et
nous percevons les fruits du sacrifice de la croix.
Le saint Concile de Trente, comparant l'oblation du sacrifice eucharis-
tique avec la manducation de la chair sacrée du Sauveur, dans la sainte
communion, prononce l'anathème contre ceux qui oseraient prétendre
que cette oblation n'est pas autre chose que la manducation de cette
— 409 —
chair sacrée et proclame licite la célébration de la messe dans laquelle
le prêtre seul communie. (Sess. 22.)
De tout temps, dans l'Eglise catholique, il a été permis aux fidèles de
communier hors de la messe. Aux temps des persécutions, c'était même
la coutume de leur permettre de conserver la Sainte Eucharistie dans
leurs maisons afin de se communier eux-mêmes quand ils ne pouvaient
point venir communier à la messe. La discipline actuelle de l'Eglise
permet d'assister à la messe sans communier ; la communion n'est obli-
gatoire, à la messe, que pour le seul célébrant.
Quelles sont les relatians entre la communion des fidèles et l'assistance
à la messe? La réponse à cette question fournira la matière de ce
travail.
Le chapitre VI de l'Evangile de saint Jean qui, selon tous les com-
mentateurs catholiques, est consacré, dans sa plus grande partie, à la
sainte Eucharistie, établit clairement, avec le dogme de la présence
réelle de Xotre-Seigneur Jésus-Christ, les effets spirituels que produit
ce pain céleste dans l'âme de ceux qui s'en nourrissent et la nécessité
pour tous ceux qui veulent jouir de ces effets spirituels de recevoir cet
aliment divin. La nécessité de la sainte communion est démontrée
dans ce chapitre, en termes absolument indubitables: "Celui qui man-
gera la chair du Fils de l'homme et boira son sang aura la vie en lui, et
je le ressusciterai au dernier jour. Si vous ne mangez point la chair
du Fils de l'hommt et ne buvez point son sang, vous n'aurez point la vie
en vous." (S. Jean, "Vl, 55.) L'Evangéliste ne nous a point rapporté,
directement du moins, avec la même précision et la même force, l'en-
seignement du Sauveur sur le temps où nous devons recevoir cet aliment
divin et sur la fréquence de cette manducation. Il ne nous dit point
directement ni quand nous devons communier ni combien de fois dans
notre vie. Les évangélistes S. Mathieu, S. Marc et S. Luc sont plus
explicites dans les paroles où ils nous exposent la célébration de la der-
nière cène. Jésus-Christ étant réuni avec ses apôtres dans le cénacle,
nous disent-ils, pendant le festin, " prit du pain, le bénit, le rompit et
le donna à ses disciples en leur disant: prenez et mangez, ceci est mon
corps. Puis, prenant le calice dans lequel il y avait du vin, il le bénit
et le leur donna en disant : buvez-en tous, car ceci est mon sang. Faites
ceci en mémoire de moi."
Nous avons dans cet acte mémorable du Sauveur entouré de ses
apôtres la célébration de la première messe et la distribution do la pre-
mière communion. L'union de ces deux actes par Xotre-Seigneur
Jésus-Christ lui-même ne doit-il pas nous faire comprendre que de
même qu'il a voulu que ses apôtres, à la première messe, reçussent la
communion de son corps et de son sang. ain.si il veut que tous les fidèles
qui, dans la suite des siècles , auront le même bonheur se fassent un
devoir d'imiter les apôtres dans la participation à la victime du sacri-
fice? Aussi voyons-nous les apôtres fidèles au précepte de leur Maître:
" Faites ceci en mémoire do iiioi," à peine fortifiés par la descente du
Saint-Esprit, le jour de la Pentecôte, s'assembler pour offrir le sacrifice
— élu-
de la messe, les premiers tlisciples convertis par leur prédication s'unir
à eux. et tous se nourrir de la chair sacrée de leur Sauveur. Nous
lisons en etî'et au chapitre II des Actes des Apôtres que les auditeurs de
S. l'iorre convertis par sa première prédication, après la Pentecôte,
" persévéraient dans la doctrine des apôtres et la communication de la
fraction du pain." " J^a fraction du pain," comme nous l'enseignent
tous les commentateurs, c'était l'oblation du sacrifice de la messe et la
communication de la fraction du pain était la réception de la sainte
communion. Et le mot " persévéra nie a," ils persévéraient," emplové
par l'écrivain sacré, indique un acte habituel de leur vie.
Toute la discipline religieuse de l'Eglise primitive repose sur l'alliance
intime de la messe et de la sainte communion, même pour les fidèles.
Etudiez la prière liturgique en usage, encore aujourd'hui, dans la célé-
bration de la messe, et qui nous vient de la plus haute antiquité. Le
prêtre, à l'autel parle au nom de tous. Toutes les oraisons de la messe
et les prières du canon sont au pluriel. Avant de réciter les prières, il
invite l'assemblée à s'unir à lui : " prions," dit-il à rasseml)lée : " ore-
mus." Lorsqu'il les salue, il emploie le pluriel: le Seigneur soit avec
vous: " Dominus vobiscmn." Avant le canon qui est la partie essen-
tielle de la messe, le prêtre récite la prière solennelle que l'on appelle
la préface. Avant de commencer cette prière il invite les fidèles à élever
leurs cœurs vers Dieu: " sursum cordai" Et les fidèles de répondre:
" habemiis ad Dominum." " Nos cœurs sont élevés vers Dieu." Le prêtre
continue en em]iloyant toujours le pluriel, en parlant au nom de tous.
'"Nous vous implorons et nous vous supplions;" " Snj)j)Hccs te roganius
ac petiinus." Cette oblation de toute la famille chrétienne; " Hanr
ohlationcm familiae praeclarae Majestati tuae." " Afin que nous tous
qui participons à ce sacrifice recevions le corps très saint et le sang très
précieux de votre Fils." Toutes ces expressions indiquent, sans que l'on
puisse leur donner un autre sens, que le sacrifice était offert au nom de
tous et (pie l'assemblée dos fidèles était présente.
Pour ce 'qui est de la communion habituelle de tous les fidèles présents,
qu'il suffise de ra])peler les i)rières de la communion que le prêtre récite
à la messe et dans les(pielles il denuinde à Dieu que le corps et le sang
du Seigneui- soit pour tous ceux (jui le reçoivent le gage de la vie éter-
nelle, et celle de la postcommunion où il ])arle de la nourriture que tous
(jnt prise: " quod are sum/mmiis jnini mente ra piamus/ satiasti faiiii-
liam tuaiii m luieriljiis sarris."
Les sermons et les autres écrits des saints Pères qui ont vécu à cette
époque reculée sont remplis d'allusions à cette pratique universelle.
Cette coutume était si générale aux premiers siècles, qu'un concile d'An-
tioche, tenu sous le pape Jules I, ordonne à tous les fidèles qui assistent
à la messe de recevoir la sainte communion et va jusqu'à frapper d'ex-
communication ceux f|ui refusaient de se conformer à cette pratique.
Saint Jérôme, dans sa 50ième lettre à Pamimu-liius, nous dit (pie de
son temps c'était la coutume poui- les fidèles, à liome, de toujours re-
— 411 —
cevoir la sainte communion, quand ils assistaient à la messe. La même
coutume existait encore en Espagne, à la même époque. Saint Ambroise
exhortait les fidèles à vivre de manière à recevoir la sainte comimmiou,
tous les jours.
Cette discipline de la récqjtion de la sainte communion cliaciue fois
(juc les fidèles assistaient à la messe, si généralement observée aux ])re-
miers siècles de l'Eglise, est fondée sur l'intelligence parfaite des mys-
tères eucharistiques, et, si nous voyons que la masse du ))euple, chez les
premiers chrétiens y était fidèle, c'est que le peii})le, dans ces âges de
foi, avait une intelligence plus parfaite du sens de la liturgie et de l'ex-
cellence du sacrifice de la messe.
La messe, comme l'a défini le concile de Trente, est un vrai sacrifice.
C'est le sacrifice qui, en nous représentant la sacrifice sanglant de la
croix, nous fait l'application de ses mérites infinis. A la messe comnu'
sur la croix, c'est la même victime qui est offerte, Xotre-Seigneur Jésus-
Christ qtii est réellement présent sous les espèces sacramentelles. C'est
aussi le même sacrificateur principal qui s'innnole ])ar les mains du
prêtre. Et il s'immole dans les mêmes intentions que celles qui l'ani-
maient quand, attaché à la croix, il versait son sang jusqu'à la dernière
goutte pour notre salut. De mênu', cependant, f|ue le sacrifice de la
croix n'a point justifié immédiatement tous les pécheurs mais a apaisé
la justice divine et a fait que ces pécheurs soient conduits au salut par
les moyeiLs institués à cet effet; ainsi le sacrifice de la messe ne justifie
pas immédiatement les hommes mais il obtient (|ue le don de la grâce et
de la pénitence leur soit conféré. D'après ces ])rincipes, les assistants
à la messe, qui offrent le sacrifice en union avec le prêtre, ne peuvent
espérer de percevoir tous les fruits du sacrifice si ce n'est en suivant l'im-
pulsion de la grâce et en s'approchant des sacrements, surtout de la
sainte communion. C'est pour cette raison que S. Jean Chrysostôme
s'élevait en termes si véhénu'Uts contre les chrétiens de son tem|)s (pii
assistaient à la messe sans s'approcher de la Sainte Table. '" Dites-moi.
s'écrie-t-il. qu'est-ce que vous penseriez si quelqu'un était invité à un
festin, lavait ses mains, se mettait à talde. se préi)arait au repas, et en-
suite ne mangeait ])oint? N'off*enserait-il ])as celui (|iii l'aurait invité ?
N'aurait-il pas mieux valu qu'il fût absent 'i (^loi ! vous assistez au
festin, vous avez chanté l'hymne, vous vous êtes mis au rang des dignes
en ne vous retirant pas avec les indignes; pourqiu)i êtes-vous resté sans
communier? Je suis indigne, me répondez-vous. Eh l)ien ! mais alors
vous êtes aussi indigne de la société des prières.''
Ces graves paroles de ce grand saint apparaîtront dans toute letir
vérité si l'on se rapi)elle quelles sont les fonctions et le rôle du pfU|tlc
qui assiste à la messe. Pour beaucouj) de chrétiens le sacrifice de la
messe est un spectacle atiquel prennent part le |)rêtre et les autres mi-
nistres, et dans lequel les fidèles m- sont (|ue de simiiles spectateur-.
Telle n'est point cependant la pensée de l'Kglise. Cette pensée, elle
nous la manifeste dans les prières du canon de la me.'^se où le prêtre au
"mémento" des vivants, avant de prononcer les paroles de la conse-
— 413 —
cration, prie pour ceux en faveur de qui il offre le sacrifice et s'unit avec
tous les assistants qui " offrent le sacrifice avec lui." Dans la pensée
de l'Eglise, les fidèles qui assistent à la messe ont un rôle à remplir, rôle
différent de celui du prêtre, mais rôle actif quand même: ce rôle c'est
d'offrir le sacrifice en union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ et le
prêtre à l'autel. Jésus-Christ est à la fois la victime et le prêtre prin-
cipal à la messe, comme il l'était sur la croix. Quand le prêtre pro-
nonce les paroles de la consécration, Jésus-Christ devient réellement
présent sur l'autel à l'état de victime. Cette victime est la victime de
tous les fidèles assemblés qui peuvent et doivent l'offrir aux intentions
générales de l'Eglise et à leurs intentions particulières. Et ces inten-
tions, pour être accomplies parfaitement demandent la réception de la
sainte communion, chaque fois que l'on offre le sacrifice.
Le chrétien, en effet, doit à Dieu, son Créateur et son Maître, le tribut
de ses adorations.
A cause de notre misère, nous devons attendre de la protection de
Dieu toutes les choses dont nous avons besoin et les lui demander par
d'instantes prières. Nous sommes pécheurs et nous devons satisfaire à
la justice divine. Malgré notre méchanceté, nous sommes comblés de
biens par le bon Dieu; nous devons l'en remercier.
L'adoration demande, de notre part, la protestation de notre parfaite
et complète dépendance devant Dieu. Kous protestons sans doute de
cette parfaite dépendance par l'immolation de Jésus-Christ offert en
victime sur l'autel. Mais pour que cette protestation de notre soumis-
sion soit agréable à Dieu, ne devons-nous point nous offrir nous aussi en
union avec la victime offerte, et cette immolation que nous faisons de
nous-mêmes ne demande-t-elle pas que notre cœur soit pur, soit saint,
soit, en un mot, sanctifié par l'union avec Jésus-Christ, union qui n'est
parfaite que dans la sainte communion?
Le sacrifice de la messe est la prière par excellence. Quand nous
prions dans nos maisons, notre voix s'élève sans doute jusqu'au trône
de l'Eternel qui daigne s'abaisser jusqu'à entendre nos demandes et les
exaucer. Mais notre voix n'est que la voix de misérables pécheurs qui ne
méritent pas d'être entendus. Quand noirs offrons le saint sacrifice de
la messe, ce n'est plus nous qui prions seuls, c'est Jésus-Christ qui parle
pour nous, qui intercède pour nous, et sa voix est toujours entendue
parce qu'elle est la voix de celui " qui mérite d'être exaucé." (Ah Haeb.
5.7). Mais nous devons unir notre voix à celle de Jésus-Christ, nous
devons lui présenter nos demandes pour qu'il les fasse parvenir aux pieds
de l'Eternel. Or, cette union des voix, dans la supplication, demande,
pour être parfaite, l'union des cœurs, dans l'amour. Comment serions-
nous aussi parfaitement unis à Jésus-Christ qu'en nous unissant à lui
dans la sainte communion qui nous le donne complètement et fait que
vraiment, selon la parole de S. Paul, " nous ne vivions plus mais que
Jésus-Christ vive en nous?" (Ad Gai. 2.20).
Nous sommes tous pécheurs. Le péché nous sépare de Dieu et nous
mérite la réprobation éternelle. Le péché, considéré dans la Majesté de
Dieu indignement outragée, est quelque chose de si terrible que jamais,
— 413 —
laissés à nous-mêmes, nous ne pourrions en mériter le pardon. Il nous
a fallu une victime capable, par sa dignité, d'expier les péchés de tous.
Cette victime c'est jSTotre-Seigneur Jésus-Christ qui, par son immolation
sur la croix, a consommé le salut du genre humain. A la messe Jésus-
Christ s'offre en victime, il se met à notre disposition avec ses mérites
infinis. Xous l'offrons à notre Père Céleste, à notre place, et en consi-
dération des mérites infinis de cette victime, nous sommes justifiés. Mais
cette justification s'accomplit en nous par la grâce sanctifiante. Com-
ment puiser cette grâce sanctifiante si ce n'est par la sainte communion
qui nous élève à Dieu, nous détache de tout ce qui pourrait être une
cause de péché et nous donne la force de triompher de toutes les séduc-
tions du mal?
Le reconnaissance des bienfaits reçus est la vertu par excellence des
cœurs généreux. La connaissance des bienfaits reçus prépare à de
nouvelles faveurs tandis que l'ingratitude resserre la main prête à s'ou-
vrir largement. Le chrétien, dans l'ordre naturel comme dans l'ordre
spirituel, doit à Dieu tout ce qu'il est; il doit donc rendre à Dieu de
perpétuelles actions de grâces. Hélas ! notre indigence nous mettrait
dans l'impossibilité de reconnaître convenablement les bienfaits reçus
de la main de Dieu si nous n'avions point le saint sacrifice de la messe
qui nous permet de lui offrir le don parfait, son Fils unique. Quand,
réunis autour de l'autel du sacrifice, à la messe, nous élevons vers le ciel
l'hostie sans tache, l'hostie du salut, c'est notre Dieu, notre Sauveur qui
va, au pied du trône de l'Eternel, remercier pour nous. Mais l'offrande
de la victime sans tache ne satisfera pas la Majesté divine si nous
n'ajoutons point l'offrande de nous-mêmes, l'offrande de notre cœur.
Jésus-Christ nous a aimés jusqu'à donner son sang pour nous sauver;
mais cet amour, il nous l'a prodigué afin de gagner nos cœurs, d'attirer
notre amour en retour. Ce que Jésus-Christ nous demande, c'est notre
cœur, " Mon fils, nous dit-il, donne-moi ton cœur. (Prov. 23, 26.) L'of-
frande du sacrifice de la messe serait, pour nous, une vaine offrande, si
elle n'était pas accompagnée de l'offrande de nos cœurs. Et pour que
nous puissions donner nos cœurs au bon Dieu, il nous faut les purifier,
il nous faut les sanctifier, il nous faut les embraser des feux de l'amour
divin. Or, où puiserions-nous ces feux de l'amour ailleurs qu'à sa
source même, ailleurs que dans le cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ
Eucharistique ?
Sans doute, à la messe, le prêtre (jui célèbre, d'après la discipline
constante de l'Eglise, est obligé de communier pour compléter l'intégrité
du sacrifice et il remplit, dans sa personne, ces conditions nécessaires à
la perfection du sacrifice de la loi chrétienne. Les fidèles peuvent aussi
remplir ces conditions de perfection, jusqu'à un certain point, par la
communion spirituelle. Mais la communion du prêtre ne peut pas
sanctifier tous les assistants qui ont offert le sacrifice avec lui, et la com-
munion spirituelle, malgré sa perfection, ne peut pas remplacer la com-
munion sacramentelle.
Quand nous portons nos regards sur les premiers siècles de l'Eglise,
nous admirons l'héroïsme de premiers chrétiens. Nous admirons ces
— 414 —
confesseurs de la foi qui, pour enibras>ser la loi chrétienne n'hésitaienl
pas à tout quitter, souvent leur position sociale et même leur famille, et
suivaient Jésus-Christ jusqu'au martyre. Oii ces chrétiens, nos an-
cêtres dans la foi, puisaient-ils cet héroïsme? Cet héroïsme, ils le pui-
saient dans la réception fréquente de la sainte commimion. 8i les
premiers chrétiens étaient si différents, par leurs vertus, des chrétiens
de nos jours, c'est qu'ils communiaient plus souvent. L'idéal de la per-
fection chrétienne serait aujourd'hui, comme aux premiers temps du
christianisme, de voir la masse des fidèles assister tous les jours à la
messe, et s'approcher de la Table Sainte chaque fois (ju'ils assisteraient
à la messe. Cette pratique ferait de tous des chrétiens parfaits, et l'on
verrait revivre, de nos jours, cette perfection des premiers temps où tous
'■ n'ayant qu'un même cœur et qu'un même esprit '' (Act. 4, 32.) " per-
sévéraient dans la communion de la fraction du pain." (Act. 2.)
L'idéal cependant ne pourra jamais être le privilège de tout le monde,
pas plus aujourd'hui que dans les premiers siècles de l'Eglise. Si l'on
23ouvait dire, en toute vérité, à l'époque où le livre des Actes des Apôtres
fut écrit que " tous persévéraient dans la communion de la fraction du
pain, et dans la prière," il est l)ien certain, et les écrits des saints Pères
sont là pour nous l'apprendre, que dès ces temps reculés, parmi les
chrétiens d'alors comme chez ceux d'aujourd'hui, il se trouvait des per-
sonnes que leurs occupations sociales, malgré des désirs réels de vie
parfaite, empêchaient de s'unir tous les jours à leurs frères pour offrir
le saint sacrifice de la messe et recevoir la sainte communion. Si le
plus grand nombre pouvait, quand les chrétiens n'étaient pas encore
très nondjreux, (piitter leurs occupations et s'unir à la communauté
dans l'oblation du sacrifice de la messe, cependant, après quelques
années de prédication, quand ce nombre se fïït accru au point de per-
mettre à Tertullien de dire, dans son apologie, que si les chrétiens
disparaissaient subitement des villes et des places publiques, le monde
païen serait effrayé du désert dans le(|uel il se trouverait, il y avait né-
cessairement, parmi cette foule immense, beaucoup de personnes
empêchées d'assister, chaque jour, à la célébration des mystères eucha-
ristiques.
Les persécutions d'ailleurs ne tardèrent pas à forcer l'Eglise primitive
à disparaître, à s'éclipser pour ne pas exposer inutilement ses membres
à la haine de leurs persécuteurs. L'on célébrait les mystères en secret,
dans les maisons particulières, dans les entrailles de la terre, au milieu
fies ténèbres de la nuit. Il est impossible de croire ([ue dans ces con-
ditions tous aient toujours été en position, chaque jour, d'offrir le
sacrifice de la messe et de communier. Aussi voyons-nous qu'à cette
époque l'on consacrait, à la messe solennelle du dimanche, le pain eucha-
ristique que les fidèles emportaient dans leurs demeures particulières
pour se communier eux-mêmes quand ils ne pouvaient pas se rendre à
l'assemblée des fidèles.
Il faut bien aussi tenir compte, même pour ces siècles de foi primi-
tive, de la froideur à lar|uelle notre faiblesse est exposée. Dès ces temps
il se trouvait des chrétiens négligents pour (|ui le banquet eucharistique
— 415 —
n'avait pas ce vif attrait (jui portait la masse des fidèles à regarder
coiniiie le suprême bonheur la praticpie de la piété chrétienne. Les
homélies véhémentes de saint Jean-l'hrvsostôme, entre autres, sont là
jxnir nous le prouver. Cet état de choses introduisit, à une époque cer-
tainement très ancienne, la coutume de l'assistance à la messe et de la
communion de tous les fidèles au moins chaque semaine, le dimanche.
Dès la plus haute antiquité, le dimanche fut le jour spéciaU'iuiMit
consacré au Seigneur, et l'Eglise voulut qu'il fût marqué par la célé-
bration plus solennelle des mystères eucharistiques. Les traces de cette
ancienne discipline se retrouvent partout. Lorsque saint Paul arrive
à Troade, c'est le dimanche 'qu'il réunit les chrétiens. C'est encore le
dimanche qu'il prescrit de faire, dans les églises de Galatie et de Co-
rinthe, les collectes ou quêtes pour les frères pauvres ou persécutés de
Jérusalem. (Act. 20, T I. Cor. 26.) Le dimanche devint ainsi le jour
de la communion par excellence, celui où tous «U'vaient assister aux
saints mystères et communier. C'est pour cette raison que saint Jean-
Chrysostôme l'appelait le jour du pain. C'est de cette coutume que
vient le nom de Donnnicum donné à la messe solennelle du dimanche.
Le Dominicum eut ses martyrs. C'était à Carthage, pendant la persé-
cution de Dioc-létien. Trente et un chrétiens furent traînés, le 12 fé-
vrier ;5()4, devant le ])roconsul Anlius et accusés d'avoir assisté au
sacrifice du dimanche. Pendant qu'on les déchirait avec des ongles de
fer, le ])roconsul les accusait d'avoir violé la loi des empereurs. Or, ils
répondaient: " Nous ne pouvions pas omettre le Dominicum: c'est la loi
de Dieu." Et comme Anlius insistait: " Xon, répétaient-ils, nous ne
pouvons vivre sans le Dominicum." Ce souvenir de l'Eucharistie fai-
sait tressaillir leur cœur de joie et de fierté; et sans doute, cette divine
hostie qu'ils avaient reçue chaque dimanche, dont on leur faisait un
crime et pour laquelle ils mouraient, devait passer devant leurs yeux,
les éclairer de son rayon très doux, et c'est elle qui leur donnait la force
de sourire aux tortures. (Paul Allard. La persécution de Dioclétien.)
L^n document de la plus haute antitiuité qui remonte certainement aux
])remières années du second siècle, la Didaché ou Doctrine des Douze
Apôtres, contient ce précepte d'une importance capitale: "Au jour do-
minical du Seigneur, réunissez-vous, rompez le pain et faites les céré-
monies eucharistiques après avoir ]n-éalal)lement confessé vos péchés afin
(jue votre offrande soit pure." Un autre témoignage non moins ins-
tructif noué a été laissé par saint Justin, qui confine lui aussi aux temps
apostoliques." Le jour ([u'on nomme le jour du soleil, (c'est-à-dire le
dimanche.) tous ceux (pii sont dans les villes ou à la campagne s'asseui-
blent dans un même lieu... Xous nous levons tous en commun }»our
prier; les prières étant finies, on offre le pain, le vin cl l'eau... I.a
distribution et la communion des qfïrandes qui ont servi à l'action de
grâces (à l'Eucharistie) se font à chacun des assistants : puis on les
envoie aux absents par les diacres. . . Xous ne prenons pas ce pain et ce
vin comme un aliment et comme un breuvage ordinaire»?. >rais nous
savons (|U*ils sont la chaii' et le sang de Jé-sus incarné pour nourrir U(.tr.'
a me.
— 416 —
Si l'on consulte la vie des pères du désert, on trouve pour les cénobites
qui y vivaient dans les couvents ou dans les laures, et pour les ermites
mêmes qui vivaient dans les gorges des montagnes et jusque dans les
premières oasis du désert, que la règle à peu près universelle était la com-
munion dominicale. Cassien, qui avait vécu plusieurs années dans la
Thébaïde, recomma'nde l'usage de la communion hebdomadaire qu'il
avait vu observer et observé lui-même. Après avoir fortement blâmé
ceux qui, sous prétexte de respect s'éloignent de la sainte Eucharistie,
il ajoute : " Il vaudrait beaucoup mieux approcher des saints mystères
tous les dimanches, pour y trouver un remède à nos maladies spiri-
tuelles."
Cependant, nous voyons que, malgré les exhortations et les objurga-
tions des saints Pères, la dévotion des fidèles envers l'Eucharistie se re-
froidit bientôt après les temps apostoliques. Il y eut toujours à côté
du courant qui portait les âmes plus ferventes vers l'Eucharistie, un
courant en sens contraire qui en éloignait les âmes lâches et pécheresses.
C'est ainsi que dès le troisième siècle le pape saint Fabien ordonne à
tous les chrétiens de communier au moins trois fois par an, à Pâques,
à la Pentecôte et à Noël. Le relâchement se faisait sentir surtout en
Orient où nous voyons saint Jean Chrysostome s'emporter contre ceux
qui se tenaient à la seule communion pascale. Saint Ambroise généra-
lisait sans doute beaucoup trop quand il écrivait qu'en Orient " c'était
la coutume, de son temps, de ne communier qu'une fois l'an ; " car saint
Basile, son contemporain, et saint Epiphane nous apprennent que, au
moins dans leurs diocèses, c'était un usage pour beaucoup de fidèles de
recevoir l'Eucharistie quatre fois la semaine. Bien plus, dans certains
pays et à la même époque, on faisait mieux encore puisque saint Jérôme
nous dit que de son temps la communion quotidienne était encore en
honneur à Rome et en Espagne. Néanmoins, ce que l'on rencontre le
plus souvent, et ce qui répond à l'esprit de l'Eglise pour la généralité
des chrétiens qui, matériellement et moralement ne peuvent faire plus,
c'est la communion dominicale.
Si nous faisons un rapprochement entre la pratique générale des
chrétiens, aux temps modernes, par rapport à la réception fréquente de
la sainte communion, avec la pratique des âges que l'on peut appeler en
toute vérité les âges de foi, nous sommes bien obligés d'admettre que de
nos jours, même au milieu des populations les plus catholiques, nous
sommes bien loin de ce que la foi envers la sainte Eucharistie demande
de nous. Aujourd'hui, la pratique de la communion plus fréquente se
répand partout, et nous devons en rendre grâce à Dieu, nos bons catho-
liques communient phis souvent qu'autrefois. Mais n'avoms-nous pas
encore beaucoup à faire avant d'atteindre ce qui devrait être la règle, je
ne dis pas des personnes dévotes, mais de tout bon catholique qui veut
efficacement faire son salut?
L'affaiblissement général de la foi a amené l'Eglise à élargir sa dis-
cipline par rapport à la réception de la sainte communion. Elle n'ose-
— 417 —
rait pas, aujourd'hui, prescrire aux fidèles de s'approcher d e la sainte
communion chaque fois qu'ils entendent la messe. Elle est obligée de
se contenter de la discipline du concile de Latran, et elle n'exige sous
peine de péché grave, que la communion annuelle. Mais ce précepte de
la communion annuelle, l'Eglise ne s'en contente qu'à regret. Son désir,
elle nous le manifeste dans le saint concile de Trente et dans le décret
de 1905, où elle nos exhorte, dans les termes les plus pressants à nous
approcher souvent de la Table Sainte. (Sess. 13, Chap. 7.) Elle va
même plus loin; elle voudrait voir revivre les beaux jours de l'f^glise
naissante; elle voudrait que tous ceux qui assistent aux saints mystères
y participassent par la sainte communion. (Sess. 22, Chap. 6.) L'Eglise
pouvait-elle nous marquer ses sentiments en termes plus clairs et plus
vifs ?
Le catéchisme du concile de Trente, expliquant les vœux et les désirs
du saint concile par rapport à la communion, enseigne que les pasteurs
doivent exhorter souvent leurs paroissiens, non seulement à la commu-
nion fréquente, mais à la communion journalière, en leur faisant sentir
qu'ils n'ont pas moins besoin de communier pour nourrir leur âme que
de manger pour nourrir leur corps.
Si l'on ne peut point espérer de voir la généralité des fidèles d'une
ville ou d'une paroisse communier tous les jours, ne pourrait-on pas
amener beaucoup de fidèles qui peuvent facilement assister à la messe,
sur semaine, à le faire, et, selon la coutume des premiers siècles, et le
vœu du concile de Trente, à s'approcher de la sainte Table chaque fois
qu'ils assistent à la messe? Xe pourrait-on pas surtout généraliser la
coutume de la communion hebdomadaire?
A la suite des grands saints que l'Eglise a élevés à l'honneur de ses
autels, à la suite de ces grands saints qui furent en même temps de
grands missionnaires et des hommes d'une vaste expérience dans le mi-
nistère du salut des âmes, à la suite de saint Ignace de Loyola, de saint
Philippe de Xéri, de saint Charles-Borromée, de saint Léonard de Port-
Maurice, de saint Alphonse de Liguori et de tant d'autres, nous devons
penser que la communion de chaque semaine n'est pas trop pour assurer
le salut de l'âme.
Pour être sauvé, il faut une sainteté qui exempte au moins de tout
péché mortel. Selon l'avertissement de Notre-Seigneur Jésus-Christ,
ne connaissant ni le jour ni l'heure de notre mort, nous devons être
constamment prêts à paraître devant le tribunal du souverain Juge. Il
nous faut donc vivre chacun des instants de notre vie dans Téloignement
du péché mortel. Or, l'expérience de tous ces grands saints est là pour
nous instruire: la communion annuelle ou do quel(|ues fois par année,
quand on peut facilement faire plus, ne protège point toujours contre
le danger du péché mortel. Ordinairement, ceux cjui ne communient
que tous les ans, ou quelques fois dans l'année, tombent dan.s le péché
mortel et vivent de longues semaines, souvent de longs mois, dans ce
malheureux état, tandis que ceux qui communient souvent, tous les
mois ou mieux, toutes les semaines, ou jilus souvent, vivent habituelle-
14
— 118 —
ment dans l'état de grâce. Le chrétien (|ui coiiiuuuiie sonveut pourra
avoir des moments d'oubli et de faiblesse, mais il ne pou n'a point persé-
vérer dans cet état. Un premier péché mortel, en nous privant de la
grâce sanctifiante, nous rend les esclaves du démon et nous livre à toute
Tardeur de ses attaques. Ce premier péché, si l'on n'a pas le soin de se
purifier immédiatement par la confession et de se fortifier par la com-
munion, sera suivi de beaucoup d'autres péchés. C'est pour cette raison
que les chrétiens qui ne communient que tous les trois ou quatre mois,
malgré les bonnes résolutions qui jjeuvent accompagner leur confession,
gémissent constamment sous le poids des mêmeg fautes graves.... Il
n'en est pas ainsi, et il ne peut en être ainsi, de ceux qui conmmnient
souvent, car la parole de N^otre-Seigneur Jésus-Christ est là : '' Celui qui,
mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui. Connue
le Père qui m'a envoyé est vivant, et que, moi, je vis par lui, de mêm§
celui qui me mange vivra aussi par moi.'' (S. Jean, VI, 57 et 58.)
Le dimanche est le jour du Seigneur et doit être consacré à sa gloire.
Ce jour-là, il faut entendre la messe ; c'est l'œuvre prescrite à tous les
fidèles, sous peine de faute grave. Quelle sanctification parfaite n'ap-
porterait pas l'iiabitude de la communion hebdomadaire coin me de la
messe hebdomadaire?
Il est possible à tout chrétien soucieux du salut de son âme de rece-
cevoir la sainte communion, chaque semaine, surtout le dinuinche ; il
est possible à beaucoup de personnes du monde d'entendre la sainte
messe, les jours de semaine, et de communier clnupie l'ois (|u'elles en-
tendent la messe. Pourquoi ne travaillerions-nous pas avec plus de zèle
pour que beaucoup de chrétiens s'a])proelient plus souvent de la sainte
Table? Ce qui fait que beaucoup de chi-étiens ne s'approchent pas plus
souvent de la sainte Table, c'est simplement (|ue nous ne mettons pas
assez de zèle et de persévérance à les inviter.
La fréquence des communions entraîne, pour les prêtres occupés du
ministère, un surcroît de travail. X'est-il pas à craindre que les prêtres
ne succombent à la tâche? Loin de moi la pensée (|u'il se trouve, au
milieu de nous, un seul pasteur que la crainte du travail empêche de
déjjloyer toute son ardeur à développer l'habitude de la fréquente com-
munion, dans sa paroisse. La vraie difficulté sera toujours la froideur
d'un ti'()|) grand iiond)i'e de fidèles qui s'occupent avec ai'deiir des affaires
tempoi'elles et (|ui croient avoii' toujours assez fait quand il s'agit du,
salut de leur âme. C'est aux chi'étiens de nos jours ([ue l'on doit sans
cesse réi)éter ces paroles du pro])liète déréniie: "' Desohitioiw dcsolafa
est otnnis tcmi (jtiin mil lus csl ijtil rccogitcl corde.'' Toute la terre est
dans la désolation parce (pril n'est personne qui soit attentif." (Jéré-
nn'o, 12, 11), et ces autres jiaroles de rEcclésiasti(|ue : " in (/iiniihiis opr-
rihiis tiiis iiieinorfirc norissima iua et in wiernuin non pecciibi.s.' ''Sou-
venez-vous de vos fins dernières et vous ne ])échei'ez jamais." (Eccli. 7,
40.) Kappeloiis sans cesse aux fidèles (jiu' riiomme n'a pas été ci'éée
pour briller à la têto d'une lu(-i-ative clientèl(\ dans les ])r()fessions libé-
i-ales, pour construire des macliines toujours de plus en plus perfec-
tionnées; ; toutes ces choses sont de peu d'impoi'tancc q^nind on les com-
— 419 —
parc à la iin dernière, au bonheur éternel du ciel. " Cherchez d'abord
le royaume des cieux et sa justice et tout le reste vous sera donné par
surcroît, nous dit Xotre-Seigneur Jésus-Christ. (Matthieu, G 33.) Ces
salutaires ])ensées rappelées sans cesse à l'esprit des fidèles et une con-
naissance plus parfaite des moyens do salut ne pourront nuinquer de
vaincre l'indifférence et d'amener notre peuple encore si croyant à une
piété toujours plus fervente et à la réception i^lus fréquente de la sainte
communion.
Vœu :
Le Congrès Eucharistique de Montréal, dans le but de réaliser dans la
limite du possible le désir du saint concile de Tren^te, et plus récemment
du Souverain Pontife Pie X, au sujet de la communion des fidèles, et de
l'assistance à la messe, émet le vœu que Messieurs les curés et les uutrex
prêtres employés au ministère de la prédication et du confessionnal
dans leur zèle .à promouvoir la communion fréquente, s'appliquent à
faire comprendre aux fidèles combien il serait avantageux au bien spi-
rituel de leur âme d'assister à la messe le plus souvent possible, même
tous les jours, et d'unir la réception de la sainte communion à l'assis-
tance à la messe. Pour aider à atteindre ce but, que les prédicateurs
parlent souvent, en chaire, de V excellence du sacrifice de la messe et
fassent connaître au peuple le sens des prières et des cérémonies litur-
giques. (Qu'ils expliquent surtout les relations intimes qu'il y a entre la
messe et la communion, afin que les fidèles comprennent bien que le
meilleur moyen de participer aux fruits du Saint Sacrifice c'est d'y
conununier.
*
* *
Après la lecture de ce rapi>ort, le Père Lciniiis se lève et
ajoute la motion suivante :
"Le vœu est parfait, le rapport a été splcndidc, mais il me semble
que nous imurrions ajouter ces simples mots:
"En se servant des moyens qui oui rrus4 ailleurs pour amener plus
de monde à la nu'ssc et à la communion."
^^lonsoiiincur révê(|uc de T.uxcniliouri;- nmis nuoiitai', sur le liatrau. vu
venant, un trait que je coniinuiii(|Ucrai à rassemblée. Afin d auu-nei-
])his (le monde à la messe, dans (iuel(|n(- |iar()is.«os de srm diocèsf. Mis-
sieurs les Curés ont pris ce moyen: ils ont demandé (|Uc cliaque jour
tout(\s les familles soient représentées par un ou par plusieurs nu'nd)re-:
et il s"(Mi est suivi que dans ces paroisses, eluniiu- jour les l'auiilles se sont
mises à envoyer un de leurs iiiend)res: et dans des é;:lises <iui élnieiil au-
trefois altsolument solitaires, toutes les familles sont désoriiuiis re])rc-
sentées à la messe et souxcut ;'i la Table Sainte.
— 420 —
Il mo semble que si dans nos paroisses catholiques on adoptait ce
moyen nous amènerions beaucoup plus de monde à la fréquentation de
la sainte messe, et aussi à la communion fréquente et même quoti-
dienne."
Ceci est admirable, et tout le monde seconde cette motion.
Après M. l'abbé Simard, le Kév. Père H. Hiidon, S. J., Direc-
teur du " Messager canadien du Sacré-Cceur ", se lève et parle
de la Communion des neuf premiers vendredis et des Promesses
du Sacré-Cœur.
liA SAINTE COMMUNION ET LE PREMIER
VENDREDI DU MOIS
" Il est un jour béni que chaque mois ramène
Comme la nuit ramène au ciel les astres d'or '
En ce jour du premier vendredi de chaque mois, la Sainte Commu-
nion a pris un sens tout spécial depuis l'heure où une pauvre petite re-
ligieuse, dans le silence du cloître, dit tout bas au prêtre étonné : " J'ai
vu* le Sacré-Cœur."
Depuis ce jour, les communions du premier vendredi se sont multi-
pliées, jusqu'à faire revivre en ces derniers temps, de l'aveu même des
confesseurs, dans toutes les parties du monde où la population catho-
lique est assez dense, les belles fêtes eucharistiques de Noël, de Pâques
et de la Pentecôte.
Mais pourquoi, dans l'univers chrétien, douze ou treize millions de
fidèles s'approchent-ils ainsi de la Table Sainte?
Le Sacré-Cœur de Jésus l'a demandé pour trois motifs principaux:
Le premier, c'est la réparation des outrages qu'il a reçus au Sacre-
ment d'amour depuis les monstrueuses profanations des Juifs déicides,
jusqu'aux froides insultes des sectaires, pervers comme Satan, depuis les
sacrilèges du pécheur enchaîné par le respect humain jusqu'aux moin-
dres distractions des âmes religieuses. C'est donc une hymne magni-
fique de louanges, qui doit couvrir l'horrible clameur des blasphèmes.
Le deuxième motif, c'est la réparation des fautes contre la charité.
Fautes de la haine et de la vengeance, fautes de ceux qui devraient
s'aimer comme des frères. " On reconnaîtra que vous êtes mes vrais
disciples si vous vous aimez les uns les autres." Nos fautes, celles d'un
monde avide, qui, dans sa marche vers la richesse, fait tant de blessures
comme l'immense char du dieu des Tndes, lequel armé de lances et de
piques broyait tout sur son passage.
— 421 —
Quelle admirable pensée que de communier pour réparer tous ces
manquements à l'amour, toutes nos trahisons et nos lâchetés.
Durant longtemps, ces deux seuls motifs attirèrent à la Table Sainte
bon nombre d'âmes ferventes. L'usage général de la communion du
premier vendredi repose cependant sur un troisième motif, qu'on pour-
rait appeler intéressé, si ce n'était avilir les choses de Dieu que d'en
parler ainsi.
La " Grande Promesse " du Sacré-Cœur de Jésus à la Bienheureuse
Marguerite-Marie, fut imprimée et largement répandue vers 1867.
" Je te promets, dans l'excessive miséricorde de mon Cœur, que mon
" amour tout puissant accordera à tous ceux qui communieront neuf
" premiers vendredis de suite, la grâce de la pénitence finale, qu'ils ne
" mourront point en ma disgrâce ni sans recevoir leurs sacrements, me
'' rendant leur asile assuré en ce dernier moment."
*
* *
ISTotre âge, qui recherche anxieusement tout ce qui rapporte, a juste-
ment fait la célébrité de cette merveilleuse faveur. En cela, notre siècle
ne diffère guère des autres siècles puisque toutes les anciennes dévotions
populaires n'ont rallié les masses que parce qu'elles offraient des moyens
de salut à des conditions moins onéreuses. L'homme est tellement be-
sogneux que l'Eglise, suivant l'exemple du Très-Haut, dans ses largesses
pour le peuple choisi, doit se montrer libérale et condescendante pour ses
enfants.
Dix-neuf papes, dans 40 bulles ou rescrits, ont approuvé le Scapulaire
du Mont-Carmel dont le grand privilège ne diffère pas sensiblement,
quant à l'impression sur l'ensemble des fidèles, de la Grande Promesse
du Sacré-Cœur. Xous serions donc malvenus de faire à cette dernière
des objections bien graves au point de vue théologique, d'autant que la
Congrégation des Rites l'a tout spécialement étudiée lors de la béatifi-
cation de Marguerite-Marie.
De plus, tandis que S. Simon Stock ne nous est pas historiquement
et authentiquoment révélé, la Bienheureuse Marguerite-Marie nous est
parfaitement connue.
A examiner le fond, le caractère, les circonstances de ces révélations,
à pénétrer l'âme qui les rapporte et les atteste, à consulter le verdict
autorisé de l'Eglise on est amené à conclure que les admettre comme
authentiques est le seul parti justifié.
Si maintenant nous voulons interpréter le texte de la " Grande Pro-
messe," nous voyons d'abord qu'il laisse attendre une faveur extraor-
dinaire: Xotre-Seigneur y parle de "l'excessive miséricorde" de son
Cœur et invoque sa " toute-puissance " pour nous promettre la grâce des
grâces la "pénitence finale." Il insiste par trois fois: " Tls ne mour-
ront point dans ma disgrâce, ils ne mourront point sans recevoir les
sacrements ; mon Cœur se rendra leur asile assuré à l'iieure de la mort."
Quelle récompense magnifique à cette unique condition de commu-
nier le premier vendredi de neuf mois consécutifs pour honorer le
Sacré-Cœur !
— 422 —
Mais quoi! Faut-il entendre (ju'une fois la condition bien réalisée le
gage d'une bonne mort soit définitivement acquis et valable irrévoca-
blement? Le salut sera-t-il donc ensuite garanti en toute éventualité?
La question est grave et délicate, et les théologiens répondent avec des
distinctions variées.
Tous admettent d'abord avec le Concile de Trente que personne, à
moins d'une révélation particulière, hors de cause ici, n'est assuré de sa
prédestination d'une certitude infaillible et absolue. Il ne saurait donc
être question ici, d'une certitude absolue, mais de cette certitude morale,
qui nous permet de poser des actes prudents dans la plupart des circons-
tances sérienses de la vie. Il ne s'agit pas non plus de renverser les exi-
gences ordinaires du salut, de sorte qu'une personne qui communierait
neuf mois pour s'en donner à plaisir dans la suite, ne ferait que s'illu-
sionner déplorablement.
Même à des communions droites et loyales, les uns prétendent qu'il
faudra joindre le constant accomplissement des devoirs essentiels, faute
de quoi le droit à l'assistance finale se perd ; il ne lui survivrait que
ï espoir d'une plus grande miséricorde du Seigneur eu égard au droit
jadis possédé. Les autres répondent, avec vérité semble-t-il, que cette
première interprétation soumet la personne à des conditions arbitraires,
nullement exprimées par la Bienheureuse Marguerite-Marie ni exigées
par la foi.
Certes, le pécheur mourant garde sa liberté, et s'il refusait de se con-
vertir, il ne serait pas sauvé malgré lui, seulement, nous rejetons l'hy-
pothèse d'un refus de conversion. La grâce de Dieu ne peut-elle pas
triompher de toute opiniâtreté et de toute faiblesse humaine? Est-elle
capable d'empêcher la présomption future, ou la persévérance dans cette
présomption et l'endurcissement dans le péché? Oui, sans aucun doute,
Dieu qui donne à chacun les grâces suffisantes n'en fait pas l'objet de
promesses extraordinaires, mais ne peut-il promettre à plusieurs, moyen-
nant certaines pratiques, les grâces qu'il sait devoir être efficaces et
victorieuses de toute rébellion? C'est tout à fait certain.
Ainsi donc, la grande promesse prise dans son sens obvie est suscep-
tible de garantir à quiconque aura bien rempli l'unique condition
imposée les secours divins pour se maintenir dans l'état de grâce ou y
rentrer à la mort.
Cependant, l'exactitude même de la révélation et des termes de la
promesse, l'accomplissement satisfaisant de la condition par chacun,
tout cela n'est connu qu'avec cette certitude morale qui nous engage, en
une affaire de cette importance, à ne pas négliger les autres moyens de
salut et à se garder avec soin des causes de damnation.
Avec ces dispositions, Vassuraure d'une bonne morl est véritahle
comme celle de la justification lorsqu'on a fait tout son devoir; j'en suis
certain comme de la vérité de mon baptême et de la consécration de
l'Hostie (ju'ou reçoit à la Table Sainte.
Certitude scandaleuse pour ceux-là seulcMieul rpii ne (l'oieiit pas à
l'amour, (pii n'ont pas compris l'excessive miséricorde du Cœur de Jésus
et tout ce f|u'ri a souffert dans sa Passion dont II veut nous appliquer
— 423 —
d'une manière toute spéciale les mérites infinis. Ceux-là ne savent pas
non plus Tefficacité exceptionnelle du moyen proposé: il ne s'agit pas
seulement d'une médaille, d'une prière, d'un habit vénérable, nuiis de la
réception du plus auguste des Sacrements. Sainte Melchtilde vit un
jour en esprit la Charité sous la figure d'une vierge céleste qui trempait
un diamant dans le Cœur de Jésus, et qui, à plusieurs reprises, réitérait
cette action afin de lui enseigner qir'il n'est pas de cœur si dur (|u'une
union fréquente avec le Dieu de l'Eucharistie n'amollisse enfin complè-
tement. N'est-ce pas une vraie cure spirituelle que Xotre-Seigneur a
exigée comme condition de sa promesse? En neuf mois, l'âme a eu le
temps de s'affermir dans la volonté de persévérer, d'acclimater en elle
cette résolution de rompre avec les causes anciennes du péché et de s'ha-
bituer à la frécjuentation des sacrements de Pénitence et d'Eucharistie.
Certes, s'il est de la nature d'un gage d'être à certains égards l'équi-
valent de l'objet qu'il représente, quelle assurance meilleure queTlIostie
Sainte elle-même, vrai ciel caché sous le plus humble des voiles, sur-
passant en dignité toutes les splendeurs et toutes les richesses du Pa-
radis. Ce gage nous est livré dans les communions des neuf ])remiers
vendredis, où la grâce divine nous donne le droit de dire au Maître, à
l'heure dernière: Voici, ô mon Souverain Juge, cette Hostie salutaire
que je vous offre avec confiance en échange du bonheur promis.
C'est ainsi que par cette pratique incomparable nous aurons jeté vers
les rivages de l'éternité bienheureuse une ancre qui nous gardera dans
les tempêtes. Lié à notre fidèle barque par la promesse du Sacré-Cœur,
si elle ne nous ])réserve pas d'être le jouet des flots, elle nous empêchera
d'en être la triste proie. A cette heure sombre de l'histoire de l'Eglise,
c'est la douce et légitime espérance des amis du Conir de Jésus. Spe
naude fîtes.
Au Canada, les Apôtres du Sacré-Cœur n'ont pas caché ce merveilleux
joyau de leur trésor: le Grande Promesse et les N"euf Premiers Ven-
dredis. Sans doute, ils l'ont royalement enchâssé dans les flammes
d'amour du Cœur de Jésus, principe premier de cette faveur, ils l'ont
l)rotégée en insistant sur toutes les dispositions nécessaires iiour s'en
rendre dignes.
L' Apostolat de la prière compte au Caïuida. 700,000 mend.res, dont
plus de 100,000 font la communion du premier vendredi: et dans tous
les endroits on peut redire les ])aroles de P. Pamière. S.J.: " L'expé-
" rience démontre (|ue la prédication di- la grande promesse est un des
'•'moyens les plus efficaces, sinon le plus efficace de tous pour ramener
" des" paroisses entières, v compris les lioiiunes. à la fré-iiicntation de la
" Table Sainte."
A Ottawa, notre capitale fédérale, dans la paroisse du Sacré-Cœur,
composée surtout d'hommes d'Etat et d'emplovés du gouvernement, on
entend de vieux défenseurs dn devoir pascal humblement accompli,
s'écrier: "Que n'ai-je su plus tôt (|u"il était si bon de communuM- sou-
vent ! ''
— 424 —
A Québec, l'excellent rapport de Mgr Gagnon nous a appris que dans
certains villages les communions du premier vendredi atteignent 70%
des communiants, et la paroisse de Saint-Sauveur est célèbre pour sa
grande ferveur et ses démonstrations de foi profonde et d'amour pour le
Sacré-Cœur.
Montréal, certes, ne reste pas en arrière ; certaines églises comptent
plus de 3,000 communiants le premier vendredi, et l'on cite au loin cette
paroisse oii, après une mission fructueuse, le prédicateur demanda à ses
auditeurs l'engagement d'honneur de participer à la communion men-
suelle. Le curé reçut 300 adhésions, et chaque mois les 300 hommes
répondirent fidèlement à la carte postale que leur pasteur ne manquait
pas de leur envoyer pour les convier à la communion du premier ven-
dredi du mois.
Les qnnales de tous les diocèses auraient quelques traits du même
genre à nous fournir.
Partout, c'est un long défilé vers la Table Sainte, les femmes sont les
plus nombreuses, ensuite les hommes se sont ébranlés, mais surtout
J'ai vu, dressant sa noble taille
Et marchant d'un pas ferme
Un jouvencel hardi, comme un ange de Dieu.
Son visage était pur, sa tunique était blanche.
Son regard était bleu comme azur et pervenche;
Et je vis dans ses mains une coupe: et je sus
Que c'était (le St Graal) la coupe de Jésus :
Calice de la Cène et de l'Eucharistie."
Oui, nous pouvons dire que partout notre jeunesse a fait ses premiers
vendredis, et si elle semble s'avancer plus vaillante en un bataillon serré,
c'est qu'elle s'est nourrie du pain des forts.
Comme son idéal Garcia Moreno, le héros de l'Equateur, habile
guerrier, grand politique et plus grand chrétien, notre jeunesse aime
son pays, elle aime l'Eglise et le Sacré-Cœur.
Garcia Moreno mérita d'en être le martyr. Il communia le premier
vendredi de chaque mois, et ce fut un premier vendredi, au sortir de la
cathédrale de Quito, l'âme encore toute embaumée de la présence de son
Dieu, qu'il fut poignardé par un franc-maçon, sur l'ordre de la secte
infâme. II tomba en s'écriant : "Bios no muere!" Dieu ne meurt pas!
Non, Dieu ne meurt pas, son soleil radieux s'est levé dans les ténèbres
avec le Sacré-Cœur dans l'Hostie. Allons au Sacré-Cœur. "L'Eglise
et la société n'ont d'espérance qu'en lui," nous dit Pie IX. " Il est le
Labarum qui nous donnera la victoire prochaine," affirme Léon XIII,
et Pie X : " Le Sacré-Cœur vaincra. Il régnera et nous sauvera."
Pour aider à ce règne et à cette victoire je soumets à votre approba-
tion la proposition suivante:
La procession. — Arc de la rue ilu ( liaiiii> de .Mais.
The Procession. — Arcli on Clianiii de -Mars Street.
— 425 —
Vœu :
Plaise au Congrès Eucharistique International, réuni à Montréal, de
reconnaître la très grande utilité de la dévotion au Sacré-Cœur comme
moyen de développer le culte eucharistique; — de recommander aux
fidèles serviteurs de Dieu et de l'Eucharistie la pratique de la communion
du premier vendredi de chaque mois, suivant l'esprit de la grande pro-
messe du Sacré-Cœur de Jésus et cela comme un moyen d'attirer peu à
peu les âmes à une communion plus fréquente et même quotidienne!
Le quatrième travail était ime étude pratique sur le Décret
"Sacra Tridentina Siniodus " de Pie X, plus counu sous le
nom de Décret sur la Communion quotidienne. Il fut pré-
senté par M. l'abbé F. Johin, professeur de doj>me au collège
de L'Assomption. Xous ne donnons ici que les grandes
lignes de ce travail.
'&'
ETUDE PRATIQUE SUR LE DECRET DE PIE X.
Cette étude tout d'abord s'appuie sur les données des théologiens et
des écrivains ecclésiastiques les plus autorisés, et se divise naturellement
en deux parties.
1. En face du décret "Sacra Tridentina Synodus" solennellement
publié par ordre du Souverain Pontife, le 20 décembre 1905, et revêtu
de toutes les formes qui en font un Acte législatif ayant par conséquent
force obligatoire quant à sa partie prescriptive, quelle doit être l'attitude
de tout prêtre s'occupant des âmes, soit médiatement par les écrits ou
les enseignements théologiques, soit immédiatement, par le ministère
pastoral.
IL Qu'est-il exigé des fidèles pour qu'ils bénéficient de cette législation
si large portée par la Sacrée Congrégation du Concile, ratifiée et con-
firmée par le Pape lui-même.
a) Dans renseignement les professeurs ou écrivains ecclésiastiques
doivent désormais s'al)stenir de toute discussion au sujet des disposi-
tions requises pour la communion fréciuente et quotidienne.
b) Dans l'interprétation des prescriptions qui regardent les fidèles,
il faut toujours s'arrêter au sens le plus large.
c) Quant aux pasteurs d'âmes, soit dans la chaire, soit au confes-
sional, qu'ils prennent garde de n'éloigner de la conniiunion fréquente
ou quotidienne personne qui soit en état de grâce et qui s'en approche
avec une intention droite et pieuse.
— 436 —
d) Ces mêmes pasteurs d'âmes, devront en plus, se faire les apôtres
ardents et zélés de cette pi'atique si pieuse et si salutaire. Pour cela,
qu'ils donnent des instruction générales, où ils ne se contenteront pas
de faire ressortir les avantages nombreux que peuvent trouver les fidèles
dans la communion fréquente et quotidienne, mais ils joindront à cet
exposé la réfutation explicite des objections courantes afin de dissiper
les préjugés si nombreux qui arrêtent l'élan des âmes.
e) Pour que le décret soit porté à la connaissance de toutes les âmes,
le Pape oblige les supérieurs de communa^ités religieuses des deux vsexes
à le faire lire chaque année, en langue vulgaire, en communauté.
f) Les confesseurs ne se borneront pas à accorder la communion à qui
la demande, ils devront exhorter, inciter, contraindre suavement leurs
pénitents à la communion fréquente et même quotidienne, puis, se
rappeler qu'ils ne sont pas législateurs mais seulement juges des dispo-
sitions nécessaires.
II
Ces dispositions, à vrai dire, ne sont qu'au nombre de deux, à savoir
l'état de grâce et une intention droite et pieuse.
L'état de grâce ou exemption de tout péché mortel, état qui, le ciel
en soit béni, se rencontre fréquemment, est nécessaire pour la commu-
nion fréquente, comme pour toute autre communion, mais il suffit.
L'intention droite est aussi requise, mais non pas formellement fixée,
même un motif secondaire repréhensil)le ne l'empêche pas d'exister.
Les éléments de cette intention droite sont de communier pour plaire
à Dieu, pour s'unir plus étroitement à lui, pour trouver dans ce divin
remède la force de résister aux infirmités et aux défauts de notre nature.
Quoique ces dispositions soient seules exigées, le décret en fait dériver
et en conseille trois autres :
a) L'exemption des péchés véniels au moins pleinement délibérés et
de l'affection à ces péchés.
h) Une préparation soigneuse et une action de grâces convenable,
en tenant compte toutefois des facultés, des conditions et des obliga-
tions de chacun.
c) L'avis du confesseur — ((ui n'est qu'un simple avis et non une
règle que le pénitent soit tenu de suivre — pour que la communion se
fasse avec plus de prudence et j)lus do mérite.
Conclusion.
1° Le prêtre rie doit rien faire ni ])()sitivement ni négativement qui
mette obstacle ou entrave à la communion fréquente et quotidienne,
mais il doit tout faire pour la faciliter et l'encourager.
2° Seuls les empêchements justifiés par des devoirs d'état certains et
n'impliquant aucun jnépris du don divin devraient éloigner de la sainte
Table les fidèles qui au moment de la communion se trouvent en état de
grâce. Us n'ont aucune autre raison do ne pas profiter de si grands
avantages et de n'en pas revenir à. la pi'atique de la ])rimitive église
quand les clirétiens comninniaient tous les jours.
437 —
Voeu :
1" Que dans leur enseignement et leur ministère les prêtres s'inspirent
de plus en plus largement et résolument du décret de Pie X. (Ju'ils
vulgarisent ce décret de toutes nianièresj par exemple en en donnant
lecture tous les ans, du haut de la chaire, en le faisant apprendre de mé-
moire dans les écoles et les maisons d'éducation secondaire.
2° Que les fidèles, dûment instruits, réforment leurs préjugés anciens,
et s'appliquent de plus en plus à considérer la communion fréquente et
quotidienne comme l'acte central de leur vie chrétienne.
Après M. l'abbé Jobin, c'est la blanche bnre d'un Domi-
nicain qui paraît sur l'estrade. Le R. P. Ro)nJot va nous
indiquer les Ivjiuences sociales de V Eucharistie :
LES INFLUENCES SOCIALES DE L'EUCHARISTIE
Monseigneur le Président,
Messeigneurs^
Mesdames,
Messieurs,
L'influence sociale de l'Eucharistie, tel est mon sujet; je l'esquisse à
grands traits.
Il y a influence, là où un être . communique à un autre sa propre
énergie.
Il y a influence sociale, là où une énergie personnelle est cdininu-
niquée à un être humain, quand il met en œuvre son intelligence, sa
liberté s'unit à d'autres semblables à lui, pour connaître, vouloir un
bien commun à poursuivre, par des moyens connus, voulus de tous.
La chose est vraie, dans toutes les sociétés: "Familiale. Civile. lît-li-
gieuse."
Or, l'Eucharistie exerce, à ce triple point de vue, une influence réelle,
pour le progrès des différents groupes sociaux composés des enfants, des
jeunes gens et des jeunes filles, des hommes et des femmes on charge
de fover.
— 428 —
1, — Les Enfants.
Obéissance, discipline, amour du prochain, vertus sociales, à n'en pas
douter; néanmoins, à notre époque, elles ont diminué de vigueur, dans
l'âme de l'enfant.
C'est un mal, dont l'Eucharistie est le remède.
Expliquez à l'enfant, graduellement, ces trois choses : Famille, Société
civile, Société religieuse.
Dites-lui : Il t'en coûte de te plier aux ordres, aux conseils de ton
père et de ta mère, communie. L'hostie sainte te mettra en contact avec
l'âme de Jésus. Pendant sa vie entière, il obéit toujours, à saint Joseph,
à la Sainte Vierge, et au Dieu Tout-Puissant; avec l'aide du Sacrement,
tu auras moins de peine à te soumettre.
A l'heure de midi, tu ressens la faiblesse, mais, tu vas à table, et le
repas terminé, l'énergie te revient. Ainsi, en est-il de la Communion.
La lutte contre ton caractère épuise tes forces, refais-les à mesure, avec
celles de l'Homme-Dieu.
De prime abord, l'enfant hésite, puis il essaie, un changement se
produit, les parents le constatent; au foyer domestique, il est plus res-
pectueux.
C'est le moment opportun des avis paternellement donnés, des félici-
tations discrètes; l'enfant se rend compte du travail opéré, faites-lui
comprendre que tout cela est l'œuvre de Jésus-Hostie, le voilà orienté.
Société civile.
Vous connaissez les pénibles débuts de l'enfant dans la société civile :
l'école et le maître.
L'école, avec sa cloche qui sonne l'heure de l'étude. L'école, et les
pupitres alignés devant la grande estrade, d'oii part à chaque instant,
une surveillance inexorable. L'école, et puis les livres, instruments de
torture quand le soleil est beau, quand on rêve de plaisir, de promenade
au grand air.
Et le " maître ? " Il est vrai, le père a dit souvent : " Mon ami, res-
pecte ton maître, il tient ma place auprès de toi ; c'est un homme dé-
voué, d'un talent reconnu." Fort bien, mais comprendre, à cet âge, un
dévouement pareil, apprécier exactement des aptitudes pédagogiques, la
chose ne vous paraît-elle pas difficile à admettre?
Oui, l'école et le maître, restent encore aujourd'hui l'épouvantail de
l'enfant avide de liberté.
Un tel sentiment n'est pas noble, je l'avoue, mais l'enfant n'a pas
atteint le dernier terme de son éducation.
Il y a pourtant moyen de le conduire plus haut: Evoquez, devant lui,
le souvenir de Notre-Seigneur au Temple.
Malgré ses douze années, Jésus est, néanmoins, le Verbe de Dieu, la
Sagesse infinie; or il écoute, avec un respect, un intérêt attentif, l'en-
seignement incomplet des Docteurs de la Loi.
— ■429 —
Eh ! bien, ce même Jésus vit dans l'Eucharistie, pour devenir le mo-
dèle de l'écolier chrétien, son idéal et sa force.
Ce langage touche l'enfant; stimulez son ardeur, bientôt son cahier
de notes attestera chez lui, une amélioration marquée.
A ce moment, il est mûr pour tirer une conclusion, aidez-le à le faire.
Eappelez-lui le proverbe: Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es;
ajoutez: tu fréquentes Jésus, et tu manges à sa table? Voilà pourquoi,
élève en progrès, tu deviens plus vertueux, plus travailleur.
Il vous quittera plein de courage, résolument fidèle aux communions
permises.
Société religieuse.
L'enfant est naturellement égoïste; il envie tout, le prend, le garde;
il jouit, sans rien rendre, ou presque rien en retour. Or, l'égoïsme est
en opposition formelle avec la charité principale entre toutes les A'ertus
chrétiennes et sociales.
Alors, montrez-lui dans l'Hostie, Xotre-Seigneur, charité vivante. Le
prêtre, à son gré, le consacre, le distribue, l'expose aux regards des
fidèles.
Du Tabernacle, de l'Ostensoir, Jésus voit agenouillés amis et ennemis,
qu'importe, pas un mouvement, chez Lui, de joie ni d'indignation; avec
un calme parfait, il demeure à la libre disposition de son Ministre, ne
se dérobe devant personne, et sa présence luit sur les méchants comme
sur les bons, toujours prête à répandre le pardon et l'amour.
A la longue, l'enfant peut entrevoir quelques-uns des fils d'or qui ont
formé la trame de l'abnégation divine, et la Communion fréquente, lui
met en main, l'arme victorieuse de l'égoïsme personnel.
2. — Jeunes Gens et Jeunes Filles,
A la jeunesse actuelle, le foyer devient lourd; et les jeunes gens et les
jeunes filles oublient trop aisément, dans la vie au dehors, les titres
acquis par le père et la mère, à un retour de justice et de reconnaissance.
Ils manquent de mémoire pour les services rendus; et, sans égards
pour des parents âgés, ils ont peine à se rappeler, qu'il reste, à la maison,
des enfants, jeunes encore, et aux besoins desquels il faut cependant
pourv^oir.
Du fruit de leur travail, ils gardent le plus possible, et, diez eux,
quand ils y restent, il ne leur déplaît pas de se réduire à la condition
de pensionnaires.
Double mal, dans la famille contemporaine.
Et le remède?
L'Eucharistie, oii Jésus, fréquenté par le jeune homme et la jeune
fille, leur répète souvent: "Je ne quittai jamais le toit paternel avant
l'âge de trente ans; capable de travailler, j'ai toujours employé mes
forces à aider ma mère et mon père adojjtif.
— 430 —
T'topie. dites-vous?
Pour 11' iirand nombre, oui: non, .pour uu ijetit groupe, formant une
congrégation habilement dirigée, car des faits le démontrent, relative-
ment nombreux.
Grâces à Dieu, nous pouvons être fiers de le dire aux étrangers à ce
pays : dans nos grandes villes canadiennes-françaises, tous les jours, aux
messes nuitinales, nous voyons encore des jeunes gens quitter leur place
au coup de cloche de Tenfant de chœur; où vont-ils? A la Table de
Communion, dans une chapelle discrète, pieuse, recueillie; pourquoi?
Ils veulent manger le Christ, patron des travailleurs, ils veulent s'unir
à Lui. avant les fatigues, les déboires d'une journée de labeur, à l'usine,
à râtelier, au magasin, au bureau.
Se trompent-ils, ces enfants-là?
Pardon, je m'oublie, j'aurais dû me le rappeler: "Je suis tout uni-
ment un Français-Canadien, encore, il me sera permis peut-être de me
ranger à l'opinion des mères.
Elles aiment de tendresse le pays oiî elles ont élevé leurs enfants, et
depuis des années, le bon Dieu m'a chargé, prêtre et religieux, d'élever
ici des âmes.
Interrogez les parents, ils vous diront avec moi : Sur la conduite de
ces jeunes hommes, nulle inquiétude; point de larmes versées par une
mère anxieuse.
Ils sortent peu, si parfois, une réunion de société réclame leur pré-
sence, au départ, ils avertissent, et la maman dit: Tu seras sage, mon
petit garçon. Aloi's, avec un bon sourire, un filial baiser, voici la ré-
ponse: Xc soyez pas inquiète, maman, je serai ici à telle heure.
Mais un retard se produit, imprévu, impérieux; ils téléphonent ou
partent en s'excusant près de leurs camarades, car, ils le sentent et le
comprennent, on ne doit pas empêcher le repos d'une mère vieillie.
\'oyez aussi, comme ils prennent intérêt aux choses de la maison.
Beaucoup remettent à la famille le produit intégral du travail de la se-
maine, où la mère peut puiser dans wne juste mesure.
Vous me direz: Et puis?
Et puis, c'est tout, car tout est sauf, et dans toutes les lignes.
S'ils avaient moins fréquenté la C\)mmunion, leur cœur garderait
moins vif, le sentiment de la justice, de la reconnaissance, de la déli-
catesse.
Quant aux jeunes filles, l'application est plus facile encore. Faites-
leur aimer la Communion quotidienne, ou du moins très fréquente, elles
apprendront doucement, dans l'intimité de Jésus, la nécessité des atten-
tions délicates, pour ne pas lui déplaire et pour lui faire plaisir; ainsi,
peu à peu, elles feront l'apprentissage de hi femme d'intérieur, ce joyau
d'une maison.
p]lles sauront plus tard acquérir, dév(>lopper l'estime, l'affection, la
confiance do leur mari; et tout en dt^neurant le maître-autel, dans le
temple du foyer, elles en seront aussi l'aimable confessionnal où, du
plus petit au plus grand, cha.cun pourra dire et ses joies, et ses tris-
tesses: alors, nous les verrons reiru's api'ès les avoir vues sacrificateurs et
victimes.
— 431
Société civile.
La lièvre du plaisir, les relations douteuses, le luxe effréné, Tinsou-
ciance de Taveuir, tels sont, au iwint de vue social, les maux à redouter
pour la jeunesse présente.
Cependant, la société a besoin, dans ses membres, d'esprits fermes et
lucides, de volontés droites, de caractères énergiques, de constitutions
robustes.
Pour garantir sa prospérité, il lui faut des familles sérieuses où l'au-
torité douce et forte consolide la sienne.
Mais, elle est souvent trompée dans son espoir. J'arnii les jeunes gens
et les jeunes filles, Tordre et l'économie font souvent défaut; la soit du
bien-être augmente à vue d'œil, et, pour la satisfaire, on accumule les
folles dépenses, les dettes criardes, au détriment de Taisance privée, de
la fortune publicpu'.
I^ théâtre, le roman, les spectacles interlopes, faussent l'opinion ; on
pense à s'amuser, non point à s'étal)lir; le devoir social est un mot vide
de sens, et, dans le fait, on sacrifie le bien commun au bien i)articulier,
encore, n'cst-il pas toujours avouable.
Parlez-vous de nuiriage? Un sourire vous répond, mêlé de seepli-
cisme: traduiscz-le en langue vulgaire, vous aurez la formule: "Pour-
quoi se mettre la corde au cou?" Néanmoins, le cou passera un jour à
travers le collier; alors malheureusement, vous obtiendrez cette raison
sociale : " Misère et Compagnie."
Si l'on avait pti faire venir ces enfants jjrès du Saint-Sacreuu'iii, de
si tristes résultats ne seraient point à déplorer.
Ati contact, en effet, de l'Humanité Sainte, les ardeurs voluptueuses
voient s'éteindre leur flamme ; dans le cœur à cœur aveo Jésus, l'esprit,
la volonté, les sens reçoivent une effusion de la \ertu divine, (pii partout
répandait les bienfaits et l'amour sur le passage du Maître.
Oui, mettez la jeunesse à l'école de Jésus, le Pain vivant des Ames, il
lui apprendra son abnégation rédemptrice, et au lieu de s'énerver dans les
plaisirs vulgaires, ferments de décadence, elle réglera .^on énergie, ])our
travailler au relèvement de la grandeur sociale.
Société religieuse.
l.a jeunesse, aujourd'hui, voit, entend, lit beaucoup de choses. Devant
elle, on discute l'autorité, sous toutes ses formes, la biérarchie dans
tous ses représentants.
Grand nombre do joui'uaux. de périodiques, inconscients, on le dirait,
de leur responsabilité intellectuelle et nu)ralc. exposent à ses re<rardsdes
articles erronés, des faits .scandaleux.
Laissons-lui le bénéfice de son inexpérience, le poids d'une culpabilité
dont le Seigneur est Juge; encore est-il, le fait est pnlpable, elle vit dans
une atmosphère de modernisme dans les idées, de naturalisme dans les
— 433 ~
sens; laissons-lui le droit aux eireonstanees atténuantes; encore est-il, le
mal reste et il faut le combattre.
Comment? Avec l'Eucharistie.
Jésus-Christ, enveloppé dans les Saintes Espèces, est le Fondateur de
l'Eglise; le pape, les évêques, les prêtres, le représentant, ici-bas, à des
degrés divers.
Eh bien, dites à la jeunesse tentée de révolte, que dans la Commu-
nion, elle s'adresse au Christ, qui établit cet ordre ; elle comprendra que
des décisions ecclésiastiques ne peuvent être traitées comme des affaires
politiques ou municipales.
La liberté, actuellement, dégénère en licence, les évêques, les prêtres
sont contraints de rappeler au devoir, bon nombre d'oublieux, qui, re-
tranchés dans un " je n'y vois pas de mal," glissent rapidement vers un
indifîérentisme lamentable.
Agenouillez-les au pied de l'autel, ils auront moins de " flou " dans
l'esprit, moins d'inconstance dans la volonté ; or, dans l'ordre surna-
turel, avec la grâce de Dieu, la netteté de la vue, la fermeté du vouloir
constituent les grands principes d'une vie catholique, fortement agis-
sante.
Les Hommes et les Femmes en charge de Foyer.
La paix à la maison, la bonne administration du patrimoine familial,
où les deux chefs de famille, à titre différent, mais d'un commun accord,
assurent à tous et à chacun, une éducation catholique, un entretien hon-
nête; prévoient, préparent l'avenir des enfants, leur avenir à eux-
mêmes, tel est le double but à poursuivre pour les hommes et les femmes
en charge de foyer.
Comment l'atteindre? Par la fréquentation de l'Eucharistie.
Là, en effet, ils se trouvent en relations hal)ituelles avec Notre-Sei-
gneur Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai Homme.
En tant que Dieu, Jésus, dans la personne du Verbe, est l'exemplaire
de la pensée créatrice, oii les moindres détails, merveilleusement adaptés,
s'unissent pour former l'ordre divin.
En tant qu'Homme, Jésus dans les deux éléments de son Humanité,
est l'idéal de la subordination.
Son intelligence est constamment remplie de l'idée du Père céleste,
et la volonté de Dieu, sert, à tout instant, d'aliment à la sienne propre.
Lui faut-il traduire, rendre visibles aux yeux du monde, les desseins,
les vouloirs du Créateur? Il fait appel à ses sens, les condamne au tra-
vail, à la souffrance, et les transforme en serviteurs d'une ponctualité
surhumaine. Il leur dit: "l'heure n'est point venue," ils attendent;
"l'heure est proche," ils s'apprêtent; "voici l'heure," ils agissent.
Donc, le Christ du Tabernacle, est le Christ de l'ordre, le Christ de
la subordination; mais, dit saint Augustin, l'ordre et la subordination
sont le père et la mère de la paix.
— 433 —
Et maintenant, hommes et femmes, en charge de foyer, la paix, vous
la voulez chez vous? Elle est dans l'Hostie, allez la prend're.
Apparemment, aussi, vous tenez à la sage administration du patri-
moine de famille? Tous aurez, dans la Communion, un appui divin.
Qu'est-ce que l'administration?
"La gérance des biens acquis: fortune, pour le propriétaire; hono-
raires, pour le professionnel; profits, pour le commerçant, l'industriel,
rhomme d'affaires, le financier; salaire, pour le manœuvre, l'employé]
l'artisan." Or, il y aura bonne. administration, si ces biens acquis, on
les empêche de décroître, on les maintient, on les développe.
— Mais les dépenses, passif obligé, en tenez-vous compte?
— Oui, je tiens compte des dépenses nécessaires, actuelles ou prévi-
sibles; je tiens compte des dépenses utiles, et, par là, j'entends celles
affectées à la conservation du bien présent, considéré, soit en nature,
soit en espèces; je tiens compte des déboursés faits, en raison des exi-
gences sociales, pourvu qu'ils restent en harmonie avec la situation, non
pas apparente, mais réelle de celui qui débourse; je tiens compte sur-
tout, des dépenses productrices, donnant, leurs intérêts payés un gain
juste et raisonnable.
— Et c'est tout ? Eien pour la distraction, rien pour la santé des fa-
milles? rien pour l'aumône? Alors, votre administration est un régime
de fer?
— Doucement. Comme vous, je veux toutes ces choses; mais je les
veux en rapport avec le bon sens, avec l'économie, avec la justice, qua-
lités qui tout en demeurant dans l'intégrité de leur nature, doivent
nécessairement, dans leur application, se diversifier suivant la diversité
des conditions.
De ce chef, par conséquent, j'écarte du budget, toute dépense recon-
nue "folle'' par un homme qui réfléchit; toute dépense qui entraînerait,
pour les membres de la famille individuellement pris, un affaiblissement
quelconque et du corps et de l'âme; toute dépense qui entraînerait pour
la famille elle-même, prise au sens d'une personnalité morale, la dé-
chéance ou la ruine. Allez-vous, là-dessus, me taxer d'exagération?
— Non, mais, nous sommes loin de l'Eucharistie ?
— Pas autant que vous le pensez. Dans la Communion fréquente,
vous recevez fréquemment Jésus-Christ, donc, fréquemment, vous entrez
en commimication avec l'Eternel Archiviste des plans qui servent au
gouvernement divin, type incontestable de l'administration par excel-
lence; et là, vous avez un modèle toujours à votre portée.
Jésus l'est, en effet, dans sa vie sacramentelle, oîi il prolonge le rayon-
nement de son intelliçrence divine, et celui, moins parfait, mais j)ourtant
d'une sûreté infaillible, de son intelligence humaine.
Dans l'Hostie, comme Dieu, il affirme: "Pas une pointe d'aiguille,
ne disparaîtra de la Loi, sans que tout ne soit accompli. (St. Mathieu,
Chapitre 5. Verset 18.) D'emblée, nous sommes en face d'une .«stabi-
lité indéfectible, garant d'un bon résultat, au point de vue administratif.
Dans l'Hostie, comme Homme, il vous répète ce qu'il disait à sa
— ^34 —
Mère: (Saint Lue, Cliap. 2. Verset 49) "pourquoi me cliercher? Vous
ignoreriez que je dois promouvoir les alï'aires de mon Père?
Or, il a simplement 12 ans, et malgré son jeune âge, il gère les choses
divines.
Douteriez-vous de ses aptitudes? Interrogez les Docteurs du Temple.
(Saint Luc, Cliap. 2. Verset 47.) " Tous ses auditeurs étaient ravis de
son intelligence et de ses réponses."
Pour un enfant de 12 ans, un pareil début, dans une gestion pareille,
ne vous semble-t-il pas surnaturellement fort?
Laissez de côté Tentretemps, l'obscurité, les voyages, les miracles,
les bienfaits; ouvrez l'Evangile de saint Jean (Chapitre 17, Verset 4.)
Jésus parle: "Mon Père, dit-il, j'ai mené à bien l'œuvre, 'par Vous, à
moi confiée." D'où, je conclus : Sous les voiles de l'Hostie, l'ïïomme-
Dieu peut encore nous enseigner la vraie méthode du succès en admi-
nistration.
Voilà pourciuoi, hommes et femmes, en charge de foyer, si vous voulez,
chez vous, administrer avec sagesse, allez à la Communion, l'Eucha-
ristie est une excellente école d'affaires.
Mais j'entends une réplique.
— A'otre analyse peut convenir aux familles riches ou aisées, mais la
famille du travailleur, dont le salaire suffit à peine pour donner à une
femme, à des enfants, nourriture, vêtement, abri, chauffage, remèdes et
le reste? Qu'en faites-vous? Est-elle à vos yeux une quantité négli-
geable ?
— iSTon, je la vénère comme une relique précieuse.
— Alors, s'il ne lui reste rien, quel besoin d'administration a-t-elle?
En quoi, là-dessus, la Communion lui peut-elle être utile?
— Laissez-moi vous répondre : Les propriétés, l'argent, ne sont pas les
seuls biens administrables. Les enfants, dans une maison, constituent
une fortune.
Ils ont, en eux, des énergies latentes ou bien des foi'ces vives.
Les unes et les autres, il faut les discerner, les étudier, les conduire,
les développer, les mettre en œuvre, et à leur place.
Un administrateur sérieux, porte une attention particulière au pla-
cement de son personnel.
Au fond, par conséquent, tout se réduit ici, à l'examen minutieux des
aptitudes respectives, naissantes ou nettement dessinées en vertu duquel,
un père et une mère pourront conclure, avec quelque sûreté, la véritable
orientation de l'avenir de leurs enfants; tout se réduit ici à la grande
affaire de la vocation.
Eh bien, dans cet ordre de choses, qui appelle et qui place? N'est-ce
pas le Christ?
C'est lui. Donc, hommes et femmes, en charge d'un foyer, même
pauvre et rempli d'enfants, allez à l'Eucharistie, vous y trouverez le
Christ qui appelle, le Christ (|ui place, le Christ qui vous aidera dans
l'administration de votre fortune vivante.
— 435 —
Société civile.
L'Eucli,aristie aide puissamment à maintenir la paix, la bonne a<lmi-
nistratioii dans le loyer domestirpie: mais là, no s'éteint i)as le ravon
de son influence.
De par la volonté de Dieu, de par les circonstances, la famille est une
personne morale, qui s'unit avec d'autres, pour former la Société civile.
Or, dans la constitution de cet enseml)le, l'analyse démontre l'exis-
tence de trois éléments, tous les trois nécessaires.
1. Une autorité qui commande et dirige.
3. Des groupes de condition différente ou diverse, pour:
3. Leur faire produire, droits et devoirs de chacun respectés et ac-
complis, un résultat commun, savoir: un bien général, matériel d'abord,
et cependant en harmonie avec le bien suprême, qui relève, en définitive,
du vouloir divin.
De là. trois conclusions s'imposent aux hommes et aux femmes en
charge de foyer.
1. L'obligation du respect et de l'obéissance à l'autorité civile, lé-
gitimement instituée et s'exerçant légitimement.
2. L'obligation de ne point contrevenir aux droits et aux devoirs des
groupes constitutifs de la grande unité sociale.
3. L'ol)ligation de subordonner le bien particulier au bien public.
Malheureusement ces nobles choses ne sont plus guère comprises, à
notre époque: une licence moderniste et partant condamnable, fausse
dans les esprits, l'idée vraie de liberté.
On appelle applatissement. une soumission juste et raisonnable, et
beaucoup se croient libres, qui. ennemis de toute autorité, mais esclaves
de leurs passions mauvaises se proclament indéjxMtdants. quand ils ne
sont, après tout, que de tristes révoltés et de vulgaires anarchistes.
Eh bien! maintenant, inuiginez un exemple pareil, donné par des
hommes et des femmes en charge de foyer. Qu*adviendra-t-il ? En
dehors du désordre social dont il est une cause, presque inévitable, ne
détruit-il ])as, chez les enfants, au cœur même de la famille, le prestige
de l'autorité, fût-elle la plus douce?
Evidemment.
Il y a donc là un mal. comment y remédier?
Par le contact habituel avec Jésus, dans l'Eucharistie: ce Dieu, fait
Homme pour nous, par obéissance; ce Dieu travailleur comme nous, par
obéissance: ce Dieu crucifié pour notre Rédemption, par obéissance.
Approchez-le souvent, il vous dira, avw saint Malliieu: (Chapitre '22.
Verset 21.) "Rendez à César, ce qui est à César": avec saint Paul:
(Epître aux Hébreux, Chapitre 13. A'erset 17.) "Obéissez à vos chefs,
ayez ))our eux de la déférence, car ils veillent sur vos âmes, comme de-
vant en rendre compte."'
A force de lui entendre répéter ces paroles, dans le colloque qui suit
la Communion bien faite, vous en goûterez mieux la divine saveur, et
elles seront à la fois pour vous, un renuVle et uno énergie vivante.
— 436 —
Que si raiitorité civile excède les limites de sa juridiction, laissez
d'abord constater Tabus par qui de droit, et après, du fond du Taber-
nacle, le Christ vous dira : " Il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes."
Ainsi, tout en gardant le respect obligatoire là où il faut le maintenir,
vous conserverez, contre les abus, votre dignité et vos prérogatives.
De plus, dans la vie sociale actuelle, la vertu de justice a perdu de
son intégrité, l'ambition assoiffée, l'hypocrite jalousie, lui ont porté des
coups terribles, de là, ces luttes entre familles où l'on met en oubli bien
des droits respectifs; tout cela est anormal, beaucoup de foyers en
souffrent, et comment faire cesser anomalie pareille?
En permettant à l'Eucharistie d'exercer fréquemment sa divine in-
fluence sur les hommes et les femmes en charge de maison.
Sous les voiles sacrés, le Seigneur, il est vrai, disparaît dans le mys-
tère et le silence.
Pourtant, il reste le Yerbe, c'est-à-dire: la Parole par excellence;
allez au Tabernacle, demandez au prêtre de le prendre et de vous le
donner, vous ne verrez pas remuer ses lèvres comme aux jours de sa vie
mortelle, qu'importe? à l'intime de l'âme, vous sentirez qu'il vous enve-
loppe de son regard divin, et vous l'entendrez vous redire, avec saint
Paul aux Eomains: (Chapitre 7. Verset 7.) " Vous n'aurez pas d'injustes
convoitises." Avec saint Mathieu, (Chapitre 7. Verset 12.) " Ne faites
pas aux autres, ce que vous ne voulez pas qu'il vous soit fait." Avec saint
Marc : (Chapitre 12. Verset 3.) " Vous aimerez votre prochain, comme
vous-même." Avec le livre des Proverbes : (Chapitre 28. Verset 22.)
" L'homme envieux a hâte de s'enrichir, il ne sait pas que la disette
viendra sur lui."
Ce langage de Jésus-Hostie, ce commerce habituel avec lui, hommes
et femmes, en charge de foyer, sera pour vous une lumière et une force ;
vous distinguerez mieux les droits de votre prochain et l'obligation où
vous êtes de les respecter, vous deviendra plus facile, une fois vos pas-
sions amorties.
Enfin, une vérité, malaisée à reconnaître aujourd'hui, si l'on observe
la conduite du grand nombre, est la nécessité où se trouvent les diffé-
rents groupes de subordonner leur bien particulier au bien général.
Cette maxime: "Chacun pour soi," et cette autre, soi-disant em-
pruntée à Louis XIV, " l'Etat, c'est moi," converties en monnaie cou-
rante, paraissent bien en faveur, sur le marché social.
L'individualisme, à notre époque, fait au bien public, une guerre
acharnée, le malaise existe dans toutes les classes au détriment de la
société tout entière.
Ici, encore, la fréquentation de Jésus-Christ, dans l'Eucharistie, con-
tribuera puissamment à déprendre de cette erreur, les familles qui en
seraient entachées.
Jésus, en effet, répétera à celles qui le veulent écouter, ces paroles de
saint Jean: (Chapitre 18. Verset 14.) "Il est avantageux qu'un homine
meure pour tout le peuple."
Et de fait, on le voit tous les jours, des hommes risquent leur vie,
l'avenir de leur famille, pour empêcher le mal commun : les pompiers,
les soldats, ne sont pas un mythe.
— 43r —
Jésus de plus ajoute: Oui, vous serez en face de vues, de caractères,
d'intérêts opposés aux vôtres, vous devrez accomplir un grand nombre de
renoncements personnels, mais, le froment moulu, pétri, mais le vin
pressuré, tels sont les voiles sous lesquels je me cache daus l'Hostie, pour
devenir à la fois votre Sacrificateur et votre Victime, et là. hommes et
femmes en charge de foyer, j'ai mis les grâces qui vous aideront à
remplir cette partie importante de votre devoir social.
Société religieuse.
La société religieuse, fondée par Notre-Seigneur, gouvernée visible-
ment par le Pape, dirigée, sous l'autorité du Vicaire de Jésus-Christ,
par les évêques, successeurs des Apôtres, aidés des prêtres, leurs collabo-
rateurs; la société religieuse, fondée par Xotre-Seigneur, est l'Eglise
catholique.
Elle a pour mission de conduire les fidèles à leur fin ultime, voulue
par Dieu ; (non pas le Dieu de la raison seulement, mais le Dieu de
la Foi.)
Dans ce but, elle possède un magistère infaillible, en fait de dogme
et de morale.
Constituée légitimement en hiérarchie, elle a droit, de par l'ordre
divin, d'imposer aux foyers chrétiens, leurs devoirs envers Dieu, leurs
devoirs envers elle-niênie, et d'exiger de tous, à ce double point de vue.
des hommages et un culte justement proportionnés.
Donc, ici, nous arrivons à cette conclusion pratique : Les foyers chré-
tiens, et, par conséquent, les chrétiens, hommes et femmes en charge de
foyer, ont des devoirs impérieux à remplir envers Dieu, et à l'égard de
la sainte Eglise catholique.
En théorie, dans notre pa3-s de foi. tout le monde l'admet, sauf quel-
ques exceptions sournoises.
Mais, dans le fait, n'y a-t-il pas de nombreuses lacunes? Le Dieu des
chrétiens, le Dieu des catlioliques, ne peut pas être comme les dieux
pénates du paganisme ancien, son influence et son culte ne peuvent se
confiner entre les quatre murs d'une maison; il veut un culte public, il
veut le Temple, il veut l'église, où tous les foyers d'une même paroisse,
doivent à certains jours se réunir, pour l'adoration, l'action de grâces,
la propitiation et la demande, sous les regards de Jésus, Sacrificateur
et Victime.
Il veut aussi que ce culte de plusieurs dans la famille, ce culte de
tous dans l'église paroissiale, rayonne jusque dans la société civile, pour
l'imprégner de son parfum.
Or, malgré notre catholicisme, nous omettons trop en cela, par oubli,
le plus souvent, mais volontairement, parfois.
C'est un désordre, il faut revenir à la règle divine, et par l'Eucha-
ristie.
Oui, dans la Communion fréquente, Jésus le rappelle hal)iiuelU'rnent
au maître et à la maîtresse de maison: Vous êtes au foyer domestique,
— 438 —
le sacerdoce royal; de la table de famille, de la salle coimiuino, où aiDrès
le repas, toiis les membres s'assemblent, écartez des entants, les idées, les
images, les doctrines, les tal)leaux qui, par la parole, les conversations,
les regards, les gestes, les attitudes, sont de nature à les impressionner
d'une manière nuisible. Je vous le dis en vérité: "Celui (pii scandali-
sera un de ces petits (jui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui être
précipité au fond de la mer, avec une meule de moulin attacbée au cou."
(Saint Mathieu. Chapitre 18. Verset 6.)
Vous les réunirez autour de vous, le soir, j)our la prière en commun,
car, "là où deux ou trois sont assemblés en mon nom. je suis au milieu
d'eux.'' (Saint Mathieu. Chapitre 18. Verset 20.)
Vous leur apprendrez le chemin du temple sacré, celui des Sacrements
de Pénitence et d'Eucharistie, où le pain qui leur est donné, est moi-
même, Pain vivant descendu des deux.
Dans les relations sociales, vous confesserez intégralement ma doc-
trine, et. si devant vous, on l'attaque, vous la défendrez sans respect
humain et avec dignité.
Mon Eglise est infaillible, vous suivrez et ferez suivre ses ensei-
gnements, vous obéirez et vous ferez obéir à ses ])réceptes.
Le Pape est mon Vicaire, les évoques, les successeurs de mes Apôtres.
" Qui les écoute, m'écoute ; qui les méprise, me méprise.''
Voilà hommes et femmes en charge de foyer, l'influence qu'exerce sur
vous, u point de vue religieux, le Sacrement de l'Eucharistie.
Vœu :
Le rapporteur, jjric humbicnieiil le ('(jin/rèf^, de bien roiilotr rccoiu-
mander aux prêtres, aux religieux, aux l(ïi(/ues de faire coiniaître J'in-
fluence sociale de VEucJiaristie dans les différents milieux où leur action
peut s'exercer : la maison. l'Ecole, le Catéchisme, les Congrégations
pieuses, le Confessionnal et la Chaire.
Après le ra])p()rt du R. P. Roiidot le temps est arrivé de
lever la séance. Cependant, Mi»T le Président consulte l'as-
semblée et propose qu'une demi-heure supplémentaire soit
encore accord(*e aux deux derniers rapi)orteurs inscrits au
])ro<iramnie. L'auditoire ré])ond par d(^ chaleureux applau-
dissements, ])reuve non équivoque de l'intérêt (ju'il prend aux
travaux j)résentés.
» *
M. l'abbé Mdjii/, de Saint-Sul])ice, donne connaissance, en
l'abréj^eant, d'une étude exéj;étique et mystique sur une
page de rEvan,i»ile : la Dernière Crue.
439 —
L'INSTITUTION DE L'EUCHARISTIE
'• Memoiiam fccit mirabilium
Suoruni misericors (jt niLseiator Domiiiu-* :
Escam dédit tiniontilms se ( 1*>. lld. 4. >i).
La vie mortelle de Jésus toucliait à son terme. 11 venait de (Iouikt.
au Temple, le lundi et le mardi de la grande semaine, ses derniers en-
seignements, les plus beaux que le monde eût jamais entendus. Lus
princes des juifs étaient atterrés, et leur haine contre lui monta à son
comble. Sa vie n'était plus en sûreté dans la grande cité. Contre l'at-
tente de ses ennemis, aux(|uels un des Douze venait de s'engager à le
livrer, il resta, le mercredi et une grande partie du jour suivant, à Hé-
thanie, pour s'y préparer dans le silence et la prière aux grands mys-
tères dont il méditait la réalisation. 11 .<e trouvait en l'ace de son doul)Ie
sacrifice, sanglant sur la croix. mysti(|ue sous les esj)èce? sacramentelles.
Ces deux mystères, qui sont le centre de l'histoire et la partagent, comme
on l'a dit, en deux versants, avaient aussi toujours été le centre des pen-
sées du Sauveur, et son Incarnation n'avait ]m> eu d'autre but. Le mo-
ment était enfin venu où il allait pouvoir réaliser ses deux plus doux
rêves d'amour. Prédite et Ugurée deiniis la fondation du monde. !a
divine Victime s'était offerte à Dieu, au lieu et place des }u)mnu^s, dès
le premier moment de sa vie terrestre; elle allait maintenant être Im-
molée sur la croix, puis consommée par la gloire de la résurri'ction. dont
le feu du ciel (pii tombait sui- les victimes était l'image: elle serait enfin
enlevée jusque dans le sein de son Père, comme autrefois la fumée des
victimes brûlées portait jusqu'au trône de Dieu l'odeur du sacrifice. (1)
Mais ce grand sacrifice, qui devait, comme dit S. Paul, consommer éter-
nellement l'œuvre de notre salut, {2) ne suffisait pas à l'amour du Ré-
dempteur et ne pouvait épuiser ses desseins de générosité à notre égard.
Par toute la terre, chez les païens comme chez les Juifs, les sacrifices
étaient toujours complétés par la participation à la victime, et lorst|iu'
celle-ci était entièrement brûlée en l'iionneur de Dieu, cet holocauste
était accompagné d'un gâteau, afin <|ue, même dans ce cas. il y ^ût à
manger pour l'homme. Cette union nuitérielle à la victinu' agréée de
Dieu était le signe de l'union spirituelle à la grâce divine, fruit du sacri-
fice. Tel était le centre au(|uel aboutissaient, dans ce qu'elles avaient de
commun, les liturgies de tous les peuples. (3) Cette participation aux
victimes antiques n'était, dans les desseins de la Providence, (|ue la
figure de notre participation à la divine Victime du Calvaire.^ Mais
comment pourrait se faire cette participation, et le moyen pour rinima-
nité de communier au corps du Christ, surtout après sa Pésurrection et
(1) Cf. l'ascal, Leilrr sur In mort de l'ascal 1c père.
(2) Héb.. X. U.
(3) Cf. Mgr Gerbet, Considéradous sur le donmc de fJ-Uich'in^n. . * . 11.
— 440 —
son Ascension ? La sagesse et la puissance infinie du Fils de Marie,
au service de son amour, surent résoudre le problème. Il renouvellerait
et perpétuerait en tous lieux jusqu'à la fin du monde le sacrifice du
Calvaire sous la forme extérieure de l'aliment privilégié de l'homme;
tous les obstacles à la manducation de la sainte Victime seraient ninsi
levés; elle pourrait devenir notre nourriture et notre breuvage à tous, et
ne faisant plus qu'une chose avec elle, comme le pain et le vin ne font
plus qu'une chose avec celui qui se les assimile, nous nous trouverions
participants do la vie même de Dieu, dont nous partagerions la gloire
pendant toute l'éternité. A coup sûr, il serait impossible de rêver pour
l'homme de plus glorieuses destinées. Et voilà les sublimes et si géné-
reux desseins que Jésus méditait en notre faveur et qu'il était sur le
point de réaliser, en ce moment de l'histoire du monde oià l'humanité
était descendue au dernier degré de l'avilissement, où ses compatriotes
complotaient sa mort, et où l'un de ses disciples allait le mettre entre les
mains de ses ennemis.
Le Jeudi Saint venait de se lever sur le monde. C'était le premier
jour des azymes, comme on l'appelait vulgairement, quoique la grande
fête pascale ne dût commencer qu'au coucher du soleil; il était ainsi
nommé parce que la nuit précédente, ou, au plus tard, dès la matinée de
ce jour, on devait faire disparaître des maisons tout ce qui pouvait y
rester de pain fermenté (1), dont l'usage était interdit tant que durait
la fête. Dans la matinée, les disciples de Jésus s'approchent de lui et
lui disent: " Où voulez-vous que nous allions vous préparer laPâque? (2)
Judas, l'économe de la petite communauté, s'attendait sans doute à être
chargé de ce soin ; et comme il était à l'affût de l'occasion de livrer son
Maître, peut-être avait-il formé le dessein de le faire saisir dans la mai-
son même où il célébrerait la Pâque. S'il en fut ainsi, ses plans furent
déjoués. Jésus ne voulait pas que sa dernière réunion avec ses dis-
ciples, où devaient s'accomplir de si augustes mystères, pût être troublée.
Laissant donc Judas, il appelle Pierre et Jean, ses deux plus fidèles amis,
et leur dit dans un langage mystérieux, qui ne pouvait donner au traître
aucune indication sur le lieu de la dernière Cène: "Allez à la ville; en
y entrant, vous rencontrerez un homme portant une cruche d'eau ; sui-
vez-le dans la maison où il entrera, et vous direz au maître du logis :
Le Maître vous envoie ce message: Mon temps est proche, c'est chez toi
que je veux faire ma dernière Pâque avec mes disciples. Où est la salle
où je pourrai la manger avec eux ? Et alors il vous montrera une
chambre haute, très vaste et garnie de lits pour le festin. Préparez là
tout ce qu'il faut. (3)
Jésus donnait à ses disciples dans cet ordre une nouvelle preuve de sa
science surnaturelle, pour laquelle il n'y a rien de caché. Sans se per-
mettre la moindre remarque et pleins d'une confiance absolue en leur
Maître, Pierre et Jean partent immédiatement pour Jérusalem, trou-
(1) Peut-être S Paul fait-il allusion a cet usage I Cor. V, 7: Expurgate vêtus
fermentum", etc: Purifiez-vous du vieux levain" etc.
(2) Matt., XXVI, 17; Marc, XVI, 12.
(3) Matth., XXVI, 18; Marc XVI, 13, 14, 15; Luc, XXII, 10, 11, 12.
— 441 —
vent toutes choses comme Jésus leur avait dit, et préparent tout ce qu'il
fallait pour le repas pascal. Comme il ressort de la teneur même du
message qui lui fut adressé, l'hôte qui mit si gracieusement à leur
disposition sa salle à manger était évidemment quelque disciple du Sau-
veur. D'après une opinion qui ne manque pas de vraisemblance, ce
serait le père même de Jean Marc. Saint Luc nous dit (1), en effet,
que saint Pierre, délivré par l'ange, se rendit à la maison de Marie,
mère de Jean Marc, où beaucoup de fidèles étaient rassemblés et priaient.
Or, ce lieu de réunion n'était autre probablement que le cénacle, qui fut
le premier sanctuaire de l'Eglise naissante. Il était situé sur le Mont
Sion, peut-être à Tendroit où, du temps de David, reposait l'arche d'al-
liance avec la manne céleste.
Lorsque les ombres du soir commencèrent à s'étendre sur la terre,
Jésus, après avoir pris congé de sa mère et de ?o> amis de Béthanie,
s'achemina, lui aussi, avec la petite troupe apostolique, vers la ville
sainte. Quand il arriva au Cénacle, le souper était prêt. Il pouvait
être sept heures. Comme l'imagination aimerait à se représenter tous
les détails d'une Cène si profondément touchante et si sacrée ! Hélas !
il est impossible de savoir avec certitude si tous les points du cérémonial
juif actuel relatif à la Pâque étaient déjà observés du temps de Notre-
Seigneur. Xous pouvons cependant, sans nul doute, nous faire une idée
assez exacte de l'ordonnance générale du festin pascal, tel que Jésus Va
célébré. On avait depuis longtemps abandonné l'ancienne coutume de
manger la Pâque debout, le bâton à la main, les reins ceints, les san-
dales aux pieds, comme des voyageurs pressés de partir. (2) C'est le
propre des esclaves, disaient les talmudistes, de manger debout : main-
tenant nous mangeons sur des lits, parce que nous sommes passés de la
servitude à la liberté. Le nombre des convives ne devait pas être
inférieur à dix; trois divans peit élevés étaient disposés le long des trois
côtés d'une table, où on accédait pour le service par le côté qui restait
ouvert ; les convives s'y étendaient tout de leur long, le bras gauche
appuyé sur un coussin et le bras droit libre. Le divan du milieu était
censé le plus honorable. Une fois tous les convives installés, le chef de
famille prenait une coupe de vin rouge, mêlé d'eau, et. après l'avoir bé-
nite, en prenait tme gorgée et la passait aux assistant.*. Tous se lavaient
ensuite les mains. On apportait alors les herbes anières (cresson,
laitue, chicorée sauvage, persil, raifort, etc.), qui rappelaient les souf-
frances endurées en Egypte: chacun y goûtait, après les avoir trompées
dans de l'eau de sel ou de vinaigre. A cette occasion, conformément à
la recommandation de Moïse (3), le plus jeune des convives demandait
au père de famille l'explication des rites si extraordinaires de la ?r:indo
soirée. Ces explications données, on entonnait la l""^ partie du Ilaîlel,
ou hymne de louange, c'est-à-dire, le psaume 112: " Landate purri Pn-
minum," et le psaume suivant: "Jn pxHu IftropJ." jusqu'à: " Xon nohis
(1) Act.. XIT. 12.
(2) Ex., XII, 11.
(3) Ex., XII, 26, 27.
— U2 —
Domine." Là-dessns on buvait la seconde coupe, et on se lavait de
nouveau les mains. Les pains azymes, qui étaient plats et ronds, étaient
alors servis avec le charosetli, lequel cependant n'était pas obligatoire :
c'était une sauce fortement épicée et assez consistante, faite d'amandes,
de figues, de dattes et d'autres fruits écrasés et cuits dans du vinaigre;
elle rappelait assez bien par sa couleur jaunâtre et son épaisseur l'argile
que les Hébreux avaient jadis si péniblement pétrie pour en faire des
briques. Quant aux pains azymes ou sans levain, tout en rappelant la
hâte avec laquelle Israël avait dû quitter l'Egypte sans avoir le temps
de préparer leur pain comme d'habitude, ils prêchaient aux Israélites
la nécessité de se débarrasser du ferment du péché et de servir désormais
lé Seigneur avec " les azymes de la pureté et de la vérité (1)." Le
président de la fête, prenant donc ces pains, les brisait, puis les bé-
nissait, et en ayant trempé les morceaux dans le charaseth, mangeait
lui-même un de ces morceaux, et distribuait les autres à chaque convive,
en disant: C'est le pain de l'affliction que nos pères mangèrent en
Egypte. Enfin l'agneau pascal était déposé au milieu de la table. Mis
à part et comme voué à Dieu dès le 10 Xjgan, c'est-à-dire 4 jours avant
le premier jour des azymes, il avait dû être présenté et immolé au
Temple le 14; il avait ensuite été rapporté à la maison; pour le faire
rôtir, on l'avait attaché à deux broches en bois de grenadier, dont l'une
lui traversait tout le corps, tandis que l'autre, plus courte, tenait les
pieds de devant étendus: la victime se trouvait ainsi assujettie sur une
sorte de croix (3) ; cette sorte d'opération était l'objet de ])récautions
minutieuses: il fallait bien se garder de briser les os de la victime (3).
L'agneau pascal rappelait aux Juifs leur délivrance du joug égyptien:
c'est grâce à son sang, dont la ])orte de leurs maisons avait été marquée,
que leurs pères avaient été épargnés par l'ange exterminateur, et qu'ils
avaient pu sortir de l'Egypte. Par son intégrité et son unité, il sym-
bolisait l'union qui devait exister, en Dieu, entre tous ceux qui y parti-
cipaient. Souvenir du passé, il était encore une inuige fra])pantc de
l'agneau de Dieu, dont le sang devait nous délivrer de la servitude du
péché et nous ouvrir le ciel, et qui, mangé par nous, sous les apparences
du pain et du vin, devait nous faire un en lui et avec lui, à la manièi-e
de ces ditterents grains de blé qui ne forment plus qu'un même pain, et
de ces différents grains de raisin qui ne forment qu'un même vin. Avec
l'agneau pascal, on ))()uvait pi'cndre quelques autres viandes, décorées
du nom de chcif/if/ah (offrande de fête), mais l'agneau devait toujours
être consommé le dci-iiicr; les restes flevaiit en être Ijrûlé^. Après avoir
communié au car/ts de Tagneau, selon l'expression tahnudique, on bu-
vait la :]" coupe de vin. appelée par les rabbins "calice de l)énédiction,"
parce qu'elle était l'objet (Tuiic bénéilictiou paiiiculière. Ou cbantnil
alors la deuxiètnc partie du //al/rl. c'est-à-dire, les ps. 113, depuis:
n ) T r.v.r. \-. T. «
(2) Cf. S. -Justin, Dial. cum Tnjph., c. XL.
Ci) Kv.. \II. 4(;.
— 44:J —
"Non nobis Duntine," à llî iaclusivciiiL'iil. V \\v 4'' eoupL' U'iiiiiiiait
ordinairement le repas. Que si une 5*^ coupe était ileraandée, on pouvait
la prendre, mais à condition de réciter le grand Ilallel, c'est-à-dire, les
ps. 118 à 136. Tout devait être terminé avant la nuit.
A la lumière de ces prescriptions du rituel juif au sujet de la l'âque,
nous saisirons facilement les nombreuses allusions qu'y font les évan-
gélistes dans leur récit de la dernière Cène, dont naturellement ils s'at-
tachent surtout à nous présenter le côté chrétien.
Dès que les Douze eurent pris place sur le tricUnium autour de leur
Maître, qui occupait le divan du milieu, "" j'ai vivement désiré," dit-il.
'•'manger cette Pâque avec vous avant de mourir. Car je vous le dis,
c'est la dernière fois que je la mange (cette Pâque figurative) avant sa
réalisation dans le royaume de Dieu." Il prit alors, selon l'usage, le
l""*^ coupe, et, après l'avoir bénite, y trempa ses lèvres, et la présenta aux
apôtres en disant: "Prenez, partagez-la entre vous; car je \ous le dis,
c'est la dernière fois que je bois du fruit de la vigne avant l'avènement
du royaume de Dieu (1)." Jésus nous livre dans ces paroles le secrel
à peine dévoilé jusqu'ici : c'est que les figures allaient s'évanouir, et la
Synagogue faire place à l'Eglise: il ne mangera plus, il ne boira ])lu-;
avant l'inauguratien du royaume de Dieu sur la terre. Avec ([uelle émo-
tion les apôtres durent accueillir cette grande annonce ! Ce royaume de
Dieu, dont le Précurseur avait salué l'aiTivée prochaine, dont la pensée
avait rempli tout le ministère puljlic du Sauveur, et qui était si impa-
tiemment attendu de tout Israël, allait donc enfin être inauguré! C'est
sans doute à cette prédiction du Sauveur que se rattache cette contesta-
tion qui, d'après S. Luc (2), s'éleva à la dernière Cène entre le<; apôtres,
et oii chacun prétendait avoir les meilleurs titres aux ])remières ])hu-es
dans le nouveau royaume qui leur était annoncé, et qu'ils se représentaient
sous l'aspect d'un royaume temporel. Jésus voulut étouffer ces germes
funestes d'ambition et d'égoïsme, qui s'étaient déjà fait jour plus d'uni'
fois dans leurs cœurs et imprimer en eux d'une manière indélébile ces
deux vertus capitales des disciples du Christ et surtout de leurs chefs,
l'humilité et la charité. Dans quelques instants il allait élever ses
apôtres à la dignité le plus haute qui soit sur la terre en leur conférant
le diWn sacerdoce: il fallait qu'ils comprissent que, pour n'être ])as in-
dignes d'un tel honneur, ils devaient être les plus bunibles des hommes et
se faire les serviteurs de tous. Prenant donc la parole, Jtsus leur dit:
" Les rois des nations dominent sur elles, ils font les maîtres et aiment
à être appelés Bienf ai teins. Pour vous, (pi'il n'en soit pas ainsi, mais
(1) Lue, XXII, l.l-lS. Cf. ?.flM'r. Die Geschirhtr dc.i Lai'lnia... des Herm,
p. 154.
(2) Luc, XX IL 24-30.
— 444 —
que le plus grand parmi vous soit comme le moindre, et celui qui gou-
verne comme celui qui sert. Quel est le plus grand, de celui qui est à
table, ou de celui qui sert? N'est-ce pas celui qui est à table? Et ce-
pendant je suis, moi, au milieu de vous comme celui qui sert. Vous
êtes demeurés avec moi dans mes tribulations; pour moi, je vous pré-
pare un royaume, celui-là même que mon Père m'a préparé; vous y_
partagerez ma table et serez assis sur des trônes pour juger les douze
tribus d'Israël (1)." Par ces paroles, qu'il ne faudrait dire qu'à genoux
et qui marquent un tournant dans l'histoire des sociétés, le divin Légis-
lateur de la nouvelle alliance oppose la notion chrétienne de l'autorité
à celle que s'en étaient formée les païens. D'après la conception païenne,
les sujets n'existaient que pour leur chef, qu'il fût un ou multiple; lé-
galement il était le maître de leur vie et de leur fortune; son pouvoir
sur eux était sans limites et ne laissait de place à aucune liberté privée,
sociale ou religieuse; dans les cités anciennes, remarque Fustel de Cou-
langes (2), l'homme n'avait pas même l'idée de la liberté. Le Christ,
d'un mot, renverse cette odieuse doctrine, qui avait été pour les sociétés
une source intarissable de maux incalculables. Non, ce n'est pas le
sujet qui doit être asservi au chef, c'est le chef qui doit se faire par
amour le serviteur et l'esclave de ses moindres sujets. Pour implanter
une notion de l'autorité, si étrange aux yeux du monde, sur les ruines
de l'ancienne, le Sauveur ne se contente pas de promettre à ceux qui y
conformeront leur conduite des joies et des lionneurs sans nom dans
son royaume céleste, en retour de leurs humiliations et de leurs sacrifices
au service de leurs frères,, il nous offre lui-même en sa Personne un
modèle parfait de cette nouvelle forme de l'autorité. Pendant sa vie
publique, dans toutes ses relations avec ses apôtres, il s'était toujours
fait leur serviteur; il va maintenant s'abaisser jusqu'à leur laver les
pieds et ainsi relever à jamais, en quelque sorte jusqu'à l'infini, tous les
actes d'humilité inspirés par l'amour du prochain. La l'*^ coupe venait
de faire le tour du groupe apostolique, et les convives, selon l'usage,
venaient de se laver les mains (3). Quoiqu'il sût que son Père avait
déposé entre ses mains un pouvoir souverain sur toute chair, et qu'il
venait de Dieu, et qu'il allait retourner à Dieu ]iour recevoir de lui
comme son Pils les honneurs divins, ayant donc pleine conscience de son
( 1 ) Luc. XXII. 25-30.
(2) La cité antique, 16e éd. p. 269. Cep. 405. Voir aussi Godefroid Kurth,
Les origines de la civilisation moderne, 5e éd. t. I, p. 12.
(3) C'est bien ce moment, semble-t-il, que le Sauveur choisit pour donner aux
■siens le grand exemple qu'il méditait. Dans la Vulgate (Joan. XIII, 2) on lit
que le lavement des pieds eut lieu " cœnâ facta ". Cette expression a porté cer-
tains exégètes (entre autres le P. Patrizzi ) il croire que Jésus ne lava les pieds
de ses disciples qu'après la cène légale. Cette interprétation semble fautive. Le3
mots : " cœna factâ " peuvent très bien se traduire par : " la cène étant arrivée ",
comme en S. Marc, ces mots: "facto sabbato " (VI, 2) veulent dire "le sabbat
étant arrivé". D'ailleurs, dans les meilleurs exemplaires du texte original, on
lit: deipnou ginoménou, au présent, pendant la cène, et non pas: genoménou, au
passé.
— 445 —
infinie dignité, connue nous le fait remarquer en termes émus et si so-
lennels Tapôtre bien-aimé, dont la mémoire avait soigneusement recueilli
jusqu'aux moindres détails de cette scène inoubliable (1), Jésus se lève
de table, quitte son manteau, attache un linge autour de ses reins, verse
de l'eau dans le bassin qui se trouvait là. et se met simj)lement à laver
les pieds de ses disciples et à les essuyer avec le linge dont il était ceint."
C'étaient ordinairement les esclaves qui rendaient cette sorte d'office à
leur maître. Quelle dut être la stupéfaction des disciples, en voyant
leur souverain Seigneur à cette besogne (2) ! " Il s'approche donc de
Simon Pierre " avec le bassin rempli d'eau : " Vous, Seigneur, me laver
les pieds, à moi ! s'écrie Pierre," comme épouvanté de ce que le Clirist
voulait faire. " Ce que je fais, lui répond le Sauveur, tu ne le com-
prends pas encore maintenant, mais tu le comprendras bientôt," lorsque
j'expliquerai la signification morale de cette démarche, et surtout lors-
que l'Esprit Saint t'en aura fait saisir toute la portée. " Non, reprend
l'apôtre," trop absorbé par le sentiment de son indignité pour tenir
compte de la leçon du Maître, " jamais je ne permettrai que vous me
laviez les pieds." '' Mais, répond doucement le Sauveur, si je ne te
lavais pas, toute société serait impossible entre toi et moi; tu trouves
étrange et indigne de moi que je m'abaisse jusqu'à te laver les pieds ;
mais cette purification corporelle n'est que le signe et le symbole de
cette purification intérieure, sans laquelle tu ne pourrais être en com-
munion avec moi, et dont je ne puis te procurer le bienfait qu'au prix
d'humiliations bien autrement incroyables que celle que tu as sous les
3'eux." Pierre, effrayé à la seule idée d'être séparé de son cher Maître,
s'écrie avec l'impétuosité d'une nature qui allait facilement aux
extrêmes : "Oh ! alors. Seigneur, tenez, voilà non seulement mes pieds,
mais mes mains et ma tête ; " il lui semblait que son union avec son
Maître serait d'autant plus complète qu'une plus grande partie de son
corps aurait été purifiée par lui : " Celui qui sort du bain (3), reprend
le Sauveur, n'a besoin que de se laver les pieds : il est entièrement net."
Jésus semble faire ici allusion à la coutume juive (4) de prendre un
bain avant le repas pascal, coutume à laquelle les apôtres s'étaient sans
doute conformés. De même donc, dit le Sauveur, que celui qui vient
de se baigner n'a besoin, de retour dans sa maison, que de se laver les
pieds, souillés par la poussière du chemin (5), ainsi celui dont l'Ame
(1) Jean. XIII. 1-17.
(2) Ce mystère du lavem(mt des pieds nous présente, sous une imajîc frap-
pante, comme un résumé de tout le mystère de Jésus. Assis de toute éternité
au banquet du ciel, à la table de son père, il s'est levé, s'est dépouillé de Pes
vêtements de gloire, s'est entouré du linge de notre humanité et a pris la forme
d'esclave, puis, avec les eaux de la grAce, fruit de se^ humiliations et de bcs
sacrifices, il nous lave journellement de nos taches et efface toutes nos misères.
(3) T^ verbe grec que la Vulgate a rendu par : qui lotus est, désigne un Inin
complet.
(4) On sait que les anciens et en particulier les Juifs marchaient nu-pieds ou
chaussés de simples sandales.
(5) Cf. Belser.des Evangelium des heiligcn Joanncs, p. 307.
— 446 —
est lavée par les eaux de la grâce sanctifiante n'a plus qu'à se purifier
de ces taches légères qui, comme une poussière, s'attachent aux pieds de
notre âme, c'est-à-dire, à ses aiïections, (jui la mettent en contact avec
la terre. C'étaient précisément ces souillures légères que le Sauveur
voulait elïacer dans Tânie de ses apôtres, en excitant en eux par le
hiveuu^nt de leurs pieds des sentiments d'humilité, de repentir et de
charité : à travers le corps, il voulait atteindre l'âme et la disposer ainsi
à une réception plus fructueuse du mystère eucharistique. Or, con-
tinua-t-il, en jetant un regard affectueux sur le groupe apostolique,
" vous êtes purs, non pas tous cependant," ajouta-t-il tristement en
pensant au traître. La connaissance de la perversité de Judas, loin de
le détourner de lui rendre le même service qu'aux autres, porta, au con-
traire, le Sauveur à se courber avec plus d'amour sur ces pieds qui, dans
(juelques instants, allaient courir à la trahison. Que durent penser les
anges en voyant leur grand Dieu, la sainteté même, aux pieds du suppôt
de Satan? Lorsque son humble et si touchant ministère fut entièrement
terminé, Jésus reprend son manteau, se remet à tal)le, et au milieu du
silence général de ses disciples, encore tout émus de ce qu'ils venaient
de voir, il leur dit: " Savez-vous ce que je viens de faire"? Vous m'ap-
pelez Maître et Seigneur, et vous avez raison, car je le suis. Si donc je
vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous devez aussi
vous laver les pieds les uns aux autres. Je vous ai donné l'exemple:
faites à l'égard des autres comme je vous ai fait à vous-mêmes. En
vérité, eu vérité je vous le dis, le serviteur n'est pas plus grand que son
maître, ni l'apôtre plus grand que celui qui l'a envoyé. Maintenant que
vous savez ces choses, vous êtes heureux, pourvu que vous les mettiez en
pratique.'' Par ces paroles empreintes d'une si solennelle gravité,
Jésus dégageait de l'exemple qu'il venait de donner la grande leçon qu'il
contient, qit'il avait tant à cœur de faire pénétrer jusqu'au foud de l'âme
de ses disciples et des futurs chefs de la société chrétienne, et qui. à elle
seule, renferme la solution pleine et entière de ces questions sociales qui
ont de tout temps préoccupé les esprits. Appuyé sur un tel exemple.
ne nous fait-elle pas entendre aussi claireiuent ([ue possible (jue l'iuimi-
litéest la base et en même temps la mesure de toute vi-aie grandeur,
que le chrétien le plus humhle est ]iar là uu'iiu' le ]ilus grand des
liommes, et que celui-là seul est digne d'exercer sur ses semblables une
portion quelconijue de l'autorité divine, (|ui, pour l'amour de ses frères,
accepte avec joie, à l'exemple du Christ, les fonctions les plus basses, et
ne recule devant aiicuii s;u-i-ifice jjoiir les servir, pour arriver à purifier
leurs cœurs et à les mettre en état de s'asseoir mu divin ban(|uet où s'ac-
complit l'acte suprênu' de la vie.
Le Sauveui- allait com|)léter ses divines instructions en nu'ttant sous
les yeux de se? apôtres, dans son attitude relativement à Judas. x\n
modèle achevé du zèle, de la discrétion, des égards et de la constance
avec ]es(|uels ils devraient travailler à la conversion des pécheurs même
les plus coupables et les plus endurcis. T)éjà. en disant à ses disciples'
qu'ils n'étaient pas tous purs, il avait donné au li'aîtrc un premier aver-
— 4i: —
lisseineiit, et avec- (iiielle délicatesse! puis, lui, le Sei>:iieLii', il s'était jeté
à ses pieds qu'il avait lavés et pressés avec tant d'aiïection pour tÛL-her
de lui faire sentir son ingratitude et de ramener à lui cette pauvre âme.
() étrange profondeur de la perversité humaine! 'J'ant d'humililé au
service de tant d'amour avait été inutile, liebuté par Judas, le Sauveur
n'abandonne pas la partie: il reste à la porte de son cieur et continue
à frapper. Après avoir proclamé bienheureux les disciples qui seraient
lidèles à ses recommandations, hélas, ajouta-t-il, " je ne dis pas cela de
vous tous: je connais ceux que j'ai choisis:" vous ne posséderez pas tous
ce bonheur; "mais il faut que la parole de l'Ecriture s'accomplisse:
" Celui qui mange à ma table lèvera le pied contre moi (1).'' Dans ce
texte, tiré dti psaume 40, David fait allusion au traître Achitophel. jadis
son conseiller et son ami, qui trempa dans le soulèveuu-nt populaire à
Hébron et prit parti pour Absalon. I)"a))rès le Sauveur, Achijjotel était
donc riniage de Judas, comme David était lui-même le type de Jésus.
En rappelant cette prédiction de l'Ecriture, Jésus voulait, sans doute,
connue il le dit lui-même (2), fortifier ses apôtres contre le scandale
(ju'aurait pu occasionner la trahison de Judas, s'ils n'avaient su que
ce crime avait été prévu et permis par le Maître: mais il avait aussi
pour but de rappeler à son infidèle disciple, avec la fourberie d'Aclii-
tophel, la fin tragique et misérable de ce traître qui se pendit. Voyant
Judas inflexil)le, il eut recours à un autre expédient. Il venait de faire
allusion à la divinité de sa mission (:}) : il va l'at'lirmer de nouveau dans
les termes les plus solennels et en même temps relever la dignité im-
mense de celui qu'il appelle à l'apostolat. '' En vérité, en vérité, je vous
le dis: quiconcjue reçoit celui que j'aurai envoyé me reçoit moi-même, et
(|ui me reçoit reçoit celui qui m'a envoyé (4)." C'était dire à Judas:
(^uoi ! vas-tu sacrifier ta qualité d'ambassadeur de Dieu et la part splen-
dide qui t'est échue, à la satisfaction de viles passions qui te mèneront
à l'abîme? Judas opposa aux instances du Sauveur une barrière impé-
nétrable. En ])résence d'une ingratitude si monstrueuse cl si injurieuse
à Dieu, et à la pensée des châtiments terribles (pu- le malheureux attirait
sur lui-même. Jéstis -se troubla (5).'" dit l'Evangéliste : il livra volon-
tairement son esprit aux sentiments de compassion, de tristesse et
d'Iiorreur (pi'une telle vue était propre à exciter en lui. Frappés de
l'expression de sa phvsionomie, où se réllétaient les sentiments qui agi-
taient le fond de son âme. les disci])les se demandaient quelle jtouvait
bien être la cause d'une pareille émotion. TIs ne send)lent pas avoir
compris les deux allusions (pie leur Maître venait de faire à la trahison
dont il serait la victime: par égard pour Judas. Jésus avait parlé à mots
(1) .h-ii, Xî!I is.
(■2) Jean, XIII. 19
(4) .I.'aii. XIII, -20.
(5) .lc:U!, Xlir. -M.
— 448 —
couverts, dont le coupable seul avait pu percer le sens. Comme le mal-
heureux ne se laissait pas fléchir, le Sauveur se décida à déchirer tous
les voiles, n'hésitant point, comme on l'a dit, dans le but de sauver un
des membres du collège apostolique, à jeter le trouble .parmi tous les
autres : le spectacle de l'horreur qu'inspirerait aux autres apôtres la seule
pensée de la trahison ne serait-elle pas très propre à faire réfléchir le
coupable? "En vérité, en vérité, je vous Taffinne," dit donc le Sauveur,
très ému, " l'un de vous me trahira (1)." Cette annonce d'une effrayante
clarté tomba sur le Cénacle comme un coup de foudre. Consternés, les
disciples se regardent les uns les autres, les yeux remplis d'étonnement
et de tristesse (2). Puis, descendant au fond de leur conscience, et y
trouvant tant de raisons de se défier d'eux-mêmes, l'âme en proie aux
plus vives angoisses, ils se tournent l'un après l'autre vers le Sauveur,
et d'une voix altérée : " Est-ce que ce serait moi, Seigneur ? " lui disent-
ils tour à tour (3), tremblant de recevoir une réponse affirmative.
Comme il aurait trahi Judas s'il avait voulu rassurer chacun des autres
apôtres, Jésus se contente de leur répéter avec plus de précision encore
sa triste prédiction : " Je serai trahi par un de ceux qui mettent avec
moi la main au plat (4),'^ c'est-à-dire, qui mangent à cette table. Et
comme Judas se taisait et oonsidérait toute cette scène d'un œil impas-
sible, Jésus, pour frapper plus vivement la conscience du traître, fait
alors appel aux plus terribles menaces. " Pour le Fils de l'homme,"
poursuit-il, " il s'en va, selon ce qui a été écrit de lui," il faut qu'il
meure pour entrer dans sa gloire, " mais malheur à celui par qui le Fils
de l'homme sera trahi : il vaudrait mieux pour lui qu'il ne fût jamais
né (5)." C'est la parole la plus épouvantable qui soit sortie de la bouche
du Eédempteur. Judas se raidit contre les effoi"ts de l'amour qui cher-
chait à l'arracher au gouffre d'horreur béant à ses pieds. Les autres
apôtres, ne pouvant savoir de leur Maître qui allait le trahir, se mirent
à se demander entre eux lequel des douze pourrait bien se rendre cou-
pable d'une telle félonie (6). Or, Simon-Pierre se trouvait à table vrai-
semblablement à la gauche du Sauveur, et par conséquent derrière lui:
c'était la seconde place selon l'étiquette des Hébreux ; la troisième place,
à la droite de Jésus était occupée par Jean (7) : c'était la place réservée
à l'ami intime, qui se trouvait ainsi couché, en quelque sorte, sur le cœur
de son Maître. Brûlant de connaître le traître afin d'empêcher le crime,
B'il le pouvait, Pierre se lève à moitié sur son divan, derrière le Sauveur,
et fait signe à Jean, alors tourné de son côté, de demander à Jésus de
(1) .JeaTi, XIII. 21.
(2) Jean. XIII. 22.
(3) Marc, XIV, 10; Matth, XXVI, 22.
(4) Marc, XIV, 20; Matth, XXVI, 23; Luc, XXII, 21.
(5) Matt, XXVI, 24; Marc, XIV, 21; Luc, XXII, 22.
(6) Luc, XX. 23.
(7) Jean. XIII, 23.
— 449 —
qui il parlait (1). Alors le disciple bien-aimé, se jetant en arrière avec
une aimante familiarité repose sa tête sur la poitrine de Jésus, et lui
murmure ces mots : " Seigneur, qui est-ce donc (2) ?" Tenant à ce que
quelqu'un de ses disciples pût attester aux autres que le nom du traître
n'était pas ignoré de leur maître, Jésuâ répond à Jean à voix basse et
d'une façon mystérieuse : " C'est celui à qui je vais présenter un morceau
trempé (3):" et alors, prenant un morceau de pain (4) ou peut-être
d'agneau, il le trempe dans le chasoreth et le présente à l'homme de Ké-
rioth. C'était, d'après l'usage du pays et dans la pensée du Sauveur,
une marque d'amitié et un gage de particulière bienveillance. Jésus
semblait dire à Judas : Tu le vois, tout lien n'est pas encore rompu entre
nous; tu peux toujours rentrer en communion avec moi. Le traître
prend le morceau qui lui est offert, et, à cette occasion, semble-t-il, pour
ne pas se trahir lui-même par son silence aux yeux de ses condisciples,
il demande au Sauveur, à la suite des autres apôtres, comme le rapporte
S. Mathieu: "Est-ce donc moi, Maître?" "Oui, tu l'as dit (5)," ré-
pond le Sauveur à cette question impudente avec une douceur toute
divine, et assez bas pour n'être entendu que de son interlocuteur. Tant
de patience, de bonté et de délicatesse ne peut vaincre l'obstination du
malheureux. Dépité de se voir démasqué, il ouvre tout grand son cœur
à Satan (6). Quelque temps auparavant, le diable lui avait déjà mis
au cœur de trahir Jésus (7) ; maintenant il s'y installe en maître. Il
était entré autrefois dans le serpent pour perdre le premier Adam ; il
entre cette fois dans Judas pour essayer de perdre le second Adam ; il
ne songeait guère qu'il trouverait lui-même sa ruine dans cette aventure.
Voyant que tous les efforts de son amour allaient se heurter contre un
mauvais vouloir toujours grandissant, et comprenant que le parti de
Judas était pris, pressé d'ailleurs lui-même d'accomplir sa mission,
Jésus dit alors au traître à haute voix : " Ce que tu fais," ce que tu es
absolument déterminé à faire, "fais-le vite." Le Sauveur avait pro-
noncé ces paroles avec tant de calme et de douceur, et tant d'égards pour
la personne du traître, qu'aucun des autres disciples n'en comprit la
signification. Comme il était l'économe de la petite compagnie, quel-
ques-uns pensèrent qu'il avait l'ordre de se hâter d'acheter tout ce qu'il
(1) Jean. XTI . 24.
(2) Jean. XIII, 25.
(3) Jean. XIII. 26.
(4) Le mot grec: psômion, que la Vulfrate a rendu par " paneni. pain ' !>.ut
signiller aussi un morceau de viande ou de tout autre mets.
(5) Matt, XXVI, 25.
(6) Jean. XIII. 27.
(7) Jean. XIII, 2.
15
— 450 —
fallait pour le lendemain, le grand jour de Pâques (1) ou de faire, selon
les prescriptions de la loi, des distributions d'aumônes aux pauvres, pour
les aider à célébrer joyeusement la fête (3). " Ayant donc pris la bou-
chée," dit S. Jean, Judas poussé par le démon qui l'habitait, et ne
pouvant plus soutenir les regards de Jésus " sortit incontinent ; " or,
ajoute l'évangéliste, comme pour donner le dernier coup de pinceau à
cette scène lamentable, "il était nuit (3)." C'était un temps propre
pour l'exécution d'un si noir projet; mais cette nuit n'était encore
qu'une faible image des ténèbres qui avaient envahi l'âme de Judas; en
vain la lumière avait essayé de les i^ercer, les ténèbres ne l'avaient pas
comprise: "il était nuit (4)."
(1) Quoique les œuvres serviles fussent défendues le 1er jour des azymes,
elles l'étaient cependant moins rigoureusement que pour le sabbat (Cf. Ex., XII,
16, et Belser, Das Evangelium des heiligen Joannes, p. 405).
(2) Cf. Jean, XIII, 27-29.
(3) Jean. XIII, 30.
(4) Un assez grand nombre de Pères et d'interprètes ont pensé que Judas
avait assisté à l'institution de la Sainte Eucharistie et que, par conséquent, il
avait communié et reçu le sacerdoce. La principale raison qui les a portés à
embrasser ce sentiment, c'est que S. Luc mentionne la dénonciation du traître
après le récit de l'institution de la Sainte Eucharistie. Or, il semble bien que.
dans ce cas, S. Luc a interverti l'ordre clironologique, et qu'il a voulu réunir
en cet endroit comme en un faisceau toutes les défaillances apostoliques : la tra-
hison de Judas, la dispute des apôtres au sujet de la préséance, la présomption
de Pierre (Cf. Bille de Crampon, Luc, .^^11, 21). Si du récit de S. Luc on
pouvait inférer que la dénonciation de Judas a suivi l'institution de la Sainte
Eucharistie, on devrait en conclure également que l'altercation des apôtres eut
lieu après la Cène eucharistique et la dénonciation de Judas : ce qui paraît tout-
à-fait invraisemblable et est contraire au sentiment de la plupart des inter-
prètes. On a remarqué avec raison que S. Luc, tout en s'attachant à l'ordre
chronologique des événements, ne s'y astreint pas toujours dans le récit des cir-
constances de tel ou tel événement en particulier ( Cf. Knabenbauer, in Matthaeum
p. 438). Qu'il en ait été ainsi relativement aux circonstances de la dernière
Pâque du Sauveur, c'est ce qui semble ressortir des quelques remarques sui-
vantes :
1° S. Mathieu, qui assistait u la dernière Cène, ne fait mention de la Sainte
Eucharistie qu'après avoir montré comment Judas fut démasqué; or. on ne peut
guère douter que le départ du traître ne suivit immédiatement sa dénonciation.
2° L'Eucharistie ne fut instituée qu'après le repas légal; or, ce repas ne fut pas
complètement terminé avant la sortie de Judas : en partant, il avait encore,
en quelque sorte, dans la bouche le morceau trempé que le Sauveur lui avait
tendu. 3° Après la communion des apôtres, Jésus leur promet qu'ils boiront un
jour avec lui, au ciel, le vin de la gloire céleste (Matt, XXVI, 29) : c'est donc
que Judas n'avait pas communié avec eux. 4° Si Judas avait été présent à la
Cène eucharistique, comment Jésus, en offrant à ses disciples le vin consacré,
aurait-il pu leur commander d'en boire tous? (Matt, XXI, 27), et, puisqu'il pou-
vait si facilement; sans le trahir, épargner au traître un terrible sacrilèj;e et
un surcroît de tourments éternels, en lui ménageant l'occasion de sortir, est-il
croyable qu'il ne l'ait pas fait ? On peut donc croire qu'au moment de la Cène
eucharistique, Jésus n'avait plus devant lui que des amis. C'est le sentiment
adopté par Tatien, S. Ephrem, les Constitutions apostoliques, S. Aphraste (sous
le nom de S. .Jacques de Nisibe). S. Hilaire, S. Cyrille d'Alexandrie, Rupert,
Innocent III, Salmeron Baraadius, B. Lamy et la plupart des commentateurs
modernes T'i. Corluy. Commeniarnia in Evang. .Sf. Joannis, c. XIII) et Knaben-
bauer, in Mnttliaeum, p. 432.
451 —
On était arrivé à la fin du repas légal, sur lequel avait plané un nuage
de tristesse. Au départ du traître, le ciel du Cénacle se rasséréna.
L'heure de Jésus, attendue avec tant d'impatience, était enfin venue:
Judas parti, la Passion du Sauveur coniniençait, sa vie était désormais
entre les mains de ses ennemis, il pouvait maintenant se livrer aux
transports de sa joie: son visage s'illumina et chassa les ténèbres qui
avaient pesé si lourdement sur l'âme des disciples. " C'est maintenant,"
s'écrie-t-il, " que le Fils de Thomme est glorifié, et que Dieu est glorifié
en lui, et, parce que Dieu est glorifié en lui. Dieu, de son côté, le glori-
fiera en lui-même, et il va le glorifier à l'instant (1)." C'est par ce chant
de triomphe que Jésus entra dans la mort. Ce qui le transporte ainsi,
c'est donc la pensée des fruits de sa Passion, de l'honneur infini qu'elle
procurerait à son Père, des biens inappréciables et éternels dont elle
serait la source pour les hommes, et de la gloire qui lui en reviendrait
à lui-même, et qui allait éclater dans ce grand Sacrement de l'Eucha-
ristie, qu'il institua, semble-t-il, à ce moment même (2), comme le mé-
morial de sa glorieuse mort, qui devait racheter le monde, et de toutes
les merveilles de sa vie.
Au cours de la cène légale, au moment où, comme président de la
table, il devait expliquer aux convives le sens du rite pascal, Jésus avait
sans doute fait ressortir aux yeux de ses apôtres, pour mieux les dis-
poser à la Cène eucharistique, le caractère figuratif de la Pâque juive,
et en particulier de l'agneau pascal; il leur avait rappelé, on peut le
croire, que c'était lui qui était, selon le mot de Jean-Baptiste, le véri-
table agneau de Dieu, qui efface les péchés du monde, qu'il allait être
immolé comme notre Pâque, et réaliser enfin la solennelle promesse qu'il
leur avait faite, un an auparavant, à la dernière Pâque, de leur donner
sa chair à manger et son sang à boire. Cette promesse, qui avait si
vivement frappé les apôtres, était restée gravée au fond de leurs cœurs:
ils en attendaient avidement la réalisation, tout en se demandant sous-
quelle forme s'accomplirait un si grand mystère, mais pleinement per-
suadés que rien n'était impossible à leur Maître et que toutes les lois de
la nature lui étaient soumises.
Un profond silence s'était fait dans le cénacle. I^es dernières parok-s
du Sauveur avaient fait comprendre aux assistants que quelque chose de
grand allait se passer. Tous les yeux étaient attachés sur lui. Une
majesté et une douceur incomparables paraissaient sur son visage et dans
son attitude, à ce moment suprême où il allait instituer le Testament
de l'avenir. Il prend donc du pain, et, après avoir levé les yeux au ciel
et rendu grâces à Dieu pour le don ineffable de l'Eucharistie, il bénit ce
(1) Jean. XIII. 31-32.
(2) Cf. Belser, die Leidensgeschichte des Eenm, p. 1C4-165.
— 452 —
pain, le rompt (1) et le donne à ses apôtres en disant: "Prenez (2) et
mangez: ceci (3) est mon corps (4) qui est donné pour vous (5) (en
nourriture) (6)." Puis, voulant laisser aux siens une réprésentation
complète de sa mort, il prend le calice (7) contenant du vin mêlé d'eau,
selon l'usage des Juifs, et après avoir rendu grâces, le présente à ses dis-
ciples en disant : " Buvez-en tous : car ceci est le calice de mon sang, du
sang de la nouvelle alliance qui (8) est répandu pour beaucoup (9) en
rémission des péchés (10)," Les apôtres avaient écouté avec un respect
infini ces divines paroles. A leur lumière, le mystère de la promesse
( 1 ) Chez les Juifs, les pains présentaient la forme de gâteaux minces et durs,
qu'on ne coupait pas, mais qu'on brisait.
(2) Cette expression : "prenez" " accipite " semble indiquer que Jésus déposa
successivement dans la main des apôtres un morceau de pain consacré : ce fut
le mode de communion usité dans les premiers siècles de l'Eglise.
( 3 ) Le mot : " ceci ", en grec " touto ", du genre neutre, ne se rapporte pas
au mot : pain, qui, en grec comme en français, est du masculin : c'est Un sujet
pronominal indéterminé qui est déterminé par le prédicat.
(4) Chose digne de remarque, chez les Juifs, le chef de famille, en découpant
1 agneau pascal, devait dire, lui aussi: Ceci est le corps de l'agneau pascal.
(5) Le mot "donné", en grec "didomenon" (Luc, XXII, 19) est remplacé
dans S. Paul (I Cor, XII, 24) par le mot "brisé", en grec "clômenon". Or.
dans la sainte Ecriture, le verbe " briser ", quand il est synonyme de " donner "
et lorsqu'il se rapporte, comme ici, à l'action de manger (Prenez et mangez),
signifie toujours : donner en nourriture, servir comme nourriture (Cf. Franzslin,
de Sanct. Eucharistiae Sacramento, thesis IV; Hurter, Theologiae dogmaticae
compendium : de ss. Eucharistiae Sacramento, thesis 235; Wiseman, The real
présence^ Ifip.t. VI ) .
(6) Matt, XXVI, 26; Marc, XIV, 22; Luc, XXil, 19; I Cor, XI, 24. Cette
formule de la consécration du pain montre avec évidence que ces paroles : " Ceci
est mon corps ", doivent être entendues dans le sens littéral. Ne serait-il pas
absurde de dire : Ceci est le symbole de mon corps qui est donné pour vous en
nourriture puisque le corps du Christ ne peut nous être donné en nourriture
que dans l'Eucharistie ? Il ressort également de cette formule que, par la con-
sécration, la substance du pain est changée (transubstanciée) en celle du corps
du Christ, et que par conséquent elle cesse d'être sous ses espèces connaturelles;
autrement le Christ n'aurait pas pu dire simplement : " Ceci est mon corps ".
(7) D'après beaucoup d'auteurs, cette coupe était celle qui était bue après la
manducation de l'agneau, c'est-à-dire, la 3e., qu'on appelait coupe de bénédiction,
et a laquelle S. Paul semble faire allusion dans la 1ère épitre aux Corinthiens :
X, IG. Selon d'autres, ce serait la 5e qui n'appartenait pas à l'essence du repas
pascal (Cf. FilHon, 8. Matt., p. 508).
(8) D'après la formule grecque donnée par S. Luc, le pronom : qui, se rap-
porte non à sang, mais il calice. Ce qui montre bien que cette formule, comme
celle de la consécration du pain, doit être prise littéralement et qu'on ne peut pas
la traduire ainsi: Ceci est l'image de mon sang, répandu sur la croix, etc: car il
n'y a pas eu de calice de sang répandu sur la croix; en d'autres termes, le sang
du Christ n'a pas été répandu sur la croix en tant qu'il était dans le calice ou
dans son état sacramentel (Cf. Franzelin, de SS. Eucharistiae Sacrificio: thesis
XI; et Hurter, 1. c).
iU) Quoique le sang du Sauveur ait été répandu pour tous, de fait il n'efface
pas les péchés de tous, parce que tous ne s'en appliquent pas les fruits.
(lO) Matt... XXVI, 27-28; Marc, XIV, 23-24; Luc, XXII, 20; I Cor., XI. 25.
— 453 —
eucharistique que Jésus leur avait faite s'éclaircit à leurs veux: ils com-
prennent enfin comment sa chair pouvait nous être donnée à manger et
son sang à boire : ils adorent leur Maître bien-aimé sous les saintes
espèces, qui semblent témoigner qu'il est bien notre nourriture, et les
portent à leur bouche avec une émotion plus facile à imaginer qu'à dé-
crire. Mais ce n'était pas seulement un Sacrement que le Seigneur avait
voulu instituer. Comme le prouvent clairement les paroles mêmes de la
consécration, l'Eucharistie ne devait pas seulement nourrir nos âmes et
nous unir à Dieu, elle était encore destinée, comme véritable sacrifice, à
rendre à Dieu lui-même un culte digne de lui. Et en eff"et, dans l'Eu-
charistie, le corps du Christ est " donné, livré pour nous "' ; son sang est
" répandu '' d'une manière mystique " pour beaucoup en rémission des
péchés." Or, dans l'Ecriture, ces expressions annoncent toujours un
sacrifice; et de fait ne nous montrent-elles pas le Sauveur se substituant
à nous en vue d'apaiser Dieu et de nous obtenir la rémission de nos pé-
chés? et cette substitution de la victime au coupable n'est-elle pas le
caractère propre du sacrifice? Et ce n'est pas seulement en tant qu'elle
met sous nos yeux par la séparation des espèces du pain et du vin une
vive représentation de la mort de la croix, que l'Eucharistie est un sa-
crifice; elle l'est surtout, à raison de cette sorte d'anéantissement où s'y
trouve la sainte humanité du Sauveur, qui, dans son état sacramentel,
est incapable de produire par sa vertu naturelle un acte quelconque dont
l'exercice exige le concours des sens, et est réduit à la condition de nour-
riture et de breuvage. Certes, il ne fallut rien moins au Rédempteur
que tout l'effort de sa sagesse et de sa puissance pour se ravaler à un tel
état d'humiliation, mais son amour l'exigeait ainsi. Il voulait, tout en
rendant à son Père, par son immolation, un hommage digne de sa Ma-
jesté (1), se faire manger par l'homme, afin qu'il fût en nous et que nous
fussions en lui : divin Pélican, il n'hésita pas à mettre son humanité, en
quelque sorte, dans un état de mort, afin de pouvoir nourrir ses enfants
de son propre sang et en faire d'autres lui-même. Cet amour indicible
et sans nom dans la langue humaine étonnerait-il notre foi ? Mais, dans
le transport de l'amour même purement humain, " qui ne sait," dit
Bossuet (2), " qu'on se mange, qu'on se dévore, qu'on voudrait s'incor-
porer en toutes manières, et comme disait ce poète, enlever jusqu avec
les dents ce qu'on aime pour le posséder, pour s'en nourrir, pour s'y unir,
pour en vivre? Ce qui est fureur, ce qui est impuissance dans l'amour
corporel est vérité et sagesse dans l'amour de Jésus," Aussi bien, n'est-
il pas conforme à la nature des choses qu'un amour sans bornes, soutenu
par une puissance infinie, se manifeste par dos prodiges extraordinaires
et qui confondent la pauvre imagination humaine?
Après avoir donné à ses disciples son corps à manger et son sang à
(1) Il est mtéressant de remarquer que c'est par le fait même de eon immo-
lation, sur l'autel que le Christ prf'pare notre divine nourriture et dresse en
quelque sorte la table de communion.
(2) Méditations sur l'évangile, 1ère partie, XXIVe journée.
— 454 —
boire, le Sauveur ajouta : " Faites ceci en mémoire de moi (1)," c'est-à-
dire, en mémoire de ma mort et de la rédemption qui en est le fruit,
prenez comme moi, du pain et du vin, prononcez sur eux en mon nom
les paroles que vous venez d'entendre, et donnez-moi à manger aux
fidèles. Et c'est ainsi que Jésus, en même temps que l' Eucharistie, ins-
tituait le sacerdoce qui devait en étendre les bienfaits à toutes les géné-
rations jusqu'à son second avènement (2). En deux mots il résumait
ce rôle sublime du prêtre à travers le monde : " faites ceci," c'est-à-dire,
consacrez, distribuez. Et ainsi, médiateur entre Dieu et les hommes,
le prêtre, après avoir d'une main, pour ainsi dire, attiré Dieu des hau-
teurs du ciel sur l'autel du sacrifice, de l'autre retire les âmes de l'abîme
du péché pour les faire communier à la divine Victime qu'il a immolée,
et les réunir au Dieu qui fait ses délices d'être avec les enfants des
hommes. Effet merveilleux de cette féconde parole : " Faites ceci " ! par
sa vertu, le Cénacle s'agrandissait, prenait des proportions immenses et
englobait le monde entier; chaque jour allait désormais être un autre
Jeudi Saint, et le Christ, notre Pâque, serait sans cesse sous nos yeux.
C'était la réalisation de la grande prophétie de David : *' Le Seigneur l'a
juré, il ne s'en repentira pas : tu es prêtre pour toujours selon l'ordre
de Melchisédech " (3). Non, ce n'est pas seulement au Cénacle que Jésus
devait, à la manière du roi de Salem, offrir le pain et le vin ; à la droite
de son Père, il devait continuer à les offrir jusqu'à la fin des siècles par
le ministère de ses prêtres, ses représentants. Et ainsi se trouvait encore
accomplie la célèbre prédiction de Malachie: "Je ne prends aucun
plaisir en vous, dit le Seigneur des armées, et je n'agrée aucune offrande
de votre main, car, du levant au couchant, mon nom est grand parmi
les nations, et en tout lieu on offre en sacrifice à mon nom une oblation
pure" (4). Tout en prophétisant manifestement le sacrifice de nos
autels, ces paroles annoncent le signal de la fin de tous les sacrifices de
l'ancienne loi. Le grand sacrifice une fois institué, ils étaient devenus
inutiles (5) ; incapables de justifier l'homme, ils cédaient la place au
sacrifice de l'Auguste Victime dont une seule goutte de sang suffisait
pour effacer les péchés de mille mondes. La ruine des sacrifices anciens
entraînait évidemment aussi celle du sacerdoce selon l'ordre d'Aaron,
qui était remplacé par le sacerdoce selon l'ordre de Melchisédech.
Enfin, comme le remarque saint Paul (6), le sacerdoce lévitique étant
abrogé, la loi ancienne devait l'être également; à la loi de crainte
succédait la loi de grâce et d'amour. Ce n'étaient plus seulement, comme
sous l'ancienne loi, des récompenses matérielles et passagères qui étaient
offertes à nos désirs; les biens célestes qui avaient été jusqu'alors laissés
(1) Luc. XXII. li); I (or., XI. 24-25.
(2) I Cor.. XI, 26.
(3) Ps. 119. 4.
(4) Mal., I. 10-11.
(5) Héb., VU, 18.
(6) Héb., VU, 12.
— 455 —
dans la pénombre, apparurent radieux à nos yeux ; une perspective éter-
nelle et infinie s'ouvrait devant nous ; la gloire et le bonheur qui font la
vie essentielle de Dieu lui-même devaient être le prix de notre fidélité.
" Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle.'' nous
dit le Sauveur(l). C'est précisément cette nouvelle alliance de l'homme
avec Dieu que Jésus nous annonce au moment de la consécration du vin :
" Ceci, c'est mon sang, le sang de la nouvelle alliance," ou, " du Nouveau
Testament," Tout en l'inaugurant, pour nous montrer combien elle
était glorieuse pour nous, il nous l'ait remarquer ce qu'elle devait lui
coûter: c'était une alliance testamentaire, qui devait, par conséquent,
être confirmée par sa propre mort (2), et ce n'est que par son sang que
nous pourrions entrer en possession de notre céleste héritage. Et voilà
pourquoi l'ancien Testament, figure du nouveau, avait été. lui aussi, con-
sacré et scellé par le sang des victimes qui représentaient le Christ.
Moïse, prenant ce sang, en avait aspergé tout le peuple, en disant:
" C'est le sang du Testament que le Seigneur fait à votre avantage (3),"
et grâce à cette sorte de communion au sang de l'antique alliance, les
Hébreux purent entrer dans la terre promise, au pays oii, " coulaient le
lait et le miel.". Si les avantages dont jouirent les Hébreux par la
vertu de ce sang étaient déjà si désirables, quelle doit être la grandeur
de ceux qui sont attachés à la participation au sang de la nouvelle
alliance? A coup sûr, il y a autant de différence entre les uns et les
autres, qu'il y en a entre le sang de vils animaux et le sang très précieux
d'un Dieu,
L'immolation de l'agneau eucharistique, au Cénacle, fut donc l'an-
nonce d'un nouvel ordre de choses. Aux figures anciennes succédait la
réalité ; aux ombres, la vérité ; aux ténèbres, la lumière (4) ; une nou-
velle ère se levait sur nous ; un monde nouveau commençait. Au moment
de quitter cette terre, qui allait le faire mourir, Jésus se constituait son
hôte pour toujours comme la source de la vie (5). C'était sa revanche.
Il se mettait au milieu de nous comme notre pain quotidien, comme la
nourriture de nos âmes, comme le principe de la lumière, de la force, de
la liberté du progrès, de la grandeur et de toute vraie civilisation,
comme la puissance génératrice de l'union et de la paix entre tous les
hommes et de tous les généreux dévouements, comme le salut et le bon-
heur des individus et des nations, en un mot, selon sa propre parole,
comme la vie de ce pauvre monde qui tombait de toutes part? on décom-
position et allait s'abîmer dans le gouffre du vice et de la misère.
Et avec quelle simplicité, avec quelle absence de faste et d'ostentation
toutes ces grandes choses furent accomplies, et une vie nouvelle était
(1) Jean. M, 5,1.
(2) Héb.. IX. 16.
(3) Héb.. IX, 19-20.
(4) Vetustatem novitas, umbram fugat veritas, noctom hix rliniinat ( Laiida
Sion).
(5) Jean, VI, 51.
— 456 —
inoculée à rimmanité ! Qui aurait jamais soupçonné que le rite des
temps nouveaux, autour duquel gravitent tous les événements de l'his-
toire, qui avait été annoncé et figuré depuis le commencement des temps,
et qui devait être renouvelé sur nos autels jusqu'au jour du jugement,
qui aurait jamais soupçonné, dis-je, qu'il dût être institué dans de pa-
reilles conditions, à l'insu du monde, dans une chambre inconnue, en
présence de quelques pauvres paysans, et par quelques paroles si simples ?
Assurément, les voies de Dieu ne ressemblent pas à celles des
hommes (1), et, comme le disait le Sauveur lui-même, " le royaume de
Dieu ne vient pas en frappant les regards (2)."
La Pâque nouvelle étant instituée, une dernière coupe (la 4® sans
doute) fit le tour de l'assemblée. Après y avoir trempé ses lèvres, Jésus
dit à ses disciples : " Je vous le dis, je ne boirai plus désormais de ce
fruit de la vigne jusqu'à ce jour où je le boirai tout nouveau avec vous
dans le royaume de mon Père (3). Le Sauveur, qui avait déjà prédit
plus d'une fois aux siens l'imminence de sa mort, leur annonce de nou-
veau qu'il ne s'assiéra plus à table avec eux, et leur laisse entendre
qu'ayant pourvu à sa présence permanente au milieu des hommes, il ne
lui reste plus qu'à mourir et qu'à consommer son sacrifice. Il tenait à
imprimer fortement dans l'esprit de ses apôtres la persuasion que, s'il
allait mourir, il le savait et le voulait; mais, pour adoucir la grande
peine que devait naturellement leur causer cette séparation violente, il
ne la leur montre, en quelque sorte, qu'à travers la gloire dont elle doit
être le principe pour eux comme pour lui. Ce vin, qu'il vient de
goûter pour la dernière fois avec eux, n'est que l'image de ce " calice
enivrant (4)," dont ils s'abreuveront ensemble au ciel : ils ne seront
séparés que pour peu de temps; bientôt ils vont se retrouver ensemble
pour toujours chez son Père, où ils seront " enivrés de l'abondance de sa
maison et abreuvés du torrent de sa volupté (5)." Et c'est ainsi que le
Seigneur Jésus, dans cette soirée à jamais mémorable de la veille de sa
mort, après avoir abrogé la Pâque ancienne et institué la Pâque nouvelle,
dont l'autre était la figure, et qui en sort, pour ainsi dire, comme le fruit
sort de la fleur, nous montre, en quelque sorte, de la main, la Pâque
éternelle, qui est figurée elle-même par le banquet eucharistique (6),
(1) Cf. Isai€, LV. 8-9.
(2) Luc. XVII. 20.
(3) Matt., XXVI, 29. Quelques interprètes oiit entendu par "le fruit de la
vigne ", dont il est ici question, le sang même de Jésus-Christ, mais à tort, sem-
ble-t-il, parce que "dans le royaume de son Père", c'est-à-dire au ciel (ces deux
mots sont toujours synonymes dans l'Ecriture), Jésus ne devait boire son sang
ni en réalité ni par métaphore. D'ailleurs, il dit : "Je ne boirai plus"; or,
quoi qu'en pensent certains auteurs, il est peu probable qu'il ait communié k la
Cène : dan? le récit de l'institution de l'P^ucharistie, il n'est fait aucune allusion
à la participation du Sauveur à son corps et à son sang; au reste, on ne s'unit
pas il soi-même. (Cf. Maldonat, h. 1. et Knabcnbauer, h. 1.).
(4) Ps. XXII, 5.
(5) Ps. XXXV, 9.
(6) Voir la post-communion de la messe du S. Sacrement.
La procession. • — Arc dea Fraiico-Aiii<?ricuiud.
The Procession. — Arcli of tlie Franco- Aniericans.
— 457 —
dont elle est le plein épanouissement. " Bienheureux ceux qui sont
appelés à ce grand festin des noces de l'agneau (1)/' où, selon les termes
du Concile de Trente, " nous mangerons sans voile le même pain des
anges qui nous est offert maintenant sous les voiles sacrés (2)/' où l'es-
sence divine s'unira pour toujours à notre esprit directement et sans
intermédiaire, où sera enfin réalisé pleinement le vœu que le Seigneur
adressait à son Père après la Cène : " Que tous soient un, comme vous,
mon Père, vous êtes en moi, et moi en vous; qu'eux aussi soient un en
nous (3)/'
Le double festin pascal était terminé. L'hymne d'action de grâces
monta vers le ciel. Certes, jamais Hallel n'avait été mieux à sa place;
jamais non plus il n'avait envoyé vers le trône de Dieu un si doux par-
fum. Cet hymne de reconnaissance devait avoir un écho jusqu'à la fin
des temps sous les voûtes de ces monuments magnifiques que l'Eglise a
bâtis pour couvrir de gloire et d'amour le grand Dieu qui s'est humilié
et nous a aimés, nous, ses pauvres petites créatures, jusqu'à se faire
notre Pain.
Vœu et conclusion :
De ce travail scriptural sur la dernière Cène, qu'il me soit permis de
dégager deux conclusions pratiques, dont l'une est relative à l'Ecriture
Sainte et l'autre à la Sainte Eucharistie. L'Ecriture et l'Eucharistie
nous offrent l'une et l'autre le même Verbe divin caché, soit sous l'écorce
des Lettres Sacrées, soit sous les voiles sacramentels. C'est la double
nourriture que notre Dieu dans sa magnificence a préparée pour l'esprit
et le cœur de ses enfants; c'est la seule qui soit proportionnée à la gran-
deur immense de la vie chrétienne. — Je propose donc le vœu que nous
ayons à cœur de communier chaque jour, autant que possible, non seu-
lement au corps sacré du Christ sous les espèces du Sacrement, mais
encore au Verbe divin dans l'Ecriture et spécialement dans l'Evangile,
qui en est comme la moelle.
L'assistance ratifie ces paroles persuasives, et écoute en-
suite le R. P. ^yu(^hrr, des Pères de la Miséricorde, de New-
York, qui vient donner lecture d'un mémoire à lui envoyé,
pour être présenté an Coni^rès, par Monscifjnrur Zorn de
Bulaeh, évêque auxiliaire de Strasbourg.
(1) Apoc. XIX. 0 et. 17.
(2) Session XIII, C VIII.
(3) Jean. XVII, 21.
— 45S —
LA PRIERE EUCHARISTIQUE
POUR LE
RETOUR DE NOS FRERES SEPARES
Je vois, mais je ue puis pas ! Tels sont les mots par lesquels le Comte
Frédéric Léopold de Stolberg avouait sa faiblesse à son ami et à son
guide, le saint prêtre Overberg, dont il avait fait la connaissance à
Munster, chez la célèbre Princesse Gallitzin, et qu'il avait prié de lui
enseigner les vérités de la foi catholique.
" Je vois, mais je ne puis pas !" Quel pénible, quel douloureux, quel
angoissant combat! Overberg, plein de commisération pour cet état,
non seulement douloureux, mais aussi dangereux — car il ne faut point
laisser passer l'heure de la grâce — Overberg eut recours à la prière.
Catéchiste infatigable, il faisait ses délices d'instruire les petits enfants.
Sachant combien sont agréables au Cœur de Jésus les supplications de
ces jeunes âmes innocentes, il leur demanda de prier à ses intentions.
Ils commencèrent avec ardeur, mais après quelque temps — Dieu ne les
avait pas tout de suite exaucés — ils trahirent une certaine lassitude.
" IST'avez-vous pas encore obtenu le grâce désirée?" demandèrent-ils
naïvement à leur maître. " Non, mes petits enfants, pas encore, con-
tinuez"..., et les jeunes intercesseurs de se remettre à prier avec un
nouvel entrain.
Au bout de six semaines environ, Overberg vit entrer chez lui le Comte
de Stolberg qui, rayonnant de joie, lui dit : " Maintenant je puis ! "
La grâce décisive, la grâce efficace avait été obtenue, arrachée par la
prière humble, confiante et persévérante. La prière, vous le voyez, est
une grande force; oui, elle est une force irrésistible. ISTous voulons donc
vous parler de la prière pour le retour de nos frères séparés et vous
montrer ensuite comment le feu de l'apostolat de la prière à cette inten-
tion peut être attisé par la dévotion au Très Saint-Sacrement de l'autel.
Tous ceux auxquels il a été donné de travailler, comme instrument
entre les mains de Dieu, à cette œuvre délicate et difficile q.u'est la con-
version à la vraie foi. ont expérimenté combien sont vraies les paroles
de saint Augustin : " L'enseignement qui vient du dehors est de quelque
utilité et sert d'exhortation . . . , mais c'est le maître intérieur qui ins-
truit, c'est le Christ qui instruit, c'est son inspiration qui instruit; là
où manquent son inspiration et son onction, nos paroles résonnent en
vain au dehors." (In Epistol. Joannis ad Parthos S. Augustini Trac-
tatus TIT. Cap. Il num. 13. S. Augustini opéra omnia edit. Migne
Tom. III pars altéra, pag. 2004).
Si dans l'ordre surnaturel nous ne pouvons rien sans la grâce, il est
clair que le laborieux travail d'une conversion nécessite le secours cons-
tant de la grâce. Il y a, c'est vrai, des conversions en quelque sorte
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instantanées, car rien n'est impossible à Dieu; saint Paul, terrassé sur
le chemin de Damas, en est le plus frappant exemple, mais généralement
ceux de nos frères séparés qu'un premier attrait pousse vers l'Eglise
catholique sont encore loin du but, car nombreux sont les obstacles qui
se dressent en travers du chemin, puissants les préjugés qui retiennent
leur volonté iluctuante. Mgr Gay, le savant Evèque d^Vnthédon, le
grand théologien et le mystique éclairé, dit dans son Traité de la Foi :
" C'est un fait d'expérience que nul ne croit qu'il ne veuille bien croire,
et quoique la foi soit spécialement un acte de l'intelligence, elle suppose
à sa racine un acte de la volonté, et toute l'âme y doit concourir. Donc,
pour faire un acte de foi, il faut à l'homme une double grâce; Tune
qui épure, éclaire, élève, dirige, soutienne et fortifie l'esprit; l'autre qui
touche, dégage et simplifie le cœur, l'inclinant à recevoir une vérité dont
il a l'instinct qu'une obligation morale sort toujours." On ne saurait
mieux dire.
Ce double travail de l'intelligence et de la volonté est parfois bien
long, et c'est toujours Dieu qui, quelquefois après de longues années de
recherches, donne la grâce décisive.
Oui, il faut bien insister sur cette vérité dogmatique que la vraie foi
est un don de Dieu. Le Concile du Vatican, dans sa troisième session,
a formellement défini cette vérité d'une importance capitale. La vraie
foi est un don du Seigneur, elle est même ici-bas le plus grand don de
Dieu, parce que, je me plais encore à citer Mgr Gay, elle est le matin de
la gloire, la gloire est le midi de la foi.
iST'est-il donc pas naturel que nous souhaitions à nos frères séparés la
grâce si précieuse de la vérité entière et que nous la demandions à Dieu
pour eux par la prière, si Dieu dans sa miséricordieuse bonté accorde vo-
lontiers ses dons, surtout ses grâces spirituelles à la prière humble, con-
fiante et inspirée par la charité?
Lorsqu'on a le bonheur d'être catholique, lorsqu'on sait apprécier
l'inestimable trésor de la vraie foi, avec tous les secours qu'elle offre et
les consolations qu'elle prodigue, il est impossible de ne pas être étreint
par une profonde tristesse, à la pensée que des millions et des millions
de chrétiens se trouvent en dehors du bercail de Pierre. Loin de nous
la pensée de les condamner, de révoquer en doute leur bonne foi et de
les contrister ! Ce n'est pas durant un Congrès Eucharistique qui cé-
lèbre les gloires du Dieu de l'amour infini, que nous oserions exprimer
des sentiments autres que la paix, la charité, la conciliation. Nous
surtout qui, vivant dans un pays mixte, avons parfois l'occasion de
parler intimement à des frères séparés et, nous pouvons le dire, de nous
édifier même de leur piété, nous ne prenons la parole aujourd'l)ui que
pour exprimer le seul regret, nous dirons plus, la douleur de les voir
privés des moyens de la grâce qui abondent dans notre Eglise, et pour
exprimer en même temps la conviction qu'avec ces moyens ils attein-
draient plus facilement une plus baute perfection.
Non, ce n'est point une présomption pharisaïque qui nous enfle, en
parlant de ceux que des circonstances indépendantes de leur volonté ont
fait naître en dehors de l'Eglise catholique; c'est au contraire une
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humble confusion qui nous saisit, à la pensée que de plus grandes grâces
entraînent une plus grande responsabilité, qu'un compte plus rigoureux
sera demandé à ceux qui auront plus reçu et que, hélas ! beaucoup de
catholiques ne font pas honneur à leur foi. Mais les faiblesses, les
fautes, conséquence lamentable de l'humaine misère, ne sauraient être
invoquées comme un argument contre la sainteté de l'Eglise catholique
et les splendeurs de la vraie foi. Est-ce la source pure qu'il faut accuser,
si dans l'eau claire qui s'en échappe ceux qui viennent y boire, mêlent
quelque chose d'impur; est-ce au soleil qu'il faut s'en prendre, si son
éclat est obscurci par des nuages ? Du reste, ce n'est point le moment
de nous livrer ici à de longues considérations d'apologie. C'est de l'unité
de croyances qu'il nous tient surtout à cœur de vous entretenir. Ceux
qui aiment le divin Maître aspirent à l'avènement, à l'extension toujours
plus grande de son règne. Quand on aime réellement quelqu'un, on
partage ses sentiments; or, Jésus-Christ, le bon Pasteur, est venu pour
que ses brebis aient la vie avec abondance. Mais en quoi consiste la
vie? Le Sauveur nous le dit: "Or, voici la vie éternelle: qu'ils Vous
connaissent tous, le seul Dieu véritable, et Celui que Vous avez envoyé,
Jésus-Christ." (Joan. 17, 3.) Jésus-Christ désire donc que toutes les
âmes viennent à Lui et Le connaissent: "J'ai d'autres brebis qui ne
sont point de ce bercail; il faut aussi que je les amène et qu'elles en-
tendent ma voix, et il n'y aura qu'un bercail et qu'un pasteur." (Joan.
10, 16.)
C'est à l'Eglise du Christ, bâtie sur le roc de Pierre, que revient la
mission à travers les siècles de répéter cet appel plein d'amour qui tomba
des lèvres du miséricordieux Sauveur. "' Il faut aussi que je les amène."
Que de fois les Pontifes sucesseurs de saint Pierre n'ont-ils pas élevé la
voix, avec une tendre sollicitude, pour appeler les brebis qui se tiennent
en dehors du bercail, et cela surtout depuis le schisme de Photius et de-
puis la grande scission du XVIe siècle? Les bornes de ce discours me
forcent à être bref. Je rappellerai seulement dans le cours des dernières
années l'émouvante Encyclique de Léon XIII Prœclara gratulationis,
adressée aux princes et aux peuples, et la lettre de ISTotre Saint-Père le
Pape Pie X à Son Eminenoe le cardinal Vincent Vannutelli, lors du
15e centenaire de la mort de saint Jean Chrysostôme, centenaire célébré
avec une pompe extraordinaire dans la splendide basilique du Prince
des apôtres. Oui, les Pontifes romains n'ont point cessé de tendre les
bras aux chrétiens dissidents qui ne sont pas encore complètement leurs
fils, mais que leur cœur appelle et qu'ils chérissent sincèrement. Car
si leur mission de gardiens suprêmes de la vérité, du précieux dépôt de
la Foi, les oblige à la conserver intacte et radieuse, ils aiment et ne ces-
seront jamais d'aimer les personnes qui ne possèdent pas l'entière vérité,
et leur âme est pénétrée des sentiments qui remplissaient l'apôtre des
nations, lorsqu'il écrivait aux Philippiens : " Dieu m'est témoin avec
quelle ardeur j'aspire à vous posséder tous dans les entrailles de Jésus-
Christ " (ad Phil. I, 8). Mais, nous l'avons dit plus haut, nombreuses
sont les causes, puissants les préjugés qui empêchent nos frères séparés
de se rendre en plus grand nombre à l'appel incessant des vicaires de
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Jésus-Christ; une longue et pénible expérience est là pour le prouver.
Néanmoins, ce qui est impossible à la persuasion humaine, aux indus-
tries du zèle le plus ingénieux, est possible à Dieu. Par la prière nous
disposons des forces du Dieu tout-puissant: ''Comme sont les courants
des eaux, ainsi est le cœur du roi dans la main du Seigneur; de quelque
côté qu'il veut, Il le fera tourner," est-il dit au Livre des Proverbes
(Prov. 21, 1) ; par la prière nous pénétrons dans les profondeurs et les
replis les plus cachés des âmes, car Dieu est présent et agit dans les
âmes et sur les âmes, n'est-ce pas en Lui que nous avons la vie et le
mouvement et l'être? (Act. apost. 17, 28).
Il connaissait bien la valeur de la prière, le grand saint Paul, ce géant
parmi les apôtres, car, dans ses épîtres, il ne cessait de recommander
son apostolat aux fidèles : " Priez pour moi, afin que la parole de Dieu
se propage et qu'elle soit glorifiée, comme parmi vous," dit-il aux Thes-
saloniens (II Thess. 3, 1). Dans sa première épître à Timothée (1.
Tim, II, 1-4) il "conjure avant toutes choses qu'on prie pour tous les
hommes, car cela est bon et agréable devant Dieu notre Sauveur, qui
veut que tous les hommes soient sauvés et viennent à la connaissance de
la vérité." Il appréciait aussi la valeur de la prière, saint Jacques le
Mineur, qui écrit dans son épître : " Priez les uns pour les autres, afin
que vous soyez sauvés, car la prière persévérante du juste peut beau-
coup." (Jac. V, 16.)
C'est cette vérité dont on ne saurait assez rappeler l'importance ca-
pitale, qui remplit la vie du saint et humble religieux que fut le Père
Ignace de saint Paul. Il s'appelait dans le monde Georges Spencer et
appartenait à une noble et influente famille anglaise. Ministre an-
glican, il se convertit au catholicisme, devint prêtre, puis passioniste et
consacra toute sa vie à la prédication d'une croisade de prières pour le
retour de l'Angleterre à l'unité catholique. " Tout par la prière et rien
sans elle," telle était sa devise.
Dans un très intéressant ouvrage intitulé Le Réveil du catholicisme
en Angleterre au XIX siècle, monsieur l'abbé J. Guibert constate fort
justement que cette prière eut les résultats les plus consolants : " Voici,
en effet, dit-il, de merveilleuses coïncidences : C'est en 1832 que Georges
Spencer, à Rome, organise la première association de prières, et c'est
l'année suivante, en 1833, que commence l'ère si lumineuse et consolante
du mouvement d'Oxford. Et tandis que l'effort de prières atteint son
apogée et que toutes les nations catholiques, émues des brûlants appels
de Spencer, intercèdent pour la conversion de la race anglo-saxonne, on
assiste au même moment au retour des plus illustres docteurs, les New-
man, les Faber, les Manning, et on voit se dessiner même dans le peuple
un ébranlement qui amène des milliers d'hommes, chaque année, au ca-
tholicisme romain."
Léon XIII, frappé de cette coïncidence, créa en 1897 l'archiconfrérie
de IS'otre-Dame de Compassion. Si celle-ci a pour but la conversion des
Anglicans, l'archiconfrérie de Notre-Dame de l'Assomption a pour objet
celle de l'Orient. Madame de Massow, née Julie de Belir, d'une ancienne
famille de la Poniéranie. avait, pendant qu'elle était encore protestante,
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eu la généreuse et apostolique pensée de fonder pour l'union de tous les
chrétiens l'Union Psalmodique et l'association de prières " Ut omnes
unum." Ces deux œuvres furent approuvées par Léon XIII en 1887,
après que cette femme d'élite fut rentrée dans le giron de l'Eglise catho-
lique.
Signalons encore l'apostolat de la prière et la Congrégation de Notre-
Dame de Sion, qui a pour but premier la conversion des enfants d'Israël.
Il ne manque donc pas de foyers d'où la prière s'élève déjà vers Dieu
pour la réalisation de cette union sainte qui, on peut le dire, changerait
la face de la terre. Que de forces dépensées, d'une part, pour l'attaque,
de l'autre, pour la riposte, pourraient être employées à une plus noble
tâche, celle de rivaliser d'amour de Dieu entre frères d'une seule famille
religieuse, celle de rivaliser d'ardeur au service de l'Eglise du Christ, entre
fils d'une même mère également aimée ! Nous le répétons, il ne manque
pas de foyers où brûle déjà le feu de l'apostolat de la prière pour l'union,
mais ce feu, nous semble-t-il, ne saurait être assez vif, assez intense, et
nous voici amené à exprimer un désir bien simple, mais qui, s'il était
exaucé, aurait, nous en avons la douce confiance, les plus consolants ré-
sultats. Ce désir le voici : Les membres des différentes archiconf réries
qui existent déjà pour préparer le retour de nos frères séparés, les
membres aussi de l'Archiconfrérie du Cœur Eucharistique de Jésus, dont
le nombre dépasse déjà un demi-million, toute cette pieuse phalange, en
un mot, ne serait-elle pas bien inspirée de choisir le moment de la sainte
communion pour obtenir de l'Hôte divin, d'abord la grâce de l'union
entre tous les chrétiens, puis la grâce de la conversion de tous les mor-
tels ? Il n'existe pas de bornes pour la charité. Jésus-Christ n'est-Il pas
mort pour tous les hommes? Saint Jean, le disciple de l'amour, tire les
conséquences de cette charité infinie, lorsqu'il dit dans sa première
épître : " Mes bien-aimés, si Dieu nous a aimés de cette sorte, nous aussi
nous devons nous aimer les uns les autres." (I Joan. 4, 11.) Personne
n'est donc exclu de nos prières, mais ceux qui sont déjà chrétiens nous
touchant de plus près, il est naturel que notre prière aille d'abord à eux.
Le moment de la sainte communion nous paraît d'autant plus pro-
pice pour obtenir du Divin Cœur le retour de nos frères que Jésus-
Christ, le soir même où II institua l'adorable Eucharistie, adressa à son
Père l'émouvante prière que l'évangéliste saint Jean nous rapporte au
chapitre XVII et dans laquelle nous relevons spécialement ces mots:
'' Je ne prie pas pour eux seulement, mais encore pour ceux qui doivent
croire en moi par leurs paroles, afin que tous ils soient un, comme Vous,
mon Père, en moi, et moi en Vous ; qu'ils soient de même un en nous,
afin que le monde croie que Vous m'avez envoyé." (Joan. XVII, -20-
21.) La prière pour l'unité dans la foi doit donc être particulièrement
agréable au Cœur du divin Maître, puisque c'est sa propre prière. Oui,
quand Jésus-Christ demeure en nous, et que nous demeurons en Lui,
quand nous goiitons l'ineffable bonheur de Lui parler cœur à cœur, de
nous sentir embrasés du feu de son amour, comme jadis les disciples
d'Emmaiis, c'est le moment ou jamais do Lui recommander nos frères
séparés, de le supplier de les ramener dans le sein de TEglise-Mère, car
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plus notre ferveur est grande, et plus nous pouvons espérer d'être exaucé
Je n aurai pas la hardiesse de proposer pour cet intime colloque de l'âme
avec Jesus-Christ une formule spéciale, mais je ne puis résister au désir
de vous citer quelques paroles d'une sublime prière de la Eévérende Mère
Marie de 1 Incarnation, dont la mémoire est encore vénérée au Canada
La sainte religieuse invoque d'abord le Père éternel: "Je veux par ce
divm Cœur satisfaire au devoir de tous les mortels. Je fais en pensée
le tour du monde pour chercher toutes les âmes rachetées du san^ très
précieux de mon divin Epoux, afin de vous satisfaire pour toutes par ce
divin Cœur. Je les embrasse pour vous les présenter par Lui, et par
Lui ]e vous demande leur conversion." Puis s'adressant à Jésus-Christ,
elle dit: 1 ous savez, ô Yerbe incarné, Jésus mon bien-aimé. tout ce
que je veux dire à votre Père par votre divin Cœur et par votre sainte
ame. Je vous le dis en le Lui disant, parce que vous êtes dans votre Père
et que votre Père est en vous, faites donc tout cela avec Lui. Je vous
présente toutes ces âmes, faites qu'elles soient une même chose avec
vous.
Après la sainte communion, qui, constituant l'union la plus étroite
possible de l'âme avec Jésus-Christ, est par excellence l'heure de la grâce,
le saint sacrifice de la messe et la visite au Très Saint-Sacrement sont
aussi des moments favorables pour supplier le Dieu de l'Eucharistie de
hâter l'heure bénie où il n'y aura qu'un bercail et qu'un pasteur.
Les Congrès eucharistiques font le tour du monde. Depuis des an-
nées, ils se transportent de pays en pays, de continent en continent. S'il
plaît à Dieu, ils ne cesseront pas de faire le tour du monde. Quel puis-
sant moyen de répandre dans les masses profondes du peuple catholique,
avec un amour toujours plus ardent pour le Dieu de l'Eucharistie, un
désir toujours plus pressant, toujours plus impérieux de voir s'accomplir
cette union qui répond si bien aux aspirations du bon Pasteur!
Nous disons les masses profondes du peuple catholique tout entier, car
il renferme en grand nombre des âmes ferventes qui ont à cœur la gloire
de Dieu et l'avènement de son règne. Parmi les humbles, les ignorés
de ce monde, je ne dirai pas les petits, car chaque chrétien est un fils
du Eoi éternel, combien n'y a-t-il pas de pieux et de puissants interces-
seurs, parce qu'ils sont humbles et s'ignorent eux-mêmes?
Nous comptons en dernier lieu sur le concours des enfants et
des petits enfants, dont l'intervention a tant de prix aux yeux de Celui
qui a dit : " Laissez venir à moi les petits enfants." (Marc. 10, 14.)
Le jour où la prière pour le retour de nos frères séparés aura pénétré
dans les masses du peuple catholique, où cette prière générale, ardente,
persévérante, enveloppera la terre comme un courant magnétique, afin
d'attirer dans le sein de l'Eglise-Mère ceux qui résistent encore aux
appels réitérés de l'Epouse mysticiue du Christ, ce jour-là le retour sera
proche, car plus les fidèles comprendront l'importance de ce retour, et
plus aussi ils seront portés à s'imposer des sacrifices pour nos missions;
en effet, la prière seule ne suffit pas. Les moyens liumains ne doivent
pas être négligés ; bien au contraire, ils doivent être judicieusement
choisis et activement employés. A l'encens de la prière il faut que se
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joignent les industries d'un zèle éclairé et Taumône : l'or du riche,
comme le denier de la veuve, l'aumône qui attire les bénédictions du
Très-Haut. Oui, si nous prions avec ferveur, si nous donnons avec gé-
nérosité, ce retour, qui pourrait paraître une utopie aux découragés,
s'accomplira ! Nous ne le verrons pas nous-mêmes, mais nous l'aurons
préparé et nous aurons la consolation d'avoir contribué, dans la mesure
de nos forces, à réaliser la parole brûlante du divin Sauveur : " Je suis
venu jeter le feu sur la terre et que désiré-je, sinon qu'il s'allume " ?
Résolution.
Le XXIe Congrès Eucharistique engage tout d'ahord les prêtres, reli-
gieux et religieuses, ensuite tous les fidèles à s'adresser au Dieu de l'Eu-
charistie pour obtenir de Lui la rentrée et l'union de tous nos frères sé-
parés dans le bercail de Pierre.
ARTICLE III
SEANCES DU SAMEDI, lo septembre.
§ 1° A VUniversité Laval.
Les deux séances générales de ce jour, particulièrement la
première, devaient être consacrées aux diverses Œuvf'es eucha-
ristiques. C'était, pour ainsi dire la journée des Œuvres. Ce
même cachet distingua aussi la séance sacerdotale de ce jour.
La séance de l'Université Laval est présidée, à défaut de
Monseigneur Lorrain, Evêque de Pembroke, qui s'était fait
excuser, par M. l'abbé Bouquerel, Secrétaire du Comité per-
manent des Congrès.
*
* *
Le R. P. Rouleau, des Dominicains d'Ottawa, ouvre la
séance, avec un rapport historique et pratique sur :
" LES CONFRERIES DU TRES SAINT-SACREMENT "
I. — Historique
L'oubli de Dieu a pesé lourdement sur le monde ancien, et l'a préci-
pité dans un abîme d'infamie, d'injustice et d'impiété. Pour arracher
les hommes à ces voies coupables et orienter vers le Seigneur leurs
— 465 —
pensées, trop longtemps détournées de lui, le Christ Jésus institua, dans
son amour l'adorable Sacrement de l'Eucharistie : " Faites ceci en mé-
moire de moi,'' disait-il aux apôtres, témoins ravis de la première
consécration.
Ainsi, opposer la mémoire du Sauveur à l'oubli de Dieu, et par ce
moyen remédier au plus criminel des abandons, telle fut la fin première
de l'institution du vénérable sacrement de l'autel : recolitur memoria
passionis ejus."
Ce remède, créé par l'amour rédempteur, fut-il efficace? — L'Histoire
est là pour relater les alternatives de ferveur et de délaissement de l'hu-
manité. Pour un trop grand nombre d'âmes, le Dieu caché fut un
Dieu méconnu; on en vint jusqu'à nier sa présence dans l'hostie con-
sacrée.
C'est alors que saint Bruno et ses moines se prosternèrent plus pro-
fondément, à l'élévation de la messe, pour adorer le Maître présent eous
les espèces sacramentelles. C'est aussi vers cette époque qu'apparaissent
à Eouen (1100), plus tard à Avignon (1226) les premières gardes d'hon-
neur du Très Saint-Sacrement. Bientôt après, sainte Julienne reçoit
du ciel le mandat de promouvoir l'institution de la Fête-Dieu.
Le premier cardinal dominicain, Hugues de Saint-Cher, favorisa le
projet de toute l'autorité de sa science et de sa mission. Il sanctionna
donc les dispositions antérieures de l'évêque de Liège, et étendit l'obli-
gation de la nouvelle solennité aux vastes pays de sa légation. Enfin
Urbain IV donna à l'Eglise entière les splendeurs de la fête du Corps
du Christ, et chargea frère Thomas d'Aquin d'en composer l'office im-
mortel.
Le souvenir vivifiant du Sauveur va donc refleurir sur la terre ! Oui,
mais toujours avec de lamentables intermittences. Après les heures
triomphales de l'apothéose reviendront périodiquement les tristes jour-
nées de l'isolement et de l'oubli; après les acclamations enthousiastes,
le grand froid d'un silence prolongé, et le rayonnement qui auréole la
Sainte Hostie semble s'éteindre avec la flamme des cierges, qui se con-
sument en son honneur.
Au XVIème siècle, ce déplorable état impressionna profondément le
Père Thomas Stella, religieux de la province dominicaine de Lom])ardie,
non moins remarquable par l'étendue de son savoir que par la samteté
de sa vie. Héritier de l'amour de l'Ange de l'Ecole pour le Très Saint-
Sacrement, il conçut pendant qu'il prêchait à Rome, en 1539, le noble
projet de fonder dans l'Eglise de son ordre à Sainte-Mario sur Mmervo.
une confrérie pour suppléer à l'insuffisance du culte eucharistique
Honorer par un témoignage spécial d'adoration Notre-SeigTieur Jesus-
Christ présent au Très Saint-Sacrement, réparer les outrages qu il y
reçoit, et le dédommager par une fer\'eur toujours croissante de 1 indil-
férenco d'un grand nombre de chrétiens. insensil)los à son amour: toi
fut le but poursuivi par le pieux fondateur.
Le zèle de l'apÔtre ne pouvait proposer un objet plus excellent à la
piété des fidèles: le Christ. Dieu et homme, dans la glorieuse plénitude
de son être et de ses grandeurs! Le Christ, voilant à la fois son huma-
— 466 —
nité et sa divinité, pour perpétuer par sa survivance sacramentelle, sa
présence parmi les enfants des hommes !
Cette vue de foi, inspirée par une ardente charité, fut comprise des
tidèles de toutes les classes, et ils s'enrôlèrent en grand nombre, dans la
confrérie naissante.
Dès lors, on vit les nouveaux confrères pourvoir aux besoins des
églises pauvres, et veiller à ce que la lampe du sanctuaire brûlât jour et
nuit en chaque paroisse. Le Saint-Sacrement était-il porté aux ma-
lades, ils lui faisaient escorte un cierge à la main. Pour avertir les
fidèles du passage de la Sainte Hostie, l'usage d'une sonnette fut établi.
Les femmes et ceux qui étaient empêchés d'accompagner le prêtre s'age-
nouillaient pour dire cinq Pater et cinq Ave. Chaque troisième di-
manche du mois les confrères assistaient à l'église de la Minerve, à une
grand'messe, où, pendant l'élévation, ils tenaient des cierges allumés,
puis ils écoutaient une instruction. Le vendredi après la Fête-Dieu —
et bientôt le troisième dimanche de chaque mois — une magnifique pro-
cession se déroulait autour de la basilique, à la suite de la bannière aux
armes de la jeune société: un calice sur lequel deux anges soutiennent
une hostie.
Les membres visitaient encore les malades et les engageaient à recevoir
les sacrements.
Telles furent les pratiques des premiers confrères, et ces pieux usages,
établis d'abord dans les églises conventuelles des Frères-Prêcheurs, se
sont ensuite répandus dans l'univers entier.
Tant d'honneurs rendus au Sacrement de l'autel, tant de fruits de
salut, mûrissant aux feux du Soleil Eucharistique, portèrent les Papes
à bénir et à encourager la confrérie. Dès le 30 novembre de la même
année (1539) Paul III, par la bulle Dominus Noster Jésus Christus,
l'approuva, l'enrichit d'indulgences et la combla de privilèges.
Afin qu'elle put répandre plus facilement à travers le monde catho-
lique l'inestimable bienfait d'un culte eucharistique plus assidu et plus
empressé, le même Pontife par le Motu proprio Ad providam, du 2
octobre 1548, lui acorda le titre honorifique d'arohiconfrérie, et étendit
à toutes les confréries érigées ou à ériger, sous l'invocation du Très Saint-
Sacrement, par l'autorité apostolique ou par les ordinaires, Apostolica
vel ordinaria auctoritate, toutes les grâces que posséderait celle de
Sainte-Marie sur Minerve, sans qu'il fut besoin de les agréger nommé-
ment à cette dernière confrérie. Ce privilège, confirmé à maintes re-
prises, le 15 février 1608, le 23 avril 1676, le 1er octobre 1678, et encore
en pleine vigueur aujourd'hui, soustrait la confrérie à toutes les forma-
lités restrictives qui sont exigées pour la plupart des autres confréries,
(Bull. Ord. Praed. T. VT, p. 341), comme serait In nécessité d'une agré-
gation spéciale à la confrérie romaine, ou encore la distance d'une lieue
requise souvent pour procéder à la fondation d'une nouvelle confrérie.
Grégoire XTlt, pour reconnaître les salutaires résultats produits par
la confrérie ajouta, le 6 août 1573, de nouvelles indulgences. Paul V,
dans le bref " Cum certas" du 3 novembre 1606, adressé aux adminis-
trateurs et aux confrères, révoqua les concessions de ses prédécesseurs.
— 467 —
mais pour leur donner plus de certitude et pour les augmenter. Le 24
juin 1673, (Ex Commiscae) Clément X accorde une "nouvelle indul-
gence aux confrères qui assistent aux funérailles. Innocent XI renou-
velle le décret qui rend toutes les confréries participantes des grâces
attachées à celle de l'Eglise de la Minerve, et accorde une nouvelle îndul-
gence aux confrères qui accompagnent le Saint Viatique. rSubiuncti
1er oct. 1678.) -i v j •
Au XVIIIe siècle, Benoit XIII confirme toutes les indulgences éma-
nant de ses prédécesseurs, (Pretiosus, 26 1727), et Benoit XIV, le 2
août 1749, concède de nouvelles faveurs spirituelles pour différentes
œuvres de miséricorde. Enfin Pie IX, le 13 juin 1853, accorda à la con-
frérie les nouvelles et dernières faveurs dont elle jouit.
D'après une décision de la Congrégation des Eites, en date du 17
janvier 1887, dans les processions où l'on porte le Très Saint-Sacrement,
la confrérie a le pas sur toute autre association, même plus ancienne;
dans les procession ordinaires elle vient à son rang d'ancienneté.
II. — Importance et effets sur la fréquentation de la
Sainte Table
Le rapide coup d'œil que nous venons de jeter sur la glorieuse histoire
de la confrérie du Très Saint-Sacrement nous révèle assez son impor-
tance capitale aux yeux de la Sainte Eglise. La fin poursuivie, les
moyens mis en œuvre, les résultats obtenus, justifient amplement les
munificences du Souverain Pontife à son endroit. Partout où elle a été
établie et où elle a fonctionné régulièrement, elle a, comme un ardent
foyer, éclairé et réchauffé la piété des fidèles. Et que ne pourrait-elle
pas aujourd'hui pour engager les chrétiens, "selon les désirs du Pape,
dans les voies salutaires de la communion fréquente?
Il semble impossible que les pratiques en honneur dans la confrérie,
qui mettent les fidèles en rapports presque quotidiens avec Xotre-Sei-
gneur, n'éveillent en eux le désir de s'approcher de la Table Sainte. Il
semble impossible que les instructions spéciales données aux confrères,
dans leur réunion mensuelle, et leur rappelant la grandeur des bienfaits
de la Sainte Eucharistie, sa puissance pour alimenter la vie surnaturelle
dans l'Eglise, leur redisant que c'est cette nourriture divine qui a donné
la force aux martyrs, la lumière aux docteurs, la constance aux confes-
seurs, et l'innocence aux vierges; leur inculquant qu'elle est l'arbre de
vie planté au milieu du jardin de l'Eglise; il semble impossible, disons-
nous, que cet enseignement eucharistique n'excite pas dans les âmes la
faim sacrée du pain des anges.
A mesure que les catholiques saisiront mieux la place unique occupée
par le Sacrement de l'autel dans l'économie de la vie chrétienne, ils se
pénétreront davantage de la pensée du sacrifice réparateur du péché.
Ils se rappelleront plus fréquemment l'union intime et constante qui
doit unir la créature à son Créateur, et les fidèles entre eux dans la cha-
rité du Christ, et le Saint Viatique fera lover dans leur Time resjxnr de
— 468 —
l'éternelle vision de Dieu. Ainsi le souvenir des incessants bienfaits du
Seigneur dans le passé, de sa bonté dans le présent, et de sa miséricorde
dans l'avenir, dominera la vie du chrétien et la pénétrera de sa vertu
féconde. Dès lors, il sentira le besoin de répéter la prière des disciples
d'Emmaiis : " 3Iane nobiscum Domine/' Seigneur, demeurez avec nous,
non pas seulement dans nos temples déserts, mais dans le sanctuaire de
notre cœur ; Jésus deviendra donc l'inséparable compagnon de notre vie :
Se nascens dédit socium.
La piété grandissante des confrères, leur exemple bienfaisant rayon-
nera dans la paroisse, et conquerra à Jésus-Hostie de nouveaux ado-
rateurs, et des âmes saintement avides de sa Chair et de son Sang.
III. — Fonctionnement paroissial
Cette admirable confrérie qui a entouré le Très Saint-Sacrement de
tant d'hommages dans l'Ancien Monde, est-elle suffisamment répandue
sur le continent américain, et plus particulièrement dans notre pays?
Elle existe et fonctionne régulièrement dans les églises des Frères-
Prêcheurs et des Pères du Très Saint-Sacrement.
Elle est encore établie dans environ 62 paroisses du diocèse de Québec,
30 de Montréal, 4 de Saint-Boniface, 10 de Eimouski, 45 de Chicoutimi.
Partout ailleurs elle est pratiquement inconnue. Pourtant l'Eghse
désire que le tabernacle de chaque paroisse soit le centre d'une confrérie
du Très Saint-Sacrement, "■ Imvio desideratur ut erigatur in qualibet
ecclesia parochiali " porte le décret du 23 avril 1676 de la Sacrée Con-
grégation des Indulgences.
ERECTION
C'est dans ce but que toutes les facilités ont été accordées à l'érection
de la confrérie.
L'évêque, sans induit particulier, peut ériger cette confrérie, et par le
fait la rendre participante de toutes les indulgences de la confrérie-
mère. Donc, tout curé désireux de l'établir dans son église, n'a qu'à
s'adresser à son évêque et lui soumettre les statuts qu'il a élaborés.
D'après la bulle de Clément VIII, " Quaecumque," l'évêque a le droit
de les examiner et de les modifier selon que les localités paraissent le de-
mander. Il n'est pas nécessaire d'adopter les règlements de la confrérie
romaine, il suffit de proposer des pratiques de piété destinées à honorer
le Très Saint-Sacrement, pratiques qui peuvent varier selon les lieux et
les circonstances.
A ce premier but, le directeur a toute liberté d'ajouter différents buts
secondaires. Qui l'empêcherait de greffer aujourd'hui sur le vieux
tronc des obligations anciennes des prescriptions nouvelles répondant
aux besoins de notre époque? Pourquoi ne pas introduire, par exemple,
l'engagement de sanctifier le saint jour du dimanche, et de ne jamais
— 469 —
travailler, acheter ou vendre sans une vraie nécessité: de pratiquer la
vertu de tempérance et de ne jamais fréquenter les débits de boisson
pour y boire ou ]^ payer à boire; — de s'interdire l'entrée dans toute
société défendue ou suspecte, de combattre leur néfaste influence, de tra-
vailler à la diffusion de la presse catholique, etc. . .
ORGANISATION^
La confrérie étant paroissiale, est gouvernée par un directeur qui pst
le curé ou son délégué.
Le directeur peut s'adjoindre un conseil, composé d'un président, d'un
vice-président, d'un secrétaire-trésorier et d'infirmiers, ou simplement
de quelques zélateurs qui l'aident pour le bon fonctionnement de l'asso-
ciation. (Cf. Manuels à ce sujet.)
RECEUTEMEXT
^ Pour devenir membre de la confrérie, il faut d'abord se faire recevoir,
c'est-à-dire se présenter à un Directeur et obtenir son agrément pour
être admis, puis se faire inscrire sur les registres de la confrérie.
Aucune cérémonie particulière n'est requise pour l'admission. Le
cérémonial prescrit par certains manuels est fort recommandable et doit
être maintenu où il est en vigueur, mais n'a rien d'indispensable pour
la validité de l'agrégation.
Quant au choix des nouveaux confrères, saint François de Sales con-
seille de n'admettre que ceux et celles qui, depuis un certain temps
auront mené une vie chrétienne et bien régulière. S'il ne convient pas
d'introduire des personnes reconnues publiquement comme indignes, on
doit aussi pour la même raison exclure les membres dont la conduite
deviendrait mauvaise, après leur avoir donné toutefois de charitables
avertissements.
PRATIQUES
Notons qu'aucune des pratiques de la confrérie n'est imposée sous
peine de péché, et qu'une seule est obligatoire : pour gagner les indul-
gences, chaque confrère doit réciter à genoux, une fois par semaine 5
Pater et 5 Ave, en Thonneur du Très Saint-Sacrement. Les autres pra-
tiques en usage et vivement conseillées à la piété des confrères ne tendent
qu'à leur rappeler que le Seigneur a dressé sa tente au milieu des
hommes, qu'il a été notre rançon, qu'il est notre nourriture et notre
compagnon et qu'il sera notre éternelle récompense.
On recommande ordinairement:
1° L'assistance régulière aux assemblées mensuelles.
2° L'assistance aux processions du Jeudi-Saint, de la Fête-Dieu et
du Sème dimanche du mois.
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3° L'audition pieuse de la sainte messe.
4° La communion fréquente, et spécialement réparatrice.
5° La visite quotidienne au Très ISaint-Sacrenient..
6° L'accompag'nement du Très Saint-Sacrement lorsqu'on le porte en
viatique aux malades; au moins l'adorer à genoux. Les confrères doi-
vent encore:
7° Pourvoir au développement du culte eucharistique en procurant
les objets nécessaires ou utiles à la décence et à la pompe des cérémonies
8° Protéger la confrérie et défendre les droits de Notre-Seigneur
Jésus-Christ contre les attaques de ses ennemis.
9° Payer une cotisation annuelle pour secourir les confrères indi-
gents, et faire célébrer à leur mort quelques messes pour le repos de leur
âme. Les contributions attachent à l'œuvre et lui permettent de faire
un bien visible, même d'ordre matériel.
AVANTAGES
De précieuses richesses spirituelles ont été attribuées par les souve-
rains Pontifes à la confrérie du Très Saint-Sacrement, et toutes ces in-
dulgences sont applicables aux âmes du Purgatoire. De plus chaque
membre participe aux mérites de tous les confrères de l'univers entier.
A ces avantages généraux on peut ajouter, dans chaque localité, des
avantages particuliers; et c'est ainsi qu'à certaines fêtes la confrérie de
la Minerve distribue de nombreuses aumônes.
N". B. — Au congrès de Fribourg, le K. P. Tesnière disait : " Un des
motifs pour lesquels on devrait établir partout des confréries, c'est le
précieux privilège qui leur est conféré par une ancienne bulle pontifi-
cale, d'avoir l'exposition du Très Saint-Sacrement dès qu'un confrère
entre en agonie. Si l'on savait qu'au moment de cette lutte suprême.
Celui qui a vaincu Satan, et par qui, tout à l'heure on va être jugé, est
miséricordieusement exposé sur son autel, on y trouverait un puissant
motif de consolation, d'espérance et de force." — (Cong. de Fribourg,
p. 287.)
Pourquoi ces confréries ne seraient-elles pas organisées à la manière
des anciennes corporations, qui ont exercé autrefois une si bienfaisante
action sociale? Pourquoi n'auraient-elles pas une caisse de famille, pour
procurer avec les secours spirituels les remèdes et soins du médecin aux
confrères indigents, pour verser un secours à leur veuve et à leurs or-
phelins? ou encore pour assurer une petite dot à l'occasion des mariages,
etc., etc Ces pratiques ou toute autre, inspirées par le même esprit
relieraient ces institutions modernes aux anciennes gildes, confréries ou
associations, qui ont joué un rôle immense dans les siècles de foi, et qui
ont semé autour d'elles mille bienfaits d'ordre spirituel et temporel.
Ce sont là, vivant de la Confrérie du Très Saint-Sacromont et répan-
dant sa salutaire influence, autant de moyens pour combattre ce fatal
oubli de Dieu, qui s'empare des âmes, déprime les vies par l'obsession du
— 471 —
bien-être et la recherche effrénée de la fortune et des plaisirs \insi
rentrerait dans la vie des chrétiens la salutaire pensée du Maître ado-
rable qu'ils doivent perpétuellement servir, et aimer de tout leur cœur
Le Divm Pasteur nourrira ses brebis de sa propre chair: '' Bone Pastor
pams vere ; nous serons ses commensaux ici-bas, et ses cohéritiers là-
haut.
Vœu
Je termine en reprenant le désir exprimé autrefois par le Pape Paul
Y, et en formulant le vœu que des Confréries du Très Saint-Sacrement
soient établies bientôt dans toutes les paroisses.
Le R. F. Bouhée, S. J., Directeur «général de l'Apostolat de
la Prière, succède au premier rapporteur et entretient ras-
semblée de Faction féconde qu'exerce l'apostolat de la prière,
sur le développement de la dévotion eucharistique :
li' APOSTOLAT DE LA PRIERE ET L'EUCHARISTIE
Dans la galerie royale de Venise, se trouve un tableau peint au quin-
zième siècle par Quirico da Murano. Le Christ y est représenté, selon
l'usage du temps, démesurément grand, pour s}Tnboliser sa majesté di-
vine. Il est assis sur un trône et à ses pieds se tient agenouillée une
religieuse, peut-être sainte Catherine de Sienne, morte récemment, mais
qui n'était pas encore canonisée. De la main droite Jésus-Christ pré-
sente la sainte Hostie à sa servante; tandis que, de la gauche, il écarte
les plis de sa tunique et découvre la blessure de son côté, comme pour
dire: " Cette Hostie que je te présente, c'est le gage de l'amour de mon
Cœur." (1)
Do fait, si le Christ nous a prouvé son amour, c'est bien en instituant
le sacrement de l'Eucharistie. Il n'avait pas voulu vivre avec nous,
sans mourir pour nous; mais il n'a pas voulu mourir pour nous, sans
(1) Messager d'Innspruck, juin l'JlU.
— 473 —
vivre encore avec nous. Et c'est pour rester toujours sur la terre, avec
son Corps et son Cœur de chair, qu'il a imaginé l'Eucharistie.
Ainsi tous les dévots du Sacré-Cœur sont-ils des amants passionnés
de l'Eucharistie. La Bienheureuse Marguerite-Marie eut, dès sa pre-
mière enfance, une grande dévotion envers Notre-Seigneur au taber-
nacle. Plus tard presque toutes ses révélations lui ont été faites devant
le Saint-Sacrement. Elle avait même coutume de dire : " Savez-vous
que sans le Saint-Sacrement et la Croix, la vie me paraîtrait insuppor-
table ? " Elle trouvait là, en effet, tout le résumé de la dévotion au
Sacré-Cœur: d'une part le don de soi, symbolisé par l'Eucharistie et
réalisé en elle; d'autre part, la réparation, symbolisée et réalisée par la
Croix.
Parmi les formes d'amour et de réparation qu'a suscitées, depuis deux
siècles, la dévotion au Sacré-Cœur; l'Apostolat de la Prière se présente
comme une des plus simples à la fois et des plus efficaces. Le but, en
effet, de cette ligue de zèle, est de conquérir des âmes à Jésus-Christ,
comme l'indique son nom d'Apostolat. Le moyen non pas unique, mais
principal, qu'elle emploie, est la Prière, c'est-à-dire l'union de notre âme
avec Dieu, et spécialement avec le Cœur même de Jésus, toujours vivant,
selon le mot de l'Apôtre, pour intercéder en notre faveur." Dans le
Cœur de Jésus priant, les associés innombrables de l'Apostolat de la
Prière trouvent à la fois le modèle, le stimulant et le principe d'effica-
cité de leur prière. Plus ils s'uniront à ce Cœur, plus ils seront sûrs
d'atteindre le but que, pour eux-mêmes et pour les autres, ils se sont
proposé en entrant dans cette Ligue. Mais où le chercher, ce Cœur de
Jésus priant, où le trouver avec plus de certitude et de douceur que dans
le Sacrement de l'autel ? Il était donc naturel que les associés de l'Apos-
tolat de la Prière fussent, par leur vocation même, attirés vers le taber-
nacle.
D'autre part la conquête des âmes, c'est-à-^dire l'Apostolat, ne va pas
sans la réparation. Entre les âmes coupables, en effet, et la grâce de
Dieu qui les sollicite, il y a un grand obstacle à vaincre : le péché, avec
toutes ses tristes conséquences. En détruire, en annihiler la malice ; en
faire perdre à Dieu, s'il le pouvait, le souvenir ; en empêcher au moins,
pour les hommes, les suites funestes ; voilà le but que la réparation se
propose. La communion réparatrice a encore une ambition : plus qu'à
la justice divine, qui attend une expiation pour la faute, elle s'adresse
au Cœur divin, qui attend une consolation dans ses peines. C'est à
l'endroit même où la blessure est plus sensible et plus profonde, qu'elle
vient, pieusement, verser le baume ; et sachant, par la révélation même
de îsTotre-Seigneur, que " toute sa Passion n'est rien auprès des outrages
qu'il reçoit dans ce sacrement d'amour," c'est dans l'Eucharistie, c'est
par la communion fervente et fréquente, que l'âme dévote au Sacré
Cœur pratique la dévotion réparatrice.
Ainsi, depuis le début de notre œuvre, deux raisons fondamentales ont
poussé nos associés vers l'Eucharistie: s'unir au Cœur de Jésvs priant
pour devenir avec lui et comme lui, dos intercesseurs perpétuels auprès
du Père; s'unir au Cœur de Jésus souffrant, pour réparer, par leur
— 4T3 —
amour consolateur, les outrages qu'il reçoit au tabernacle. De là, fré-
quence et ferveur du culte eucharistique chez tous les associés de TApos-
tolat de la Prière et par eux ; de là, spécialement, organisation de la
communion réparatrice parmi nos associés et propagation par eux des
cérémonies expiatrices pour le premier vendredi.
Ayant eu l'honneur de parler, durant Tinoubliable Congrès de Londres
(1908) sur un sujet analogue (1) je voudrais résumer simplement au-
jourd'hui les documents et témoignages nouveaux que le zèle de nos
associés peut fournir depuis deux ans. Encore devrais-je, pour ne pas
abuser de votre attention, réserver pour une occasion ultérieure ce qui
regarde la communion réparatrice et la célébration du premier vendredi.
Je n'exposerai donc aujourd'hui — et brièvement, si possible — que la
fréquence et la ferveur de la communion chez les associés de l'Apostolat
de la Prière.
Un des éléments de la ferveur eucharistique, dans la communauté
chrétienne, c'est le nombre même et la fréquence des communions. On
sait combien Xotre Saint-Père le Pape Pie X a insisté sur ce point.
L'écho de ses leçons ne cesse d'être propagé par tous les organes de presse
qu'actionne ou inspire l'Apostolat de la Prière. Il y a quatre ans à
peine, nous proposions comme intention générale à nos associés le "Com-
munion fréquente." L'an dernier (juin 1909), c'était, plus explicitement
l'esprit et avec la bénédiction spéciale de I^otre Saint-Père le Pape.
Quantité de livres, de brochures, de tirés à part, ont dans tous les pays
et dans toutes les langues, prolongé ces mêmes renseignements.
La direction générale de l'Apostolat de la Prière, a édité, au début de
1910, un tract populaire de quatre pages, " Le pain de chaque jour," qui
résume d'une manière substantielle et très claire la doctrine de la Com-
munion quotidienne et réfute, par des réponses concises, les principales
objections répandues parmi les fidèles. Cent mille exemplaires de ce
tract ont été enlevés rapidement; des évêques et des prêtres éminents
l'ont chaleureusement recommandé et il a été, dès son apparition, traduit
dans les principales langues. Un recueil très pieux de prières anciennes
et modernes pour la Communion, vient au?pi d'être publié par nos soins
et les quatre mille exemplaires de la première édition s'écoulent à l'heure
actuelle, avec rapidité.
Nos trente-huit Messagers du Cœur de Jésus, selon les moyens dont
ils disposent, propagent partout la même doctrine: quelques exemples
prouveront leur zèle. Il est admis, par exemple, que dans certains dio-
cèses d'Allemagne, la diffusion de la Communion quotidienne rencontre
encore beaucoup d'obstacles. Mains notre messager allemand (édité à
Innspruck) compte sur ses cinquante mille abonnés, sur ses zélateurs et
zélatrices pour combattre cet état d'esprit. Par les soins de son direc-
teur il a mis en circulation toute une série de brochures qui n ont d«
(1) Voir compte-rendu du XIXe congrès eucharistique Intomational. (Ix)ndon
Sands & Co) Eucharistie and Apostleship of Frayer pp. 489-599.
— 474 —
comparables que les admirables opuscules français du E. P. Lintelo, et
qui sont en train d'obtenir le même succès. L'une, en particulier, Auf
zun Tische des Ilerrn, peut être appelée un petit chef-d'œuvre. Elle
s'adresse tout spécialement aux jeunes gens et aux jeunes filles. Ainsi
font en Angleterre les pamphlets et les articles sur la communion quo-
tidienne que publie incessamment le E. P. de Zulueta, un des rédacteurs
du Messager : la doctrine y est représentée d'une manière très nette sous
une forme facilement saisissable, avec cet air pittoresque dont les An-
glais seuls savent revêtir tout ce qu'ils touchent.
Ailleurs on a préféré s'adresser aux prêtres. C'est ainsi qu'aux Etats-
Unis d'Amérique, grâce au zèle d'une fervente et généreuse associée,
chaque prêtre a reçu gratuitement un exemplaire de l'ouvrage du Père
Lintelo, le " Triduum eucharistique," dans sa traduction anglaise. Pour
le dire en passant, du reste l'ardeur de cette dévouée zélatrice ne s'est
pas arrêtée là. Son initiative a donné naissance à côté de l'Apostolat de
la Prière et avec l'aide de nos messagers, à toute une œuvre de propa-
gande eucharistique, pour laquelle Son Eminence le cardinal Merry del
Val vient de lui adresser au nom du Saint-Père lui-même une lettre de
félicitation et d'encouragement.
Mais parmi nos publications eucharistiques les plus efficaces, il faut
compter assurément nos billets mensuels simples et modestes feuillets de
quatre pages sur lesquels repose en grande partie l'organisation métho-
dique de notre œuvre. Chacun de ces billets porte quatre invitations à
la communion pour le même mois et la même personne. Sans doute,
plusieurs restent sans réponses, car ils s'adressent à des associés du pre-
mier degré, engagés seulement à l'offrande quotidienne de leurs actions ;
mais d'autres, en revanche s'adressent à des âmes d'élite qui vont jusqu'à
la communion .quotidienne ; le plus grand nombre atteint les associés du
troisième degré, enrôlés dans les séries soit mensuelles, soit même heb-
domadaires, de la communion réparatrice. Il n'est donc pas téméraire
de dire que chacun de nos petits billets distribués représente au moins
deux communions dans le mois. D'après ce calcul, les 750,000 billets
édités par le seul messager français donneraient, comme minimum men-
suel un million et demi de communions. Et grâces à Dieu, ce n'est pas
tout, puisque nos autres messagers rivalisent, là aussi, avec l'organe de
la direc-tion générale. Le Messager Irlandais par exemple a un tirage
de 262,500 billets; le Messager Espagnol autant. Le Messager Cana-
dien édite pour les associés des deux langues 480,000 billets mensuels et
les chiffres sont encore plus élevés pour le Messager des Etats-Unis.
Aussi la réponse des faits ne tarde pas à se faire entendre. C'est de
toute part que nos directeurs signalent le grand élan vers la sainte Table,
communiquée aux âmes par l'Apostolat de la Prière. Nous ouvrirons
seulement les deux dernières années de nos messagers et nous nous con-
tenterons pour ne pas allonger démesurément ce rapport d'y glaner
quelques témoignages.
Dans cette France si violemment opprimée par l'impiété, mais oii la
vieille foi catholique continue à produire des œuvres si vivantes, a en-
fanté tant de générosité et de dévouement, nos directeurs signalent des
— 475 —
divers côtés, l'influence exercée par l'Apostolat de la Prière sur la con-
servation, la restauration ou le développement du culte eucharistique.
A Xice, Mgr lauch, vicaire général, constate, qu'en répandant ou en
ressuscitant notre Ligue, il a provoqué une recrudescence de commu-
nion (1) En Vendée, M. le chanoine Poissant écrit dans la Semaine
Catholique de Luçon que l'Apostolat de la Prière réveille la vie de foi ;
ce réveil se manifeste par un accroissement admirable dans le nombre
des communions mensuelles, hebdomadaires ou quotidiennes, et cela non
seulement dans les paroisses très chrétiennes, mais dans telle paroisse
populeuse où le nombre des communions pascales n'arriva pas à 300 et
où le nombre des communions dans une année s'élève à 3,000 (2).
En Auvergne, le curé d'une petite paroisse constate que, malgré la
piété des habitants on hésitait pour la communion fréquente. Depuis
qu'il a établi l'Apostolat de la Prière " beaucoup de fidèles se sont fait
inscrire pour la communion quotidienne. (3)"
Tout près de Paris, le curé de la Garenne Colombes observe que
l'Apostolat de la Prière, oriente la piété des fidèles vers le Sacré-Cœur
et l'Eucharistie. (4) A Montauban, à Eouen, à Lyon, à Toulouse et ail-
leurs nos directeurs trouvent parmi les zélateurs, zélatrices et associés
de l'Apostolat de la Prière, les meilleures recrues pour l'œuvre de l'ado-
ration réparatrice, pour la garde d'honneur, pour l'heure sainte, pour
l'œuvre des tabernacles, comme aussi les plus assidus convives de la
Table Eucharistique. Du reste les associés français ont donné ime
preuve admirable de leur piété eucharistique à l'occasion du jubilé de
Lourdes (1908). Nous les avions conviés alors à une croisade de com-
munion réparatrice. Le nombre des inscriptions reçues a dépassé
600,000. Encore quelques personnes trouvant cette croisade toujours
opportune ont-elle spontanément voulu la continuer en 1909. Une seule
communauté religieuse nous a adressé pour cette année la promesse de
6,558 communions. (5)
Ces chiffres disent bien quelque chose, mais que sont-ils. quand on les
compare à ceux que peuvent mettre en avant les associés canadiens de
l'Apostolat de la Prière? Dans cette terre bénie, qui a gardé la foi vi-
brante de l'ancienne France, les Fêtes actuelles entourent le Saint-
Sacrement de tant de vénération et de gloire h la fois, que la splendeur
de ses hommages n'a pas encore été égalée en ce monde et ne pourra sans
doute jamais être surpassée que dans l'autre. A la préparation de ces
Fêtes les Ligueurs du Sacré-Cœur ont apporté magnifiquement leur con-
cours. Zélateurs et zélatrices ont organisé d'un bout à l'autre du pays
ce geste qu'un poème sublime serait seul digne d'immortaliser, et qui.
allant cueillir jusqu'aux extrémités de la terre canadienne les gerbes et
(1) Rapport au cotigrès des directeurs diocésains de l'Apostolat do la Prière.
Paris 9-11 août 1910.
(2) Semaine catholique de Luçon, novembre 1909.
(3) Messager du Coeur de Jésus, juin 1900.
(4) Messager du Coeur de Jésus, février 1910.
(5) Messager du Coeur de Jésus, juin 1910.
— 476 —
les corbeilles de fleurs les a, pour la procession triomphale, dressées en
bouquets ou répandues en jonchées odorantes sur le passage de Jésus-
Hostie.
Avec cette moisson de fleurs visibles, nos Ligueurs et nos associés ont
envoyé au Congrès, le faisceau magnifique de leurs 61 millions de
bonnes œuvres, spécialement offertes dans l'année, et parmi lesquelles
nous relevons un million et demi de communions.
Pour aboutir à de tels résultats, il faut un long entraînement, c'est-à-
dire une ferveur invétérée et habituelle dans la fréquentation de l'Eu-
charistie. Nos directeurs vous diront et les deux Messagers canadiens
racontent, avec quel succès, ici, comme ailleurs, l'Apostolat de la Prière
achemine les associés vers la Table Sainte. Il n'est pas rare de trouver
en un seul mois dans le trésor du Cœur de Jésus publié par le Messager
Canadien plus d'un demi-million de communions.
Entre mille traits, un petit exemple : A Wikwemikong (Ontario), sur
982 habitants on compte actuellement 500 associés de notre ligue. Or,
il y a eu dans le cours d'une seule année (1er août 1908 à 1909) un total
de 25,000 communions, soit une moyenne de plus de 2,000 par mois. Si
on compare ce chiffre à celui de la population, on trouvera la proportion
assez éloquente.
Nous ne pouvons passer en revue tous les pays du monde où fleurit
l'Apostolat de la Prière. Nous ne ferons donc que mentionner cette
catholique et vaillante Espagne oiî l'on voit des merveilles comme ceci :
Un village de Navarre, Murchante, compte 1300 personnes en âge de
communier parmi lesquelles 1065 sont enrégimentées dans les quinzaines
de l'Apostolat de la Prière. On y a donné, en une seule année, 90,200
communions, et on voit chaque jour plus de 200 personnes s'approcher
de la Table sainte. L'Irlande où la seule ville de Dublin voit chaque
mois 5,000 hommes recevoir la communion et la Pologne où ce nombre
est encore dépassé; c'est dans ces deux pays pour le dire en passant, que
des brochures périodiques de forme et de prix tout à fait populaires ré-
pandent le plus profondément et le plus loin les enseignements du Pape
sur l'Eucharistie. Le Portugal, l'Italie, toute l'Amérique latine et
chacun des pays qui la composent nous fourniraient des témoignages
qu'il faut malheureusement laisser de côté. Mais il y a deux milieux
spécialement où l'Apostolat de la Prière semble plus qu'ailleurs encore
apte à stimuler la ferveur d'amour envers le Saint Sacrement: ce sont
les écoles ou collèges et les pays de mission.
Dans les collèges, grâce à nos billets mensuels, il est facile aux jeunes
zélateurs ou zélatrices d'organiser des séries de communions : tantôt,
comme dans les écoles des Petits Frères de Marie, et dans beaucoup de
pensionnats pour jeunes filles, les maîtres et les maîtresses prennent la
tête du mouvement, aident à l'organisation des séries par sept ou par
trente, c'est-à-dire pour la semaine ou pour le mois, tantôt les enfants,
au contraire, ont toute l'initiative et le mérite de l'organisation. Nous
avons vu et les messagers l'ont signalé durant ces deux ans des merveilles
de générosité accomplies par amour pour Jésus-Hostie, par de petites
âmes de douze ou quinze ans. En voici seulement quelques exemples:
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Dans le nord de la France, un maître d'école, voulant installer chez
lui l'Apostolat de la Prière, s'est contenté d'en parler à quelques enfants.
Bien entendu, il les avait choisis parmi les mieux disposés. Ces petits
zélateurs, entrant aussitôt en campagne, ont eux-mêmes organisé des
" semaines " de communion réparatrice au groupe de sept communiants
qui ont à leur tour fait boule de neige. Au bout de quelque temps les
zélateurs primitifs avaient si bien fait, qu'au lieu d'être à la tête d'une
"semaine"' ou d'une dizaine de communiants, chacun d'eux avait sur
ses listes vingt, vingt-cinq et jusqu'à trente associés fidèles aux pratiques
de l'Apostolat de la Prière. C'est alors qu'ils obtinrent de rinstitutcur
l'érection canonique de notre ligue dans cette école.
Dans un collège français, établi sur la frontière belge, deux petits
jeunes gens de treize à quatorze ans se sont faits les organisateurs de la
communion réparatrice. Ils ont commencé à grouper quelques condis-
ciples, désireux comme eux de consoler Notre-Seigneur. Quand on a eu
constitué deux " semaines " complètes de communiants, bien zélés, on a
établi l'Apostolat de la Prière avec ses trois degrés et. actuellement
d'autres groupes de communiants sont en formation. Pour ne pas
oublier, pendant les vacances, la préparation promise au Cœur de Jésus,
on a décidé de s'envoyer, avec un mot de rappel, les petits billets de
l'Apostolat.
Ailleurs, dans un collège d'enseignement secondaire, on devait partir
pour les vacances par un train si matinal, qu'on avait cru plus prudent
de supprimer la messe ce jour-là pour les élèves. Un petit zélateur de
la communion réparatrice va trouver son surveillant, et demande en
grâce la permission de se lever à trois heures et demie du matin pour
assister et communier à l'une des messes que les professeurs disaient à
cette heure. La promesse obtenue, il s'empresse d'en avertir les plus
fervents de ses condisciples qui se hâtent de solliciter aussi. Et voilà
comment, le lendemain, avant l'aurore, silencieux comme des conspi-
rateurs, ces bons enfants laissaient leurs camarades endormis au dortoir
et dérobaient une heure à leur sommeil, pour ne pas omettre la commu-
nion le premier jour de leurs vacances.
Si, dans les pensionnats, la routine et l'entraînement ne sont pas
étrangers à l'assiduité de quelques-uns à la sainte Table, il faut recon-
naître que la routine ne fut pour rien dans cette communion mati-
nale. (1)
Du reste, voici ce qu'écrivait le directeur d'une école apo>tolii|ue. Ces
paroles montrent que la fréquence des communions, parmi les jeunes
associés de l'Apostolat de la Prière n'en diminue point la ferveur: " En-
rôlés dans les quinzaines de l'Apostolat de hi Prière, nos enfants prati-
quent le trésor du Sacré-Cœur, c'est-à-dire le relevé des actions faites
chaque jour en union avec le Cœur de Jésus. Il y a émulation entre
eux; ce travail d'examen particulier les force à s'étudier, à se surveiller,
à se corriger, pour plaire au Sacré-Cœur de Jésus. Il y a effort et dès
lors, fécondité qu'avive et parfait la sainte et fréquente communion.
fl) Messager, juin 1
onn
— 478 —
Un de nos enfants écrivait dernièrement :
" J'ai vécu quelques années sans comprendre l'importance de la com-
*' munion. Chez nous, on fait sa première communion et puis, on ne
" communie plus qu'aux grandes fêtes. Comme j'ai mieux compris ici,
" ce qu'était la sainte communion. Au commencement je ne pouvais
" me faire à cet usage, et je trouvais exagéré de voir les anciens e'ap-
" procher journellement de la sainte Table. Et puis, je me disais, qu'un
" petit ver de terre comme moi, ne méritait pas de s'approcher si souvent
" du Maître. Mais les anciens, dans les promenades, m'ont bien fait
" comprendre qu'il fallait communier parce que nous en avons besoin.
" Maintenant je ne puis plus me passer de la communion quotidienne,
" et si j'étais privé de la communion, mon âme souffrirait de cette pri-
" vation, comme mon corps souffrirait d'un jeûne forcé."
Un autre de nos plus jeunes enfants, fidèle habitué de la communion
quotidienne nous écrivait:
" S'il n'y avait pas la sainte communion qui relève mes forces, ce
" serait à décourager. Je ne puis supporter une remarque : on me fait
" une taquinerie, tout de suite, il faut que je me fâche. Les remarques
" sont pour moi des pilules très difficiles à avaler."
" Oh ! j'ai bien besoin du Bon Dieu, on me dit que l'on ne peut rien
" sans la grâce de Dieu, cela, je le crois, je le sens. Aussi je communie
" pour avoir cette grâce. Je communie tous les jours pour l'avoir plus
" abondante. J'espère que peu à peu avec cette grâce je ferai diminuer
" le nombre de mes défauts." (1)
Les mêmes témoignages se retrouvent chez des écoliers moins privi-
légiés de la grâce que les apostoliques. Dans un collège secondaire un
élève bien loin d'être parfait faisait cet aveu :
" La communion m'a changé, je ne me sens plus le même. Jésus
m'aide à travailler, et à devenir charitable. Quand le démon me tente,
je pense à Jésus-Hostie que j'ai reçu dans mon cœur. La tentation cesse
vite, le démon est vaincu.
" Voilà plusieurs semaines que je communie chaque jour. Que j'en
suis heureux ! Je ne retombe plus dans les fautes graves dans lesquelles
je retombais si souvent autrefois, la communion m'a sauvé."
Mais l'action de l'Eucharistie se manifeste parfois plus sensiblement
encore. La présence du Maître se révèle à des signes peu équivoques ;
un des plus sûrs, est la vocation religieuse et sacerdotale.
A Travnick (Bosnie), pendant dix ans aucune vocation. Enfin en
1907, grâce à la communion quotidienne, deux élèves entrent au noviciat
de la Compagnie de Jésus et quatre en 1908.
Au petit séminaire de Mariaschein (Bohème), les élèves renonçaient
en grand nombre à leur vocation. Or en 1908, sur seize élèves de la classe
supérieure un seul renonce aux ordres. Il est vrai que la communion
( 1 ) Petit Messager, novembre 1909.
— 479 —
quotidienne a été mise en honneur, mais le plus bel exemple peut-être
est donné par le collège Saint-Joseph de Trichinopoly. Là, fleurit de-
puis longtemps l'Apostolat de la l'rière. Là aussi la communion quoti-
dienne est mise en pratique depuis vingt ans.
Les adhérents du troisième degré de l'Apostolat de la Prière s'en-
gagent à communier, pour le moins deux fois par semaine et en fait
communient presque tous chaque matin.
Cette habitude de la communion ne cesse, dit un missionnaire, de
transformer l'âme de nos étudiants. A l'encontre des chrétiens ordi-
naires qui sont ici superstitieux, étroits, mesquins, attachés à leur caste,
nos jeunes gens et ceux qui, comme eux, communient souvent, sont
animés d'un esprit nouveau. Ils abhorrent tout ce qui se ressent, même
de loin, du paganisme et se préoccupent de tout ce qui touche aux âmes,
sans préjugé de caste.
Avec la même joie, dans l'école normale de Fianarantsoa (Mada-
gascar), on constate l'élan de jeunes âmes malgaches vers l'Eucharistie.
Aux 100 ou 110 élèves de cette école on a distribué en un seul mois
2,365 commimions, soit une moyenne de 22 à 2.3 par élève.
Ces deux derniers exemples nous amènent dans le pays des missions.
Là les fruits eucharistiques de l'Apostohit de la Prière sont, pourrait-on
dire, merveilleux.
Des rapports sur la commimion au Kiang-lSTan, nous extrayons ces
lignes :
La communion réparatrice est en honneur ici, surtout le premier
vendredi du mois, dans les centres particulièrement, où des centaines
de personnes s'approchent ce jour-là de la sainte Table. Grâce au zèle
des associés du troisième degré, le décret de Pie X sur la communion
fréquente et quotidienne fait d'année en année sentir ses heureux effets
au Kiang-N'an.
" Voici quelques chiffres qui indiquent la progression croissante des
communions en ces dernières années :
Année 190G 569,000 communions de dévotion
" 190T 615,000
1908 767.000 " "
" 1909 858,000 " "
" Les Carmélites de Zi-Ka-Wei, qui nous fournissent les pains d'autel
pour Zi-Ka-Wei, Shanghaï et les sections voisines de cette ville, ont fa-
briqué un nombre croissant d'hosties depuis trois ans surtout. On dit
que les sœurs chargées de ce travail en sont devenues malades de fatigue.
Heureuse fatigue, heureuse maladie à la gloire de Jésus-ITostio 1
" Il y a donc, en ces dernières années, dans la mission, une forte im-
pulsion vers la communion. Au grand et au petit séminaire et dans les
pl
nombre qui le font tous les jours."
— 480 —
Au Seng-Mon-Yen, maison des auxiliatrices du purgatoire, l'Apostolat
de la Prière est florissant et Ton a un certain nombre de communions
quotidiennes. (1)
Mgr Chouvellon, vicaire apostolique de Su-Tchuen oriental, ' nous
écrivait :
'• L'Apostolat de la Prière m'a été d'un grand secours pour préparer
tant le clergé que les fidèles à la communion fréquente et quotidienne
tant recommandée par le Pape Pie X. Le nombre des communions a
presque doublé depuis l'établissement de l'Œuvre; et c'est merveille de
voir comme en peu de temps, certains districts ont été entièrement re-
nouvelés, quand le missionnaire a voulu établir solidement, et méthodi-
quement l'Apostolat et surtout la communion réparatrice. C'est donc
surtout à la communion réparatrice que je me suis attaché: à partir de
cette année, chaque missionnaire qui a un centre devra me noter les com-
munions réparatrices de l'année. Je ne puis vous dire tout le bien que
l'Apostolat de la Prière a valu à ma mission, le renouveau de ferveur
envers le Sacré-Cœur et le Saint-Sacrement qu'il y a produit." (2)
Au témoignage des missionnaires de Chine, ceux d'Amérique viennent
s'ajouter pour dire avec la même reconnaissance quelle influence heu-
reuse a eue sur la vie eucharistique de leurs chrétiens l'Apostolat de la
Prière.
" Il y a plus d'un an que nous sommes ici, nous écrit un missionnaire
de Honduras, et nous aurions eu bien des sujets de découragement. . .
" Un jour, dans une de mes courses apostoliques, j'arrivai à un village
ou plutôt dans un groupe de villages pour y ouvrir une école. J'ap-
portais une petite statue du Sacré-Cœur.
" Dès le premier soir, l)ien que j'eusse préparé un tout autre sujet de
sermon, voilà que durant la prière je me déterminai à expliquer devant
mes gens l'Apostolat de la Prière. Je le fis, et le résultat fut merveil-
leux. Tous les assistants vinrent, après le sermon, se faire inscrire
comme associés et beaucoup s'engagèrent à la pratique des trois degrés.
'•' Aux Pâques précédentes, quatre de ces pauvres gens avaient accompli
leur devoir. Or, ils ont pris tellement à cœur les pratiques de notre
ligue et y restent si fidèles, que j'ai depuis lors de quarante à cinquante
communions chaque mois à cet endroit.
" Ce succès m'encouragea à tenter l'établissement de l'Apostolat à
Benque-Viégo. Je fis une neuvaine préparatoire à la fête du Sacré-
Cœur, me proposant d'expliquer chaque soir la nature et les avantages
de l'Apostolat de la Pi'ière.
" L'auditoire était lamentable. Le huitième jour, j'étais absolument
découragé et dégoûté. Dès le dernier jour de la neuvaine un jeune
homme se présente pour entrer dans la Ligue. Je le nomme tout de
suite zélateur et il se met à l'œvre courageusement.
"Le jour de la fête du Saeré-C(Piir nous inscrivions déjà plusieurs
associés.
fl) Messager, mai 1910.
(2) Petit Messager, juillet 1010.
--481 —
" Et maintenant, la Ligue compte là plus de 400 membres. L'année
de notre arrivée il n'y avait que 40 personnes qui fissent leurs Pâques à
Benque-Viégo. Actuellement nous avons de 60 à 80 communiants tous
les premiers vendredis du mois." (1)
Dans TAlberta (Canada), le R. P. Balker, directeur du Messager en
langue Cri, continue à répandre parmi ses Indiens la dévotion au Sacré-
Cœur et la pratique de la communion fréquente et quotidienne. La petite
paroisse de Sacred Heart, nous écrit-il, ne dépasse pas 200 âmes dissé-
minées à une grande distance de l'Eglise. Je leur ai prêché le grand
moyen de salut, la communion des neuf premiers vendredis. Dix-huit
de ces pauvres Indiens (dix femmes et huit hommes) ont aujourd'hui
mené à bonne fin une série des neuf premiers vendredis. Quelques-uns
de ces braves gens avaient deux ou trois lieues à faire (et par quel temps)
pour venir communier. Xos enfants d'école ayant entendu parler de la
communion quotidienne, se sont trouvés au comble du bonheur; ils sont
une cinquantaine et depuis longtemps tous ceux qui étaient en âge de
communier s'approchaient de la sainte Table le premier vendredi.
Actuellement la communion quotidienne est devenue pour plusieurs
d'entre eux une nécessité. Tous les soirs je me mets à leur disposition
pour la confession et chaque matin, nous avons de vingt à vingt-huit
communions d'enfants. Ainsi Jésus attire nos Indiens par son Cœur
et sur son Cœur. Et c'est bien consolant pour le missionnaire, de voir
ces pauvres enfants des bois répondre si fidèlement à l'amour de leur
Sauveur. (2)
Il n'en est pas autrement en Afrique.
Le R. P. Delom, supérieur général de la mission de Madagascar
central, nous écrivait le 1er septembre 1909:
" L<^ premier vendredi du mois est célébré dans tous nos centres
comme une fête. La moyenne des communions dépasse ce jour-là nota-
blement la centaine. Il y a des missionnaires qui ont 200. 250, 300
communions et même plus à l'occasion du premier vendredi. Tout porte
à croire que ce chiffre ira croissant. Déjà au 31 juillet 1909, nous avions
115,000 communions de plus (|u"en 19(iS au 31 juillet. C'est à l'Apos-
tolat do la Prière surtout que nous sommes redevables de cette augmen-
ttion. Grâce à la même œuvre elle progressera."' (3)
Ainsi donc, partout à rétablissement do l'-Xpostolat do la Prière, cor-
respond une augmentation de vie eucharistique. Les faits viennent de
vous le montrer!^ Ils sont ce que pourrait faire espérer la nature même
de notre œuvre qui. sans être à proprement parler une œuvre eucharis-
tique, doit, par l'esprit do réparation et de zèle qu'elle inspire :i nos
associés, les conduire infailliblement à la communion.
Avant de clore un rapport beaucoup trop long, et où n'entrent que
quelques faits choisis au milieu do beaucoup d'autres dont je ne puis rion
(1) Petit Messager, jnill.t 1!»00.
(2) Messager, janvier 1901).
(3) Messager, décembre rJOU.
16
•^-483 —
dire, je me permets de proposer à rapprobation du Congrès le vœu
suivant :
Considérant les fruits, que l'Apostolat de la Prière sérieusement pra-
tiqué produit pour Je salut des âmes, par le culte et l'amour du Saint-
Sacrement, le Congrès exprime le vœu que cette association simple, fé-
cande, et dont l'existence se concilie très bien avec les autres œuvres ou
confréries pieuses, soit établie dans toutes les paroisses, communautés,
écoles et toute œuvre catholique. En vue de favoriser le recrutement
de directeurs vraiment zélés, absolument nécessaires au succès de l'œuvre,
il se permet d'insister auprès des autorités compétentes pour que les
élèves des grands séminaires soient instruits avec soin de la nature, et
de l'organisation de cette association."
* *
Le troisième rapport est présenté par le 7^. P. Ange-Marie
HirdL des Frères Mineurs Franciscains de Montréal.
LES TIERS-ORDRES ET LA COMMUNION
N". B. — Malgré la généralité du titre on me permettra, dit le Eap-
porteur, pour plus de précision de m'en tenir à l'étude du Tiers-Ordre
que naturellement je connais le mieux, celui de saint François; ce Tiers-
Ordre d'ailleurs étant le plus notoire et le plus répandu, les conclusions
pourront, par analogie, s'appliquer aux autres Tiers-Ordres.
Les Tertiaires de saint François dans leur dévotion à la Sainte
Eucharistie peuvent se laisser guider par l'esprit de leur Père séraphique
qui est un esprit d'amour.
La définition du Tiers-Ordre nous indique déjà le besoin qu'il a de
l'Eucharistie en général et de la Sainte Communion en particulier.
Le Tiers-Ordre en effet, est un état de vie qui ])orte ]e.s âmes à la per-
fection chrétienne par la pratique des commandements sous une Eègle
approuvée par l'Eglise.
Or, il est impossible d'atteindre la perfection de la vie chrétienne que
le séraphique législateur propose à ses adoptes comme l'idéal même de
leur Ordre, sans cet Aliniciit Divin qui nourrit au milieu de l'Eglise le
foyer inextinguible d'où jaillit la vie.
1 .
— 483 —
Il le savait, celui qui, inspiré de Dieu et envoyé par Lui, devait ra-
nimer sur la terre le feu de la charité qui s'éteignait, aussi il chercha à
faire passer dans l'âme de ses enfants son amour de Séraphin pour le
Sainte Eucharistie. Son esprit, il le manifesta dans la lettre même de
sa Eègle.
11 ne faut cependant pas se contenter de posséder la lettre pour com-
prendre cet esprit. On peut appliquer à tout fondateur d'Ordre ce qui
a été dit du Grand Patriarche de la vie monastique en Occident : " Si
vous voulez connaître Benoît, lisez sa Règle, mais si vous voulez con-
naître sa Eègle, lisez sa vie."
Les Tertiaires de saint François dans leur amour de la Sainte Eucha-
ristie et dans les pratiques de piété envers cet adorable Sacrement peu-
vent en toute assurance se laisser guider par l'esprit de leur Père et de
leur Ordre.
Si le Diacre d'Assise n"a pas gravi le dernier degré de l'autel et ne
s'est pas cru digne du Sacerdoce, n'est-ce point par respect et par amour
du Très Auguste Sacrement dont il comprenait l'ineffable grandeur?
Mais il ne s'en éloignait pas, sentant le besoin qu'il avait de Lui. Comme
il l'a aimé, son Jésus, celui qui porta sur la terre un cœur brûlant de
Séraphin ! aussi dans sa courte existence a-t-il entrepris avec ardeur
toutes les œuvres eucharistiques: construction d'églises, œuvres des ta-
bernacles, œuvres des hosties, entretien des linges et des vase.< sacrés;
son zèle ne craint pas de s'adresser aux Prêtres eux-mêmes pour leur dire
avec quelle révérence ils doivent traiter ce Fils de Dieu qui par amour
pour nous s'est fait notre nourriture et le compagnon de notre exil.
Aussi quelle n'est pas la famille qu'il forme! La Vierge Claire insé-
parable de l'ostensoir, sa force et sa protection; le docteur séraphique
saint Bonaventure, chantre de l'Eucharistie; Antoine de Padoue dont
la foi fait fléchir devant l'Eucharistie et les genoux de la mule affamée
et le cœur endurci des hérétiques; enfin, de peur que l'énumération ne
soit trop longue, c'est un de ses enfants, humble frère convers. "celui
qui parmi tous les saints dévoués à l'Eucharistie tient le premier rang?'
(Léon XIII, Provideniissimus Deus) que l'Eglise nommera le P-vtrox
SPÉCIAL DES COXGRÈS ET DE TOUTES LES ŒuVRES EuCIIARISTIQUI-S IMiK-
SENTES ET FUTURES : j'ai nommé saint Pascal Baylon.
La dévotion et l'amour de saint François d'Assise pour la Sainte
Eucharistie ont passé dans sa famille religieuse: ils ont traversé tous les
siècles, pénétré les nombreuses générations qui se sont succédé ilurant
sept cents ans, enfantant des docteurs et des martyrs, des contemplatifs
et des actifs, petits et grands, sur les trônes et dans les chaumières, tous
le cœur et les mains tournés vers le Prisonnier d'amour df nos taber-
nacles.
Cet esprit n'a rien penlu de son intensité et de sa fone dans la lon-
gueur des âges qu'il a dû traverser; il est de nos jours encore tout aussi
profond et tout aussi fécond, tout aussi puissant et tout aussi agissant.
Je dois vous le montrer, vous vous y attendez.
Il m'est nécessaire de restreindre mon cadre et de no vous montrer
qu'un détail de ce grand tableau : je me contenterai de vous présenter
l'un des Trois Ordres fondés par saint François, le froisiènie. dans sa
Vie Eucharistique.
— 484
II
Les Tertiaires trouvent dans leur Règle les directions les plus pré-
cieuses pour leur dévotion envers la Sainte Eucharistie et particuliè-
rement pour la Sainte Communion.
*
Le Tiers-Ordre de saint François, par sa Kègle, devient une école de
dévotion envers la Sainte Eucharistie. Cette Règle demande en effet
l'assistance à la Messe quotidienne (Ch. II, § 11.) autant du moins qu'il
est possible selon les devoirs d'état de chacun.
Cette assistance à la Sainte Messe en semaine a été souvent envisagée
dans les Congrès Eucharistiques tant au point de Thonneur dû au Dieu
qui descend sur nos autels et qui bien souvent, hélas ! ne trouve dans son
temple aucun adorateur pour le recevoir Lui et les grâces abondantes
qu'il apporte du Ciel — qu'au point de vue de la sanctification person-
nelle par l'assistance quotidienne au Sacrifice de la Messe, — soit enfin
comme une réparation pour tant de péchés commis par l'abstention de
la Messe obligatoire. Ce triple point de vue est respecté par le Tertiaire
qui, fidèle à sa Règle, assiste tous les jours, autant qu'il le peut, au
Saint- Sacrifice.
La Sainte Communion est la plus intime participation à la Sainte
Messe. La Règle du Tiers-Ordre invite à la Communion fréquente : in-
directement en invitant à l'assistance quotidienne de la Messe, directe-
ment en fixant un minimum de Communions que la ferveur, en
croissant, fera augmenter de plus en plus, jusqu'au terme, la Commu-
nion quotidienne.
Ceux qui comme vous, M. M..., s'intéressent tout particulièrement
au mouvement eucharistique ont depuis longtemps constaté que la
Sainte Communion est devenue progressivement de plus en plus fré-
quente surtout chez les hommes. J'ose affirmer sans crainte d'être
contredit que l'extension du Tiers-Ordre de saint François tant recom-
mandé par les Souverains Pontifes qui ont gouverné l'Eglise en ces
derniers temps, n'est pas étranger à ce mouvement progressif. Le
Tiers-Ordre n'aurait-il produit que ce résultat qu'il faudrait en remer-
cier et en bénir la Providence.
La Règle encore recommande au Tertiaire de veiller à ce que les ma-
lades ne meurent pas sans le Sacré Viatique (Chap. 11 § 13.) Si la F.-.
M;., sentinelle infernale, veille pour que le Dieu des miséricordes et du
pardon soit écarté du chevet des mourants, le Tertiaire doit être, lui,
l'angf introducteur qui ménage cette dernière rencontre de Dieu et de
l'âme sur la terre avant la rencontre du Tri})unal suprême.
Pour les autres Œuvres Eucharistiques, j'en appelle à MM. les Curés,
à MM. les Directeurs. Quels sont les adorateurs les plus assidus, les
assistant.-; les plus constants aux processions du Tirs Saint-Sacrement?
Les Tertiaires. Que M. le Directeur de l'Adoration Nocturne à Montréal
— 485 —
nous dise quel est le centre de recrutement le plus fécond de ses admi-
rables adorateurs? n'est-ce pas la Fraternité du Tiers-Ordre?
Ces fraternités ont toutefois à Montréal une Œuvre particulière d'Ado-
ration. Les Souverains Pontifes ont acordé une indulgence plénière
tous les mardis, en l'honneur de saint Antoine, à ceux qui prient devant
le Très Saint-Sacrement exposé dans une église franciscaine. Tous les
mardis, le Très Saint-Sacrement est donc exposé dans notre chapelle à
l'adoration des fidèles, et les diverses Fraternités du Tiers-Ordre vien-
nent tour à tour présenter leurs hommages au divin Koi et monter près
de son trône la Garde d'honneur.
Je ne parle pas des Tertiaires Régulières ou Franciscaines, dont plu-
sieurs Congrégations et notamment les Franciscaines Missionnaires de
Marie, ont dans chacune de leurs maisons, au fond de la Chine, du Japon
ou des Indes aussi bien qu'en Europe et en Amérique, l'adoration per-
pétuelle du Très Saint-Sacrement. Qui nous dirait les grâces de
conversion qui sortent de l'Hostie Sainte perpétuellement adorée et
priée !
III
Ce que pratiquement font les TeHiaires. Statistiques fournies par
les Fraternités de Montréal.
Je n'ignore pas qu'un rapport est toujours plus intéressant et ses con-
clusions plus fortes, quand, à l'appui des théories, le rapporteur peut
fournir des chiffres.
A l'intention du présent rapport il a été fait une enquête, un peu
délicate, et qui à cause de cela même n'est peut-être pas aussi complète
que nous l'aurions voulu, mais qui cependant nous donnera une idée de
la vie eucharistique parmi nos Tertiaires de Montréal. Il a été demandé
à chacun combien de fois il pouvait assister h la Sainte Mes^e en semaine
et y faire la Sainte Communion. A'oici quel a été le résultat.
Tout d'abord il faut faire une distinction entre les hommes et les
femmes; les premiers n'ont pas la même piété que le "sexe pieux": il
faut dire aussi qu'ils n'ont pas les mêmes loisirs. Et cependant combien
d'ouvriers admiral)les qui sont fidèles à la Sainte Messe avant le travail.
POUR LES HOMMES TERTIAIRES:
25% entendent la Messe chaque jour et y font la Sainte Communion.
24% font la Communion fréquente.
28% la Communion hebdomadaire.
Enfin 23% la plus petite portion ne font (pie la C'ommunion .'^onii-men-
suelle. Ceux qui se contentent de la Communion strictement nien.'suelle
sont très rares eï leur nombre dans la proportion est largement com-
pensé par ceux qui font plus que la Communion semi-mensuelle vt <|ue
— 486 —
nous avons cependant compris en cette catégorie pour ne pas les mul-
tiplier.
Je ferai remarquer en passant qu'il y a des paroisses plus ferventes les
unes que les autres. Je n'en cherche pas la raison, mais pour n'en citer
que deux à leur louange sans rien enlever aux autres, Saint-Jacques
avec 48 Tertiaires hommes donne un total par mois de 637 messes en-
tendues et 385 communions; Sainte-Cunégonde : 66 membres; 865
messes^ 445 Communions.
POUR LES SŒURS TERTIAIRES:
A peine si le nombre des Communions s'éloigne du nombre de messes
entendues, surtout si l'on considère que quelques Sœurs Tertiaires
entendent plusieurs messes par jour. C'est dire que selon le désir de
Notre-Seigneur et de l'Eglise les Tertiaires communient chaque fois
qu'elles entendent la Sainte Messe — Or :
60% l'entendent tous les jours.
15% l'entendent 4 et 5 fois par semaine.
23% 2 et 3 fois; et bien rares, à peine 3%, celles qui ne peuvent
absolument pas entendre au moins une messe en semaine.
Comme je l'ai déjà insinué le chiffre des communions est sensiblement
le même que celui des messes entendues, ainsi: 53% font la Communion
quotidienne.
La Paroisse de Saint-Léon de Westmount pour 69 Tertiaires donne
un total de 1399, disons 1400 messes et 1278 commiunions par mois. Il
y a plusieurs raisons à ces beaux chiffres, ils n'en sont pas moins très
édifiants.
Est-ce à dire que les Tertiaires doivent s'en tenir là? Nous espérons
que les solennités grandioses du Congrès Eucharistique activeront encore
plus dans leur âme l'Amour Séraphique pour " Notre Pain Quotidien ! "
En conséquence et avec l'autorisation du comité nous émettons
LES VŒUX SUIVANTS :
1° Que selon les recommandations pressantes des Souverains Pontifes
on propage de plus en plus le Tiers-Ordre de saint François qui est un
foyer de vie Eucharistique.
2° Que les Directeurs de Fraternités engagent les Tertiaires dans les
Œuvres Eucharistiques, en particulier l Adoration et la Communion
fréquente.
— 487 —
Le quatrième orateur inscrit au programine, le R. P. Letel-
lier, de? Pères du T. S -Sacrement, de New-York, aborde son
travail, qui a pour titre :
LES ŒUVRES EUCHARISTIQUES DU VENERABLE
P. J. EYMARD
Bien des fois déjà, nous avons entendu appeler les temps présents l'ère
eucharistique. Si jusqu'à ces dernières années on a pu discuter la légi-
timité de ce nom, j'ose dire que maintenant il s'impose rigoureusement
à tout esprit sérieux et croyant. Après les décrets récents et multiples
de notre vénéré et glorieux Pontife Pie X. il est clair que l'intention de
l'Eglise est de tout restaurer dans le Christ — et le Christ Eucharis-
tique. Est-il besoin de dire qu'il n'y a pas de moyen plus sage ni plus
sûr pour triompher des erreurs pernicieuses des temps modernes?
Le double élément qui compose l'homme, semble plus que jamais s'être
ligué, pour le perdre. D'un côté, son esprit se redres.sant dans une in-
dépendance sacrilège rejette avec indignation l'idée même d'un contrôle,
et le " non serviam " de l'archange rebelle semble bien être sa devise.
Mais, si l'intelligence de l'homme ne peut supporter de joug, ses sens
n'entendent point non plus être tenus en tutelle, et nos jouisseurs mo-
dernes ne traduisent-ils pas trop fidèlement dans leur conduite ces
paroles que la Sainte-Ecriture met sur les lèvres de l'impie. " Come-
damns et hibarmis cras enim moriemur." Isaïe XXII. 13. S'élevant
follement sur la cime chancelante de ses élucubrations orgueilleuses que
la science de demain réduira à néant, ou s'enlisant honteusement dans
la boue infecte des plaisirs charnels, telle nous apparaît bien actuel-
lement, ce me semble, la grande majorité du genre humain.
Or, pour le guérir de cetio double maladie qui lo travaillo et qui le
conduit fatalement à la mort éternelle, il n'est pas de remède plus sûr
ni plus efficace que la Sainte Eucharistie. Seul, en effet, le Christ,
parce qu'il est Dieu, peut faire courber lo front intelligent de l'homme,
sans l'humilier; seul, il peut lui donner les brillantes clartés des vérités
surnaturelles: " Eqo sum lux vera qui illuminât omnew hnininnu rr-
nientem in hune mnndum."
Seul il contient dans sa chair virginale et dans son sang immaculé
assez de germes de pureté pour faire fleurir la continence et faire régner
sans conteste la tempérance sur les sens révoltés: '• Fruwruhtm rJrrfn-
rum , vinum germinûus virgines."
Mais cette" médecine spirituelle si nécessaire à l'homme, l'hérésie est
venue la dénaturer, elle a essayé de transformer le testament d'amour
que Xotre-Seignour nous avait lésrué pour nous attirer et nous engager
à lui en un tribunal redoutable où la Majesté divine attendait l'homme
coupable pour exercer sur lui ses terribles justices, et pour fulminant^
qu'aient été les anathèmes lancés par l'Eglise contre le Jansénisme, il
— 488 —
n'en est pas moins vrai que sa glaciale influence se fait encore sentir de
nos jours, et engourdit plus d'une âme soustraite aux douces influences
de l'amour eucharistique. Il fallait donc de nouveau révéler au monde
tous les trésors d'amour et de force qu'apporte et que conserve à la terre
le Très Saint-Sacrement. 11 fallait des âmes pures pour pénétrer ses
divins secrets, il fallait des cœurs nobles pour s'éprendre de ses beautés
célestes, il fallait des lèvres éloquentes pour chanter ses louanges. Et
Dieu y a pourvu en donnant à son Eglise au siècle dernier toute une
pléiade d'âmes eucharistiques, dont la mission semble avoir été de briser
les derniers liens que tenaient les âmes captives sous l'empire de la
crainte.
Ces apôtres de l'Eucharistie, vous en savez les noms. Est-il besoin
de citer les Gerbet, les De la Bouillerie, les de Ségur, les Hermann, le
Bienheureux Curé d'Ars et tant d'autres que Je ne puis mentionner,
mais que votre mémoire rappellera à vos pieux souvenirs. Il en est un
pourtant qui les domine tous et qui brille d'un plus vif éclat. C'est de
cet homme de Dieu et des fruits de grâce qu'il a produits que je veux
vous entretenir aujourd'hui, en esquissant à grands traits le belle figure
du Vénérable Pierre Julien Eymard, né le 4 février 1811 et que la Di-
vine Providence destinait à être le fondateur de la Congrégation du Très
Saint Sacrement et des œuvres nombreuses qui s'y rattachent.
I — L'Homme
Quand Dieu destine un homme à une haute mission, il est de sa sa-
gesse comme de sa bonté de lui donner tous les moyens nécessaires,
abondants même, pour la remplir parfaitement et facilement. Ce prin-
cipe suffirait à vous faire conclure que le Père Eymard destiné de Dieu
à être le héraut du Très Saint-Sacroment, le précureeur du règne eucha-
ristique ainsi que son propagateur infatigable, a été doué par la divine
Providence des dons les meilleurs, et outillé parfaitement pour atteindre
la fin qui lui était assignée. Mais pourquoi conclure de déductions
plus ou moins abstraites ce que les faits proclament si hautement?
C'est dès sa plus tendre enfance que le Christ Eucharistique prend
possession du Père Eymard, et jette dans son âme cet attrait puissant
qui l'attachera indissolublement à Lui, jusqu'à son dernier soupir.
Avez-vous connu beaucoup d'enfants qui, encore à la mamelle, se soient
plu dans le rayonnement de l'Ostensoir, sans jamais dire leur lassitude
par leurs cris ou leurs vagissements? Le Père Eymard fut une de ces
rares exceptions. Et ce qui prouve bien qu'ils se passait dans cette âme
enfantine quelque chose d'extraordinaire quand elle se trouvait en con-
tact avec le Dieu du Sacrement, c'est que aussitôt que le Père Eymard
put essayer ses premiers pas, il se plaisait à suivre sa mère dans ses vi-
sites 'quotidiennes au Saint-Sacrement. L'Eucharistie était pour lui,
dès cet âge, comme un aimant mystérieux qui l'attirait irrésistiblement.
Encore tout enfant, on le trouva un jour sur un escabeau adossé au
maître-autel de la paroisse, les mains jointes, les yeux fixés sur le taber-
nacle, pour être plus près de Jésus et l'écouter. Ce besoin de goûter
J.a priH-fftsiLm. — Aif ilf> rue.-. M JhiLuit il <■ hcni' r.
The Procession. — Arcli at tlio corner of St. Hubert un.l Clierrier Street».
— 4S9 —
Jésus, de lui être uni, de s'identifier à Lui. lui fil former, très jeune
encore, la resolution d'être prêtre. Dès l'âge de 4 ou 5 ans. il suppliait
sa sœur qui communiait fréquemment de prier pour sa vocation
Et quand il pressa Jésus sur son cœur pour la première fois, il lui iura
detre prêtre: '-Je serai prêtre, je vous le promets."
Bien des obstacles obstruèrent pour lui la voie du sacerdoce, jamais
il ne se découragea; mais au contraire il les surmonta tous jusqu'à ce
qu'enfin marqué du caractère sacré il alla se cacher dans une solitude
et y passa tout un jour dans le plus grand recueillement, avant d'attirer
sur l'autel Celui qui l'avait depuis tant d'années attiré vers l'autel.
Vicaire d'abord, puis curé, le Père Eymard manifesta toujours un
gi-and zèle, une intense piété, mais surtout un amour dominant pour la
Très Sainte Eucharistie. Deux heures avant sa messe, deux heures
après, impossible de le saisir : il était tout entier à Jésus qu'il allait con-
sacrer, à Jésus qu'il venait de consacrer.
Voyant dans la vie religieuse un excellent moyen d'appartenir plus
exclusivement à Xotre-Seigneur Jésus-Christ, le Père Eymard l'em-
brassa. Pendant dix-sept ans, il édifia la Société de Marie par ses
vertus, son abnégation, son dévouement et surtout sa dévotion envers la
Sainte Eucharistie. Il dit lui-même que ses deux sujets favoris de mé-
ditation étaient: Jésus au Très Saint-Sacrement et le Paradis: la vision
de Dieu. Pris alors par les devoirs multiples de l'éducation, le Père
Eymard se dédommageait des privations que lui imposaient ses obliga-
tions, en passant ses congés et souvent une partie des nuits au pied du
tabernacle. Xe pouvant plus souffrir de séparation entre son regard
illuminé par les clartés de la foi et rifôtc divin de nos autels, il fit
percer une lucarne dans sa chambre, donnant sur le sanctuaire, afin de
vivre toujours sous l'œil du Maître. Cependant il ne voulait pas jouir
seul de son trésor. Tl cherchait à le faire connaître par le ministère de
la parole évangélique. A cette époque, il écrivait: '' 0 mon Dieu ! quelle
Joie d'entendre de votre bouche ces paroles dites à saint Thomas, Tu
as bien parlé de moi, ô Pierre!" Et pour bien parler du Maître, il
allait composer ses sermon.s à ses pieds, "car," dit-il, " Xotre-Seignour
m'a fait comprendre que là mon travail serait béni et facile. J'ai donc
résolu de n'écrire un plan qu'après l'avoir médité devant Xotre-Seigneur
et l'avoir soumis à son approbation." On comprend alors que sa prédi-
cation fit du bien aux âmes: elle sortait du cœur même de Jésus.
Ses sermons attirèrent dans la chapelle de la Seyne, où il était supé-
rieur, de nombreux adorateurs, il en forma une cour d'honneur à Nntre-
Seigncur.
Mais ses devoirs de religieux éducateur, pour saints qu'ils lussent,
l'empêchaient de donner pleine satisfaction au besoin pressant qui le
violentait de se consacrer uniquement au service de l'Eucharistie.
Bientôt il ne fut plus libre: en janvier 1851, Marie lui dit à Fourvières
qu'elle comptait sur lui pour fonder un Corps religieux exclusivement
dévoué à Xotre-Seigneur Eucharistie. Quelque temps après, dans un
entretien intime avec Jésus Sacramentel, ce bon Maître lui demanda
le sacrifice de sa vocation. TI répondit oui. Et une fois sa décision
— 490 —
prise, on l'enteudit s'écrier dans son langage énergique : " Eien ne m'ar-
rêtera, dussé-je manger des pierres et mourir à riiôpital." Et afin que
son œuvre fût fondée uniquement sur le surnaturel, il supplia le Sei-
gneur de Taccomplir sans consolations humaines. Il nous dit lui-même
qu'il a été pleinement exaucé.
Après de grandes épreuves et des sacrifices déchirants, le Père
Eymard, pour répondre à la volonté de Dieu manifestée par le Sou-
verain Pontife Pie IX, auquel il avait fait soumettre son projet de
fondation et qui avait répondu : " Cette pensée vient de Dieu, j'en suis
convaincu; l'Eglise a besoin de cela, qu'on prenne tous les moyens pour
faire connaître la divine Eucharistie," dit adieu, le deuil dans l'âme, à
sa famille religieuse et se livra avec un élan généreux à la fondation
de_la Congrégation du Très Saint-Sacrement.
Chargé par l'Eglise de propager le règne du Christ Eucharistique, le
Père Eymard voulut affirmer les droits royaux de Notre-Seigneur en le
plaçant non pas sur un autel, mais sur un trône surmonté d'une cou-
ronne et d'un manteau royal. C'est au Très Saint-Sacrement solennel-
lement exposé qu'il paiera nuit et jour, ainsi que ses religieux, son tribut
d'hommages. "Votre devoir," dit-il à ses enfants, "est d'entourer
toujours l'Eucharistie, si elle venait à nous manquer nous n'aurions plus
de raison d'être." Et pour rendre plus faciles et plus fructueuses à la fois
les longues séances qu'ils font au pied de l'Ostensoir, le Père E}Tnard
leur donna cette belle méthode d'oraison sous le nom " des quatre fins
du sacrifice." " Une heure," dit-il, " ainsi employée ne dure qu'un
instant, et tout étonné d'avoir si tôt à quitter le prie-Dieu, on songe au
moment heureux qui y ramènera." Comme ces paroles traduisaient
parfaitement les sentiments intimes de notre Vénérable Fondateur !
Oui, son bonheur à lui c'était de se retrouver avec Jésus dans le sanc-
tuaire. On le voyait au respect avec lequel il se tenait au prie-Dieu. Il
y avait dans son attitude, tout son extérieur, quelque chose d'extraordi-
naire, si bien que les fidèles se tenaient au courant de ses heures de
garde afin de venir l'admirer et copier de loin cet ange adorateur dans
une chair mortelle.
Mais se dévouer, se donner lui-même à l'Eucharistie, ce n'était pas
assez pour ce cœur consumé d'amour: le zèle est le premier fruit de la
charité. Il va se manifester merveilleusement dans la vie de notre Vé-
nérable.
II — Les Œuvres
Ce sont d'abord des collaborateurs qu'il sollicite du Cœur Sacré de
Jésus. Il éci'it en 1859 : "Oh ! priez donc pour de bonnes vocations aux
pieds du bon Maître: c'est un don que l'on n'apprécie pas, une grâce
que l'on ne connaît pas." Il veut ensuite multiplier les Cénacles et
Notre-Seigneur lui donne la consolation d'en ouvrir dans plusieurs villes
de France et deux à Bruxelles.
Parallèlement à sa Congrégation, il en fonda une autre pour les
— 491 —
femmes qu'il appela lui-même du beau nom de " Congrégation des Ser-
vantes du Très Saint-Sacrement" et dont la lin est, moins lapostolat,
la même que celle des Pères du Très Saint-Sacrement. Certaines âmes
privilégiées qu'il avait dirigées avec autant de sagesse que de piété, alors
qu'il était Mariste, devinrent entre ses mains les pierres fondamentales
de sa nouvelle fondation. Elles étaient solides et donnaient au Père
Eymard les plus belles espérances, qu'elles surent d'ailleurs réaliser pra-
faitement. "Dieu se prépare," écrivait-il, le 5 août 1859, une sainte
famille, et je ne serais pas étonné qu'elle devînt aussi grande un jour
que les grands corps religieux qui ont donné au ciel tant de saintes
âmes."
Cependant, " le tison incendiaire," comme le Père Eymard se plaisait
à appeler l'Eucharistie, embrasait toujours plus son âme. Ce n'était
pas seulement quelques personnes qu'il voulait gagner à Xotre-Seigneur,
c'était le monde entier.
Plein de confiance eu Celui qui peut tout malgré la faiblesse de l'ins-
trument dont il se sert, le Père Eymard entreprit et mena à bonne jin
les œuvres les plus variées et les plus fécondes, ayant toujours en vue
le but suprême de sa vie: la glorification du Christ Eucharistique. Les
douze ans qu'il a survécu à la fondation de son Institut ont été passés
dans un travail incessant et ont produit des résultats superbes.
C'était son ambition^ toujours réalisée d'ailleurs, d'attirer auprès des
trônes eucharistiques qu'il élevait toute une phalange d'adorateurs qui
pris dans les divers rangs de la société venaient à toutes les heures du
jour rendre leurs hommages à Xotre-Seigneur en union avec ses reli-
gieux. C'est ainsi que l'Agrégation eucharistique se trouva à naître
presque en même temps que sa Congrégation.
Chaque fois qu'un nouveau cénacle s'ouvrait, sa parole vibrante
d'amour pour î^otre-Seigneur lui faisait trouver sans difficulté un
groupe d'âmes généreuses qui s'engageaient à composer une garde d'iion-
neur au Eoi du Sacrement. L'Agrégation, qui n'avait d'abord existé
que dans nos églises, se répandit ensuite graduellement en France et
dans toutes les parties du monde; et à l'heure actuelle, c'est par cen-
taines de mille qu'il faut compter ses membres. Depuis le 8 mai 1S97,
par un rescrit de Léon XIII, l'Agrégation a été élevée au rang d'archi-
confrérie, dont le centre principal est à notre maison de Saint-Claude, à
Eome. Elle a été enrichie d'indulgences précieuses jmr les Souverains
Pontifes Pie IX et Léon XIII. tant pour récompencer ses membres de
leur service d'amour aux pieds de Xotre-Seigneur. que pour les engager
à y être fidèles.
Xotre Vénérable Père eut bien vite reconnu dans la famille laïque
d'adorateurs qu'il avait formée des âmes d'élite aspirant dans le monde
où les retenaient leur position ou leurs devoirs à la prati(|ue de la plus
haute perfection. Il tourna vers eux son attention bienveillante, les
organisa en société. C'est ainsi que se forma le Tiers-Ordre du Très
Saint-Sacrement, connu aussi sous le nom de Fnifrniitr Enduiristitiue :
il fut approuvé à I»nine le 8 mai 1897. Les faveurs spirituelles offertes
à ses membres sont fort nombreuses.
— 492 —
C'est pour lui surtout que le Père Eymard composa son magnifique
Directoire des Agrégés, où il trace de main de maître les règles les plus
sages pour la direction de leur conduite dans le monde et pour l'orien-
tation de leur vie vers l'Eucharistie. C'est là aussi qu'il donne les
instructions les plus précises et les plus pressantes au sujet de la com-
munion et qu'il indique les moyens les meilleurs pour tirer le plus grand
fruit de cet acte essentiel de la vie chrétienne. Il voulait que la Sainte
Communion fîit le pivot de la vie des Agrégés du 'J'rès Saint-Sacrement.
Il n'entendait pas cependant que les âmes reçussent tout de Notre-
Seigneur sans songer à le payer d'un peu de retour, et c'est afin de leur
permettre d'acquitter dans une mesure leur dette de reconnaissance qu'il
fonda l'œuvre dite des Semaines Eucharistiques ou du Luminaire et des
Fleurs, pour l'ornementation du trône de l'Exposition. Le Père Eymard
désirait que tout fut beau, riche et somptueux autour de l'Ostensoir. Il
ne voulait que des cierges de cire et des fleurs naturelles sur l'autel ; mais
tout cela coûtait cher et il était pauvre. Il fit alors appel à ceux que
Notre-Seigneur avait comblés de ses faveurs célestes, à ceux qu'il avait
nourris de sa chair et de son sang, et il leur dit : " A ce Dieu qui s'est
montré si libéral envers vous, prouvez votre générosité." Il fut entendu,
car jamais il ne manqua de l'argent nécessaire pour pourvoir dignement
aux frais du culte eucharistique. Il proposait comme modèle et pa-
tronne aux membres des Semaines Eucharistiques Marie-Madeleine dont
l'intelligente prodigalité fut si hautement louée par le Maître: " Bonum
opus operata est in me. . ." Le Souverain Pontife Léon XIII a daigné
bénir et approuver cette œuvre, à laquelle se rattache celle des Ouvroirs
eucharistiques, dont la fin est d'augmenter et de renouveler les orne-
ments et les linges d'autel.
Ce m'est un doux devoir aujourd'hui de reconnaître que ces deux
œuvres ont pris dans ce pays une extension et une vigueur bien dignes
de la foi qui anime mes chers compatriotes.
Mais notre Vénérable Père ne pouvait ignorer qu'il est des trônes
vivants que Notre-Seigneur préfère aux superbes expositions de bronze
et de marbre qu'on peut lui élever: ce sont les cœurs des petits enfants,
et c'est pour lui en préparer, là surtout où il semblait qu'il ne s'en put
trouver, que VŒuvre de la Première Communion des adultes fut inau-
gurée. Dans Paris surtout, le nombre de ces pauvres petits malheureux
qui échappent à toute instruction religieuse est très considérable. Et
s'il ne se rencontre des âmes dévouées qui se mettent à leur recherche,
les groupent et leur apprennent à connaître le bon Dieu, ils grandissent,
vivent et meurent en païens, quand ils ne vont pas grossir le nombre de
ceux qui expient leurs crimes dans les fers. Notre Vénérable Père eût
un soin tout particulier de ces déshérités de la terre et du ciel. Il pre-
nait plaisir à leur faire lui-même le catéchisme, et quand arrivait le jour
de la première communion, c'était grande fête dans la maison, le cœur
de notre Père jubilait: il avait élevé de nouveaux trônes à Notre-
Seigneur.
Pour ardent pourtant que soit le zèle d'un apôtre, il est nécessairement
limité. Afin de centupler ses forces et d'étendre plus loin son champ
— 493 —
d'action, notre Vénérable Père voulut s-associer les prêtres de paroisse,
"car/' disait-il, "les prêtres, ce sont des multiplicateurs.'" 11 voulut
les unir par la prière et certains statuts et les sanctifier par le Très Saint-
Sacrement. Il les tourna d'abord vers l'Eucharistie, leur rappelant que
"■ leur premier devoir était celui de l'adoration personnelle et qu'ils
devaient assurer par la prière le succès de leur ministère, désirant qu'ils
descendissent ensuite de l'Eucharistie vers les peuples, comme Moïse du
Sinaï, comme les apôtres du Cénacle, pleins de feu pour annoncer la
parole de Dieu et procurer sa gloire." L'Œuvre des Prêtres Adorateurs,
qui a pris naissance dans l'amour intense de notre Père pour Xotre-
Seigneur et ses frères dans le sacerdoce, a été bénie de Dieu au delà de
toute espérance et elle compte aujourd'hui à peu près 100.000 membres
dispersés dans le monde entier. Louée hautement par les Souverains
Pontifes, approuvée solennellement par eux, jouissant de privilèges
nombreux et assurant à ses membres de riches indulgences, l'Œuvre des
Prêtres-Adorateurs est sûrement appelée à jouer un rôle prépondérant
dans la sanctification du clergé.
Son estime pour les prêtres le porta encore à s'occuper de ceux qui
avaient d'abord fléchi dans la Aoie du devoir, et il voulait leur ménager
des sanatoriums spirituels où leur vertu alanguie fut ranimée. Ce qu'il
ne put réaliser, ses fils l'ont fait, et une de ces maisons existe actuelle-
ment, non sans grand profit pour ceux qui l'habitent.
Davantage, il pensa aux vétérans du sacerdoce. Ces preux qui oui
blanchi dans les combats du Seigneur attendrissaient son cœur si bon,.
et pour eux il voulait ouvrir des maisons de retraite. "Là," disait-il,
" ils pourraient faire une halte avant le grand voyage et se préparer plus
saintement à paraître devant leur juge."
C'est un doux espoir pour nous de penser qu'un jour nous pourrons
donner suite aux vœux de notre Vénérable Fondateur et grouper autour
de l'Hostie ceux qui ont puisé en elle pendant de longues années les
grâces nombreuses de leur sacerdoce.
Après la fondation de ses deux Congrégations, l'établissement de ses
diverses œuvres dont je viens de parler et les longues heures d'adoration
aux pieds du Maître, on pourrait croire que tous les moments de la vie
de notre Vénérable Père fussent absoluuient remplis: il n'en était rien
et son zèle aussi fort qu'industrieux lui faisait trouver le temps de se
livrer à de nombreuses prédications- Inutile de dire que la Sainte
Eucharistie faisait le thème habituel de ses instructions. "Il tirait de
ce trésor sacré des choses anciennes et nouvelles.'' Xotre Vénérable
Père, après avoir redit avec cette manière originale qui le caractérisait
les belles choses que les Docteurs et les Pères ont proclamées de la Sainte»
Eucharistie, a eu sur ce sacrement divin des aperçus nouveaux et des in-
tuitions profondes, que j'appellerai surnaturels.
Permettez que je vous rappelle un souvenir pcrsonm-l. J'étais à
Paris, tout jeune prêtre encore. J'accompagnais notre vénéré Père
Tesnières, de regrettée mémoire, à Xotre-Dame, où il allait jïrononctT
un sermon. Dans In sacri>ti(\ nous rencontriunes 1p Père >ronsnbré, 81
— 494 —
connu par ses magnifiques conférences. L'illustre dominicain, qui ve-
nait de donner alors son magistral carême sur la Sainte Eucharistie, dit
à notre Père Tesnières, avec une grande humilité : " Père, l'inspiration
de mon Carême, je l'ai puisée dans le Père Eymard." Cette parole suffit
à prouver que notre Vénérable Fondateur, qui n'avait certes pas la va-
leur oratoire du célèbre Frère Prêcheur, possédait cependant une science
personnelle de l'Eucharistie que les plus grands talents pouvaient lui
envier. Mais si ses pensées étaient assez profondes pour séduire les plus
belles intelligences, elles étaient pourtant assez claires pour être com-
prises et goûtées des simples fidèles : semblables à la doctrine évangé-
lique, elles semblaient s'adresser à toutes les classes de la société. Et,
de fait, les enseignements du Vénérable Père Eymard sur la Sainte
Eucharistie ont été comme une révélation pour toutes les âmes croyantes.
Le jour où les quatre petits volumes de notre Vénérable Père intitulés :
" La Divine Eucharistie," ont pénétré dans les couvents, les commu-
nautés religieuses ont vu leur ferveur se renouveler et s'accroître vis-à-
vis du Dieu du Sacrement. Et la multitude des fidèles a puisé dans les
affirmations hardies et les élans d'amour véhément des écrits du Véné-
rable une connaissance éclairée du dogme eucharistique et un attrait
puissant vers le Dieu caché de nos autels. Le fait que les œuvres du
Père Eymard ont été traduites en toutes les langues de l'Europe et ont
été répandues par centaines de mille, dit mieux que tout le reste qu'elles
répondaient parfaitement aux besoins actuels des âmes. Je ne crois pas
téméraire d'affirmer que Dieu l'assistait tout particulièrement dans ses
instructions. Il lui arriva une fois de lire le résumé d'un sermon donné
la veille : " Qui donc a pu dire de si belles choses," demanda-t-il avec
naïveté ? — " C'est votre instruction d'hier." — " Je ne m'en serais pas
douté." Cela nous fait comprendre comment plus de cinquante ans à
l'avance on trouve dans ses écrits, qui ne sont autres que des notes de
sermon qu'il ne destinait nullement à la publicité, cette doctrine admi-
rable sur la Sainte Communion que livre actuellement au monde dans
des décrets immortels l'illustre Pie X glorieusement régnant. Le Père
Eymard a traité le plus sublime des mystères avec une compétence de
théologien consommé. C'est ce que prouve le verdict " de Uito " de la
Congrégation des Eites sur les écrits de notre Vénérable Fondateur, dans
le procès d'introduction de sa cause de béatification.
Cette sûreté de doctrine qui le caractérisait, il voulait la trouver dans
sa famille religieuse : " Apprenez, travaillez le Saint-Sacrement," disait-
il à ses fils spirituels, "c'est une mine à exploiter; sachez votre métier.
Que vos heures d'adoration portent leurs fruits. Si quelqu'un connaît
mieux l'Eucharistie que nous, cédons-lui notre prie-Dieu, nous ne
sommes pas dignes de la place que nous y tenons."
La bouche éloquente du Père Eymard allait se clore. Il avait édifié
presque sans s'en douter un magnifique monument à la gloire de l'Eu-
chari.stie, il n'avait plus qu'un ornement à y ajouter pour le compléter,
• il l'y mit, ce fut l'un des plus beaux. En mai 1868, trois mois avant
•sa mort, terminant une chaleureuse allocution sur nos devoirs envers la
Sainte Vierge, notre Vénérable Père s'écriait : " Eh bien, nous hono-
— 495 —
rerons Marie, sous le vocable de Notre-Dame du Très ^aint-Haxrement,
Oui, disons avec confiance, disons avec amour: Notre-Dame du Très
Saint-Sacrement, mère et modèle des adorateurs, priez pour nous qui
avons recours à vous." Le Père descendit de chaire radieux, ému, dé-
bordant d'allégresse; non seulement il avait payé à Marie, qui l'avait
donné à Jésus, un tribut de reconnaissance en lui décernant un de ses
plus beaux titres, que l'Eglise, vous le savez, vient de reconnaître au-
tlientiquement et d'enrichir d'une indulgence de 300 jours, mais il avait
encore trouvé un nouveau moyen de glorifier rEucharistie en donnant
à ses adorateurs une Mère dévouée et éclairée pour les former à leurs
sublimes fonctions, et en leur offrant un modèle accompli des disposi-
tions et des vertus qu'ils doivent apporter dans leur service eucharistique.
De plus en plus, le culte et Tamour de Notre-Dame du Très Sainl-
Sacrement se propage. Elle a maintenant son sanctuaire dans la Ville
éternelle. Et en Europe ainsi qu'en Amérique on est heureux de trouver
des autels qui lui sont consacrés et où on la voit dans l'attitude de la
foi la plus respectueuse, tenant son divin Fils qui offre au monde le
Pain de la vie éternelle et le calice du salut perpétuel.
Voeux :
En Unninant, permettez que j'émette un double vœu : — le premier
c'est que la Sainte Eglise accorde bientôt les honneurs de la béatifica-
tion au fervent adorateur et à l'apôtre zélé de l'Eucharistie, le Vénérable
Pierre Julien Eijmard; — qu'ensuite elle nous permette d'associer Marie
au Christ Sacramentel, en louant publiquement Notre-Dame du Très
Saint-Sacrement dans un office liturgique qui prendra place dans le
cycle régulier des fêtes mariales.
M. l'abbé Bouqiœrel traito ensuite la question de la Répa-
ratioii eucharistique :
"LES ŒUVRES DE REPARATION EUCHARIS-
TIQUE '
Le grand Képarateur, le Réparateur universel est Notrc-Seigneur
Jésus-Christ. Par le sacrifice du Calvaire, Il a racheté le monde en ré-
parant les ravages causés par le péché dan? l'humanité et on donnant
une satisfaction d'une valeur infinie à la Justine divine.
Après Jésus, nous trouvons Marie son auguste Mère, co-rédemptrice,
et par conséquent co-réparatrice pour les péchés dos hommes.
Les apôtres, les disciples, témoins de la vie et do la mort flu Sauveur
ont participé à sa réparation par le martyre.
— 496 —
Pendant longtemps, uu sang réparateur a coulé dans l'Eglise et s'est
uni au sang de Jésus immolé sur les autels.
La paix étant venue, la réparation s'est faite par la pénitence au
désert, par la louange perpétuelle dans les cloîtres, et tout le long des
siècles par un apostolat aussi inlassable que fécond. Et toutes ces ré-
parations étaient intimement liées à l'Eucharistie puisque l'Eucharistie
donnait aux réparatetirs, force, courage, amour. .
En 1264, sur les instances de sainte Julienne de Cornillon, la Fête-
Dieu est instituée par Urbain IV; en 1311, le concile de Vienne impose
cette fête à toute l'Eglise. Alors commence réellement, avec la louange,
la réparation officielle eucharistique. Viennent les processions avec
toute la variété que leur donne en chaque pays l'ingéniosité d'une foi
vive et expressive. Jésus dans son sacrement est adoré, et fêté, et vengé
des blasphème de l'incrédulité. C'est bien une réparation eucharistique.
En 1554, à la demande du P. Joseph Ferni, capucin, saint Charles-
Borromée institue à Milan les prières des Quarante-Heurcs, en l'honneur
des quarante heures que le corps de Notre-Seigneur demeura dans le
tombeau. Saint Philippe de Néri les introduisit à Eome en 1548.
Il n'est pas certain que l'exposition du Très Saint-Sacrement se pro-
longeât durant tout le temps des prières des Quarante-Heures, il est
même probable qu'elle n'avait lieu qu'à la fin de ces exercices oui se ter-
minaient ordinairement par la procession du Très Saint-Sacrement.
Ces prières cependant étaient bien eucharistiques puisqu'elles se faisaient
au pied du tabernacle.
Peu à peu, tandis que cette dévotion s'étendait aux autres églises de
Eome, l'usage s'établit d'exposer le Saint-Sacrement tout le temps des
exercices. Ils furent ainsi approuvés par le pape Clément XI dans sa
Bulle du 21 janvier 1705. (Une âme eucharistique, note p. 78).
Mais la vraie charte de toutes les œuvres d'adoration et de réparation
eucharistiques est la Bulle Graves de Communi publiée par Clément
VIII, en 1592.
On- lit dans cette Bulle : " Les tristes et longues calamités attirées sur
le monde chrétien par nos péchés et qui vont chaque jour en s'aggravant
ne cessent d'émouvoir notre sollicitude pastorale qui doit s'étendre à
toute l'Eglise. Nous ressentons, certes, une vive douleur à la vue des
maux présents, et à la perspective de ceux qui nous menacent. Mais
notre 'cœur et nos entrailles paternels sont surtout transpercés par
l'état affligeant du noble et autrefois si florissant royaume de France,
qui, depuis tant d'années est bouleversé de fond en comble et accablé
des maux les plus cruels.... Aussi, nous souvenant de la parole de
Dieu, qui se lit dans le saint Prophète: " Invoque-moi, dit-il, au jour de
la tribulation, je te délivrerai et tu m'honoreras," nous avons résolu,
pour apaiser le Seigneur, pour détourner sa colère, de dessus son peuple,
et obtenir le secours dont nous avons besoin en ces temps difficiles d'ins-
tituer en cotte ville sainte des exercices publics de prières perpétuelles,
de manière que le jour et la nuit, à quelque heure que ce soit, et durant
tout le cours de l'année la prière ne cesse de s'élever en la présence de
Dieu. . . . Priez pour la sainte Eglise catholique, afin que les erreurs se
dissipent et que la vérité, dans l'unité de la foi, se propage par toute la
— 497 —
terre. . . Priez pour la paix et l'uuiou des rois et des chrétiens, priez
pour le malheureux royaume de France. Que Celui qui domine tous les
royaumes et à la volonté de qui rien ne résiste, rende au royaume très
chrétien qui a si bien mérité de l'Eglise, son antique piété et sa tran-
(|uillité d'autrefois.'"' Dieu exauça ces prières, agréa ces réparations,
l'avènement de Henri IV rendit la paix à l'Eglise de France, et quel-
ques années plus tard, en 1603, de la France pacifiée partit Champlain
pour fonder la ville de Québec.
Les œuvres de réparation eucharistique peuvent se diviser en trois
Ijranches : Celles qui ont rapport à la sainte Messe, celles qui se rap-
portent à la sainte Communion, et les œuvres d'Adoration. Quelques-
unes ont poui; objet la réparation des blasphèmes, des crimes des Sociétés
secrètes, des sacrilèges, mais elles sont eucharistiques dans leurs moyens :
messes célébrées ou entendues, communions, adorations. Cette variété de
buts, de moyens et de sujets n'empêchent donc pas ces œuvres d'appar-
tenir à la grande famille des œuvres de réparation eucharistique.
On pourrait encore diviser ces œuvres en tenant compte du milieu où
elles se développent : les unes en effet ont les cloîtres pour théâtre, les
autres sont proposées aux fidèles des paroisses.
Il nous a paru préférable do les mentionner dans l'ordre clironologique
de leur apparition pour mieux faire ressortir l'appel incessant du Cœur
de Jésus à la réparation.
Il faut en effet remarquer qu'à la racine d'à peu près toutes ces œuvres
se rencontre une âme vivement impressionnée par une idée. Quelle est
la nature de cette itlée? Est-ce une inspiration du Ciel? Est-ce sim-
])lement la résultante, toujours surnaturelle d'une intelligence vivement
éclairée par la foi et d'un cœur épris d'un ardent amour?
Vers la fin du dix-septième siècle, Xotre-Seigneur s'adressant à la
Bienheureuse Marguerite-Marie, lui denunida explicitement et en des
termes pressants des réparations et des amendes honorables. Les solli-
citations du Cœur de Jésus n'ont point cessé de se faire entendre, et
ont suscité des œuvres de réparation qui se sont surtout iléveloppées et
multipliées au siècle dernier.
Ce sont là des faits et des faits très intéressants en eux-mêmes. Mais
quand on remonte à la source de ces fleuves do la vie réparatrice, on
trouve toujours une âme jirofonflément mortifiée comme les saints,
humble comme les saints, ardente au dévouement et à l'immolation
comme les saints, on ne peut s'empêcher de conclure tout en réservant le
jugement de l'Eglise: Le doigt de Dieu est là. (1)
L'adoration réparatrice fut d'abord établie tlans les parois-es, mais
cette pratique était trop belle pour rester l'apanage des personnes vivant
dans le monde. Sans doute il y a dans le monde de belles âmes répa-
ratrices et nombre de chrétiens aux jours d'adoration mettent leur cœur
(1) Si l'on veut se faire une idée des manifestations surnaturelles de Dieu
sur les œuvres eucharistiques, on doit lire un ouvrape réceiimient puMi»' cjiez
Dudier. à Paris, sous le titre: Sœur Marguerite Marie Doons. moniale »^n<^dio-
tine. II est écrit par un témoin oculaire avec une documentation d'une précision
parfaite.
— 498 —
en harmonie avec le Cœur de Jésus. Mais Jésus voulait des âmes exclu-
sivement vouées à l'adoration réparatrice. Il les eut.
LES SŒURS DU SAINT-SACREMENT
Au X'SrLIème siècle nous trouvons, dit le P. Potton, dominicain, deux
ordres religieux de femmes ayant l'adoration perpétuelle : le premier est
celui des Sœurs du Saint-Sacrement, fondé par le P. Antoine Le Quien,
le second est celui des Bénédictines Adoratrices.
Ce fut le jour de l'Exaltation de la Sainte Croix, 1634, que le Père
Antoine s'offrit à Notre-Seigneur pour mener à bonne fin le projet qu'il
avait conçu dès son noviciat, mais il ne commença qu'en 1639, à Mar-
seille, son Grand Œuvre, comme il se plaisait à l'appeler. La Sœur
Anne Négrel en fut la première supérieure. L'Ordre ne fut établi ca-
noniquement qu'en 1656 par l'évêque de Marseille, et en 1680 par le
Pape Innocent XL
Le premier aussi, le P. Antoine conçut l'idée d'établir dans l'Eglise,
une association de prêtres séculiers qu'il appellerait Prêtres du Saint-
Sacrement.
Deux siècles plus tard cette idée fut réalisée par le Vénérable Père
Eymard.
Le monastère des Sacramentines de Bolène eut l'honneur en 1794 de
fournir 13 victimes parmi les 32 martyres d'Orange.
Le P. Antoine avait établi également pour les personnes du monde un
Tiers-Ordre du Saint-Sacrement.
Les Sacramentines ont encore aujourd'hui en France cinq maisons.
Celle de Bernai, en Normandie, a été brutalement fermée il y a sept
ans, et les religieuses qui la composaient, exilées en Angleterre, cher-
chent en ce moment un nouveau champ d'action en pays catholique pour
y travailler à la gloire du Très Saint-Sacrement.
LES BENEDICTINES DU TRES SAINT-SACREMENT
Pendant les premières années du règne de Louis XIV, la régente, Anne
d'Autriche, frappée des désordres qui désolaient le royaume, fit consulter
un prêtre de la communauté de Saint-Sulpice sur l'œuvre qui lui paraî-
trait la plus propre à fléchir la colère de Dieu. Ce prêtre, touché de la
continuelle profanation des églises, et surtout du Saint-Sacrement, occa-
sionnée par les guerres, proposa l'établissement d'une maison religieuse
consacrée spécialement à la réparation des outrages faits à ce divin
mystère. Ce fut l'origine des Dames Bénédictines du Très Saint-Sa-
crement instituées par la vénérable Catherine de Bar, en religion Sœur
Mechtilde du Très Saint-Sacrement, dont la première maison date du
12 mars 1654.
Sœur Mechtilde mourut à 83 ans, en odeur de sainteté, le 6 avril 1698
après avoir établi sept couvents de l'adoration perpétuelle. Beaucoup
de communautés religieuses imitèrent les Bénédictines, et 'dans plusieurs
— 499 —
villes se fondèrent des associations pour adorer, au moins le jour, sans
interruption Xotre-Seigneur dans le Saint-Sacrement. (L'œuvre de
l'exposition et de l'adoration nocturne. Introduction.)
De la France cette Adoration perpétuelle s'étendit à l'Espagne, au
Portugal, en Allemagne. Il en existe encore deux maisons à Paris et
une quinzaine à l'étranger.
CONGEEGATIOX DES SACRES-CŒURS DE JESUS ET DE
MARIE
Une nouvelle œuvre d'adoration réparatrice naquit à Paris dans la nuit
de Xoël 1800. Un jeune prêtre, Tabbé Coudrin avait eu pendant les
plus mauvais jours de la Terreur l'impression qu'il fonderait une œuvre
de missionnaires hommes et femmes. Il les avait vus habillés de blanc
se dispersant par le monde pour y prêcher Jésus-Christ.
Une jeune fille, Mlle Aymer de la Chevallerie, échappée comme par
miracle au couperet de la guillotine après six mois de détention, était
entrée dans une association du Sacré-Cœur qui se formait pour réparer
les horribles forfaits de la Révolution. L'abbé Coudrin et Mlle Aymer
se rencontrèrent au pied du tabernacle, se communiquèrent leurs idées
et réunirent leurs efforts pour fonder, près du cimetière où gisaient sous
un linceul de chaux 1300 victimes exécutées à la Barrière du Trône, une
double communauté vouée à l'apostolat et à la réparation eucharistique.
Ce fut l'origine de la communauté des Picpusiens et de la Congrégation
des Dames de l'Adoration Perpétuelle et des Sacrés-Cœurs.
Une association extérieure à l'usage des gens du monde leur est an-
nexée et unit un grand nombre d'âmes aux ferventes adorations qu'elles
font elles-mêmes dans les nombreuses maisons qu'elles possèdent ot on
Europe et dans les Missions.
A ROME
En 1804, Catherine Sardini, supérieure des Franciscaines d'Ischia en
Toscane, établit à Rome, le couvent de Ste-Anne des Quatro-Fontainos
et, avec l'approbation de Pie VII y commença, en 1807, l'adoration so-
lennelle du Très Saint-Sacrement. Dispersées lors de l'occupalion
française, ces religieuses ne tardèrent pas à se réunir et à reprendre leur
œuvre de réparation.
L'ADORATION NOCTURNE
L'Œuvre de l'Adoration Nocturne de Rome, telle qu'elle existe encore
aujourd'hui, commença en 1810, inspirée par les cruelles épreuves que
subissait l'Eglise. Le Vicaire de Jésu.s-Christ gémissait «ians la capti-
vité la Ville'^ Eternelle, privée de son Pontife, était dans la désolation.
Diei mit alors au cœur d'un saint prêtre la pensée d.> réunir quelques
hommes pour aller pendant la nuit prolonger la prière dans les eanr-
— 500 —
tuaires où se faisait l'exposition des Quarante-Heures. En très peu de
temps l'Adoration Xocturne gagnant de sanctuaire en sanctuaire, se
généralisa dans toute la ville. (1)
CHEZ LES CARMELITES
Les Carmélites ont une vie essentiellement réparatrice. Or, en 1819,
vivait au Carmel de Poitiers, une religieuse fervente nommée Sœur
Marie Adélaïde. Saisie d'un saint zèle, elle inspira à l'abbé Soyer, alors
vicaire général, deux écrits : l'un intitulé " Avertissement au peuple
français "; l'autre, "Réparation inspirée pour apaiser la colère de Dieu."
On y proclamait hautement que les blasphèmes attiraient la colère de
Dieu sur la France et on y proposait des supplications réparatrices.
Or, Mgr Soyer devenu évêque de Luçon, disait de la Carmélite qui lui
avait inspiré ces appels, et il était une âme d'élite à laquelle Notre-Sei-
gneur s'était intimement communiqué : " Cette admirable Carmélite
était la personne la plus mortifiée, la plus humble et la plus sainte que
j'aie jamais rencontrée."
Ce fut aussi une Carmélite de Tours, Sœur St-Pierre, qui plus tard
pressa M. Dupont avec tant d'instances d'établir en cette ville une
œuvre de réparation,
PAULINE MAEIE JARICOT
En 1826, Pauline-Marie Jaricot de Lyon, Fondatrice de la Propaga-
tion de la Foi et du Rosaire vivant avait, elle aussi, malgré les appa-
rences pacifiques de cette période de notre histoire, l'intuition très vive
de la nécessité de la réparation pour détourner des désastres qui se pré-
paraient dans l'ombre.
Elle pratiqua elle-même l'adoration réparatrice, et s'adjoignit de
pieuses jeunes filles qui entrèrent dans ses vues et s'unirent à ses suppli-
cations, et à ses sacrifices.
MARIE EUSTELLE
Un peu plus tard, une pieuse et sainte enfant, Marie Eustelle de
Saint-Palais près de Saintes, en Charente-Inférieure, écrivait des pages
vécues et sublimes sur l'amour de Jésus au Saint-Sacrement et sur la
réparation et sur l'esprit de victime. Elle mourut en 1842, mais ses
écrits enflammèrent les âmes.
Mme LE VAVASSEUR
En 1841, pendant une mission donnée à Moyencourt dans les Landes,
un des prédicateurs, le P. Girard, fut abordé par une dame qui lui parla
avec feu de l'adoration perpétuelle.
f 1 ) L'œuvre de l'ex. et de l'ad.
— 501 —
Quelque temps auparavant, se trouvant en priôres aux pieds d'une
statue de la sainte A'ieige dans le parc de son château de Coutenz, elle
avait eu l'inspiration de solliciter rétablissement de cette œuvre eu
France. Cette dame se nommait Mme Le Vavasseur. Depuis son en-
fance elle pratiquait la communion (juotidienne. A 17 ans, elle avait
fait graver dans un anneau qu'elle passa à son doigt ces mots: " J'aime
Jésus."
Je n'ai jamais pensé, disait-elle, à entrer en religion, parce que la
communion quotidienne y est souvent difficile, souvent impossible. Je
me suis mariée parce que je pouvais dès lors aller à l'église sans être
accompagnée et quand je voulais. Je me suis mariée à mon Edmond,
parce qu'il allait à la messe tous les jours.
Le P. Girard, sachant que cette dame était très connue dans les
œuvres de charité à Paris, lui conseilla de faire une démarche auprès de
Mgr Afïre. L'Archevêque l'écouta. Ce fut tout, et malgré ses instances
souvent réitérées, l'œuvre ne se fit pas.
Frappé d'une balle en 1848, et sur le point d'expirer, Mgr Affre
s'adressa à son vicaire général M. Jacquemet, plus tard évêque de
Nantes : '' Dites à Mme Le Vavasseur que je meurs avec le regret de
n'avoir pas assez fait pour le Saint-Sacrement. Mon ami, la vie est peu
de chose . . . Aidez-moi à aimer la Sainte Eucharistie. Que je voudrais
l'aimer comme elle le mérite.'' (Une âme eucharistique, p. 76.)
LE SAINT HOMME DE TOUl^S
En 1843, M. Dupont, le " saint homme de Tours," provoqua l'organi-
sation d'une pieuse ligue pour obtenir, par l'intercession de saint lx)\iis.
" la destruction des ennemis de Dieu " en les convertissant et en faisant
échouer leurs projets. Elle consistait en une quarantaine de prières
qui commençait le 16 juillet, fête de Notre-Dame du Carmel, et se ter-
minait le 25 août, en la fête de saint Louis.
En cette même année 1843, le Souverain Pontife (Jrégoiri' X\'l ]ni-
blia un Bref pour l'érection de pieuses confréries ayant pour but la ré-
paration des blasphèmes contre le Saint Nom de Dieu, sous le patronage
de saint Louis, roi de France.
Mais revenons à Paris.
Tin ami de la famille Le A'ava^seur, M. Hamelin. curé de l'abbaye
aux Bois, est le premier qui dès 1844, à l'instigation de Mme Le Vavas-
seur, avait offert son église pour y faire une journée d'adoration répa-
ratrice avec exposition solounello du Très Saiut-Sac rciiuMit. Elle cul
lieu le premier vendredi de mars. Quelipies autres paroisses suivirent
cet exemple, mais ce ne furent que des essais timides, sans organisation
régulière et bornés à l'adoration du jour. (Ib.)
L'IDEE DE VICTIME
Un Père de la Compagnie de Jésus, le P. Calage, qui fnt le directeur
de Mlle Dhuil :^rartini dont nous parlerons plus bas. affirme que des
— 502 —
1846, plusieurs personnes de Marseille qu'il dirigeait, avaient l'attrait
de s'oiïrir en victimes, et que l'une d'elles avait eu l'idée de fonder une
œuvre de victimes eucharistiques.
"Voici vingt ans," lui disait-il un jour, "que des personnes à qui
Dieu fait des communications, semblent s'être donné le mot d'ordre
pour venir à mon confessionnal. Nous étions loin encore de la voir se
réaliser. L'œuvre devait se fonder sur un monceau de victimes."
Et le P. Calage nomma à la fondatrice les âmes qui étaient parties
pour le ciel, après s'être offertes pour l'accomplissement des volontés
divines. (Vie de la Mère Marie de Jésus.)
L'ADOEATION EEPAEATRICE
L'Association de l'adoration réparatrice, qui a son siège rue d'Ulm à
Paris, date de 1848. Théodelinde Dubouché, disait M. de Cabanous au
Congrès de Metz, avait une âme ardente, énergique, passionnée pour le
bien, toujours conduite par un jugement sûr et un cœur généreux. Deux
ans auparavant, en 1846, elle avait eu une première vision. A côté de
la sainte Couronne qu'elle était allée visiter à Notre-Dame de Paris, elle
vit clairement et à plusieurs reprises une hostie qui semblait se soutenir
seule dans l'espace. L'anné suivante, dans une autre vision, le Sauveur
déposa sur ses lèvres deux gouttes de sang qui tombaient de ses lèvres.
En 1848, troisième vision. En la fête du Sacré-Cœur, Jésus mit un
canal d'or entre son Cœur et celui de sa servante, et lui dit: "Je veux
des adorations et des réparations pour apaiser la justice de mon Père,
mais toutes ces adorations sont insuffisantes, il me faut une consécration
religieuse."
Le 6 août de la même année, huit jeunes personnes se réunissaient
autour d'elle pour se consacrer à la réparation. Au bout de trois ans,
elles étaient soixante. En 1853, elles furent approuvées par Rome, et
quand la fondatrice mourut, en 1855, la congrégation comptait trois
maisons. Elle en compte aujourd'hui huit, et autour de chaque maison,
des dames agrégées, des adorateurs et des adoratrices viennent réparer
avec Jésus victime dans son Sacrement d'amour.
Nous ne nous arrêterons pas à raconter la conversion merveilleuse du
juif Hermann Cohen, jeté à genoux par une force invisible au pied du
Très Saint-Sacrement, ni la part active qu'il prit à la fondation à Paris
et à la diffusion de l'Adoration Nocturne.
Cette œuvre de réparation éminemment eucharistique sera l'objet d'un
rapport spécial.
ADORATION NOCTURNE ET ŒUVRE SACERDOTALE A
LYON
En 1849, s'établit à Lyon, une œuvre de réparation qui prit le nom
d'adoration nocturne, mais qui est tout à fait distincte de l'Adoration
Nocturne proprement dite.
— 503 —
La pratique principale de cette œuvre est l'heure d'adoration par mois
choisie de huit heures du soir à huit heures du matin, mais qui peut se
faire, soit à domicile, soit à l'église, ce jour-là ou le dimanche suivant
l'adorateur fait la communion réparatrice.
Les mêmes associés offrent une fois par semaine leurs prières et leurs
bonnes œuvres pour les prêtres vivants, leurs indulgences pour les
prêtres défunts. Ils secondent le prêtre dans ses œuvres, catéchisme,
visite des malades, vocations. L'œuvre publie un bulletin trimestriel
qui est à sa 55ème année, intitulé " Adoration Nocturne et Œuvre Sa-
cerdotale."
LES VICTIMES DU CŒUE DE JESUS
Vers la même époque, une jeune lyonnaise Mlle Caroline J-iéger, avait
entendu plusieurs fois dans l'oraison, cette parole : " Sois victime.''
Au mois de juillet 1852, Mlle Liéger présenta à l'autorité diocésaine
une notice et un règlement sur une association de victimes unies au
Sacré-Cœur pour les gens du monde. Le 11 juillet 18ô:{, le cardinal
Bonald donna par écrit son api)robation à l'œuvre expiatrice. Plu-
sieurs ecclésiastiques émineuts, et parmi eux le Curé d'Ars et le Père
Eymard encouragèrent cette association naissante. En 1856, elle fut
enrichie d'indulgences par Pie IX.
Mais Mlle Liéger, elle aussi avait re(;u du ciel l'ordre de fonder une
congrégation de victimes.
Après avoir surmonté des obstacles humainement insurmontables, elle
fonda cette congrégation dans le diocèse de Grenoble.
Elle fut puissamment secondée par le P. Giraud avec lequel elle col-
labora pour la composition du beau livre que publia ce religieux, sous le
titre de " La Vie de Victime dans l'état religieux."
Des tribulations et des souffrances sans nombre, une maladie atroce
qui dura quatorze ans, firent de la fondatrice une réelle victime de ré-
paration. Elle mourut en 1882, après avoir prédit sa mort à jour fixe.
Elle avait ajouté: "Ah! vous dites que je suis une sainte... vous le
verrez à ma mort. ... il me semble vous voir toutes on ce moment
on se hâtera de me cacher tant mon corps sentira mauvais. . . vous ne
serez pas si fîères de moi alors. . ."
Elle avait demandé cette suprême humiliation, Dieu l'exauça le jour
de ses obsèques, et elle fut victime jusque dans les bras de la mort.
Ses religieuses, exilées en Belgique, y continuent leur fonction de
victimes et d'apôtres de la réparation.
LES KELKilEUSES DK .MAIMK Al )(»i{.\Tl{l(K
En 1854 Mme la Baronne d'IIooghvoort, née Kmilic (roultreinoiit,
de la grande et opulente nolxlesse de Belgique, devenue veuve, quitta sa
famille et sa patrie, et vint à l'aris pour y exécuter un projet mûrement
arrêté dans la prière: la fondation d'une société "d'âmes très pures,
avant pour mission de réparer i)ar la ])énitenoc et I a.b.ration les
— 501 —
outrages et les sacrilèges de chaque jour contre la sainte Eucharistie. Ce
serait une réunion permanente d'enfants de Marie, qui, à la place de la
Mère du Sauveur entoureraient Jésus de respect et de vénération.
Durant une douzaine d'années, elle mena parallèlement la vie de mère
de famille auprès de ses quatre enfants, et celle de fondatrice et supé-
rieure générale auprès de ses religieuses.
Habillée de noir dans sa famille, elle prit soin de l'éducation de ses
enfants; habillée de blanc dans sa communauté, elle donna à la Société
de Marie réparatrice l'empreinte de sa riche nature élevée par la grâce
jusqu'à l'héroïsme des vertus religieuses.
La première maison de cette congrégation fut fondée à Strasbourg,
en 1856. Lorqu'en 1883 Léon XIII l'approuva définitivement, elle
comptait des maisons florissantes en France, en Belgique, en Espagne,
à Rome et jusque dans les missions du Maduré. Cette dernière fonda-
tion s'est épanouie depuis sous le nom de Sœurs Missionnaires de Marie
et forme une nouvelle jDhalange de vierges vouées à l'apostolat et à l'ado-
ration.
LA COMMUNION EEPAEATEICE
L'œuvre de la Communion réparatrice a été organisée d'abord à la
Visitation de Paray-le-Monial en 1854, par le P. Drevon, S. J. Plus
tard, en 1880, elle fut intimement liée à l'Apostolat de la Prière, dont
elle constitue le 3ème degré. Le 3ème degré de l'Apostolat de la Prière
comprend en effet, ceux de ses membres qui, outre l'offrande de leur
journée, acceptent encore de faire la communion hebdomadaire ou men-
suelle aux intentions indiquées : Consoler le Cœur de Jésus, réparer, et
obtenir la conversion des pécheurs.
Cette œuvre s'est organisée de deux façons: 1° Par roulement: sept
personnes se partagent les jours d'une semaine, trente personnes se par-
tagent les jours d'un mois. Cliaeun communie au jour assigné. Sous
forme de communion générale, le premier vendredi du mois, par exemple
ou le premier dimanche.
En 1897, la Communion réparatrice redevint une association com-
mune qui peut être établie partout avec l'autorisation de l'Ordinaire,
mais l'Apostolat de la Prière a gardé la permission facultative d'en faire
son 3ème degré.
Le nombre des communions réparatrices était, en 1880, de 50,000 par
jour; il s'est élevé à 100,000. Aujourd'hui que cette œuvre s'établit in-
dépendamment de son centre d'origine, la statistique est impossible, mais
elle est inscrite dans le Cœur de Jésus.
LA DEVOTION AU CŒUR EUCHARISTIQUE
A l'année 1854 remonte aussi la dévotion au Cœur Eucharistique de
Jésus. Or, l'archiconfrérie du Cœur Eucharistique établie plus tard,
en 1893, est encore une œuvre de réparation. "Les outrages dont le
Cœur de Jésus est abreuvé sont appelés par l'âme privilégiée qui a donné
— 505 —
l'idée de ce vocable, " la passion actuelle " de Jésus. Cette passion,
ajoute-t-elle, est celle dont les chrétiens fervents doivent surtout être
préoccupés, parce qu'elle s'accomplit tout près d'eux, et que c'est par
amour pour eux, pour demeurer avec eux, que Jésus s'y expose. Xous
devrions souffrir, réparer, pour toutes les profanations en général, et
pour chacune en particulier: par exemple pour chaque parcelle d'hostie
perdue, accepter toute parole humiliante, tout procédé pénible. Pour
les indifférences des bons, supporter les manquements des personnes dont
on aurait droit d'attendre de l'alfection : pour les communions froides
ou mal faites, offrir des communions ferventes, bien préparées, de fré-
quentes communions spirituelles.
La dévotion au Cœur Eucharistique est donc aussi une œuvre de répa-
ration, mais avec une nuance plus douce: la consolation.
LES FILLES DU CŒUK DE JESUS
Mlle Deluil Martini naquit eu 1841, à Marseille. Après avoir long-
temps travaillé comme première zélatrice de la Garde d'honneur, elle
s'était sentie appelée à fonder un institut de vierges. Elle en écrivit la
constitution en 1869, et en commença l'exécution à Berchem-les-Anvers
le 20 juin 1873.
La Mère Marie de Jésus disait dans le plan de son œuvre : " Comme
Marie sur le Calvaire, unie au Prêtre éternel, a offert son divin Fils et
a renouvelé chaque jour cette offrande par les mains de saint Jean, ainsi,
les Filles du Cœur de Jésus offriront Jésus-Hostie, immolé d'autel en
autel, et d'heure en heure par toute la terre et unies à tous les ])rêtres
du monde, célébreront de cœur avec eux, une messe perpétuelle, en sui-
vant l'agneau partout oii il va, partout où il s'immole. Prêtres avec
Marie, les Filles du Sacré-Cœur seront victimes avec elle. En même
temps qu'elles offriront la très pure Hostie, elles s'offriront elles-mêmes
en sacrifice, elles seront des hosties vivantes, étroitement unies aux dis-
positions de Jésus et de Marie.
L'Institut fut définitivement approuvé le 2 février 1002. Un qua-
trième vœu est demandé aux adhérentes: celui de rendre un culte par-
ticulier au Très Saint-Sacrement de l'Eucharistie en réparation des
injures faites au Sacré-Cœur de Jésus, auquel elles s'offrent continuel-
lement comme victimes.
La fondatrice mourut de mort violente, à Marseille, lâchement assiis-
sinée par un de ses anciens domestiques devenu anarcliiste, et cimenta
ainsi de son sang son œuvre de réparation.
LA GAT^DK D'TIOXXET'R
La Garde fut fondée en 1863, derrière les grilles du monastt-re de la
Visitation de Bourg, au diocèse de Belley. .,,,,. ., ,. ,,, .„
Vers la fin de cett^> année, une lettre arrivait de la A isitation D An-
necv, berceau de la Congrégation. " Notre-Seigneur/' y d.sa.t-on se
plaint de ce qu'avant reçu les révélations de son Cœur, nous ne dé-
ployons pas assez de zèle pour en propager le culte.
— 506 —
En entendant ces paroles, les religieuses se tournèrent du côté d'une
jeune sœur, à qui, quatorze ans auparavant sa supérieure avait dit:
" Dieu vous réserve une grande mission."' ^ A vous, lui dirent-elles, de
trouver un moyen nouveau de faire glorifier le Cœur de Jésus.
Quelques semaines se passent. Tout à coup Sœur Marie du Sacré-
Cœur est vivement saisie par une idée qui s'impose à son attention.
Elle voit un cadran, des noms inscrits sur ce cadran et les personnes
inscrites se succèdent d'heure en heure pour adorer le Dieu inconnu et
méprisé. Une religieuse dessine le cadran, une autre peint un cœur au
centre du cadran, avec, au-dessus, la légende: Gloire, amour, réparation
au Cœur de Jésus.
Le 13 mars 1863, le cadran était exposé et portait les noms des pre-
miers membres de la Garde d'honneur.
L'objet précis de cette dévotion est le Cœur de Jésus, blessé visible-
ment par la lance, et invisiblement par l'oubli, l'ingratitude et les péchés
des hommes.
Bientôt après, les rayons de l'œuvre avaient percé les murs du mo-
nastère, fidèles, prêtres, évêques. Pie IX, Léon XIII et Pie X sont fiers
de monter chaque jour la garde auprès du Cœur blessé du divin Maître.
On s'acquitte de cette garde en esprit sans rien changer à ses occupa-
tions, en se tenant, pendant l'heure choisie, uni à Notre-Seigneur dans
le Tabernacle.
La Garde d'honneur compte aujourd'hui plusieurs millions d'associés.
LA MESSE REPAKATEICE
L'œuvre de la Messe réparatrice inspirée, vers l'année 1863 à une
pieuse chrétienne, alors simple ouvrière, mère de famille, et qui se fit
plus tard religieuse norbertine, sous le nom de Sœur Rose, a été érigée
en archiconfrérie par un Bref du Pape Léon XIII en 1886. Elle a pour
but de réparer, par l'assistance réitérée au saint Sacrifice de la Messe,
l'outrage que font à Dieu ceux qui, sans motif suffisant, se dispensent
de ce devoir les dimanches et fêtes d'obligation.
La pratique essentielle de cette dévotion est donc d'entendre une se-
conde messe ces jours-là, au lieu et place d'un absent, avec l'intention
particulière et explicite de réparer la gloire de Dieu atteinte par cette
absence coupable.
L'archiconfrérie a son siège à Bonlieu dans la Drôme, pour la France.
Des archiconfréries limitées aux pays où elles sont établies existent en
Belgique, en Angleterre, en Alsace, en Irlande, en Autriche, au Canada.
L'œuvre de la Messe réparatrice a pour organe " La divine Hostie,"
que publient les PP. Promontrés à Lefïe-Dinan, Belgique.
LA LIGUE DE LA SAINTE MESSE
Elle diffère de la première, d'abord parce que ce n'est point une archi-
confrérie, mais une simple croisade d'apostolat. P^lle a pour but de
faire mieux connaître et estimer la Messe et d'engager les fidèles à y
— 507 —
assister, non plus le dimanche mais en semaine, une ou plusieurs fois
par semaine, par quinzaine ou par moi?. Elle a adopté un mode d'en-
gagement inventé il y a une trentaine d'années à Armentières, par un
simple ouvrier tisseur, qui, après ses journées de labeur parcourait la
ville pour enrôler les chrétiens de bonne volonté qui voulaient bien s'en-
gager à aller ainsi au moins quelquefois à la messe en semaine. La
ligue a pour organe la " Clochette," 27, rue Nicolo, Frais, ab. 2 f r. 00
par année.
ASSOCIATION DE PRIEliES ET DE PENITENCE
L'association de prières et de pénitences en l'honneur du Sacré-Cœur
fut établie pour la première fois le 23 février 1819, en l'église St-Michol,
de Dijon. En 1882, le cardinal Guibert, archevêque de Paris, l'adopta
comme une des œuvres principales de l'église du Vœu National. C'est
là que se trouve aujourd'hui son centre, car par un Bref en date du 23
avril 1894, Léon NUI a daigné lui conférer tous les privilèges d'une
archiconfrérie, avec pouvoir d'agrégation, non seulement pour la France
mais pour le monde entier.
Cette œuvre a pour but, de réparer par la prière et la pénitence
unies aux prières et aux souffrances du Cœur de Jésus, les crimes des
hommes, tous les outrages commis contre la religion, contre les droits
de l'Eglise et du Saint-Siège, contre la personne sacrée du Vicaire de
Jésus-Christ. . .
Conditions:
Se faire inscrire sur un registre spécial de l'Association, puis choisir
un jour de prière et de pénitence par semaine, par quinzaine ou par
mois, et, au jour choisi, offrir à Dieu on union avec le Sacré Cœur et
en esprit de réparation, les travaux et peines de la journée, additionnés
d'une pénitence corporelle proportionnée à l'âge, à la santé, à la condi-
tion, comme le jeûne, l'abstinence, ou toute autre mortification, en un
mot à faire entrer dans sa vie l'habitude de la pénitence.
Cette association a inscrit dernièrement sur ses registres la plupart
des membres d'une des plus jeunes congrégations vouée aux soins des
pauvres et des malades.
EN L'HONNEUR DE LA SAINTE TRINITE
L'association réparatrice envers la Très Sainte Trinité, sous le patro-
nage de Saint-Michel, dont le siège est ô, rue do la Santé, à Paris, date
de 1873. Elle a été autorisée par un Bref de Pie IX en 1870.
Les deux premiers articles de son règlement en donnent le but et les
pratiques.
But. — 1° Demander à Dieu l'extinction des sociétés secrète?;
2° Adorer la patience de Dieu et réparer les outrages qui sont fait* A la
Très Sainte Trinité dans ces sociétés.
Moyens. — Les prêtres, les membres des communautés religieuses
peuvent faire partie do cette association: les prêtres*; pour célébrer une
— 508 —
trinité de messes, les membres des communautés religieuses et les laïques,
pour faire une trinité de communions.
Au Congrès d'Avignon, 1883, on accusait 8,000,000 de messes et com-
munions. Le chiffre annuel de ces messes est aujourd'hui de 12,000 et
celui des communions de 500,000.
CHEZ LES PP. MAEISTES
En 1874, le P. Martin, supérieur des Maristes, fonda en sa chapelle,
rue de Vaugirard, l'Adoration réparatrice. Trois ans après, elle comp-
tait 700 dames et 200 hommes, et fournissait 15,000 heures de présence
par an. Au moment des décrets, la chapelle fut fermée, et l'œuvre
quelque temps suspendue se reforma dans la chapelle de la Visitation où
elle se continue.
ADORATION PAE GROUPES PROFESSIONNELS
En 1878, une œuvre réparatrice s'établit dans l'église Ste-Eugénie,
à Nîmes. En 1886, Mgr Besson, d'éloquente mémoire, inaugurait l'ado-
ration par groupes professionnels. Le premier lundi le clergé, le
deuxième les ordres religieux, le troisième les Frères des Ecoles chré-
tiennes, puis les magistrats, les architectes, les Jardiniers, les vignerons
- . . enfin les propriétaires et les rentiers. Cette œuvre a eu ses beaux
jours, mais elle n'existe plus.
ADORATION DES NATIONS CATHOLIQUES
L'association réparatrice des nations catholiques se propose d'associer
dans une commune prière et amende honorable toutes les nations pour
leurs offenses à la Majesté divine. Il a été assigné à chaque nation un
jour déterminé de la semaine pour offrir leurs adorations : Le dimanche,
Italie, France, Espagne, Portugal ; lundi, tous les autres pays de l'Eu-
rope; le mardi, l'Asie; le mercredi, l'Afrique; le jeudi, l'Amérique du
Nord; le vendredi, l'Amérique du Sud; le samedi, l'Océanie.
Pratique. — Une demi-heure d'adoration en esprit de réparation, le
jour assigné, ou, en cas de légitime empêchement, un autre jour quel-
conque de la semaine.
Cette association fut approuvée en 1882. Elle a son siège à Rome,
comme l'archiconfrérie du Cœur Eucharistique, dans l'église Saint-Joa-
chim, et ces deux œuvres sont confiées au zèle des Rédemptoristes.
LA CROISADE REPARATRICE
La croisade réparatrice établie sous la protection de Notre-Dame des
Victoires, à Paris, a un but tout spécial: elle s'applique à réparer les
blasphèmes et sacrilèges dus à l'inspiration de la Franc-Maçonnerie, à
prier pour la destruction de la secte et la conversion de ses membres.
— 509 —
^Tée au mois de mai 1896, accueillie favorablement par le congrès anti-
maçonnique de Trente, la croisade réparatrice a travaillé san° cesse à
multiplier les hommages rendus à Dieu en expiation de tant de crimes
qui l'offensent.
La principale de ses pratiques est l'offrande du Saint Sacrifice, l'acte
réparateur par excellence.
Elle est dirigée par M. l'abbé de Bessonies, chapelain de Xotre-Darae-
des-Victoires,à Paris.
ŒUVEE DES PRETEES VICTIMES
Il existe depuis quelques années une œuvre de réparation qui com-
mence à se répandre en France et au delà, sous le nom de Prêtres
victimes. Le Saint Père vient de lui donner pour président, le Supé-
rieur général des Lazaristes.
Au diocèse de Saint-Claude et dans plusieurs autres, fleurit l'œuvre
des messes réparatrices, célébrées par des prêtres zélés, en vue de réparer
les outrages faits au Cœur de Jésus.
'e^
L'IXSTITUT DES SERVANTES DE JESUS-MARIE
Xous avons commencé par la première congrégation eucharistique,
fondée il y a 250 ans, terminons par la dernière en date, née en 1875, an
diocèse d'Ottawa, sous l'inspiration d'un prêtre zélé M. Mangin, curé de
Masson. La fondatrice. Sœur Marie-Zita de Jésus, avec ses 50 reli-
gieuses, a transféré à IIull sa communauté et joint à la réparation
eucharistique un culte spécial au Saint-Esprit.
LA SANTA LKGA EICAIMSTICA
La Sauta Lega Ettcarisiica a été officiellement fondée par un Bref de
Léon XIII en date du 17 février 1896, à la demande du R. P. Gerardo
Beccaro, carme déchaussé, dans l'église du Corpus Chrisli de Milan.
Elle a pour but, disait le fondateur au Congrès de Para\-le-Monial,
1" De réparer les outrages faits à Notre-Seigneur Jésus-Christ dans le
Saint-Sacrement de nos autels, de raviver de plus en plus la dévotion à
la Très Sainte Eucharistie, et d'étendre le règne de Jésus-Christ dans
les âmes, dans les familles et dans les vsociétés. 2° D'obtenir, par les
prières de ses membres, que les obstacles qui empêchent tant de chré-
tiens de s'approcher de Jésus-Christ dans le Saint-Sacrcniciit soient
brisés, et qu'ils puissent recevoir fréquemment la sainte comninnion
pendant leur vie et à l'article de la mort.
Les progrc'S de cette Ligue ont été rapides, surtout en Italie, et autour
d'elle s'est organisée à Milan tout une série d'œuvres religieuses, écono-
miques et sociales qui sont animées de l'esprit le plus surnaturel et le
plus eucharistique.
— 510 —
*
Que faut-il conclure de cet aperçu sommaire des œuvres eucharistiques
de réparation?
Eappelons que la vie surnaturelle est composée de trois éléments: la
prière, l'action et la souffrance. De nos jours, on met au premier plan
l'action, moins que cela, la parole. La parole est utile, l'action est in-
dispensable, mais elles ne sont vraiment efficaces qu'à la condition
d'être fécondées par la prière. Or, la prière elle-même ne suffit pas. Il
y a une sorte de démon qui ne se chasse que par le jeûne ajouté à la
prière, l'action et la souffrance. Que celui qui veut être mon disciple
prenne sa croix et qu'il me suive.
Or, la souffrance, la pénitence, la mortification, la vie de victime sont
absentes de tous les programmes de régénération sociale. Complétons
ces programmes si nous voulons des sociétés catholiques. Jésus Victime
veut des victimes : il veut des victimes volontaires. Il ne force personne
mais ces victimes n'en sont pas moins nécessaires.
Vœux :
1° Que l'on fasse connaître aux âmes qui désirent se donner à Dieu
les congrégations religieuses de réparation eucharistique.
2° Que Von établisse dans les paroisses les œuvres de la communion et
de la messe réparatrices.
3° Que l'on enseigne aux fidèles dans les triduums eucharistiques la
doctrine de la pénitence et du sacrifice.
A M. l'abbé Bouquerel, succède un digne laïque;
M. L -J.-A. Deroine, .qui depuis de longues années est le Pré-
sident de l'Adoration Nocturne à Montréal, après avoir été
l'un de ses fondateurs. C'est de l'œuvre qui lui est chère
qu'il va entretenir l'assemblée.
L'ŒUVRE DE L'ADORATION NOCTURNE, A
MONTREAL
L'œuvre de l'Adoration Nocturne à Montréal, dont j'ai le très grand
honneur et la joie profonde de vous soumettre le rapport, a déjà fait
l'objet d'une étude qui fut lue par son autour, notre confrère, M. le Dr
L. A. G. Jacques, au Congrès Eucharistique de Jérusalem en 1893. Nous
gardons avec reconnaissance, à Montréal, le souvenir de l'accueil bien-
— 511 —
veillant que son Eminence le Cardinal Langéniuux. de regrettée mé-
moire, alors Légat du Pape, Nos Seigneurs les évoques, les autres prélats
et tous les congressistes de Jérusalem firent à notre confrère Et le
présent rapporteur est heureux de s'appuver sur ce souvenir pour es-
compter à nouveau la charitable sympathie des membres distingués du
Congrès de Montréal.
Comme le disait M. le Dr Jacques, notre œuvre de l'Adoration Noc-
turne est née à Montréal, il y a plus d'un quart de siècle, d'un concours
de circonstances que nous croyons vraiment providentielles. Notre ville
qui a porté d'abord le nom de Ville-Marie, est au premier chef une ville
eucharistique. Des voix plus autorisées que la mienne, vous l'ont ces
Jours-ci éloquemment rappelé. Au matin même de leur arrivée sur nos
rives, le 18 mai 1642, M. de Maisonneuve et ses compagnons assistèrent
à la Sainte Messe, que le Père Vimont célébra à l'autel improvisé
qu'avaient orné les pieuses mains de Jeanne Mance et de Madame de la
Peltrie, et pendant toute cette journée, la première de rétablissement
de la colonie, les premiers habitants de Montréal furent en adoration.
En principe, c'est de là que nous datons.
Le culte à Jésus-Hostie fut en effet toujours chez nous en honneur.
Sans insister davantage, il est permis de croire que l'Adoration Nocturne
n'a été, dans le temps voulu par Dieu, qu'un fait particulier sorti natu-
rellement de ce grand arbre de vie de foi que le grain de sénevé, dont
parlait le Père Vimont, devait produire au pied du Mont-Poyal.
Effet d'une Lecture
Saint Paul nous apprend que Dieu choisit souvent de bien pauvres et
de bien chétifs instruments pour accomplir ses desseins. Une fois de
plus l'événement l'a prouvé. A l'automne de 1880, le modeste rappor-
teur qui est devant vous partait pour l'Europe oîi l'appelaient les affaires
de son négoce. Sur la recommandation d'une pieuse iille de la Véné-
rable Marguerite Bourgeoys, j'apportai avec moi et je lus, au cours de la
traversée, — plus exactement en naviguant dans notre Golfe Saint-
Laurent, car sur l'Atlantique le mal de mer ne m'en laissa pas le
loisir — j'apportai avec moi, dis-je, et je lus la vie du saint homme de
Tours, M. Dupont. Ce qui s'y trouve concernant l'Adoraiion Nocturne
me toucha profondément. " Quelle belle œuvre, écrivais-je à un ami de
Montréal, et comme il serait intéressant de l'établir diez nous, si les
autorités religieuses le jugent convenable et op|K)rtun." Or, presqu'au
même temps, la vie de M. Dupont était lue au réfectoire des MM. de
Saint-Sulpice, à Notre-Dame de Montréal, et au chapitre de l'Adoration
Nocturne, le vénéré supérieur d'alors, M. Bayle, s'écriait : '' Mon Dieu,
que c'est beau ! Si nous pouvions trouver des laïques (pii voulussent se
dévouer à cette œuvre ! " A Paris, je vis M. de Ben(|ue, lo président de
l'Adoration Nocturne, qui m'instruisit de tous les règlements de l'œuvre.
\ mon retour, je fus trop heureux, dès les premières démarches que je
tentai, de rencontrer partout les meilleurs encouragements. Mgr Fabre,
de pieuse et douce mémoire, voulut bien autoriser et bénir l'œuvre, dont
— 513 —
il présida en personne l'inauguration en décembre 1881. Les MM. de
Saint-Sulpice, dont le zèle et la charité ont doté Montréal de tant d'oeu-
vres fécondes, nous donnèrent avec empressement l'hospitalité dans leur
belle église de Notre-Dame. L'un d'eux, l'éloquent M. Martineau, nous
fut désigné comme directeur de l'œuvre.
Voilà, Eminences, Messeigneurs et Messieurs, en quelques mots, l'his-
toire de la naissance de l'Adoration Nocturne à Montréal. Je vous de-
mande pardon d'avoir dit le rôle, bien modeste sans doute, mais si
consolant pour moi, que j'y ai tenu. J'ai cru que je le devais pour ex-
primer à Notre-Seigneur en votre présence la gratitude de mon âme, et
aussi pour rendre hommage à la vérité des faits.
Organisation
Le fonctionnement de l'œuvre n'est pas compliqué. Il est en grande
partie calqué sur celui de Paris. Nous avons chaque semaine une nuit
d'adoration. Depuis le mois de décembre 1881, les exercices ayant eu
lieu sans interruption, nous avons fait, dans cette nuit du jeudi au ven-
dredi chaque semaine, 1811 nuits d'adoration. Nous comptons pour
cela environ 200 adorateurs qui se fractionnent en sept séries distinctes,
de manière que chaque adorateur n'est appelé que toutes les sept se-
maines. Au reste, pour chaque nuit de veille, l'adorateur n'est tenu qu'à
une heure d'adoration. Mais il y a un exercice général par lequel com-
mencent toutes nos nuits d'adoration, auquel sont invités tous les
adorateurs de semaine, et même les autres si leur piété les y porte et si
les circonstances le leur permettent. C'est la première heure, de 9 à 10,
au cours de laquelle nous exécutons le programme que voici. De notre
chapelle de Notre-Dame du Sacré-Cœur, qui se trouve à l'arrière du
chœur de Notre-Dame, nous nous rendons, par les nefs de la vaste
savent ce qu'ils font; puis, nous faisons une station à l'autel de Notre-
Seigneur si souvent outragé par les hommes de pardonner à ceux qui ne
savent ce qu'ils font; puis, nous faisons une station à l'autel de Notre-
Dame du Perpétuel Secours, pour mettre nos pauvres prières sous la
garde de Marie, le secours des chrétiens ; enfin, nous revenons à notre
chapelle au chant du De Profundis pour nos confrères défunts. Alors,
nous chantons un cantique; M. notre Directeur nous fait une allocution
avec les recommandations aux ])rières et le Saint-Sacrement est exposé
pour la nuit. Nous récitons tous ensemble le premier Nocturne de
l'Office du Saint-Sacrement, le président lit l'amende honorable, on
chante le Parce Domine, la prière du soir se récite et l'exercice public
se termine par l'invocation liturgique "In ninrnts tuas, Domine, com-
mendo spiritum moum." Les adorateurs ensuite se succèdent deux par
deux, chaque heure, à tour de rôle, ceux qui sont libres allant dormir
dans le beau dortoir situé au-dessus des sacristies et dont nous devons
l'aménagement à l'un de nos confrères de la première heure. A 4 h. 30
du matin, le réveil est sonné; tout le monde se rend à la chapelle, on y
fait la prière, la méditation, on assiste à la messe de 5 heures, on com-
munie et la nuit de veille est close ! Quoique chaque adorateur ne soit
— 513—"
tenu qu'à une heure de veille, un très grand nombre se font un devoir
d'être présents chaque Jeudi à l'exercice public de la première heure.
J'en sais qui s'imposent de longs trajets et de réels sacrifices pour venir
ainsi monter la garde au pied de l'Ostensoir.
Les Quarante-Heures
Outre ce fonctionnement régulier que je viens de décrire et qui est
comme la base même de la vie de notre œuvre, nous avons souvent la joie
d'être invités dans l'une ou l'autre de nos cinquante églises paroissiales
de Montréal ou des environs, ou dans les chapelles des communautés,
pour l'adoration des Quarante-Heures. Dans la mesure du possible,
nous répondons toujours avec empressement à ces pieuses invitations.
Nous avons conscience que par la grâce du Christ et malgré nos misères,
nous constituons comme une garde d'honneur à Jésus présent au Sacre-
ment de l'autel; or, honneur autant que noblesse oblige. Chaque fois
qu'on nous appelle, et autant que nous le pouvons, nous répondons :
Présent ! Depuis six ans, une bienveillance particulière de Sa Gran-
deur, Monseigneur l'Archevêque Bruchési, nous a obtenu du Saint-Père
Pie X la faveur de terminer chaque année, du 31 décembre au 1er jan-
vier, par une nuit d'adoration. Elle est bien belle, cette nuit, bien
solennelle et bien édifiante. La vaste église de Notre-Dame est trop
petite pour contenir la foule qui s'y presse. Après le chant d'un can-
tique :
Prosternons-nous devant la Sainte-Hostie.
Où notre Dieu repose nuit et jour.
Divin Jésus, dans votre Eucharistie
A vous, ce soir, mon dernier chant d'amour . . .
nous récitons en chœur le saint office au milieu du recueillement du
peuple qui nous édifie toujours profondément. Mgr l'Archevêque, qui
ne manque jamais de venir présider cette manifestation, prie avec nous
qui sommes les plus humbles de ses enfants; puis Sa Grandeur tire de
son cœur l'une de ces délicates et si fructueuses allocutions par lesquelles
notre archevêque sait faire tant de bien; après, c'est "la Messe de Mi-
nuit du Jour de l'An " que Monseigneur célèbre et à laquelle avec des
milliers de fidèles nous recevons la sainte communion. Cette nuit d ado-
ration d'ailleurs, vous avez pu l'autre soir la vivre avec nous. Mes-sei-
gneurs et Messieurs, et je suis sûr que vous avez parfaitement Pcnti jus-
qu'où et combien elle nous est précieuse et salutaire. J'aurais mauvaise
grâce d'insister.
L'Esprit de l'Œuvre
J'aurais voulu, Eminences, Messeigneurs et Messieurs. Pour rhonnour
de notre œuvre, dire mieux ce que j'avais à dire, vous peindre par le
17
détail ce que sont nos nuits d'adoration. J'ai pensé que vous me per-
mettriez d'emprunter, pour terminer ce rapport trop imparfait, à notre
excellente " Semaine Eeligieuse " le récit que l'un de ses rédacteurs
faisait naguère de la nuit d'adoration par laquelle du 6 au 7 décembre
1908 nous avons célébré ici, à Montréal, en union avec nos confrères de
Paris qui nous y avaient conviés, le soixantième de la fondation de
l'Adoration Nocturne à Paris. Ce sera vous exprimer mieux que je ne
saurais le faire l'esprit et la vie de notre œuvre.
" Deux cents adorateurs étaient réunis. D'abord eut lieu la céré-
" monie accoutumée du petit pèlerinage à la chapelle de la Sainte-Face
" et à celle de Notre-Dame du Perpétuel-Secours ; puis, après une allo-
" cution de circonstance, le Saint-Sacrement apparut dans l'ostensoir,
" on récita l'Office et la garde nocturne se continua, par toute la nuit,
" les factions se succédant d'heure en heure jusqu'aux petites heures du
" matin. Et cette seule pensée que non seulement à Paris, mais dans
" plusieurs villes de France, de Belgique, d'Italie, des Etats-Unis et
" d'ailleurs, aux mêmes heures environ, on en faisait autant, animait le
" zèle des adorateurs et donnait à leur acte chrétien une portée magni-
" fique. Ah ! si Sodôme ainsi avait eu dix Justes ! Quand, venant de leur
" chapelle, la procession des adorateurs pénétra dans la vaste nef de
" Notre-Dame, toute pleine d'ombre et de mystère, où ne pointaient que
" quelques lumières — pour le pèlerinage à la Sainte-Face et à la Peine
"du Perpétuel-Secours — on se reportait presque nécessairement aux
"défilés pieux aperçus naguère dans les souterrains et les catacombes de
" Eome. C'est ainsi, pensait-on, que devaient prier nos aïeux dans la
" foi. Les chants eux-mêmes avaient comme une tonalité spéciale, pleine
" de ferveur et de foi. " Nous voulons Dieu ! C'est notre roi, c'est notre
" maître. — Face adorable, pour le peuple coupable — Ave, Ave, Ave
" Maria ! ! ! " Tout cela montait vers les voûtes perdues dans le mys-
" tère, comme autant d'appels sincères et singulièrement émouvants.
" Le Dieu d'Abraham et de Jacob, le Dieu du Calvaire et de l'Eucha-
" ristie, le Verbe fait homme, fils de Marie, devait entendre avec faveur
" ces voix et ces cœurs ! Ou la religion n'est pas, ou elle était ici tout
" entière. C'était comme l'écho du cri magnifique de l'aveugle de Jé-
" richo : " Jésus, fils de David, ayez pitié de nous." Qui dira ce que
" valent devant Dieu, pour la ville et pour le pays, ces cris de foi, d'es-
" pérance et d'amour ?
" Bientôt, voici les adorateurs dans leur chapelle, le prédicateur leul
" parle en toute simplicité de leur œuvre, de ses merveilles et de ses
" fruits. " Jésus, dit-il, est le centre du culte comme il l'est de la foi."
" L'œuvre qui est née à Notre-Dame-dos-Victoires à Paris, dans la nuit
" du 6 au 7 décembre 1848, est pour cela, messieurs, admirablement
" chrétienne. L'Eucharistie, c'est l'Incarnation et la Eédemption conr
" tinuées, c'est le grand mystère chrétien. Nous vous adorons dévote-
" ment, ô divinité cachée, qui sous ces apparences et ces figures, vivez
"réellement! Mais aussi, l'Eucharistie, c'est la vérité certaine et con-
"solante. Toute la religion du Christ la célèbre et la chante, et. par
" conséquent l'établit et la prouve. Adorateurs, bénissez votre lot.
" Venez à Jésus, car il console. . ."
— 515 —
" Enfin, ce fut rexposition, la récitation de lollice durant la première
" heure de garde, puis, d'heure en heure, la relève au poste d'honneur,
" jusqu'au matin du 7 — qui se trouve être la vigile de l'Immaculée
Conception. Sans doute, les adorateurs, dans une ville comme Mont-
" réal, pourraient être plus nombreux. Mais après tout, ces sorté&
'^ d' œuvres sont le lot d'une élite. Il faut la jix-ation. et le mot de&'
"saintes lettres est toujours vrai: '"Beaucoup d'appelés, peu d'élus.".
" Félicitons-nous qu'il y en ait, chez nous, de ces " élus ' du culte de
" l'Eucharistie. Quand ils vont, caravane pieuse, par nos églises et no§
'' chapelles pour la garde d'honneur des Quarante-Heures, inclinons-
" nous devant leur zèle et leur piété. Plusieurs parmi eux ont les mains
" durcies au labeur quotidien du travail, du " prolétaire " — comme ils
" disent. Mais ces mains qui tiennent le manuel de l'adorateur sont
'•' belles, si l'on ose ainsi dire, comme les pieds de ceux qui évangélisent,
" dont parle l'Ecriture. ' Honneur à ces vaillants de Jésus-Hostie ! ' Si
" Sodôme eût eu dix justes, rien que dix, elle eût été sauvée, ne l'oubliez
" pas."
Les Adorateurs
Eminences, Messeigneurs et Messieurs, vous avez remarqué peut-être
au passage la note du rédacteur de la "Semaine Religieuse"? " Le6
adorateurs, dit-il dans une ville comme Montréal, pourraient être plus
nombreux." Il a raison. Assurément, nous reconnaissons que notre
œuvre est une œuvre de conseil et une œuvre privilégiée. Personne n'est
tenu strictement d'en être. Il reste vrai que l'élite à laquelle elle fait
appel devrait se recruter plus nombreuse. Il reste vrai peut-être qu'en
dehors de notre ville de Montréal, l'œuvre pourrait voir naître, de l'as-
sentiment de l'autorité, des succursales. Déjà, nous en comptons deux :
une à Sorel (diocèse de Saint-Hyacinthe), fondée en 1893, et l'autre à
Saint-Jean (diocèse de Montréal), fondée en 1908. Nous nous per-
mettons d'espérer que du Congrès de Montréal jaillira un élan qui nous
sera profitable. C'est pourquoi je dépose ce double vœu :
Vœu :
"Le Congrès de Montréal reconnaissant l'importance de l'enivre de
l'Adoration Nocturne établie à Montréal depuis 1881, sur le modèle de
celle de Paris qui existe depuis 1848, émet le vœu: 1° que l'œuvre recrute
de plus nombreux adhérents; 2° que, du consentement dfs autorités
compétentes, l'œuvre soit établie dans les autres grandes villes du Ca-
nada."
— 516 —
Mgr Odelin dit alors quelques mots sur une œuvre fran-
çaise : '' l'Apostolat Eucharistique", qui fait, avec les âmes
pieuses communiant tous les jours, des apôtres pour toutes
les oeuvres paroissiales. Puis, au nom de l'Œuvre de l'Ado-
ration Nocturne du Très Saint-Sacrement, de Paris, M. le
comte d' YanviUe, prend la parole en ces termes :
APOSTOLAT EUCHARISTIQUE
Messieurs,
Dans la nuit du 6 au 7 décembre 1908, l'Œuvre de l'Adoration Noc-
turne de Paris, célébrait sa soixantaine. — Pour une vie d'homme, c'est
le commencement de la vieillesse; pour une œuvre qui a la gloire et le
service de Dieu pour objet, il ne saurait y avoir de vieillesse; car aussi
longtemps qu'elle est fidèle à sa mission, elle doit participer aiu principe
éternel de Celui qu'elle sert, et ne saurait vieillir. — Toutefois, soixante
ans, c'est l'âge de la maturité, l'âge où il fait bon regarder en arrière,
pour interroger ses devanciers, s'inspirer de leurs exemples, examiner si
on a été fidèle à leurs traditions, et tout en les vénérant comme des an-
cêtres, chercher s'ils ne nous ont pas laissé quelques progrès à faire,
quelques améliorations à réaliser qui seraient de nature à faire produire
des fruits plus abondants à l'œuvre qu'ils ont confiée à nos mains et
qu'ils nous ont donné mission de développer. La vie est une force tou-
jours en mouvement: il faut avancer ou reculer. Quiconque ne progresse
pas recule ; avec la grâce de Dieu, il faut donc tendre de tous nos efforts
à progresser, c'est-à-dire à faire de mieux en mieux. — Y avons-nous
travaillé suffisamment?
C'est cet examen de conscience, messieurs, que je voudrais faire au-
jourd'hui devant vous.
Bien des fois déjà, on a fait le récit des circonstances au milieu des-
quelles est née, à Paris, cette Œuvre de l'Adoration Nocturne. Ce sont
les dangers qui menaçaient la France, et ceux qui venaient de frapper
la Papauté, qui ont déterminé l'institution de l'Adoration Nocturne, ses
fondateurs estimant, à juste titre, qu'aucune œuvre ne réunissait à un
degré égal le double caractère que doit avoir la prière pour produire tous
ses effets: l'amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui reçoit toute sa-
tisfaction dans l'intimité si étroite et si tendre d'une nuit d'adoration,
et l'esprit de pénitence et de réparation qui offre le sacrifice de son
repos, la privation du sommeil, l'abandon de son foyer, pour venir con-
soler l'Hôte divin du Tabernacle à l'heure où tout dort, sauf hélas ! trop
souvent, la débauche et le crime, et où II demeure seul dans ses temples
vides.
Ija France était en proie aux convulsions de 1848; le Pape Pie IX,
— 51:7 —
chassé de Kome, venait de se réfugier à Gaëte ; c'est le moment que choi-
sirent dix-neuf généreux chrétiens, animés dune foi ardente, pour ré-
pondre à l'appel de l'abbé de la Bouillerie et de celui qui devait être peu:
après le Père Hermann, et passer une première nuit de veille aux pieds
du Très Saint-Sacrement exposé dans le sanctuaire dédié au Cœur Imma-
culé de Marie, Eefuge des pécheurs, à Xotre-Dame des Victoires, le soir
du 6 au 7 décembre 1848.
Ce fut là le premier acte de réparation par l'adoration nocturne du
Très Saint-Sacrement qui fut réalisé en France par des laïques, et offert
à Dieu pour l'Eglise et pour la patrie.
Nous ne pouvons, aujourd'hui où le culte du Saint-Sacrement a pris^
un si grand et si admirable développement, nous faire une idée de l'acte
de foi héroïque qui fut nécessaire à cette époque, pour oser tenter une
pareille innovation, pour oser proposer aux hommes de cette génération
de 1830, voltairienne dans sa grande majorité, janséniste dans ses élé-
ments les meilleurs, cette pratique de dévotion tendre, familière, qui
avait pour ol^jet de les amener aux pieds du Christ, plus près encore,
jusqu'à son Cœur, pour Lui tenir compagnie pendant toute une nuit,
converser avec Lui, le garder à soi tout seul, et d'autre part, obtenir des
prêtres qu'ils confient cette garde à d'obscurs et pauvres laïques. Il nous
souvient avoir entendu notre cher et vénéré Président, M. de Benque, le
dernier survivant de ces hardis pionniers, raconter l'accueil décourageant
que lui et ses compagnons de la première heure avaient parfois re(ju des
Curés de certaines paroisses, qui, défiants et surpris, se refusaient abso-
lument à livrer ainsi leurs églises pendant toute une nuit à ces inno-
vateurs qu'ils jugeaient téméraires et d'un zèle indiscret.
Cependant, depuis près de dix ans déjà, l'idée de la réparation par
l'adoration perpétuelle de Xotre-Seigneur Jésus-Christ, réellement et
substantiellement présent en son Très Saint-Sacrement, hantait un cer-
tain nombre d'âmes privilégiées. C'était comme une souffrance que
Dieu jetait dans leur cœur, à la pensée de l'abandon dans lequel était
alors laissée la Sainte Eucharistie. Malgré un réveil incontestable des
idées religieuses et des œuvres de charité, dît aux conférences de Notre-
Dame de Paris, d'une part, et à la Société de Saint-Vincent de Paul
d'autre part, par une aberration étrange, les œuvres eucharistiques, qui
auraient diï être l'âme de cette renaissance religieuse, étaient absolument
négligées en France. Les récits de cette époque nous apprennent que
dans quelques paroisses à peine subsistaient ou plutôt végétaient des
Confréries peu nombreuses du Saint-Sacrement : oue rares étaient les
saints, plus rares encore les expositions solennelles du Saint-Sacremenl :
que l'unique communion pascale était le lot du plus crand nombre et la
communion aux grandes fêtes de l'année la part des fervents. C'est ainsi
que nous lisons dans l'histoire de Marie-Eiistelle, cette antrélique
amante de l'Eucharistie, qtie lorsque, pour satisfaire les ardeurs de son
cœur, elle arriva d'abord à faire la communion semi-mensnelle, puis In
communion hebdomadaire, ce fut un véritable orage qu'elb déchaîna
contre elle parmi les dévots de la petite ville de Saint-PaJais.
Telle était la mentalité générale de cette époque, et c'est précisément
— 518 —
l'heure que ISTotre-Seigneur choisit pour inspirer à quelques âmes d'élite,
comme il sait toujours s'en réserver même dans les temps les plus déshé-
rités, cette grande pensée de la réparation par l'adoration perpétuelle
de son divin Sacrement.
Le mot en fut prononcé pour la première fois devant Mgr Affre, ar-
chevêque de Paris, dans les derniers mois de 1841 par une admirable
chrétienne, dont la dévotion envers l'Eucharistie vient de nous être ré-
vélée dans une attachante brochure parue tout récemment sous ce titre:
Une âme eucharistique.
La vicomtesse Le Vavasseur, avec Mlle de Mauroy, à laquelle notre
Œuvre doit son agrégation à l'Archiconfrérie romaine, avec Mlle
Théodelinde Dubouché, qui devint la fondatrice de la Congrégation de
l'Adoration réparatrice, avec le Père Eymard, qui vient d'être déclaré
Vénérable et qui a tant aimé notre Œuvre, avec notre vénéré fondateur
le Père Hermann et son guide spirituel d'alors, l'abbé de la Bouillerie,
furent les premiers zélateurs de cette idée de la réparation par l'adora-
tion perpétuelle du Très Saint-Sacrement.
Mgr Aiïre, dès 1841, accueillit avec bienveillance les premières ouver-
tures que lui fit à ce sujet la vicomtesse Le Vavasseur ; toutefois, occupé
à cette époque par la fondation de l'école des Hautes Etudes ecclésias-
tiques pour la formation scientifique et théologique de son clergé dans
l'ancien couvent des Carmes, il ne donna qu'une attention un peu dis-
traite à la réalisation de ses ^ idées; il leur accorda toute sa sympathie,
son activité resta absorbée ailleurs.
Mais, chose bien touchante et bien frappante, à l'heure de sa mort hé-
roïque, le pieux prélat eut le souvenir des sollicitations de Madame Le
Vavasseur, sa pensée se retourna vers celle qui n'avait cessé de le pour-
suivre de son zèle eucharistique ; après avoir reçu les derniers sacrements,
s'adressant à M. l'abbé Jacquemet, son Vicaire-général, qui fut plus
tard Evêque de Nantes, il lui dit : " Dites à Madame Le Vavasseur que
"je meurs avec le regret de n'avoir pas fait assez pour le Très Saint-Sa-
" crement ; mon ami, la vie est peu de chose ! Quel malheur, on parlera
" de moi ! Aidez-moi à aimer la sainte Eucharistie ; que je voudrais
" l'aimer comme elle le mérite ! "
Serait-ce téméraire de penser que ce qu'il n'avait pas eu le temps de
faire pendant sa vie, le pieux martyr le fit dans le sein de Dieu, et que
son intercession et son sang répandu n'ont pas été étrangers à l'éclosion
des œuvres eucharistiques qui se développèrent immédiatement après sa
mort?
Xotre Œuvre fut, entre toutes, celle dont le concours était indispen-
sable pour assurer la véritable perpétuité de l'adoration, objet de ses
regrets et de sa dernière pensée.
Un ami de la famille Le Vavasseur, M. l'abbé Hamelin, curé de l'Ab-
bave-aux-Bois, est le premier qui, dès 1844, à l'instigation de Mme Le
Vavasseur, avait offert son église pour y faire une journée d'adoration
réparatrice avec exposition solennelle du Saint Sacrement: elle eut lieu
le premier vendredi de mars. Quelques autres paroisses suivirent: Saint-
Jacques du Haut-Pas, Saint-Louis d'Antin, Saint-Sulpice, Notre-Dame
— 519 —
-des Victoires; mais ce ne furent que des effets timides, isolés, sans orga-
nisation régulière et bornés à l'adoration du jour. '
Au cours des journées de juin 1848. quelques pieuses dames à l'insti-
gation de Mlle Dubouché, qui préludait ainsi à la fondation qu'elle
devait réaliser de la Congrégation des sœurs de l'Adoration réparatrice
firent un pas de plus. Elles avaient obtenu d'avoir l'exposition du Saint-
Sacrement dans la chapelle des Carmélites de la rue d'Enfer pendant
toute loctave du Saint-Sacrement, de la prolonger jusqu'à onze heures
du soir, et même, par deux fois, pendant la nuit entière. C'est un de
ces soirs-là, que M. Hermann, étant entré dans la chapelle du Carmel
s en vit chassé vers les neuf heures, alors que les dames se disposaient à
y passer le reste de la nuit en adoration, pour obtenir de Dieu la cessa-
tion des luttes fratricides qui ensanglantaient les rues de Paris.
Notre pieux fondateur ne put se consoler de cette exclusion, et c'est
de son chagrin que naquit notre Œuvre.
Je ne vous raconterai pas les difficultés de ses débuts; ce que j'ai
voulu dans ces quelques lignes, c'est vous remettre en mémoire la pensée
de réparation qui a présidé à sa fondation, et qui doit demeurer éter-
nellement la nôtre. Eéparer, Messieurs, réparer, non par nous-mêmes,
qui sommes impuissants à rien réparer, mais par notre union à Notre-
Seigneur Jésus-Christ, l'unique Eéparateur, le souverain Eéparateur!
C'est là la caractéristique de notre Œuvre. — Comment pourrions-nous,
étant donné ce but principal de nos adorations nocturnes, nous arrêter à
l'objection que lui font quelques-uns, que ces veillées sont surérogatoires,
entraînent une fatigue peu compatible avec la vie des affaires, quelques-
uns ajoutent même peu compatible avec la vie de famille. Ne nous
laissons pas impressionner par ces suggestions qui ne sont que des tenta-
tions du démon. Si nous nous conformons exactement à notre règle-
ment, aussi modéré que sage, si nous ne faisons pas d'excès de zèle, ne
passant qu'une nuit par mois, ne demeurant chaque nuit qu'une heure
ou une heure et demie en adoration, nous pouvons être assurés que ni
notre santé, ni notre vie de famille n'en souffriront; souhaitons à toutes
les familles chrétiennes d'avoir un chef de famille qui les représente de
temps en temps aux pieds de Notre-Seigneur et, par ce léger sacrifice,
dont elles prendront généreusement leur part, attire sur elles l'abon-
dance des bénédictions que Notre-Seigneur a promises aux amis fidèles
de son Sacré-Cœur. — Oui, il y a un petit effort à faire : mais, qu'est-ce
en regard des joies pieuses que le bon Dieu réserve à ses adorateurs?
Qu'est-ce en regard des grâces répandues sur eux. sur leur famille, sur
leur patrie, qui a promis de ne pas laisser sans récompense un verre
d'eau donné en son nom ? Oh ! Messieurs, ne marchandons pas à Notre-
Scigneur le témoignage de notre dévouement; que chacune de nos nuits
soit une action de grâces pour l'honneur qu'il daigne nous faire à nous
si misérables, si faibles, si indignes, en nous admettant ain-î :"> l' fnnii-
liarité de son amour !
Je vous ai dit, Messieurs, que je ne saurais vous refaire j'instoriquo
complet des phases successives de succès et d'échecs, de développement
et de temps d'arrêt, que, depuis soixante ans, a subies l'CEuvre de Paris.
— 520 —
Ces traverses multiples ne montrent qu'un3 chose : c'est l'assistance vrai-
ment surnaturelle que n'a cessé de lui accorder le bon Dieu. Il y a eu des
périodes où elle semblait frappée de stérilité, et ne se recrutait plus.
Alors, à la voix de son Président, dont la foi ne se démentit jamais, le
Conseil de l'Œuvre faisait une neuvaine de prières et de communions, à
laquelle il demandait à tous les Confrères de s'associer, et qui se ter-
minait généralement par une nuit d'adoration passée à Notre-Dame des
Victoires, dans le but spécial d'obtenir de la sainte Vierge le recrutement
de l'Œuvre. Et la sainte Vierge qui avait vu naître l'Œvre à ses pieds,
n'a cessé de pourvoir à ses besoins. Nous ne saurions trop recommander
cet acte de foi aux différentes Œuvres de France et de l'étranger, quand
elles éprouvent de la difficulté à se recruter. Notre-Seigneur seul peut
donner la vocation à ses adorateurs nocturnes ; qu'elles s'adressent à Lui,
à Marie, qui la première l'a veillé à Bethléem, et, qu'elles en croient
notre expérience, ISTotre-Seigneur et sa sainte Mère feront pour elles ce
qu'ils n'ont jamais manqué de faire pour nous.
La première nuit du 6 décembre 1848 fut suivie tout d'abord d'une
période de saint enthousiasme, qui se soutint environ dix-huit mois ; puis,
brusquement, à ce premier zèle, succéda une crise de rapide dépéris-
sement, causée par le départ simultané de plusieurs confrères parmi les
plus zélés, et par une maladie grave de l'abbé de la Bouillerie, qui laissa
l'Œuvre sans direction; elle en fut réduite à ce point qu'à un moment
elle ne compta plus que neuf membres ! Une suspension complète des
nuits d'adoration, qui se prolongea pendant plus d'une année, sembla
devoir consommer la mort de notre malheureuse Œuvre. • — Ce n'est qu'à
la fin de 1852, que, sous l'impulsion énergique de l'abbé de la Bouillerie,
revenu à la santé, l'Œuvre se reconstitua sur de nouvelles bases et reprit
ses saintes veilles pour ne plus jamais les interrompre.
Elle dut son salut à la pensée féconde que Dieu inspira à un de ses
anciens membres, de passage à Paris, M. de Cuers, qui devait être après
le Père Eymard, le second supérieur de la Congrégation des Pères du
Saint-Sacrement, et qui, avant de prendre l'habit religieux, comme der-
nier acte de sa vie civile, nous rendit l'immense service de nous montrer
la voie où il nous fallait marcher, que désormais nous allions suivre sans
défaillance, et qui devait assurer tous nos développements ultérieurs.
A Mgr Afïre avait succédé sur le siège de Paris, Mgr Sibour. Héritier
de l'amour de son prédécesseur pour le Saint-Sacrement, le nouvel ar-
chevêque avait repris ses pieux projets et pour les réaliser, par ordon-
nance du 24 novembre 1850, il venait d'instituer l'établissement des
Quarante-Heures dans son diocèse. " Son but, disait l'ordonnance épis-
" copale, était la réparation pour tant d'outrages faits à Jésus-Christ
"dans le sacrement de son amour; réparation pour tant de blasphèmes
" dont son nom est l'objet; réparation enfin pour tant de violations de sa
" loi sainte, en particulier de la non-observation du dimanche."
C'était bien la réalisation de l'adoration réparatrice telle que l'avaient
conçue les âmes pieuses dont nous avons fait connaître les aspirations;
réalisation incomplète cependant, puisque les Quarante-Heures, éta^-
blies le jour seulement, n'assuraient pas la perpétuité de la réparation
— 'o21 —
en face de la perpétuité de l'offense et du péché, qui ne se lassent ni ie
jour ni la nuit.
Cette lacune frappa M. de Cuers, et lui suggéra la pensée de souder le
fonctionnement de notre Œuvre à celui des Quarante-Heures, et, par ce
rattachement à un organisme créé et officiellement recommandé par
l'autorité diocésaine, de nous faire bénéficier de la faveur qui avait
accueilli cette initiative de Monseigneur, à laquelle nous allions apporter
le complément qui lui manquait.
M. de la Bouillerie se chargea de présenter lui-même nos offres à Mgi-
l'Archevêque, qui les agréa avec la plus grande faveur, n'hésita pas à les
faire connaître et à les recommander à MM. les Curés du diocèse dans
les assemblées générales du clergé, et bénissant Dieu de ce secours inat-
tendu, prodigua à notre Conseil dans deux audiences successives les plus
paternels encouragements.
Ce n'était pas encore l'estampille officielle; mais c'était plus qu'un
simple laisser-faire, et si le pieux Ai-chevêque, comme il l'expliqua à nos
Confrères, retardait l'heure de reconnaître l'Œuvre officiellement, c'est
que par une sentiment de sage prudence, avant de l'imposer par une
mesure d'autorité, il voulait que les esprits se familiarisassent avec elle,
qu'ils s'habituassent à cette nouveauté des prières de nuit, de manière à
ce qu'il n'y eût plus pour lui qu'à sanctionner ce que la piété de ses dio-
césains et la grâce de Dieu auraient déjà fait entrer dans les mœurs.
Dieu ne trompa point son attente. A la fin de l'année 1853, plus de
cent membres nouveaux avaient demandé leur admission dans notre
Œuvre et l'adoration nocturne avait été faite dans quarante-quatre sanc-
tuaires, dont cinq paroisses de banlieue.
C'était la vie retrouvée, la vie assurée. A partir de cette année bénie,
notre Œuvre ne cesse de se développer, suivant Xotre-Seigneur de pa-
roisse en paroisse, suscitant dans chacune d'elles le concours de nom-
breux paroissiens comme auxiliaires, dont plusieurs devenaient des
membres définitifs ; enfin elle gagna rapidement la confiance du clergé
qui n'hésita plus à lui ouvrir toutes grandes les portes de ses églises.
Ce zèle de nos aînés ne tarda pas à porter ses fruits. — Jusqu'en 1860.
il n'y avait eu que deux nuits d'adoration dans chaque sanctuaire. Les
exercices de l'adoration commençaient le matin du premier jour, pour se
terminer le soir du troisième, en sorte que la nuit qui séparait la fin des
Quarante-Heures dans une paroisse, du commencement dos Quarante-
Heures dans la suivante, restait privée d'adoration. — A la fin de ISfiO.
riche de nouveaux Confrères, notre Œuvre obtint du Cardinal MoHot.
qui avait succédé à Mgr Sibour, que. là où MM. les Curés y consenti-
raient, l'exposition du Très Saint-Sacrcnicnt se ferait le soir, la veille du
premier jour où devaient commencer les Quarante-Heures dans la pa-
roisse. — Dès la première année, quatre-vingt-quatorze sanctuaires
avaient accepté cette nouvelle organisation, qui permettait de faire trois
nuits d'adoration dans chaque paroisse: l'année suivante, il y en eut cent
cinq. Son Eminence le Cardinal Morlot. suffisamment édifié, décida
pour l'année 1862-1863, que, dans le diocèse de Paris, l'adoration du
Saint-Sacrement serait désormais vraiment perpétuelle de jour et d*»
— 52-2—
nuit, et que pour assurer cette perpétuité, dans tous les sanctuaires par-
ticipant aux exercices des Quarantc-lleures, l'exposition du Saint-
Sacrement devrait dorénavant se faire le soir de la veille du premier jour
de ces exercices.
Nous avions enfin conquis notre forme définitive et reçu la charte qui
n'a plus cessé de nous régir.
Notre zélé et dévoué secrétaire, a dressé un tableau singulièrement
instructif de la vie de notre Œuvre pendant les quarante dernières
années qui se sont écoulées de 1870 à 1909.
Nous y constatons (et c'est là son côté très intéressant) non pas seu-
lement notre activité propre, mais l'influence exercée par l'initiative de
nos Confrères dans chaque paroisse, pour ramener les hommes de ces
paroisses, étrangers à notre Œuvre, à se joindre à nous, à renforcer nos
rangs d'abord, et puis, bientôt, les années suivantes, à se faire un point
d'honneur de fournir seuls le contingent d'adorateurs nécessaire pour
assurer l'adoration de la nuit avec les seuls éléments paroissiaux. C'est
peut-être là un des bienfaits les plus sensibles de notre Œuvre, le ré-
sultat dont nous devons le plus remercier le bon Dieu de nous avoir faits
les humbles instruments; car, Messieurs, il ne faut pas nous faire d'il-
lusion, nous ne sommes et ne serons jamais aux mains de Dieu que des
serviteurs inutiles, qu'il choisit par pure bonté. C'est sia grâce seule qui
peut conquérir une âme ; Notre-Seigneur nous Ta dit : " Personne ne
vient à moi, que mon Père ne le tire. (1)" Mais dans nos nuits d'ado-
ration la grâce s'épanche abondante sur les âmes, et celles-ci viennent à
Notre-Seigneur Jésus-Christ. C'est là, dans le recueillement et le silence,
dans un cœur à cœur mystérieux, -qu'elles se sentent plus que partout
ailleurs, "tirées vers Lui."
Vous allez en juger.
En 1870, soixante-seize paroisses avaient l'adoration perpétuelle, ce
qui représentait 228 nuits d'adoration, au service desquelles il fallait
pourvoir; — (le surplus des jours et des nuits nécessaires pour parfaire
la perpétuité de l'adoration, était réparti entre les Communautés Eeli-
gieuses du diocèse). — Or, sur ces 76 paroisses, 59 ne nous donnaient
aucun concours, 12 faisaient une nuit sur trois, 2 faisaient deux nuits,
3 seulement se suffisaient à elles-mêmes. Sur 228 nuits, incombant aux
paroisses, il nous a donc fallu en passer 203, les paroissiens n'en ayant
fait que 25. — Le nombre total des adorateurs pour l'année entière avait
été de 3,319.
Dix ans plus tard, en. 1880, le nombre des paroisses faisant l'adoration
perpétuelle était passé de 76 à 94, représentant 282 nuits d'adoration.
Sur ces 94 paroisses, 7 seulement ne nous donnaient aucun concours
(vous vous rappelez qu'il y en avait eu 59 en 1870), 28 firent une nuit,
27 en firent deux, et 32 firent leurs trois nuits (il n'y en avait eu que
trois en 1870); — soit au total 178 nuits passées par les paroissiens au
lieu de 25, et nous n'en passâmes plus que 104. — De 3.319 en 1870, le
nombre total des adorateurs est monté cette année-là à 4,559.
(1) Joan., VI, 44.
— 523 —
En 1890, le nombre des adorateurs s'élève à 4,872, et radoration per-
pétuelle se fait dans 98 paroisses. Il n'y en a plus que deux qui ne nous
prêtent aucun concours; 16 font une nuit sur trois, 31 font deux nuits,
49 font leurs trois nuits ; soit au total : 294 nuits d'adoration paroissiale,
dont 225 sont faites avec les seuls éléments paroissiaux ainsi répartis :
le clergé a passé 13 nuits, les Confréries du Saint-Sacroiuent 29, les Con-
férences de Saint- Vincent de Paul 71, les paroissiens ne se rattachant à
aucune œuvre spéciale 52, les Associations de jeunes gens et patronages
51, les Cercles d'ouvriers 8. Notre Œuvre n'est plus chargée que de 69
nuits.
En 1900, le nombre des adorateurs s'élève au chiffre magnifique de
7,016 et l'adoration perpétuelle se fait dans 103 paroisses. Il n'y a plus
qu'une seule paroisse qui ne nous donne pas son concours; 11 font une
nuit, 31 font deux nuits, 60 font leurs trois nuits, soit au total : 309
nuits dont 253 nuits passées par les seuls éléments paroissiaux composés
comme nous avons dit plus haut, 56 seulement par notre Œuvre.
Enfin, en 1909, 115 paroisses prennent part à l'adoration perpétuelle;
le nombre des adorateurs est de 8,082 ; il reste encore une paroisse qui ne
nous donne pas son concours ; hâtons-nous de dire que c'est un accident :
car pendant les six années précédentes (1903-1908) toutes les paroisses,
sans exception, avaient fait au moins une nuit d'adoration. En 1909,
11 firent une nuit, 28 en firent deux, 75 firent leurs trois nuits; soit au
total : 345 nuits d'adoration passées par les paroisses, dont 292 faites
avec les seuls éléments paroissiaux, 53 par notre Œuvre.
Ce tableau si réconfortant est loin de nous donner une idée exacte du
nombre vrai des adorations nocturnes qui se font à Paris dans le cours
d'une année. Il ne vise en effet, que les adorations faites dans les pa-
roisses. Il faudrait, pour être complet, y ajouter: les nuits d'adoration
passées par les Communautés Eeligieuses, qui. bien que leur nombre soit
très réduit, ont en 1909, fait encore 84 nuits d'adoration, réparties entre
28 Communautés ; — les nuits mensuelles de Notre-Dame des Victoires,
la veille du premier jeudi de chaque mois, réservées à notre Œuvre et où
chaque nouveau membre doit passer sa première nuit d'adoration, à l'ex-
emple de nos vénérés fondateurs, pour être présenté comme eux à Jésus
par Marie ; — les magnifiques nuits du Jeudi-Saint, qui se font main-
tenant au Tombeau dans plus de 60 paroisses du diocèse: enfin l'Œuvre
d'Adoration perpétuelle de Montmartre, fille de la nôtre, bien qu'aujour-
d'hui elle en soit absolument distincte, et qui. dans le cours de 1909, a
attiré sur la sainte montagne, pour y passer la nuit en adoration répara-
trice, 18,180 hommes, tant de Paris, que de tous les diocèses de France.
Faites l'addition, messieurs, et vous trouverez qu'en 1909, Paris a vu
s'agenouiller aux pieds de Notre-Seigncur présent en son TnV Saint-
Sacrement plus de 26.000 adorateurs, qui se sont relayés chaque nuit
pour lui faire amende honorable et lui demander pardon, au nom de
leurs frères, de toute? les ingratitudes, insultes et pers^'utfons dont II
est l'objet de la part d'un si grand nombre d'homme= .l;n.- nntrn nauvre
Franco !
Messieurs, voyez combien Dieu est bon pour notre patn.-. et com-
— 524 —
ment en pourvoyant aux besoins de cette grande œuvre de réparation
qu'est notre Œuvre, Il se plaît à fournir Lui-niême en quelque sorte à
sa miséricorde les éléments nécessaires à arrêter, à tempérer tout au
moins les rigueurs de sa justice. Vous avez remarqué qu'alors, qu'en
18T0, il n'y avait encore que 76 paroisses faisant l'adoration perpétuelle
et qu'il n'y avait que 3,319 adorateurs y prenant part, tout à coup, en
1900, par un brusque bond, le chiffre des paroisses s'élève à 103, celui
des adorateurs à 7,016, pour monter au chiffre de 115 paroisses et de
8^082 adorateurs en 1909 (sans compter Montmartre).
C'est que, de 1900 à 1909, la meilleure phalange des âmes réparatrices,
nos Eeligieux, nos Eeligieuses ont été chassés de France, et ne sont plus
là pour prier, adorer, expier, intercéder en notre faveur. Et alors,
Notre-Seigneur qui ne veut pas que son peuple périsse, suscite un grand
mouvement dans les cœurs, et à défaut de ces âmes qui lui étaient spé-
cialement consacrées, sa grâce va partout chercher de nouveaux servi-
teurs, de nouveaux convives pour le festin qu'il a préparé, dans les
chemins, dans les carrefours, sur les places publiques, il nous presse
d'entrer, nous, pauvres laïques, boiteux, infirmes, aveugles, malgré nos
misères et notre indigiiité, il veut nous donner part à sa table, n'exigeant
qu'une chose, c'est que nous nous revêtions de la robe nuptiale par le
sacrement de pénitence, et Lui, se chargera de nous guérir, de nous
éclairer, de nous rendre les forces qui nous manquent. Voilà ce qui s'est
passé de 1900 à 1909, voilà ce qui explique cet afflux magnifique d'ado-
rateurs qui sont venus prendre part à nos nuits pendant cette dernière
période.
Et voilà, messieurs, ce qui va se continuer, se développer avec un
nouvel accroissement, grâce à la mesure que vient de prendre Monsei-
gneur l'Archevêque de Paris pour rendre accessible à un plus grand
nombre de paroisses cette si pieuse et salutaire pratique de l'adoration
nocturne. Jusqu'ici, les paroisses trop peu nombreuses pour assurer
l'adoration du Saint-Sacrement exposé pendant trois jours consécutifs,
ne figuraient pas au tableau de l'adoration perpétuelle du diocèse. Il
y en avait près de cinquante dans ce cas. C'était les priver d'une grâce
précieuse et d'im des moyens les plus efficaces pour attirer les âmes à
Notre-Seigneur Jésus-Christ; cette année, si vous consultiez VOrdo du
diocèse, vous y verriez qu'à la suite du tableau indiquant les paroisses et
chapelles où auront lieu les exercices réglementaires des Quarante-
Heures, comportant l'exposition ininterrompue du Saint-Sacrement
pendant trois jours et trois nuits, se trouve un tableau plus modeste
"des exercices supplémentaires d'adoration" pour les paroisses de ban-
lieue d'importance moindre, exercices qui ne dureront pour chacune
d'elles que 24 heures, et qui leur sont accordés à cette seule condition
— (iqu'il a fallu leur imposer pour ne pas surcharger notre Œuvre) —
qu'elles s'engageaient à faire par leurs seuls moyens et l'adoration de
jour et l'adoration de nuit. Dès cette première année, sur 47 paroisses
de banlieue qui, jusqu'ici n'avaient jamais d'adoration solennelle du
Saint-Sacrement, 37 ont demandé avec empressement à avoir ces vingt-
quatre heures eucharistiques, promettant d'entourer la Sainte Eucha-
ristie de leurs adorations et le jour et la nuit.
— 525 —
Que les dix hésitantes subissent la sainte contagion d"un si bel ex-
emple, et, l'année prochaine, il ne restera plus dans notre cher diocèse de
Paris, où il se fait tant de mal, mais aussi tant de bien, il ne restera
plus une seule paroisse où Xotre-Seigneur ne soit adoré et prié jour et
nuit, au moins une fois l'an. — Alors, vraiment, Paris sera bien la ville
du Sacré-Cœur de Jésus, comme il est déjà celle du Cœur Immaculé de
Marie. Par le Cœur de la Mère nous aurons été donnés au Cœur de son
Divin Fils et nous lui appartiendrons sans réserve.
Voilà, messieurs, où en est l'Œuvre de l'Adoration Xocturm; à Paris,
voilà le chemin parcouru en soixante ans, depuis cette nuit inaugurée
dans l'humilité, le soir du 6 décembre 1848, à Notre-Dame des Victoires,
par 19 fervents serviteurs de l'Eucharistie. Nous avons bien le droit de
dire, avec un profond sentiment de reconnaissance pour les bontés de
Dieu à notre égard, que le petit grain de sénevé est devenu un grand
arbre, qui aujourd'hui abrite non seulement Paris, non seulement la
France, mais qui couvre de ses branches le monde entier.
Chose merveilleuse ! dont nous ne saurions assez rendre grâce à Dieu,
ce Dieu infiniment bon, qui ne se repent jamais de ses dons.... notre cbèrc
France, malgré ses ingratitudes, demeure toujours la missionnaire du
Christ qui aime les Francs; et, pour répandre une grande œuvre dans le
monde, c'est à elle toujours qu'il lui plaît de s'adresser. L'adoration
nocturne a pris naissance à Eome, en 1810; il fallait qu'elle fixât ses
racines dans la Ville Eternelle; mais, pendant quarante ans, elle n'a pu
sortir de Eome. Le monde l'ignora, même en Italie, pendant toute la
première moitié du dernier siècle; et, ce n'est que lorsqu'elle se fut
établie en France, qu'elle s'est répandue cliez les autres iieuples: et c'est
à l'Œuvre de Paris que toutes celles, aujourd'hui si prospères, d'Espagne,
de Belgique, du Canada, des Etats-Unis, du Mexique, de l'Amérique du
Sud, et celles-là même de Gênes, Turin. Milan en Italie, se sont adres-
sées, et ont demandé des avis et des exemples lorsqu'elles ont voulu
s'organiser et se choisir un règlement.
Oh ! remercions Dieu, et remerciez-le avec nous. Messieurs, de sa misé-
ricorde infinie et de la perpétuité de ses dons en faveur de notre cher
pays. Nous du moins, c'est notre mission, nous ne cesserons de le con-
soler dans la mesure do notre faiblesse, de le poursuivre de notre amour
et de lui témoigner notre reconnaissance.
J'aurais voulu, mais il est déjà bien tard, vous entretenir de la der-
nière grâce que nous a octroyée le Souverain Pontife, et des suites que
nous nous efforçons de lui donner. Cela regarde l'avenir, et il faut vous
en parlfr, ne scrait-ee que d'un mot, pour recommander cet avenir à
vos prières. Par un bref récent, le Saint-Père a constitué notre Œuvre
de Paris en un centre spécial pour la France, ayant son siège à Notre-
Dame des A'ictoires, centre au(iuo] il a (onféré le pouvoir d'affilier
directement toutes les Œuvres d'adoration nocturne de France h l'Ar-
chiconfrérie de l'Adoration N(xturne de Eome et. par là, de leur en com-
muniquer les précieuses indulgences. Sept Œuvres de province se sont
empressées déjà de nous demander cette affiliation et se sont, du même
coup, rattachées à nous par des liens plus intimes de (•onfrat<M-nité.
— 536 —
Ces liens, nous avons pensé qu'il y aurait grand intérêt à les étendre
à toutes les Œuvres de France, pour assurer plus d'unité entre elles, une
plus grande communauté d'efforts, d'intentions, et aussi leur apporter
dans les circonstances difficiles un réconfort et un soutien.
Le moyen le meilleur nous a paru être la création d'un Bulletin des
Adorations nocturnes de France, qui établirait entre toutes une com-
munication constante et produirait une émulation susceptible de leur
donner une vie plus intense et plus fructueuse. — Nos Sœurs de pro-
vince, consultées par nous, ont accepté cette idée avec empressement. Et
depuis le 8 avril dernier nous avons fait paraître notre petit Bulletin
qui, chaque trimestre, s'en va porter à tous la bonne parole et susciter
les dévouements réparateurs.
JSTous osons vous demander vos prières, Messieurs, pour que le bon
Dieu nous vienne en aide. C'est une innovation féconde, croyons-nous,
qui sera de nature à donner un grand élan à notre Œuvre en province,
où elle est parfois languissante, et où cependant — (nous venons d'en
avoir plusieurs exemples) — une bonne parole, un bon conseil suffisent
le plus souvent à ranimer les courages et à relever une Œuvre morte ou
mourante.
Plus que jamais la prière, la réparation sont œuvre nécessaire pour
faire contrepoids aux provocations que les sectes impies adressent jour-
nellement à la souveraine majesté de Dieu. Malgré l'impiété officielle
de notre pays. Dieu ne maudira pas et ne veut pas détruire la France;
Il nous en a presque donné l'assurance en nous confiant le culte de son
Sacré-Cœur. La France est toujours son peuple de prédilection. Mais
il peut nous châtier durement. Il châtiera notre orgueil par notre abais-
sement ; notre sensualité et notre luxe effréné par la ruine de nos
fortunes et les fléaux de toute sorte contre lesquels nous avons vu récem-
ment à quel degré d'impuissance l'homme, si vain de sa science, se trouve
tout à coup réduit.
Que le Christ vainqueur ait pitié de nous ! La France, la vraie France,
la France de Clotilde et de Geneviève, de Jeanne d'Arc et de la Bien-
heureuse Marguerite-Marie, de Charlemagne et de saint Louis, de saint
Vincent de Paul et du Curé d'Ars, la France de Notre-Dame de Lourdes,
de Xotre-Dame des Victoires, la France de Votre Sacré-Cœur existe
toujours, vous aime toujours, ô mon Dieu, vous suit toujours dans toutes
les parties du monde par ses missionnaires, et dans ses frontières mêmes,
sur son sol qui reste vôtre, elle est à vous par ses œuvres innombrables de
charité, de prière, d'adoration, adoration perpétuelle dans votre temple
de Montmartre, adoration perpétuelle dans chacime de nos paroisses où
nous nous attachons à votre personne sacrée, où nous vous gardons, vous
demandant pardon pour nos frères égarés, pour nos frères aveugles et
trompés. Ah ! Seigneur, délivrez-nous des mensonges et des menteurs
qui nous trompent.
Nous savons que c'est particulièrement à nous, adorateurs nocturnes,
qu'il appartient de répéter sans relâche ces supplications: nous n'y fail-
lirons pa.« ! Mais vous. Messieurs, vous qui aussi aimez la France qui,
fidèles au passé, lui conservez un souvenir vraiment filial, vous à qui elle
a donné cette même Œuvre de l'Adoration Nocturne qui établit un lien
52? —
de plus entre nous, quelquefois, dans vos nuits si pieuses, si édifiantes
SI fécondes en grâces, ayez une pensée pour la France, et par la généro-
sité de vos prières, aidez-nous, aidez vos Confrères de Paris, à attirer sur
elle la miséricorde de Dieu ! " Fluctuât nec mergitur." Battu par les
flots, il ne sombre pas : c'est la devise de Paris ! Xous voulons en faire
la devise de la France entière, avec Jésus, le Jésus de l'Eucharistie pour
guide et pour pilote ! '
*
* *
Telle fut cette séance consacrée aux Dévotions Eucharis-
tiques. Très belle, très intéressante, par les renseignements
qu'elle fournissait et par la variété des sujets qu'elle abor-
dait, elle fut, sans aucun doute, une des plus goûtées des
hommes d'œuvres.
§ 2° An MoniiuuHt Xationnl.
Monseigneur Odelin, Vicaire Général de Paris, du (Comité
permanent des Congrès, présidait cette réunion avant autour
de lui une assistance choisie qu'intéressaient particulière-
ment les questions inscrites au i)r()graniine.
*
M. l'abbé Auclair, secrétaire de la rédaction à la Revue
Canadienne, et l'un des rédacteurs de la Semaine reVu/iewse de
Montréal, ouvrit le feu par un travail sur le rôle de la presse.
Il définit la mission de la presse catholique au Canada.
LA PRESSE EUCHARISTIQUE :
Son état actuel — Place à donner à l'Eucharistie dans
les revues pieuses et dans les journaux
catholiques en général.
L'un des buts immédiats dos Congrès Eucharisti(]ups — nous ont dit
et nous répètent les organisateurs do ces grands moiivonionts do piété
intelligente et éclairée — c'est de promouvoir chez les peuples chrétiens
et de faire se renouveler périodiquement l'hommage social nu Christ, roi
des nations. Or, do nos jours surtout, le grand moyen d'émouvoir les
— 52S —
masses populaires, le levier puissant avec lequel on remue les nations,
c'est la presse. Il est devenu banal de le répéter, la presse, pour beau-
coup, c'est aujourd'hui l'unique puissance, la seule qui ait prise sur
l'opinion.
"Personne n'ignore — écrivaient les Pères du Concile Plénier de
Québec — la place prépondérante que prennent aujourd'hui le livre, la .
revue, la brochure et le journal. Ils sont devenus les principaux semeurs
d'idées, et, bien souvent, les maîtres incontestés de l'opinion publique.
Sous toutes les formes, mais surtout sous la forme du journal, la presse
est la grande et parfois l'unique éducatrice des multitudes. Elle pénètre
partout, s'adresse à toutes les classes et à tous les âges, traite tous les
sujets, met et tient en éveil toutes les curiosités, et s'empare peu à peu
des esprits qu'elle forme et déforme à son gré. Son influence est très
souvent décisive et ses jugements sans appels." (1)
Il n'est que trop vrai. La presse est de nos jours ime puissance for-
midable et irrésistible. Je dis: "Il n'est que trop vrai"? C'est parce
que d'ordinaire la puissance de la presse est plutôt au service du mal.
" C'est, en effet — disent encore les Pères de Québec • — ■ par les mille
voix de la presse que les erreurs se sont propagées si nombreuses, si vite,
et si loin, depuis un siècle; c'est le mauvais journal qui a battu en
brèche, discrédité dans l'opinion toutes les institutions religieuses que
nous avons vu disparaître (il est ici question des pays d'Europe); c'est
par les journaux et par les romans, non moins que par les pièces de
théâtre que s'est préparée la loi du divorce (en France), vrai fléau de la
société moderne ; c'est dans les journaux (enfin) qu'a été menée la cam-
pagne contre l'éducation chrétienne de la jeunesse (un peu par-
tout).. . (2)
Or, " pour guérir les maux de notre temps " — continuent toujours
nos évêques, citant les propres paroles de Pie X à Mgr Bégin — " pour
guérir les maux de notre temps, il faut employer des moyens qui soient
appropriés à ses habitudes .... aux écrits opposons les écrits, aux erreurs
propagées çà et là opposons la vérité, au poison des mauvaises lectures
opposons le remède des lectures salutaires, aux journaux dont l'influence
pernicieuse se fait sentir tous les jours opposons le bon journal. . ." (3)
D'ailleurs, messeigneurs et messieurs, nos vénérés prélats canadiens
ne faisaient là que constater ce que tout le monde admet. N'a-t-on pas
écrit que saint Paul, s'il revenait sur la terre, se ferait journaliste, et
n'est-il pas connu de tout l'univers que Pie X, quand il était patriarche
de "Venise, aurait vendu sa croix pectorale plutôt que de voir péricliter
son cher journal vénitien Xa Difesa? Aussi bien, n'avons-nous voulu
rappeler, au début de ce travail, l'autorité de l'épiscopat canadien que
parce qu'il nous a semblé de haute convenance de le faire pour appuyer
(1) Lettre pastorale des Pères du Premier Concile Plénier de Québec, p. 28.
^ Cette lettre porte les signatures de trente-quatre archevêques et évêques, d'un
préfet apostolique et do trois administrateurs sede vacante).
(2) Idem; loco citato.
(3) Idem, loco citato.
— 529 —
nos modestes affirmations sur une doctrine solide et sûre. Au Congrès
de Montréal il nous est tout naturel, tous l'admettront, de nous incliner
devant les enseignements des Pères du Concile de Québec.
Les Congrès ne sont pas des Conciles: ils ne définissent pas les dog-
mes, ils n'arrêtent pas les décrets disciplinaires. Ce sont plutôt,
messeigneurs et messieurs, ainsi qu'on l'a dit, de grandes assemblées du
clergé et du laïcat catholiques qui ont pour unique fin la gloire de Jésus
Eucharistie, la préparation des triomphes eucharistiques, l'hommage
social au Christ roi des nations. Mais, pour l'un et pour l'autre, de
quelle puissance, répétons-le, n'est pas aujourd'hui la presse, ne sont pas
aujourd'hui les œuvres de presse.
Or, que fait la presse, en particulier la presse canadienne, pour la
Sainte Eucharistie, pour la foi en la présence réelle, pour la glorification
devant le peuple des rites et des fêtes qui la célèbrent? Et puis surtout
que devrait-elle faire, notre presse canadienne, non seulement la presse
des semaines religieuses et des revues pieuses, mais la presse qui se dit
catholique et qui veut l'être tout en s'occupant des intérêts matériels et
politiques du pays — ce qui, croyons-nous, est parfaitement légitime.
Voilà, messeigneurs et messieurs, tout l'objet du modeste travail qu'en
notre qualité de prêtre-journaliste, au nom de nos confrères de la presse
canadienne, nous avons l'honneur de présenter au Congrès de Montréal :
La presse eucharistique, son état actuel, place à donner à l'Eucharisiic
dans les revues pieuses et dans les journaux catholiques en général.
Nous voulons ici nous placer, autant que possible, au seul point de
vue canadien. Nous supposons connus de nos auditeurs les magnifiques
rapports que le Eévérend Père Couet, des Pères du Saint-Sacrement, au
Congrès de Eome en 1905, et M. François Veuillot, directeur de VUni-
vers, au Congrès de Cologne, en 1909, ont donné sur les œuvres de presse
et l'Eucharistie. Nous aurions mauvaise grâce d'insister. Kotenons
seulement du rapport si documenté que le Rév. Père Couet présentait
à Rome, que sur les soixante à soixante-dix périodiques eucharistiques,
qui étaient alors (1905) publiés dans le monde entier, la France — le
pays par excellence des idées et des apôtres de l'idéal — la France en
comptait vingt pour sa part et l'Amérique huit, dont quatre à Montréal :
le Bulletin Eucharistique, revue mensuelle spécialement destinée à la
jeunesse (in-16 illustré, chaque livraison 32 pages). Le petit messager
du Très Saint-Sacrement (in-12 illustré, chaque livraison 32 pages),
Les Annales des Prêtres Adorateurs (in-12, chaque livraison 32 pages),
et enfin The Sentincl of the Blessed Sacrammt (in-12 illustré, chaque
livraison 32 pages), qui est l'édition canadienne du périodique du même
nom qui se publie à New York. J'ajoute que toutes ces publications
sont à Montréal sous la direction des Pères du Saint-Sacrement. L'ac-
tivité et le zèle des Révérends Pères ont été trop précieux aux organi-
sateurs du Congrès de Montréal et sont du re>te trop connus do iinus
tous pour qu'il soit besoin de dire avec quels soins et quels succès leurs
œuvres de presse eucharistique se développent et grandissent chez nous.
Nos revues pieuses en général et nos semaines religieuses n'ont pas
lieu non plus do retenir longtemps notre attention. Quollo que soit 1»
— 530 —
raison d'être spéciale de chacune de ces publications, il est clair qu'au-
cune ne saurait ignorer l'Eucharistie, qui est le centre du culte et de la
vie de l'Eglise, comme elle est le centre de la croyance et du dogme. Par
les mystères qu'elle rappelle, en effet, par les vertus qu'elle prêche et par
les effets qu'elle produit dans les âmes, l'Eucharistie qui contient le
corps, le sang, l'âme et la divinité du Dieu fait homme, Jésus-Christ, est
le point central autour duquel toutes les dévotions bénies par la sainte
Eglise viennent aboutir nécessairement. Quand donc les Annales de la
Bonne Sainte Anne, par exemple, racontent les hauts faits qui s'accom-
plissent sur la côte de Beaupré, quand le Rosaire des Dominicains prêche
la dévotion à la Vierge Marie, quand la Tempérance des Franciscains
exliorte à la générosité d'âme et à l'esprit de sacrifice ses milliers de
ligueurs, le but final qu'on se propose c'est toujours l'amendement de
l'homme pour la glorification du Christ Jésus, sur la terre dans l'Eu-
charistie, au ciel dans la suprême béatitude. Et il en est ainsi de toutes
les revues pieuses. Les dévotions sans l'Eucharistie, sans le Christ
Jésus comme fin plus ou moins directe — ou comme on l'a dit déjà, les
dévotions sans religion — seraient trop courtes et nécessairement fausses.
De même nos semaines religieuses et nos divers périodiques de nouvelles
pieuses ne peuvent sans s'égarer méconnaître ou sembler ignorer le culte
eucharistique. Leur but c'est raconter la vie des diocèses, la vie d'une
œuvre. Or tout cela doit tendre au Christ Jésus, comme les rayons vers
leur centre.
Peut-être seulement pourrions-nous, à l'occasion de ce magnifique
Congrès, qui restera l'honneur de notre Ville-Marie, demander à tous
nos confrères et collègues des semaines et des revues pieuses du Canada,
de redoubler de zèle, par tout le pays, pour magnifier encore davantage,
pour célébrer et pour chanter encore mieux les grandeurs et les gloires du
dogme et du culte eucharistiques. Il nous semble qu'un devoir de spé-
ciale gratitude va s'imposer à nous. Il importe, en particulier, que les
échos du Congrès de Montréal se répercutent longtemps et très au loin
aux pieds de nos montagnes et sur les bords de nos fleuves et de nos
lacs. D'ailleurs, la dévotion spéciale que chacun de nous a mission de
développer et d'entretenir dans l'âme de notre peuple ne pourra que
gagner en profondeur et en extension si elle s'illumine ainsi davantage
aux rayonnements de l'ostensoir d'or qui porte Jésus-Hostie.
Mais ce que nous devons désirer surtout et ce que nous demandons
avec instance à la presse canadienne catholique, non plus aux seules se-
maines religieuses, ni aux seules revues pieuses, mais à tous les jour-
naux, quotidiens, hebdomadaires ou mensuels, qui se disent et qui veu-
lent être catholiques, c'est un effort, c'est un mouvement, c'est un élan
vers plus de vie chrétienne sociale, par l'étude et par la glorification de
la croyance et des pratiques eucharistiques.
A Dieu ne plaise que nous méconnaissions les mérites réels de quel-
ques-uns de nos confrères et les générales bonnes intentions d'un plus
grand nombre. Nous connaissons, pour y avoir été quelque peu mêlé,
les exigences et les besoins d'un journal qui veut vivre. Nous ne pou-
vons songer à demander aux grands quotidiens de se transformer en
— 531 —
semaines religieuses et en revues pieuses — que seule une élite recevrait
et dont la masse, à tort ou à raison, ne voudrait pas. Pourvu qu'elles
soient bien dirigées, il y a place dans un pays comme le nôtre pour toutes
les initiatives intelligentes, fK)ur toutes les bonnes intentions d'où
qu'elles viennent. Mais encore, pour être catholiques et pour se dire
telles, faut-il qu'elles soient selon l'esprit de Dieu.
Or, disons-le hardiment, il y a une erreur pratique dont souffre notre
vie catholique en ce pays béni du ciel. Jusqu'ici, depuis cent ans surtout,
nous avons eu peu à lutter pour la défense de notre foi et de nos pra-
tiques religieuses, et c'est pourquoi, quand une heure de lutte se présente,
les chevaliers sont plus rares, les chevaliers de la plume comme les cheva-
liers de la parole. Au fond, c'est un malheur. On n'aime jamais tant
une cause que lorsqu'on combat pour elle. Quoique nous soyons sans
aucun doute un peuple de foi, l'occasion semble nous avoir trop manqué
de vivre socialement notre foi.
Nous parlons ici, messeigneurs et messieurs, d'une façon générale.
Nous savons bien qu'il y a chez nous de très beaux mouvements chré-
tiens. Ainsi, ne citons qu'un cas, nous nous réjouissons trop des mani-
festations de haut esprit catholique que nous ont récemment données
nos jeunes gens de l'A. C. J. C. et leurs amis, pour ne pas les signaler
avec complaisance. Mais il reste vrai qu'on craint trop d'une façon
générale dans notre grande presse canadienne de passer pour crétins et
pour bigots. Sous prétexte de largeur d'esprit, nous sommes trop ex-
posés à tourner court quand il s'agit de parler de nos croyances et de nos
dogmes, quand il est question de louer les grandeurs et les beautés de
notre culte.
Donnons-nous garde, d'autre part, écrivains et journalistes de notre
pays, laissez-nous vous le dire en toute sincérité et en toute indépen-
dance, donnons-nous bien garde de nous leurrer nous-mêmes. Ne
prenons pas, je vous en prie, des éloges de personnes absolument exagé-
rés et des interjections laudativo? vides de sens, pour un hommage in-
telligent et pour un culte ^Tai et digne au Dieu que nous adorons dans
l'Eucharistie.
D'abord ayons la foi, éclairons nos convictions, ensuite nous la vivrons
moins mal, et nous pourrons l'exposer, elle et ses manifestations les plus
simple'^ comme les plus éclatantes, avec des mots qui iront au cœur ot
qui feront du bien, parce qu'ils seront sentis et parce qu'ils seront vrais.
Car autant les dévotions qui sont répanouissement naturel d une vraie
religion sont heureuses et fécondes, autant les dévotions sans religion
sont stupides et stériles.
Nous le demandons à tous nos confrères du journali.-me catholique,
il faut que le Con-rc'^ de Montréal soit pour nous tous une occasion de
renouveau. Cessons d'être à tout moment les esclaves d'un absurde res-
pect humain. Parlons de l'Eucliaristie. de ses grandeurs, de ses gloires,
des mvstères qu'elle rappelle, dos vertus qu elle proche, des effets mer-
ven'ux qu'elle produit dans les âm« et dans la société. P- bneeon«
vers les d vers centres de nos populations les échos du Congres de Mont-
rerai, et. plus tard, sachons le., réveiller, ces é<.hos, à llieure propice.
Pour être, dans la mesure voulue, sans exagérations comme sans fai-
blesses, les apôtres — oui les apôtres — de rEucliaristie, imprégnons-
nous des vérités de notre foi. Gardons-nous des hérésies. Que si nous
voulons — et nous le devons souvent — traiter dans les journaux tel
point de doctrine, tâchons d'abord de le bien connaître, et pour cela
n'ayons pas peur de consulter l'Eglise enseignante et ses pasteurs. Evi-,
tons les termes obscurs et les phrases équivoques. Visons aussi à la
dignité de nos propos. Pensons souvent que le journal et son feuilleton
sont lus par tous les yeux. Que la chronique des crimes dans nos co-
lonnes soit sobre et point suggestive. En un mot, soyons chrétiens
d"abord. Ensuite — et alors seulement — nous pourrons être dévots
sans crainte. Nous n'aurons rien du Tartufe. Parce qu'on nous saura
sincères, on s'inclinera devant nos convictions. Nous pourrons rendre
à Jésus-Hostie, sans qu'on nous ridiculise, le culte social qui lui est dû,
ce culte que plus que personne la presse aux mille voix — nous voulons
dire la presse catholique — cette puissante et merveilleuse informatrice
et régulatrice de l'opinion moderne, est chargée de rendre et doit rendre
à Jésus-Eucharistie.
C'est dans ce sens, messeigneurs et messieurs, que nous croyons
pouvoir répéter en terminant avec toute la conviction de notre âme :
Loué soit à jamais par la presse — et en particulier par la presse
canadienne — le Très Saint-Sacrement de l'autel.
Vœux :
1. — Le Congrès de Montréal émet le vœu que les revues pieuses
Canada, aussi hien que celles du monde catholique tout entier, redou-
blent de zèle pour glorifier les œuvres et le culte eucharistiques.
2. — Le Congrès de Montréal émet le vœu que tou^ les journaux ca-
tholiques, sans sortir de leur sphère,, se fassent- un devoir, dans l'occa-
sion, sans respect humain et avec conviction, de louer le Sacrement de
l'autel, de proclamer ses grandeurs, de célébrer ses gloires, de magnifi,er
les cérémonies de son culte et de donner des comptes rendus soignés des
fêtes de l'Eglise où il joue un si grand rôle.
*
* *
Ce rôle si important, et ce proj^'amme eucharistique de la
Presse dont a parlé M. l'abbé Auclair, M. Fabbé Belleney, re-
présentant de M. Féron Vrau, directeur de la Maison de la
Bonne Presse de Paris, en montre l'accomplissement quasi
idéal dans les œuvres de la Bonne Presse, et il se trouve ainsi
à compléter et à illustrer en quelque sorte par des détails très
intéressants l'étude précédemment donnée.
Il explique l'admirable rouage de cette administration,-
unique peut-être en son genre, qui a permis à cette œuvre si
— 533 —
merveilleusement organisée de déverser dans le monde de la
lecture une si prodigieuse variété d'écrits, de publications,
d'ouvrages, de " tracts ", actuels, au point, et d'un bas marché
fabuleux.
En terminant il fait une mention spéciale de la nouvelle et
si belle revue que la. Maison de la Bonne Presse vient de con-
sacrer à 1' " Eucharistie " et qui forme comme le joyau de aeu
publications.
Après la Presse eucharistique, c'est le tour de la Musique
religieuse. Le R. P. Lefebvre, S. J., dont la compétence musi-
cale est bien connue au Canada, vient traiter cette impor-
tante question.
LE CHANT SACRE ET LA MUSIQUE DITE
'• MODERNE ''
Il était évidemment en proie à un rude accès de misanthropie, le brave
Fontenelle, quand il laissa échapper la boutade suivante :
" Si J'avais la main pleine de vérités, je me garderais bien de l'ouvrir.''
Gardons-nous bien, nous, d'imiter cette malveillante parcimonie. Au
contraire, ouvrons large la main et donnons plein essor aux véritée
qu'elle peut contenir. Si peu d'entre elles, déjà, peuvent librement cir-
culer par le monde !
Le chant sacré, ses besoins au Canada : tel est le sujet qui m'est échu.
La tâche assignée n'est pas mince. Or, voici que par surcroît — je cons-
tate ensuite des variantes sur les programmes. Les uns ajoutent " la
question de la musique dite romaine, les autres portent "' de la musique
dite moderne; alors comment tout concilier?
A l'instar de Kamiuagrobis, de sournoise mémoire, mettons-les d'ac-
cord en croquant l'un et l'autre! Seulement pour cette exécution, IG à
18 minutes est un temps fort limité; mais justement mon indigence lit-
téraire y trouvera le prétexte longtemps cherché de piquer au plus court,
de parler franc et net, d'éviter tout ambage et toute circonlocution.
Le • Motxi Proprio "
jSTuI d'entre nous n'a oublié, que je saclie, le violent remous (jui *:e
produisit dans les eaux musicales au coup de barre imprévu que donna,
à peine installé à la roue du Vatican, le pilote énergique qui a nom
Pie X. La nouvelle d'une réforme de la musique sacrée fit spn.sation.
Pourtant, je ne sais par quelle fatalité, le lîèglemont tant diftcuté,
n'eut jamais dans notre pays, à ma connaissance au moins, les honneurs
de la publication.
— 534 —
La grande presse d'alors, si grande d'ordinaire d'informations sensa-
tionnelles, les grands journaux, soi-disant catholiques, qui, pour la
réclame, les annonces, les tliéâtres, les gravures prétendues amusantes et
les plus vulgaires élucubrations disposent de colonnes et de pages en-
tières, les journaux ne surent pas trouver la moindre place pour repro-
duire intégralement ce magistral document.
Le résultat inévitable est l'ignorance admirable de la plupart en ce
point, à telles enseignes que nombre de personnes sont convaincues que
le Pape a banni toute autre musique que le plain-chant.
C'est donc une connaissance plus exacte du lumineux Eèglement de
Pie X sur la musique d'église que je désirerais vous inculquer
brièvement.
Qu'est-ce qu'a voulu l'Eglise, et que veut-elle encore par la voix auto-
risée de son Chef ? Je dis à dessein " vouloir " et non pas seulement
" désirer," ainsi que l'ont insinué volontiers certaines gens pour se dis-
penser par là d'obéir. (Cette prétention que Pie X aurait écrit son
Motu Proprio sur la musique uniquement pour signifier à l'univers ca-
tholique un simple désir n'est-elle pas une plaisanterie déplacée ?)
Que veut donc notre Saint-Père?
Rien de nouveau, pas d'innovation, si ce n'est l'obéissance — cette
obéissance tant marchandée hélas par un grand nombre, l'obéisance à
des prescriptions antérieurement édictées, et généralement demeurées à
l'état de lettre morte. Encore un coup, Pie X n'a jamais innové; il n'a
fait que prendre à son compte et résumer la législation liturgique déjà
existante, et de par son autorité pontificale, il lui a infusé un regain de
vigueur et d'actualité.
Ce qu'il veut de cette volonté d'apôtre et de Saint qui est son propre,
ce qu'il n'a cessé de réclamer, c'est l'amélioration véritable, fond et
forme, de la musique sacrée, et cela par toute l'Eglise. En d'autres
termes c'est la tendance continue à toujours faire mieux dans le choix,
et surtout dans l'exécution de la musique d'église, soit vocale, soit ins-
trumentale. Voilà tout.
Un mot d'explication ici.
Avant tout. Pie X exige qu'on rende au chant ecclésiastique, dans les
cérémonies du culte, la place d'honneur qui lui est due, et dont il était
malheureusement déchu en maintes contrées.
Grâce à Dieu, nos églises canadiennes avaient conservé de ce chant,
sinon la vraie tradition, (cette tradition était déjà perdue, lors de l'éta-
blissement de la colonie), tout au moins le sens et le goût; et elles
peuvent se glorifier d'avoir toujours été en règle en ce point.
— Est-ce à dire qu'il n'y ait rien à reprendre sur ce terrain ? Pas
précisément ; car le chant qui nous a été transmis est tronqué, incomplet
et Bans vie.
— Est-ce à dire alors qu'il faille bouleverser tout avant que d'avoir
auparavant rien édifié?
Pas davantage ! pareil parti n'est guère prudent.
Sauf illusion, voici un programme pour être en règle avec les devoirs
de l'obéissance et la dictée de sa conscience, les dispositions oiî l'on se
doit établir:
— 535 —
1. Abdiquer tout sentiment d'hostilité, tout parti pris contre les déci-
sions pontificales à ce sujet.
2. Se déterminer à faire "le possible raisonnable actuel." Il u"est
pas toujours le même partout et pour tous. Pour de solides motifs,
vous ne pouvez tout de suite aborder le chant dit grégorien ! préparez-
lui la voie en orientant l'exécution de l'ancien vers la méthode bénédic-
tine. Est-il donc si difficile de faire lire distinctement, rondement
chanter et nuancer un peu?
3. Introduisez graduellement des pièces courtes et faciles, motets et
psalmodies, l'Asperges par exemple, puis quelques messes des plus
simples.
4. Enfin, il n'est pas urgent, il ne serait pas sage non plus, d'attaquer
avec un personnel peu compétent et non familiarisé avec ce genre, des
pièces plus ornées ; la mauvaise exécution tournerait vite au désastre, au
détriment de la bonne impression que ce chant doit créer.
Les voix d'anges
Justement cette impression de piété et cette atmosphère de religion
sera de beaucoup accrue par l'emploi, dans nos paroisses, d'un élément
qui n'est pas près de faire défaut au pays : le petit peuple scolaire. Nos
enfants canadiens ont pour la musique de réelles aptitudes, de la voix
et de l'oreille autant et parfois plus qu'il n'en faut.
En général, ils ne demandent qu'à prêter leur gracieux et non moins
précieux concours.
Seulement il faudrait s'en occuper de façon régulière et suivie, les
former, organiser dans les écoles l'enseignement du solfège et du chant :
toutes choses qui ne se font pas d'elles-mêmes, mais qui entraînent des
ennuis, des tracas, mais aussi, ne l'oublie-t-on pas trop aisément, des
résultats les plus heureux tant pour le présent que pour l'avenir. La
création d'une maîtrise paroissiale rehausse singulièrement la splendeur
des offices par le simple appoint de ces jeunes voix fraîches et pures;
elle assure aussi l'alimentation du chœur des hommes.
On n'y songe pas assez peut-être, le soprano ou l'alto d'aujourd'hui,
c'est le ténor ou la basse de demain.
Le célèbre baryton Jean Faure émerveillait à huit ans les fidèles de
la Madeleine, et soixante ans plus tard, il enchantait ses a'uditeurs par la
jeunesse et l'éclat d'un organe resté intact.
Ici, me semble-t-il, plusieurs de mes bienveillants auditeurs du clergé
qui ont charge de paroisse, seraient tentés de me dire: "Tout ce que
vous nous " chantez " là est bel et bon sur le papier et facile en théorie ;
mais dans la pratique c'est bien autre chose. Où. donc trouverons-nous
cet oiseau rare, le directeur qui saura, qui pourra, qui voudra se plier à
tant d'exigences — enseigner le chant ecclésiastique et former une maî-
trise"?
— 53G —
Une autre question
Pour une fois, sans être le moins du monde irlandais, je me pré-
vaudrai du privilège de répondre à une question par une autre et je
répliquerai : "' A votre tour êtes-vous bien déterminé à vous assurer les
services d'un auxiliaire aussi précieux, et à rétribuer dignement un tel
phénomène, si vous le rencontrez?
Ecoutez bien le trait suivant: Je sais un brave curé, le moins du
monde " docteur es choses musicales " mais soucieux de mettre en règle
les offices religieux de son église qui, rencontrant un musicien sérieux,
'■' lui tint à peu près ce langage " : Mon cher monsieur, je désire établir
le chant ecclésiastique exécuté par une bonne chorale d'hommes et d'en-
fants de ma paroisse, pourriez-vous me fournir l'article et à quelles con-
ditions " ? L'artiste interpellé, après réflexion répondit : " Moyennant
telle rétribution, je me charge de tout." Parfait, reprit le curé, soyez
prêt dans trois mois." Et ce délai fut par notre jeune musicien fiévreu-
sement consacré à se rendre compétent sur toute la ligne. A'euillez m'en
croire, il le deviendra sous peu, s'il ne l'est pas encore: il y est double-
ment intéressé.
Or donc, Messieurs du clergé, vous avez là sous la main une industrie
d'une efficacité merveilleuse pour faire germer le dévouement, stimuler
l'amour des études musicales et faire s'épanouir la plus belle floraison
d'activités.
C'est tout gratuitement, en plus, qu'avec l'approbation présumée des
maîtres de chapelle et des organistes présents ou absents, je me permets
de vous dédier cette recette; et je suis d'autant plus qualifié pour le
faire, que je serai peut-être le seul à n'en point bénéficier: mes émolu-
ments n'étant guère susceptibles de modification, soit en plus ou en
moins.
Maintenant je me trouve en assez délicate posture. Je constate avoir
osé mettre le pied sur un sol brûlant, et je me vois en quelque sorte forcé
d'aller plus outre ne voulant pas retraiter sans dévoiler ma pensée tout
entière. En voici donc l'autre moitié:
Lorsque j'invitais MM. les Curés ainsi que leurs fabriciens à se mon-
trer comme il convient 'plus généreux, (je dirais mieux peut-être en
disant plus équitables) envers les musiciens d'église, directeurs et orga-
nistes, c'est sous entente et à condition que ces derniers soient, non pas
de vulgaires entrepreneurs de pompes musicales, ou encore des
impressarios de concerts plus ou moins spirituels dont l'église est le
local, mais bien de véritables artistes du culte divin et les dignes inter-
prètes de la prière officielle chantée.
Tel est bien, en effet, le rôle liturgique et quasi sacerdotal quand il
est bien compris, du maître de chapelle, du titulaire de l'orgue et aussi
des chanteurs d'église. Ceux-là seuls, en conséquence, sont élus à béné-
ficier de la suggestion ci-dessus émise qui, grâce à des études spéciales,
par des travaux antérieurs et une préparation soignée se sont rendus, ou
viseraient à se rendre dignes de ces hautes fonctions. Je n'ai pas à
parler de l'état civil des aspirants-titulaires, espérant bien que de sitôt
— 537 —
l'on n'aura pas ici un cas analogue à celui qu'on découvrit il y a quel-
ques années près de Lyon en France. Un vénérable F.... jouait
alternativement du triangle à la loge et de l'orgue dans une église. L'au-
dacieux cumulard fut instamment invité à nettoyer " presto " le pédalier
de cette dernière.
Deux mots encore et ce sera la fin.
Sur le point des salaires, comme en tous les autres, le possible n'est
pas le même partout; mais partout il y a un possible juste et raisonnable.
Trop parfois l'on escompte l'obligeance et la bonne volonté des gens.
La situation n'est pas sans de sérieux inconvénients dont le premier est
qu'on ne pourra exiger aucune réforme, aucune amélioration sans risquer
de se heurter à cette observation: "Vous en avez bien pour votre
argent ! " Un second, c'est de créer chez les paroissiens et les marguil-
liers surtout cette mentalité spéciale à l'égard des musiciens qu'ils sont
toujours "assez rétribués," et qu'à l'instar des institutrices, et plus
encore qu'elles, ils se nourrissent d'air.
Autre préjugé
Il n'est même pas si rare qu'après avoir donné des années durant, son
labeur et le fruit de ses études, si le directeur de chant s'avise de sug-
gérer l'achat de nouvelle musique, on lui trouve toutes les allures d'un
homme qui réclame le Pérou — très heureux qu'on ne lui jette pas. avec
un haussement d'épaules, " mais mon cher, de la musique, n'en avez-vous
pas plein les armoires " ?
Bref, on prodigue en statues, en vitraux, en peintures des sommes
considérables, on engagera de forts capitaux dans des orgues monumen-
tales, dont les deux tiers ou les trois quarts sont à peu près inutilisés,
et quand il s'agit de l'organisation d'une maîtrise et d'engagements
d'organiste et de directeurs, on se retranche à l'abri de mesquine? objec-
tions, ou d'ajournements indéfinis.
"Sed fugit interea, fugit irreparabile tempus!"
Le temps alloué me fuit et que de choses à dire: et de questions a
■j-pQ 1 fpT" •
— Enseignement supérieur de musique sacrée dans les grands sémi-
naires et les instituts ecclésiastiques;
— Abolition de l'ostracisme injustifiable et de la suspuion univer-
sellement entretenue envers cette branche des études cléricales;
— Création d'une école de musique vraiment liturgique au pays, pour
faciliter aux jeunes talents qui poussent les moyens d'acquérir sans trop
de frais une véritable compétence, et favoriser par là le recrntemcnt de
bons musiciens d'église. ,. ,
-Fédération canadienne de sociétés chorales religieuses dite, de
Sainte-Cécile, afin de promouvoir le culte et le goût de la saine musique
religieuse. Mais je serais infini !
— 538 —
Au moment de clore, il me reste à vous remercier cordialement de
votre sympathique attention et à vous prier respectueusement d'adopter
les rœux suivants, conclusion naturelle de cette étude :
Vœux :
Considérant que l'étude du chant ecclésiastique, — (plain-chant ou
chant grégorien) — est à la hase de toute rénovation sérieuse de la mu-
sique sacrée : il est proposé au XXIe Congrès Eucharistique Interna-
tio7ial :
1. Qu'on améliore, par une préparation soignée, l'exécution du plain-
chant local, en s'acheminant vers l'interprétation bénédictine en vue de
l'Edition Vaticane.
2. Qu'on prépare les maîtrises paroissiales en organisant au préalable
ou favorisant l'enseignement efficace du solfège et du chant dans les
écoles.
3. Quant à la musique moderne, qu'on élimine les œuvres d'origine ou
d'inspiration profane qu'on remplacera par des compositions plus dignes,
dont il pourrait être fait un catalogue.
4. Que Messieurs les Curés exhortent leurs fabriciens à se montrer
généreux pour tout ce qui concerne la partie musicale des offices reli-
gieux.
5. Que les intéressés. Messieurs les maîtres de chapelle, organistes et
chantres prennent une plus exacte connaissance des obligations que leur
impose le Règlement de Sa S. Pie X; et que les curés, les recteurs
d'églises s'intéressent à procurer à leurs maîtrises la connaissance de ces
documents et veillent à leur observation.
Toute l'assemblée se rallie sans peine aux résolutions si
pratiques que suggère le rapporteur.
— 539 —
C'est encore la question du Chant religieux que va étudier
le troisième rapporteur, le R. P. Raymond, 0. F. M., en trai-
tant : de la participation des fidèles au culte liturgique par
le moyen du chant populaire.
liE CHANT COLLECTIF
DANS LE CULTE EUCHARISTIQUE
Monseigneur,
Messieurs,
Attirer l'attention du Congrès sur " Le Chant Collectif dans le Culte
Eucharistique," telle est la tâche, à moi assignée, par la bienveillante
confiance du Comité des Travaux.
Disciple de François d'Assise qui, '' Héraut du Grand Eoi," comme
il se disait, ne voyant ici-bas du Fils de Dieu que son Très Sacré Corps
et son Très Saint Sang, et, voulant par-dessus tout honorer et louer les
Saints mystères Eucharistiques, s'en allait chantant le Christ, invitant
les hommes à louer leur Sauveur comme les petits oiseaux leur Créa-
teur, c'est sans aucune prétention d'art ni d'érudition que je m'en
acquitterai.
Aussi bien, dès quïl s'agit de faire chanter le Christ voilé sous
l'Hostie par toute l'assemblée des fi.dèles, en langue vulgaire comme dans
celle de l'Eglise, en plain-chant comme en musique sacrée, ce n'est pas
tant à une exécution artistique qu'à un acte de religion convenablement
accompli que l'on doit prétendre.
La pratique du sujet va donc seule nous occuper ici. J'espère vous la
montrer d'abord :
Glorificatrice pour le Christ en même temps que bienfaisante aux
âmes; réalisable, puisque réalisée déjà bien des fois en des milieux
divers; enfin, relativement facile à obtenir, si simples sont le? moyens
déjà employés avec succès !
Une église chantant le Christ, quel spectacle! Saint Paul con-
vaincu, sans doute, de la gloire qui en reviendrait à Jésus et des
avantages que les fidèles en recueilleraient, voulait en assurer le bienfait
aux as'semblées chrétiennes. Dans trois de ses lettres nous retrouvons
la même exhortation. " Instruisez-vous mutuellement, encouragez-vous
les uns les autres en chantant des psaumes, des hymnes et des cantiques
spirituels." Xe nous étonnons pas de cette direction de rApôtro. T^
rôle de l'Eglise Catholique n'est-il pas, pratiquement, d'attirer l'huma-
nité au Christ Jésus, présent parmi nous, habitant notre terre, pour
qu'elle reconnaisse sous la mvstérieuse Hostie. Celui qui est " la row, la
vérité la vie" et subisse l'inifluence divinement salutaire du Sauveur du
monde. Or, le chant collectif eucharistique comme nous l'envisageons
ici, dans les cantiques, dans les chants aux expositions du Très Saint
— 540 —
Sacrement, au Très Saint Sacrifice de la Messe, n'est que la prière
chantée et par là plus expressive, plus fervente de centaines, de milliers
de fidèles, honorant le Fils de Dieu dans l'Hostie, lui offrant l'hommage
de leur foi à ses paroles de vie, lançant vers son Cœur Sacré les accents
de leur amour reconnaissant avec ceux de leur invincible confiance en
Lui. Elle^ est donc très compréhensible l'importance accordée à cette
pratique dès l'origine des groupements chrétiens pour le culte public.
Le chant collectif, de plus, a le privilège incontestable de saisir tout
rhomme, sens, imagination, intelligence, cœur, volonté, pour l'élever
jusqu'à Dieu en même temps que monte avec sa voix l'expression enthou-
siaste des sentiments qui se pressent au plus intime de son être à l'égard
du divin Sauveur.
Et n'est-ce pas, de temps en temps, un impérieux besoin du cœur de
l'homme de chanter, en certaines circonstances surtout, sa religion,
comme ce lui en est un de chanter parfois ses joies, ses triomphes, ses
douleurs ? Dès lors, quand pourrait-il plus opportunément le faire que,
lorsque dans nos temples sacrés, aux pieds du Christ Eucharistie, il se
voit entouré de fidèles qui, comme lui viennent y rencontrer Dieu et Lui
dire leur amour, leur soumission, leur repentir, sollicitant aussi lumière,
force et courage pour vivre dignes de Lui.
Incontestablement, au sein de cette pieuse foule chantante, on apprécie
mieux le bonheur de la vraie foi, la condescendance de notre Dieu et
" la gloire immense pour l'homme de suivre le Seigneur " Jésus, notre
unique Maître, Lumière du monde. Là, envahi par un courant presque
irrésistible de foi et de piété, on croit plus fermement, on adore plus
religieusement, on aime avec plus d'ardeur et plus de tendresse, on
espère avec plus de confiance encore en la miséricorde du Dieu qui
mourût pour nous sauver et, dans un excès d'amour, résolût de se faire
la nourriture divine de nos âmes régénérées.
Le Christ Eucharistie, immortel et invisible Eoi des siècles et de
tous les peuples, n'a-t-il pas droit d'ailleurs à un culte social?
Mais ce culte social se peut-il concevoir parfait sans la pratique du
Chant Collectif Eucharistique que j'appellerais volontiers la voix majes-
tueuse des sociétés reconnaissant que comme l'individu elles relèvent de
Lui, ont besoin de Lui, trouvent tout en Lui ?
Et n'est-ce pas encore la gloire du Christ avec le bien des âmes qu'elle
assure l'Eglise, quand, réunissant ses enfants pour l'auguste et mystique
Sacrifice, centre de toute la religion catholique, elle leur demande de
joindre, par le chant liturgique, leur prière à celle du prêtre qui là prête
son ministère au Christ Jésus Lui-même, Prêtre à la fois et Victime
adorable, suprême glorificateur de la Divinité ? Là, en effet, Jésus
Eucharistie ne devient-il pas comme l'âme de l'assemblée chrétienne?
JST'est-ce pas avec Lui, en Lui et par Lui, Médiateur nécessaire entre
Dieu et nous, qu'au " Kyrie " nous supplions la Trinité adorable d'avoir
pitié de nous ; qu'au " Gloria " nous chantons ses louanges et Le prions
de recevoir notre humble et confiante prière ; qu'au " Credo " nous pro-
testons de notre attachement à cette sublime et rassurante foi que Dieu
le Fils est venu prêcher à la terre; puis, quand II est là, sur l'autel,
— 541 —
Jésus-Hostie, Victime et Pontife de la création, alors que nous faisons
notre tnsagion céleste " Saint, Saint, Saint est le Seigneur le Dieu des
armées," n'est-ce pas encore par Lui, dont nous bénissons le venue, que
nous exaltons la Sainteté de Dieu, avant d'implorer sur nous-mêmes la
miséricorde du divin Agneau qui dût mourir pour nous enlever nos
péchés ?
Qui ne comprendrait ici tout ce qu'il y a de sagesse dans les directions
imposées, pour la restauration du chant par le peuple au cours des
offices de l'Eglise, par le Pontife filialement vénéré dont la devise est de
" Tout restaurer dans le Christ."
Ajoutons encore que, des profondeurs mystérieuses de l'Hostie, le
Christ Jésus, en contemplant les cœurs qui Le chantent trouve une
gloire spéciale en leurs dispositions à son égard — dispositions variées
comme les voix elles-mêmes. Car si le texte chanté est le même, unique
la mélodie qui le porte, dans ce chant simple et uniforme, chaque cœur
lui, met une nuance glorieuse pour Celui qui depuis près de vingt siècles,
disparu pour nos regards mortels, se fait adorer, aimer, imiter et prier
dans la Sainte Eucharistie.
C'est que, en Jésus-Hostie, l'enfant chante le Frère divin qui lui est
né de la Vierge Marie. Pour la jeune fille chrétienne en chantant
Jésus, c'est l'objet de ses plus chères délices qu'elle chante et lo Divin
Gardien de la chaste beauté de son âme virginale ; pour le jeune homme
chanter Jésus-Hostie, c'est célébrer la véritable force de son cœur inno-
cent. Epoux et épouses chantent en Lui le Dieu qui a béni leur union
et répand sur leur foyer fidèle ses bienfaits : l'union, la paix et le surcroît'
promis à ceux qui cherchent avant tout le règne de Dieu. — Les parents
chantent en Jésus-Hostie Celui qui, plus qu'eux, aime les enfants que la
Providence leur a donnés à conduire au ciel. — Le riche chante en
Jésus-Hostie le Maître adoré qui est venu lui apprendre à se servir de ses
biens. — Le pauvre, l'ouvrier chante en Jésus-Hostie le Divin Ami qui
l'aide à supporter la pauvreté et les écrasantes fatigues du labeur jour-
nalier. — Pour le vieillard, chanter Jésus-Hostie, c'est le plus souvent
chanter Celui dont il a maintes fois éprouvé les miséricordes au cours
de sa longue vie et en qui il espère trouver encore un sauveur plutôt
qu'un juge, en quittant la terre.
Quel concert à la louange du Christ que celui de ces cœurs qui le
chantent ensemble !
Messieurs, nous n'en pouvons douter, la ^'pratique du Chant Collectif
Eucharistique" est aussi glorieuse pour notre Jésus que fructueuse pour
les âmes.
II
Toutefois, est-il possible d'introduire l'usage de ce Chant Collectif
dans nos cérémonies eucharistiques: Quarante-Heures, Fête-Dieu, pro-
cessions et Saluts du Très Saint-Sacrement, Première Communion des
enfants, Communions générales des différentes catégories des fidèles et
surtout à la Messe chantée?
— 543 —
Les faits, Messieurs, nous autorisent à conclure affirmativement.
Dans plusieurs paroisses de France et de Belgique, l'effort a été tenté
et couronné de succès.
N'est-ce pas d'ailleurs, pour les Missionnaires, un des plus efficaces
moyens d'action sur les âmes, que de faire chanter tout le peuple à
l'église ?
Vous permettez bien à l'un d'entre eux de faire ici appel à son expé-
rience personnelle, d'autant plus, que, comme le dit le Spéculum Per-
fectionis (chap. VI), nous, les Mineurs, nous ne sommes guère " que les
chanteurs et les jongleurs de Dieu qui devons remuer les cœurs des
hommes et les soulever jusqu'à l'allégresse spirituelle."
J'ai vu la Pratique du Chant Collectif Eucharistique réalisée dans les
milieux les plus divers.
Un jour, c'était tout un collège de jeunes gens, dans un pèlerinage en
l'honneur du Cœur de Jésus, qui, au pied de l'autel du Christ Eucha-
ristie, chantait avec enthousiasme :
Tout fut créé pour former ton domaine
0 Christ Jésus, notre Eoi Souverain.
Que notre amour, triomphant de la haine.
Etende au loin ton empire divin.
Au doux transport qui nous entraîne
Unissez vos Chœurs, Séraphins;
Chantez Jésus, votre Eoi Souverain.
Plusieurs fois à l'occasion d'une première communion, ou de retraites ;
je les entendis les petits enfants, souvent par centaines dans nos popu-
leuses paroisses, chantant de tout leur cœur et de toute leur voix devant
le tabernacle où on leur avait rappelé la présence du Dieu Eucharistie,
ces cantiques " Jésus est l'ami des enfants," etc. Amour, amour au
Cœur de Jésus . . . Loué soit à tout instant Jésus au Saint Sa<;rement.
Et quel spectacle, que celui de ces enfants chantant Jésus qui les aime
tant !
Une nuit — celle du 31 décembre 1899 - 1er janvier 1900 — dans
une de nos campagnes, toute la paroisse était à l'église pour commencer
avec Jésus-Hostie l'année nouvelle dans l'adoration, l'assistance au Très
Saint Sacrifice de la Messe et la réception de la Sainte Eucharistie.
L'idée me vint de faire chanter le cantique :
ISTous venons à Toi, Jésus notre Eoi
Dans un saint transport d'amour et de foi ;
Nous venons jurer de garder ta loi
De combattre et de mourir pour Toi.
En quelques minutes, tous, hommes, femmes, jeunes gens, jeunes
filles, enfants et vieillards, chantaient avec un religieux entrain leur foi
pratique au Dieu de l'Eucharistie. , . < ■ •
C'était encore à une Messe de Communion générale d'hommes. Us
— 543 —
remplissaient l'église. Comme ils avaient chanté chaque soir de la re-
traite leur foi, leur repentir, leurs espérances aux miséricordes de Jésus,
c'est le simple cantique " Le voici l'Agneau si doux " qu'ils chantaient
avec âme pour se préparer à recevoir Jésus dans la sainte Communion.
Aussitôt après la Consécration, lun d'eux entonna \'0 ^alutaris llostia
que tous poursuivirent. Avant de se séparer, c'est par le cantique de
Vierge, le Magnificat puissamment chanté qu'ils exprimèrent leur
joyeuse reconnaissance au Dieu qui s'était livré à leur cœur.
A leur tour, les jeunes gens de la paroisses firent leur fête à Jésus-
Hostie pour terminer leur retraite. Ils étaient près d'un millier. Comme
il était beau de les entendre, entre autres chants, enlever le cantique:
Amour, honneur et gloire à Jésus-Christ. Le soir ils ne se lassaient
pas de chanter^ Nows venons à Toi Jésus notre Roi.
Récemment au cours d'un pieux Triduum, toute l'assistance fût in-
vitée à chanter. Un des prêtres de la paroisse me dit — faisant allusion
au Salut de la veille : " quel office que celui d'hier soir. Il n'v a rien
de religieux comme cela : " tous les fidèes avaient pris part au chant.
Une année, à l'occasion de la Fête-Dieu, une assistance nombreuse
était venue un peu de partout, pour la procession du Très Saint-Sacre-
ment. Que faire chanter? Un de nos Pères expliqua en chaire le
sens de VAve Jesu pastor fidelium; le fit répéter en le chantant lui-même
et pendant toute la procession la foule recueillie, suavement émue lit
cortège au Eoi de l'Hostie, chantant après chaque strophe de VAdoro Te:
Salut à Toi, ô Christ Jésus, vrai Pasteur de tes fidèles, augmente donc
notre foi à nous qui cro3'ons en Toi.
Au reposoir, à l'église ensuite après le retour de la Procession : tout
le monde chantait les motets en usage pour les Saints.
Dans nos réunions de Frères Tertiaires Franciscains, eux-mêmes ont
à cœur de glorifier le Dieu de l'Hostie qui les bénit à chaque réunion et
toute la Fraternité chante ensemble.
C'est aussi l'un des attraits de nos différentes fêtes, si chères à la piété
populaire, — Portioncule — Fête de Saint François — pèlerinages an-
nuels où le Dieu de l'Hostie est toujours glorifié par la voix de la mul-
titude.
Au Très Saint Sacrifice de la Messe, j'eus l'occasion, une fois, d'in-
viter l'assemblée des fidèles à ne pas laisser le chœur répondre seul au
chant du prêtre, et de suite la foule se mit à répondre aux Dominus vo-
biscum, aux Oraisons, au Dialogue de la Préface. Jamais il ne m\i
été donné d'initier le peuple au chant du Kyrie, du Gloria et autres
parties chantées de la Messe, il est vrai. Mais je ne doute nullement
que lui qui chante le Cor Jesu Sacratissimum, etc., puisse chanter un
Kyrie et le Gloria, comme les confrères de l'Adoration Xocturno clian-
tent le Pater Noster; le Credo, comme la plupart des fidèles chantent
VAve Maiis Stella et le Magnificat; le Sanctus et VAgnus Dei, comme
le plus grand nombre chante le Laudate et le Parce Domine.
C'est affaire d'initiation. D'ailleurs, un vénéré correspondant do ce
Congrès, prêtre du diocèse de Xancv, dans une note écrite, nous laisse
savoir que dans sa paroisse natale le peuple chantait non seulement
— 544 —
Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus et Agnus, mais encore les hymnes litur-
giques aux processions de la Fête-Dieu, les Vêpres du Dimanche et
même l'Office des Morts et les Matines de Noël.
Or, cette paroisse n'est pas la seule où le Chant Collectif ait été intro-
duit avec consolant résultat.
La Pratique du Chant Collectif est donc réalisable puisque déjà
réalisée.
m
Comment s'y prendre pour en introduire l'usage?
Peut-être pourrait-on formuler ainsi trois principes :
1° Commencer par faire apprécier des fidèles le Chant collectif en
leur faisant remarquer la gloire qu'il rend au Christ Jésus, les avan-
tages qu'il assure à leur foi comme à leur piété, la beauté des offices
religieux où il est en pratique.
2° Ne jamais entreprendre de faire chanter un nouveau morceau par
le peuple sans avoir auparavant attiré son attention sur les sentiments
exprimés et leur opportunité pour l'office au cours duquel on le doit
chanter. De cette manière on satisfait l'intelligence et le cœur des
fidèles qui ne chanteraient jamais avec piété ce dont ils ne remarque-
raient pas le sens.
3° Commencer par le chant des cantiques en langue vulgaire — au-
quel on ajoutera bientôt celui des motets latins et, finalement — quand
le peuple se sera affectionné à la Pratique du Chant collectif — ce qui
ne tardera pas — on entreprendra le chant de VOrdinaire de la Messe.
Ces principes étant admis, voici comment on peut procéder avec
confiance.
S'agit-îl du chant des cantiques en langue vulgaire?
En choisir au refrain court et à l'air connu. Quand l'assemblée en
aura chanté de ceux-là, elle aimera à en apprendre d'autres. On lui en
enseignera de la manière suivante: On fait répéter à haute voix avec
attention au sens, les paroles du refrain deux ou trois fois. Puis deux
ou trois fois on le chante soi-même en recommandant à chacun de suivre
l'air avec les paroles déjà sues. Enfin, on invite à chanter. Quand
l'air est plus difficile ou que les vers sont trop longs, on divise le refrain
en deux parties que l'on chante et fait chanter séparément d'abord, puis
le tout d'un seul trait. En cinq minutes environ l'assemblée parvient à
chanter ainsi n'importe quel cantique.
S'agit-il de motets latins ?
Si les fidèles ont à la main — pratique en usage dans certaines de nos
Fraternités du Tiers-Ordre — le livre où se trouve le motet à chanter,
faire lire, si non, faire répéter à haute voix, les paroles que l'on dit soi-
même. En faire remarquer le sens, puis en faire apprendre l'air comme
on l'a fait pour les cantiques. Ce petit exercice se fait quelques minutes
avant l'office : après, on garderait difficilement son monde. On se con-
tente d'un seul morceau nouveau à la fois. Il est pratique de com-
mencer par faire chanter aux Bénédictions du Très Saint-Sacrement,
— 545 —
en prenant les morceaux les plus fréquemment chantés et partout
connus. On fait chanter le même Salut un certain temps.
S'agit-il du Très Saint Sacrifice de la Messe?
Quand les fidèles sont déjà habitués à chanter les cantiques, les motets
du Très Saint-Sacrement, on en obtiendra assez facilement qu'ils chan-
tent à la Messe ce qu'ils entendent depuis leur enfance, et dont ils savent
et les paroles et Tair. On peut donc leur demander de chanter VAs-
perges, les Amen, les Et cum Spiritu tuo, les réponses du Dialogue de
la Préface et Vite Missa est. Sans toutefois oublier de leur faire re-
marquer le sens de ces chants et comment ils les font participer davan-
tage à la célébration des Saints Mystères.
Pendant quelques dimanches, on ne leur demandera que cela. Mais
on donne en même temps ordre à la Maîtrise de chanter toujours telle
Messe que l'on aura choisie. Une des plus faciles d'abord. Celle des
Anges, par exemple. Au prône on en fait remarquer la beauté et on
encourage les fidèles à en graver l'air dans leur mémoire. Après quel-
ques semaines on prie les assistants de s'associer au chant du Kyrie. Le
dimanche suivant on entreprendra le chant du Gloria et ainsi des autres
parties de la Messe, Credo, Sanctus, Agnus, en ayant soin toujours de
méditer au prône avec les fidèles, la partie du chant qu'on les invite à
chanter.
Quand une première Messe aura été apprise ainsi : les autres s'ap-
prendront facilement.
Mais, direz-vous, comment assurer le mouvement convenable à ce
chant de la Messe par toute l'assistance?
On trouvera dans ce but, des auxiliaires précieux dans les enfants des
écoles, des collèges, dans les membres des congrégations paroissiales. On
les initiera en particulier à l'exécution des morceaux à chanter à l'église
et ils entraîneront la masse des fidèles ensuite.
Je me souviens d'avoir assisté à une grand'messe dans une paroisse
où près de 200 enfants, formés au chant par les Frères des Ecoles Chré-
tiennes alternaient au chœur avec la Maîtrise qui se tenait à la tribune
de l'orgue. Je suis resté persuadé qu'il n'y aurait eu qu'un mot a dire
pour que toute l'assistance chantât avec eux.
Dans certains endroits, pour entraîner le chant de la nef, on a place
ici et là dans l'église de bonnes voix, capables d'entraîner les autres.
C'est un moyen efficace. ^ .
On pourrait ici se demander s'il n'est pas nécessaire qu il y ait un
modérateur de chant pour présider habituellement le chant collectif de
Je ne le 'crois pas indispensable dès qu'il s'agit d'exécuter des chants
que les fidèles savent. Dans nos assemblées de Frères Tertiaires, des
congrégations de la Sainte Vierge, de la ligue du Sacre-C œur, la nef
chante sans modérateur spécial. L'orgue et la maîtrise donnent et main-
tiennent le ton et le mouvement. Il suffit d habituer la masse a se
guider sur eux.
Une dernière remarque. Il faut que l'organiste joue de telle sorte
qu'il entraîne et soutienne le chant mais ne l'étouffé pas.
18
— 546 —
Quand l'orgue joue fort, ceux qui chantent ne s'entendent pas et sont
très portos à se contenter d'écouter. Mais c'est surtout pour l'étude des
morceaux que cette réflexion me paraît importante.
Messieurs, j'ai fini.
En terminant : Pour la gloire du Christ-Jésus vivant en l'Hostie, et
pour contribuer au plein épanouissement de sa Vie dans les âmes qu'il a
rachetées; permettez-moi de proposer à l'approbation du Congrès les
Vœux suivants:
1°. — Que la pratique du Chant Collectif Eucharistique soit tentée
au plus tôt avec zèle, constance et confiance dans les offices paroissiaux,
dans les réunions des confréries et congrégations, ainsi que dans les
écoles et maisons d' éducation.
2°. — Pour que les fidèles, dans les cérémonies eucharistiques, puis-
sent aisément, d'un même cœur et d'une même âme, chanter leur foi au
Mystère d'amour, les bienfaits séculaires de Jésus-Hostie au monde, et
nos devoirs personnels, familiaux envers Lui; qu'il soit formé un recueil
de cantiques eucharistiques populaires, choisis parmi ceux dont la doc-
trine est à la fois solide et clairement exprimée et la piété surnaturel-
lement affective.
3° : — Que soit pris en considération le projet de publication — en
édition de propagande et de format usuel — d'un petit recueil de chants
liturgiques en Grégorien. U serait composé de trois Messes, trois séries
de Motets, formant chacune un Salut complet dont le cliuix serait fait
par Nos Seigneurs les évêques. On pourrait ajouter encore Hymnes,
Proses, Antiennes en usage en l'honneur du Très Saint-Sacrement.
Répandu à profusion parmi les fidèles, ce recueil aiderait beaucoup à
la réalisation du désir exprimé par notre hien-aimé Pontife et Père, le
Pape Pie X, de voir le peuple, selon l'ancienne coutume, prendre une
part plus active à la glorification de Dieu dans les offices de l'Eglise
dont le Christ est à la fois le Roi, le Pontife et l'Hostie.
Après la musique et le chant sacré, voici une autre branche
des Arts eiocharistiques, que vient étudier, dans cette séance,
le R. P. Daly, de la Congrégation du T. S. Rédempteur.
L'ARCHITECTURE RELIGIEUSE
L'architecture religieuse a, de tout temps, exercé une influence prépon-
dérante sur l'Art. Son histoire se confond pour ainsi dire avec celle
des Beaux- Arts. Les ruines du Parthénon, le Panthéon d' Agrippa, les
cathédrales de Paris, de Chartres, de Reims, de Cologne, la Basilique de
Saint-Pierre à Rome, resteront à jamais aux tournants de l'histoire,
comme les triomphes de cet art qu'un poète a si bien nommé, le roi des
— 547 —
Beaux-Arts. La religion d'ailleurs fournit aux artistes de tous les siècles,
l'idéal le plus élevé et se plaît, l'œuvre accompli, à jeter sur leurs tra-
vaux un reflet de sa propre immortalité.
Mais, s'il y a un temple où le Beau doit rayonner dans l'harmonie des
lignes et les splendeurs du décor, c'est bien le temple catholique destiné
à abriter Dieu lui-même caché sous les voiles mystérieux de l'Eucha-
ristie. Dans un pays catholique, les églises ne sont autre chose que
l'acte de foi, permanent, visible, social du peuple à l'adorable présence
de Jésus-Christ dans le Sacrement de son amour. Je vous le demande.
Messeigneurs et Messieurs, qui a bâti ces nombreuses églises et chapelles
qui constellent notre vaste territoire et chantent notre foi dans la Sainte
Eucharistie de l'Atlantique au Pacifique, des bords de nos grands lacs,
aux glaces du Nord? Est-ce la munificence des millionnaires, l'argent
de l'Etat? Xon, c'est l'argent du peuple; et, l'argent du peuple, c'est
la sueur de son front, le travail de ses bras, le sang de ses veines, l'éclat
de son esprit, une partie de sa vie. Ici comme en Europe, le peuple
s'est fait " le logeur du Bon Dieu " parce qu'il croit en la présence réelle
de Jésus-Christ dans la Sainte Eucharistie. La ville de Marie surtout.
est la ville de Jésus-Hostie. Oui, la foi des de Maisonneuve, des Dol-
lard, des Bourgeoys, de tous les héros et héroïnes de la première heure,
vous la trouvez comme cristallisée dans ses nombreux temples catho-
liques qui ont valu à notre Métropole, le beau nom de la " Ville aux
Eglises."
Si la foi dans l'Eucharistie est la raison d'être de nos églises, ce sa-
crement de nos autels est lui-même le motif inspirateur de leur beauté.
L'abri que nous donnons à Dieu sur la terre, nous le voulons beau,
grand, magnifique, afin que, comme dit le Père Sertillange, 0 . P., " Ia^
toit révèle son hôte." Aussi l'Eucharistie a fait du temple catholique la
synthèse artistique par excellence, l'expression la plus complète et le
triomphe le plus éclatant de l'Art. Les âges de foi ont été les âges des
triomphes de l'Architecture Chrétienne.
Il fallait d'ailleurs les voûtes élancées, les grandes nefs des cathédrales
gothiques pour entonner et chanter avec ampleur le " Lauda Sion " et
le " Sacris Solemniis " du chantre de l'Eucharistie.
Au Canada, peut-être plus qu'ailleurs, le peuple aime son église, et
pour la voir spacieuse, belle, il s'impose de nombreux sacrifices. Jusque
dans les campagnes les plus reculées, on voit des églises dont la masse
imposante frappe le regard du voyageur et le jette dans rétonncniont.
Nous n'avons pas, il est vrai, comme en Europe, le bénéfice «lu pas^ié.
Nous ne voyons pas se dresser au sein de nos villes ces vieilles cathé-
drales que les siècles eux-mêmes ont respectées, et dont la présence seule
serait un reproche à ce que j'appellerais volontiers le " mo.lernisme " en
architecture religieuse et une invitation à nous inspirer thivantage des
vraies traditions de l'art sacré. Ce manque de monuments et de tradi-
tions artistiques, qui, naturellement s'y rattachent, la jeunesse de notre
pays, les exigences de la première heure, les rigueurs de notre climat ne
nous ont point permis d'exploiter comme nous aurions peut-être voulu,
le vaste domaine de l'Architecture religieuse et de profiter de ses nom-
— 548 —
breuses richesses. Aussi nous sommes heureux de saisir l'occasion de ce
Congrès Eucharistique sur le sol d'Amérique, pour travailler ensemble
à une œuvre essentiellement eucharistique, pour profiter des lumières et
de l'expérience de nos cousins d'outre-mer et devenir ainsi comme au
Moyen- Age, '' de dignes logeurs du Bon Dieu."
Exposer les principes généraux de l'Architecture Chrétienne, suggérer
quelques moyens d'action pour faire des églises belles et pratiques, en un
mot, unir la théorie à la pratique, voilà donc l'heureux sort qui m'est
échu. Je dis heureux, car j'apporte mon humble concours à la glori-
fication de la Sainte Eucharistie et j'espère que la grandeur du sujet
fera oublier la faiblesse du rapporteur.
*
Saint Thomas d'Aquin a donné à l'art une borne sure, un champ im-
mense d'action, lorsqu'il dit qu'un objet est d'autant plus beau que sa
forme en manifeste mieux et plus parfaitement la nature, la destination
et les qualités prépondérantes. L'idée en effet préside à toute concep-
tion architecturale : plus cette idée maîtresse domine dans l'ensemble des
lignes et se retrouve dans les détails d'un édifice, plus cet édifice est
beau, plus il parle à notre intelligence, plus il captive notre admiration.
Ainsi, un hôtel de ville, digne de ce nom, redit à l'étranger l'opulence et
le civisme de l'endroit; le palais de justice inspire le respect de la loi ; les
édifices imposants des banques et des bureaux d'affaires parlent de la
richesse et de l'activité du commerce.
Une église, pour être vraiment belle doit, elle aussi, exprimer dans
son ensemble architectonique l'idée d'un temple, c'est-à-dire la demeure
de la majesté divine, du sanctuaire de la prière. Grandeur et immen-
sité de Dieu, amour et condescendance de notre Divin Rédempteur, con-
fiance et prière de l'homme, joies et espérances du ciel mêlées aux
tristesses et aux combats de la terre : tout cela, Messeigneurs et Mes-
sieurs, doit être, pour ainsi dire, figé dans cette masse de pierres et cet
ensemble de formes et de lignes d'où l'esprit de l'architecte a fait surgir
l'idéal du temple. Plus l'artiste fera parler la pierre et emportera notre
âme par l'élévation et l'harmonie des lignes, plus il nous donnera l'im-
pression d'une beauté calme, digne et j'oserais dire, austère jusqu'à un
certain point, plus aussi son architecture sera religieuse. Il faudrait
qu'en entrant dans une église chacun puisse se dire ce que Napoléon 1er
a dit en franchissant le seuil de la cathédrale de Chartres:'" Oh! qu'un
athée doit se sentir mal à l'aise ici."
Pourquoi bâtit-on une église? Pour y prier. Tout doit donc y fa-
voriser le recueillement, le sentiment religieux. L'extérieur lui-même
doit être une invitation à la prière.
— 549 —
Malheureusement, comme nous l'écrivions ailleurs, beaucoup de nos
" belles " églises s'inspirent d'un style que nous appellerions volontiers,
style salon, style théâtre. C'est beau, c'est riche, c'est même somptueux,
mais ce n'est pas une beauté qui sied à la maison de Dieu. Ce sont de
brillantes fantaisies. Pour parler avec le sarcastique Boileau, on peut
à peine y compter des plafonds, les ronds et les ovales, ce ne sont que
festons, ce ne sont qu'astragales. Les grandes lignes sont noyées dans
l'abondance des détails. Les emblèmes multiples à outrance, les orne-
ments sans nombre font perdre de vue l'idée maîtresse de l'architecte.
Voulons-nous, Mcsseigneurs et Messieurs, faire de nos églises les de-
meures dignes de la majesté de Dieu, les sanctuaires de la prière?
Restons fidèles aux traditions et aux lois de la sainte architecture, de
l'art chrétien. Mettons la beauté de l'édifice sacré non dans une super-
fétation d'ornements mais dans les lignes architecturales. Que ces lignes
dominent partout, s'affirment avec force, ampleur et netteté. Respec-
tons jusque dans les détails les plus minimes les lois du style adopté.
Nous pratiquons, hélas ! trop souvent, un éclectisme de mauvais aloi.
Telle église gothique aura un porche roman; telle église romane sera
remplie d'ornements Renaissance. L'ogive seule ne constitue pas le
style gothique, ni le plein cintre, le roman. Ces styles ont leurs parti-
cularités qui font à la fois leur force et leur beauté. L'architecte qui
s'en éloigne sous prétexte d'originalité, s'expose souvent à tomber dans
l'absurde. Que d'ornements, que de consoles, que de pilastres, que de
colonnes et colonnettes dans certaines églises sans aucun rôle architec-
tonique. L'interprétation large mais raisonnée des lois fondamentales
de chaque style, voilà la source de la vraie originalité et de la beauté
architecturale. Xous ne demandons pas que nos églises soient des re-
productions archéologiques, ou que nos architectes nous fassent sim-
plement du simili XlIIème siècle, du simili classique.
Non, ce que nous suggérons, c'est Vunité de style: ce qui n'exclut pas
l'originalité de la composition architecturale. Comme prouve de ce que
nous avançons, y a-t-il, je vous le demande, une plus grande variété dans
l'unité que celle que nous offre la longue et intéressante série des cathé-
drales et chapelles du Moyen- Age? Et puisque nous sommes à parler de
l'arcliitecture religieuse médiévale, pourquoi dans certaines régions ne
lui donnons-nous pas plus de préférence? Le style gotbi(iue n'est-il pas
l'art chrétien dans son expression la plus élevée et la plus parfaite? I^e
seul fait d'être le produit de la pensée chrétienne lui donne ce droit de
primauté. En plus, au point de vue architectonique. il n'y a pas de
style plus logique, plus sincère, plus vrai. La grâce et la beauté y sont
toujours une forme de l'utile. La pensée de l'artiste s'y exprime en
échappant le plus possible aux étreintes de la matière.... Affaire de
sentiment, affaire d'histoire, affaire de raison, répondrons-nous.
Il n'entre donc pas dans notre oadn> de faire l'Iiistorique et l'apologie
de l'art ogival. Seulement nous l'avons voulu mettre en relief pour
combattre les préjugés qui existent en certains milieux contre cette
forme d'architecture éminemment chrétienne.
550
La décoration et l'ameublement sont les compléments nécessaires de
l'architecture. " L'architecte, comme le dit fort bien le Père Sertillange,
O.P., fait l'édifice; la sculpture donne la vie à sa membrure rigide;
la peinture en fait la splendeur ; soit qu'elle éclate dans les verrières, soit
qu'elle décore, soutienne, les pians de l'architecture, soit qu'elle relève
de ses tons une lumière trop uniforme ou trop grise, soit enfin qu'elle
suspende aux murs ou qu'elle étende comme des voiles couvrant la nu-
dité des surfaces la panoplie des toiles isolées ou l'ample vêtement des
fresques." L'architecture, disions-nous au début, est le " roi des Beaux-
Arts." Le respect de cette ro3'auté est la première condition de succès
dans la féconde collaboration du sculpteur, du peintre verrier et de
l'artiste décorateur. Tous les arts dans le temple chrétien doivent se
donner la main, garder leur rang respectif et concourir chacun dans sa
sphère à l'effet d'ensemble. La verrière ne sera donc pas un tableau
peint sur verre, mais bien une mosaïque translucide, en harmonie avec le
cachet architectural de l'église dont elle est à juste titre l'ornement le
plus précieux. Ne permettons pas au peintre décorateur de brosser un
ensemble de décorations quelconques, plus de mise dans un salon ou
galle-de-pas-perdus que dans un temple. ISTe donnons pas de place à ces
autels aux retables immenses remplis de colonnes et de consoles, garnis
de miroirs et de verres coloriés.
Surveillons chaque détail de l'ameublement, tel que bancs, confes-
sionnaux, chaire de vérité afin que tout soit marqué au coin de l'art et
en harmonie avec le style de l'église. Surtout que les ornements, vases
sacrés, chandeliers, crucifix, candélabres, images saintes, portent le ca-
chet, non d'un vil mercantilisme, mais de l'art sacré. Chassons du
temple ces produits de commerce qui réduisent ce que nous avons de
plus saint et de plus beau dans la sainte Religion à de vulgaires bana-
lités.
Si des régions sereines de l'idéal nous descendons sur le terrain de la
pratique, nous nous apercevrons bien vite qu'en architecture comme en
autre chose nous devons consulter les circonstances. ■ — ■ L'état financier,
les nécessités du culte, les rigueurs et les caprices de notre climat, la
topographie de l'endroit: voilà certes autant de facteurs importants avec
lesquels il faut compter en construisant une église. Souvenons-nous ce-
pendant que l'art n'est pas quelque chose de pastiche et qu'il s'allie
parfaitement au nécessaire et à l'utile. L'architecture est l'art pratique
par excellence et sa beauté s'accommode à toutes les nécessités. Toute-
fois ne sacrifions pas à l'utilité de quelques-uns la beauté architecto-
nique d'un temple, comme cela se voit dans ces églises où sous prétexte
que l'autel doit être vu de tous, l'on a supprimé les colonnes, et aux-
quelles on a donné ainsi l'aspect d'une gare ou d'un auditorium. Les
limites restreintes de ce rapport ne nous permettent pas d'insister davan-
tage sur ces circonstances essentiellement variantes.
— 551 —
Vœux :
Considérant que la gloire de la Sainte Eucharistie est intimement liée
à la diffudon des vrais principes de l'art sacré ; considérant que pour
faire des églises belles et pratiques il faut connaître et appliquer ces prin-
cipes, ce Congrès émet les vœux suivants :
1° — Etablir dans les grands séminaires un cours d'archéologie et
d'art sacré, y donner une série de conférences sur l'architecture sacrée
afin de rendre compétents les prêtres qui doivent diriger les travaux de
construction ou de restauration de nos églises.
2° — Fonder dans chaque diocèse un comité permanent d'hommes
compétents pour examiner au point de vue artistique les plans des églises
nouvelles.
3° — Favoriser la production et la diffusion d'œuvres d'art religieux
vraiment artistiques.
Après la lecture de ce rapport, quelqu'un sugjjère d'en com-
pléter les vœux en y ajoutant le suivant qui est certes, de la
plus haute importance :
" Enfin, en vue de faire des églises, non seidement belles mais pra-
tiques, on tiendra compte, dans la construction de nos temples, des
exigences du culte, aussi bien que des besoins des fidèles, de telle sorte
que ceux-ci puissent, dans leur ensemble, voir le prêtre à l'autel, suivre
les cérémonies du chreur, entendre facilement la prédication, et lire
sans difficulté à la lumière du jour ou. la nuit, à la lumière des
lampes."
Après le P. Daly, on eut le bonheur d'entendre le P. Lemiu.'i,
0. M. !.. nous parler des œuvres de Montmartre,
LES ŒUVRES DE MONTMARTRE A PARIS
Monseigneur,
Mesdames, Messieurs,
Il m'est arrivé une toute petite aventure. On m'avait demandé, de
Montréal, un rapport sur les relations entre rpaicharistie et le Sacré-
Cœur; à la lecture du programme je constate que je suis marqué pour
parler sur " Les Œuvres de Montmartre." Je n'ai donc pas de rapport
préparé, mais il est écrit dans mon cœur.
Jo suis très heureux, do parler de ces œuvres devant Mgr le Président.
Monseigneur Odelin, l'un des prêtres les plus éminents de France, est.
en effet, le grand inspirateur et le grand directeur de toutes les œuvres
— 552 —
de Paris, et en particulier de Montmartre. C'est sous sa direction que
j'ai travaillé pendant des années, et même, un pèlerinage à Eeims orga-
nisé sous son patronage, me valut le grand honneur d'être condamné par
le tribunal de cette ville.
Que vous dirai-je, Monseigneur, Mesdames et Messieurs, de Mont-
martre? Vous connaissez son origine. La France agonisait sous le
talon implacable d'un ennemi cruel; Metz, Nancy, Eeims, Orléans, et
beaucoup d'autres villes avaient été prises par notre ennemi ; Paris était
cerné; la terre était couverte de sang. Que de mères avaient arrosé la
France de leurs larmes ! On se souvint des promesses du Sacré-Cœur
faites à Paray-le-Monial. Notre-Seigneur avait demandé qu'on lui
élevât un temple, qu'on lui fît une place sous les drapeaux, et qu'on lui
offrît la Consécration nationale et l'Hommage solennel.
Un grand chrétien, qui sera peut-être un jour sur les autels — c'était
un saint — M. Legentil, pleurait chaque jour aux pieds des autels. Un
jour il fut inspiré; il tomba à genoux devant son confesseur et il fit un
vœu national au Sacré-Cœur de Jésus. Il promit, au nom de la nation,
de construire une église en ex-voto de pénitence et de consécration au
Sacré-Cœur de Jésus.
Quelques jours après se livrait la grande bataille de Loigny. Nos
troupes avaient été massacrées et elles s'en allaient en déroute. Il
fallait en sauver les débris. Le général de Sonis, s'adressant à Charette,
qui était à la tête de ses zouaves, lui cria : " Arborez l'étendard du Sacré-
Cœur." Et Charette, qui portait cet étendard brodé par les religieuses
de la Visitation de Paray-le-Monial, arbore le drapeau.
Qu'advint-il ? La Sainte Vierge vint sauver encore une fois la France.
Au front des troupes allemandes, à Pontmain, le 37 janvier 1871, elle
apparut au milieu des étoiles. Elle avait sur sa tête un voile noir. Elle
portait le deuil de la patrie, et elle souriait. Elle venait nous apporter
la délivrance. Sous ses pieds une grande banderole se déroula, et une
main invisible traça en lettres d'or ces paroles : " Mais, priez, mes en-
fants. Dieu vous exaucera en peu de temps. Mon Fils se laisse toucher."
Le lendemain, 18 janvier — l'histoire de l'état-major allemand en est
témoin — les Prussiens n'avancèrent pas, ils reculèrent. Et on entendit
sur les lèvres d'un capitaine cette parole: " Qu'y a-t-il donc? On dirait
qu'une madone garde ce pays. Nous ne comprenons rien à ce qui se
passe."
La Sainte Vierge avait sauvé la France. . .
Peu de jours après c'était l'armistice, puis c'était le traité de paix;
la France était mutilée, mais elle était sauvée.
Alors, quand on apprit l'acte patriotique de M. Legentil, la France se
leva, elle ratifia le vœu national et elle éleva la basilique comme le pal-
ladium de la patrie. Vous savez que depuis quarante ans la France
chaque année donne son million. Voici déjà quarante millions dépensés
. . . Saluons la France pénitente et consacrée au Cœur Sacré de Notre-
Seigneur .Tésus-Christ.
L'Assemblée Nationale de 1873 ratifia en quelque sorte le vœu; elle
fit une loi favorable, et ce fut au nom de cette loi d'utilité publique que
:.#-
fT
*A^
i.V^^
i .-^
^
hii i)i(.cf~sM.ii. — Ait .II- rAvomic Laval.
'llir l'rocc'ssidii. — Arcli on Laval Avenue.
— 553
l'on put élever ce monument qui maintenant domine Paris avec ses cinq
coupoles, qui semble protéger la ville et la France entière. Le monument
est debout, et tout Français catholique, en le regardant, sent palpiter
son cœur et s'écrie : le Ciel et le Sacré-Cœur nous délivreront de la tv-
rannie des sectaires et des francs-jnaçons, et ils referont la France
chrétienne.
*
Un jour, une jeune fille, — Dieu se sert toujours de vous, mes-
dames, — une jeune fille vint trouver le Cardinal Guibert. Elle était
appuyée par son confesseur, le Père Chambellan, provincial des Pères
Jésuites d'x\ngers; elle venait dire au cardinal: " Eminence. le Sacré-
Cœur m'envoie vous dire qu'il faut établir à Montmartre l'adoration
perpétuelle du Très Saint-Sacrement. Le Sacré-Cœur le veut."
Quelques jours après. Dieu envoya à Montmartre la Mère Saint-Do-
minique, une dominicaine, et cette religieuse se mit à l'œuvre. Elle
parcourut pour ainsi dire Paris, alla s'adresser aux hommes les plus
éminents et supplia que l'on établit la prière perpétuelle, la prière de
jour et de nuit, que l'on créât l'adoration perpétuelle sur les sommets de
Montmartre.
Ce qui a été demandé a été fait. La grande œuvre, la voilà. En
1881 on a commencé à Montmartre l'adoration du Sacré-Cœur dans la
Sainte Eucharistie, et depuis lors l'ostensoir n'a jamais cessé de rayonner
au milieu des flammes de l'autel. Voilà bientôt trente ans qu'à Mont-
martre on prie les bras levés et qu'on implore le salut de la patrie. C'est
encore une espérance que nous gardons au fond du cœur.
L'Œuvre de Montmartre, ce sont six mille dames organisées, qui
montent, les unes après les autres, tous les mois, qui viennent se mettre,
comme la personnification de la Franco, aux pieds de l'autel, et qui
prient ensemble à haute voix et ne cessent de répéter " Sacré-Cœur de
Jésus, sauvez la France."
Mais il fallait veiller la nuit, et comment, disait le cardinal Guil^ort au
commencement, comment aurons-nous des hommes qui monteront toutes
les nuits de l'année et viendront adorer, dans ce quartier si malfamé, si
révolutionnaire ? Comment iront-ils garder le Très Saint-Sacrement ?
Le Sacré-Cœur fait des miracles, et depuis ce moment-là les honmies
sont montés toutes les nuits; toutes les nuits ils sont venus prier. Je
les ai vus, trente, en moyenne, quelquefois deux cents, quelquefois da-
vantage; nous avons eu des nuits admirables de quinze cents et deux
mille hommes. Pendant que là-bas, dans Paris, on blasftlième. on
offense Dieu cruellement, ces calholitjues, sur le sommet de Montmartre,
sont comme un paratonnerre et attirent la miséricorde et les tendresses
du Sacré-Cœur de Jésus sur la France.
Je n'ai pas le temps de vous donner dos détails; soub-ment celui-ci:
parmi ces adorateurs, un jour, nous avons appelé les miséreux de Pari.';,
les sans-foyer, ceux qui n'ont pas une pierre pour reposer leur tête.
Ces miséreux de Paris sont venus à Montmartre; nous les avons tus.
— 554 —
deux fois par semaine, mille, quinze cents, deux mille, nous sommes
allés jusqu'à trois mille, venant se confesser, venant faire pénitence.
Eux aussi, bons Français, viennent prier pour le salut de la patrie, et
adorer la nuit le Sacré-Cœur. . . .
Et l'œuvre s'est répandue en France, les adoratrices sont établies dans
nombre de paroisses, on les compte par centaines de mille ....
Son Eminence le cardinal Eichard a fondé aussi une belle œuvre, dont
nous saluons ici le président, c'est l'Œuvre des Hommes de France au
Sacré-Cœur de Jésus.
Talonné par le temps,, je vous donnerai simplement un détail. On
croit qu'en France il n'y a plus de catholiques ; on s'imagine souvent que
nous sommes tous des indifférents et des athées. Ecoutez ceci : une
nuit nous avons appelé les hommes des chemins de fer pour faire l'ado-
ration au nom de tous ces hommes qui travaillent sur nos voies ferrées.
Ils sont venus 114, et dans cette même nuit ils ont fondé l'œuvre spé-
ciale du " Personnel Catholique des Chemins de Fer." Aujourd'hui,
nous avons en France plus de 45,000 hommes qui sont rangés autour de
la bannière du Sacré-Cœur de Jésus et qui, en réunions mensuelles se
fortifient pour défendre leur foi ; eux aussi, ils mettent leur espérance
dans le Sacré-Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Le jour où l'on voudra arborer le Sacré-Cœur dans toutes les villes,
on verra des merveilles, comme, par exemple, à Nancy. On a commencé
en 1902 avec quinze hommes ; aujourd'hui, à l'appel général des associés
de Nancy, plus de cinq mille hommes se réunissent dans la cathédrale, et
sont fiers de s'appeler les hommes du Sacré-Cœur de Jésus. Ah ! la
bonne besogne qu'ils ont faite ! Ils ont su remporter toutes les victoires.
Je terminerai en souhaitant que ces œuvres se fondent dans toutes les
paroisses, dans toutes les villes de notre chère France, et aussi du Ca-
nada. . . .
Vous le demanderez. Mesdames, vous le demanderez. Messieurs, et le
jour viendra oii, l'œuvre s'étant répandue, cette œuvre saura balayer nos
tyrans, à nous, nos francs-maçons, nos athées, et nous rendra un bon
gouvernement — Notre-Seigneur nous a fait espérer ce salut, — le jour
viendra où un gouvernement catholique montera à Montmartre et ira
faire la consécration du Sacré-Cœur de Jésus.
Dans cette basilique de Montmartre, nous avons eu le bonheur de
consacrer, à l'intention de nos frères du Canada, une chapelle à Saint
Jean-Baptiste; nous continuerons à y porter le souvenir du Canada. En
retour, vous nous aiderez à faire rayonner les œuvres de Montmartre.
Vendredi dernier je me trouvais à Québec, dans l'église de Saint-
Sauveur. Je vis là trois mille ouvriers ; comme tous les premiers ven-
dredis du mois, en sortant de leur travail, leur petite ''chaudière" à la
main, ils étaient venus y faire l'heure d'adoration.
Ce fut un spectacle à arracher des larmes. Mon émotion fut à son
comble quand le Père Lelièvre me dit : " C'est à Montmartre que j'ai eu
l'inspiration de faire cette œuvre."
ooo
ARTICLE IV
SECTIONS SPECIALES
§ I. — Séance des Dames.
C'est à l'Université Laval, qu'a eu lieu cette séance dite
" des Dames " ou mieux de " l'apostolat féminin ". Son Emi-
nence le cardinal Logue, primat d'Irlande, Mgr Montés de
Oka, archevêque de St-Louis de Potosi et Mgr Odelin, vicaire-
général de Paris, se remarquent aux premiei-s rangs.
Non-seulement la vaste enceinte de la salle d'honneur de
l'Université, mais encore les galeries et même l'estrade ré-
servée aux conférenciers et rapporteurs sont absolument
remplies. A 2.30, heures précises, Mgi* Emard, prési<lent,
demande à MgT l'archevêque de St-Louis de Potosi, de vou-
loir bien ouvrir la réunion par la prière. Mgr Emard ajoute
quelques mots de bienvenue et le secrétaire. ^Monsieur l'abbé
Auclair, annonce le Père Hage, des Dominicains, qui traite
de la question suivante :
VIE EUCHARISTIQUE ET VIE MONDAINE
Mesdames,
Le rapport que j'ai l'iionneur de vous présenter, a pour sujet: Vie
eucharistique et vie mondaine.
Dans toute démonstration, dans toute discussion, on sauve du temps
et on gagne en clarté, si l'on a soin de commencer par définir les termes.
Vie eucharistique : Vous savez ce que signifient ces deux mots : c'est
la vie chrétienne soutenue, développée, alimentée par la sainte lùicha-
ristie, soit par la réception du Sacrement, soit . par l'assistance au
sacrifice, soit par la visite à la Présence réelle.
Vie mondaine : Voici deux mots bien complexes et sur la signification
desquels il est pourtant nécessaire de nous bien comprendre, sous peine
de n'aboutir point à des conclusions pratiques.
Vie mondaine : Cette expression se prend d'abord dans son sens péjo-
ratif: Vie mondaine de principes, de mœurs, d'babitudes ; vie mondain»
dont les maximes, les exemples, les actes sont la contradiction des actes,
des exemples, des maximes de l'Evangile; vie niondaine, dont Xotre-
— 556 —
Seigneur a désigné le Prince en la personne de Satan lui-même, (1) et
qui est, en effet, le premier ministre du démon au département de l'ini-
quité, vie mondaine qui se dresse, en un mot, comme l'éternelle ennemie
du Christ et de son Eglise : c'est d'elle que parle saint Paul quand il dit :
N'allez pas vous conformer à ce siècle. (2) C'est à elle qu'il faut appli-
quer la célèbre définition de saint Jean, quand il en réduit les dérègle-
ments à la triple concupiscence, celle des yeux, celle de la chajr, et
l'orgueil de la vie; (3) c'est elle, enfin, que Notre-Seigneur rejette et
anathématisc, quand, la veille de sa passion, il arrête le cours de sa
prière pour faire cette étrange protestation: Je ne prie pas pour le
monde. (4) Or, nous naissons tous et nous vivons forcément au milieu
de cette foule égarée sans doute et aveugle, mais si nombreuse qu'elle
nous enveloppe, si brillante qu'elle nous charme et souvent nous entraîne.
Il y a là pour tous une épreuve redoutable, une tentation trop forte pour
n'être pas dangereuse; il y a là, comme parle l'Evangile, un grand et
perpétuel scandale.
Vie mondaine : Ces deux mots ont une seconde signification, moins
mauvaise que la première, encore que très déplorable, et cette seconde
signification est, de fait, dans l'existence de la femme, la plus connue
et la plus commune, la plus universellement répandue, et par un grand
malheur, la plus adoptée en pratique. Vie mondaine signifie ici : vie
de plaisirs et d'amusements, de relations frivoles et de temps perdu, de
veillées prolongées sans mesure et de théâtres fréquentés sans discer-
nement. Vie où la fascination de la bagatelle obscurcit le bien, où le
devoir austère est relégué au second plan; vie qui sépare la femme de
son mari, chacun ayant donné à son existence une orientation différente ;
vie qui ne permet plus à la mère de s'occuper de l'éducation de ses
enfants, ni à la maîtresse de maison de remplir ses obligations d'ordre
et de surveillance; vie néanmoins, où l'on prétend rester chrétien, où on
observe les pratiques religieuses extérieures, soit par la force de la rou-
tine, soit par un résidu de convictions adhérant au fond de l'âme
indestructiblement ; vie, enfin, où l'on s'efforce de cheminer un pied
dans le monde et un pied dans la religion, sinon même dans la dévotion.
Tertullien écrivait aux païens: ce qui vous plaît, nous le repoussons;
vous avez à dégoût ce qui fait nos délices. Voilà la bonne marque. Où
est-elle à présent ? Quoi ! le matin à l'église, à la sainte table peut-être,
et le soir au théâtre, en pleine immodestie, au bal en plein délire !
Est-ce à dire que ces participations aux fêtes du monde soient mau-
vaises et toujours mauvaises en elles-mêmes? Non. Relisez ce que saint
François de Sales écrit à ce sujet dans son admirable livre de l'Intro-
duction à la vie dévote, et de cette lecture vous pourrez déduire une
troisième signification de la Vie mondaine. Il s'agit ici des devoirs de
(1) Joan. XIV-30.
(2) Rom. XII-2.
(3) T Joa-n. 11-16.
(4) Joan. XVII-9.
— 557 —
la société qu'il faut remplir, des convenances auxquelles il est bon de
satisfaire, des relations qui s'imposent, (hélas! elles s'imposent trop
quelquefois,) des visites qu'il faut faire ou qu'il faut subir, de tout cet
ensemble de rapports, les uns agréables, les autres ennuyeux, par où il
est convenu que l'on se prouve mutuellement estime et sympathie.
jSTous avons ainsi en présence trois sortes de vie mondaine: vie mon-
daine de principes, vie mondaine de plaisirs, vie mondaine de société.
La première est mauvaise, la seconde est dangereuse, la troisième est
bonne, et en regard de chacune d'elles, il nous faut maintenant placer la
vie eucharistique.
Il saute aux yeux que la vie eucharistique ne saurait en aucune ma-
nière se concilier avec la vie mondaine de principes: elle en est mani-
festement le contre-pied, mais, par cela même, elle en est efficacement
le remède. Et puisque tous, nous avons à vivre dans ce monde mauvais,
à nous eu préserver, à nous prémunir contre ce microbe de poison et de
mort, c'est à la vie eucharistique que nous irons demander la force de
la préservation et la grâce de l'immunité. Qui dit vie, dit esprit. Le
monde est donc un esprit mais un esprit qui n'est pas de Dieu, et parce
qu'il n'est pas de Dieu, il est, à proprement parler, une altération, un
désordre, une fausseté. Comment la vie eucharistique purifiera en
chacun de nous cette altération, redressera ce désordre, détruira cette
fausseté ? Par l'esprit eucharistique, qui est justement un esprit de
pureté, un esprit d'union et d'harmonie, un esprit de lumière et de
vérité. J'appelle esprit eucharistique, l'humilité dont Notre-Seigneur
nous donne l'exemple dans sa vie au-dedans du tabernacle; j'appelle^
esprit eucharistique, l'immolation de soi, que la Sainte Victime opère
chaque jour sur nos autels; j'appelle esprit eucharistique l'union intime
du Christ sacramenté avec le Père qui est aux cieux. Or. voici qu'à
cette humilité une bonne visite aii Saint-Sacrement nous invite; à cette
immolation de soi, une pieuse assistance à la messe nous convie ; à cette
union intime avec Dieu, une communion, la communion, la fréquente
communion nous conduit. Et quand enfin par l'humilité nous aurons
vaincu l'orgueil de la vie mondaine, quand par l'immolation de soi nous
aurons détruit la sensualité de la vie mondaine, quand par l'union à
Dieu nous aurons redressé l'éternel désordre de la vie mondaine, celle-ci
n'aura plus de prise sur nous, et nous pourrons dire avec saint Paul, que
nous usons du monde, comme n'en usant pas, car la figure du monde
passe et avec elle, ses promesses fausses et ses fausses joies.
Que dire, en second lieu, de la vie eucharistique par rapport à la vie
mondaine de plaisirs? C'est, si je ne me trompe, le point de vue |)rin-
cipal de cette étude. Le grand mal pratique de la société moderne est,
à n'en pas douter, le plaisir, la recbenhe du plaisir, la fièvre du plaisir,
plaisir sous toutes les formes, du plaisir à tous les degrés de l'éc-helle
sociale depuis la femme du monde, dont Texistence est un tourbillon,
jusqu'à la femme du peuple. (|ui <lépensera au cinématographe les cinq
sous nécessaires à sa famille.
La vie eucharistique est appelée, ici, à rendre deux servies eignalcs:
lo_]?n faisant comprendre qu'il n'est pas possible de concilier la
théorie et la pratique du plaisir avec la théorie et la pratique chré-
tiennes; que c'est là constituer un alliage, qui pour fréquent qu'il soit,
n'en est pas moins condamné par la parole du Sauveur: nul ne peut
servir deux maîtres ; l'on est dans une complète illusion si l'on s'imagine
que l'on pourra goûter le matin les consolations de la sommunion et le
soir les émotions du théâtre: qu'il y a ^nême une sorte de scandale à
prétendre harmoniser deux choses aussi opposées que le sont la frivolité
et le sérieux, la dissipation et le recueillement, la jouissance et le renon-
cement, le dehors qui est toujours léger et le dedans qui doit toujours
être austère; que dès lors une conclusion s'impose: modérer, modérer
encore, modérer toujours jusqu'à l'éteindre, la soif du plaisir, pour se
donner tout uniment à la vie eucharistique, et à Celui qui du fond de
son tabernacle nous crie sans cesse : J'ai soif de vos âmes.
Deuxièmement, et surtout, la vie eucharistique est appelée à ramener
sincèrement vers Dieu et à l'accomplissement de ses devoirs la société
actuelle q.ue perd le plaisir. Ah ! qu'il est donc vrai de dire que la Pro-
vidence divine suscite en leur temps les hommes qui sont nécessaires et
les dévotions qui conviennent. Pie X a été suscité de Dieu pour qu'il
suscitât à son tour le décret sauveur de la communion fréquente. Décret
sauveur ! On l'a ainsi appelé, parce qu'il libère l'âme de toutes sortes
d'entraves dans lesquelles un reste de jansénisme la retenait captive, et
empêchait son plein essor vers le Dieu de l'Eucharistie. Mais oii seraient
l'erreur et l'exagération si l'on donnait au décret sauveur une signifi-
cation plus large, embrassant la société tout entière, laquelle sera guérie
de la fièvre du plaisir par le retour à la communion fréquente? Ceci
tuera cela, et c'est ce qu'a vu notre glorieux et bien-aimé Pontife, quand
jetant un regard sur notre société, grande sans doute par certains côtés,
mais indéniablement emportée par le courant de la jouissance et tout
ensemble ankylosée par la mollesse, il a poussé ce cri : A la communion !
Personnes du monde, qui sentez bien que votre existence est vide, vide
de sérieux, vide de résultats, vide même de ces joies que vous recherchez,
à la communion vous remplirez votre cœur, par la communion vous
restaurerez toutes choses dans le Christ.
Enfin, si nous considérons les rapports de la vie eucharistique et de la
vie mondaine simplement sociale, il faut affirmer hautement que celle-
ci n'est pas, en principe, un obstacle à celle-là, et il faut exhorter inces-
samment les personnes du monde à mettre toute leur bonne volonté et
toute leur pieuse industrie à n'en point faire un obstacle dans la pra-
tique. Que les relations sociales ne soient pas en principe un empêche-
ment à la communion, rien n'est plus évident, puisque non seulement
ces relations ne sont pas un mal, mais constituent un devoir, un devoir
d'état, et les exemples sont nombreux de femmes du monde, dont la foi
prévoyante et ingénieuse sait concilier tous ces devoirs avec la commu-
nion fréquente et quotidienne. Cependant, il faut l'avouer, pratique-
ment ces obligations de société empêchent la vie eucharistique de
g'épanouir, non pas, encore une fois, qu'il y ait faute grave ou occasion
prochaine de péché, mais elles distraient, elles dissipent, elles font perdre
du temps — et il n'en reste plus pour les devoirs de la vie eucharistique.
— 559 —
Qu'on me permette de toucher à un détail: les veillées canadiennes, je
parle des bonnes veillées de famille, ne se prolongent-elles pas jusqu'à
onze heures et minuit? Comment se lever le lendemain pour assister à
une messe matinale et y communier? Il y a donc lieu ici à contenir les
relations de famille et de société dans des bornes assez justes pour que
la communion et les autres devoirs eucharistiques puissent être fidèle-
ment pratiqués.
La femme sincèrement catholique ira même plus loin dans ses rap-
pox'ts avec la famille ou avec la société, elle saura trouver l'occasion de
parler de la communion fréquente, par exemple, en attirant l'attention
sur les régions où elle se pratique, ou encore en profitant d'événements
nombreux, pour parler de la consolation que donne la sainte communion.
Ainsi l'épouse et la mère, la femme du monde au bon sens du mot, et la
chrétienne fervente auront une part abondante à la grande œuvre que
poursuit le Saint-Père par son décret sur la communion fréquente.
Vœux :
1° — Çue l'on persuade les fidèles de cette vérité que la vie eucharis-
tique, la communion surtout, triomphera en leurs âmes, de l'esprit du
inonde.
2° — Que dans les prédications, les directions et tous autres moyens
d'influence, on réagisse par la communion fréquente, contre le mal mo-
derne qui s'appelle la fièvre du plaisir.
3° — Que l'on contienne les relations de famille et de société dans des
bornes assez justes pour que la communion et les autres devoirs de la vie
eucharistique puissent être fréquemment pratiqués.
Madame Béïque, présidente de la Fédération Nationale St-
Jean-Baptiste, l'une des femmes d'œuvres les mieux connues
dans notre ville, parle ensuite de l'apostolat eucharistique
de la femme au foyer.
L'APOSTOLAT EUCHARISTIQUE DE LA FEMME
AU FOYER
Aux hvnines d'adoration et de louanges qui s'élèvent de toutes part*
pendant ces fêtes eucharistiques, on a cru qu'il était convenable que vînt
se joindre un témoignage direct de foi et de reconnaissanee fémmin*'?.
En effet, non seulement Jésus est notre Sauveur, celui (pii a racheté notn-
âme au prix de sa vie, mais il est \v pn.teetcur qui a rappelé au mondr
que nous étions comme l'homme créées à l'image de Dieu. Aucun <i««
— 560 —
grands philosophes de Tantiquité, même ceux qui ont prêché la charité
et la commisération n'avaient songé à traiter la femme en égale. Elle
était l'éternelle mineure quan elle n'était pas tout-à-fait l'esclave. Chez
la plupart des peuples, son abjection et sa misère étaient extrêmes, sur-
tout quand, devenue vieille, elle ne pouvait plus épargner à l'homme
toutes les fatigues, ou se soumettre à tous ses caprices. L'homme s'arro-
geant tous les droits ne lui en reconnaissait aucun. Ici elle était vendue
au gré de la rapacité de sa famille; là elle devait monter sur le bûcher
où se consumait le corps de son mari; presque partout son père, son
mari, ses frères mêmes avaient sur elle droit de vie et de mort; toujours
on exigeait d'elle des vertus incompatibles avec l'état d'asservissement
où on la tenait.
De nos jours encore, dans les pays où la civilisation chrétienne n'a
pas pénétré on voit ce qu'il est possible de faire subir à un être humain
sans déroger aux usages établis, sans encourir le blâme de personne.
Jésus dans sa miséricordieuse bonté a eu pitié de notre faiblesse et
nous a mises à notre place naturelle qui est celle d'aide et de compagne
de l'homme. Si le joug qui pesait sur nous a disparu; si les lois, grâce
à une lente infiltration de l'esprit chrétien s'adoucissent de plus en plus
à notre égard, c'est à lui que nous le devons. Si notre cœur façonné
par la morale chrétienne peut apprécier à leur valeur le bien et la vertu ;
si notre âme éclairée par la foi peut prendre son essor et rendre un libre
hommage à la toute-puissance de Dieu, c'est à lui aussi que nous devons
ces privilèges précieux entre tous.
Quand le Sauveur en proie aux angoisses de sa passion semblait aban-
donné même de son Père, quelques femmes humbles et pauvres l'entou-
rèrent jusqu'au dernier moment. Au jour de la Eésurrection, elles
furent les premières au tombeau, parce que seules elles avaient une foi
entière dans ses promesses.
Les saintes femmes ont commencé à payer notre dette de reconnais-
sance; il nous appartient de les imiter et de payer notre part de cette
dette sacrée car Jésus est toujours avec nous.
Il est avec nous, voilé, mais présent; caché sous les apparences du
pain et du vin, mais prêt avec toute la puissance de son amour pour
nous, à être notre guide, notre appui, notre consolateur. A nous de for-
mer une garde d'honneur autour de cette présence divine ; à nous de nous
faire les apôtres du culte spécial d'adoration et de réparation qui lui
est dû.
Soyons des habitués de sa maison; allons souvent à la table sainte
chercher la lumière, la force, le courage qui nous manquent ; la lumière
qui nous montrera le vrai sens de la vie ; la force qui nous maintiendra
dans le droit chemin; le courage qui nous fera persévérer jusqu'à la fin.
Nous avons près de nous la source de la grâce, le moyen sûr d'arriver
à Dieu ; n'ayons pas plus tard à nous reprocher de l'indifférence ou de
la négligence, et ne laissons pas perdre pour nous ou pour ceux qui nous
entourent, le fruit de l'amour et des souffrances de Jésus.
Dieu a mis entre nous et nos enfants un lien de sympathie à nul autre
pareil. Que cette sympathie nous serve à les guider vers le bien. Ces
jeunes esprits qui nous sont confiés, se tournent sans cesse vers nous;
— 561 —
pouvons-nous mieux répondre à cette confiance qu'en leur inspirant
l'amour de Jésus, c'est-à-dire l'amour de Celui qui est toute bonté, toute
justice, toute perfection ?
Et parce que les conseils sans l'exemple ne servent à rien, ils devront
apprendre à prier en priant avec nous; ils devront apprendre de nous
aussi à mettre le devoir au-dessus de tout, à faire des sacrifices quand
il le faut pour remplir les obligations de la vie chrétienne, à être en
toute occasion sincères et probes.
Quand vient l'épocpie de la première communion, que ce grand acte
reçoive toute la considération qu'il mérite, et ne nous faisons pas illu-
sion. ISTe laissons prendre aux yeux des enfants, n'attribuons nous-
mêmes aux questions de costume, de cadeaux, de cérémonial que l'impor-
tance strictement nécessaire et convenable. Ce qui importe, c'est la
pureté du cœur; c'est la résolution prise une fois pour toutes des con-
fessions sincères; c'est la volonté de servir Dieu; c'est le désir de rece-
voir Jésus avec foi et amour ; c'est le ferme propos de se corriger de
ses fautes et le sérieux regret de les avoir commises.
Ce sont ces dispositions qui attireront sur nos enfants les bénédictions
attachées à une première communion bien faite, et seront une garantie
de leur conduite future.
Une mère ne devrait pas avoir de peine à habituer ses jeunes fille-s
à faire un usage fréquent de la communion. Pour les jeunes gens
l'exemple du père sera d'un secours inappréciable; ce sera une raison
de plus pour que l'apostolat de la femme s'exerce aussi de ce côté en
toute prudence et discrétion. Si nous avons le zèle voulu, qui pourra
mieux que nous trouver le mot qui éclaire ou encourage, l'attention qui
touche le cœur, le moment opportun?
Xotre plus belle mission dans le monde est d'amener à Dieu ou -le
lui garder l'âme de ceux qui nous sont proches. Demandons-lui chaque
jour la faveur insigne d'être un instrument de salut pour nos parents
et nos amis. X'oublions pas que pour rendre la vertu attrayante il faut
la rendre aimable; et que des esprits tant soit peu mal disposés, auront
assez naturellement des doutes sur l'utilité d'une dévotion qui laisse libre
cours aux médisances, aux suppositions malveillantes, au manque de
loyauté, et qui est surtout sévère pour les autres.
Ces réflexions se feront encore davantage en deliors de la famille, et
là aussi nous avons notre part de responsabilité. Faisons donc de notre
mieux pour que l'influence que nous avons dans le cercle de nos rela-
tions, soit de nature à faire respecter et honorer nos dogmes, la morale
divine que Jésus nous a enseignée, et les sacrements qu'il a institués
pour venir en aide :\ notre faibles-se.
Dans un temps où on parle tant d'action sociale, de solidarité, sou-
venons-nous que Xotre-Seigneur Jésus-Christ a accompli la plus grande,
la plus belle action sociale qui se soit jamais faite, et cela parce «|u'il
a eu pitié de toutes les misères et qu'il a eu soif des âmes.
Si nous voulons avoir l'honneur de coopérer à cette œuvre qui pe
continue au cours des siècles, ayons aussi un cœur plein de pitié. Que
les misères physiques nous trouvent toujours secourables, et ayor
pitié des misères morales i»lus lanu-ntabh^? encore. Ayons pitié d.
— 562 —
glement des âmes qui vont à leur perte, parce qu'il n'est pire tristesse
que celle-là, et que nous connaissons le remède qui est la prière et la
fréquentation des sacrements.
Combien d'égarements, combien d'offenses à Dieu pourraient être évi-
tées si toutes les chrétiennes étaient pénétrées du sentiment de leurs
responsabilités? Prenons donc en main la cause de notre Maître qui est
la cause du bonheur et du salut de tous.
Nous avons toute raison d'être fières de notre foi qui a régénéré le
monde, efforçons-nous de la transmettre aux générations futures afin
qu'elle soit dans l'avenir comme dans le passé la force et la sauvegarde
de notre pays.
Monsieur le secrétaire donne ensuite la parole à M. Charles
Lamarche, aumônier du pensionnat de Villa-Maria.
PREMIERE COMMUNION
(Sérieux et Mondanité)
Mesdames,
Il est un jour dans la vie du chrétien dont le souvenir doit demeurer
à. jamais vivace, c'est le jour de la première communion. Bien faite,
l'expérience le prouve, elle est la base vraie de la vie chrétienne, la
meilleure préparation à la fidélité future, et sans trop exagérer, on a pu
dire: c'est ce jour-là que l'enfant signe son éternité.
L'impression que ce jour laisse dans une âme ne doit pas être celle
d'une fête profane et mondaine, ce doit être un souvenir tout embaumé
du passage de Dieu et de ses premiers embrassements. Il faut pour cela
que Jésus-Christ en soit le centre et l'objectif, que sa douce figure y
domine, et que la petite âme toute blanche qui le reçoit place dans son
estime la frêle hostie au-dessus de tous les trésors de ce monde, au-dessus
surtout de tous les hochets de la vanité.
L'Eucharistie, réalité toujours féconde, mais aussi mystère de foi, ne
produira pas tous ses fruits, et, en particulier, l'impression profonde et
salutaire qu'on a le droit d'en attendre, si l'âme de l'enfant est distraite,
dissipée, partagée par mille mesquines préoccupations étrangères.
Pour assurer ces fruits, produire cette impression durable, 1° Que
faut-il faire? 2° Que faut-il éviter?
QUE FAUT-IL FAIRE ?
TRÉPARER l'enfant.
Il faut préparer l'enfant à sa première communion, non seulement les
quelques jours ou les quelques semaines qui la précèdent immédiatement,
mais longtemps à l'avance.
— 563 —
Pour toute chose ici-bas, il faut le temps. La nature ne procède pas
par bonds. Toute croissance est successive et comme graduée.
Ainsi en est-il dans le monde surnaturel. Le travail ordinaire de la
grâce se fait par une série d'invites, d'appels, de secours de la part de
Dieu, et de réponses, d'efforts, de coopération du côté de l'âme. Pour
cela, le temps est nécessaire. C'est dire que l'enfant doit voir venir peu
à peu le grand jour et s'y préparer de loin par une série d'études, de
prières et d'efforts vertueujx conformes à son âge.
A l'école et à l'église, les maîtres, les maîtresses, le ministre de Dieu
doivent l'entourer de soins intelligents, mais il faut qu'ils soient secondés
par les parents, par la mère surtout. Il faut que chacun de concert
s'applique à édifier l'enfant et à lui inspirer l'amour et le respect de
l'auguste Sacrement qu'il va recevoir.
" C'est une grande année, peut-on lui dire, que celle qui va voir la pre-
mière rencontre de votre âme avec Dieu. Le Roi du ciel va vous visiter,
vous, faible enfant. Des grâces abondantes se préparent, ce jour-là, le
ciel ne pourra rien vous refuser. Pensez-y bien. C'est beau et touchant,
en même temps c'est redoutable. Les dons de Dieu sont des faveurs,
mais aussi des responsabilités."
Et que d'autres propos édifiants la foi et l'amour savent suggérer!
Et ces bonnes paroles venant parfois d'une personne en visite ou que
l'enfant rencontre accidentellement vont droit à son cœur. " Il s'agit
donc d'une bien grande action, se dira-t-il, puisque chacun s'y intéresse."
Les esprits les plus éminents n'ont pas dédaigné cet humble apostolat.
Louis Veuillot, écrivant un jour à la toute petite fille d'un de ses amis,
lui disait: " Il y a quelqu'un qui vous demande l'hospitalité dans votre
cœur. Et ce quelqu'un savez-vous qui c"est? C'est Notre-Seigneur
Jésus-Christ lui-même. Il est là, il frappe, il demande à entrer. 0
chère enfant, hâtez-vous de lui ouvrir. Mettez dans votre cœur tout
ce qui peut lui plaire: l'obéissance, la simplicité, la complaisance pour
vos sœurs. Et alors vous serez heureuse, parce que Jésus vous aimera
et restera toujours avec vous."
Voilà comment on parle quand on est chrétien et qu'on aime.
CORRECTION DES DÉFAUTS.
" Mettez dans votre cœur tout ce qui peut plaire ù Jésus," disait
Louis Veuillot. On a bien le droit d'ajouter: arrachez-en tout ce qui
peut lui déplaire.
Chère petite âme de l'enfant, terre féconde et pleine de promesse mais
oii déjà l'ivraie des défauts perce en mille endroits! Il est déjà
orgueilleux, égoïste, gourmand, dissimulé. C'est un petit potentat au
foyer, c'est une petite reine assise sur son trône de nuages ou de den-
telles' qu'on entoure, qu'on choie, qu'on gâte.
Ah ! mères aveugles, à quoi pensez-vous donc, vous qui assistez ré-
signées et béates à cette redoutable éclosion de défauts dans l'àme des
petits êtres que Dieu vous a confiés?... En vérité, il vous demandera
compte du sang de leurs âmes.
— 564 —
" Que son maître, sa maîtresse, son chapelain corrigent mon enfant,
dit-on, moi je n'y pnis rien."
A vous d'abord. Mesdames, la tâche. Personne ne touche de plus
près votre enfant que vous-même. Et c'est surtout à l'époque de la
préparation à la première communion que vous devez livrer cette ba-
taille contre ses défauts.
Les enfants voient généralement venir avec joie leur première com-
munion et ont à cœur de s'y bien préparer. Seulement ils sont légers,
oublieux et se laissent glisser sur la pente d'une nature de bonne heure
inclinée au mal. Au père, à la mère surtout, de les reprendre et de les
avertir : " Tu ne m'as pas dit la vérité, tu t'es fâché, tu as été avec de
mauvaises compagnies. A quoi penses-tu donc? un enfant qui va faire
sa pi-emière communion ! . . . Tu ne demandes donc pas au bon Dieu de
te préparer à cette grande action ? Demain, nous irons à l'église, à Bon-
secours, ou à i^otre-Dame de Lourdes pour prier Dieu de t'aider à te
corriger de tes défauts."
MORTIFICATION.
Ah ! si de plus vous pouviez amener votre enfant à faire quelques
petites mortifications volontaires, puisque le sacrifice demeure pour
tous la loi austère, mais inévitable du progrès !
Touchante pratique et inspirée par l'amour de Jésus-Christ et des
âmes que celle qu'on m'a racontée d'un certain vicaire de paroisse. Dès
l'ouverture des catéchismes, il remettait aux enfants une petite quantité
de grains de blé en priant chacun d'eux de déposer dans un tronc spécial
autant de grains qu'il aurait fait d'actes de renoncement, d'obéissance,
de silence, en un mot, de mortifications proportionnées à son âge. Et
à la fin de la saison, ces blés d'or, glorieux trophées, conquis au prix
des efforts intimes et des sacrifices cachés de ces âmes d'enfants étaient
réduits en farine et devenaient l'hostie blanche et pure que chaque petit
communiant allait recevoir à la Table Sainte.
CONFESSION.
Parmi les actes préparatoires à la première communion, la confession
occupe la place principale. Pauvre enfant inexpérimenté, exposé à
toutes sortes de troubles et d'illusions, qui refuserait de l'aider dans le
noble labeur de la confession?
Assurément le confesseur, les maîtres et les maîtresses auront à cœur
de lui faciliter la tâche. Mais la mère n'a pas le droit de se désinté-
resser de son enfant. Elle l'exhortera à la sincérité, à la confiance et
lui fera remarquer tels manquements à déclarer sur lesquels sa vigilance
maternelle ne l'aura point trompée.
Lorsque dans une paroisse il y a des centaines d'enfants, le prêtre le
plus zélé a besoin du concours des parents, et, j'ajoute, de toutes les
bonnes volontés.
D'ailleurs_, Mesdames, l'amour que vous avez pour ces chers petits êtres
— 565 —
vous pressera de leur assurer la grâce insi.sfne d'une bonne première
communion au prix de tous les soins et de tous les efforts.
Il s'agit donc, pour assurer à vos enfants une première communion
fervente, de les préparer sérieusement à ce grand acte. Qu'ils ne se
trouvent pas transportés à la Table Sainte sans avoir vu venir et déliré
cette faveur céleste ; qu'ils l'aient méritée par des efforts constants en
se corrigeant de leurs défauts et en s'exerçant aux vertus que le Cœur
de Jésus aime à trouver chez ceux qu'il daigne visiter.
Et pour cela, mères chrétiennes, on demande votre concours, on vous
invite à entretenir autour de vos enfants une atmosphère édifiante de
prière et de vie chrétienne, et d'orienter toutes leurs énergies naissantes
vers le grand jour de la visite de leur Dieu. Votre esprit de foi, votre
amour pour eux et les vœux que vous formez pour leur bonheur vous
pressent de vous rendre à notre invitation.
II
Mondanités.
Quel malheur si, après de longs et louables efforts, on en venait à
tout compromettre et à tout gâter lorsqu'est venu le grand jour!
Ce qui arriverait si on remplaçait dans la pensée de Tenfant l'évé-
nement principal par les circonstances accessoires, la visite de Dieu par
les préoccupations de la toilette, de cadeaux, par les gâteries païennes
dont on l'entourerait.
A toutes les époques, l'Eglise a dû se prémunir contre les infiltrations
de l'esprit mondain. Aujourd'hui, il y a un véritable renouveau de pa-
ganisme dans la société, surtout dans les grandes villes, et celles-ci
étendent dans les campagnes leur dangereuse influence.
Cet esprit se glisse jusque dans les grands actes relisfieux — baptêmes,
mariages, cérémonies funèbres. Les préoccupations mondaines les pé-
nètrent comme s'il ne s'agissait point là des éternelles destinées de
l'homme. Et il semble qu'on veuille faire à Dieu, à sa grâce, au sur-
naturel une place toujours plus étroite, cependant que les petites et les
grandes passions humaines s'affichent et s'emparent du terrain.
La première communion elle-même n'échappe pas à ce courant de
formalisme mondain, de vanité mesquine ou de rivalité inavouable. L'an
passé dans une grande capitale, des industriels, qui semblent vraiment
deviner les dégradations du sentiment public, ont imaginé un " Sou-
venir " de première communion. Edité avec luxe, sur beau papier, en
gravure fine, ce " mémento " se compose d'une double page. A la pre-
mière, un encadrement pour recevoir la photographie de l'enfant. liien
du reste, pas un emblème religieux, pas une banderolle qui rappelle la
destination de cette image. Seul le mot " Première Communion " la
réserve à cet effet et atteste la volonté d'en déchristianiser le caractère. A
l'intérieur, le menu du dîner qui suit la messe. C'est tout. Telle est
la mode, et de bons catholiques ont la faiblesse de s'y laisser prendre.
— 566 —
Et je n'ai pas oublié telle mère de famille à qui l'on avait remis sa
jeune enfant encore tout illuminée de la grâce de sa première communion
reçue le matin et qui le soir la conduisait au théâtre en disant : " C'est
un jour de fête et dans mon monde, ces jours-là on va au théâtre!
Dans le beau roman de M. René Bazin, '' La Barrière " il y a une
scène poignante. Félicien Limerel vient de renoncer à son amour,
parce qu'il se sent indigne d'une chrétienne. Il a perdu la foi et se sent
désespéré. Il éclate en reproches contre la mauvaise éducation religieuse
qu'il a reçue des siens.
" Et ta première communion, objecte le père, si magnifique et si solen-
nelle ! " Hélas, c'est cette solennité profane elle-même qui l'a distrait
des grâces du sacrement, et Félicien redouble d'amertume : " Au lieu
d'être l'enfant recueilli, continue-t-il, autour duquel toute la maison se
resserre, j'ai été la petite idole étourdie de visites et de cadeaux, bourrée
de bonbons, flattée par toutes les mains, embrassée par tous les péchés
du monde."
Cette peinture est bien vécue et n'a rien d'exagéré, si l'on tient compte
des différences de condition et de fortune. Quoiqu'il en soit, il est cer-
tain que le mal pénètre partout. Monseigneur l'Archevêque, depuis
plusieurs années a jeté le cri d'alarme. C'est sur son désir formel que
le sujet traité présentement devant vous a été mis à l'étude, et lui-même
ne manque jamais l'occasion d'inviter son peuple à revenir à plus de
simplicité et à plus d'esprit de foi.
ABUS DES TOILETTES.
Une des exagérations à combattre, c'est le souci de la toilette de
l'enfant.
Comme nos pères, avec leur sens traditionnel exquis et si chrétien,
avaient sagement résolu cette question: le petit habit noir tout simple
et la modeste robe blanche ! Aujourd'hui, il faut la riche étoffe, la coupe
impeccable, les broderies à jour, les rubans de satin aux proportions
démesurées. Comme résultat, dans tout cet attirail prétentieux, des
enfants qui rougissent de plaisir, qui regardent les souliers plus modestes
du voisin ou lé voile plus simple de la petite compagne ; et des mères qui
triomphent de rivales jalouses et chagrines.
Pauvres enfants, pauvres mères, comme vous choisissez mal votre jour
pour nourrir votre vanité et écraser vos rivales ! . . . C'est le jour de Dieu,
de l'âme^ de la grâce, de l'humilité, et vous en faites une proie d'or-
gueil !. . .
Et si ces enfants en qui la vanité a été éveillée par l'imprudence des
mères, se sentent surpassés, ils sont malheureux. Cette journée, qui
devait être une journée de bonheur, devient pour eux un jour de tris-
tesse, d'amertume et d'intime révolte.
C'est bien à pareil jour pourtant que toutes les inégalités de situation
devraient disparaître le plus possible: l'enfant moins fortuné devrait
sentir qu'il est devant Dieu comme les autres ; l'enfant plus fortuné qu'il
n'est pas plus que les autres : tous les deux n'auraient ainsi d'autres pré-
occupations que de bien recevoir celui qui vient.
— 567 —
Et les pères de famille ne s'en plaindraient pas, eux qui tremblent
d'avance pour leur budget, eux qui voient venir avec effroi l'époque des
premières communions. Autrefois ce père en était si heureux. Une
triste expérience lui a montré qu'elle est une lourde charge pour le
budget familial, car il y a encore les cadeaux.
CADEAUX.
On se contentait jadis d'une jolie image dont le s\Tnbolisme rappelait
le divin banquet et les serments de fidélité. On y ajoutait un bon et
solide chapelet destiné à un usage quotidien et pratique, un paroissien
simple, mais assez complet où l'enfant trouvait les offices des dimanches
et des fêtes, ou encore un modeste crucifix qu'on pouvait porter et dont
la vue seule était réconfortante. Au lieu de cela, aujourd'hui, nous
voyons trop souvent les parents et les amis, esclaves de la mode, ou
encore pour ne pas humilier le petit communiant, au parloir, au milieu
de compagnons chargés de cadeaux, tomber dans de véritables exagé-
rations.
Autour de l'enfant ébahi s'entassent des objets profanes ou de pré-
tendus objets de piété choisis sans goût ou sans utilité pratique, pièces
d'ofèvrerie, montres, volumes à la mode à fine reliure, toutes choses qui
peuvent bien éveiller le goût du luxe et de la frivolité mais ne portent
pas à la piété ni à l'amour de Dieu.
Pendant qu'on prêche aux enfants les grandeurs de l'Eucharistie,
leur imagination de dix ans voyage et se demande ce qu'on va leur on-
voyer. Et plus tard, lorsqu'ils se rappelleront la date du grand jour,
ils se diront: C'est le jour oiî je reçus ma montre en vermeil ou mon
ombrelle rose.
" Monsieur le Vicaire, dit un jour une dame, la veille de la première
communion, n'entrerez-vous pas voir les cadeaux de Fernande ? " Et
Monsieur le Vicaire entra un instant. Il aperçut un guéridon sur-
chargé de bracelets, de montres, de colliers, de boucles d'oreilles,
d'épingles, de broches; puis à côté des Imitations, des porte-monnaie,
des porte-feuilles: un peu plus loin sur une table, une demi-douzaine
de bénitiers, un assortiment de médailles, de chapelets, de cadres en pe-
luche et en bois sculpté. Au milieu de ce bazar. Fernande évoluait, ivre
de vanité, montrant les cartes de visite: "Il y a quarante-sept cadeaux,
disait-elle. — Vous êtes bien contente, mon enfant, dit le prêtre. — Oh !
oui. j'ai trois cadeaux de plus que ma petite cousine."
Et le prêtre s'en alla triste. Pendant deux ou trois ans, il travaillait
à préparer ces jeunes âmes au grand jour, et voilà ce que IVsprit jnnn-
dain, avec quelques miroitements d'or et de nacre, faisait de ses travaux.
Il arriva ainsi, sans y penser, devant la demeure d'une autre aspiranto.
fille d'un pauvre artisan. Il entra dans la petite pièce basse et sombre
et vit l'enfant nui. grnve. penchée sur la table, rcrivait. S'étant appro-
approebé. il lut ce? liane? tracées en gros caractères sur un cahier de
deux sous: "Aujourd'hui, je suis bien heureuse, parce que demain je
vais recevoir Jésus."
— 568 —
Non, il n'est pas besoin de tant de cadeaux qui distraient l'enfant,
rapetissent son âme, réveillent des instincts de vanité, humilient ceux
qui sont moins favorisés, cliargent le budget de la famille et des amis
et menacent de rendre odieuse l'époque des premières communions.
GATERIES.
Il faut encore épargner à l'enfant les gâteries amollissantes, ne pas le
gaver honteusement de bonbons et ne pas aller au-devant de tous ses
caprices. Oh ! l'entourer de tendresse et de bonté, même de respect,
c'est bien. Qu'il comprenne cependant que ces hommages, à pareil Jour,
ne s'adressent pas tant à sa petite personne qu'à Notre-Seigneur Jésus-
Christ qui est descendu en lui.
Les saints ont ces sentiments d'exquise délicatesse et savent les Ins-
pirer. La grande éducatrice qu'était la Bienheureuse Sophie Barat
répondait à de nouvelles communiantes qui lui demandaient de l'em-
brasser : " Mais, mes chères petites, vous êtes des ciboires, et je n'ai pas
la permission de toucher les vases sacrés." Ce qui ne l'empêchait pas,
la pieuse leçon une fois donnée, de se rendre maternellement à leur désir.
Combien différente est la conduite de ceux qui entourent l'enfant pour
l'orner, le pomponner, en font une idole suffisante et prétentieuse, et
semblent s'acharner à détruire la profonde édification attachée à ce
grand jour.
Vœu :
Quel vœu formuler maintenant sinon que tous les parents chrétiens
surtout les mères de famille^ se coalisent pour rendre à la première com-
munion la belle simplicité qui fait toute sa grandeur, simplicité qui, du
reste, n'exclut pas un certain apparat. Que toutes les bonnes volontés
s'unissent dans ce but. Une personne seule, une famille seule hésitera
à remonter le courant si fort de la mode, mais lorsque plusieurs se don-
nent la main, la tâche devient facile. On ne détruit pas une coutume
en un jour, mais qu'on retranche chaque année quelque chose de ces
exagérations et l'on aura bientôt rendu son caractère à un jour qui doit
être une fête du ciel, un jour de prière et de recueillement.
Oh! que l'habit de l'enfant soit bien propre, le ruban attaché à son
bras bien blanc, que la robe et le voile de la petite communiante imma-
culés, parlent d'innocence et de pureté, mais que toute recherche
mondaine en soit bannie. Les pères s'en féliciteront, le budget familial
en sera allégé, le recueillement y gagnera et assurera les fruits de ce
grand jour.
Si l'on peut disposer de quelque argent, qu'on le réserve pour donner
à l'enfant un livre ou un objet de piété durable et de bon goût, ou pour
lui fournir l'occasion de faire une aumône à un pauvre, à une Œuvre de
charité ou de piété, afin que le souvenir de cette bonne action embaume
tout ce jour et affermisse dans son cœur l'amour de Celui qui est venu
s'y asseoir comme sur un trône et qui désire y régner à jamais.
— 569 —
M. le secrétaire présente alors Madame Faustin.
Déléguée de la Ligue p.itrioiique des Françaises, Mnie
Faustin explique que la Ligue est née du besoin d'opposer à
la coalition antichrétienne la coalition chrétienne. La Ligue
fait de l'association la condition même de son existence :
elle ne compte pas moins de 800 comités et 400,000 adhéren-
tes, chpz lesquelles elle a allumé la flamme d'un magniH(|ue
et très fructueux apostolat.
J'ai parlé de la flamme de l'apostolat allumé dans notre élite: il faut
que je dise maintenant oii s'allume cette flamme.
Or, elle s'allume dans les Congrès, soit généraux (deux par an), soit
régionnaux, soit départementaux, et si je m'en rapporte à le dernière
statistique, leur nombre a été cette année de quinze. Elle s'allume la
flamme apostolique, dans les réunions mensuelles obligatoires pour les
dizainières; réunions qui s'ouvrent par une causerie destinée à faire la
lumière dans les intelligences sur des questions d'actualité; réunion qui
se termine par l'exposé des résultats obtenus, des difficultés rencontrées,
des objections entendues par chacune. Et mettant là, en commun leurs
pensées, leurs espérances, leurs craintes ; se soutenant, s'éclairant, se con-
seillant, apprenant à s'aimer, les dizainières font circuler dans les Co-
mités le sang d'une ardeur toujours renouvelée.
Elle s'allume la flamme apostolique dans les retraites fermées qui,
cette année ont été au nombre de vingt-sept. Qu'en dirai-je? sinon
qu'elles sont les véritables écoles d'apostolat, qu'on s'y hausse l'âme dans
la méditation et la prière, et qu'on y prend, sous l'influence de la grâce
divine, les nobles résolutions de toute une année.
Elle s'allume, la flamme apostolique, auprès du Cœur de Jésus dans
son sacrement d'amour. J'étais impatiente de vous en parler ; oui, dans
un Congrès comme celui-ci, où tous les hommages remontent vers l'Eu-
charistie, j'avais hâte de vous dire que. la force et le dévouement, nos
apôtres les puisent dans la Communion fréquente. Selon l'expression
de l'une d'elles, il faut pour donner Dieu aux autres, le posséder poi-
même.
Mademoiselle Frossard, notre Sécrétai re-Cénéralo. le si.L'nalait déjà à
Cologne lorsqu'elle montrait que c'était par l'Eucharistie que notre é'ite
avait été poussée à l'action. Elle disait que, point de départ pour les
unes, la Communion était pour les autres, point d'arrivée: elle disait que
la Ligue, à travers toutes ses œuvres, ne perdait jamais de vue '••■" ^ "♦
d'augmenter le nombre des fervents de rEuchari-^tie. et elle v
en terminant le vœu suivant :
Que tous les Comités de la Ligue Patriotique des Fran.,'ais.^-. -: '
avec le clergé, s'emploient à rendm plus solennelles les fêtes ou.,,.i,,r.-
— 5:o —
tiques, à accroître le nombre des fervents de l'Eucharistie, des zélatrices
pour les Confréries du Saint-Sacrement et, l'établissement, là où elle
n'existe pas, de la dévotion du premier vendredi du mois.
Reprise au Congrès général de la Ligue à Lourdes, au mois d'octobre
1909, cette pieuse idée a fait son chemin, et le culte de l'Eucharistie
s'augmente dans les Comités sous toutes les formes possibles. C'est
dans le Saint Sacrifice de la Messe, c'est dans les visites au Saint Sacre-
ment, c'est dans les adorations, que se traduit la dévotion des Ligueuses.
Je pourrais vous citer non seulement un grand nombre de villes mais
aussi quantité de paroisses perdues dans les campagnes où, maintenant
I^otre-Seigneur est grandement fêté chaque premier vendredi du mois.
Trois heures le matin, trois heures dans l'après-midi le Saint Sacrement
est exposé et les adorateurs ne manquent pas.
Spectacle bien touchant et qui doit émouvoir le Cœur du Maître, que
celui de ces femmes en costume de travail, venant témoigner de leur
amour et de leur foi.
Productrice de bonnes volontés la Ligue devait être amenée à fonder
des œuvres dans lesquelles s'épanouissent le dévouement de ses membres.
Celle qui la passionne et vers laquelle tendent ses premiers et principaux
efforts, c'est celle de la Presse.
On lit beaucoup en France ! Et les journaux répandus par les adver-
saires de la religion se comptent par millions. Mais nous gagnons du
terrain. Par ses conférences qui éclairent (la Ligue en fait donner plus
de 1500 par année), par l'influence de ses dizainières elle fait connaître
le danger des mauvais journaux; par son organisation de vendeurs, par
ses primes, ses tarifs spéciaux, elle arrive à diminuer le nombre des
feuilles antireligieuses et à augmenter le nombre des feuilles catholiques.
Œuvre passionnante aussi que celle des bibliothèques; la jeunesse veut
des rêves ; il faut lui en donner de beaux et de nobles par des lectures
exaltant la vertu, le devoir, le mérite. Soixante-dix-sept bibliothèques
ont été fondées par la Ligue. La jeunesse veut des rêves, dis-je, la jeu-
nesse a aussi besoin dans le grave conflit des idées, de connaître sa reli-
gion afin de lui être plus fidèle et de mieux pouvoir la défendre. C'est
dans ce but que se multiplient les œuvres de catéchisme destinées à se-
conder l'action si difficile du prêtre. Les dizainières de la Ligue, les
jeunes filles s'y dévouent dans 49 Comités.
La jeunesse a la faveur de la Ligue, c'est elle, en effet, qui sera la
France de demain. Pour la culture de cette jeunesse, la Ligue a fondé
65 patronages, installé des colonies d'études.
Pour la jeunesse, pour les jeunes filles qui seront demain des épouses
et des mères, nous avons à Paris 10 caisses dotales, douze œuvres du
trousseau qui leur permettent d'entrer en ménage, de fonder une famille
à l'abri de la misère, et 35 écoles ménagères qui leur enseignent comment
on rend agréable le foyer où doivent se plaire le mari et les enfants.
^Vous en connaissez assez; c'est moins une nomenclature qu'une idée
générale que j'ai prétendu développer devant vous. J'ai voulu vous dire
l'esprit qui anime la Ligue et le but qu'elle se propose. Pourtant, avant
de terminer, permettez-moi de rendre ici un témoignage public de la re-
— 571 —
connaissance de la Ligue à l'égard du chef de TEglise et de l'Episconat
français pour les encouragements et les bénédictions qu'ils ont répandu,
abondamment sur la Ligue. Certes, nous savons bien que sans eux no e
association n'eut pas vaincu les obstacles de la route.
C est M. 1 abbé Henri Gauthier, de Saint-Sulpice, qui de-
vait parler ensuite de l'œuvre de la protection de la ieune
fille, dont il s'est fait, à Montréal, depuis dix ou douze ans
1 apôtre infatigable. Il a cependant cédé son tour de parole
a Mgr Muller Sinionis. de Strasbourcr, l'un des membres du
comité central de l'Œuvre de protection de la jeune lille.
L'ŒUVRE DE PRESERVATION DE LA JEUNE
FILLE
Combien nécessaire et avantageuse dans nos grandes
villes
Mesdames,
A mon arrivée à Montréal, à la veille du Congrès, M. (jauthier m"a
demandé de faire à sa place le rapport sur la question de VŒuvre de pré-
servation de la jeune fille. J'aurais presque dû récuser cette flatteuse
marque de confiance, car M. Gauthier connaît infiniment mieux que moi
la condition de la jeune fille sur le continent américain. Mais j'ai ren-
contré pour la première fois M. Gauthier dans l'église Notre-Dame, tel
un général exerçant ses troupes à la veille de la bataille. J'ai vu à
quelle besogne surhumaine il devait suffire et je me suis dit que c'était
un devoir de charité de le soulager un peu. Vous excuserez donc le
décousu de ce rapport improvisé.
Il me semble qu'en parlant dans un Congrès de la préservation de la
jeune fille, il y a lieu de s'occuper exclusivement de la préservation
organisée, c'est-à-dire de celle qui concerne la jeune fille dans les villes.
A la campagne, la préservation est l'œuvre de la famille et de la paroisse
locale.
En parlant de la jeune fille dans les villes, nous nous occuperons
d'abord de la jeune fille dans sa ville natale, et ensuite de la jeune fille
venant du dehors en ville.
1. La jeune fille dans sa ville natale. — Traitant ce sujet dans les
limites d'un Congrès Eucharistique, il semble bien que le genre de pro-
tection qui doit nous intéresser ici avant tout, est l'ensemble des œuvres
qui tend à rap[)rocher la jeune fille de la source la plus puissante de
notre vie religieuse, de l'Eucharistie.
— 572 —
Dans cet ordre d'idées, l'œuvre de protection par excellence, semble
être la congrégation. Je n'ai pas à m'étendre sur ce point. La congré-
gation a tellement pénétré la vie chrétienne qu'il me sera permis
d'émettre seulement un vœu : c'est que, dans les différentes régions
— diocèses ou groupements de diocèses — les comités directeurs des
congrégations tiennent parfois des réunions générales pour étudier les
meilleurs moyens d'infuser sans cesse une vie nouvelle aux congréga-
tions.
Mais, Mesdames, si le but de ce rapport doit être de trouver le moyen
de rapprocher la jeune fille de la Sainte Eucharistie, nous ne devons pas
oublier un seul instant, que nos eiïorts ne s'adressent pas à une petite
élite. Nous devons aller à toutes les jeunes filles, chercher à les gagner
toutes à Notre-Seigneur.
Si nous essayons de classifier les jeunes filles des villes, nous rencon-
trons d'abord les deux groupes extrêmes : d'un côté, les congréganistes
franchement pieuses et qui ont déjà trouvé dans leur appartenance à la
congrégation la plus forte protection. A l'autre extrême, nous trouvons
les pauvres filles tombées, tombées non seulement dans le secret de leur
conscience, mais encore extérieurement. Pour celles-ci, ce n'est plus la
protection, mais le relèvement qui entre en cause. Aussi bien, ne les
ai-je citées que comme un des termes extrêmes de notre classification.
Elles ne rentrent pas dans notre thème.
Mais entre la fille tombée et la congréganiste, il y a l'immense foule
des jeunes filles, ballottées de sens et d'autres, livrées à toutes les solli-
citations de la vie réelle, à tous les dangers des passions.
Selon les circonstances, ces jeunes filles s'orienteront ou en haut, vers
le bien, ou en bas, vers le mal. C'est cette foule qui forme l'objet de
notre sollicitude, de notre protection.
Pour cette foule, la congrégation suffit-elle?
Avoir posé la question aujourd'hui et y répondre par la négative, c'est
tout un. Et le motif en est bien simple. L'entrée dans la congrégation
suppose chez les jeunes filles un état d'esprit, une préparation, dont sont
très éloignées précisément celles qui ont le plus besoin de protection.
D'un côté, elles se représentent la congrégation comme une réunion
morose, une réunion de " dévotes " qui leur fait peur d'avance. D'un
autre côté, elles ne sont ni disposées, ni même peut-être capables de
remplir les conditions qu'une congrégation doit imposer à ses membres.
Il faut donc imiter la nature et, disons-le tout de suite, imiter nos
missionnaires, en d'autres termes, aller pas à pas. Nos missionnaires
commencent par gagner la confiance des païens en leur faisant du bien,
et leur donnant quelques connaissances utiles à la vie terrestre. Une
fois la confiance gagnée commence le catéchuménat avec ses longues
attentes, ses marches en avant et ses reculs. Le baptême ne vient que
longtemps après. Comme toutes les autres, cette comparaison cloche,
mais elle vous fait comprendre mon idée.
Ce qu'il nous faut aujourd'hui dans les villes, ce sont des œuvres de
jeunes filles qui les groupent d'abord en fournissant à celles qui n'ont
plus de famille, ou, ce qui est parfois pire encore, dont la famille ne vaut
— 573 —
rien, la possibilité de vivre honnêtement, dans nos " foyers," dans nos
" homes."' Mesdames, ne vous y trompez pas, cette simple possibilité de
vivre honnêtement est déjà un bienfait inappréciable, le fondement de
tout le reste.
Aux jeunes filles dont la famille est honnête, il faut, en respectant le
lien familial, fournir la possibilité de distractions honnêtes, un autre
problème, un autre bienfait d'une immense portée.
Lorsque nos dames, ou, mieux encore, des jeunes filles déjà associées
à nos œuvres, font de la propagande et cherchent à gagner de nouvelles
recrues, un des grands obstacles au recrutement, c'est la crainte d'être
tenues à trop de " dévotion." Aussi bien, s'il est indispensable que tous
nos établissements aient une chapelle ou tout au moins un lieu de prière,
il est tout aussi indispensable de n'exiger à peu près rien des " nou-
velles." II faut qu'elles viennent prier d'elles-mêmes, doucement
attirées, notamment par l'exemple, sans être contraintes, ni même direc-
tement influencées.
Le lien qui groupera d'abord les nouvelles arrivantes, ce sera un avan-
tage matériel: une caisse d'épargne sous une forme quelconque, une
association à caractère professionnel. Evidemment, je ne puis qu'in-
diquer ici l'idée: car les différentes formes de ces organisations sont si
différentes de pays à pays; leurs rapports avec les grandes organisations
professionnelles et syndicales sont si variables, qu'il est impossible
d'entrer dans le détail.
Mais n'oublions-nous pas notre but, Jésus-Christ? Aucunement.
Dans ces organisations où nous commençons par n'exiger à peu près
que l'honnêteté humaine, introduisons certaines pratiques religieuses,
absolument libres — réunions de chapelle assez espacées — communions,
non pas générales mais collectives. Il y viendra un certain nombre de
jeunes filles. Voilà de la graine de congréganistes. Le tout est de la
laisser germer et pousser à son heure.
Ainsi, Mesdames, en procédant pas à pas, vous préserverez des chutes
irrémédiables un très grand nombre de jeunes filles. Vous amènerez à
une vie chrétienne normale la majorité des protégées, et enfin vous ga-
gnerez à une vie particulièrement pieuse, une élite.
Seulement, il faut éviter quelques écueils. Il ne faut pas qu'on s'en-
nuie dans vos œuvres. Ce résultat n'est pas facile à atteindre. Il ne
faut pas non plus, qu'en protégeant la pureté des jeunes filles on en
arrive involontairement à les considérer comme destinées au célibat
Il y a relativement au mariage de nos jeunes protégées et à ses préli-
minaires inévitables, toute une politique, tout un art, fort difficiles,
mais qu'il faut apprendre, sous peine de voir nos efforts échouer et nos
œuvres faire faillite, précisément au tournant le plus important dans
la vie de nos jeunes filles. J'ai ressenti une joie profonde en rencontrani
à l'œuvre du Foyer, ici même, deux jeunes filles qui se préparent a y
célébrer leurs noces dans le courant de ce mois, après y avoir conclu
leurs fiançailles. Un vigoureux bravo !
Enfin, il faut éviter que nos œuvres et nos congrégations de yn/n^.*
filles ne finissent par être des réunions de vieilles filles. Lu d autre.
— 574 —
termes, il faut franchement savoir, à un âge déterminé, faire passer nos
protégées dans les organisations ordinaires destinées aux femmes. Ceci
est un point essentiel, car si la jeune fille accepte bien une patronn&sse
officielle plus âgée qu'elle, il lui répugne d'avoir pour soit-disant com-
pagnes, en réalité pour tutrices, souvent désagréables, d'autres " jeunes
filles " de son milieu social, qui sont restées dans l'œuvre, quoiqu'elles
n'aient plus besoin d'être protégées, qui ont perdu les illusions de la
jeunesse et qui s'arrogent le rôle de patronnesses surnuméraires.
II. La jeune fille venant du dehors. — • Je vous ai parlé beaucoup'
trop longtemps des jeunes filles dans leur ville natale. J'en arrive aux
jeunes filles qui, du dehors, viennent dans la ville.
Hélas, pour celles-ci, il faut l'avouer, nous autres catholiques, nous
nous sommes laissés devancer de 20 ans par nos frères séparés.
Mesdames, la situation de la jeune fille venant du dehors, est encore
dans beaucoup de pays, déplorable. Parents et jeunes filles de la cam-
pagne acceptent des places au loin, sans aucun renseignement sérieux.
Souvent, la jeune fille vient à la ville sans aucune place, sans aucune re-
commandation pour une œuvre quelconque. Et comment lui donne-
rait-on cette recommandation, si on ne connaît pas les œuvres? Aussi
bien, ces nouvelles venues sont-elles une proie facile pour les agents du
vice. Ce sont elles qui fournissent leur triste clientèle aux mauvaises
maisons ; ce sont elles que nous retrouvons brisées et perdues dans les
lits des hôpitaux.
D'autres se perdent en route, n'ayant personne qui vienne à leur ren-
contre aux gares ou aux ports. Mais Dieu merci, la situation a changé,
et si les protestants nous ont donné l'exemple, nous l'avons courageu-
sement suivi.
Depuis 1897, une immense organisation, V Association catholique in-
ternationale des œuvres de protection de la jeune fille étend son action
sur le monde entier. Encouragée par Léon XIII, solennellement
approuvée par Pie X, l'association cherche, de son siège central à Fri-
bourg, Suisse, à protéger partout la jeune fille qui doit quitter son foyer.
Elle cherche à la protéger avant son départ, par des avis partout ré-
pandus, par un réseau mondial de secrétariats où l'on peut se renseigner
sur toutes les places offertes.
Elle cherche à la protéger pendant son voyage en créant partout, dans
les grands centres, des œuvres d'arrivantes qui vont chercher les jeunes
filles aux gares, dans les bateaux.
Pour y arriver, elle se met en relation avec tous les établissements,
toutes les sociétés catholiques qui, dans le monde entier, s'occupent de
la jeune fille ; elle leur demande leur appui, et en dresse une liste qui
paraît sous une double forme. C'est d'abord l'annuaire destiné aux
œuvres et aux correspondantes, contenant toutes les adresses de nos
associées dans le monde entier. C'est ensuite, sous un format plus res-
treint, le guide qui est destiné aux jeunes voyageuses.
L'asRor-iation cherche à créer dans chaque diocèse, un comité diocésain
chargé du travail de détail dans les paroisses. La question de savoir si
les comités diocésains se groupent à leur tour en une organiation régio-
0^0
nale, et si ces organisations régionales ont à leur tête un comité central
pour tout un pays, cette question dis-je, est plus difficile à trancher
d une façon générale. C^est donc à la fois le principe de la centralisation
quant à l'unité de direction et de méthode, et de la décentralisation
quant au fonctionnement. L'association ne diminue en rien la complète
indépendance des œuvres affiliées. Elle leur demande seulement, pour
le but spécial de l'association, leur coUahoration organisée.
L'association cherche enfin à protéger la jeune fille arrivée à sa desti-
nation, non pas eu se substituant aux œuvres existantes, mais, au con-
traire, en amenant la jeune fille à ces œuvres.
Je m'arrête ici, Mesdames, car nous devons avoir mardi prochain une
réunion spéciale concernant l'Association internationale des œuvres de
protection de la Jeune fille. La réunion se tiendra à l'œuvre du Foyer,
185, rue du Champ de Mars, et je me contente de vous v inviter bien
chaudement. — Protéger la jeune fille dans sa ville natale — protéger
la jeune fille venant du dehors — la protéger par amour pour Noti-e-
Seigneur et pour l'amener à Lui — que ce soit notre programme, l'objet
de nos efforts.
Je me permets de vous soumettre le vœu suivant :
Le Congrès Eucharistique émet le voeu que l'Association Catholique
inter ationnle des œuvres de protection de la jeune fille, bénie jmr S. S.
Pie X, soit recommandée à la bienveillance de NN. SS. les Evoques;
que soient faits tous les efforts pour introduire et organiser dans les diffé-
rents diocèses, cette association destinée à assurer la pleine efficacité des
oeuvres locales, sans toucher aucunement à leur indépendance.
Madame Gérin-Lajoie succède à Mgr Muller-Siiuoiiis.
Après avoir rappelé les invitations pressantes que Pie X
adresse à tous les fidèles de s'approcher quotidiennement de
la Sainte-Table, Mme Gérin-L:ijoie signale la catégorie nom-
breuse de celles que le devoir maternel retient au foyer, et
que des obstacles presque insurmontables euipêclieut d'en-
tendre cet ap])el de l'Eglise Sans doute. au.\ premières
heures de la journée, nos églises sont remplies de femmes de
tout âge et de toute condition qui se pres.sent aux j)ieds de
l'autel. Mais, sont-elles toutes là celles ijui ont faim et soif
de Dieu ?
Xon, à ce banquet préparé pour tnu»:, un petit groupe do privilégiés
seulement sont nourrie- et forlifiéfs; les autres succonihi-iu sous leur
fardeau et sont privés de l'aliment qui les soutiendraient. C'est pour
cette classe de délaissées et de pauvres, pauvres des biens spirituels qu'il
faut éveiller aujourd'hui la pitié de l'P^glise. Et d'abord, c'est la mère
— 576 —
de famille. La mère, cette âme du foyer qui, selon sa vertu, élève ou
rabaisse tout ce qui rapproche, vers laquelle se fixent les regards inter-
rogateurs de reniant, et sur qui se modèlent les générations qui gran-
dissent, la mère qui porte le fardeau des plus dures responsabilités et qui
voit ses obligations s accroître quand ses forces physiques l'abandonnent;
la mère de famille qui porte la peine d'Eve et devient faible et souffrante
quand sa vocation exige jusqu'au sacrifice de sa vie !
Pourquoi cette femme, dans l'accomplissement de ses fonctions natu-
relles, ne peut-elle pas, sans trahir son devoir, se fortifier chaque jour de
son Dieui* Oh! vous tous qui connaissez les exigences de la vie de fa-
mille, dites-moi, est-il possible qu'une mère entourée de jeunes enfants
déserte habituellement le foyer à l'heure matinale où la réclament tous
les soins domestiques? Négligera-t-elle la préparation du repas, le dé-
jeuner à servir au mari qui part pour l'ouvrage, aux enfants qui vont à
l'école? Ajoutez à cela l'impitoyable tyrannie des nouveaux-nés qui,
après avoir imposé à la mère de longues heures d'insomnie, l'arrachent
encore au sommeil dès les premières lueurs de l'aube.
Ah ! combien elle est absorbante cette tâche de la mère de famille, et
combien impérieusement elle s'impose à elle. Il semble, à certaines
heures, le matin surtout, que la pauvre femme fléchisse sous le poids du
travail. Si j'en excepte la classe aisée qui s'accorde le luxe d'une domes-
tique, la plupart des femmes sont, pour ainsi dire, rivées au foyer ; elles y
sont attachées par cette chaîne d'enfants qui ne peuvent vivre un instant
sans elle et qui exigent des soins continuels ; aussi, n'est-il pas rare, sur-
tout à la campagne, où l'isolement est très grand, et où il est difficile
d'appeler une voisine, qu'une femme passe plusieurs semaines consécu-
tives sans sortir de la maison, pas même le dimanche.
Et cependant, cette femme qui ne s'appartient pas et qui joue un si
grand rôle dans la formation de la société, comment peut-elle s'affran-
chir des sens ? Où va-t-elle épurer sa pensée ? Comment va-t-elle pénétrer
la volonté divine et la faire régner dans sa maison? A quel feu divin
va-t-elle embraser son cœur de l'amour du bien? Sans doute. Dieu peut
faire à son égard des prodiges d'amour et des miracles mêmes, mais sa
volonté n'en est pas moins que l'on aille à Lui par la voie qu'il a établie ;
et cette voie, c'est Jésus-Christ lui-même. " Je suis la voie, la vérité et
la vie," disait le Sauveur à ses apôtres dans ce moment d'épanchement
qui suivit la Cène. Il faut donc se transformer en Lui, non seulement
par la pensée et dans un élan de l'âme comme le veulent nos frères
séparés, les protestants; mais, il faut s'unir à Lui réellement et substan-
tiellement par la réception et l'assimilation de son corps.
Or, la mère de famille, à cause des conditions de vie qui lui sont faites
par la civilisation actuelle, est à peu près privée de ce bien sacré, acheté
cependant si chèrement pour elle par l'incarnation et la mort du
Sauveur.
Mesdames, je viens de vous dépeindre, malgré mon impuissance à le
reproduire dans toute sa fidélité, l'état de détresse et de misère spirituelle
dans lequel vit la femme mariée; et que dire à présent de cette mul-
titude non moins considérable d'ouvrières, employées de toutes sortes,
Oi
attachées à leur métier plus étroitement peut-être que le serf ne l'était
autrefois à la glèbe ? Comment ces milliers de jeunes filles en qui re-
posent les promesses des générations futures, peuvent-elles à leur tour
se procurer le bien inestimable de la communion quotidienne? L'appel
matinal à l'atelier leur laisse à peine le temps de déjeuner, quelques-unes
partent sans assouvir leur faim. La distance de la maison à l'atelier
est souvent longue à parcourir, et presque toutes arrivent à leur besogne
déjà fatiguées, et nerveusement agitées à Tidée qu'une seule minute do
retard sera impitoyablement enregistrée par le patron; car une fois la
machine de l'usine mise en branle, on ne souffre pas de ralentissement
dans l'ouvrage, et nouveau minotaure à qui l'industrie humaine offre
constamment des victimes, ce bras de fer, cet engin monstrueux force
à le suivre dans son allure ensoufflante, des traînées d'adolescentes qui
se ruinent.
Ah! dites-moi, quand on jette un regard sur l'humanité qui peine,
n'est-on pas tenté d'avoir pour elle la pitié du Sauveur qui disait: " J'ai
compassion de cette foule, car voici trois jours qu'elle persévère à rester
près de moi, et elle n'a rien à manger."
Aujourd'hui comme autrefois, s'étale à nos yeux l'épuisement des
enfants de Dieu; nous sera-t-il donné d'entendre cette parole d'espoir:
"Je ne veux pas les renvoyer à jeun; si je les laissais retourner ainsi
chez eux, ils tomberaient de défaillance en route.'*
Jésus-Christ sachant que nous ne pouvions nous élever vers lui a
accepté toutes les humiliations de notre condition pour s'abaisser jusqu'à
nous, et quand le monde physique faisait obstacle à l'accomplissement
de sa volonté, il usait de sa toute-puissance pour l'asservir à ses fins;
quand pour nourrir tout un peuple, il ne possédait que cinq pains, ces
pains, il les multipliait à l'infini et en rassasiait ses disciples.
Comment et par quels moyens atteindra-t-il encore les foules pour
prendre possession des âmes; voilà le secret de l'avenir. Quoi qu'il en
soit, il faudra qu'il règne sur la race qui lui a été donnée en héritage.
Mais arrêtons-nous ici, car il ne nous appartient pas de suggérer le
remède à ce mal que nous signalons; la pensée éclairée qui saura y
apporter du soulagement ne peut être que cette pensée inspirée (jui pro-
cède de l'Esprit Saint lui-même et qui réside dans l'F.-.dise. l^»ur nous,
simples fidèles, continuons d'adresser à Dieu nos supplications, et disons-
lui de tout cœur: '• Xotre Père, donnez-nous notre pain quotidien."
19
— 578 —
M. l'abbé Dupuis expose ensuite le rôle de la communion
dans la vie de dévouement et d'apostolat de la femme.
LE ROLE DE LA COMMUNION DANS LA VIE DE
DEVOUEMENT ET D'APOSTOLAT DE LA FEMME
(Communion et Œuvres)
Eminence^
Messeigneurs,
Mesdames,
Je ne puis livrer le titre du Kapport qui m'a été confié : " Eôle de la
Communion dans la vie de dévouement et d'apostolat de la femme "
sans jeter un regard en arrière dans l'histoire de notre Jeune pays, pour
y saluer, avec reconnaissance et amour, ces héroïnes qui furent les co-
fondatrices de notre cher Canada, en même temps que les ferventes de
la Divine Eucharistie.
L'on a exalté et l'on n'exaltera jamais assez Monseigneur de Mont-
morency-Laval, premier évêque du Canada, ou plutôt premier évêque
des trois-quarts de l'Amérique du Nord. L'on a glorifié Champlain,
le fondateur de Québec, ce boulevard imprenable de notre nationalité.
L'on a chanté Paul Chomedey de Maisonneuve, Tintrépide fondateur de
Ville-Marie. En 1649, il y a donc 261 ans, une modeste procession
s'acheminait vers les cimes verdoyantes de notre Mont-Eoyal. Or là tout
comme demain, une messe solennelle était célébrée en face d'une croix
que Maisonneuve avait tenu à porter lui-même tout le long du parcours.
Ces trois grands hommes — un grand évêque et deux chrétiens — ont
présidé à nos destinées nationales et religieuses, et leurs noms sont sur
toutes les lèvres. Mais il me semble que nous oublions trop facilement
ces femmes vaillantes qui, en pleine sauvagerie, à trois mille lieues de
la mère-patrie, entourées de peuples barbares, malgré les obstacles et les
oppositions de tout genre, implantaient ici, de concert avec nos Mission-
naires, le règne de Jésus-Hostie. Monseigneur Emard le rappelait
avec éloquence dans une lettre pastorale qui restera : " l'Eucharistie et
.les origines de Montréal."
Oh ! saluez Jeanne Mance, la fondatrice de l'Hôtel-Dieu de Montréal,
préparant, avec ses compagnes, le reposoir champêtre de nos processions
d'il y a deux cent cinquante ans. Saluez, saluez bien bas la Vénérable
Marguerite Bourgooys, inculquant l'amour de l'Eucharistie à ses pre-
mières élèves, organisant l'adoration Diurne dans son couvent naissant
de la Congrégation de Notre-Dame.
Et permettez-moi d'émettre ici un vœu. Le jour où la Bienheureuse
Jeanne d'Arc sera proclamée sainte, oh ! combien nous serions recon-
nai-ssants à Dieu et au Pape si Marguerite Boui'gcoys était proclamée
Bienheureuse. Ce serait la vieille France et la France nouvelle se don-
nant, au ciel, le baiser que la mère donne à son enfant !
Kelise^ les méditations de la Vénérable Marie de l'Incarnation, pre-
mière supérieun; des Lrsulines de Québec, vous verrez que la sainte com-
munion était le tout de cette âme séraphique.
— 579 —
Et que dire de Jeanne Le Ber, notre recluse canadienne":' (Je ne puis
évoquer ce souvenir sans émotion, puisque la mère de ma mère poiiait
ce nom). Deux Anglais, dont un mini^^tre protestant, voyant ses habits
de pauvresse et le dénûnient de sa cellule, sont étonnés. Uù puisez-vous
tant de courage ? demande l'Anglais, et Jeanne Le Ber ouvrant
le petit sfuichet où elle recevait la sainte communion, lui répond: *' C'est
la personne adorable de Xotre-Seigneur réellement présent dans TEu-
charistie qui m'engage à renoncer à toutes choses pour avoir le bonlu-ur
de vivre auprès de Lui."
Voilà, Mesdames, nos gloires les plus pures! Voilà l'histoire de nos
origines. Xos origines et nos gloires sont eucharistiques. Nos mères
ont été à cette sublime école. Tant vaut la mère, tant vaut la famille.
Tant vaut la famille, tant vaut la nation. C'est la femme qui, en déli-
nitive, forme les peuples.
Tout le monde connaît ces belles paroles de Joseph de Maistre : " Les
femmes n'ont fait aucun chef-d'œuvre en aucun genre. Elles n'ont
écrit ni l'Iliade, ni l'Enéide, ni la Jénisalem Délivrée, ni Athalie, ni
Hamlet, ni le Paradis Perdu. Elles n'ont construit aucune église
comme celle de Saint-Pierre, elles n'ont sculpté ni l'Apollon du Belvé-
dère, ni peint le jugement dernier, elles n'ont inventé ni l'Algèbre, ni
le télescope, ni les machines à vapeur. Mais elles ont fait quelque chose
de plus grand que cela : c'est sur leurs genoux que se forme ce qu'il y a
de plus grand au monde, " un honnête homme et une honnête femme."
Et moi j'ajoute qu'il y a quelque chose de plus grand que do former
d'honnêtes hommes et d'honnêtes femmes, c'est de former des chrétiens
et des chrétiennes, et telle a été la mission glorieuse de nos femmes
canadiennes-françaises. Si l'homme est la tête de la société, la femme
en est le cœur. Oh ! alors le cœur de notre nation a été un cœur tout
plein de dévouement et d'apostolat, puisque ce cœur a été en contact
continuel avec le cœur de Jésus-Hostie. Et c'est là la source de notre
véritable grandeur. Ce n'est pas d'hier que la conmuinion fréquente
est en honneur chez nous.
A chaque jour de l'année, pour ainsi dire, nos confessionnaux sont
assiégés, et chaque matin des milliers de fidèles reçoivent la sainte com-
munion. C'est ce qui fait l'étonnement et l'édification des étrangers qui
nous visitent. Xos temples ne sont jamais déserts, et le dimanche, par
exemple, malgré nos 53 églises parois-iales et nos 86 chapelles, bien que-
4, 6, 8 ou lo'messes soient célél^rées en quelques-unes, c'est souvent uit
nroblème que de pouvoir y trouver un siège convenable.
Mais j'oublie que nous sommes en Congrès Eucliaristit|Uo, cl j.- vais
être certainement taxé de chauvinisme par l'impartial et éminent pré-
sident de cette réunion cosmoiiolitc Aux congressistes d'outrc-mer je
redirai notre chant populaire:
Comme le dit un vieil adage.
"Rien n'est plus beau que son pays.
Et de le chanter c'est l'usage.
Le mien je chante h me.«? amis.
— 580 —
Nos femmes canadiennes n'ont pas seulement formé la nation, elles
ont présidé à la fondation de nos œuvres d'éducation, de bienfaisance et
de charité. Dans la dernière moitié du siècle passé, une douzaine de
communautés de femmes ont surgi, comme par miracle, du terroir cana-
dien ; or, lorsqu'on étudie l'histoire de ces familles religieuses qui
ont essaimé non seulement dans tout le Dominion, mais jusqu'aux extré-
mités des Etats-Unis, l'on voit que c'est à l'autel que ces apostolats si
féconds ont pris naissance. Tout le dévouement catholique vient cher-
cher là son exemple, sa force et sa vie. C'est du Tabernacle, comme
d'une source inépuisable, que sortent ces merveilles d'amour héroïque
auxquelles le monde prodigue son admiration et dont il ignore trop
souvent le secret. Le culte eucharistique qui est la réalisation exté-
rieure et perpétuellement présente d'un dévouement infini, qui en
réveille chaque jour le souvenir, qui nourrit de cette mémoire notre
pensée, notre cœur et nos sens même, nous incorpore pour ainsi dire,
l'esprit de sacrifice. Voilà ce qui rend la charité active et persévérante.
Voltaire qui conseillait à Louis XV de dédaigner " nos quelques
arpents de neige " a écrit ces remarquables paroles dans son " Essai sur
les Mœurs : " " Peut-être n'est-il rien de plus grand sur la terre que le
sacrifice que fait un sexe délicat, de la beauté, de la jeunesse et souvent
de la haute naissance, pour soulager dans les hôpitaux ce ramas de toutes
les misères humaines dont la vue est si humiliante pour l'orgueil, et si
révoltante pour notre faiblesse." Eh ! sans doute, M. de Voltaire, et c'est
ce que ne contestent pa,s les incrédules de nos jours, ne vous arrêtez pas
au fait, cherchez-en l'explication. Croyez-vous que ces retraites soient
inaccessibles aux ennuis, aux dégoûts, aux orages du cœur: croyez-vous
que ce cœur humain iqui se fatigue de plaisir, ne se fatigue jamais de
sacrifices .... Or, savez- vous ce qui le soutient dans ses défaillances ou
l'en préserve? Vous l'ignorez, dites-vous. Faites comme ceux qui ont
voulu le savoir. Demandez^e à elles-mêmes. Leur réponse est una-
nime : La communion quotidienne. C'est là l'aliment de leur dévoue-
ment, le remède contre les langueurs de la nature, l'excitation vitale qui
provoque continuellement, en leur cœur, les pulsations de la charité.
Ce département de la charité dans l'Eglise semble dévolu aux reli-
gieuses. Mais les religieuses ne travaillent pas seules. Elles sont sous
la direction du clergé et elles ont comme auxiliatrices d'autres femmes
qui ont un nom dans le langage chrétien. On les appelle Dames de
Charité ou Dames Patronnesses. Groupées dans une association, elles
se partagent les quiartiers d'une paroisse ou les différents genres de
misères.
A l'occasion do ce Congrès Eucharistique, qu'il me soit permis d'in-
viter instamment les Dames, au nom de Notre-Seigneur, à se faire de
plus en plus apôtres. Elles trouveront dans cet apostolat de puissants
ROfours et de bien douces consolations. Il y a des âmes brisées par la
douleur. Elias se noient dans leurs larmes. Elles traînent, sous leurs
vêtements de deuil, une existence désolée et découragée. Qu'elles agis-
sent ! Qu'elles s'enrôlent dans nos œuvres catholiques, et elles souffriront
moins en agissant davantage. Il y a des âmes tièdes. Elles ne vou-
— 581 —
(iraient pas, pour un empire, blesser le cœur de Dieu. Mais les sollici-
tations du pédié les harcèlent sans cesse. Qu'elles se livrent aux bonnes
œuvres ! Et elles échapperont aux assauts de la tentation par les élans
du zèle. Il y a des âmes inoccupées. Quand elles ont accompli leurs
devoirs de piété et leurs devoirs d'état, il leur reste de longs loisirs dont
elles ne savent que l'aire et qu'elles abandonnent à de creuses frivolités.
Elles sont la proie d'un inexorable ennui et elles gaspillent un temps
précieux. Qu'elles écoutent la voix du Père de famille, qui, en toute
charité, leur dit: Et vous aussi allez donc travailler à la vigne du Sei-
gneur. Il y a aussi des âmes scrupuleuses préoccupées au plus haut
point, de la recherche de la Volonté Divine, et craignant toujours de ne
pas la reconnaître. Ces âmes sont à plaindre, car elles sont privées de
toute confiance, de toute paix, de toute joie, et comme noyées dans une
incurable tristesse. Qu'elles se précipitent dans Taction. En s'occu-
pant des autres elle s'oublieront elles-mêmes. Le scrupule vit de l'at-
tention que nous lui donnons. Il meurt quand nous n'avons pas le
temps d'y penser. Il y a aussi des âmes heureuses au point de vue na-
turel et humain. Comblées des dons de la fortune et des joies du foyer,
elles ont besoin de s'imposer des sacrifices volontaires, de prouver à Dieu
leur reconnaissance et de se faire pardonner devant les hommes, la féli-
cité exceptionnelle dont elles jouissent sans l'avoir méritée. Que ces
femmes privilégiées demandent à l'exercice du zèle, la rançon de leur
bonheur surabondant, et elles trouveront l'apaisement et la sécurité de
leur conscience, dans les bonnes œuvres spontanément entreprises et la-
borieusement conduites.
Il est bien entendu que pour bien accomplir sa mission, la Dame de
Charité apportera au pauvre plus et mieux que le secours matériel. Elle
lui donnera non seulement quelque chose de sa bourse, mais encore (|uel-
que chose de son cœur. Dans une page délicieuse, Eené Bazin (que nous
regrettons tant de ne pas entendre au Congrès) écrit :
"Le remède aux maux de ce temps n'est pas à trouver. 11 existe, et
c'est le don de soi-même. Elargissez votre âme. Aimez-les tous quoi
qu'ils fassent. Semez de la joie. Ne leur parlez de devoir que s'ils sont
déjà consolés. Dieu n'injurie jamais: ses reproches tiennent dans un
regard de pitié. Il a pardonné les fautes de l'esprit. Souvenez-vous î
Plus souvent encore il a pardonné les fautes du cœur: ^ladeleine, la Sa-
maritaine, bien d'autres dont il n'est pas fait mention. Oh ! celui-là
savait la faiblesse humaine. Vous tressaillirez de joie pour des bon-
heurs qui ne sont pas les vôtres. N'ayez pas peur du mal. allez. Ah !
l'envers du mal, ceux-là seuls le connaissent qui l'ont pris et retourné de
leurs mains ! Et qu'elle est belle l'occasion qui naît, par lui. de dévoue-
ments, de repentirs, de sacrifices, d'efforts qui rachètent tout."
Seul beau programme pour la Dame de Charité, mais pr<' • qui
suppose l'esprit chrétien, et c'est ainsi que la Dame de ( perii
simple et bienveillante, aimante et fraternelle. Elle ne sera pas l'or-
gueilleuse patricienne promenant sur la misère un reganl altier et
dédaigneux, laissant tomber de ses lèvres la réprimande sévère et le
conseil hautain.
— 583 —
Elle visitera le pauvre non comme un protégé, mais comme un fils
bien aimé, ou plutôt comme un frère tendrement chéri. Et l'esprit chré-
tien, où le prendre, si ce n'est dans l'Eucharistie? Qu'est-ce donc que
l'Eucharistie? Dans l'Eucharistie je vois deux choses: elle est tout à la
fois sacrifice et sacrement. Par le sacrifice, Jésus s'immole. Par le
sacrement, Jésus se donne. S'immoler, se donner, c'est bien court, c'est
bien simple, mais c'est aussi bien sublime. S'immoler et se donner,
voilà les deux lois de la vie chrétienne.
L'Eucharistie est une donation continuelle de Jésus à l'humanité.
Jésus nous donne sa présence, Il est avec nous, Il habite nos temples
qui sont sa maison, et cette maison touche les nôtres. Jésus est ainsi
notre concitoyen, Il voyage avec nous sous cette tente de bois, de pierre
>et de marbre, ce pèlerin de la vie, il nous aide à en supporter les amer-
tumes. Jésus nous donne tout ce qu'il est, Il nous donne les rayons de
son visage, les rayons de ses mains, les rayons de son cœur. C'est un
astre voilé qui nous cherche et qui nous trouve. Chaque matin, le soleil
se lève à l'horizon. Il passe radieux sur nos demeures et il nous salue,
avec amour, de son premier sourire. Eh bien ! tandis que l'astre royal
passe ainsi sur le sommet de nos cités, il y a un autre soleil qui, bien que
voilé à nos regards, se lève chaque matin sur nos têtes, nous sourit, nous
réchauffe et nous vivifie. C'est Jésus le soleil des âmes. Jésus nous
donne sa présense, ses rayons. Il nous donne aussi ses visites. A
chaque heure du jour, si nous le voulons, il nous reçoit à ses pieds, et
jamais nous ne le quittons sans être devenus meilleurs. Lorsque nous
ne pouvons pas venir, c'est lui-même qui vient nous trouver. Il passe
alors sur nos places publiques, circule dans nos rues, monte l'escalier de
notre maison, vient, par sa présence, fortifier notre agonie et consoler
nos tristesses. Et Jésus se donne encore mieux que tout cela. Il a
trouvé le moyen de se livrer à nous dans d'étranges proportions ou plu-
tôt sans mesure. Il devient l'aliment même de notre vie, le pain que nous
mangeons, le vin que nous buvons. La fameuse Cène de l'Evangile oii
il est dit que Jésus se prit lui-même dans ses propres mains et se dis-
tribua à ses apôtres, en leur disant : " Prenez et mangez, ceci est mon
corps, ceci est mon sang," cette fameuse Cène se reproduit, chaque
jour, sur tous les points de la terre. Chaque jour, nous sommes les
témoins émus de ces distributions continuelles que Jésus fait de lui-
même aux âmes, l'humanité tout entière est conviée à ces merveilleux
festins. On les voit se grouper en masses compactes au pied de l'Autel.
Tel est le spectacle magnifique auquel l'humanité assiste depuis dix'
neuf siècles sans pouvoir s'y habituer, tant il est écrasant de sublimité,
de lumière et d'amcmr. Jésus se donne dans l'Eucharistie. C'est la
grande leçon qu'il faut comprendre et dont nous devons profiter. Se
donner, voilà la grande loi du dévouement et de l'apostolat. Oui, sachez
que vous n'avez pas été créées pour vous-mêmes, que vous n'êtes pas le
seul but de votre activité. Dieu vous a faites surtout pour les êtres qui
vous entourent, pour votre famille, pour la société, pour l'Eglise. Il a
même voulu que le bonheur fût refusé à celles qui se renferment dans un
étroit égoïsme et se cherchent uniquement elles-mêmes aux dépens des
— 583 —
autres. Celles-là sont sûres de ne rencontrer sur leur chemin que mal-
aise, tristesse et ennui. Pour être heureux, il faut sortir de soi-même
aller chez les autres, se donner toujours. I^à seulement est la vraie
félicité. Telle est la loi providentielle.
Eh bien! donnez-vous, Mesdames, il n'est pas nécessaire d'être puis-
samment riche pour assister le pauvre. Avec le vieux linge qui se dété-
riore au fond des armoires, avec les vêtements hors d'usage on habillerait
de pied en cape tout c-e qu'il y a d'orphelins dans les deux hémisphères.
Que si avec rien on peut déjà donner beaucoup, que si déjà le devoir de
la charité s'impose à celles qui sont dans la presqu'aisance, à celles qui
sont dans l'aisance, dans l'abondance, dans l'opulence il s'impose bien
davantage encore. Le quart seulement de ce qui est jeté avec profusion
dans les caprices du luxe et de la mode suffirait amplement à bâtir des
hospices, des orphelinats, des écoles, des refuges, à consoler le désespoir
rentré d'un monde de pauvres honteux. Levez-vous donc, ô riches !
courez à vos épargnes et apportez votre superflu à l'indigence des
pauvres. Xe souffrez pas qu'une âmo se rencontre dans votre voisinage,
égarée par l'angoisse, jusqu'à blasphémer la Providence.
Donnez aussi votre intelligence. Donnez votre génie, vous à qui
Dieu en a départi quelque parcelle. Sous votre front il peut y avoir une
idée puissante, et sur vos lèvres un verbe persuasif et éloquent ; dans
votre main il y a peut-être une plume facile, brillante, chaude et hardie
qui pénètre comme un glaive. Eh bien ! avec la pensée de votre tête,
avec le verbe de vos lèvres, avec la plume de votre main, donnez votre in-
telligence, donnez votre génie, vous qui en possédez quoique étincelle,
faites-le rayonner autour de vous sur les questions difficiles, chassez les
ténèbres, résolvez les problèmes inquiétants, tâchez de faire régner par-
tout la paix.
La richesse et les talents transcendants sont le fait du petit nombre.
Vous qui n'avez ni or, ni génie, mais qui avez du cœur, donnez votre
cœur. Le cœur c'est la meilleure part. Eh bien ! qu'il rayonne ce
cœur, qu'il tombe sur l'humanité en paroles de consolation, en sourires
fraternels, en pardons magnanimes. Donnez-le sans doute d'abord â
vos familles, vous qui en êtes les souveraines et les reines. Donnez-vous
tout particulièrement au compagnon de votre jeunesse. Vivez pour lui.
pour sa félicité, pour son bonheur. Donnez-vous à vos enfants, à ces
êtres sortis de votre sang, qui portent votre nom. Pour eux sachez vous
priver de plaisirs, renoncer à des joies saines. Ké<luisez votre budget
afin d'augmenter vos ressources pour le bien. 0 mères qui m'écoutt^z.
ne soyez pas égoïstes, vous qui êtes les reines de la famille, soyez-en, s'il
le faut, les martyrs !
Donnez-vous aux œuvres catholiques — œuvres do charité et dt- bien-
faisance — œuvres des Incurables, des Orphelins, de In ('rèfh(\ des
Aveugles, des Sourds-Muets, des vieillards abandonnés.
Ces œuvres ici ne reçoivent rien ou presque rien de l'Etat, ces œuvres
sollicitent votre générosité. Elles rc-clamont votre or, vos talents, votre
temps, vos bons exemples. Donnez tout cela sans compter.
Donnez-vous surtout aux œuvres du jour. Nous somiii"^ n un tour-
— 584 —
nant de notre histoire. Les patronages ouvriers, la préservation de la
jeune fille, la bonne presse, les bons livres doivent être au tableau
d'honneur.
Au-dessus de la charité matérielle, placez la charité intellectuelle.
Favorisez la grande cause de l'instruction — l'enseignement supérieur et
l'enseignement populaire, l'Université et nos écoles catholiques ont un
droit sacré à vos plus vives sympathies.
Ne portez pas Jésus dans votre cœur comme dans un ciboire, le tenant
caché, captif, impuissant. Portez Jésus dans votre cœur, comme dans
un ostensoir d'où il rayonne sur votre foyer, sur l'Eglise et sur la patrie.
Dans trois jours, le Maître sortira de son Tabernacle, porté par les
mains de l'Auguste Eeprésentant de son Vicaire actuellement au milieu
de nous. Il passera parmi les rangs d'une foule émue accourue de tous
les points du globe. 0 Jésus ! ô Maître, ô Eoi, les femmes n'auront pas
le privilège de prendre part à ce cortège eucharistique, mais elles seront
là nombreuses, agenouillées sur votre passage jetant des fleurs, chantant
des hymnes, vous présentant leurs petits enfants. Oh ! puissiez-vous
nous bénir et nous toucher tous sur votre chemin. Touchez-nous à la
tête et au cœur — à la tête afin que nous arrivions à nous oublier nous-
mêmes — au cœur pour y enflammer les sentiments de dévouement et
d'apostolat à votre égard et à l'égard de toutes les saintes causes.
La Ligue des Femmes Françaises a tenu, elle aussi, à figu-
rer dans cette séance de notre Congrès, par un rapport de
Mme de Kersabiec, lu par Mademoiselle I. Saint-Jean. La
Ligue des Femmes Françaises s'est signalée par un apostolat
social très étendu : catéchismes d'enfants, fondations de
patronages, d'écoles ménagères, etc., et qui s'alimente tous
les mois, et sur tous les points de la France, dans la Messe
et dans la Communion. Le rapport formule, en terminant,
un vœu qui a été accueilli par d'unanimes applaudissements.
Permettez-nous, en terminant, de formuler un vœu, qui nous tient
à cœur. Femmes de France et Femmes du Canada, nous sommes sœurs
par le sang qui coule dans nos veines, par le patrimoine de nos antiques
et glorieuses traditions et par les liens d'amour qui unissent nos deux
pays. Xous vous demandons de participer à notre œuvre. Et puisque
la Messe et la Communion mensuelles forment la part la plus impor-
tante et la plus belle de notre apostolat, nous vous supplions de les
établir cbez vous, en union avec les nôtres. Alors dans la vieille France
comme dans la France d'Outre-mer, nos cœurs se fondront dans une
même prière pour la Mère Patrie !
Vous accéderez à notre demande, nous en avons la ferme confiance. La
Providence elle-même n'a-t-elle pas déjà daigné nous unir, en permet-
tant que nos Ligueuses, empêchées de traverser l'océan, fussent repré-
sentées dans cette réunion par une de nos sœurs du Canada?
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I lie l'roct'saioii. — Arcli toviTod witli .Miiiiitoltii \Vlic«(.
— 585 —
Le Père Loiseau, S. J., vient ensuite.
LE ROLE DE LA COMMUNION DANS LES ŒUVRES
ET LES ASSOCIATIONS DE JEUNES FILLES
ET DE FEMMES CHRETIENNES
Monseigneur, Mesdames,
L'objet de ce rapport était primitivement, et serait encore, d'après
quelques programmes: le rôle de l'assistance à la Sainte Messe avec
celui de la Communion dans les œuvres et les associations de jeunes
filles et de femmes chrétiennes.
Mais le Saint-Sacrilice n'obtient son intégrité parfaite que par la
Communion du prêtre, il ne produit tous ses effets dans Tâme des fidèles
que s'ils y participent eux-mêmes par la Sainte Communion; et c'est
bien pourquoi la Sainte Eglise, au concile de Trente, exprimait son
constant désir que les fidèles fissent la communion à toutes les messes
auxquelles ils ont le bonheur d'assister.
Et puisque, d'ailleurs on assiste généralement à la sainte Messe avant
de communier, nous ne croirons pas diminuer le sujet de ce rapport,
mais uniquement en abréger les développements si nous considérons le
rôle de la seule communion dans les œuvres et les associations de jeunes
filles et de femmes chrétiennes.
Ces associations semblent au premier aspect, aussi diverses dans leur
but que leurs œuvres sont différentes.
Ici, l'on se réunit sous les auspices de la Sainte Vierge ou de Sainte
Anne, pour honorer d'un culte spécial ces saintes patronnes afin d'obtenir
par leur intercession un accroissement de piété véritable. Des exhor-
tations excitent, les encouragements mutuels animent, les exemples en-
traînent à mener une vie plus chrétienne ot plus sainte que l'ordinaire.
C'est une élite 'que l'on veut former, élite qui, n'ayez crainte, ne s'immo-
bilisera pas dans un pieux égoïsme et une sainte inutilité. T^es congré-
gations de la Sainte Vierge, les réunions d'enfants de Marie sont un
Cénacle où s'allument dans les cœurs le feu de l'Esprit, les ardeurs du
zèle, et leur histoire atteste que leurs membres furent dans le passé,
jcomme ils sont encore aujourd'hui non seulement l'élite des chrétiens
de leur condition, mais aussi les pionniers des œuvres; ils marchaient,
on les V trouve encore, à l'avant-garde des entreprises do la Chanté
La charité groupe encore sous sa bannière bien d'autres magnifiques
dévouements.
Ce sont des associations de bienfaisance (|ui voudraient apporter un
remède, au moins un adoucissement, à toutes les maladies, une com^o-
lation à toutes les misères, une protection à toutes les faiblesses.
Ce sont des associations — ce sont même des Fédérations, —qui chor-
chent et veulent trouver et veulent appliquer le remède à ees maux dont
souffre toute notre société moderne, mais qui pèsent plus lourds, c;c
semble, et plus tyranniques sur la femme, à son foyer, dans son travail
et dans la cité.
— 586 —
Voilà sans doute, des œuvres admirables, auxquelles on ne saurait trop
a,pplaudir, auxquelles vont les préférences du grand nombre, ce dont
on ne pourrait que se réjouir si cette préférence n'était pas le plus sou-
vent motivée par un mépris, déclaré ou secret, des pratiques de la piété
pure. On estime surtout, de nos jours, les résultats visibles et palpables,
et l'on n'a peut-être pas assez d'égards pour les causes qui les amènent ;
on veut cueillir les fruits sans souci de l'arbre qui les produit!
Savourons les fruits, soit, mais cultivons l'arbre, et l'arbre qui produit
ces fruits bienfaisants, c'est la charité chrétienne.
Les impies de notre temps prétendent, il est vrai, avoir remplacé la
charité chrétienne par des vertus humaines, filles, assurent-ils, de la
Science et de la raison et qu'ils ont • — - ne disons pas baptisées, — mais
dénommées: philanthropie ou solidarité. Leur bienfaisance est laïque,
disent-ils, parce qu'ils croient en avoir banni toute inspiration chré-
tienne.
C'est une immense erreur. Les ouvriers de cette bienfaisance laïque
ne sont pas chrétiens, c'est entendu, mais leur bienfaisance, elle, est
chrétienne. On oublie trop que notre civilisation est l'œuvre des siècles,
de longs siècles de christianisme. Le tempérament reçu des ancêtres ne
change pas par cela seul qu'on les renie, et notre société, même dans
les pays où elle s'acharne le plus furieusement à renier le Dieu de nos
pères, notre société n'a pas encore perdu le tempérament chrétien. Que
l'émigré adopte vite les idées, les préjugés et les passions de son nouveau
pays, c'est possible ; mais il garde longtemps encore maints usages de la
vieille patrie. Ainsi nos transfuges de la foi ont-ils, quoi qu'ils en disent,
conservé les habitudes de la charité.
Même sous les noms de philanthropie et de solidarité par lesquels on
la déshonore, la bienfaisance ne se rencontre que dans les sociétés où la
religion du Dieu Très Bon l'a introduite et acclimatée. C'est en vain
que vous la chercherez ailleurs, elle n'y est pas même connue. La raison
et la science ignoraient ses œuvres et son nom jusqu'au jour où la foi
les leur a fait connaître, et elles ne peuvent, sans injustice ou aveugle-
ment, se prétendre les mères de celle qui est née de la charité.
Et la charité, c'est Dieu, Deus charitas est. Elle entre avec Lui dans
le cœur; elle y vit de Sa vie, et ses accroissements se mesurent aux ac-
croissements de la vie divine en nous. La charité est amour et les vi-
vants seuls peuvent aimer. La charité est amour divin et ceux-là seuls
peuvent aimer divinement qui vivent divinement.
Que vous viviez divinement, voilà donc. Mesdames, la condition de
votre charité, comme la condition do ses expansions est que la vie divine
déborde en vous. Mais n'en est-ce pas aussi le but et la récompense, et
quel autre résultat attendez-vous enfin de vos efforts et de votre dévoue-
ment qu'un accroissement de mérites, de sanctification, c'est-à-dire de
vie divine en vous ?
Et c'est par là où, en définitive, vous vous ressemblez toutes, quelle
que puisse être, par ailleurs, la diversité de vos œuvres. Soit que vous
l'a développiez en vous par les pratiques de la piété en honneur dans les
congrégations, soit que vous en demandiez l'accroissement aux travaux
de votre charité, c'est la vie divine qui vous anime, c'est elle que vous
voulez faire sans cesse croître en vous.
— 587 —
Or toute vie capable d'accroissement ne grandit que par le secours
d'un aliment.
Aux plantes, Dieu a donné l'air et la terre d'où elles tirent des sucs
nourriciers; aux animaux, les plantes; les uns et les autres sont nourri-
ture pour le corps de l'homme, tandis qu'à son intelligence il faut un
aliment, la science, laborieusement préparé par d'autres intelligences.
Chaque vie ayant son aliment approprié, quel est celui de notre vie di-
vine ?
Il ne peut être que divin, c'est le Corps, c'est le Sang d'un Dieu, de
JSTotre-Seigneur Jésus-Christ, c'est la sainte communion !
Et voilà bien tout le sens de ces paroles mystérieuses : Mon Corps est
vraiment une nourriture, et mon Sang un breuvage." Cet aliment des-
cendu du ciel est la condition de la vie: " Si vous ne mangez la cliair du
Fils de l'homme . . . vous n'aurez pas la vie en vous ; tandis que celui qui
mange ma chair a la vie éternelle." Eternelle, c'est donc à dire: divine
puisque Dieu seul est éternel.
Eh bien, si dans nos réunions de piété, dans nos associations de travail
ou de charité notre premier ou principal souci est de développer en nous
la vie divine, il n'est plus difficile d'apercevoir le rôle essentiel qu'y doit
tenir la sainte Communion. Sans elle, pas de vie divine, pas de charité.
Si nous ne communions que rarement, la vie. mal alimentée, demeurera
languissante et incapable des généreux efforts. Si, au contraire, nous
obéissons à la loi de toute vie, si nous prenons souvent, avec régularité
l'aliment préparé et offert pour chacun de nos jours, notre vie aura la
Surabondance que le Verbe divin, qui est la Vie, est venu lui apporter ;
nous la dépenserons sans compter, assurées de trouver dans ce pain quo-
tidien la réparation de nos fatigues quotidiennes, et la force pour des
efforts qui pourront alors devenir, eux aussi, quotidiens.
La communion est source de vie et de générosité; elle le savait, cette
jeune fille que nous commençons enfin à vénérer et que les siècles à venir
vénéreront, semble-t-il, comme, — après la St<^-Vierge. — une des gloires
les plus hautes, les plus pures et les plus éclatantes de son sexe, la Bien-
heureuse Jeanne d'Arc. Elle communiait toutes les fois qu'elle pouvait
entendre la Sainte Messe, et c'est bien la communion fréquente qui lui
donnait cette exubérance de vie, cette bonne humeur (|ni nous ravis.sent,
ce courage, cette ardeur qui relevait et entraînait les hommes d'nrmes.
eette force, enfin, cette force surhumaine avec laquelle elle offrit son
sacrifice.
C'est la communion et la communion fréquente qui retient tant d'ad-
mirables religieuse.^ enfermées dans ces salles où l'on réunit les plus
hideuses, les plus repoussantes des misères humaines; dans ces salles où
les visiteurs hâtent le pas, pressés qu'ils sont d'en fuir l'infection. l{é-
cemment, l'un d'eux, à colle qui l'avait conduit, demandait où elle pou-
vait trouver la force d'un tel dévouement. Elle lui montra la porte de
la chapelle. — " Comment, c'est cela qui vous donne du courage? " — Et
elle de répondre simplement: " Ce serait impn.ssible sans ct-la !
Impossibles sans cela, vos œuvres le sont donc, mesdames, mais avec
cela elles deviennent non seulement possibles, mais faciles et fructueuses.
L'Evangile nous raconte la parabole de ce festin préparé par le ]H.'Te
<le famille pour des invités qui s'excusent et qu'on n-mplace. prewjue de
— 588 —
force, par tous les miséreux rencontrés le long des chemins. C'est, nous
le savons, l'image de cette Table sainte, si richement servie, à laquelle
Dieu nous a conviés; c'est aussi, hélas, l'histoire de nos négligences et
•de nos folles excuses; mais, pour notre sujet, nous ne retiendrons de la
parabole que cette seule circonstance : c'est à un festin que l'on nous
jconvie.
La communion n'est donc pas le morceau de pain, l'aliment néces-
saire que l'on remet à un affamé, et qu'il s'en ira dévorer solitaire, elle
nous est servie au banquet eucharistique, à la table sainte où nous venons
tous nous asseoir ensemble. Or à la même table, en un même festin
ne se rencontrent que des amis, ou bien, si l'amitié ne préexistait pas,
elle y naît le plus souvent et très facilement.
A sa table, donc, le Père céleste convie tous ses enfants. pour les unir;
Il les rapproche pour leur faire oublier ces distances que le monde a éta-
blies; Il les nourrit tous du même aliment pour que le même sang qui
coulera dans leurs veines mette en leurs cœurs un même amour et qu'ils
soient vraiment frères, enfants de Celui à qui ils disent " Notre Père ".
Dieu veut unir, le monde a séparé; Jésus priait pour nous son Père:
" Qu'ils soient un comme Vous, mon Père et moi nous sommes Un," et
le monde nous a divisés ; la vie chrétienne, la communion avait établi une
entente admirable entre les maîtres et les serviteurs, entre les patrons
et les ouvriers; et la révolution s'est faite qui amena cet antagonisme
dont nous souffrons, — il faudrait dire : dont nous allons périr si vos
associations. Mesdames, et tant d'autres par le monde, n'avaient entre-
pris de guérir ces maux en combattant et détruisant leur cause, l'indi-
vidualisme.
Vous aussi, comme Dieu, vous voulez rapprocher et réunir les cœurs
afin de rendre les uns patients, d'abord, puis modérés envers le prochain.
Tl n'en faut pas moins pour détruire d'une manière durable, les misères
imméritées des travailleurs en détruisant aussi la cupidité effrénée qui
les cause, pour rétablir, c'est votre dessein, l'état social dans lequel tous
pourront, aux prix d'un labeur modéré, se procurer la somme de biens
qui est nécessaire à la pratique de la vertu.
Entreprise noble entre toutes et laborieuse pour laquelle vous ne
.trouverez pas de meilleur aide que la communion qui rapproche et unit
les cœurs ; qui fait naître les sympathies, qui établit la véritable frater-
nité. La communion, faisant entre toutes la commune union, vous per-
mettra de vous comprendre, de vous entendre et de trouver, de commun
accord, le nouvel état de choses auquel tous aspirent sans le connaître
encore. La communion y réussira. Elle a bien détruit l'esclavage : elle
•a fait des sœurs d'une maîtresse cruelle et d'une esclave torturée, d'une
Fabiola et d'une Syra.
Tl ne reste, pour terminer ce rapport, qu'à dire quelques-unes des
causes pour lesquelles on ne fait pas, on ne désire pas faire des commu-
nions fréquentes.
D'abord l'indifférence. On fait peu de cas de la vie surnaturelle, alors
qu'on attacbe tant d'importance à mille riens, à ries plaisirs d'un instant.
Si nous savions ce qu'est la vie divine dont nous vivons; cette incompré-
hensible élévation au-dessus de notre nature humaine jusqu'à la parti-
— 589 —
cipation à la nature même de Dieu, divinae consortes naturae ; cette déifi-
cation qui nous rend capables des opérations divines de connaissance et
d'amour en attendant qu'elle nous amène à la vision, à la possession de
Dieu Lui-même quand nous habiterons la terre des vivants ! Que serait
donc alors tout le reste, pour nous ; et de tous ces plaisirs qui nous char-
ment un instant, ferions-nous plus de cas que nous ne faisons, à présent,
des amusements de notre enfance? Connaissons notre dignité de chré-
tiennes, le prix de la vie surnaturelle et nous communierons tous le&
jours comme Pie X nous presse si instamment de le faire.
Les soins multiples et divers qui remplissent la vie du monde n'y
laissent que peu de place pour la communion. Les fatigues des visites,
le retard des veillées de tout genre, ne permettent pas le lever matinal.
Hélas, parviendra-t-on à changer des habitudes si générales. Il serait
peut-être téméraire de l'espérer. Que faire alors? Que faire ? Choisir.
Notre-Seigneur disait déjà qu'il est impossible de servir deux unûtres.
Dieu et le monde. . ., Mesdames, entre Dieu et le monde, il faut choisir,
voilà tout.
Enfin, le respect de la communion lui-même arrête certaines âmes qui
ne se croient pas assez saintes pour communier fréquenmicnt. D'autres
n'en sentent pas le goût ou bien pensent n'en retirer aucun fruit si elles
n'y trouvent pas la ferveur d'un dévotion sensible. Que toutes ces
pieuses personnes se rappellent donc que la Sainte Communion est une
nourriture, que Xotre-Seigneur ne nous la présente pas autrement : qu'il
nous la donne sous les apparences d'un aliment ordinaire et bienfaisant
((uoique peu savoureux : que l'Eglise la donnait autrefois aux plus petits
enfants et (ju'elle vient de nous rappeler (|ue l'obligation de la recevoir
leur incombe dès l'âge de discrétion. Tous ces souvenirs les convain-
cront qu'il faut user de la communion comme on use d'une nourriture
nécessaire à la conservation de la vie et à la guérison de toutes ses ma-
ladies.
On fera peut-être de ce rapport une critique qui peinerait fort le
rapporteur. Le rapport n'a rien dit de spécial aux associations de
femmes chrétiennes, on le lirait avec le même à propos dans les œuvres
d'hommes.
C'est grave, mais voici qui sera spécial aux femmes.
Depuis que notre mère Eve a pris l'initiative de iiotre malheur, c'est
à des femmes que Dieu s'est plu, ce semble, à donner l'initiative dos
réparations. A la très Sainte Vierge celle de la lîédeniption du genre
humain, à la Bienheureuse Jeanne d'Arc, celle de la délivrance de son
pays. Les hommes, les hommes de guerre eux-niênics étaient pusilla-
nimes, lâches, découragés, c'est une femme, une jeune fille de Ifi ans qui
se lève la première, qui les persuade, les anime et les entraîne.
Mesdames, c'est faire œuvre de réparation que de détruire les pr^
jugés, que de rompre les vieux usages opposés à la communion fréquente.
Les hommes devraient l'entreprendre, mais les hommes le feront-ils
à moins que votre exemple ne les y entraîne?
Mesdames, c'est bien à vous de commencer.
— 590 —
Voe.u
Il est à désirer que les Associations de jeunes filles et de femmes ex-
citent leurs membres à la pratique de la communion fréquente et même
quotidienne, puisqu'elle est le moyen nécessaire de faire croître en elles
la vie surnaturelle et le plus sûr garant du succès de leurs œuvres.
Puisque la communion fréquente et même quotidienne est si instam-
ment recommandée de nos jours comme un excellent moyen de tout res-
taurer dans le Christ, il est à désirer qu'on en facilite à tous la pratique
en célébrant la Sainte Messe à une heure un peu plus commode si les
occupations du saint ministère le permettent.
Avant de demander à Mgr le Président de conclnre, M le
Secrétaire, se rendant aux désirs de plusieurs, donne la parole
à M. l'abbé Thellier de Poncheville.
Monseigneur, Mesdames^
C'est un groupe de femmes canadiennes qui a eu Thonneur d'offrir
l'ostensoir d'or dans lequel dimanche l'hostie brillera triomphalement
à travers les rues de votre cité.
Toutes les mères sont appelées par Dieu à un honneur plus magni-
fique, car toutes elles doivent être les donatrices et les orfèvres d'un os-
tensoir vivant dont il préfère la richesse aux étincellements de l'or et aux
ruissellements des pierreries : les cœurs d'enfants qu'elles ont pour mis-
sion de préparer à recevoir Jésus-Christ en les ornant pour sa venue, en
les ciselant et en les ouvrant à. sa mesure, afin qu'il les emplisse de la
plénitude de sa vie et de sa beauté.
Votre œuvre, votre chef-d'œuvre, Mesdames, le voilà ! Oeuvre presque
sacerdotale, qui fait de vous des agents d'une surnaturelle transfigu-
ration.
Comme le prêtre offre à Dieu la parcelle de pain où sa parole va réa-
liser la présence même de Jésus, vous penchant sur les l>erceaux qui sont
vos autels, prenant dans vos mains l'enfant qui vient de naître, vous le
consacrez vous aussi à son Père des cieux afin (|u'il en agrée l'offrande,
et de votre souffle religieux, de vos sanctifiantes influences maternelles,
vous faites de jour en jour s'épanouir en lui la vie divine qui l'assimile
au Christ.
Plus heureuses que le prêtre sous les yeux duquel ce prodige s'accom-
plit invisiblement, vous avez la joie do voir sous la frêle enveloppe de
chair qui devient transparente, se dégager peu à peu cette beauté de
l'âme vivifiée par la grâce, ineffable spectacle dont s'enivre le regard
des mères.
— 591 —
Dieu se plaît comme vous à contempler cette œuvre. Il ne peut ee
passer de vous pour l'accomplir. Il a besoin de votre consentement pour
multiplier les âmes sur terre et de votre concours pour les élever vers
le ciel. Cette volontaire collaboration de votre maternité, qu'il a solli-
citée de sa propre Mère, vous la lui accordez, ô femmes du Canada, dans
des sentiments semblables d'obéissance confiante et courageuse qui per-
mettent de redire, devant vos foyers riches de berceaux et de vertus, la
paroles de l'Ange à Marie : " Vous êtes bénie entre toutes les femmes ! "
Oui, c'est un hommage qui vous est dû et qu'il faut vous rendre à la
face du monde, eu un temps où la lâcheté fait parfois fuir devant les
souffrances créatrices de vie, en un pays où le vieux sang de France est
resté si fécond. Oui, je vous salue, ô mères canadiennes, fidèles à votre
glorieuse et rude mission, malgré les sophismes corrupteur? d'une litté-
rature sans pudeur et sans foi; je vous salue, sublimes collaboratrices de
Dieu, qui de vos douleurs, de votre sang, et quand il le faut, de votre
vie, donnez sans compter des enfants à vos foyers, des citoyens à votre
patrie, des prêtres à l'Eglise et des saints au royaume du ciel !
Votre mission n'est pas achevée le jour où votre enfant repose dans
son berceau. Car il n'y est pas né encore tout entier. Sa mère, de qui
il a reçu sa vie physique, a charge d'éveiller aussi son âme à cette vie
surnaturelle qui la constituera fille de Dieu. Vous rappeler comment
se réalise cette grande tâche d'éducatrices serait bien long et sans doute
inutile. Je n'en signalerai qu'un seul point spécial à notre congrès, la
formation eucharistique qui doit développer en ces petits frères de Jésus
la connaissance et l'amour de son Saint-Sacrement.
Heureux l'enfant à qui sa mère a révélé le mystère de l'Eucharistie !
L'initiation faite par elle est inoubliable. Dans une certaine mesure
elle est irremplaçable, car ces premières impressions du jeune âge des-
.cendent à des profondeurs où n'atteignent plus les autres et où rien ne
peut pleinement les effacer. A de longues années de distance, en pleine
virilité, jusqu'au soir de sa vie, en dépit des tempêtes qui ont passé sur
son âme, des dénégations et des passions qui l'ont entraîné loin de Dieu,
l'homme retrouve au plus intime de lui-même ces émouvant? souvenirs
de sa foi mêlés à l'immortel souvenir de sa mère, gravés en lui par son
'amour, scellés en lui par ses baisers. C'est elle, la femme au vi.sage tou-
jours souriant, au cœur toujours débordant de tendresse, qui le condui-
sait à l'église, l'approchait du tal^ernacle. l'agonouillait près d'elle en
lui indiquant du doigt la porte mystérieuse derrière laquelle le regardait
le petit Jésus. C'est elle qui croisait ses mains pour la prière devant
l'hostie blanche et inclinait doucement son front sou? l'ostensoir liénis-
sant, lui parlant à voix basse de son immense amour: " Il y a quel(|u'un
qui t'aime infiniment plus que ta mère et qu'il faut aimer encore plus
que moi." Ce n'était pas encore pour l'enfant l'âge de raison, c'étjiit
déjà l'âge d'émotion, et il devinait par le cœur ce (lue son intelligence
trop chétive ne pouvait coiiiprendre. Quelque chose de ces sentinienti»
survivra à la mort apparente de ses croyances: ils denu'ureront toujoun»
en lui, malgré lui. peut-être, comme une semence de résurrection, le
préservant des oublis irréparahle? et de? apostasies sans retour.
Cette école eucharistique, elle est inscrite depuis longtemps. Mes-
dames, à vos foyers. Des raisons nouvelles exigent (lUe son ensi-ignement
— 59-2 ^
se fortifie et que les mères d'aujourd'hui soient des maîtresses plus dili-
gentes encore que celles du passé.
Vos fils, en grandissant, rencontreront des difficultés plus graves que
leurs pères pour garder leurs croyances traditionnelles. Ils se heurte-
ront à l'objection plus répandue, à l'hostilité plus violente, au scepticisme
plus envahissant. Prémunissez-les par la forte éducation de la famille
contre ces périls ambiants. Donnez-leur des convictions chrétiennes
profondes, un attachement au Dieu de l'Eucharistie réfléchi, personnel,
vivant; que par vos leçons la foi soit non pas épinglée à la surface de
leur peau, mais mêlée à toutes leurs pensées, aimée de toutes les fibres
de leur cœur, et comme imprégnée jusque dans la moelle de leurs os.
Ils vous devront, aux jours de tentation, le bienfait des certitudes et des
fidélités que rien ne pourra ébranler.
Si la pensée de ces menaces ne vous émeut pas parce qu'elles sont
encore lointaines, une raison toute proche et indiscutable vous sollicite
dès à présent de donner, dès leur premier âge, cette éducation plus pro-
fondément religieuse à vos fils.
Un récent décret de Pie X sur la communion vous ordonne de les
conduire à l'adorable sacrement d'amour aussitôt qu'ils peuvent distin-
guer son pain d'une nourriture ordinaire. Comme aux jours de sa vie
mortelle, Notre-Seigneur demande à ses disciples qu'ils laissent venir
à lui, qu'ils lui amènent ces petits enfants dont la présence lui était si
chère et l'âme si sacrée.
Ce bienfait nouveau pour eux est un nouveau devoir pour vous. L'ex-
cuse ne vous est plus permise de vous décharger sur leurs maîtres de
classe de la préparation à leur première communion. C'est presque au
sortir de la maison maternelle qu'ils se rendront directement à la sainte
Table. C'est donc à vous de les en rendre capables et dignes en vous
faisant leurs catéchistes, à vous de les préparer de bonne heure à leur
sublime rencontre avec le petit Jésus.
Quelle impatience joyeuse doit faire, à cette pensée, tressaillir le cœur
de toutes les mères ! Il dépend d'elles de hâter cette heure émouvante
et qu'au front de l'enfant qu'elles ont gardé pur pour lui, qu'elles ont
instruit de sa foi et nourri de sa piété, le Christ vienne plus tôt mettre
son baiser !
" Cette fleur qui réjouit mon foyer, oui, je veux qu'elle s'épanouisse
rapidement au seuil du tabernacle. J'en prendrai tant de soin, je la
réchaufferai avec tant d'amour, qu'un rayon du divin soleil eucharistique
pourra bientôt se reposer sur elle pour consacrer et parfaire sa religieuse
beauté ! "
Cette œuvre captivante, comment la réaliser ? Vous vous effrayez
peut-être de ses responsabilités. Les connaissances et les loisirs vous
manquent, objectez-vous. Devant un devoir aussi grave à remplir, il
n'est pas de chrétienne qui n'arrive à se donner la science et à se trouver
]p temps nécessaire!
Ce n'est pas le savoir humain (jiii importe le plus. Sans doute, il
serait excellent que toutes nos familles eussent leur bibliothèque reli-
gieuse à la place d'honneur, et qu'à côté des livres de prières qui y fi-
gurent nécessairement, s'y trouvassent toujours un bon cours de religion,
un catéchisme expliqué, une histoire sainte, une histoire de l'Eglise, une
— 593 —
explication des fêtes liturgiques, un manuel apologétique, où les enfants
s'instruiraient près de leur mère des vérités de leur foi. Suppléez du
moins à ce qui manque chez vous par le journal catholique, la revue
chrétienne, le bon livre, afin d'être plus riches de pensées bienfaisantes
à transmettre à vos fils. Si vous le pouvez, ajoutez à cet enseignement
élémentaire une culture supérieure acquise par le travail personnel, le
cercle d'études, les conversations instructives qui vous donneront plus
de valeur intellectuelle et de puissance apologétique. Ainsi vous serez
dans votre famille quelque chose de plus qu'une tendresse, une lumière,
et sur ceux que vous aimez, grandira votre influence religieuse par cet
ascendant de votre savoir uni à votre bonté.
Dieu n'exige pas ces hautes capacités de ceux qui ne sont pas en me-
sure de les conquérir. La mère de Jeanne d'Arc n'était qu'une paysanne,
et sans doute d'instruction modeste, puisque sa fille n'avait pas appris à
lire en travaillant à ses côtés. " Je ne sais ni A ni B " répondait Jean-
nette à ses juges, mais elle ajoutait, et ce mot suffit à illustrer devant
l'histoire et devant Dieu, la femme dont elle est née : " Je n'ai appris
ma créance que de ma mère." Toute sa conviction religieuse, toute sa
ferveur eucharistique, elle l'avait puisée, avant la venue de ses voix cé-
lestes, au cœur de sa mère !
Les mères ont de ces mots tout simples qui disent tant de choses à
l'âme de leurs enfants ! Ils naissent de leur foi et ils font naître en eux
la foi. Ils viennent de leur cœur et ils descendent en vibrations pro-
fondes dans leurs cœurs.
Parlez ainsi à vos fils. Profitez de vos rares loisirs, des heures de
confidence, des soirées de famille, des jours d'émotion joveuse ou dou-
loureuse qui passent sur vos foyers, des périodes décisives dans leur vie
ou la vôtre. Ne négligez aucune de ces occasions de laisser tomber une
parole qui fortifie leur foi en Jésus, leur respect du tabernacle, leur
amour de la communion. Eéservez-vous quelques minutes cliaque jour,
chaque dimanche au moins, pour être à eux dans l'abandon des causeries
maternelles où les âmes s'étreignent plus que leurs mains enfantines
enlacées autour de votre cou.
Ces paroles vivifiantes, ce ne sont pas les lectures seules (|ui les sug-
géreront. C'est Jésus, c'est le tabernacle. Votre âme, mise en posses-
sion de son Dieu, rayonnera en invisibles effluves, en inspirations reli-
gieuses, plus éloquentes et convaincantes que les plirases d'un discours.
Pour apprendre une langue étrangère, il ne suffit pus d'ouvrir b'S livres
où elle est enseignée, il est nécessaire de vivre au pavs où elle se parle.
De même, pour tenir à vos enfants ce langage chrétien, c'fst trop pfu
de vous instruire de votre catéchisme dans qucbiues bons ouvrages. Il
faut vous établir au pays de Xotre-Seigneur, dans l'intimité du taber-
nacle, dans le sentiment de sa présence en vous: là seulement vous ac-
querrez, en parlant de lui, ce quelque chose d'intraduisil)lc (|ue b'S ma-
nuels de religion les mieux faits n'enseignent pas et qui s'appelb- l'arc-nt
de la foi.
Il y a en vous. Mesdames, une foi encore plus persuasive que .vile .le
la parole, c'est celle de l'exemple. Vos enfants se modèlent sur votre
attitude plus encore que sur vos con.seils. Leurs yeux attontiven.ent
fixés sur vous vous regardent comme l'incarnation vivante du devoir.
— 594 —
Montrez-leur ce qu'est une communiante, et vous leur donnerez le désir
et le sens de la communion. Qu'ils vous voient souvent à l'église, dans le
recueillement de la prière, dans l'assistance sérieuse à la messe, dans la
fréquentation assidue de la sainte Table; qu'ils voient chaque jour, au
foyer même, la fructification des divines semences de vertus que l'Eu-
charistie a déposées en vous. Comment pourraient-ils croire que vous
vous êtes nourries du pain vivant de la charité si votre âme demeurait
morte d'égoïsme ! Ils seront au contraire attirés vers l'hostie par le
spectacle des beautés et des bontés qu'elle fera croître en vos cœurs et
s'épanouir dans vos vies.
Donnez-vous de la piété eucharistique pour leur en donner. Cette
pensée vous aidera dans l'effort à faire pour rapprocher votre âme de
Jésus : l'âme de votre enfant se sanctifie par la vôtre. Vous ave2, aimé
les douleurs que vous a coûtées sa venue en ce monde, car c'est à ce prix
que vous achetiez la joie d'être mère : Aimez les sacrifices que vous de-
mande son ascension vers le tabernacle. Vous avez préparé avec amour
le berceau pour le petit être impatiemment attendu : ornez avec plus
d'allégresse et de délicatesse encore son âme, par les mérites et les
exemples de la vôtre, pour la visite de Jésus qui réjouira votre demeure
en descendant en elle.
Quand cette heure radieuse aura sonné, vos pieuses sollicitudes se pro-
longeront encore sur votre premier communiant. Il vous appartiendra
de l'habituer à prendre le chemin de la sainte Table, en l'y accompagnant,
en l'invitant à revenir souvent s'y agenouiller, plus souvent que ne le
faisaient ses frères aînés, plus souvent que vous ne l'avez fait vous-même
à son âge. Vous avez entendu la parole pressante du Pape, l'appel de
Notre-Seigneur qui veut multiplier le don de lui-même à ses créatures.
Il les aime plus que vous ces âmes qu'il a lui aussi, enfantées dans la
douleur et vivifiées de son sang. Il les veut pour leur faire du bien. Ne
craignez pas qu'il les visite trop fréquemment. Eéjouissez-vous au con-
traire que son amour palpite vivement dans leurs jeunes poitrines. Il
ii'est pas l'ennemi de votre affection. Il n'affaiblira pas en eux les sen-
timents de piété filiale qui ont pour vous tant de douceur. Il n'en chas-
sera que les passions coupables qui sont maudites des mères. Il ne vous
prendra pas leurs cœurs, il vous les gardera tels que votre tendresse
voudrait les voir toujours meilleurs qu'elle ne les peut faire à elle seule.
Car il est comme vous jaloux de leur pureté, avide de leur beauté, et
mieux que vous sa grâce réalisera en eux votre idéal qu'elle surpassera.
Oui, laissez-le agir en toute liberté dans ces cœurs d'enfants afin qu'il
les purifie et les sanctifie, afin qu'il auréole leurs fronts de clarté et vos
foyers de foi. A mesure qu'ils grandissent, permettez-lui de prendre
pleine possession de ces cœurs oii affluent la richesse du sang et le désir
de se donner; il attirera vers lui leurs regards, toiites leurs chastes et
viriles aspirations, il les gardera du mal, il les passionnera pour le bien,
il vous rendra vos jeunes filles pudiques et vaillantes, vos jeunes gens
dignes de vous et dévoués pour leurs frères.
Montréal offrira dimanche soir un spectacle d'incomparable magni-
ficence. L'illumination l'enveloppera de ses feux innombrahles qui
scintilleront à toutes vos fenêtres, le long de toutes vos avenues, et ce
— 595 —
sera du Mont-Eoyal une féerie merveilleuse que cet embrasement d'é-
toiles d or répondant à celui du ciel.
Mais du haut des collines éternelles une vision plus radieuse sera
offerte par les mères chrétiennes aux regards de Dieu: l'embrasement
des âmes, cette lumière de foi et d'amour dont vous aviverez la clarté
au cœur de vos enfants, et dont la lueur rayonnante fera resplendir dans
la nuit, au-dessus de vos foyers, comme une auréole eucharistique.
Il est 5.45 heures. Mgr le Président prend la parole un
instant pour dire merci aux divers rapporteurs. Et la séance
est levée.
Le Révérend Père Marie Joacliim Fouquet, des Frères
Prêcheurs, aumônier du Cénacle à New- York, communique
au tout dernier moment un rapport intéressant sur l'Œuvre
du Cénacle, dont l'abondance des matières inscrites ne per-
met pas la lecture en séance.
§ II. • — Séances Sacerdotales.
Séance du Jeudis 8 Sept.
La première séance sacerdotale <iHi devait être consaci-ée
à VapoHtolat de la Communion, fut la plus brillante de toutes.
La présidence en avait été offerte à Sa (irandcnr ^Nfonsciirnonr
ArchamhiiuJt. Kvêque de Joliette, assisté du 1'. /'. <lnltin\ S.
S. S., remplissant l'office de Secrétaire du bureau. Mais, sur
ces entrefaites, le Cardinal Léj>at avait lui-même accepté de
venir ouvrir cette première séance saceiflotalc Aussi ccttî
assemblée se fit-elle remarquer par un cuthousiasuH' Indes
criptible.
Le Cai'dinal était attendu ]»()ur '2.'M) lii-s. JMus d'uur heure
auparavant, une foule estimée à lO.IMIO i»ersounes au moins
s'est massée dans la rue, aux abords de l'église du T. S. Sacre
ment. A partir de 2 heures, de longues théM)ries «le prêtres et
de religieux de tous les ordres ai-riveut au sanctuaire. Il fait
un temps splendide. A tout instant, des vuit ures <le ;iala auiè
nent les prélats qui vont successiviMiient pn-n<lre place au
chœur, autoui- du fauteuil <lu pr('*sident tandis (ju<* le » ler^r,: se
masse dans la nef et dans les jialeries. Les cloches annoncent
bientôt Tai-rivée du Lé^at ; «"«st alors de la part de la foule
une loiiiiue et chaleureuse ovation. La voilure cardin-ilite
avance lentement et les acclamât ions ledoubU'nt. Au nionien»
où Son Eminence met pied à terre, les z«>uaves qui font la
— 596 —
haie présenteut les armes, les enfants de chœur jettent des
rieurs. Le Cardinal s'arrête quelques instants, ému jusqu'aux
larmes à la vue de cette manifestation populaire si sympa-
thique et isi spontanée. Puis, après avoir béni la foule, il pé-
nètre dans le sanctuaire, précédé des religieux de la Commu-
nauté du T. Saint-Sacrement.
A son entrée, le spectacle est plus impressionnant encore.
Plus de 2,000 prêtres sont là, une trentaine d'évêques et de
nombreux prélats. C'est alors un vrai délire qui s'empare de
cette troupe d'élite de l'armée du Christ et, pendant plusieurs
minutes, ils acclament, debout, leur général, le Représentant
du Souverain des rois.
*
* *
Lorsque les applaudissements se sont calmés, Mgr Archam-
bault, évêque de Joliette, et président d'office de la séance,
adresse en ces termes la bienvenue à Son Eminence :
DISCOURS DE MGR ARCHAMBAULT
Eminentissime Seigneur,
La présence de Votre Eminence à cette première séance de la section
sacerdotale n'est pas seulement un honneur insigne, c'est encore une ré-
compense et un puissant encouragement. Nous éprouvons une joie
intense de voir au milieu de nous, pour bénir nos travaux, et exciter
notre zèle par sa parole pleine de lumière et de chaleur communicative,
l'illustre Légat " a latere " que tant de Congrès Eucharistiques ont déjà
acclamé.
En votre auguste personne, Eminence, nous saluons le Prince de
l'Eglise qui, depuis plus de trente-neuf ans, met au service de la société
chrétienne sa piété, sa science et son tact, nous saluons l'envoyé extra-
ordinaire du grand, du bon, du saint Pontife que l'bistoire nommera
"le Pape de l'Eucharistie"; nous saluons entin le représentant officiel
du chef suprême à qui l'Homme-Dieu a donné le pouvoir de régir, avec
une égale autorité, les fidèles, les prêtres et les Evêques. Nous sentons
que le Christ Jésus est présentement avec nous, et nous touchons du
doigt l'admirable unité du sacerdoce catholique, source de sa force et de
sa fécondité.
Aussi, est-ce pour nous un besoin irrésistible de vous affirmer, Emi-
nentissime Seigneur, notre inaltérable attachement au Siège apostolique,
notre soumission entière et affectueuse à ses ordres, à ses directions, à ses
— 597 —
simples désirs. Xotre foi et notre enseignement doctrinal n'ont pas été
entamés par les erreurs qu'exposait naguère avec tant de clarté et ré-
futait avec une logique si vigoureuse, l'incomparable encyclique "' Pas-
cendi Dominici gregis." Ces erreurs, Eminence, nous les réprouvons,
et, nous avons la ferme conviction qu'aucun prêtre présent au Congrès
Eucharistique de Montréal n'en subira jamais la funeste influence, n'en
répandra les principes subversifs de nos dogmes les plus sacrés et les plus
chers.
Que Dieu conserve longtemps Votre Eminence à la vénération du
monde catholique, qu'il renouvelle des forces mises sans réserve aux
services du règne social de Jésus-Christ, iqu'il daigne répandre dans votre
âme la plénitude de sa paix et que jamais nos ennemis ne triomphent de
vos nobles efforts et de votre indomptable énergie à promouvoir les
intérêts de notre Mère la Sainte Eglise, '' Do minus conservet Eum,
vivificet Eum, heatum faciat Eum in terra et non tradat Eum in animam
inimicorum Ejus."
A cette adresse, soulignée à plusieurs reprises par les vifs
applaudissements de toute l'assemblée, le Cardinal, très ému,
répondit par un discours magistral, où il exposa avec force et
clarté la doctrine intégrale de l'Eglise sur le sujet de la Com-
munion fréquente et sur les devoirs du prêtre, comme consé-
crateur et dispensateur de cet auguste Mystère. En voici le
texte :
DISCOURS DE S. E. LE CARDINAL VANNUTELLI (1)
Messeigxeurs, Messieurs,
Cet accueil si cordial que je reçois de la section sacerdotale, ces paroles
si bienveillantes et si pleines de foi m'émeuvent profondément. L'émo-
tion qui me domine en ce moment m'empêche de vous exprimer comme
je le voudrais les sentiments de reconnaissance qui s'accumulent en mon
cœur à l'occasion de cette réception, à l'occasion de ce grand Congrès.
Je suis heureux de voir dans ce Congrès tant de prêtres, tant d'ecclé-
siastiques. Il y en a peut-être plus à ce Congrès de Montréal que dans
tous les autres congrès. Ce ne sont pas seulement des prêtres canadiens ;
il en est qui viennent de loin. Il y en a des autres parties de l'Amé-
rique; il en est qui viennent des pays lointains de l'Elurope et même de
l'Asie, de l'Afrique et de l'Océanie.
J'éprouve le plus grand bonheur en me voyant entouré par des ecclé-
siastiques qui tous semblent animés du culte de la Très Sainte
(1) Le Légat ne voulut pae, en parlant aux prôtres, s'astreindre I U Ic-cture
d'un discours préparé à l'avance. Nos C•<.nfr^r.•^ «M-ront heureux, croyonr^-noui,
de retrouver ici le texte même de ce discours tout intime.
— 598 —
Eucharistie, qui tous ont été stimulés et poussés à venir à Montréal pai
l'amour qu'ils professent à Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Je ne manquerai pas de faire connaître au Saint-Père combien j'ai été
touché de la réception qu'on me fait aujourd'hui à la section sacerdotale.
Je dirai au Saint-Père qu'il a le bonheur d'avoir dans le monde entier
des ecclésiastiques qui ne demandent qu'à suivre sa direction, qu'à être
prêts à ses moindres désirs pour lui obéir, pour lui témoigner toute l'af-
fection, tout le dévouement et toute la soumission filiale. Il appellera
sur vous tous, sur vos paroissiens, d'abondantes bénédictions divines.
Permettez que je profite de cette occasion, puisque nous sommes ici
tous prêtres, tous animés du même désir, c'est-à-dire la gloire de Dieu,
permettez-moi, dis-je, de vous adresser quelques paroles d'exhortation.
Vous êtes venus au Congrès de Montréal et je suis sûr que vous ne
vous en repentirez pas. Vous conserverez, comme moi-même, un sou-
venir inoubliable d'avoir assisté à un tel triomphe de la Sainte Eucha-
ristie; mais vous n'êtes pas seulement venus pour rehausser l'éclat du
congrès, vous êtes venus aussi pour répandre autour de vous les bons
résultats, les fruits de ce congrès, et c'est à cela que vous devrez travailler
de retour au milieu de vos ouailles.
Quel est le meilleur moyen de répandre les fruits du congrès au milieu
des fidèles qui sont confiés à vos soins ? C'est avant tout de traiter nous-
mêmes dignement ce grand sacrement qui nous est confié tout spécia-
lement, de traiter dignement la Sainte Hostie, qui daigne descendre
chaque jour dans nos cœurs.
Dieu nous a faits ses ministres et il nous permet de renouveler sur les
autels, d'une manière mystique, mais d'une manière qui représente réel-
lement le Saint Sacrifice de la Croix, sacrifice où Dieu JSTotre-Seigneur,
pour nous racheter de la servitude, a versé jusqu'à la dernière goutte de
son sang. Eh bien, pour que les fidèles voient que nous apprécions, que
nous connaissons la grandeur du bienfait qui nous est donné, la gran-
deur du mystère qui est traité par nos mains, il faut que nous traitions
ce mystère avec toute la vénération, avec tout le recueillement, avec tout
le culte qu'il mérite, et je vous le recommande tout spécialement. La
célébration de la sainte messe doit être pour vous une prédication, afin
que ceux qui vous regardent, qui assistent au saint sacrifice, qui est la
répétition du sacrifice du calvaire, connaissent et s'aperçoivent de plus
en plus que c'est là le plus grand bienfait que Jésus Kédempteur a fait
à l'humanité, en nous permettant d'offrir chaque jour, chaque moment,
à son Père éternel, le plus précieux de son sang.
Mais de toutes les prédications, je vous recommande les prédications
verbales. Oui, il faut que de temps en temps vous répétiez les recom-
mandations spéciales à ceux qui vous sont confiés concernant le culte
de l'Eucharistie; il faut que les fidèles sachent par votre direction, par
votre instruction, que c'est là vraiment le centre de toute prière, que c'est
le foyer de toute dévotion, que c'est la source de toute vérité.
Eh bien, je vous le recommande, que votre prédication soit dirigée
d'une manière spéciale dans ce but.
En troisième lieu, je vous recommande aussi de retenir toujours le
décret de 1905 concernant la communion fréquente. Oui, ce décret a
— 599 —
eu déjà de grands résultats, a produit des effets des plus salutaires, mais
quelque chose reste encore à faire. Je suis persuadé que de votre côté
vous ne vous épargnerez pas, que vous serez toujours là pour faire com-
prendre aux fidèles que la participation au banquet divin est le moyen
le plus sûr, le plus efficace pour vaincre ses passions, pour dominer ses
mauvais penchants, pour résister aux tentations du démon, pour se for-
tifier dans l'exercice do la piété chrétienne, dans la profession de la foi
catholique. Et qu'il ne nous soit pas désagréable d'être toujours prêts
au tribunal de la confession pour ceux qui voudraient encore se rcK-on-
cilier avec Dieu, pour s'approcher dignement de la sainte Table ; et qu'il
ne vous soit pas désagréable non plus de pousser à cette fréquentation de
la sainte communion les hommes et les femmes de tout âge. de toutes
conditions, pourvu qu'ils en aient les dispositions nécessaires, c'est-à-dire
la bonne intention et la conscience exempte de fautes mortelles.
A présent, le Saint-Père a décidé que ces bons petits enfants, qui se
trouvent déjà à l'âge de discrétion, qui savent distinguer le bien du mal,
qui savent comprendre que dans le saint tabernacle nous avons un
trésor caché, qui est là pour venir à notre aide et à notre secours, que ces
enfants puissent enfin s'approcher de la Table Sainte. Il reste triste,
affligé, de les savoir repoussés de cette participation (applaudissements).
Pour quelle raison, de quel droit nous repousserait-on? il y en a qui le
disent, véritablement. — Eh bien, j'espère que ces enfants arrivés à un
âge de discrétion, seront aussi admis à la sainte Table. Qu'il ne vous
soit pas désagréable de changer un peu la routine (applaudissemsents),
cette routine qui prive les petits enfants d'un secours précieux pour
préserver leur candeur et leur innocence, leur donner l'arme la plus
vaillante pour se défendre des ennemis de leur foi, des ennemis de leur
pureté et de leur innocence (applajudissemeîits). Ce ne vous sera pas
trop difficile, il faut être plein de confiance. Au premier moment, des
difficultés se rencontreront, mais de grands effets se feront sentir dans
la suite, et ce sera pour vous la plus l)elle et la plus agréable consolation
qu'il soit. Donc, travaillez dans ce l)ut et vous ferez une chose qui sera
la plus belle et la plus grande consolation de notre bien-aimé Saint-Père
Pie X, qui porte à cette dévotion un si grand intérêt et qui, à juste titre,
est appelé le pape de l'Eucharistie.
Je vous recommande de prier pour lui, pour la Sainte Eglise, C'est
sur la prière des prêtres qu'il compte d'une manière toute particulière;
priez pour que le bon Dieu le délivre de ses ennemis et le conserve à
l'affection de ses enfants; priez aussi pour que ce congrès produise de
bons résultats, abondants, et qu'il soit vraiment favorisé de grâces et de
bénédictions. Et dans ce but, je vais maintenant vous bénir au nom de
Sa Sainteté dont je suis au milieu de vous l'indigne représentant. (Cha-
leureux applaudissements.)
Ce fut alors un spectacle émouvant que celui <1(* c(m* (1<mix
mille prêtres, inclinant la tête pour recevoii- au il -ni du P:ii)e
la bénédiction de son Tvé^at.
— 600 —
Mgr Bruchési, dans une courte allocution, se fit auprès de
son Eminence l'interprète des sentiments de tous les évêques
et de tous les prêtres présents.
DISCOURS DE MONSEIGNEUR BRUCHESI
Emiîs[ence,
Je n'ai qu^un simple mot à adresser après les éloquentes et touchantes
paroles qui viennent de tomber de votre bouche.
Il me semble que c'est aujourd'hui que le monde entend pour la pre-
mière fois cet officiel commentaire du décret de Pie X sur la commu-
nion des petits enfants.
Vous interprétez la parole qui ne trompe pas, la parole du Docteur
infaillible : c'est Montréal qui l'entend, Montréal en est honoré et fier,
et ici, à Montréal, je crois pouvoir me faire l'interprète de tous les évê-
ques de la province, des évêques du Canada en vous disant que la routine
va disparaître. (Applaudissements.)
La doctrine du Saint-Père peut paraître nouvelle ; elle change peut-
être nos idées, mais, puisque le Saint-Père nous le dit, il est vrai, nous
allons changer de route et la route que nous allons prendre sera la bonne,
celle qui nous conduira au ciel et qui fera régner chez les enfants, comme
le Saint-Père le veut, l'innocence et la pureté.
Vous avez devant Vous, Eminence, nous avons devant nous, Messei-
gneurs et Messieurs, la réunion la plus vénérable et la plus chère de tout
le Congrès Eucharistique, réunion de ceux qui, chaque matin, font des-
cendre sur l'autel, dans leurs mains et dans leurs cœurs, le Dieu trois
fois saint. C'est à eux qu'était réservé l'honneur de votre première visite
officielle au cours des séances; cet honneur ils le méritaient et ils vous
remercient de leur avoir parlé du fond de votre cœur. Cardinal Légat du
Saint-Père, comme vous l'avez fait. C'est un encouragement, c'est une
récompense.
Vous vous trouvez ici, Eminence, dans la chapelle des Pères du Très
Saint-Sacrement. Ah! je dois dire ici ce que nous devons aux Pères du
Saint-Sacrement pour le Congrès Eucharistique. (Applmidissements.)
Il a été bien organisé, comme vous le voyez; Eminence, cela est dû par-
ticulièrement à eux ; c'est ici que je suis venu chercher mon secrétaire
général, le Eévérend Père Pelletier, secondé par le Révérend Père Galtier
ici présents, par les Pères de sa communauté, les petits novices et les
petits juvénistes. Je les ai vus à l'œuvre depuis un an. Ils ont mis
toute leur énergie, tous leurs efforts, tout leur zèle à promouvoir le grand
Congrès Eucharistique de 1910. Aussi, Eminence, je sais que ces bons
Pères reçoivent aujourd'hui dans votre visite, dans la réunion des prêtres
dans la maison de leur Dieu, leur meilleure récompense. Moi, je ne
peux que les remercier, mais c'est Dieu qui les récompensera comme ils
méritent de l'être.
— 601 —
Puisque j'en suis aux remerciements, en toute justice je me ferais un
reproche de ne pas mentionner, à côté du Père Pelletier et du Père
Galtier, M. le chanoine Koy, qui a été aussi zélé que ces deux Pères pour
tout ce qui regarde le Congrès Eucharistique. Mes chers Frères, vous ne
savez pas ce que nous devons à notre chancelier pour le Congrès Eucha-
ristique ! Il a mis au service de la cause toutes ses forces, il s'est dévoué
au point de s'exposer à être malade, mais il ne le sera pas, j'en suis
assuré, car le Dieu de l'Eucharistie saura bien le soutenir.
Maintenant, à tous ceux qui, de près ou de loin, ont pris une part à
ce cher Congrès Eucharistique, à vous surtout mes Frères, qui êtes venus
de l'autre côté de l'Océan, de France, de Belgique et des autres parties
du monde, à vous nos souhaits de remerciements et de bienvenue. N'ou-
bliez pas que durant le congrès, vous êtes ici chez vous, vous avez le
pouvoir des prêtres de mon diocèse; usez-en pour le bien de vos âmes et
des âmes que vous pourrez rencontrer. {^Applaudissements).
*
* *
Après cette vibrante allocution, le Cardinal, escorté de
l'Archevêque de Montréal, de Monseigneur Heylen et de quel-
ques prélats, quitte la séance, pour aller inaugurer aussi la
première réunion sacerdotale de la Section anglaise. Tous les
prêtres sont debout et applaudissent frénétiiiucnieut. Puis la
séance d'étude proprement dite commence.
Monseigneur Archanibault, IMésident, s'adresse eu ces
termes à son auditoire :
Messieurs,
Monseigneur l'archevêque de Montréal, en me demandant d"étre le
vice-président de la première séance de la section sacerdotale du Con-
grès, ne pouvait pas procurer une joie plus douce à mon cœur d'évêquc,
ni m'offrir un foyer plus lumineux et plus ardent pour purifier, re-
tremper, éclairer'^le zèle apostolique dont je dois être animé envers la
divine Eucharistie. Cette délicate attention de la part de mon venere
métropolitain est aussi un honneur enviable auquel je n'avais aucun
titre; mais qu'il m'est bien permis de considérer comme la récompense
ménagée par Dieu au diocèse de Joliette.
Ce diocèse, le premier créé, par Sa Sainteté le Pape Pie \. est 1 j.n
des plus remarquables par la vivacité de sa foi et la ferveur de son cul e
eucharistique. Dans mil ville épiscopale fut établie la direction ce
l'Œuvre des Prêtres Adorateurs pour l'Amen(|ue du Nord. Le re^r- <•
Père Beaudrv. des clercs de Saint-Viat.nir et ancien •'"•ft^'"'-^;'" /.
minaire de Joliette, en resta l'âme pendant .le longues annéj^ J/" ,^
bonheur, quand ils arrivèrent au pays, de la remettre entre les nuuns des
— 602 —
dignes fils du Vénérable Pierre- Julien Eymard, et d'en voir ainsi assurés
le plein développement et la perpétuité.
A ce saint religieux revient encore la gloire d'avoir été, toute sa vie
sacerdotale, le défenseur intrépide de la communion fréquente chez les
enfants de nos écoles, chez les jeunes gens de nos collèges, et cela bien
avant que le Saint-Siège eût fait disparaître du monde chrétien les der-
niers vestiges du jansénisme par le mémorable décret " Sacra Triden-
tina Synodus."
Enfin le diocèse de Joliette a procuré l'an dernier, à ses prêtres dé-
voués la consolation d'enregistrer plus de 1,200,000 communions, alors
que le nombre total des personnes en âge de communier n'atteint pas le
chiffre de 50,000.
La section sacerdotale est certainement, de toutes les sections dont se
compose le XXIe Congrès Eucharistique International, celle sur la-
quelle les regards de Notre-Seigneur Jésus-Christ s'arrêtent avec le plus
d'amour et de confiance. N'êtes-vous pas ses amis choisis, les confidents
de ses secrets, les dépositaires de ses pouvoirs? Ne lui donnez-vous pas,
chaque jour, l'être sacramentel sans lequel l'Homme-Dieu ne saurait ni
exercer son sacerdoce à travers le monde et à travers les âges, ni perpé-
tuer au milieu de nous les innombrables bienfaits de sa présence réelle?
L'onction sacerdotale ne nous a-t-elle livrés exclusivement à la garde,
au service, à la défense de l'Eucharistie? Alors que tant d'âmes s'éloi-
gnent du Maître, parce qu'elles trouvent trop dur de croire au mystère
de sa vie eucharistique, et plus dur encore de conformer leur vie à cette
croyance, ne vous pressez-vous pas en rangs compacts autour de l'autel,
disant avec l'Apôtre saint Pierre : " A qui irions-nous donc. Seigneur ?
vous avez les paroles de la vie éternelle."
Votre section. Messieurs, l'emporte encore sur toutes les autres, par la
nature et la variété des études auxquelles vous allez vous livrer. On l'a
écrit avec raison, c'est parmi vous que se fera le travail le plus sérieux,
le plus efficace, le plus durable. Ici, dans ce sanctuaire béni consacré
à l'adoration perpétuelle de Jésus-Hostie, loin du bruit et des applau-
dissements de la foule, tous sous l'œil du Maître et sous les battements
précipités de son divin cœur, vous allez jeter en terre la semence de la
moisson qui lèvera plus tard. — " Apostolat de la communion " —
" Adoration et prédication de l'Eucharistie " — Œuvres eucharistiques,"
— voilà les titres pleins d'ampleur sous lesquels se classent les travaux
multiples et féconds de notre programme. Quel vaste champ ouvert à
votre érudition, à votre expérience du saint ministère et à votre zèle
d'apôtres ! En remplissant bien les cadres de ce programme, vous serez
l'âme même du congrès. Que restera-t-il dans quelques mois, dans
quelques semaines, des cérémonies grandioses et des incomparables dé-
monstrations en l'honneur du Christ-Eoi? Les riches décorations auront
disparu des temples, des édifices et des rues de la métropole canadienne \
les chants d'amour et de triomphe auront cessé; la voix puissante des
orateurs chrétiens aura fait silence. Des milliers et des milliers d'âmes
garderont longtemps sans doute le souvenir ému de ces spectacles récon-
— 603 —
fortants. Combien d'antres devront à ces jours de prières et d'adoration
prolongées la grâce d'un retour sincère au 13ieu de leur jeunesse, ou celle
non moins précieuse d'une vie plus chrétienne, d'une poussée plus forte
vers les sommets, jusque là inaccessibles, de la perfection ! Ces résultats
seront consolants, mais je ne crains pas de l'affirmer, le vrai monument
du Congrès Eucharistique, le monument le plus beau, celui que n'atta-
quera ni le temps, ni l'instabilité des choses humaines, aura été élevé
par vous, chers et dévoués frères dans le sacerdoce. Grâce à vos tra-
vaux, pleins de piété et de science, vous allez imprimer un élan nouveau
au grand mouvement qui entraîne actuellement le monde vers la divine
Eucharistie.
C'est l'unique récompense qu'ambitionne sur la terre l'illustre prési-
dent et l'apôtre infatigable des Congrès Eucharistiques Internationaux,
Sa Grandeur Monseigneur l'Evêque de Xamur qui a bien voulu nous
honorer aujourd'hui de sa présence.
A l'œuvre donc, Messieurs, et sachons unir à la clarté, à la précision
du style, la fécondité d'une doctrine sûre et pratique, suivant ces belles
paroles que nous lisons au bréviaire des Dominicains, en la fête de saint
Thomas d'Aquin, le chantre divin de l'Eucharistie: " Stijlus hrevis
" grata facundia, celsa, dam, firma sententia, tanquam flumen clarae
" scientiae, rigat vos et sanctam Ecclesiam."
Après son allocution, Mgr le Président offre la parole au
premier rapporteur, inscrit au programme, le K. P. Gont/aer,
S. J , qui doit traiter de :
« LA COMMUNION ET SES DIVERS DEGRES '
Messeigneurs,
Messieurs,
En lisant le décret " Sacra Tridentina Synodiis " publié le 20 déc.
1905, par la S. C. C, sur l'ordre du Pape Pie X gloneusemont régnant
on ne peut manquer d'être frappé de l'énergie et de 1 insistance avec- les-
quelles est proclamé le désir de l'Eglise de voir la C'onimunion devenir
de plus en plus fréquente dans le peuple chrétien. C est 1 intention, le
désir profond de Notre-Seigneur Jésus-Cbnst que son Sacrement
d'amour soit mis à la portée de tous, et tous sont invites a s ^'^ approd.er
le plus souvent possible. Non seulement l'accès a ce divin banque ne
doit pas être rendu difficile, mais au contraire, il doit ^'tre rem a,,
et toute personne de bonne volonté doit pouvoir s en approc-lier tou^ K.
^Tai 1. - "La communion fréquente et quoti^lienne. »;!^''t/ouver.u-
nement désirée par Notre-Seigneur Jésus-Chnst et par 1 hghse eatho-
— 604^
lique, doit être rendue accessible à tous les fidèles de quelque classe et
de quelque condition qu'ils soient, en sorte que nul, s'il est en état de
grâce et s'il s'approche de la sainte Table avec une intention droite, ne
puisse en être écarté."
(a) 6. — " Comme il est évident que la communion fréquente et quo-
tidienne augmente l'union avec Jésus-Christ, alimente avec plus de force
la vie spirituelle, embellit l'âme des plus abondantes vertus et nous
donne un gage encore plus ferme de la vie éternelle, les curés, les con-
fesseurs et les prédicateurs, suivant la doctrine approuvée du catéchisme
romain (p. II, c. 63), devront exhorter, dans de fréquents avis et avec un
zèle empressé, le peuple chrétien à cette pratique si pieuse et si salu-
taire."
A ces textes déjà si clairs, des actes nombreux du S. Père sont venus
ajouter une lumière encore plus grande s'il était possible, on dirait que
le Pape a pris à tâche d'iusister, et d'inculquer profondément cette
vérité, que nous ne saurions mieux répondre au désir de Notre-Seigneur
qu'en lui amenant, de plus en plus nombreux, les communiants.
Je me contente d'indiquer d'un mot les nombreux documents que vous
connaissez bien, et qui du reste feront l'objet de plusieurs travaux spé-
ciaux durant ce Congrès :
Déclaration de la S. C. C. relative à la communion quotidienne des
enfants, même dans les maisons d'éducation (1), facilité accordée aux
malades, en adoucissant pour eux la loi du jeûne eucharistique (2), con-
cession relative à la confession sacramentelle requise pour gagner les
indulgences (3), distribution de la communion dans les oratoires
privés (4), exhortation souvent répétée, surtout à l'occasion des Congrès
eucharistiques.
Enfin Tacte, peut-être, le plus important est le Décret de la S. C. C.
du 8 août 1910, sur l'âge de la première communion.
Je me borne à le nommer, il serait trop long, et ce serait sortir de
mon sujet que de l'expliquer. Ce décret sera commenté, et surtout mis
à exécution, et la pratique de la Communion fréquente se répandra dans
tout le peuple chrétien.
Aucun doute ne peut subsister, le désir de l'Eglise exprimé avec tant
d'insistance ne nous laisse aucune obscurité.
Toute âme do bonne volonté doit être admise à la sainte Table, non
pas de loin en loin, ni même assez souvent, mais chaque fois qu'elle le
désire, tous les jours sans exception, si sa piété l'y porte. Et le prêtre,
quel qu'il soit, curé, confesseur, prédicateur, bien loin de semer des obs-
tacles sur sa route, et de l'arrêter dans ce que certains auteurs auraient
autrefois appelé une piété excessive et indiscrète, doit l'admettre, l'en-
courager, l'exhorter, et faire tout en son pouvoir pour lui rendre la pra-
tique de la communion facile.
(1) S. C. C. 15 sept. 1906.
(2) S. C. C. 7 cl<-c. 1906.
(3) S. C. C. Indulg. 14 févr. 1906.
(4) S. R. C. 8 mai 1900.
— 605 —
" Venite ad me omnes," tel est l'appel du divin Maître, et ses mi-
nistres doivent le faire entendre à toutes les âmes.
Mon but n'est pas d'expliquer en détail le sens de ces documents, pas
même le décret : " Sacra Tridentina Synodus," cela est fait dans un
autre rapport : mais plutôt de considérer quelques questions particulières
et pratiques, dont la solution doit guider notre conduite, à nous prêtres,
curés, confesseurs, prédicateurs, puisque c'est à nous qu'incombe la
charge d'amener le peuple fidèle à Xotre-Seigneur.
Et ici encore, au milieu des innombrables aspects sous lesquels on peut
considérer la divine Eucharistie, il me faut faire un choix. D'autres
vous rediront les fruits merveilleux de la communion, ou insisteront sur
les dispositions nécessaires pour s'en approcher dignement, ou utiles
pour en retirer de plus grands fruits.
Ma question sera beaucoup plus restreinte: j'ai à vous parler des
divers degrés de fréquence dans la réception du sacrement, et cela sui-
vant les diverses catégories de fidèles.
§ I — Diverses catégories de fidèles
Cette expression est de nature à étonner actuellement. Les théolo-
giens antérieurs au présent décret, parlaient de catégories différentes et
bien caractérisées, auxquelles on pouvait accorder la communion men-
suelle ou hebdomadaire, — pour la communion fréquente, et sous ce nom
ils entendaient celle qui est reçue deux, trois fois par semaine ou un
peu plus souvent, ils exigeaient ordinairement des préparations et des
dispositions spéciales, (|ui en faisaient le privilège d'une catégorie assez
restreinte, ils en excluaient assez souvent les personnes mariées; enfin la
communion quotidienne n'était concédée qu'à un tout petit groupe
d'âmes spécialement ferventes, il semblait bien difficile de l'accorder aux
personnes vivant dans le monde; et même au sein des communautés reli-
gieuses, elle devait être réservée à quelques âmes choisies, d'une pureté
de vie et d'une ferveur exceptionnelles.
On avait alors des catégories de fidèles bien marquées, distinctes les
unes des autres, non seulement par le degré de ferveur, mais aussi ])ar
les occupations ordinaires, les devoirs d'état, le temps plus ou moins
long qu'ils pouvaient consacrer à la préparation, à l'action de grâces, à
la prière durant le cours de la journée; car, d'une manière assez générale,
les auteurs exigeaient des préparations spéciales pour chacune de ces
catégories, préparations difficiles, et dont quehiues-unc-; i)'('t;ii.nl pas à
la portée de tous, loin de là.
Sans la moindre intention de blâme ou de critique à l'égard de tant
d'excellents auteurs, animés s<ins aucun doute d'un zèle très pur, sans
rechercher non plus comment l'influeme des arides et désespérantes
théories jansénistes avait pu se faire sentir même chez des Saint.s a<]ini-
rables, et les empêcher d'aller jusqu'au bout des principes posés par b-ur
science et leur piété, nous devons constater que désormais toutf discus-
sion à propos de catégories entendues dans le sens ancien n'a plus aucune
raison d'être, le décret "Sacra Tridentina Synodus" ne laiMc place à
aucune divergence d'opinions.
— 606 —
(a) 1. — "La communion fréquente et quotidienne.... doit être rendue
accessible à tous Jes fidèles de quelque classe et de quelque condition
qu'ils soient." Plus de catégories fondées sur la condition des fidèles:
tous sans exception sont invités et doivent être admis : âmes religieuses
ferventes et déjà parvenues à un très haut degré de sainteté, âmes moins
courageuses, qui avancent d'un pas moins rapide dans le chemin de la
perfection, personnes vivant dans le monde aussi bien que celles qui
vivent dans le cloître, personnes engagées dans les liens du mariage,
tous sont appelés, aucun ne doit être exclu.
L'unique condition est que ces âmes soient en état de grâce et s'ap-
prochent de la sainte Table avec une intention droite.
C'est la Sacrée Congrégation des Conciles qui nous le déclare.
Désormais il est donc bien évident qu'un prêtre, curé, confesseur ou
prédicateur, serait très imprudent et se montrerait fort peu soumis à
l'autorité de l'Eglise, s'il osait écarter de la Table sainte, même seule-
ment certains jours de chaque semaine, des âmes bien disposées qui
désirent communier.
Loin de les écarter, il doit au contraire, les inviter, les exhorter, les
encourager, les soutenir de ses conseils.
Comme le décret dans l'art. 2, définit très clairement ce que l'on doit
■entendre par intention droite, il ne peut rester aucune difficulté. Je
ferai seulement remarquer que si le confesseur s'aperçoit que l'intention
d'une personne qui désire communier souvent, n'a pas toute la rectitude
désirable, il ne devra pas immédiatement conclure qu'il faut impitoya-
blement l'exclure de la sainte Table, il devra plutôt s'attacher lui-même
à l'instruire et l'amener à réformer ce qui était défectueux dans son
intention.
Quelques mots encore pour répondre brièvement à certaines inquié-
tudes : on trouve peut-être parfois des esprits qui redoutent que cer-
taines catégories de personnes n'aient pas le temps ou ne soient pas
dans les conditions voulues pour faire une préparation convenable;
d'autres ne croient pas que certaines catégories aient \me pureté de vie
suffisante et une ferveur assez grande pour que des communions fré-
quentes puissent leur être véritablement utiles.
A la première de ces craintes le décret répond par son art. 4 : " Quoi-
que les sacrements de la nouvelle loi produisent leur effet ex opère ope-
rato (par eux-mêmes), cet effet néanmoins est d'autant plus grand que
les dispositions de ceux qui les reçoivent sont plus parfaites. Il faut
donc veiller à faire précéder la sainte communion d'une préparation
diligente et à la faire suivre d'une action de grâces convenable, suivant
les forces, la condition et les devoirs de chacun." (Cf. Décret S. C. Soc,
8 août 1910.)
On doit veiller à ce que les enfants apportent la préparation qui con-
vient à leur âge. Que le prêtre exhorte à une préparation toujours meil-
leure, fort bien; mais f|u'il se garde d'imposer ou d'exigei- des prépara-
tions qui, peut-être très bonnes en elles-mêmes, seraient au-dessus des
forces, ne conviendraient pas à la condition, ou gêneraient l'accomplis-
sement dos devoirs des fidèles. Tl est par trop évident (|u'il ne serait
pas raisonnable d'exiger de jeunes enfants de longues prières mentales.
— 607 —
d'imposer à des ouvriers ou des ouvrières des jeûnes ou des méditations
prolongés, de demander aux personnes mariées des choses qui trouble-
raient l'ordre de la famille ou compromettraient la paix du ménage.
Comme l'ont dit déjà plusieurs des meilleurs commentateu'rs de
notre décret, le fidèle accomplissement des devoirs quotidiens sera une
excellente préparation à la réception du sacrement, et même une bonne
communion sera une très bonne disposition pour la communion du len-
demain.
Quant à ce qui regarde la pureté de la vie et la ferveur, remarquons
avec le décret que l'exemption du péché mortel, l'état de grâce, est la
condition essentielle pour que la communion soit bonne, et que toute
bonne communion produira toujours des fruits de salut.
Sans aucun doute une pureté plus grande est fort désirable, l'absence
de tout péché véniel pleinement volontaire, surtout de toute attache au
péché véniel, la ferveur intense seront des dispositions bien meilleures;
il faudra amener peu à peu les âmes à ces dispositions plus parfaites, et
l'on peut fort bien soutenir qu'une communion très fervente donnera
des grâces et des fruits incomparablement plus abondants que plusieurs
communions moins bien préparées. Tout cela peut être admis, mais on
aurait tort d'en conclure qu'il faut nécessairement espacer les commu-
nions afin de se mieux disposer à chacune d'entre elles.
Comme le dit expressément notre décret, art. 3 : "il suffit néanmoins
qu'ils n'aient aucune faute mortelle, avec le ferme propos de ne plus
pécher à l'avenir; étant donné ce ferme propos sincère de l'âme, il n'est
pas possible que ceux qui communient chaque jour ne se corrigent pas
également des péchés véniels et peu à peu de leur affection à ces péchés."
Cet " antidote qui nous délivre des fautes quotidiennes et nous pré-
serve des péchés mortels," comme le S. Concile de Trente appelle le
T. S. Sacrement (sess. 13, c. 2) opérera lui-même bien mieux que ne le
pourraient faire toutes nos exhortations et tous nos conseils. Le divin
aliment préparé par l'amour tout-puissant de Xotre-Seigneur augmen-
tera les forces de l'âme, l'union plus intime (|u'il pro<luit avec l'auteur
de toute grâce sanctifiera peu à peu l'âme de bonne volonté, le pain des
forts agrandira ses énergies, le vin qui fait germer les vierges lui ins-
pirera peu à peu la pureté, et la rendra à la fois plus délicate et plus
courageuse. On ne doit donc plus dire: vivez de manière à être
digne de communier tous les jours, mais plutôt: communiez tous les
jours afin de mieux vivre et d'arriver à la vraie «linteté.
Ne considérons pas la communion comme la récompense de la vertu
déjà acquise, mais bien comme le meilleur moyen de nous aider à l'ac-
quérir. , .
La communion n'est pas le privilège des âmes deja parfaitement
pures, mais l'aliment de tous pour la vie spirituelle, aliment ««
à tous aux forts pour entretenir et augmenter leurs forces, aux s
et aux convalescents pour recouvrer la santé, aux vaincpieurs qui ont
déjà triomphé autant que le peut la faiblesse humaine durant cette vu-
mortelle, de leurs passions et de leurs convoitises, pour persévérer et
s'unir plu^ intimement à Di<'U, mais tout autant à ceux qui luttent péni-
blement afin de ne pas succomber dans la tentation et d être peu a p<'U
délivrés de leurs misères quotidiennes.
— 608 —
Nous ne pouvons plus, à aucun titre raisonnable, maintenir l'antique
division donnée par beaucoup d'auteurs, des diverses catégories de
fidèles, auxquelles correspondrait la division des communions mensuelle,
hebdomadaire, fréquente et quotidienne.
Cette division ne peut se fonder ni sur la condition des personnes,
consacrées à Dieu dans la vie religieuse ou vivant dans le monde et en-
gagées dans les liens du mariage, ni sur la ferveur et sur la pureté habi-
tuelle plus ou moins grande des âmes.
Le confesseur auquel, selon la recommandation du décret, il impor-
tera toujours de demander conseil, devra dans sa direction peser toute
chose, et conseiller ce qui, suivant les cas, paraîtra à la fois le plus pos-
sible et le plus utile, mais il devra " se garder de priver de la commu-
nion fréquente et quotidienne une personne qui est en état de grâce et
qui s'en approche avec une intention droite.
§ II — Degrés de fréquence
Que signifie donc le titre donné au rapport dont je suis chargé?
Divers degrés de fréquence . . . selon les diverses catégories de fidèles ?
C'est que, semble-t-il, et sauf meilleur avis, tout en nos efforçant de
réaliser le désir de Notre-Seigneur et de son Eglise, nous n'arriverons
pas à obtenir la communion quotidienne de tous les fidèles, nous aurons
même beaucoup de difficulté à obtenir des communions vraiment fré-
quentes de la part d'un très grand nombre. Trop d'obstacles s'y oppo-
seront contre lesquels il faudra lutter patiemment, persévéramment, que
nous pourrons diminuer à force de bonne volonté mais que nous ne par-
viendrons pas à renverser totalement.
Il y aura des difficultés matérielles et des difficultés morales.
Et, suivant l'intensité plus ou moins grande de ces difficultés les
fidèles se trouveront naturellement et d'eux-mêmes divisés en de mul-
tiples catégories dont il est utile de dire quelques mots, afin de suggérer
quelques réflexions et d'indiquer quelques procédés pratiques, de nature
à nous aider dans notre œuvre de zèle auprès de ces diverses classes de
personnes.
La communion quotidienne est un idéal souverainement désirable,
mais la communion plusieurs fois chaque semaine sera fortement à con-
seiller lorsque la quotidienne n'est pas possible. A ceux qui ne peuvent
ou ne veulent ni l'une ni l'autre, il sera bon de recommander au moins
la communion hebdomadaire, et si nous ne pouvons l'obtenir, nous
chercherons au moins à faire venir à la Sainte Table tous les mois.
Mais il est bon d'entrer dans quelques détails.
1° Difficultés matérielles.
Même à des personnes très pieuses, et qui désireraient beaucoup re-
cevoir souvent le pain des Anges, cela ne sera pas toujours possible à
cause de difficultés matérielles indépendantes de leur volonté. Un
travail absorbant, commencé forcément de grand matin les empêchera
de venir à l'église, ou bien l'éloignement où elles se trouvent de cette
église leur interdira l'assistance fréquente à la messe, ou bien encore les
— fi09 —
occupations à la maison seront trop abondantes, v. g. pour une mère de
famille chargée de nombreux enfants en bas âge. Peut-être pour
dautres ce seront des infirmités qui les empêcheront de se rendre à
l'église aussi souvent qu'on le désirerait: puis, que de fois, des courses
assez longues le matin seront rendues fort difficiles par le mauvais temps
ou les mauvais chemins. Que dire si après des efforts très méritoires,
en arrivant à l'église, on trouve que le prêtre n'y est pas?
Quelques-unes de ces difficultés peuvent être' écartées par la bonne
volonté de tous.
Il sera bien désirable, par exemple, que les églises soient multipliées,
et que leur accès soit facile; les chapelles de communautés ouvertes au
public rendront d'inestimables services; nous voyons même que le Saint-
Père, pour rendre la réception de la communion plus aisée, a fait dé-
clarer authentiquement par la S. P. C. (8 mai 19U6), que Ton pourrait
désormais distribuer la communion, même dans les oratoires privés, à
toutes les personnes qui assisteront à la messe qu'on y célèbre.
Puis la régularité du prêtre à dire sa messe à heure fixe, autant que
les nécessités de la paroisse le permettent, ou tout au moins à distribuer
la communion à des moments déterminés, connus des fidèles, et conve-
nablement choisis, supprimera plus d'une difficulté.
Je n'insiste pas sur ce point, qui, je le crois, fait l'objet d'un autre
rapport.
Il me suffit de rappeler que c'est un devoir important du ministère
paroissial, que d'organiser les choses dans chaque paroisse de telle sorte
que personne ne puisse raisonnablement se plaindre, et s'excuser sur
l'impossibilité où il se trouve de communier souvent. Il serait inutile
de prêcher la communion fréquente, et surtout quotidienne, dans une
paroisse oii les fidèles constateraient que cette communion leur est im-
possible.
2° Difficultés morales.
C'est par un autre côté surtout que les diverses catégories de fidèles
se différencieront les unes des autres.
Pour communier, et communier souvent, il faut le vouloir.
Et c'est à cette volonté que se heurteront souvent les efforts du prêtre;
c'est à vaincre les difficultés de diverse nature opposées par l'indiffé-
rence, la paresse, la timidité, etc., qu'il devra applicpicr son zèle.
C'est là que son industrie personnelle aura à s'ingénier pour con-
vaincre les indifférents de la nécessité de venir plus souvent à la Sainte
Table, pour exciter les bonnes volontés encore vacillantes, pour rassurer
les âmes craintives, encourager les faibles, soutenir chacun contre les
défaillances.
Et, pour cela, il devra être bien convaincu lui-même de l'utilité de la
fréquente communion, afin de faire pénétrer sa conviction dans les
âmes, et d'être capable de les soulever en queUpie sorte au-dessus d elles-
mêmes, pour les entraîner et les amener au divin Maître, (jui les appelle
par sa voix. , , , ,
Son zèle devra être plein d'anleur, mais il devra être tempère ]»ar la
prudence: il faudra choisir le moment propice de parler, et les arpi-
20
— 610 —
ments les plus utiles à employer. Parfois en voulant trop demander du
premier coup, on s'expose à ne rien obtenir, et même à écarter celui
qu'on aurait voulu faire avancer d'un pas trop rapide à son gré.
Xous examinerons donc quelques cas j)articuliers.
3° Pécheur qui se convertit, etc.
Voici un pécheur qui a passé plusieurs années dans l'abîme du péché,
loin des sacrements, enfoncé dans ses mauvaises habitudes, ne faisant
aucun effort pour se relever, désespérant presque de jamais sortir du
gouffre oii il se sent plongé. Mais la grâce vient de le toucher: dans
une retraite, au cours d'une mission, à la suite peut-être d'une épreuve
cruelle, il a réfléchi, il a vu son triste état, il en gémit, il veut en sortir.
Ou bien encore c'est un de ces hommes qui viennent à Pâques, au der-
nier moment, pour se mettre en règle, et qui doit faire le triste aveu de
ses faiblesses journalières. Chaque année il se confesse et communie au
temps pascal, mais, hélas, au bout de peu de jours, chaque année aussi,
les bonnes dispositions s'affaiblissent, les mauvaises habitudes repren-
nent leur empire, et l'histoire de la nouvelle année est aussi misérable
que celle des années précédentes.
Que faire? quels remèdes prescrire? quels conseils donner?
Ces gens sont, je le suppose, suffisamment disposés ; d'après les règles
de la théologie morale, on peut et on doit leur accorder l'absolution, ils
acceptent la pénitence qu'on leur impose.
Le passé va être réparé, le scandale, s'il y a lieu, sera effacé; mais
l'avenir?
Les dispositions actuelles sont bonnes, mais combien de temps vont-
elles durer?
Quel confesseur n'a pas, dans son expérience, rencontré des cas de
conversions sincères, vraies au moment même, oii paraissait un véritable
désir de bien faire, mais auxquelles a manqué la persévérance?
Durant quelques jours, peut-être quelques semaines, tout a été bien.
Mais peu à peu la bonne volonté s'est affaiblie, les mauvaises habitudes,
dont le germe n'était pas arraché, ont poussé de nouvelles tiges, et, petit
à petit repris leur empire. Les tentations se sont multipliées, le démon
a fait de nouveaux efforts pour ressaisir la proie qui lui avait échappé, et
finalement on est retombé. Puis une fois retombé, on n'a pas eu le.
courage de secouer immédiatement le joug, et le mot de S. Grégoire s'est
vérifié: " Peccatum quod mox per pœnitentiam non deletur, sua pondère
ad aliud trahit " (lib. 25 Moralium, c. 9), la vie de péché a recommencé,
elle se continue, on s'enfonce de plus en plus dans l'abîme. Parfois,
suivant la parole de Notre-Seigneur lui-môme, le nouvel état est pire
que celui dont on était sorti.
Il importe de prévenir ces rechutes, il faut à tout prix mettre en
sûreté le trésor de grâce péniblement reconquis.
Or, pour assurer la persévérance, il n'y a pas de moyen plus efficace
que la communion, et la communion fréquente, même quotidienne.
Dans l'ordre du salut, la grâce est indispensable, et les moyens de
l'obtenir sont la prière et les sacrements.
— 611 —
Le pécheiu- converti, dont nous parlons, devra courageusement com-
battre le démon et lutter contre les séductions du monde, et contre ees
propres habitudes mauvaises. Pour cela il a besoin de force, où ]a,
trouvera-t-il mieux que dans le sacrement? Il a besoin de s'unir à
Notre-Seigneur, comment pourra-t-il le faire plus efficacement qu'en
recevant avec amour le gage de notre union à Dieu ?
Puis après sa résurrection à la vie de la grâce, il reste en lui une
grande faiblesse, une convalescence s'impose, il a besoin d'une nourriture
fortifiante : c'est la divine Eucharistie qui lui fera recouvrer les forceç
et le conduira jusqu'à la parfaite santé, elle est "l'antidote qui. . . nous
préserve des péchés mortels." (Trid. 1. c.)
On devra sans doute prescrire et conseiller à ce pécheur repentant des
exercices de vertu, l'éloigner des occasions de péché, lui indiquer des
dévotions utiles, obtenir de lui des prières fréquentes, l'amener à lutter
contre lui-même et à vaincre ses passions : tout cela sera bon et néces-
saire, mais il n'en reste pas moins vrai que la fréquentation des sacre-
ments sera le moyen le plus efficace; c'est d'ailleurs cette fréquentation
elle-même qui aidera et soutiendra dans l'observation de tous les autres
moyens conseillés.
Mais pourra-t-on immédiatement proposer à ce converti la communion
quotidienne, ou même la communion très fréquente?
Si ses dispositions étaient excellentes, si son désir de transformer sa
vie dépassait ce que l'on observe d'habitude, on le pourrait, et il serait
sage de le faire : l'histoire des saints nous montre plus d'une fois de
grands pécheurs remplis d'une douleur intense de leurs crimes, se trans-
formant en un instant sous l'action de la grâce, et après une vie de
péchés, commençant presque sans transition une vie tout entière con-
sacrée à la pénitence. Mais ce n'est guère le cas ordinaire, et le confes-
seur qui voudrait trop exiger risquerait de ne rien obtenir et de se
heurter à un refus absolu.
Au moins le confesseur pourra et devra conseiller fortement une fré-
quentation plus grande des sacrements, recommander de venir toutes
les semaines ou au moins tous les mois. Si le converti accepte, et vient
fidèlement, on peut compter sur un changement sérieux dans sa con-
duite, et il n'est pas téméraire d'espérer qu'il sera à l'abri des recbutes.
En efl'et, ce pécheur luttera les premiers jours avec entrain et ferveur,
mais au bout de quelque temps il éprouvera de la fatigue, il sentira que
ses forces s'épuisent. Qu'il vienne alors à Celui qui a dit : " Venez à
moi vous tous qui êtes fatigués. . . et je vous soulagerai," et le Maître
ne manquera pas à sa promesse, il renouvellera la provision d'énergie,
et l'âme se trouvera prête pour de nouveaux combats. Surtout, si une
défaillance s'était produite, que cette pauvre âme ne se lai.sse pas aller
au découragement, mais qu'elle recourre au plus vite à Celui dont la
miséricordie^use bonté a donné à ses disciples l'ordre de pardonner non
pas une fois ou sept fois, mais soixante-dix fois sept fois. Relevée an
plus tôt de sa chute, l'âme devenue plus humble et plus prudente se re-
mettra avec une nouvelle ardeur au bon combat.
Si nous pouvions ainsi obtenir que les convertis s'approchent souvent
de la Sainte Table, et qu'ils ne restent jamais dans lo pcVlié lorsqu'il
leur arrive d'v retomber, nous serions bien sûrs de b-ur persévérance. Et
— 612 —
dans cette lutte constante, ils puiseraient une force toujours nouvelle,
une bonne volonté toujours plus grande, une ferveur qui irait sans cesse
en croissant. Chaque étape nouvelle serait parcourue avec plus de
facilité et d'allégresse ; peu à peu les plaies laissées par les péchés passés
se cicatriseraient, les bonnes habitudes s'enracineraient dans le cœur, les
germes des vertus se développeraient, et. au bout de quelques mois, nos
convertis seraient des hommes nouveaux, des chrétiens vivant vraiment
de la vie du Christ.
Demander la communion de chaque mois, ou même si on le peut, de
chaque semaine, sera donc une excellente pratique. Bien rares seront
les personnes de bonne volonté qui ne comprendront pas que la commu-
nion au moins mensuelle leur sera véritablement utile, et qui refuseront
de suivre le conseil.
Pour obtenir la fidélité à cette communion du mois, il sera bon de
fixer les dates, et de ne pas rester dans le vague.
Ici je ne veux pas entrer dans des indications trop précises, la dévo-
tion du pénitent ou du confesseur suggéreront ce qui sera le plus utile.
Il y a tant de circonstances diverses qui pourront infiuer, et faire choisir
une méthode plutôt qu'une autre.
Un dimanche déterminé de chaque mois, les fêtes de Notre-Seigneur
ou de la Sainte Vierge, les fêtes de quelques Saints envers lesquels on
éprouve une -dévotion particulière, pourront marquer les dates des com-
munions. Mais il sera bon, je le répète, de préciser et de fixer les dates
avec certitude. Autrement on s'expose à différer, à remettre de jour en
jour, et en définitive à oublier et négliger entièrement. Il est très bon
d'avoir des jalons fixes qui marquent les étapes.
Dans certaines paroisses, on annonce d'avance des communions géné-
rales pour les diverses catégories de fidèles. Un dimanche est attribué
aux hommes, un autre aux jeunes gens, puis d'autres aux congrégations
de dames ou de jeunes il lies. Je crois qu'un de nos rapporteurs expli-
quera comment toute cette organisation peut fonctionner dans une
paroisse pour le plus grand bien de tous, je n'insiste donc pas.
Il est cependant une pratique que l'expérience montre éminemment
efficace, et que je me reprocherais de ne pas signaler ici. Je veux parler
de la communion des neuf premiers vendredis du mois, en l'honneur du
Sacré-Cœur.
Nous connaissons tous, les innombrables indulgences dont cette pra-
tique de dévotion a été enrichie par les Souverains Pontifes, nous con-
naissons également les admirables promesses de Notre-Seigneur à sa
fidèle servante la Bienheureuse Marguerite-Marie, et nous savons que
ces promesses, si étonnantes et si consolantes, ont été examinées par les
Congrégations Komaines, et que, sans les imposer à notre foi, l'Eglise
nous autorise à les considérer comme de véritables révélations privées
auxquelles nous pouvons avoir toute confiance. Je crois d'ailleurs qu'un
rapport spécial vous les rappellera.
L'expérience nous montre bien clairement que cette dévotion vient de
Dieu, et est tout partic-nlièreraent bénie par lui.
Comment expliquer sans une intervention toute spéciale de la grâce,
— 613 —
qu'une pareille dévotion ait pu s'établir, se continuer et se développer
de jour en jour, comme nous le voyons?
Il est si difficile aujourd'hui, il l'était encore plus au moment où ^
B. Marguerite-]\Iarie a commencé, d'obtenir des fidèles qu'ils viennent
communier les dimanches, jours consacrés à la piété, et où cessent leç
travaux de la semaine, et voilà qu'on propose de comniunier le vendrtHli,
jour de travail, où la plupart des gens sont occupés et absorbés par leur
besogne journalière. On aurait pu penser qu'une dévotion de ce genre
s'introduirait dans les couvents, parmi les âmes pieuses, là où tous les
jours on a la facilité d'assister à la messe ; mais comment espérer quelle
pût devenir populaire et se répandre dans les masses ouvrières? Et
pourtant, malgré tous les obstacles, cette dévotion s'est établie, s'est pro-
pagée, et actuellement il n'y en a peut-être aucune qui soit plus vraiment
et plus profondément populaire. La veille, les confessionnaux sont
assiégés, et le vendredi, dès l'heure la plus matinale, on voit avec éton-
nement de vraies multitudes se presser en rangs serrés à la Sainte Table.
Hommes, femmes, enfants, tous s'empressent : des ouvriers et des
ouvrières se hâtent, il a fallu se lever plus matin, il faut se presser,
peut-être faudra-t-il abréger son déjeuner ou même s'en passer, l'heure
du travail approche.
Que de grâces de conversion et de persévérance ne doit pas produire
une semblable dévotion?
Mais pour en revenir au sujet précis que nous traitons, n'est-il pas
évident que si nous pouvons déterminer un pécheur converti à faire
fidèlement ses neuf communions des premiers vendredis i\o chaque mois,
nous aurons gagné immensément, et que nous l'aurons véritablement mis
dans la voie du salut?
Que durant neuf mois cette âme vienne sans faute à la source de 1^
grâce, il serait bien étonnant que cette fidélité n'apporte pas avec elle
contre les mauvaises habitudes, la fuite des occasions, l'exercice de»
vertus chrétiennes. Et au bout de ces neuf mois, l'habitude sera prise
de s'approcher des sacrements, et on continuera tout naturcUcincnt à
communier au moins tous les mois. Il sera même bien surprenant qu'un
grand nombre n'aille pas plus loin, et n'ajoute pas à ces communions du
vendredi, un certain nombre d'autres communions.
4° Communion hebdomadaire.
A toute âme de bonne volonté la communion au moins hebdomadaire
est à conseiller.
Qu'il s'agisse d'un pécheur converti et qui se rend compte de sa fai-
blesse, et sent le besoin de renouveler plus souvent ses bonnes disposi-
tions, et de puiser plus fréquemment à la source <les grâces, ou l)ien
d'une personne déjà pieuse, et qu'il faut faire avancer dans les voies de
la perfection chrétienne, n'est-il pas de toute évidence que la sainte com-
munion reçue au moins tous les huit jours aura d'inimenses avantages?
Union plus intime avec Xotre-Scigncur. n-nouvrléc phis souvent, soin
plus constant de veiller sur son âme, habitudes de piété fixées dans le
cœur par des actes plus fréquemment répétés; tout cela ne jtcut que
— 6U —
contribuer grandement à développer la véritable piété; et si, en même
temps, l'àme s'efforce de se préparer d'une manière de plus en plus par-
faite, la vie spirituelle se perfectionnera sans cesse.
Et si on objectait que beaucoup d'âmes sont trop mondaines, trop
soucieuses de leur bien-être, trop attachées à leurs plaisirs pour que des
communions si fréquentes soient utiles, que ces communions ne seront
pas suffisamment respectueuses, qu'il convient d'exiger chaque fois des
préparations plus ferventes, nous pourrions nous contenter de répondre
par les termes même dont se sert le décret, art. 3 : "il n'est pas possible
que ceux qui communient chaque jour ne se corrigent pas également des
péchés véniels et peu à peu de leur affection à ces péchés."
Nôtre-Seigneur Jésus-Christ lui-même, par son sacrement, produira
les effets que tous nos efforts ne sauraient réaliser de la même manière.
C'est lui qui peu à peu détachera ces âmes de l'amour des choses ter-
restres, lui qui leur fera voir la vanité des choses du monde, et les
attirera peu à peu à lui.
Il n'est pas douteux que l'amour du monde et la piété auront des luttes
à se livrer dans ces âmes. Tandis que Notre-Seigneur leur fera entendre
son appel, la nature résistera, le monde cherchera à les séduire, et le
démon ne manquera pas de leur livrer des assauts tantôt plus violents,
tantôt plus subtils. Mais serait-ce par hasard en s'éloîgnant de ISTotre-
Seigneur qu'on lutterait plus efficacement?
Quel est le confesseur qui n'a pas observé au contraire, que lorsque,
dans une âme habituée à des exercices réguliers de piété, l'esprit du
monde réussit à s'insinuer, de suite la fréquence des communions dimi-
nue : un Jeune homme ou une Jeune fille qui se laisse aller à l'attrait du
plaisir ne continue pas longtemps à fréquenter la sainte Table; des pré-
textes, des difficultés de toute nature, qu'avec d'autres dispositions ils
auraient comptés pour rien, suffisent pour les éloigner, et rendre leurs
comm.unions de plus en plus rares.
Quand on demande à une personne qui n'a pas communié depuis trois
ou quatre mois, si elle n'avait pas l'habitude de communier souvent, on
entend souvent la même réponse : mais si, autrefois Je communiais tous
les huit Jours, mais la négligence, l'oubli, des occasions de plaisir, peut-
être des occasions de péché, m'ont fait remettre de plus en plus ; et si
alors on peut obtenir que cette personne reprenne ses bonnes habitudes,
on est presque sûr que la piété va refleurir, et que toute la conduite va
s'améliorer.
5° Communion fréquente et^ quotidienne.
Tous les avantages que nous avons reconnus à la communion men-
suelle et helKlomadaire sont produits d'une façon bien plus efficace
encore par la communion fréquente, c'est-à-dire de plusieurs fois par
semaine, et surtout par la communion quotidienne. C'est alors surtout
que Xotre-Seigneur prend véritablement possession du cœur et le trans-
forme peu à peu.
Quand une âme de bonne volonté vient tous les Jours se réchauffer au
foyer d'amour, sa ferveur grandit et devient de plus en plus solide, les
bonnes pensées, les bons désirs germent et se développent en elle, elle
— 615 —
devient plu;; soumise et plus obéissante à l'action de la ^rrâoe. En nicnie
temps les affections imparfaites se rectifient, les défauts sont mieux vus
et mieux corrigés. Peu à peu cette âme devient plus délicate et plus
attentive à éviter ce qui peut hlesser le regard de Dieu, et sans verser
dans le scrupule, elle cherche à détruire en elle ces imperfections que des
âmes moins pures ne remarquent même pas. L'union plus intime avec
Xotre-Seigneur lui apporte à la fois la lumière pour voir ce qui lui
manque, et le courage nécessaire aux luttes, et même aux luttes les plus
héroïques.
X'est-ce pas dans la communion, et la communion très fréquente que
tant d'âmes ont puisé le renoncement à toutes les choses de la terre, le
courage de tout sacrifier pour Dieu, la force de vaincre tous les obstacles,
et de parvenir à la plus haute sainteté?
Je n'insiste pas. Tout le monde convient sans peine que pour les
âmes généreuses qui veulent parvenir au plus haut degré de la perfec-
tion, il n'y a pas de moyen plus efficace que la communion quotidienne.
Mais peut-être reste-t-il un doute au sujet des personnes qui, tout en
étant bonnes et pieuses, sont cependant loin encore de ce sommet de per-
fection, et ne paraissent même pas très soucieuses d'y arriver. Je veux
parler des âmes qui vivent chrétiennement sans doute, mais sans efforts
bien accentués pour se renoncer et pratiquer les grandes vertus, de ces
âmes qui sont loin de briller par leur ferveur et k pureté de leur vie.
(Cf. décret Cum ad aures.)
On se demandera, et elles ?o le demandent elles-mêmes:
Sont-elles dignes de communions si fréquentes?
Apportent-elles une préparation suffisante à un acte si saint?
Il est bon de répondre au moins en quelques mots à ces questions, qui
deviennent si aisément des objections.
Sont-elles dignes de communier si souvent?
Sans aucun paradoxe, nous pourrions hardiment répondre, iwt}. elles
ne le sont pas, et cependant elles peuvent et doivent communier sans
crainte.
Dignes? mais qui donc est digne de s'approcher de Dieu? (|iii donc,
même parmi les âmes les plus ferventes, peut se proclamer digne le
s'asseoir au divin banquet? le pain de vie, le pain des Anges, le Corps
sacré auquel Dieu n"a préparé une demeure digne de lui (lu'en sancti-
fiant d'une mani»^'re toute exceptionnelle l'âme et le corps (\o la Trè?
Sainte Vierge, ne trouvera ici-bas aucune autre demeure digne de le
recevoir. Les Anges eux-mêmes tremblent devant la sainteté ineffable
du Eoi de Gloire. ,
Quelle est l'âme assez sainte, assez sure de sa pureté, pour se dispenser
avant la communion de cette admirable prière que l'Eglise met sur les
lèvres de ses prêtres: ''Domine non snm dignus." Seigneur. ]e ne suis
pas digne que vous entriez dans ma maison ?
Aussi ce n'est pas le coté de la dignité qui doit surtout attirer notre
attention. Les Jansénistes et les autres rigoristes ont fait fausse route
en s'attachant uniquement à cette considération. _
Du reste, si nous méditons la prière préparatoire a la communion,
nous vovons que l'Eglise nous fait immédiatement ajouter: W fnnnm
die verbvM et sanahitur anima mea," dites seulement une parole et m-n
— 616 —
âme sera giiérie. Sublime prière qui unit si parfaitement la profonde
humilité et la confiance en la miséricorde du Sauveur. En se regardant,
l'âme se trouve indigne, et elle a raison, mais en élevant ses yeux jusqu'à
la bonté et à la tendresse infinie de Celui qui l'appelle, elle rejette se§
craintes, et s'avance avec une sainte confiance. Son humilité attire les
grâces divines, Dieu qui repousse les superbes contemple avec bienveil-
lance les humbles, et c'est sur eux qu'il verse l'abondance de ses dons.
Que cette âme ne craigne donc pas de s'abîmer dans la contemplation de
son indignité, pourvu que cette humilité ne l'éloigné pas et ne détruise
pas en elle la confiance et l'amour.
D'ailleurs ce . n'est nullement comme récompense de la vertu déjà
acquise que Xotre-Seigneur nous a fait connaître son sacrement.
On a remarqué bien souvent que les Saints Pères, et l'Eglise avec eux,
ont tiré leurs enseignements relatifs à la communion du chapitre Vie
de l'Evangile de S. Jean, chapitre dans lequel le divin Maître annonce
à ses disciples l'institution de l'Eucharistie, et dans lequel il insiste avec
une si inconcevable énergie sur la nécessité de manger son Corps et de
boire son Sang.
Or, dans ce chapitre, Xotre-Seigneur compare perpétuellement son
sacrement à la nourriture corporelle. " Je suis le pain de vie . . . vous
vous étonnez qu'avec cinq pains j'ai nourri toute une multitude, je ferai
bien plus ... je suis moi-même le pain descendu du ciel pour vous donner
la vie. . . vos pères ont mangé la manne dans le désert et ils sont morts,
celui qui inangera ma chair et boira mon sang aura la vie en lui, etc."
La sainte communion fait donc pour la vie spirituelle ce que la nour-
riture corporelle fait pour la vie temporelle. De même que sans la
nourriture du corps, suffisamment abondante, et reçue assez souvent, il
est impossible de conserver la vie, de grandir, d'acquérir des forces, de
inême sans la réception de la nourriture divine préparée à la Table sainte,
il est impossible de conserver la vie spirituelle, de grandir dans l'exercice
des vertus, d'acquérir les forces nécessaires aux travaux et aux combats
de la rie spirituelle.
La communion n'est pas la récompense de la vertu, elle est le moyen
de l'acquérir.
La communion n'est pas réservée aux âmes parfaites, elle est le moyen
de parvenir à la perfection.
Pour communier avec fruit, il n'est pas nécessaire d'être exempt de
défauts, au contraire, selon l'enseignement du saint Concile de Trente,
la communion sera elle-mêrao l'antidote qui nous délivre des fautes quo-
tidiennes (cité dans le décret).
Que les âmes humbles qui redoutent de n'être pas dignes de la com-
munion quotidienne se rassurent donc. Qu'elles s'efforcent de croître
on vertu, qu'elles se hâtent de lutter contre leurs défauts, et qu'elles
cherchent tous les moyens de s'en délivrer. Mais qu'elles ne se laissent
pas tromper par l'ennemi, qui ne désire pour le moment que les éloigner
du sacrement de vie, en attendant de les tenter plus violemment, que leur
timidité ne les arrête pas, qu'elles écoutent l'appel si miséricordieux du
Sauveur, et qu'elles excitent leur confiance et leur abandon en son
amour.
'''^#.
J<(* ikCjH>8(>ir, iiii parc Mi>ii(-iv<i\ ni.
Tlie Altar on .Moiint Koval l'urk.
— 6i:
*
Mais, diront d'autres, comment me présenter si souvent à la sainte
Table? Quelle préparation puis-je faire?
J'ai si peu de temps, des préoccupations pressantes absorbent tous
mes moments; à peine m'est-il possible de faire de temps en temps quel-
ques courtes prières, je ne puis pas méditer, prier longuement, comme les
livres de piété que j"ai entre les mains le demandent.
Puis au moment de la communion. Je me trouve si aride, si distrait,
si entraîné par des pensées inutiles ou mauvaises dont je ne réussis pas
à me débarrasser.
Comment oser approcher ainsi de Notre-Seigneur ?
Pour répondre d'une façon satisfaisante à cette objection, il importe
de bien s'entendre, et pour cela de considérer sucessivement plusieurs
questions.
Tout d'abord il est certain que les fruits de la communion, de même
que ceux des autres sacrements, sont mesurés d'une certaine manière par
les dispositions plus ou moins parfaites avec lesquelles on les reçoit;
c'est ce que le Concile de Trente enseignait déjà très clairement en
disant que dans la justification, nous recevons la justice, que le Saint-
Esprit distribue à chacun comme il veut, et selon la disposition et la co-
opération propre de chacun, (secundum propriam cujusque dispositionem
et cooperaiionem (sess. YI, c. 7). C'est ce que le décret ^' Sacra Tri-
dentina Synodus " répète avec une clarté parfaite, art.3 : " Quoique les
sacrements de la nouvelle loi produisent leur effet ex opère operato (par
eux-mêmes), néanmoins cet effet est d'autant plus grand que les dispo-
sitions de ceux qui les reçoivent sont plus parfaites."' Une bonne pré-
paration est donc souverainement désirable, et toute âme vraiment fidèle
devra s'efforcer de se préparer de son mieux.
Toutefois il y a deux choses qu'il ne faut pas perdre de vue.
Premièrement toute communion faite en état de grâce et avec une in-
tention droite sera toujours utile et profitable. Une communion mieux
préparée produirait de plus grands fruits, mais celle-là en produira déjà
de bons et d'utiles. Préparée avec la ferveur d'un T,ouis de Gonzague
ou d'un Stanislas de Kostka, d'une sainte Tbérèso ou d'une Bionheurouse
Marirnerite-Marie, une communion apporterait plus de bénédictions
célestes qu'un nombre considérable de communions faites avec moins de
ferveur, mais ces communions moins parfaites seront bonnes, et les fruits
de salut produits par elles seront déjà abondants.
La communion d'une âme angélique, toute à Dieu, parvenue au plus
haut degré de l'union divine possible ici-lias, sanctifiera l'ame d une
façon sublime, mais les communions d'Ames nu.ins iiarfait.- — -...it
bonnes elles aussi. ^. ,., .,,.,. .1
Ecoutons ce que dit notre décret, art. 3 : " Bien qu il soit res des.rnl.le
!.. . r ' 1, ^i- ,|ii,,tidieniH' ^^'<'>"«
— 618 —
qui ne laisse rien à désirer, " étant donné ce proj^os sincère de l'âme, il
n est pas possible que ceux qui communient chaque jour ne se corrigent;
pas également des péchés véniels, et peu à peu de leur affection à ce^
péchés."' La pratique de communier chaque jour sera donc un excel-
lent moyen de mieux se préparer aux communions suivantes.
Secondement, on aurait tort de vouloir, comme certains auteurs l'ont
fait, exiger de tous les mêmes préparations pour la communion, d'in-
diquer des prières longues, des jeûnes, des pratiques de vertu spéciales,
et de les demander à tous indistinctement. Bien imprudent serait le
confesseur qui, pour permettre à un enfant la communion de chajque
jour, exigerait de lui les mêmes actes de dévotion que d'un homme fait
et déjà rompu aux exercices de la piété, qui demanderait à une ouvrière
épuisée par un travail quotidien et pénible, de longues prières qu'une
dame peu occupée par les soins de sa maison peut faire sans difficulté.
Le décret est formel à ce sujet, art. 4: ' il faut donc veiller à faire
précéder la sainte communion d'une préparation diligente, et à la faire
suivre d'une action de grâces convenable," mais remarquons bien les
mots qui suivent : '" selon les forces, la condition, et les devoirs de
chacun."
Il appartiendra au confesseur d'indiquer lavec discrétion les prépara-
tions convenables, mais celui-ci serait très imprudent s'il exigeait des
actes peu proportionnés aux forces des âmes qu'il dirige, des exercices
que leur condition leur rend trop difficiles ou même impossibles, surtout
s'il demandait des choses qui nuisent à l'accomplissement des devoirs de
chacun.
Enfin, si nous demandons quelles sont les préparations les plus utiles
pour faire des communions fructueuses, nous devrons reconnaître que ce
ne sont pas des prières stéréotypées, des actes déterminés une fois pour
toutes, bien que ces prières puissent être fort utiles. La préparation la
meilleure est la pureté de la vie, l'exercice quotidien des vertus, la cha-
rité, la patience, le fidèle accomplissement des devoirs d'état. La
meilleure préparation est sans contredit la dévotion solide, celle que
saint Thomas (2.2ae, q. 82, a. I), définit une volonté prompte à se livrer
aux choses qui regardent le service de Dieu, {unde devoiio nihil aliud
esse videtur, quant voluntas quaedam prompte tradendi se ad ea quae
pertinent ad Dei famulatum) ; cette dévotion vraiment solide est bien
évidemment ce qui dispose le mieux à profiter de la communion.
Or, cette dévotion solide, ce dévouement au service divin, peut parfai-
tement coexister avec les aridités, les distractions involontaires, les
sécheresses qui désolent tant d'âmes de bonne volonté, et que même le
Seigneur n'a pas l'habitude d'épargner aux âmes généreuses.
Quand une personne fait tous ses efforts pour plaire à Dieu, lui con-
sacrer toutes ses pensées, lui être fidèle en toutes les actions de sa vie, il
est bien évident qu'elle a cette promptitude de dévouement, qui est la
caractéristique de la véritable dévotion ; et si cette personne est em-
pochée par ses occupations nécessaires de donner à la prière autant de
temps qu'elle le voudrait, serait-ce une raison de l'écarter de la sainte
Table?
Xest-il pas bien clair que Xotre-Seigneur aimera à la recevoir à son
banquet, et qu'il aura pour elle des faveurs et des grâces très abon-
dantes?
— 619 —
Une ouvrière, une personne très occupée, qui chaque jour se lève de
bonne heure, fait peut-être une longue marche pour venir à l'église
quelque temps qu'il fasse, et qui ensuite, clans le cours de la journée,
s'efforce de vivre unie à Dieu, et de pratiquer généreusement Ici; sacri-
fices imposés par le fidèle accomplissement de ses devoirs détat, a très
évidemment une bonne et excellente préparation à la communion quoti-
dienne, et ce serait une cruauté tout à fait opposée à l'esprit de l'Eglise,
que de la repousser et de lui mesurer parcimonieusement les communions
permises, sous prétexte qu'elle ne consacre pas une heure ou au moins
une demi-heure chaque jour à la méditation.
Ouvrons au contraire largement l'accès du banquet divin à ces âme§
de bonne volonté, encourageons-les, soutenons-les, ne les laissons pas
s'abandonner à la timidité et à la crainte.
La divine vertu du sacrement suppléera surabondamment à toutes les
préparations exigées par certains auteurs, et ces âmes déjà vraiment
bonnes se sanctifieront de plus en plus.
Conclusion
Pour conclure en quelques mots, il nous semble que nous pouvons
dire :
1. — Plus de catégories entendues dans le sens ancien.. Toute per-
sonne de bonne volonté doit être admise à la sainte Table, et, pourvu
qu'elle y apporte l'état de grâce et une intention droite, elle ne pourra
pas manquer de retirer des fruits abondants de ses communions.
2. — Le prêtre doit faciliter l'accès de la communion.
3. — Les curés, confesseurs, prédicateurs, doivent exhorter les fidèles
à une fréquentation de plus en plus grande. Sans violenter la liberté,
ils doivent exciter le désir de la communion, rassurer les âmes inquiètes,
encourager les faibles, soutenir les âmes ferventes.
4. — La communion au moins mensnello. faite régulièrement à des
dates déterminées, sera souverainement utile pour retirer les pécheurs de
l'habitude du péché, il faut toujours chercher à l'obtenir, comme un
minimum.
5. — Xa communion hebdomadaire sera toujours à conseiller, comme
une moyenne générale.
6. — La communion quotidienne est non seulement permise â toutes
les âmes de bonne volonté, mais on doit la conseiller, et il sera toujours
bon de chercher à l'obtenir.
7. — Pas de rède absolue, on ne doit pas dire: pour telle catégorie la
communion de tous les huit jours, pour telle autre trois ou quatre fois
par semaine. On ne voit pas sur quel principe on pourrait se fonder
pour exiger l'abstention au moins une fois ou deux par semaine, m pour-
quoi aux'^personnes pieuses on interdirait la communion à certains jours,
V. g. le jour de la confession.
Exciter le désir et laisser une très grande liberté, telle paraît être la
règle de conduite la plus prudente.
— 620
Fidèles à la voix de Celui qui a dit: " Ve7iite ad me omnes. . . et ego
re/iciam vos," soyons bien convaincus que plus nous amènerons les âmes
au divin banquet, et plus aussi nous aurons efficacement travaillé à leur
en nrifi fi r>fi ii r>n
sanctification
Le R. P. Foiicher, des Olercs de St-Viateur, traite ensuite
dfe r "Apostolat pratique de la Communion fréquente pour le
prêtre ".
L'APOSTOLAT PRATIQUE DU PRETRE
" Le décret " i)acra Tridentina Synodus " est un acte législatif auquel
" les évêques, les curés et les confesseurs sont tenus de se soumettre et de
" se conformer entièrement dans la direction des âmes. Le décret re-
'* connaît des droits, impose des devoirs : droits du côté des fidèles, de-
" voirs du côté des curés, des prédicateurs et des confesseurs/' écrivait
Mgr de Joliette dans une circulaire à son clergé.
Il n'est plus d'hésitation, ni de discussion possible. Pasteurs et fidèles
sont pressés de répondre aux désirs dont brûlait le Cœur de Jésus dans
l'institution du Sacrement d'amour, à la doctrine et à la pratique cons-
tante de l'Eglise, à la volonté expresse de son Chef Suprême. S'écarter
de cette voie, c'est l'ignorance et la mort; la suivre fidèlement, c'est la
résurrection et la vie pleine et parfaite, parce que c'est la participation
à la vie divine elle-même.
La parole qu'il dit un jour à ses apôtres, le Maître et Seigneur ne
cesse de la redire à ses prêtres, toujours pour les mêmes pressantes rai-
sons "Date illis vos manducare " (Matth. 14-16. Marc 6. 37. Luc 9. 13).
Par quels moyens pratiques, la tribu sacerdotale enflammée du zèle
de la gloire divine et du bien des âmes obéira-t-elle au commandement
de J. C, à l'ordre formel du Souverain Pontife, lui enjoignant de con-
duire les âmes à la coinniunion fréquente et quotidienne ?
Nous inspirant de l'instruction aux membres de la " Ligue Sacerdo-
" taie ï^ucharistique, et guidés par les exemples de ces hommes doctes
" et pieux qui permirent plus facilement la pratique si salutaire et si
"agréable à Dieu de la Communion fréquente et quotidienne, et qui
" surent enseigner d'après l'autorité des Pères, la vraie doctrine de
'•' riîglise " tels Mgr de Ségur, le Vén. P. Eymard, le Vén. Dom Bosco,
le Bx Curé d'Ars et, dans notre pays, leur pieux émule, le E. P. Cyrille
Beaudry, nous croyons pouvoir indiquer comme moyens pratiques d'ob-
tenir cette fin divine de notre ministère sacré: l'étude, la parole, le dé-
vouement, les œuvres, la prière.
— 621 —
1" I. Etude.
Il est essentiel que le prêtre acquière une notion exacte, et de jour en
jour plus nette et plus claire, de la doctrine de l'Eglise sur tout le dogme
eucharistique: Sacrement, Sacrifice, Communion et Culte, et très spé-
cialement sur la communion fréquente et quotidienne et sur les règles
établies pour l'encourager et la faciliter.
Quel champ vaste et riche s'offre ici aux recherches à la fois les plus
attrayantes et les plus sanctifiantes ! Décisions des Conciles, décrets de5
Souverains Pontifes, enseignements des théologiens, écrits des Pères,
pratiques des Saints, le tout étudié à la lumière des actes pontifîcaui les
plus récents et des commentaires autorisés qui les expliquent.
Dans l'éblouissante clarté qui jaillit de ce foyer, le prêtre se sentira
rempli d'un zèle ardent pour se débarrasser, s'il en était besoin, des fu-
nestes préjugés, restes pestilentiels d'une éducation janséniste qui entra-
vent et gênent son ministère, et pour instruire ensuite les fidèles et le^
convier à la Table Sainte.
En parlant de la nécessité de l'étude de l'Eucharistie pour former et
soutenir l'apostolat d'Eucharistie, serait-ce dépasser la question actuelle
que de se demander si dans le séminaire, l'école de la formation sacer-
dotale qui contient en germe l'apostolat futur " spes messis in semine,
l'enseignement eucharistique, la formation théorique et pratique au
point de vue eucharistique s'inspirent sérieusement et universellemeni
du décret " Sacra Tridentina Sydonvs " et de ceux qui l'expliquent et le
complètent ?
A notre humble point de vue, cette direction eucharistique, donnée
à la formation sacerdotale, est de primordiale importance.
Le séminariste qui n'a pas étudié l'Eucharistie, qui n'a pas pratiqué
la communion quotidienne sera difficilement un prêtre apôtre de la
communion quotidienne, comme J.-C, l'Eglise et le Pape veulent que
soit tout prêtre.
Mais si, reçue au séminaire, la science de l'Eucharistie viviliée jtar la
pratique de la communion quotidienne, est soutenue dans le ministère
par l'étude, " cette étude augmentera la foi du prêtre en l'effieacité du
'• Sacrement, et lui rappellera que les âmes sont sanctifiées, non par
" des exhortations ou des conseils, mais par le Christ avce lecpiel il les
" met en contact. C'est la raison pour laquelle un prêtre de vertu nié-
" diocre mais généreux dispensateur du don divin, contriljuera plus au
" progrès des âmes, qu'un autre plus parfait, mais avare du Pain di
" vie," ainsi parlait le K. P. Lentelo au Congrès do Met/..
2° La Parole.
Le prêtre qui connaît l'Eucharistie, la fera connaître et aimer. " Le
" prêtre, dit le P. P. Tesnière de la Congrégation du 1 . S-Saoremont.
"a le devoir d'annoncer, de publier la eonununion, afin de fa-r»; c^m-
"naître au peuple, et d'exciter dans les âmes le besoin, le dt^ir. lapiH-
"tit du Pain divin." Tl ne le saurait trop faire. Sa par..].. • ra
donc la communion en chaire. Elle l'enseignera dans -^ ..•.'■
— 623 —
Elle y conduira les âmes dans ses avis au confessionnal et dans ses di-
rections spirituelles.
L'instruction aux membres de la Ligue Sacerdotale enjoint aux curés
et aux prêtres ayant charge d'âmes de se mettre sans retard à l'œuvre
pour expliquer au peuple ce qu'est l'Eucharistie : " Quomodo audient
sine praedicante f '■" Eom. X. l4. " Tout ce qui se peut dire de la puis-
" sance admirable et des fruits du sacrement, il n'est en vérité aucune
" classe de fidèles à qui la comiaissance n'en soit très accessible en même
" temps que très nécessaire."
" Car si l'on veut que les fidèles apprécient la valeur de l'Eucharistie
" (et c'est là le but à atteindre), il faut faire connaître toutes les belles
" choses qui lui ont été si abondamment dites. D'ailleurs, comme on
" ne pourra jamais en un seul discours exposer ses immenses ressources
" et ses fruits sans nombre, il faut en parler souvent, en découvrir suc-
" cessivement quelque partie, afin de révéler aux âmes quelle plénitude
" de tous les biens est contenue dans ses sacrés mystères." Catéchisme
lîoniain, Ch. lY, quest. 44 et 45.
La prédication doit atteindre ce but de convaincre les fidèles, et de les
convaincre pratiquement, que communier, et communier chaque jour,
est l'acte divia mais nécessaire du chrétien qui veut vivre Burnaturelle-
ment, car " si nous ne mangeons la chair du Fils de l'homme et si nous
ne buvons son sang, nous n'aurons pas la vie en nous." S. Jean, Ch. VI.
Le Pain eucharistique est un besoin. Faisons-le comprendre au
peuple. (^u'il sache que ce n'est pas l'aliment rare destiné au banquet
des grandes fêtes, dit le P. Tesnière. C'est le pain domestique, c'est la
nourriture quotidienne, " il est pour le besoin journalier, besoin de res
" tauration, liesoin de conservation, besoin d'action, besoin de fécondité
" spirituelle, besoin de progrès constant, jusqu'à la perfection et à la
" plénitude de la vie éternelle." Le prêtre prêchera donc l'Eucharistie.
Il la prêchera souvent, fréquenter.
Il la prêchera avec soin, multo studio.
Il la prêchera à tous, " Omnibus Christi fideîibus cujusvis ordinis aut
conditionis." S'efforçant de dissiper les objections et les préjugés les plus
répandus, mettant en garde contre trop de livres de piété qui restent
corrompus du vieux levain rejeté par le Décret libérateur, et surtout en
donnant une notion bien jus^te des conditions, les seules rigoureusement
requises (ou requises en cïroit), même pour la communion quotidienne,
savoir, l'état de grâce ou l'exemption du péché mortel et l'intention
droite et pure.
Et si après y avoir mis tout son zèle, le prêtre a la consolation de voir
la grâce bénir ses effort', et ses fidèles venir en foule et assidûment à la
Sainte Table, il se gardera bien de croire que tout est gagné. Mais
plutôt, il é'outera et suivra cet avis formel donné aux membres de "La
Ligue Sacerdotale Eucharistique " dans le Xlle Statut :
" L'usage de la communion quotidienne étant ainsi inauguré dans une
paroisse, les curés s'efforceront de l'enraciner de plus en plus, en adres-
sant souvent, très souvent, au peuple assemblé pour la Sainte Messe,
des exhortations courtes mais très pressantes pour inviter les assistants
à participer à la divine Victime.
— 623 —
A la prédication plus solennelle, le prêtre qui veut amener les âmes
à la communion, devra joindr^^ rtn-eignement plus simple et souvent
plus efficace, du catéchisme. Qu'il s'agisse du catéiliisnie de persé-
vérance ou du catéchisme préparatoire à la réception des sacrements,
tout convergera vers l'Eucliaristie, tout devra y ramener Tesprit et le
cœur, à l'aiJe de comparaisons, par de^ citations bien choisies et par
des exemples attrayant^, toujours si goûtés quand il s'agit de l'Eucha-
ristie, il provoquera chez tous le désir de la Table Sainte. L'effort du
prêtre dans ses catéchismes doit développer jusqu'à son plein épanouisse-
ment le sens clirétien qui devient le sens eucharisticiue.
Est-il besoin de le dire ici, c'est la plus tendre enfance qu'il faut
ainsi élever à l'Eucharistie. Le récent décret du 8 août dernier sur
l'obligation de faire communie" les enfants dès l'âge de raison l'ordonne
formellement, et plus l'heure de la première communion ajtproclie.
mieux doit s'affirmer cette préoccupation.
En effet, la première communion est un moment propice entre tous
pour former l'âme à la pratique de la communion. Loin de conserver la
coutume étrange de retarder à un mois, ni même à un jour détenniné,
le même ])our tous, (et de quel droit peut-on bien agir ainsi?) le prêtre
conviera sans retard ses premiers communiants à la communion fré-
quente et quotidienne. Le prêtre mettra dans ces âmes fraîches et
pures, comme sur les fleurs descend la rosée du ciel, la Divine Hostie qui
les fera s'épanouir dans la force et l'éclat des solides vertus chrétiennes.
Elles en concevront comme utu^ sainte avidité qui deviendra le besoin
de leur vie, source chi plus vrai bonheur temporel, et gage de l'étemelle
félicité.
Ce premier apostolat poursuivra son action salutaire auprès des en-
fants qui continuent à fréjmnter les écoles; il trouvera dans les maî-
tres et les maîtresses assez généralement des auxiliaires faciles à con-
vaincre et auprès d'eux il tentera de réaliser le conseil que Mgr l'Evê^iue
de Namur donnait à des instituteurs dans une séance du congrès de
Met<: "Conduisez, leur disait-il, vos enfants au Sauveur qui les ap-
" pelle, conduisez-les à la Table Sainte. Oui, Messieurs, allez de l'avant
"par le bon exemple particulièrement puissant quand il vient de vous
" et vous préparez une grande joie au Sauveur."
Tl appellera donc les écoliers à la communion fré(|uento et même ijuc»-
tidienne. par son dévouement il suppléera à la faiblesse, à l'inconstance,
à la débilité du jeune âge et jamais mieux son zèle ne se manifestera
qu'aux jours dangereux des vacances; c'est alors surtout qu'il disputera
en quelque sorte l'âme à elle-même pour la livrer, et le plus snuvent
possible, au contact purifiant et fortifiant du Sacrement qui fait les
vaillants et les forts.
Agir ainsi, c'est à la lettre mettre en pratique le Statut Xlll^de
"La'^Ligne Sacerdotalo Eucharistique" érigée en .Vnhi-.Vssociation Tn-
maria, et qui se lit ainsi :
"Tls auront un soin tout spécial de faire naître un vif désir de la
communion quotidienn- dans les creurs purs et dépourvus .le yainw
craintes des enfants quan.l ils les préparent à la 1ère eommuninii. t^i •!«
veillent à leur faire faire cette 1ère conmiunion dès qu ils on «ont ca-
pables, et à la leur faire renouveler si possible, tous les jours.
— 624 —
" Cette première éducation eucharistique sera continuée avec zèle dans
" l'enfant devenu jeune homme ou jeune fille de 13 à 20 ans. Heure
" criti(|ue de la vie, convbat redoutable qui demande les meilleures armes.
" L'Hostie reçue souvent peut seule vaincre la redoutable coalition des
" puissances mauvaises, elle est la lumière pour l'esprit qui vient à elle
" avec simplicité ; elle est la force pour le cœur qui lui confie l'éveil de
" ses passions."
" Communiez souvent, disait l'apôtre le plus ardent et le plus théo-
logien du XIXe siècle, c'est là le préservatif par excellence."
" Il est acquis que partout où le prêtre s'est efforcé de recommander
la communion fréquente, il a trouvé des jeunes âmes assez généreuses
pour lui obéir.'' (Timon David). Ces habitués de la Table Sainte de-
venus chefs de famille resteront fidèles à demander le pain quotidien
si le zèle sacerdotal sait entretenir en leur âme la faim de cette Manne
céleste.
Le travail dont nous venons de parler est un travail d'ensemble, un
apostolat en masse. Le prêtre qui veut sincèrement pour son peuple les
biens inestimables que lui assure la communion fréquente et quotidienne
ne s'en tiendra pas là.
C'est auprès de chaque âme en particulier qu'il doit poursuivre son
travail, et selon les aptitudes et les dispositions de chacune d'elles que,
au confessionnal, devra s'exercer son ministère divin. " Ministère obscur,
" dit le P. Tesnière, (Somme de la Préd. Euch. Tome III p. 576) mono-
" tone, fatigant et pénible, qui absorbe de longues heures, prive de beau-
" coup de plaisirs permis, même des saines joies du travail de cabinet ;
" mais si nécessaire, que tout pasteur qui le néglige ou ne s'y prête que
"trop parcimonieusement, doit renoncer à voir fleurir dans sa paroisse
" la céleste végétation de la communion."
Dans ce ministère de la confession, le zèle du prêtre, prudent toujours,
dirigé par l'étude, mais ardent aussi et toujours en activité, éclairera les
âmes, redressera les vues, dissipera les obstacles, ruinera les objections,
et discrètement, par degré, les amènera à la communion de plus en plus
fréquente, heureux, pour les encourager, de leur signaler les progrès
réalisés, ou tout au moins les imperfections corrigées, ou les fautes évi-
tées.
L'apôtre de la communion sera donc au confessionnal un directeur
pieux et instruit, condescendant et bon, certain de trouver dans la con-
fession fréquente peut-être le plus puissant moyen de faire naître, sur-
tout dans les âmes jeunes, l'appétit eucharistique.
Il se souviendra qu'il n'a pas à régler le nombre de communions que
pourra faire le pénitent. Car le régime nomial et régulier qu'il doit
proposer à tous, et aura à cœur d'établir: c'est la communion quoti-
diene. En effet, le décret " Sacra Tridentina " lui enjoint de la pro-
voquer comn^e il lui interdit de la refuser à quiconque v apporte les
seules dispositions exigée-;.
Ainsi que s'exprime le 1'. Lintelo "Agir autrement, ce serait de la
part du confesseur, faire injure à l'Eglise qui le délègue, et au pénitent
qui a droit à l'Eucharistie." Et il convient de rappeler cette grave pa-
role du cardinal Gennari : "Ce n'est pas une petite injustice wie de
priver un pénitent, même une fois, sans de justes et graves motifs, des
biens que la communion procure." (De la communion fréquente, p. 28).
o
G25
3° Dévouement.
Foyer de lumière dans l'âme sacerdotale, la science eucharistique doit
la rendre capable de tous les dévouements. En vain le prêtre prêchera-
t-il la communion par tous les moyens en son pouvoir, si par son assi-
duité, généreuse au confessionnal et par sa hieyiveillance à distribuer la
Sainte Communion, il n'est pas empressé au service des fidèles. Tous
ses beaux enseignements sont perdus et son ministère de la parole est
à peu près rendu stérile.
Sans doute, le prêtre dans une paroisse, ou dans une communauté, doic
avoir, pour entendre les confessions, des heures réglementaires auxquelles
le premier il doit être scrupuleusement fidèle. Mais je l'ose dire: ce
n'est pas assez, non, ce n'est pas assez. Et si peut-être, il faut gémir
sur les fruits insuffisants des dernières directions pontificales, si les
derniers décrets, dans lesquels on croit entendre la plainte du Cœur
même de Jésus " Desiderio desideravi," n'ont pas encore reçu de la part
des fidèles la sérieuse application qu'ils méritent, hélas ! parfois le prêtre
ne pourrait-il pas s'en faire le reproche?
Le ]H'être, au prix de son propre repos, au prix même de réels sacri-
fices, se souviendra que, ministre de Dieu, il est à l'exemple de soii
divin Maître, non pour être servi, mais pour servir. En con?é<)uenoo,
s'il veut amener à la communion, il faut que les fidèles sachent pratique-
ment qu'ils ont toutes les facilités pour les confessions, que, en tout
temps il est heureux de répondre à leur appel, et comme pour le bon
service religieux il sera nécessaire, nous l'avons dit, de fixer dos heures
réglementaires, ces heures, est-il besoin d'y insister, seront à la conve-
nance des pénitents au moins autant qu'à celle du confesseur.
L'apôtre de la communion ne sera pas de ces prêtres rigides, intrai-
tables qui ne savent pas se déranger en dehors do certaine-; heures. I!
agira mieux, se souvenant qu'il remplace J.-C. parmi les hcmmes, ses
frères, il le fera revivre par sa condescendance, sa bonté, sa charité.
Il n'est pas hors de propcs de faire ici une remarque inijortante. Le
prêtre doit travailler à rendre plus rares les confessions qui no sont pas
nécessaires. Antoni. dans une brochure honorée d'une recommandation
du Souverain Pontife, dit: (Brochure, Pourquoi tant de vaincs craintes
éloignent-elles de la communion fréquente et quotidienne, p. 2î)) Ap-
" prenons aux âmes à communier sans crainte et avec joie les purs ou
"elles le peuvent, pondant dos semaines et des mois mémo, s il en est he-
"soin, sans se confesser, quand elles ne sont pas certaines d avoir péché
"mortellement depuis la dernière confession.» Ce qui revient a .hro
comme 1'
l'explique le Père Lintelo. " qu'on no sacrifie pas une ^o-;:;"' "^^^^
parce qu'on a dû omettre une confession do puro 'l^'^oiion. C est qiie
la confession ne devienne pas une barnèro pour la .ommunion. ( les
devoirs des confesseurs." p. 20).
Tl serait t"os bien de conseiller à ceux dos pénitents ^^^;;^^^
plus fréquemment de choisir, pour leur <onfession. un ]our m. une luure
où le confessionnal est plu^ libre.
— 626 —
" Ce qui importe le ])lus en cette matière, c'est d'extirper ce préjugé
"anticatholique qui (id. p. 21) sous prétexte de sainteté plus grande,
" exalte la confession aux dépens de la communion, nous fatigue de scru-
'* pules, nous fausse la conscience et plaît infiniment au diable en nous
" tenant respectueusement éloignés de l'adorable Eucharistie qui est le
" foyer vivant de la sainteté."
Enfin, tous ces moyens doivent trouver une expression pratique dans
le pieux empressement que mettra le prêtre à distribuer la Sainte Com-
munion autant et aussi souvent qu'il en sera requis, avant, pendant et
après la messe.
Au besoin même, son zèle devra prévenir les désirs et il saura, surtout
dans les concours, offrir la Sainte Communion aux heures les plus favo-
rables aux fidèles.
Le devoir donc du prêtre est de se montrer facile à donner la com-
munion aux fidèles qui la demandent.
" Encore que, normalement, la communion doive se faire pendant le
" Saint Sacrifice, après les saintes prières préparatoires de la liturgie,
" dans une participation immédiate à la victime offerte et consacrée,
" cependant il n'y a aucune loi qui défende de la donner en dehors de la
"messe; et la coutume de l'Eglise de Eome est de la donner avant et
" après aux fidèles qui se présentent pour la recevoir. Sans doute, un
" pasteur avisé veillera à ne point favoriser chez des personnes de loisir
" une habitude qui tendrait à supprimer toute préparation prochaine de
" prière avant la communion et qui les ferait même toml^er dans l'irré-
" vérence, si elles accouraient à la Sainte Table dès leur entrée dans
" l'église.
" Mais pour combien de personnes qui ne peuvent disposer que d'une
" demi-heure, ou qui ne sont pas libres à l'heure de l'unique messe, ou-
" vrières, domestiques, mères de famille, femmes en possession de maris
" exigeants, hommes d'affaires, jeunes gens des écoles, ouvriers des ate-
" liers, soldats échappant à la caserne après les exercices du matin, la
" condescendance à les communier en dehors de la messe, leur permettra-
" t-elle de recevoir le Pain divin dont elles ont saintement faim, et
" qu'elles viennent chercher avec d'autant plus de mérite, qu'il leur est
"pins difficile de le faire."
" Plus le prêtre se montrera bienveillant et empressé à distribuer les
"trésors divins dont il a la garde, plus il sera selon le Cœur de son
" Maître, ouvrant les bras à la Cène, offrant l'Eucharistie à tous et di-
" sant : Prenez et mangez-en tous. Le prêtre est le ministre de Jésus. Il
"est le canal de cette source unique : qu'il écoule largement ses eaux
" vives. Il est le dispensateur des dons divins : qu'il ne s'en montre pas
" le retenteur. Il n'est pas de plus beau geste sur la terre que celui du
" prêtre, frère et père des hommes selon l'esprit, élevant à leurs yeux le
" Pain de vie, l'offrant généreusement et allègrement à ses frères et à ses
"enfants, en leur disant: Que le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ
"garde vos âmes pour la vie éternelle. Il est alors le fover de la vraie
" lumière, le principe de la vie dans les âmes, le lien do la paix dans le
" monde, le promoteur de la vie éternelle, le Christ Rédempteur lui-
" même, un Dieu qui fait des dieux: Ipse Deus deos faciens." (P. Tes-
nière, S. S. S.)
— 627 —
4° Œuvres.
Cette action directe du prêtre par la parole et le dévouement à pro-
mouvoir la communion fréquente et quotidienne sera soutenue par des
œuvres dont la bienfaisante germination dans une paroisse assurera l"é-
closion des fruits eucharistiques les plus merveilleux. Ces œuvres di-
verses qui sont comme autant de pieuses industries par lesquelles le
prêtre amènera les fidèles à la commtmion, doivent recevoir de lui une
direction unique; il faut que toutes encouragent à l'Eucharistie, comme
dans le temple catholique tout converge vers l'Hostie du tabernacle, tout
existe pour elle, la sert et l'honore.
L'apôtre de la communion s'efforcera :
1° De promouvoir l'assistance à la Sainte Messe; ce sera même le
premier pas à faire. Inutile d'espérer la communion fréquente et régu-
lière dans le peuple, si le peuple n'a pas la pieuse habitude d'entendre-
la Sainte Messe. C'est ce que les statuts de la Ligue Sacerdotale rap-
pellent en ces termes : '' Comme il n'est pas possible de propager le pieux
usage de la communion quotidienne là ovi l'on n'a pas d'abord propagé
celui d'aile:- chaque jour à la messe, ils exhorteront vivement et fré-
quemment le peuple à aï^sister chaque jour au sacrifice non sanglant."
2° Il suscitera la dévotion au Sacré-Coeur de Jésus qui ne fait ([u'une
avec la dévotion du T. S.-Sacrement; qui aime le Sacré-Cœur de Xotre-
Seigneur sera comme irrésistiblement entraîné à la communion aussi
fréquente que possible. Et cette dévotion au Sacré-Cœur, elle sera en-
tretenue et vivifiée par les congrégations diverses <jui ont pour but de
la cultiver: Apostolat de la prière, Garde d'Honneur, Ligue du S.-C. etc.
3° Toujours avec l'approbation de l'ordinaire, quand elle est requise,
il multipliera les exercices du culte eucharistique: expositions, heures
d'adoration, prière du soir en commun à l'église ; mais par-dessus tout,
obéissant à la volonté du Souverain Pontife (|ui a rencontré clu-z l.nis nos
Evêques une si pieuse et si prompte adhésion, il célébrera annuellement,
avec toute la pompe possible, les Triduuras eucharistiques.
4° Il entretiendra, avec un soin jaloux, dans le plus parfait état d î
propreté et ornera l'autel où réside le T. S.-Sacrement, ainsi il fera vivre
et parler le tabernacle qui sera vraiment la demeuiv du Dieu vivant.
Croire que ces détails sont indifférents pour le but qui nous préoccupe,
serait ne pas connaître le rôle puissant du culte extérieur sur les senti-
ments de l'âme humaine.
5° Il organisera une confrérie paroissiale du T. S.-S. à laquelle A
assurera les précieux avantages spirituels de l'affiliation à 1 "a rchi confré-
rie canoniquement érigée en l'église St-Claude de Kome. ('est la voie
toute préparée à la pratique éminemment salutaire de 1 adoration diurne,
par laquelle il crée comme un lover ].lus intense de la vie eucharistique
qui répandra sur toute sa paroisse la surnaturelle et toute vivihante in-
fluence de ses exemples et des grâces qu'elle méntera. Los faits les p us
consolants ont prouvé la merveilleuse efficacité de ce moven d ap..st(.Ia;
eucharistique. ■ , -, , • „^..,
Les autres confréries pieuses déj<à organisées dans la paroisse, pour
mieux et plus sûrement poursuivre leur propre fin. entre les mains de
— 628 —
leur directeur deviendront autant d'agents de propagande de la com-
munion fréquente et quotidienne pour leurs membres, et pour tous ceux
sur qui s'exerce leur autorité.
6° Il travaillera à la propagande et à la diffusion d'une presse eucha-
ristique: livres, revues, bulletins, opuscules, feuillets, images, en y met-
tant la discrétion que commandent la différence des classes, le degré de
culture, s'efîorçant toutefois d'atteindre jusqu'aux plus jeunes enfants,
ne serait-ce que par le don d'une médaille eucharistique. Imitant en
cela Pie IX distribuant de sa main aux prédicateurs du carême, l'opus-
cule de Mgr de Ségur " la communion."
Entin, pour réunir en faisceau toutes ces énergies, pour prémunir le
zèle des plus fervents, contre le danger toujours possible de l'inconstance,
et pour s'assurer par les grâces et les précieux avantages spirituels
qu'elle procure à ses membres, une plus grande efficacité de ministère,
le prêtre qui veut être l'apôtre de la communion, n'aura rien de plus à
cœur que de devenir membre de ''La Ligue Sacerdotale Eucharistique '
dont le but est de travailler à promouvoir dans le peuple chrétien l'usage
de la communion fréquente et quotidienne, fart. III) " par l'apostolat
de la prière,de la parole et de la presse." (Art. IV des statuts).
Dans une circulaire à son clergé (Vol. II, ISTo 5-10 fév. 1909) Mgr
l'Evêque de Joliette en parle en ces termes : '' Cette œuvre s'adresse
" exclusivement au clergé et forme pour ainsi dire, comme un complé-
"ment de l'Association des Prêtres- Adorateurs sur laquelle, du reste,
" elle est greffée, tout en restant complètement distincte; car si l'Associa-
" tion a pour but direct la sanctification du prêtre par l'Eucharistie
"mieux adorée et mieux servie, l'œuvre dont nous parlons poursuit la
" sanctification des fidèles par l'Eucharistie plus fréquemment reçue."
5° Prière.
Quand il aura ainsi fait tous ses efforts, quand il aura mis tout son
dévouement, quand il se sera donné, dépensé pour satisfaire dans toute
la mesure de son pouvoir le désir du Cœur de Jésus " qui a une soif
ardente d'être honoré dans le Sacrement de son amour," qu'il se sou-
vienne encore, lui, l'homme de la prière que tout ce noble zèle serait
peu de chose, s'il n'était vivifié par l'esprit de prière. " Nisi Dominus
aedificaverit domum, in vanum lahoraverunt qui aedificant eam."
ISTon, le prêtre ne peut rien pour la gloire de Dieu, il ne peut rien pour
le bien des âmes sans la grâce de Dieu " Sine me nihil potestis facere."
Le prêtre, nouvel orante, unira sans cesse sa prière à la prière du Sou-
verain Médiateur.
Dans sa lettre an clergé à l'occasion du 50e anniversaire de son sacer-
doce, ]Sr. S. P. le Pape nous rappelle et la nécessité et l'efficacité de ce
moyen d'action :
" Considérons, dit-il, comme certain et bien établi que le prêtre pour
" tenir dignement son rang et remplir son devoir doit se consacrer avant
" tout à la prière. Le prêtre, en effet, plus que tout autre, doit obéir
" au précepte du Christ : " Il faut toujours prier " (Luc. XVIII, I) pré-
" cepte que S. Paul recommande très instamment: "Persévérez dans la
— 629 —
"'prière, apportez de la vigilance avec des actions de grâces."" (Coloss
lV-2) ; " Priez sans cesse.'' (I. Thess. V, 17).
Le prêtre priera pour son peuple, et il priera avec son peuple, ei du
Cœur de Jésus, " source de vie et de sainteté " — - dont la plénitude
se répand sur nous ", descendront sur le pasteur et sur le troupeau, Tin-
telligence des dons divins et l'esprit de charité par lesquels saintement
aifamés de vie et de justice, tous sentiront l'irrésistible faim du Pain de
vie: les prêtres pour s'en nourrir et le donner aux autres, "ut sumant
et dent coeteris/' les fidèles pour le demander et en être rassasiés, " ci-
bavit illos ex adipe frnmenti et de petra melle saturavit eos," pour qu'il
soit aux uns et aux autres le gage de la gloire future " futurae gloriae
nohis pignus datur."
Pour réaliser plus parfaitement le désir du Cœur de Jésus, pour mieux
répondre aux directions de Notre Mère, la Sainte Eglise et conformé-
ment à cette parole du vénéré Pontife qu'on se plaît à appeler le Pape
de l'Eucharistie, prononcée le 2 juin 19U5, en clôturant le Congrès Eu-
charistique de Eome : " Je vous prie et je vous conjure tous de recom-
" mander aux fidèles de s'approcher du divin Sacrement. Et je m'a-
" dresse spécialement à vous, mes chers fils dans le Sacerdoce, atin que
" Jésus le trésor du Paradis et le bien suprême de l'humanité ne soit plus
" abandonné d'une manière aussi injurieuse et aussi ingrate," le trop
pauvre rapporteur a l'honneur de soumettre les vœux suivants:
Voeux :
1° Que la section sacerdotale du XXIe Congrès Eucharistique Inter-
national réitère le voeu exprimé par la section du XV II le Congrès, que,
confiants en la parole liberalrice du Vicaire de J.-C. tous le.s pasteurs
des âmes orientent résolument leur ministère eucharistique dans le sens
de la salutaire piatique de la communion fréquente et quotidienne, et
fassent tendre toute leur action pastorale vers V accomplissement toujotirs
plus entier de ce désir de J.-C. et de l'Eglise.
2° Que, eu vue de soutenir el de sanctifier leur zèle dans la propa-
gation de la communion fréquente et quotidienne, tous les prêtres dans
l'exercirc du suint Ministère fassent partie de " La Ligue Sacer'hihilr
Eucharistique."
*
*
Ce rapport attire à son auteur les (•lojrcs <l.' .Mj,n- le
Président, soulijinés par les applaudissciiicnts (!«' l'auditoire
qui en ratifie les vœux.
— 630 —
Puis la parole est offerte au E. P. Galtier, S.iS.S., secrétaire,
pour présenter un travail sur :
LA VRAIE PORTEE DOCTRINALE ET DISCI-
PLINAIRE
Du décret sur la communion quotidienne.
Depuis qu'est paru, en déc. 1905, le célèbre Décret " SACEA TKI-
DENTINA SYISTODUS " sur la Communion fréquente et quotidienne,
bien des esprits se sont demandé et se demandent encore, quelle est
la vraie portée pratique de cet acte pontifical et quelle attitude il
convient de prendre à son endroit. Ce décret introduit-il un change-
ment dans la discipline actuelle, et faut-il que chaque prêtre se fasse
désormais, en toute occasion, l'apôtre de la Communion fréquente et
quotidie'ine ? N'est-ce pas plutôt un document théorique, une affirma-
tion de principes, l'expression d'un désir du Pape actuel, un rappel très
opportun de l'idéal de l'Eglise au sujet de la Communion; mais sans
caractère vraiment pratique, sans lien direct avec sa réalisation immé-
diate ?
Ainsi l'ont pensé et l'ont dit certains prêtres à qui, du reste, ne man-
quaient ni la science, ni la piété. (1) A les entendre, le Pape n'a point
prétendu définir un point de théologie pastorale, ni imposer une nou-
velle orientation à l'enseignement de la morale et à la pratique du minis-
tère sacerdotal; il n'a pas voulu bouleverser des habitudes séculaires.
Son intention n'est pas de pousser à la communion fréquente et quoti-
dienne tous les chrétiens qui déjà ont la pratique de communier plus ou
moins souvent. Et, quant à ceux qui ont voulu s'autoriser du document
pontifical pour se faire les apôtres zélés de la Communion fréquente et
quotidienne, ils ont passé, aux yeux de ces sages mentors, pour des em-
ballés. Oui, il y a eu emlDallement, disent-ils, et on en reviendra. C'est
tout juste s'ils ne taxent pas d'exagération l'auguste Pie X lui-même.
Pour eux, plus sages que tous ces prêtres zélés qui ont avec docilité em-
boîté le pas au Décret, ils demeurent fixes, inébranlables sur leurs posi-
tions séculaires, et ils attendent " qu'on en revienne ! "
Fantaisies étranges, à la vérité ! Affirmations qui se concilient mal
avec la simple lecture attentive d'un document très explicite dans son
but et très clair dans ses termes.
Non, ce ne sont pas ceux, que dédaigneusement on traite à'em'ballés,
qui se trompent; ce sont eux qui, sous prétexte de sage modération, ne
veulent rien changer à leur conduite, refusent de suivre le Pape dans
les voies qu'il leur ouvre par le Décret en question, et dénient à cet Acte
toute portée pratique et obligatoire.
( 1 ) " Un prand nombre de prêtres dénaturent si bien ce décret qu'ils vont
jusqu'à nier toute portée pratique." (R. P. Touet, S.S.S., Rapport présenté au
Congrès de Metz).
— 631 —
Une telle disposition ne s'explique que par un fort relent de cette per-
nicieuse erreur Janséniste, qu'on a appelé le chef-d'œuvre de Satan, et
qui garde encore de profondes racines dans un grand nombre d'es]>rits.
Sans doute, l'hérésie a été condamnée. L'enseignement théologique
l'a désavouée ; et de no5 jours, grâce à Dieu, les âmes commencent à
s'affranchir de plus en plus de ses influences néfastes. Mais, hélas !
trop souvent encore, l'enseignement pastoral et le ministère sacerdotal
subissent, à leur insu, non pas l'action directe et ouverte — qu'ils rejet-
teraient avec horreur — mais l'influence réelle, quoique latente, de l'es-
prit janséniste.
Et c'est ainsi que, sans s'en douter peut-être, un grand nombre de
prêtres dénaturent si bien le Décret pontifical sur la C'oiiiinunion. (ju'i!;;
vont jusqu'à en faire un document sans portée pratique.
Il ne sera donc pas inutile à l'occasion de ce Congrès de Montréal, de
fixer, par l'examen attentif des documents, la véritable portée doctrinale
et disciplinaire du Décret ''Sacra Trid. Synodus", et d'étudier les prin-
cipales conséquences qui en découlent pour le ^irêtre, dans les diverse- cir-
constances où peut le placer son ministère. Dans cette étude trop vaste,
nous devrons nous borner à fixer brièvement les principes et à indiquer
seulement les conclusions pratiques.
Le caractère doctrinal, disciplinaire et obligatoire
du Décret.
Il est de toute évidence que le Décret S, T. S., marque une époque
nouvelle dans la discipline eucharistique et dans ce point de théologie
morale qui concerne la Communion: ainsi s'exprime un savant canoniste,
le P. Termesch. (1) Sans doute, la doctrine qu'il annonce n'est point
nouvelle. Il ne fait que répéter, au sujet de la Communion, l'enseigne-
ment traditionnel de l'Eglise; mais cet enseignement le Décret l'édaire
et le précise.
Il rappelle une doctrine aussi ancienne que l'Eglise, qui, au cours (Tes
siècles, s'était chargée de nuages créés par l'ignorance, les illusions, les
préjugés et les passions. Il met fin aux discussions regrettables qui,
jusqu'à nos jours, partageaient les théologiens et, par suite, les Direc-
teurs d'âmes En ce sens, le Décret constitue une innovation d une
portée incalculable. Il définit un point de théologie morale par 1 étude
qu'il fait de la nature et des motifs de la Communion: en même temps
qu'il réforme et fixe un article de discipline pastonilr par les règles «
claires et si nettes qu'il formule. , . . „.
Il a pour but d'orienter, non-seulement les intelligences, mais on.-, re
les volontés: de poursuivre la pleine exécution des avis pressants .-t 'les
(1) Apparet disciplinai, de c<.n.nu.ni<.nibus. ^icut 'l^P'"'''''"'*,? î'* P^''^^
variasse.^ Ûbique tamen laudibus officitur usus conuuun....n.H quot.d.an..-. OV
Relig. Instit.. T. II. p. 81).
632
ordres du Concile de Trente, trop oublié depuis les erreurs jansénistes;
de nous ramener, enfin, à la mentalité et a la pratique des premiers
sièclee du Christianisme, autant que faire se peut.
Le point fondamental que fixe et définit TAete pontifical, est le sui-
vant : Les fidèles, à quelque classe ou condition qu^ils
appartiennent, ont le droit de communier tous les jours
s'ils le désirent, pourvu qu'ils soient en état de grâce,
et qu'ils s'approchent avec une intention droite et
pieuse. Ce sont là les deux seules conditions posées par le Décret à la
communion quotidienne, et personne, pas même les confesseurs, n'est
autorisé à en ajouter d'autres et à refuser, sous ce prétexte, la commu-
nion aussi fréquente qu'elle soit. Les péchés véniels ne sont pas un
obstacle à la communion quotidienne; pas même les péchés mortels, si
nombreux et graves qu'ils soient, pourvu qu'on les ait confessés et qu'on
s'en repente. C'est la Communion qui sera le meilleur moyen de se
corriger des uns et des autres.
Yoilà la grande valeur doctrinale et morale du Décret. Au
fond, il change l'axe de la question de la Communion et les principes
qui la régissaient trop communément. Au lieu de poser comme grand
principe de la fréquence des Communions le respect dû à X. Seigneur
et la sainteté du communiant, il fixe, comme principal critérium, le
besoin des âmes. Au lieu de faire de rÉucharistie une récompense de la
vertu, il en fait surtout ce qu'elle est, en effet, de sa nature le grand
moyen de sanctification.
Le Décret a donc une portée doctrinale et disciplinaire, et par consé-
quent pratique, considérable. On a même remarqué que rares sont,
depuis le Concile de Trente, les Actes disciplinaires de Eome qui ont
eu une telle portée.
Est-il maintenant besoin d'insister sur le caractère obligatoire
du Décret pour les prêtres et les fidèles ?
Le Décret nous vient de la S. Congrégation du Concile; mais le Sou-
verain Pontife lui-même en est l'inspirateur et le véritable auteur. C'est
lui qui Va. fait publier, comme les termes mêmes du document l'affirment.
Et pour atteindre le l)ut qu'il se propose, le Souverain Pontife inter-
dit toute discussion future sur la teneur de ce Décret; il fixe les règles
qui, dans les écoles c^e théologie, prendront la place des règles arbitraires
substituées à la vraie tradition; il prescrit même certaines mesures: ]'
veut que les curés, confesseurs et prédicateurs exhortent fréquemment
et avec beaucoup do zèle le peuple chrétien à l'usage de la Communion
fréquente et (|Uotidienne (Reg. G). Et le Décret termine en enjoignant
aux évoques d'instruire le S. Siège, dans leurs relations diocésaines, de
ce qu'ils ont fait pour en assurer l'exécution.
Est-ce donc là un document purement spécnlatif et qui n'engage à
rien ? N'est-ce pa«, au contraire, un document éminemment pratique
et qui prétend à une application immédiate dans le domaine des faits?
Prétendra-t-on encore, avec une inconsciente dérision, " qu'on en revien-
— 633 —
dra ? " comme si le Pape n'avait pas pris toutes les mesures pour qu'où
en revienne pas, tellement sa volonté est nette et ferme sur ce point!
Xon, non, il n'y a pas eu d'emballement dans cette campagne en
faveur de la Communion fréquente et quotidienne dont le Décret a été
soit le signal, soit le principal encouragement. Au contraire, nous
nous trouvons en face dun mouvement de réforme voulu par le Chef de
l'Eglise, parfaitement organisé et poursuivi depuis.
Pour s'en convaincre davantage, il n'y a qu'à considérer les Actes
Pontificaux qui ont accompagné ou suivi le Décret et dont l'en-
semble revêt une signification des moins équivoque*.
C'était, déjà avant le Décret, l'Encyclique " Mirae caritatis "
de Léon XIII, qui a consacré si éloqucmment le mouvement eucharis-
tique de la deuxième moitié du XIXe siècle, mais dont le côté pratique
a peut-être été oublié, (l'encvclii [ue elle-même n'a-t-elle point, pour beau-
coup, passé inaperçue?). Elle s'exprimait ainsi: '' Mais ce à quoi il faut
surtout travailler, c'est à étendre dans le peuple chrétien l'usage fré(]uent
de l'Eucharistie. C'est l'enseignement que nous donnent les exemples
de l'Eglise naissante rappelés plus haut, les décrets des Conciles, l'auto-
rité des Pères et des saints de tous les temps. Comme le corps, l'âme a
besoin de sa nourriture, et l'Eucharistie lui fournit l'aliment vital par
excellence. C'est pourquoi, il faut détruire les préjugés des adversaires,
les vaines craintes d'un grand nombre et les prétextes spécieux de s'abs-
tenir, car il s'agit du moyen le plus efficace de détacher le peuple fidèle
du souci des choses terrestres, de ranimer et de maintenir dans le monde
l'esprit chrétien. A ce résultat contribueront les exhortations et les
exemples des ordres les plus important? de la hiérarchie, mais particu-
lièrement l'activité et les efforts du clergé."
On réclame une encyclique pontificale, plus solennelle que le Décret
Sacra Tridcntina Synodus. La voilà. Elle nous donne, dans le passage
que je viens de citer, pour ainsi dire le sommaire du décret, lequel est
venu régler le^ détails et diriger l'application pratique des principes
contenus dans l'encvclique. Le décret de la Sacrée Congrégation du
Concile, puldiée par ordre de Pie X, découle naturellement de l'Ency-
clique "Mirae Caritatis" de Léon XIII, parue en 1902.
C'est ensuite., six mois avant le décret. rappro])ation de la Prière
pour la diffusion de la Communion quotidienne, l n
rescrit accompagnait cette prière et il n(.ii> ra|)i»clait qiiu 1.-^ Tape atta-
chait de précieuses indulgences à sa récitation, "' pane qu il a souve-
rainement à cœur de voir l'usage de la Communion quotidienne, se ré-
pandre partout dans le peuple chrétien."
Peu de tomp* après la publication du Décret sur la Communion. la
S. Cono-régation des indukences émettait, en février 1906, un document
important sur la Confession, <,ui changeait un point grave de di.^-
cipline et accordait une bien précieuse faveur. _
A l'avenir, tous ceux qui ont coutume de conï.nunier chaque jour, ou
du moins cinq fois par semaine, pourront gagner toutes les '"^l/''^^;'^;
sans faire la confession hebdo.nadaire autrefois requise d après le Décrel
de Clément XITI. Le but avéré de cet acte pontifical est tout .\ la foi?
de faciliter la communion quotidienne et d'alléger la tache des confes-
seurs, malgré l'accroissement du n<.mbre des communiants.
— 634 —
Il y a plus. L'Eglise, par m\ décret d'une souveraine importance,
en date du T décembre 1906, mitigé la loi du jeûne eucliaristique
en faveur des malades, pour leur rendre plus facile la Com-
munion.
Autre fait non moins remarquable.
Le 27 juillet 1906, est érigée à Eome, par les soins du Cardinal Vi-
caire, une Ligue Sacerdotale dont le but est la propagation du
saint usage de la Communion quotidienne. (1) Par l'appât de faveurs
qu'on peut appeler exceptionnelles et inouïes, le Souverain Pontife veut
attirer les prêtres à une immense croisade en faveur de la Communion
selon la teneur du Décret " Sacra Tridentina Synodus." Dira-t-on en-
core que ce Décret est spéculatif et qu'il doit rester lettre morte ? Mais
ce n'est pas tout.
Le 15 septembre 1906, une réponse de la S. Congrégation du Concile
résoud une objection qui s'est présentée à beaucoup d'esprits ; " faut-il
admettre, non seulement les jeunes gens, mais aussi les enfants à la
Communion fréquente et quotidienne ? " ne doit-on pas craindre des
irrévérences, par suite de la légèreté de cet âge ?
La Sacrée Congrégation répond : "' La communion fréquente est re-
commandée même aux enfants. Une fois admis à la Table Sainte,
suivant les règles du Catéchisme Eomain, ils ne doivent plus être em-
pêchés d'y participer fréquemment, mais on doit bien plutôt les y ex-
horter. Toute pratiqua contraire est réprouvée."
En avril 1907, la S. Congrégation des Indulgences adresse, sur l'ordre
du Pape, une Lettre aux Evêques, pour leur demander la célébration an-
nuelle d'un Tridinun de prières et de prédications, en vue d'amener les
fidèles à recevoir fréquemment la Sainte Eucharistie.
Est-ce tout, enfin? car, à vrai dire, cette série d'actes pontificaux ten-
dant sans cesse au même objet, la Communion fréquente, semble bien
excessive et extraordinaire !
Eh bien ! non, ce n'est pas tout ! car voici un autre acte, tout récent,
qui vient nous manifester une fois de plus, la pensée persistante du
Pape et les directions évidentes de l'Eglise.
Il s'agit de l'admission des enfants à la 1ère commu-
nion. Le 8 août, de cette année 1910, la Congrégation des Sacrements
publiait un Décret, sanctionné par le Pape, sur l'âge de le 1ère com-
munion. Décret très grave, qui déclare que l'obligation de la communion
pascale atteint les enfants dès qu'ils ont l'âge de raison. Cet âge n'est
pas différent pour la confe-;sion et la communion, et tombe vers 7 ans.
La connaissance parfaite de la religion n'est pas requise. L'obligation
qui tombe sur les enfants retombe sur ceux qui en ont la charge, comme
les parents, les confesseurs, les instituteurs, le curé.
Le Pape ordonne à tous les Ordinaires de faire connaître ce Décret
aux fidèles* en en faisant lire la traduction en langue vulgaire, chaque
année, au temps Pascal.
( 1 ) On peut se procurer les Statuts de cette Ligue dans les maisons des Pères
du St-Sacrement à qui en est confié la direction.
— 635 —
A-t-on jamais, nous osons le demander, vu une pareille série de docu-
ments, sur un même sujet et visant au même but, émanés du S. Siège ?
La S. Congrégation du Concile, la Set-rétairerie des Brefs, la Sacrée
Congrégation des Sacrements et celle des Indulgences, semblent s'être
donné le même mot d'ordre et ont parlé, tout à tour, dans le même sens,
Concluons donc, de toute cette étude que, dan? son décret sur la Com-
munion fréquente et quotidienne, le Pape parle clair et veut être obéi,
et que c'est là un document d'une haute portée morale, disciplinaire et
pratique.
C'est pourquoi, dirons-nous avec S. E. le Cardinal Yannutelli au
Congrès de Tournai: 'Mes Evêques, les chefs dOrdre, les PrésideuL-
d"(euvres, les Prêtres, les religieux, les laïques, auront pour devoir d'ac-
clamer le Décret et d'en faire, pour l'avenir, leur mot d'ordre."
II
Conséquence du Décret, — Devoirs qu'il impose.
Le vrai sens du Décret pleinement défini et compris, il nous sera plus
facile de nous entendre sur ses conséquences pratiques et de délimiter les
devoirs qu'il impose à tous et à chacun.
A tous les prêtres il impose l'obligation de le faire entrer résolument
dans la pratique courante de leur enseignement et de leur ministère
quelqu'il soit.
Vouloir rester eu arrière ou se tenir sur l'expectative, sous prétexte
de prudence, ce serait franchement vouloir être plus sage que l'Eglise,
lui désobéir en un point important, faire preuve de cette ])nidence toute
humaine que réprouve l'Esprit Saint, se trouver janséniste sans s'en
douter, et priver les âmes de grâces inestimables auxquelles elles ont
droit.
Le droit qu'ont les Chrétiens de communier fréquemment et même
quotidiennement, dès lors qu'ils ont les deux conditions re<|uises, im-
plique pour les prêtres le devoir de seconder, promouvoir et faciliter
cette pratique. 11 n'est ni habitude, ni préjugé, qui licnnc: il iiiijKirtc.
avant tout, que le prêtre se dégage de préjugés inconscients, d'idt'es per-
sonnelles, d'habitudes anciennes pour se faire une mentalité confonne
aux directions du Vicaire de Jésus-Christ, et y adopter la mentalité de
ses ouailles.
Voilà le devoir commun à tous.
Mais le Décret rentre dans les détails et indique les applications par-
ticulières (jui doivent en ^-tre faites, selon les diverses catégories d'âmes
qu'il concerne. Xous allons le faire brièvement après lui.
1° Le Décret et les Pi-édicateurs,
Il est indispensable de prêcher la Communion quotidienne. î "
le veut; et à plusieurs reprises, le Décret déclare que tous les ; .
le peuple chrétien tout entier, doivent être incités à s'approcher sou-
vent du divin ban(iuet; il ajoute: "les curés, les prvdicateure. exhor-
— CSG —
teront fréquemment et avec beaucoup de zèle le peuple chrétien à un
usage si pieux et si salutaire.'' Et dans la Lettre adressée aux Evêques,
au nom de Sa Sainteté, pour les inviter à faire donner des Triduums
Eucharistiques, nous trouvons le même désir exprimé en termes des plus
énergiques : " que les prêtres travaillent de toutes leurs forces, omnem
im pendant opérant, à attirer les fidèles à la Table Sainte.'' Le désir
qu'a le Pape de voir prêcher la Communion quotidienne est si grand,
(|u"il fixe comme but formel et précis aux triduums eucharistiques non
pas seulement de renouveler la dévotion des fidèles au S.-Sacrement en
général, mais de développer panni eux la pratique de la Communion fré-
quente et quotidienne. Cette intention du Triduum est si nettement
marquée, que ce serait rendre douteux le gain des indulgences atta-
chées à ces exercices que de transformer ces cérémonies et ces prédica-
tions en simple exercice de dévotion envers le S.-Sacrement. (1)
Les Prédicateurs doivent donc travailler à inculquer fortement aux
fidèles de tout âge et de toute condition, par de fréquentes et solides
exhortations, par des conseils souvent répétés, la nécessité morale où ils
sont de se nourrir souvent, tous les jours, du pain eucharistique, s'ils
veulent vivre sumaturellement; ils doivent leur expliquer la nature de
la Communion, qui est d'être l'aliment habituel des âmes ; leur exposer
la facilité des conditions mises par l'Eglise à la Communion quotidienne ;
et, surtout, dissiper les préjugés, résoudre les objections qui éloignent
tant d'âmes de la Table Sainte.
Les meilleures occasions de ces prédications eucharistiques seront cer-
tainement les Triduums, les Quarante-Heures, les Eetraites, les Grandes
Fêtes, etc. Mais un prêtre zélé ne se contentera pas de ces occasions
trop rares, et il reviendra souvent sur la Communion dans ses prônes,
ses instructions, ses catéchismes, etc.
Quel magnifique mouvement des âmes vers la Sainte Communion se
dessinerait de plus en plus dans l'Eglise, quel ébranlement se produirait,
si tous les prédicateurs travaillaient de concert à la sainte croisade que
le Pape nous propose !
2° Le Décret et les Confesseurs.
Au S. Tribunal do la Pénitence, le prêtre devra se faire l'apôtre ré-
solu de la communion et, comme dit le Décret, '' exhorter avec beaucoup
de zèle les âmes à la communion quotidienne."
Appeler les âmes à la Table Sainte, exciter leurs désirs, les contrain-
dre suavement: telle est la mission du confesseur. Dans ce ministère
où il rencontrera tant d'ol)stacles et de préjugés à vaincre, il ne devra
pas se décourager des insuccès que trop souvent il récoltera; mais per-
sévérer avec un zèle inlassable. Inutile de dire qu'une des conditions de
succès sera, pour le ])rêtre, de se faire tout à tous, en donnant aux âmes
le plus de facilités possible pour la confession.
(1) Voir: Nouvelle Revue Theol.. Janvier 1909.
— 637 —
Dispensateur fidèle du don diviu, le confesseur se rajjpellera (jue,
loin de pouvoir disposer du Sacrement à sa guise, il doit s'inspirer uni-
quement du vœu de TEglise, du désir de Xotre-Seigneur, du plus grand
bien des âmes ; qu'il n'a pas le droit de réglementer à sa guise le nombre
des communions à accorder aux âmes, et que le régime normal et ré<^u-
lier quïl doit proposer à tous, eu autant que cliaeun en est capable,
c'est le régime de la Communion quotidienne. Il lui est enjoint d'v
amener les âmes toutes les fois qu'il le pourra ; il lui est défendu de les
en écarter toutes les fois qu'elles y apportent les deux seules conditions
exigées: l'état de grâce et l'intention droite.
Le confesseur n'a donc pas le droit, sans faire un abus de pouvoir,
de refuser la coniunmion, ne fût-ce qu'une fois par semaine, aux âmes
qui sont dans les dispositions requises pour communier tous les jours.
Si le Décret requiert la permission du confesseur pour pouvoir com-
munier, il faut que celui-ci sache bien qu'il n'a pas le droit, sans motif
très sérieux, de refuser cette permission. Du reste, cette permission
n'est que consultative et c'est plutôt l'avis de son confesseur que sa
permission stricte, que le pénitent sollicite pour pouvoir communier.
Encore, cet avis, le pénitent n'est pas absolument tenu de le demander;
il peut le supposer et, en certains cas, s'en passer. Il convient souve-
rainement, toutefois, que cette permission du confesseur soit sollicitée
par le pénitent.
C'est affaire de prudence plus grande, d'humilité plus parfaite, de
fruits plus assurés à retirer de la communion.
Tel est, quant aux confesseurs, l'enseignement commun des théolo-
giens qui ont commenté le Décret. (1)
3° Le Décret et les Communautés et Séminaires.
Le but du Décret quemadmodum de Léon XTII, en ce qui concerne
la communion, était d'enlever aux Supérieurs ou Sujx'rieures tout droit
d'accorder ou de refuser la communion à leurs inférieurs, sauf de tr(>s
rares exceptions; et en cela il réformait de graves et nombreux abus
commis par le passé.
Le Décret "Sacra Tridentina Synodus" complète ce premier dcVrei
et, il demande formellement que la communion fréquente et quotidienne
soit spécialement recommandée dans les instituts religieux de tout genre,
et déclare que, nonobstant ce que détermine la règle relativement au
nombre des communions, ce nombre doit être considéré comme un f»i-
nimum pour la piété des religieux, et qu'un accès plus fréquent et même
quotidien à la table eucharistique devra toujours leur être librement
accordé, suivant les règles transmises plus haut. Décret Sacra Synodu.^.
Nos 7 et 8.
Le Saint Père ordonne même, afin de permettre aux religieux de l'un
et de l'autre sexe de connaître exactement les dispositions du décret, qu"
(1) V. Etudes, 20 mai 1907. p. .'542; le R. P. VVrmo..rKch.«/f llclfjto.stM l'eru^,
on, O. S. B., Rév. Théol., oct. lOOti. p. 613; ^^r.• F.-rr.r.-H.
20 avr. 1906; Dom Basti
S. J., Comment, caïi. moral, sur le décret, p. 138, etc
— 638 —
les supérieurs de chaque maison veillent à la faire lire publiquement en
langue vulgaire, chaque année, pendant l'octave du T. S.-Sacremenc
(No 10).
Il est donc évident que pour les religieuses et les religieux, plus encore
que pour les simples fidèles moins éclairés qu'eux en matière de piété et
de perfection, la consultation du confesseur, en ce qui concerne la com-
munion fréquente et quotidienne, bien que très désirable et habituelle-
ment à solliciter, n'est pourtant que de conseil.
Les religieux, après avoir pris conseil de leur confesseur pour la com-
munion fréquente ou quotidienne, doivent le dire (une fois suffit pour
toujours) au Supérieur, qui ne peut pas s'opposer à cette pratique, ex-
cepté uniquement le cas où le religieux aurait donné scandale à la com-
munauté, ou bien aurait commis iquelque faute extérieure grave: dans
ce cas le supérieur devra en avertir le confesseur, et ce dernier sera ap-
pelé à juger la question."
Il serait ouvertement contraire au décret, de vouloir régler les corn-
munio;is sur des normes arbitraires, par exemple, dans une communauté,
sur la diversité des charges ou les distinctions de profession.
Il ne serait pas non plus légitime, dans un scolasticat ou un séminaire,
de prétendre proportionner le nombre des communions à la hiérarchie
d'ordre. Sans nul doute, ce serait tout à fait regrettable que la pra-
tique quotidienne ne fût pas en usage parmi les diacres ou les sous-
diacres ; mais loin de l'interdire ou d'en dissuader ceux qui ne sont que
minorés ou ne sont même pas tonsurés, on doit au contraire les y engager.
En somme l'aboutissant naturel, inévitable du décret totalement exé-
cuté, c'est que la communion quotidienne, dans les maisons de formation
ecclésiastique et religieuse, même dans toutes les maisons d'éducation,
devienne de pratique courante.
4° Le Décret et les Enfants.
Nous navons pas ici à faire un commentaire du Décret du " Quam
singulari Christus aniore " qui fixe l'âge de la 1ère communion des En-
fants. Désormais, nous devons rompre avec les coutumes jansénistes,
si enracinées en certains milieux, et qui éloignaient toutes les jeunes
âmes du banquet sacré avant un âge, hélas ! trop tardif. Dès que l'en-
fant a senti s'éveiller sa raison et «qu'il a acquis les connaissances rudi-
mentaires suffisantes sur les mystères principaux de la religion et sur
l'Eucharistie en particulier, il a un droit strict à se nourrir du pain des
forts, et il ne relève, sur ce point, que du jugement de ses parents et
de son confesseur; aucune intervention étrangère ne peut le frustrer de
ce droit.
La 1ère communion deviendra donc, désormais, un des premiers actes
religieux de la vie morale du jeune âge. Aux Evêques de voir comment,
en pratique, on pourra allier ces premières communions plus hâtives,
avec les anciennes solennités, toujours respectables en soi, et l'instruc-
tion religieuse complète des enfants à assurer.
Avec cette législation nouvelle concernant l'admission à la première
communion disparaîtra, nous l'espérons, l'abus dit des Secondes Com-
munions solennelles. Nous ne blâmons certes pas la louable coutume
— 639 —
de réunir dans une cérémonie commune et dans une communion 6olen-
nelle tous ceux c^ui ont fait récemment leur première counnuuiou, 11
n'y a en cela que de grands avantages. Mais à une condition : c'est
qu'on n'empêchera pas entre ces deux communions, la première et la
seconde, l'entant de s'approcher de la Sainte Table aussi souvent qu'il
le désirera.
Comment, alors, dénoncer assez énergiquement l'abus intolérable
et jusqu'ici assez répandu, de tenir les enfants, après leur 1ère commu-
nion, éloignés de la Table Sainte pendant quinze jours, un mois, quel-
quefois un an, jusqu'à ce qu'on appelle avec emphase leur seconde com-
munion? X'est-ce pas un véritable abus de pouvoir, une injustice et une
cruauté envers ces cliers enfants, que de les priver par force de la sainte
Eucharistie, juste au moment de leur vie où ils sont les mieux préparés
et où leurs jeunes âmes sont le plus avides du pain céleste ?
Maintes fois l'Eglise a condamné cet abus, et il ne peut plus être
toléré après le décret de Pie X sur la Communion fréquente et la ré-
ponse donnée le 15 sept. 190G par la S. Congrégation :
" La fréquentation de la Sainte Communion doit être recommandée
même aux enfants; et une fois qu'on les a admis à la Sainte Table,
selon les règles tracées par le Catéchisme du Concile de Trente ( c.-à.-d.
l'âge de discrétion), on doit les exhorter à s'en approcher souvent. La
coutume contraire est à réprouver."
Yoilà la. règle à garder vis-à-vis des enfants: la fréquentation de la
Sainte Table dès qu'on les a admis à la première communion.
Il importe aussi de donner des notions très exactes aux enfants du
catéchisme: inspirons-leur l'aversion la plus grande de la communion
sacrilège; mais cessons de leur dire qu'il vaut mieux ne pas communier
que de communier avec tiédeur. Qu'ils sachent au contraire, qu'en
dehors du péché mortel non confessé, rien ne doit leur faire appréhender
de s'approcher de la source de toutes grâces. Xe nous cont<'nton> pas
de la doctrine: dès leur première communion, selon la recommandation
du Saint-Siège, quand leur jeune cœur est encore tout ouvert aux at-
traits eucharistiques, propageons parmi eux les habitudes de la fréquen-
tation quotidienne.
Le Décret et /Enseignement théologique.
Nous devons enfin, en terminant cette étude sur le Dt-cret " Wci
Tridentina Synoclns," dire un mot de la place H» 'l/^^it prendre dan
l'enseignement théologique des Séminaires et <]u dovn.r qui incombe aux
professeurs à son endroit. . n- ,. , ^„p i., Pom-
Il est évident que le Pape entend bien voir le iJe.ret f\];\^T^
munion fréquente's'nnposer à l'enseignement ^]'\Vror^^^lfJ^^^^^
cric et prendre une place défimtive dans h traite De ^'"^^«"^^^^
au chaiulre "Sacra Commumone", puisqu >1 tranche un l-" -^^^^^^
versé entre théclogiens, fixe des règles très P^^ ^ ^ ^ ^^^^'^^^'* '^"'"^
l'avenir toute discussion contcntieuse sur la ^^'^^^^^^ ,„
— 64Û —
en diverses règles que donnaient as.-ez communément les théologies mo-
rales.
L'autre opinion, au contraire, soutenait que la communion quotidienne
ne réclame pas des dispositions plus parfaites que la communion heb-
domadaire ou mensuelle.
De ces deux opinions, le décret réprouve la première comme une infil-
tration incousciente du venin janséniste (voir le texte au paragraphe
Virus tamem) ; il ratifie la seconde comme la plus conforme aux désirs
de Notre-Seigneur et de l'Eglise, à la doctrine des Pères, à la discipline
primitive, au bien des âmes.
Voilà exactement la doctrine fondamentale du décret; et toute atté-
nuation qu'on voudrait y mêler en serait une diminution. Cet ensei-
gnement modifie les principes que beaucoup d'entre nous avaient reçus
de maîtres autorisés et qui ne gont pas dépourvus de tout appui chez de
saints docteurs, comme saint François de Sales et saint Liguori. Loin
de se le dissimuler, il vaut mieux, sans hésiter, le reconnaître (le décret
prévient lui-même l'objection), pour se dégager résolument de l'am-
biance de notre éducation première et comprendre adéquatement la doc-
trine de l'Eglise.
Eh bien ! il faut le constater avec douleur, bien des auteurs de théolo-
gie, bien des professeurs n'ont pas encore jugé opportun de modifier leurs
écrits ou leur enseignement, au sujet de la Communion, dans le sens
indiqué par le Décret; mettant ainsi leur propre sagesse au-dessus de
celle de l'Eglise. Ils enseignent encore plus ou moins les anciennes
théories, que le Pape réprouve, sur la nature de la communion, récom-
pense plutôt que nourriture des âmes, sur les dispositions à y apporter
et sur la grande norme janséniste, opposée à la règle de l'Eglise, qui
décide de la fréquence des communions d'après le respect dû au Sacre-
ment plutôt que d'après le besoin des âmes. (1)
Il est donc à désirer que les professeurs conforment, sans plus tarder,
leur enseignement aux directions du Décret.
Les professeurs de théologie dogmatique, au traité " De Eucharistie '
serviront la cause de la communion fréquente en développant la thèse
de la nature et de l'effet propre du Sacrement, qui est d'être la nourri-
ture habituelle du chrétien et le grand soutien de l'état de grâce; et
cela, d'après les intentions mêmes de son divin Instituteur.
Dans ]e traité parallèle de théologie morale, au lieu de s'en tenir aux
classifications anciennes d'après lesquelles on graduait la fréquence des
communions, le professeur ne craindra pas de poser en principe que la
( 1 ) Ne lkson3-nous pas, avec tristesse, dans un ouvrage de théologie morale,
d'ailleurs excellent et signé d'un grand nom, ces lignes regrettables et injusti-
fiables parues après le décret :
" Ubi de frequentia communionis laicorum judicium ferendum est, pluris fa-
cieiida est reverentia sacramento débita quam utilitas privata communicantis ;
quamobrem' ii qui requisitis dispositionibus carent, a frequenti communione ar-
ceantur, licet ipsis communio per se utilis foret, parochi et confessarii magni fa-
ciant frequentem communionem. . . Ordinaria tamen frequentia, considerata tide-
lium indole, est communio menstrua, ad quam alia dispositio non requiritur,
quam actualis status gratiœ."
(Noldin, De Euchar. Cap. I, q. 5, art. 5, p. 181).
— 641 —
Table Sainte est ouverte tous les jours à toutes les âmes de bonne
volonté et il substituera à toutes les règles anciennes imbues de jansé-
nisme, les règles si claires fixées par le Décret.
Dans le cours de Pastorale, les jeunes ecclésiastiques seront formés
à être, non point des gardiens jaloux et avares, mais des Dispensateurs
zélés du Pain de vie.
Voeux :
Messieurs, qu'il me soit permis, en terminant cette étude frop Ininjuc,
et pourtant incomplète encore, du Décret sur la Cinunnnium fréipinitc
et quotidienne, de proposer les voeux suivants :
1 ° Que les prêtres considèrent de plus en plus le Décret " Sacra TH-
dentina Si/nodus" complété par les actes subséqurnts de Rome sur le
Communion, comme un Document de la plus ha'ute valeur doctrinale,
disciplinaire et pratique; et qu'ils s'attachent à /y conformer leurs idées,
leurs sentiments, leur mentalité, leur ministère.
2° Qu'ils s'efforcent de recommander instamruent et sans cesse la com-
munion fré(juente et quotidienne aux fidèles, en leur exposant la vraie
nature du Sacrement, la facilité des dispositions qu'il demande, et en
leur faisant comprendre qu'il y a quelque chose à chanf/er, à propos de
la communion, dans les opinions et les usages reçus jadis couramment.
*
* *
Les trois rapports présentés jusqu'ici, se complétant l'un
l'autre, forment un commentaire comi)let et pratique du (•«'-
lèbre Décret: " S aéra Tridentina Si/nodn.s." C'est un petit
traité de la Communion fréquente et (luotidienne, an ]K>int de
vue théorique et pratique.
Voici inaintenent une autre classe de cominuniitnts dont,
jusqu'ici, ou ne s'était pour ainsi dire pas occupé dans les
Congrès précédents : les ma/ades,dont va pirler le quatrième
rapporteur, M. l'abbé 6^ar/^/)//, professeur de morale et direc-
teur au grand-séminaire de Québec.
" LA COMMUNION DES MALADES
Le rôl(>'.lu prêtre en toutes choses et dans toutes h* cire
la vie. c'est le rôle du Christ. T.o prêtre doit être et se mo:.^
ILnifl^-ifinn du Sauveur - Sacerdas altrr Chruiliv,. Or. p
r;;!::;';;:^de l'E:^;:^ile-rend témoignage ,ue c'est sur le. n.al.lo. ,uo
r-
— 642 —
semblent se concentrer les meilleures sollicitudes de Notre-Seigneur et
se reposer les préférences de sa tendresse. Relisez l'histoire de ses ren-
contres avec les infirmes : le lépreux, le paralytique de Capharnaiim,
celui de la piscine probatique, les aveugles, le serviteur du centurion, le
sourd-muet, et tant d'autres. Quelle sollicitude, quelle affection, quel
cœur. Jésus répond à tous les désirs, et on le voit, s'inspirant d'une
miséricorde infinie, aller, revenir, franchir les montagnes, traverser les
torrents et les lacs, déployer enfin sa vertu souveraine au profit des mal-
heureux.
0 prêtre, voilà celui dont vous devez être le continuateur. Voilà
votre modèle, et voilà ce que vous devez être : l'homme des malades.
Aussi le Eituel Eomain (de Visitatione et cura infirmorum) réslime-t-il
en quelques lignes vos obligations à l'égard des infirmes : " Le pasteur
doit se souvenir que le soin des malades n'est pas la dernière part de sa
charge pastorale." Il doit s'occuper d'eux à cause du salut de leur âme
et à cause du traitement pécuniaire qu'il reçoit de ses paroissiens.
Ce devoir envers les malades, le prêtre l'accomplira en les visitant, en
priant pour eux et en leur administrant les sacrements. Or, parmi les
sacrements, le plus grand est sans contredit le sacrement de la sainte
Eucharistie, puisque, si les autres nous confèrent la grâce, celui-ci nous
donne l'auteur de la grâce. Le prêtre doit donc préparer les malades à
la sainte communion et leur faire recevoir ce sacrement aussi souvent
que possible.
Cependant la distribution de la sainte Eucharistie n'est pas laissée à
la libre disposition du prêtre, mais l'Eglise a édicté des lois qui déter-
minent toutes les circonstances de cette action. Par conséquent, le zèle
. ne suffit pas, et il faut encore connaître et ohserver les règles fixées par
l'Eglise. A cette fin, nous exposerons premièrement ces règles, et dans
une deuxième partie nous dirons ce que le zèle prudent et éclairé com-
mande au prêtre.
I, — liégislation
Les malades, quant à la communion, se divisent en deux groupes:
malades en danger de mort, çt malades qui ne sont pas dans un tel
danger., . , . . ...
1° Maladeis en danger de iHort. — Le Rituel Romain (de
■Communioheiiiftrrnoru-m) dit : •." Le curé doit apporter le plus grand
soin et le plus grand zèle à donner le feaint Viatique aux m,alades en
temps opportun, de peur que par sa négligence, ces malades ne meurent
privés d'un si grand bien." De là obligation grave pour le curé d'ad-
ministrer la sainte Communion aux fidèles qui sont en danger de mort.
(a) En effet, il est certain qu'il y a obligation grave de communier
_pour toute personne fidèle qui se trouve en danger sérieux de mort, et
qui le peut moralement. Ce devoir grave est reconnu par tous les théo-
logiens comme venant du précepte divin posé par Notre-Seigneur, quand
Il dit: " Nisi manducav'erùis carnem Filii horninis.... non hahehitis
vitam in vobis." (S.' Jean, VI, 54.) Ces paroles, avec k menace qu'elles
— 643 —
renferment, imposent certainement Tobligation grave de oommunitT
plusieurs fois dans la 'vie. D'autre part, Xotre-Seigneur, en instituant
l'Eucharistie sous les espèces du pain et du vin, a indiqué suftisaninient
par là que- l'homme en a besoin pour refaire les forces spirituelles qui
s'en vont et ne pas perdre la vie de Tâme, comme il a besoin de la nour-
riture matérielle pour refaire les forces du corps et ne pas mourir. Mais
s'il y a obligation grave de communier plusieurs fois dans la vie, cett^
obligation doit exister surtout dans le danger de mort, parce qu'il n'y a
aucun autre moment, où l'homme ait plus grand besoin de la force spiri-
tuelle que donne le pain eucharistique.
Aussi la tradition de l'Eglise universelle depuis le temps des Apôtres,
confirmée par les saints Pères, les Souverains Pontifes et les Conciles,
a toujours reconnu explicitement ou implicitement cette nécessité dç
communier en danger de mort. Déjà le premier concile œcuménique de
Nicée, en l'an 325, ordonnait " antiquam liane legis regtdam necessario
ohservandam." Le concile d'Agde, de l'an 506, prescrit le Viatique à
tous ceux qui sont en danger de mourir: " Viaticum omnibus in morte
positis non negandum." Tout fidèle, qui se trouve en danger de mort,
est donc obligé suh gravi de recevoir ce pain céleste pour se fortifier dans
le dernier com])at, à moins qu'il n'en soit empcnr-hé par les circoniîtanceg
ou qu'il ne puisse le recevoir sans un grand danger de profanation.
De là l'Eglise enjoint au prêtre de veiller scrupuleusement à ce que le
Viatique soit administré aux fidèles dont il a la charge.
(b) Cette obligation de recevoir le Viatique est imposée à tous les
fidèles, qui sont en danger de mort, d'où que vienne ce danger, soit de la
maladie, soit d'une blessure, soit même de la condamnation d'un juge.
Mais ici, on nous permettra de faire remaniuer que les malades en
danger de mort peuvent se trouver ou à l'article de la mort, ou dans un
danger probable. Quelqu'un est à l'article de la mort, quand cello<'i est
imminente, moralement certaine et à peu près inévitable. Il y a danger
probable de mort, quand probablement la mort surviendra, parce que
dans de telles circonstances elle a coutume d'arriver fréquemment: ainsi
ceux qui sont atteints d'une maladie mortelle ou d'une maladie dange-
reuse qui peut causer la mort, ceux (|ui sont sur le point de subir une
opération vraiment périlleuse, sont dans un danger probal)le de ni<»rt.
(Gousset, Théol. morale, II, n. 227.) On peut encore dire (|ue le danger
probable de mort existe cluKiue fois que la maladie est d'une nature telle
que, même bien soignée, die puisse amener un dénouement fatal, soit
par elle-même, soit par les complications qu'elle entraîne habituellement.
Or tous les théologiens, à la suite de S. Alphonse, enseignent que le
danger prol)able de mort suffit pour que le malade soit tenu de nrovoir
la sainte Communion: en effet, il y aurait gran.l risque h attendre l'ar-
ticle de la mort pour donner le viaticjue aux malades. Il n'est dune pan
nécessaire ni louable d'attendre pour donner la sainte Communion, qu'il
n'v ait plus aucune espérance de survie.
Bien plus, nous pensons, dit VAmi du Clergé (1 oct. 190λ), (jue h»
nuilades atteints sérieusement d'une malmlie dangereuse, par exemple,
de la fièvre typhoïde, peuvent recevoir dès le début In cou n h titre
de viatique: car, quand la maladie est dangereuse de .«a i.... •■" "•"t
— 644 —
administrer le Viatique dès le début du danger probable. (Marc, II, n.
1565.) En etîet, la Sacrée Congrégation de la Propagande a répondu,
le 20 février 1801, que les missionnaires peuvent donner la Communion
en viatique aux malades qui souffrent d'une maladie mortelle, et qui
cependant vivront encore plusieurs mois. (Collect. Cong. de Prop. Fide,
n. 721.)
Mais, que doit-on faire dans le doute si le danger de mort existe réel-
lement? — Berardi {Tlieol. moralis, IV, n. 1045) répond que dans ce
cas, surtout si le malade ou sa famille désire l'administration du Via-
tique, le curé ne doit pas avoir de scrupule, et qu'il doit se rappeler cet
axiome : " Melius est vivere cum Saciamentis quani mori sine illis."
ISToldin {de Eucharistiâ, n. 154) donne deux raisons pour lesquelles on
peut alors donner la Communion en viatique : (a) l'obligation du jeûne
n'est pas certaine; (h) on doit présumer que l'Eglise veut favoriser le
malade, afin qu'il ne soit pas exposé à mourir sans viatique.
Enfin, Morino (Theol. mor., II, n. 320) enseigne que le curé, pour
administrer le Viatique, n'a aucun besoin de la permission du médecin
(nullo modo indiget licentiâ medici). "Aussitôt, dit-il, qu'il apparaît
ou que le médecin a déclaré que la maladie est dangereuse, on peut tou-
jours donner le Viatique, même si le médecin assure que très probable-
•ment le malade en reviendra ou que, si la maladie poursuit son cours, il
aura certainement le temps nécessaire pour accomplir ce devoir. En
•effet, tous les théologiens, avec S. Thomas, affirment que le Viatique
peut toujours être administré quand la maladie constitue un danger
•probable de mort (putative continet periculum martis) : ce danger
existe chaque fois que la maladie est dangereuse. C'est pourquoi, dans
ce cas, le curé, même si le médecin s'y oppose formellement, peut admi-
nistrer le Viatique ; et, si le malade le demande, il y a obligation grave
pour le curé de lui donner la CommunioTi: l'obligation, en effet, de re-
cevoir le Viatique ne vient pas du médecin, mais de la maladie grave.
Que de fois le médecin reconnaît que le patient est dangereusement
malade, et cependant, par crainte de l'effrayer, de le démoraliser, ou de
perdre un client, il n'ose pas lui parler de la réception des derniers sa-
crements. Le curé doit alors intervenir et administrer le Viatique."
D'autant plus, comme le remarque Frassinetti (I, n. 358), que si l'on
piévovait que le malade dût s'effrayer d'apprendre qu'on va lui admi-
nistrer le saint Viatique, il est probable qu'on pourrait lui donner la
Communion à la manière ordinaire, sans se servir de la formule spé-
ciale: '' Accipe viaticum," attendu que pour satisfaire au précepte l'in-
tention de le remplir n'est pas nécessaire: il suffit de poser l'acte com-
mandé.
On peut donc conclure que le Viatique doit être donné aux fidèles qui,
étant en danger probable de mort, demandent ou consentent à le recevoir,
après s'y être convenablement préparés.
(c) Mais cette obligation s'étend-elle à tous les fidèles? N'y a-t-il pas
des exceptions?
1° Les enfants, qui n'ont pas encore fait la première communion,
sont-ils tenus de recevoir le Viatique, advenant le danger probable de
mort?
— C45 —
(a) On ne doit pas administrer le Viatique aux enfants, qui n'ont
pas l'usage de raison: en effet, TEglise latine, par sa coutume, défend
de communier les enfants, avant qu'ils aient l'âge de discrétion, ou
comme s'exprime le Kituel Eomain, "avant qu'ils n'aient la connais-
sance et le goût de l'Eucliaristie.''
(h) Au contraire, non seulement on peut, mais on doit, suivant le
sentiment commun des théologiens, donner le saint Viatique aux enfants
qui ont l'nsage de raison, quoiqu'ils n'aient pas encore l'âge fixé ordi-
nairement pour la première communion. Tout enfant, en effet, (|ui est
arrivé à l'âge de raison, est lié par le précepte de la Sainte Communion.
C'est donc à tort que l'on fait retarder aux enfants l'accomplissement
de ce devoir, afin qu'ils aient le temps de s'y mieux préparer. Aussi le
dernier numéro des '• Acta Apostolicae Sedis" publient un décret de la
Congrégation des Sacrements, sur l'âge de ceux qui doivent être admis
cà la première communion, en date du 8 août 1910, où il est dit à l'ar-
ticle I: "-£7^.9 disrretionis tum ad Confemonem tum ad Communio-
nem ea est in quâ nuer incipit raiiocinicri, hoc est circa septimum
annum, sive supra, sive etiam infra. Ex hoc tempore imxpit obligatio
sntisfariendi utriqite praecepio Confessionis et Communionis.'' L'article
Il ajoute: "Ad primam Confessionem et Commiinionem necessaria non
est jjJena et perfecta doctrinae cJiristianue co(/nitio. Puer tamrn pusten
debebit inte^ivum catachismum pro modo suae intelligentiar gradatim ad-
discere." Par conséquent, si l'enfant est en danger de mort, il serait très
périlleux de retarder sa Communion en viatique, lors même qu'il n'au-
rait pas un jugement développé et une instruction très étendue. Tl
suffit qu'après l'avoir instruit, le curé le juge capable de faire (|uelque
discernement de cette nourriture spirituelle d'avec la nourriture eom-
mune et matérielle: '^ Vt cibum istuni coclestem et superuum n com-
miini et materiali discernât," dit Benoit XIV, (Ode Synodo, 1. Ail, c.
12), avec S. Thomas (3p. q. 80, a. 9, ad 3). — Aussi le Ile concile de
Québec (décret X) enseigne-t-il : "Non est deneganda Eurhnrisliit. itno
potius conferendn, pucris (infîrmis) qui primae rommuni'inis aetntnn
nonduni adepti, nd usum tamen rationis pervenerunt. modo adncti, ci-
bum coeîestem a communi et maieriali âiscernere queaut." Au sur-
plus, le décret de la Congrégation des Sacrements, que nous avons cité
plus haut, ajoute, article III: " Cogniliu rrligionis qiiae in j/urro requi-
ritur. ut ipsc al prim>im Communionern convenienter se praeparet ea
est, quâ ipse fidei mi/steria necessaria nécessitât e medii prn suo raptn
jwrripiat. ntque eurhnrinlirnm pnnrm a coniniuni et corpnrali distin-
gat ut eâ dcvotionc quani i/.sù/s- frrf aetas ad SS. Euchnrvitinm accé-
dât." D'où nous concluons avec Pruner (Thcol. mor.. I, p. 40), quo
l'obligation de recevoir le Viatique s'étend même aux enfants (|ui. sans
avoir encore rommunié, ont assez d'intelligence pour comprendre qu'ils
vont recevoir dans la sainte hostie le corps et le sanir du Sauveur pour
le salut de leur âme.
Enfin, déjà le canlinal (iou^set (Tlieol. mor., Tl, n. -y.V.]) f;i tte
remarque: "Les curés v feront attention: ils se rrn<lrait'nt i , . les
d'une faute grave, s'ils laissaient mourir sans viatique les enfants qui
auraient assez de pénétration pour pouvoir communier." Le r^nt
décret sur l'âge de la première communion vient (■<inf]niier cet avis, en
— G4:G —
disant, art. VIII: " Detestahilis omnio est abusus non ministrandi Via-
ticum et Extrcmam Unctionem pueris post usum ratioms eosque sepe-
liendi ritu parvulorum. In eos, qui ah hujusmodi more non recédant,
Ordinarii locorum severe animadvertant."
2° Tous les adultes, à quelques exceptions près, sont tenus de com-
munier, lorsque advient le danger probable de mort, pouvu qu'ils
puissent distinguer la Sainte Eucharistie de tout autre aliment corporel,
et qu'il n'y ait aucun danger de profanation: tel est l'enseignement
commun des théologiens.
Nous disons : (a) Tous les adultes qui sont en danger de mort ; car,
même les condamnés à mort doivent recevoir le saint Viatique, comme il
ressort d'un décret de la Congrégation de la Propagande (5 juillet
1841). Ce décret affirme: " Capite damnatis non solum S. Commu-
nionem dandam esse, sed etiam dandani esse per modum viatici : sunt
enim in articula mortis."
Nous disons : (h) à quelques exceptions près. En effet, premièrement,
ceux qui n'ont jamais eu l'usage de la raison, ne doivent pas recevoir le
Viatique; et cela pour une double raison: le danger d'irrévérence, et
l'usage universel de l'Eglise latine, usage qui équivaut à une défense.
Deuxièmement, bien que l'on puisse donner l'absolution sous condi-
tion à celui qui, durant l'ivresse gravement coupable, se trouverait en
danger de mort, cependant, on ne doit pas lui administrer le Viatique,
parce que " non est mittendum canihus;" or, suivant S. Jean Chrysos-
tôme (boni. 5 in Matth.), " est canis ebrio praestantior et asinus melior."
(Haine, III, q. 53 ad 3.)
Enfin, le Viatique ne doit pas être porté aux femmes de mauvaise
vie, même pénitentes, tant qu'elles se trouvent dans une maison de pros-
titution: le respect, que l'on doit à la sainte Eucharistie, exige que l'on
s'abstienne- de transporter, au moins ostensiblement, le Saint-Sacrement
dans un tel endroit. (Morino, II, n. 320.)
Toutefois cette obligation si générale s'étend-elle même à ceux qui
ont communié peu de temps avant d'être en danger de mort?
Les uns prétendent avec Lugo (disp. 16, n. 40), que ces malades ne
sont pas obligés de communier, advenant le danger de mort : car il suffit
de communier à la fin de la vie ou un peu avant la mort. — D'autres, et
leur opinion est considérée par S. Alphonse comme plus probable, disent
qu'ils doivent recevoir le Viatique, même s'ils avaient fait la communion
dans le courant de la journée; en effet, le précepte de communier oblige
quand le danger de mort existe, et par conséquent ce devoir ne peut être
rempli avant l'existence du péril. — D'autres enseignent que, si le
danger de mort arrive naturellement par le progrès de la maladie, ces
personnes ne sont pas tenues de recevoir le Viatique, car ce péril de
mort existait déjà, bien qu'il ne fût pas apparent, au moment de la
communion; mais, si le danger de mort arrive brusquement, par exemple
comme le .résultat d'une blessure ou d'une chute grave, il y a, disent ces
auteurs, obligation et par conséquent devoir de donner le Viatique, car
ce péril n'existait aucunement (juand la communion précédente a été
faite.
Mais en pratique, que faire? Chacun peut prendre et suivre le parti
qui lui plaira davantage. " In tantâ opinionum varietœte, dit Benoit
— 647 —
XIV (de Synd. 1. T, c. Xl),integrum erit parocho eam sententiam am-
plecti, quae sibi magis arriserit." " Pour nous, ajoute Gousset (II, n.
234), nous n'hésiterions pas à communier une seconde fois celui qui,
dans ces circonstances, désirerait recevoir encore le pain des forts pour
pouvoir lutter contre les angoisses de la mort." C'est aussi l'ensei-
gnement de Haine (III, q. 51 ad eum), qui cite une déclaration géné-
rale faite par la Congrégation de la Propagande au Vicaire Apostolique
de Pondichérv, le 26 juillet 1845: " Infirmo ad mortem, qui absolutione
peccatorum dignus hahitus fuerit, SS. quoque Viaticum concedendum
est."
(d) Au reste, ces malades en danger probable de mort sont exemptés
du jeûne eucharistique. En effet, le Eituel Komain dit : " Potesl via-
ticum brevi morituris dari non jejunis;" et le Concile de Constance
(Sess. 13) déclare que '' hujusmodi Sacramentum (Exicharistine) non
débet. ... a fidelibus recipi, non jejunis, nisi in casa infimiitatis." —
D'où il suit, conclut Génicot (II, n. 202), que les malades en danger
probable de mort sont exemptés de la loi du jeûne eucharistique. Par
conséquent, comme le remarque Zaninetti (IV, n. 2029), il faut mettre
tout scrupule de côté, même si le malade pouvait facilement recevoir le
Viatique à jeun le jour suivant, car l'Eglise dispense ces malades du
jeûne afin d'enlever tout doute et fout trouble de la conscience. (Balle-
rini, IV, n. 168.)
Cependant, ceux qui sont en danger de mort sans être malades,
comme les condamnés à mort, semblent être obligés à la loi du jeûne,
s'ils peuvent communier à jeun sans grave inconvénient. (Génicot, II,
n. 202.)
Cette exemption du jeûne ne concerne-t-elle que la communion en
viatique, ou bien vaut-elle encore pour les communions de dévotion que
les malades peuvent faire après la réception du Viatique?
Génicot (II, n. 202) répond, avec un grand nombre d'auteurs récents
(Lehmkuhl, II, n. 161 ; D'Annibale, III, n. 411, not. 39) que cette
exemption dure aussi longtemps que le malade se trouve en danger pro-
bable de mort: dans le fait, d'après S. Alphonse (H. A. XV, 46), l'Eu-
cliaristie doit être reçue non seulement pour satisfaire au précepte, mais
aussi pour obtenir la grâce de résister aux tentations qui sont plus fortes
et plus dangereuses au moment de la mort. — Et Benoit XIV (<le S\n.,
1.7, c. 12) exhorte les évêques à punir les curés, qui, sans raison grave,
refusent de porter la Communion une deuxième et une troisième fois
aux malades qui la demandent par dévotion. (Marc, II, 1560.)
Peut-on faire communier ces malades plusieurs fois? On enseignait
jadis, avec Layman, que les malades peuvent communier .sans être à
jeun d'autant plus souvent qu'ils avaient l'habitude, étant en santé, de
faire la communion plus fréquemment. Quelques auteurs contempo-
rains, comme Pruner, Timothée de Puyloubier, suivent encore cette
théorie, qui cependant n'a aucun fondement théologiriuc
Des auteurs sérieux en grand nombre (I^acroix, Mimkuhl, D'Anni-
bale, Génicot, Frassin.-tti) disent que l'on peut communier cch n
tous les jours. En effet, il faut se rappeler que le roncile de Coi
les exempte tout à fait du jeûne eu<harislique. — Elbe! ajoute qi
— G4b —
est la pratique comune de l'Eglise; et le P. Hilaire de Sexten s'écrie:
"• Plût à Dieu que cet usage fût commun parmi nous."' Xe pourrions-
nous pas nous approprier un peu ce souliait du docte capucin. Cepen-
dant, fait remarquer l'abbé Moureau (Dict. de Théologie, III, col. 503),
en pratique, lorsqu'il y a obligation de porter l'Eucharistie au loin, une
pareille fréquence ne saurait être obligatoire.
(e) Enfin pour la Communion en viatique, il y a une formule spé-
ciale, qui est obligatoire: " Accipe, f rater aut soror, Yiaticum, etc."
Mais de quelle formule doit-on se servir, si on donne la Communion
après le Viatique? Suivant Clericati, Bouvrv, Falise et Coppin (n.
680), on emj^loie la formule du Viatique toutes les fois que le malade
communie en danger de mort. D'autres, comme Xoldin (III, n. 156)
et VAmi du Clergé (31 Juillet 1902: 20 juin 1907) qui cite les Ephémé-
rides liturgicae (1898, p. 681). enseignent que l'on doit alors faire usage
de la formule ordinaire, comme il ressort d'une réponse de la Congré-
gation des Eites. On avait demandé, si, dans l'administration de la
communion de dévotion aux malades, on doit suivre toutes les prescrip-
tions du Eituel Romain, en omettant toutefois les mots : " Accipe Tia-
ticum." La Congrégation a répondu, le 13 février 1892, que l'on doit
suivre les prescriptions du Eituel, exceptis excipiendis. Comme cette
réponse n'est pas très claire au jugement de beaucoup de liturgistes, on
a continué à discuter. Aussi Le Vavasseur, de Herdt, et Wapelhorst
disent tout simplement que la chose est controversée.
Espérons que l'autorité compétente nous donnera une manière de
faire, qui fasse cesser la bigarrure que l'on voit quelquefois, quand deux
prêtres communient successivement le même malade et se servent l'un
de la formule ordinaire, et l'autre de la formule du Viatique.
*
2^ Malades qui ne sont pas en danger de mort. — Ces malades
peuvent encore se dinser en deux classes: ceux qui peuvent garder le
jeûne naturel jusqu'à l'heure convenable pour la sainte Communion, et
ceux qui en sont incapables.
(a) Quant aux malades qui peuvent rester à jeun, mais sont dans
l'impossibilité morale d'aller à l'église, nous pouvons les diviser en deux
catégories.
(b) La première comprend les personnes qui vivent dans des établis-
sements (séminaires, hospices, collèges), où l'on conserve le Saint Sacre-
ment. Ces infirmes peuvent communier chaque jour, et il est à désirer
qu'ils le fassent, puiscpie sans fatigue le prêtre peut leur porter la Com-
munion dans leurs appartements.
Ceci doit s'entendre même des religieuses cloîtrées, dont le confesseur,
sans aucun scrupule et sans qu'il soit nécessaire d'avoir im privilège
spécial, peut franchir la clôture chaque jour, afin de donner la Commu-
nion aux infirmes qui désirent la recevoir et ne peuvent se rendre à la
Sainte Table. (Gury-Ferreres, II, n. 983.)
Notons qu'alors on doit obsener tout ce que commande le Eituel Eo-
main pour le port de la Sainte Eucharistie aux malades. Que de fois,
— 649 —
cependant, par un laisser-aller déplorable, on ne s'occupe pas de ces
prescriptions, quand il serait si facile de s'y conformer !
On peut encore communier, mênu' tous les jours, les infirmes qui
vivent dans des maisons, où l'on a un oratoire privé, bien (jue ce j)rivil-
lège ne comporte pas la permission de conserver la Sainte Eucharistie.
Dans ce cas, si la chambre du malade est tellement rapprochée de l'ora-
toire que le prêtre puisse s'y rendre sans perdre de vue l'autel, ou que
le malade puisse entendre le prêtre quand il célèljre, on peut lui aibni-
nistrer la communion pendant la messe (intra missam). S. Cong. des
Eites, 7 fév. 18T4, n. 3322). Autrement, comme l'enseigne Ferreree
(Commentaire sur la communion fréipiente, n. 19.S), on peut consacrer
pendant la messe une petite Hostie pour l'infirme et la lui donner après
la messe. (S. Cong. des Eites, 24 mars 1860, n. 3099.)
Bien plus, contrairement à renseignement jusqu'alors reçu, le Sou-
verain Pontife Pie X, le 8 mai 190T, '' a daigné statuer que, dans les
induits de l'oratoire privé, doit être comprise la faculté de distribuer la
sainte Communion à tous les fidèles qui assistent au Saint Sacrifice de
la messe, les droits paroissiaux étant sauvegardés." T.e? droits parois-
siaux, dont il est ici question, conformément aux expressions des brefs
pour concession d'oratoire privé, concernent l'assistance à la messe le
dimanche pour les personnes qui ne doivent pas bénéficier de l'induit,
et la communion pascale sauf autorisation du curé. (Canoniste Con-
temporain, 190Î, p. TOO.)
(2) A la seconde catégorie appartiennent les infirmes qui vivent dans
des maisons particulières n'ayant pas d'oratoire privé. Il est clair
qu'on ne peut obliger le curé à porter tous les jours la Communion
à ces malades, surtout à ceux qui sont atteints d'une maladie chroniqui'.
Mais ne devrait-on pas la donner à tous ceux qui la désirent un jour
par soiiiainc. ou au moins deux fois par nu)is.
*
(6) Les malades atteints d'infirmités chroniques, (pii ne sont pas en
danger de mort, mais qui sont incapables d'attendre à jeun l'heure con-
venable pour recevoir la Communion, peuvent-ils communier après avoir
rompu le jeûne?
Le Eituel lîoniain, après avoir dit (pi'on peut donner le Viati(iue aux
personnes en danger de mort, sans qu'elles soient à jeun, ajoute ces pa-
roles: " Coeteris autern iii/ïrmis qui oh devolionem in ae>/rHiitliiir nnn-
municant. lUmâa est Eitrhnnstin ante omnern rihiim et /lotum, non aliter
ac coeteris fidelibvs, quitus un eJinui prr muduin mrdiciuae ante ali-
quid sumere licet." {de Communione, n. T.)
Aussi tous les théologiens, à rex<eptii)n d'un pt-tit nombre, s'ii.vcr-
dent à dire que la mahidie n'est pas à elle seule un.- rai<..M ^nfti.Mnt.-
pour administrer l'Kucliaristie à qui n'est pas à jeun.
Cependant, plusieurs auteurs très sérieux en.seignnient que ces mabidiT*
pouvaient, sans être à jeun, faire la Comiiiuni..n pascale. parr.< qu ell.'
e«t comme de droit divin. Pour toutes les Communions de d.-\otiun. le
jeûne étnit stiietement obligatoire. Toutefois, ces thMogien.^ ajou-
— 650 —
talent que, si la maladie ne suffit pas pour dispenser du jeûne, elle suffît
pour autoriser la communion aussitôt après minuit.
C'est là, on doit l'admettre sans difficulté, une solution bien peu pra-
tique, au moins dans les paroisses. Aussi, les auteurs s'empressent-ils de
suggérer le recours à Eome pour obtenir, dans chaque cas, un induit
dispensant du jeûne eucharistique, induit iqui, selon leur dire, ne s'ob-
tenait que pour les raisons les plus graves,
1. — Heureusement cette difficulté dans un grand nombre de cas
n'existe plus. En effet, après le décret du 20 décembre 1905, sur la
Communion fréquente et quotidienne, on demanda au Souverain Pon-
tife d'accorder la dispense du jeûne eucharistique à tous les malades qui
ne peuvent l'observer dans son intégrité, et le 7 décembre 1906 fut
publié le décret sur la Communion des infirmes qui ne sont pas à jeun.
Ce décret contient quatre parties: 1° la dispense du jeûne pour cer-
tains malades; 2° les conditions requises pour l'usage de ce privilège;
3° le nombre de communions, que ces malades ainsi dispensés peuvent
recevoir; 4° la nourriture permise.
1° Ce décret renferme un véritable privilège. Effectivement, il est
affirmé que " le Souverain Pontife accorde à certains infirmes la faculté
de recevoir la sainte Eucharistie, bien qu'ils aient pris quelque chose."
2° Tous les malades peuvent jouir de cette faveur, pourvu qu'ils
satisfassent à ces trois conditions : (a) qu'ils soient alités depuis un
mois; (h) qu'il n'y ait pas d'espoir certain de prompte guérison;
(c) qu'ils aient l'avis de leur confesseur.
(a) La première condition exige que ces malades soient alités depuis
un mois. Ce terme: alités, semblerait n'indiquer que les malades
obligés de garder le lit. Toutefois il faut donner un sens plus large à
cette expression. D'après une réponse de la Congrégation du Concile,
en date du 25 mars 1907, il faut l'étendre aux malades gravement
atteints qui sont incapables d'après l'avis du médecin de rester à jeun,
et <^|ui ne peuvent cependant garder le lit ou qui se lèvent quelques
heures par jour. On peut donc dire avec Dom Bastien (N. E. T., 1907,
p. 159; De frequenti communione, n. 207), que les malades visés par le
décret sont ceux qui sont obligés de garder la chambre en raison même
de leur infirmité. " î^ous acceptons volontiers l'opinion des théolo-
giens, qui, comme Vermeersch (Periodica, II, p. 181) et Dom Bastien
(L. C, n. 255), étendent ce privilège aux malades auxquels la saison
permet de sortir quelque temps dans la soirée ainsi qu'aux vieillards.
" Senectns est morhus." Ainsi s'expriment les Etudes franciscaines,
dans le numéro d'août 1907.
De plus, le terme : un mois, doit être pris dans le sens moral. Aussi,
comme l'affirme Dom Bastien (N". R. T., 1907, p. 159), nous ne devons
faire aucune difficulté pour concéder la Communion, s'il manque un
jour ou deux pour parfaire le laps d'un mois. De même, il n'est pas
nécessaire que, pendant ce premier mois, l'infirme n'ait pas communié,
soit à jeun soit en viatique; il suffit que le malade garde la chambre
depuis un mois, comme dit Boudinhon fCan. Cont., 190, 1907, p. 20),
ou que le malade ne puisse sortir habituellement de la maison depuis
un mois, suivant Ferreres (La communion fréquente, n. 204), et qu'il
ne puisse pas rester à jeun jusqu'à l'heure de la communion.
— 651 —
(b) La seconde condition demande qu'il n'y ait pas espoir de prompte
convalescence. La convalescence est l'état d'une personne qui est sortie
de maladie, sans avoir recouvré les forces de la santé. Par conséquent,
la convalescence suppose la guérison. Pour remplir cette deuxième con-
dition, il faut donc qu'il n'y ait pas d'espoir certain de prompte guérison.
Si le médecin est hésitant, il n'y a pas d'espoir certain ; mais si, au con-
traire, il dit que, sans complication inattendue, la guérison sera bientôt
complète, alors existe cet espoir certain. De plus, il faut qu'il s'agisse
d'une guérison prompte. Vermeérsch nous fait remarquer que le décret
parle de guérison, non pas simplement de possibilité de jeûner. Mais
quand cette guérison pourra-t-elle être dite prompte? Quand, répond
Dom Bastien, on prévoit qu'elle aura lieu dans les huit jours suivants.
(c) La troisième condition requiert l'avis du confesseur. Cette
expression dit moins que le consentement ou la permission du confes-
seur. Car celui-ci n'a pas à donner dispense du jeûne, mais seulement
à apprécier si le malade, en tenant compte des circonstances indivi-
duelles, se trouve dans les conditions que suppose le décret. Le jugement
du médecin n'est pas requis, mais cela ne dispense pas le confesseur de
pouvoir et de devoir dans quelques cas demander ce jugement, pour
donner son avis avec prudence.
3° Le décret fixe le nombre des communions permises. Si le malade
habite une maison ayant chapelle ou oratoire privé, que le Saint-Sacre-
ment y soit conservé ou que seule la messe y soit autorisée, on lui permet
une ou deux communions par semaine. Pour les autres maladies, qui
habitent plus ou moins loin de l'église, la communion leur est permise
une ou deux fois par mois.
4" Si la quantité de nourriture permise n'est pas fixée, l)ien qu'on
suppose une quantité modérée, liquide, la qualité est déterminée : il
n'est pas permis de manger, mais la nourriture liquide seule est auto-
risée: per modum potûs. Cette clause a été expliquée par le décret du
Saint Office du 7 septembre 1897. " Quand on dit: per modum potûs,
on entend qu'on peut prendre du bouillon, du lait, du café, ou toute
autre nouiTiture liquide, même en y mélangeani (|uelquc sub^tanc» ^olide,
comme par exemple de la semoule (gruau), du pain grillé en miettes,
pourvu que l'ensemble ne vienne pas à perdre la nature de nourriture
liquide." Les malades dispensés par le nouveau décret pourront donc
user, avant la communion, non seulement de liquides purs, même nu-
tritifs, comme du lait, du bouillon, du jus de viande, mais aussi de
vermicelle, pâtes ou riz en suspension dans le licpiide. (Dom Kastien,
N". R. T., 1907, p. 163.) Le Cardinal Cennari ajoute (Consultations de
morale ï p 290) : " Kien n'empêche les malades de prendre plusieurs
fois de' ces boissons avant la Communion: il est évident que les remèdes
liquides, potions, etc., sont également permis."
Par con'^équont, les malades non en danger de mort, qui gardent la
chambre (iepnis un mois et qui n'cnt pas l'espoir certain d'une prompte
guérison, peuvent, sur l'avis de leur confesseur, recevoir la sainte Com-
munion sans être à jeun deux fois par s^^main.'. s il^ sont dans une
maison ayant chapelle ou oratoire, et deux fois p:.r .-...^ ,]au< 1rs autres
cas.
— 653 —
On doit se rappeler que la Congrégation des Rites, le 16 novembre
1906, a déclaré que le prêtre doit toujours dire: Misereatur tui, etc.,
quand il communie un malade dans ses aj^partements.
Ici vient se placer tout naturellement, il me semble, une question que
l'on peut se poser assez souvent. Peut-on, quand on porte la Commu-
nion à un malade, communier aussi une personne, qui par charité est
tenue de prendre un soin continuel de ce malade et qui ne peut que
difficilement se faire remplacer? Ce cas n'est pas purement hypothé-
tique. Wernz (III, n. 743 ) répond : " Sacra Eucharisiia ad domos
deferri potest et débet, ut viaticum rnorituris vel simplex communio in-
firmis vel aliis fidelihus im.peditis dispensetur." La personne, dont il
s'agit, n'cst-elle pas empêchée de se rendre à l'église? Bien plus, un acte
de charité peut-il être un obstacle à la réception de la sainte Eucha-
ristie? " Deus chantas est."
*
* *
II. — ■ Cependant, il y a de vrais malades, qui ne gardent pas la
ckanvbre, et qui sont dans l'impossibilité de garder le jeûne; ils sortent
et vont à l'église. Peuvent-ils bénéficier du décret ci-dessus expliqué?
JjAmerican Ecclesiastical Revieiv (fév. 1910) et Ferreres (La Com-
munion fréquente, n. 204) soutiennent que probablement ces malades
peuvent user de ce privilège, et en user deux fois la semaine. " Pour
affirmer le premier point, écrit Ferreres, nous nous fondons sur ce que
l'intention du Pape est qu'aucun malade ne soit privé pendant long-
temps de recevoir l'Eucharistie; pour le second point, sur ce que,
pouvant aller à l'église, ces malades doivent être assimilés, pour le
moins, à ceux qui vivent dans des maisons oii il y a un oratoire." Ce
qui donne une autorité particulière à cette opinion, c'est que le même
auteur, après le -décret du 7 décembre 1906, avait interprété les mots:
malades alités, d'une manière large: interprétation qui fut confirmée
par le décret du 25 mars 1907.
Cependant, Dom Bastien (IST. R. T., 1907, p. 162) et les Etudes fran-
ciscaines (août 1907) enseignent que les malades, qui peuvent sortir ici
ou là, mais sans supporter le jeûne, ne peuvent jouir de ce privilège.
" Xous avons tenu, dit Dom Bastien, à nous informer, à la source même,
des intentions du St-Siège. La réponse fut que le décret ne pouvait
s'appliquer à ces personnes, mais que l'on donnerait une interprétation
eu leur faveur." I*ar conséquent, jusqu'à ce que ce privilège ait reçu
cette extension, il n'y a pas d'autre moyen d'obvier à l'ennui de cette
situation, que de s'adresser à la Congrégation des Sacrements, qui ac-
corde très facilement l'induit dispensant du jeûne.
En effet, Mgr l'Arcbevêque de Québec, exposant à cette Congrégation,
au mois de février 1910, qu'une de ses diocésaines, personne pieuse et
dévote, souffrant d'une maladie grave de la gorge, ne pouvait rester plu-
sieurs heures sans boire, et que le traitement de cette maladie exigeait
plus de dix mois sans (|ue la guérison fut complète, demandait: 1° si
cette personne pouvait bénéficier du décret du 7 déc. 1906, suivant l'in-
terprétation du 25 mars 1907; 2^ dans la négative, qu'un induit lui fut
— 653 —
accordé pour faire la C'oinnuinion sans être ii jeun tleux fois par semaine.
Le 15 mars 1910, la Conirré^fatifUi a répomlu on <l<»nnant à cotte per-
sonne un induit lui permettant de communier troiji fois par semaine,
sans être à jeun.
Cette réponse nous montre très clairement que Rome veut favoriser
ces malades, qui cependant ne peuvent pas profiter du décret sur la
Communion des inlirmes qui ne sont pas à jeun.
II, — Devoirs pratiques
Jusqu'ici nous avons exposé les règles à observer dans l'administration
de la sainte Eucharistie, il nous reste à dire ce que doit faire le prêtre
zélé.
I. — En premier lieu, il doit faire connaître aux fidèles leurs devoirs
et leurs droits. Il prêchera donc l'obligation grave qui incombe à tout
fidèle, même aux enfants, de recevoir la sainte Communion quand existe
le danger probable de mort. Dans les catéchismes, dans les prônes,
après leur avoir dit ce qui constitue le danger probable de mort, il leur
exposera combien il est utile de communier dès que ce danger existe, et
il montrera les avantages très considérables qu'ils jjourront retirer de
la sainte Communion faite plusieurs fois dans un tel danger.
De plus, le prêtre doit faire connaître le décret sur la Communion
des infirmes qui ne sont pas à jeun, et, pour éviter toute exagération de
la part des fidèles, il doit exposer avec beaucoup de clarté et une grande
précision les différentes conditions que rcMpiiert le décret pour l'usage
du privilège accordé.
II, — En second lieu, conformément aux ordonnances do Sa Sainteté
Pie X, dans le décret sur la Communion fréquente et même quotidienne,
les curés, confesseurs et iirédicateurs exhorteront souvent et avec zèle les
pauvres malades à communier fréciuemment. Quand on reçoit souvent
Jésus dans son cœur par la Communion, il est plus facile de souffrir, de
supporter les ennuis de la maladie. Au surplus, les souffrances ac-
quièrent alors un mérite exceptionnel, puisqu'elles deviennent en (luelipie
sorte les souffrances d'un Dieu.
in. — Cependant il ne suffit i)as d'instruire et d'exhorter, il faut
encore agir. Aussi le ])rêtre zélé sera toujours heureux d'atvé<ler aux
légitimes désirs de ses ouailles. Sans consulter ses goûts et ses commo-
dités, il ira porter la sainte Communion à tous ceux (pii la désironmt à
bon droit.
Toutefois, ce zèle doit être prudent et wlairé. Aussi faut-il a<hnettr?
qu'à certains jours, par exemple, le premier vendro<li du mois, le di-
manche, le jour d'une communion générale, etc., on ne i)eut fa. ' t
porter la Communion à domicile; ce serait souvent négliger la nu, -
fidèles, pour se donner au soin de (|uel<iues privilégiés. Mais, en dehors
de ces jours où le prêtre peut pros<iue toujours et doit souvent refuser
de porter la Communion à ceux qui ne s(»nt pas en danger ■' v •
port de la sainte Ku<-liaristie à tous les mala-le- e«f une -le-
o-raves du saint ministère.
" Sans doute l'exercice de ce ministère sera plus onereuv. Mais non»
— 654 —
devons nous rappeler que, de par sa vocation, le prêtre doit continuer
l'œuvre d'un Dieu crucifié.
Cependant ne sera-ce pas une corvée insupportable, que d'aller distri-
buer tant de communions dans les maisons particulières? Le soin de
ces malades ne rendra-t-il pas impossible l'accomplissement des autres
parties de notre tâche? Nous ne devons pas nous laisser effrayer par
cette difficulté. En effet, dans les communautés et dans les villes, les
distances étant très courtes, la distribution de la Communion aux ma-
lades se fait sans grande fatigue et sans absorber un temps bien long.
Mais à la campagne? Examinons ce qui se passe habituellement. Suppo-
sons une paroisse de 1500 communiants, si dans une telle paroisse, se
trouvent 15 personnes réunissant toutes les conditions exigées pour la
communion à domicile, nous pouvons affirmer, et personne ne nous
contredira, qu'il y a beaucoup de malades dans cette paroisse ; bien plus
nous pouvons affirmer que rarement ce nombre sera dépassé. Or, ces
malades ou bien habitent tous une même partie du territoire paroissial,
ou bien ils sont disséminés dans les différentes parties de la paroisse.
Dans la première hypothèse, il aura deux voyages à faire par mois ; dans
la seconde, il y en aura souvent quatre, quelquefois six, rarement huit.
Est-ce si difficile? Peut-on, étant donné ce petit calcul, crier à l'im-
possibilité?' Surtout si l'on tient compte que dans la plupart de ces
paroisses il y a curé et vicaire ; que, en outre, les paroisses très étendues
sont rares. Avec un peu d'ordre et beaucoup de bonne volonté, on peut;
donc facilement trouver le temps d'aller communier les malades et de
remplir les autres devoirs de notre saint ministère.
Essayons donc franchement et nous verrons que le Souverain Pontife,
en homme habitué au ministère paroissial, a évité l'encombrement de ce
ministère quand il a fait la distinction entre malades qui habitent des
maisons ayant chapelle ou oratoire, et malades qui habitent loin de
l'église.
En outre, le prêtre, ayant des malades qui ne peuvent pas jeûner, mais
qui ne réalisent pas toutes les conditions du décret expliqué plus haut,
doit par charité demander, par l'entremise de l'évêque, des induits pour
que ces malades puissent faire, de tem^ps en temps, la sainte Communion
sans être à jeun. Multiplions ces demandes autant qu'il nous sera
possible. Plus nous ferons de ces demandes, plus nous hâterons l'ex-
tension du décret.
Vœu :
Enfin, et c'est par là que je termine, je propose le vœu suivant à la ra-
tification de la Section Sacerdotale du Congrès Eucharistique de Mont-
réal : il est à souhaiter que le privilège donné le 7 décembre 1906 soit
étendu à toutes les personnes qui, au jugement du médecin, ne peuvent,
d'une façon habituelle, rester à jeun jusqu'à l'heure convenable pour la
sainte Communion.
En attendant, que tous les prêtres qui sont dans le saint ministère,
donnent un soin spécial à leurs malades et s'efforcent, avec le plus grand
dévouement, de leur ménager une communion aussi fréquente que pos-
sible.
— 655 —
Puis la parole est donnée an dernier rapporteur, le K. P
Marchai, llédemptoriste, qui doit traiter de :
Ii'EDUCATION EUCHARISTIQUE DU PEUPLE
L'objet du présent rapport, c'est l'Education considérée, non dans son
sens pédagogique, c'est-à-dire : le développement des facultés intellec-
tuelles et morales de Thomme, mais dan^ son aception courante qui est
la connaissance et la pratirpie dos règles de déférence et de respect dans
les relations sociales. Appliqué à TEucharistie ce mot indicpUTa la di-
gnité, la convenance extérieure à l'égard de Dieu de nos autels.
Importance de la question.
L'importance du respect extérieur le cède évidemment à celle des dis-
positions intérieures du fidèle. La ru.^ticité dans la réception des Sacro-
nients est un bien moindre mal que l'attachement au péché mortel.
Pourtant, si cette formation extérieure ne vient qu'au second plan,
n'allons pas en déduire que ce soit une puérilité négligeable. Dans le
composé humain, le corps, lui aussi, ne vient qu'au second plan, on ne le
dédaigne pas pour cela, bien au contraire.
Il n'y a pas à dédaigner davantage l'éducation extérieure. Dieu est
l'auteur de notre corps comme il est l'auteur de notre âme, et le corps
doit s'associer à l'âme dans le culte (pie nous devons au Seigneur.
De plus, notre corps n'est pas une sorte d'enveloppe de l'âme, mais
il forme avec elle une union substantielle si bien que notre âme n'agit
et n'opère que par les organes corporels, qu'elle ne ]ieut giu'Te éprouver
de sentiments, soit de joie, soit de tristesse, soit de c(»lère, sans les ma-
nifester corporellement. Si donc elle éprouve des sentiments d'adoration,
d'amour, d'espérance, de repentir, elle doit, en vertu des lois psycholo-
giques, les témoigner extérieurement.
On nous objectera peut-être: " Spiritiis est Drus, et ens qui adorant
eum in spiritù et veritate oportet adorare." (Jo. IV. 24). Certes oui,
il faut adorer et aimer Dieu de tout son esprit, de toute son Ame et
témoigner cette adoration en toute vérité et sincérité.
Mais encore: " Spiritus est qui vivifient, caro non prodest iiuidminm "
(Jo. YI. 64). La chair, le corps privé de son âme n'est plus «in'un ca-
davre. Les démonstrations extérieures chez ceux qui n'ont pas de piété
ne sont que jonglerie et hvpo -risic Dicn reiK)Us<c les sacrifu-es otTert.s
par une conscience impie (Malach. I. 7). Voilà ce que signifient ces
paroles divines. .Tançais le Seigneur n'a réprouvé cMiinn.' t. -II.
extérieur: bien loin de là. Qu'on se rappelle les prescriptions in.,
par Dieu même à M(.ï>e sur le Mont Sinaï. à .Tosué d.'vant Jerhho :
"Salve cfrlceamentam de prdibus tuis. locus enim in qun stas terra
sancta est." (Vx.^]l. 5.. -Jof^. Y. }a).
Et tout le I^ituel, œuvre de Dieu aussi, con. Pmnnt le culte extoneiir
— 656 —
des Hébreux : que de téinoignagi^>s de vénération et pour l'Arche d'Al-
liance, et pour le Tabernacle, et pour le Saint des Saints! Eituel bien
long, bien rigoureux, bien mortifiant. Oui, le code de civilité envers
Dieu était bien sévère dans l'Ancien Testament.
Notre-Seigneur Jésus-Christ se montre plus accessible. Avec Lui,
le cérémonial se simplifie; nos temples sont les maisons du Père de
famille plutôt qu'un palais impérial. Mais la grossièreté y est-elle de
mise? Ce serait une insulte à Dieu, une injure à la race humaine.
" Si je croyais à la présence réelle, disait un hérétique, je passerais ma
vie à genoux." Laissons de côté la politesse timide et tremblante de la
servilité, mais pratiquons la noble urbanité de l'amour filial: Dieu la
mérite bien.
Aussi, guidée par l'Esprit-Saint, l'Eglise Catholique a-t-elle réglé les
moindres détails de sa liturgie. Tenue, maintien du corps, position des
membres, jonctions ou mouvements des mains, génuflexions, prostrations,
signes de croix, direction même des regards, tout a été défini et com-
biné avec une sagesse qui arrachait au grand Leibnitz cet aveu mémo-
rable : " L'Eglise catholique, c'est la grande école du respect."
Lors même que l'autorité religieuse n'eût rien statué de semblable,
le simple bon sens l'exigerait. La vie sociale n'a-t-elle pas son code de
savoir-vivre? Code, dont le monde réclame perpétuellement l'exécution,
nonobstant les fatigues, gênes, privations qu'il impose ; code qui sait
graduer ses prescriptions d'après les dignités, les relations, les circons-
tances. Ira-t-on refuser au Eoi des Eois des hommages que l'on accorde
aux moindres personnages d'ici-bas ?
A supposer que Dieu ne tienne aucun compte pour lui-même du culte
extérieur, la seule raison de l'édification mutuelle le requerrait à tout
prix.
Le culte extérieur, en effet, est bien le seul que les hommes connaissent.
Dieu seul pouvant contempler notre âme et ses opérations internes; les
démonstrations visibles sont donc le grand bien social, la chaîne de
transmission des pratiques religieuses. Pour le grand nombre (spé-
cialement les ignorants et les enfants), c'est la grosse moitié de la
religion.
Que le prêtre donne au peuple l'exemple de l'incivilité, du laisser-aller,
le peuple se rebute et se scandalise. Qu'il se montre plutôt modeste,
recueilli, réservé dans le lieu saint, alors il a le don d'attirer les âmes
à Dieu. Le fameux " sermon " muet de saint François d'Assise, les
signes de croix du vénéré Père de Eavignan, la tenue de saint-François
de Sales, la modestie des regards de saint-Louis de Gonzague, le re-
cueillement de saint-Vincent de Paul à l'autel sont des thèmes connus
de tous.
" Modestia vestra nota sit omnibus Iwminihus! " (Phil. IV. 5).
Ce n'est pas tout. Salutaii'e aux autres, pareille éducation est encore
fort utile à nous-mêmes. L'âme et le corps vont de pair bien souvent.
Qui néglige la posture dans la prière néglige presque toujours la prière
elle-même. Assouplir le corps, l'humilier, le courber devant Dieu, c'est
aider puissamment l'Ame dans ses sentiments intérieurs.
Croyons-en un guide bien expérimenté, Mgr de Ségur, d'après le
conseil suivant que nous cueillons dans son beau traité : " La piété en-
— 657 —
seignée aux enfants, (La prière cli. V);- Sais-tu mon enfant, un
excellent moyen de s'exciter à la ferveur dans la i)ri('re ? C'est de ])rier
à haute voix quand tu es seul, ou bien de prit-r les bras étendus en
croix, ou simplement croisés sur la poitrine, (.'es petits moyens sont
excellents et portent l'âme vers Dieu."
Après cet exposé de principes, le Kappurteiir, tout en
constatant le respect extérieur de nos croyantes populations,
indique les trois dangers qui menacent, selon lui, d'attiédir
ces heureuses dispositions: la liberté plus ou moins décente
des toilettes féminines, la manie de craclier dans le lieu
saint, le manque de tenue et le sans-gêne dans les attitudes.
Puis il conclut :
Si donc, dans l'éducation de notre peuple, il y a du bon, même du
très bon, il y a aussi à censurer et à corriger. Corriger? Parole pé-
nible. Cependant Tal^us existe et ne disp;iraîtra ]ias de soi-même, bien
au contraire. L'intervention de l'autorité pastorale est requise, et les
prêtres vraiment eucharistiques ne pécheront point ici par négligence.
Mais quelle conduite adopter ?
Il est superflu, au préalable, de demander au prêtre rensoigncnicnt de
l'exemple, (^u'il soigne donc son maintien dans les fonctions sacrées;
qu'il accomplisse ses signes de croix, ses génuflexions avec la dignité
d'un honnne pénétré. Le sans-façon sacerdotal est un enseignement
déplorable pour le peuple.
\'ienne ensuite l'enseignement de vive-voix. Tl faut parler au peuple,
du moins de temps en temps, du respect extérieur qu'il doit à Pieu.
Enfin, réagissons. Accomplissons ce devoir lentement et sûrement,
avec prudence, douceur et ténacité. Inutile de dire qu'il faudra y re-
venir plusieurs fois.
a) Commencer par former, ou plutôt reformer l'ojnninn publique.
Beaucoup de nos gens ne se doutent pas de l'inconvenance de leur tenue
à l'égli.-e. Attirer leur attention sur ce point c'est réhabiliter la civilité
religieuse, et discréditer le défaut contraire. Ce défaut étant notoire,
une fois condamné dans ro|)inion, il tendra à diminuer, même chez les
pins négligents.
Dans cette vue: Enseignons cette réforme si désirable dans nos Tri-
duums Eucharistiques, par une instruction spéciale, ou au moins l'un
des points du sermon.
S'il V a dos abus notables, tels <iuc ceux (i-dessus mentionnés, pas de
silence s. v. p.! l)énon<,ons-les en chaire, sans respect humain et souvent.
Peut-être des abus auront-ils besoin d'être frappés par un bon règle-
ment dûment apiu-ouvé et pdiictiielleineiit exisuté:-' Pas de négligence
ni de lâcheté: le Dieu de nos tabenuicles mérite tous nos soins.
h) Mais pour être efficace la réaction doit B'opérer surtout chez l'en-
fanre et la jeunesse. C'est le jeune âge, en efTet. (|Ui est le plus en faute,
et d'antre part, c'est lui (|ui est encore jdus suscei)tib1e d'nmendenu'nt.
A l'égard des gareons : que MM. le-; lUrés, ( atéM-bistes. FF. direfteur*.
instituteurs, détournent les élèves de cracher A terre dnn.4 le» t-glis<»H ;
— 658 —
qu'ils ne tolèrent pas ces postures molles et décrépites, ces enfouisse-
ments des mains dans les poches, et autres incivilités de cette valeur.
Quoi de plus rationnel que d'habituer ces jeunes gens à tenir un livre
quand ils sont à leur place, et, quand ils viennent à la Sainte Table, a
joindre les mains, ou du moins replier les bras sur la poitrine ?
A l'égard des filles? Que les supérieurs ecclésiastiques et les direc-
trices de pensionnat, réclament l'exécution des lois de la modestie reli-
gieuse, notamment que les élèves n'entrent à la chapelle que la tête bien
voilée, je veux dire le sommet de la tête, non l'arrière, et d'un voile qui
soit un voile, donc un peu moins transparent que ceux qui sont de mode
aujourd'hui. La vanité de ces demoiselles en souffrira, mais la piété
eucharistique le demande.
Dans les maisons d'éducation (écoles, collèges, académies, pension-
nats) il est très bon de faire de la tenue extérieure un point (avec note)
du compte-rendu mensuel, et dans les associations de jeunesse, un article
de règle n eut.
Le zèle eucharistique suggérera aux pasteurs d'autres moyens oppor-
tuns et efficaces dans cette œuvre de restauration.
Voeu :
En terminant nous nous permettons de formuler le voeu suivant, que
nous soumettons à l'approbation du congrès :
Comprenant toute l'importance de l'Education eucharistique de notre
peuple, et constatant, combien en certains points, elle est négligée.
Que les prêtres et les maîtres qui ont autorité sur les fidèles travaillent
à obtenir de leurs subordonnés la vénération du saint Heu, — un costume
décent; — une pisture respectueuse et digne, surtout dans la fréquen-
tation de la Sainte Table.
" Glorificate et portate Deum in corpore vcsiro." (I Cor. VI. 20).
Après le R. P. Marchai, le Secrétaire présente à rassemblée
un travail qui lui a été envoyé par M. le Chanoine Cabanel,
aumônier au lycée de Montpellier, France.
L'EUCHARISTIE CONSIDEREE COMME
REMEDE SOCIAL
Selon l'enseignement de l'Eglise catholique, l'Eucharistie est Jésus
présent parmi nous, s'offrant en sacrifice et en nourriture pour le salut
du monde.
Le Rationalisme répudie ce magnifique "Don de Dieu." Il considère
l'Eucharistie comme un mémorial ou un symbole. Prenant à son compte
le sophisme l)lasphématenr de Proudhon, il dénie toute vertu surna-
turelle au remède sacré que les fidèles trouvent dans l'Eucharistie, et
dit avec lui: "Depuis la communion, le nombre des vices et des vicieux
a-t-il diminué, sur la terre ? "
— Côù —
C'est en réponse à cette haineuse aitirmation, qu'a été rédigé le pré-
sent mémoire.
L'auteur se propose:
1. D'établir que le nombre des vices et des vicieux a diminué sur la
terre, grâce à l'Eucharistie.
2. De rechercher pour quel motif, malgré l'Eucharistie, le nombre dea
vices et des vicieux reste trop considérable.
3. Enfin, de proposer quelques moyens pratiques pour diminuer par
l'Eucharistie, le nombre des vices et des vicieux.
1° Le nombre des vices et des vicieux a diminué sur la terre, grâce a
l'Eucliaristie.
L'Eglise n'a pas la prétention d'enseigner à l'homme, qu'une fois uni
à Dieu, par la communion, il ne ressentira plus les atteintes des pas-
sions. Xon, les passions ne disparaîtront pas de la terre; c'est jusqu'au
bout que nous en subirons les assauts. Il n'y a rien là qui doive nous
étonner ni nous décourager. Le chrétien est un soldat dont la vie est
une longue et douloureuse bataille et dont le ciel sera la réc< mpense.
Défiant par avance, toutes les philosophies de l'avenir, l'Eglise ensei-
gnait aux chrétiens des catacombes ce qu'elle enseigne aux chrétiens du
XXe siècle; à savoir que l'homme naît avec des instincts pervers, qu'il
n'est vertueux que par un elîort de sa volonté. A .T.-.Tacques lîousïJoau
soutenant: "L'homme naît bon, c'est la société qui le déprave," l'Eglise
répond par l'enseignement de l'Apôtre Pierre aux premiers chrétiens:
" Soyez vigilants, car vos passions semblables à un lion rugissant, cher-
chent à vous dévorer." Continuant les enseignements du Christ, " Le
rovaume des cieux souffre violence, seuls, les violents le pourront con-
quérir." Il faudra donc, juscju'au dernier jour de sa vie, <}ue le chrétien
se fasse violence, qu'il porte sa croix, la croix de sa nature viciée. A
la porter seul, l'homme défaillerait. De la part du Christ, l'Eglise va
vers l'homme, ce composé de corps et d'esprit, cet être dont le front
touche les cieux et dont les pieds sont dans la poussière; elle lui offre
la communion eucharistique, secours du corps, secours de l'âme. Mais
elle a grand soin de lui rappeler que lorsqu'il aura communié au corps
et au sang de Jésus-Christ, ses passions resteront en germe, ne pouvant
être maîtrisées qu'au prix de constants efforts. Pour éviter toute éf^ui-
voque, l'Eglise impose à l'homme le rigoureux devoir de ne s'approcher
de la communion (lu'avec un cœur purifié et l'aveu de ses fautes. Pour
recevoir l'Eucharistie, le cliréticn devra exi)ier les injustices commises,
satisfaire à Dieu et au prochain, restituer tout bien \m\\ ai-quis, par-
donner les offenses reçues, briser tous liens coupables, être ■' à
lutter contre ses penchants et ses convoitises. Il devra encNirc - ^it
par serment formulé devant Dieu, à éviter désormais l'iK-casion mêiue de
tout péché grave. Puis l'Eglise toujours convaincue de? faiblesses de
l'homme, ha rappelle que " (luiconijue s'approche de la T •' ' inte, sans
être diirnenuMit préparé, mange et boit sa propre condan i.
Peut-on plus clairement reconnaître que les passions r*-stent en nous,
toujours vivantes et par cons^pient nous diligent à rester vigilanU et à
— 660 —
chercher du secours contre elles. L'Eglise n'enseigne donc pas que les
vices sont abolis, mais simplement diminués par l'Eucharistie.
Elle affirme en outre que la communion crée dans l'âme l'habitude du
bien et suscite les plus héroïques vertus ! Konie païenne voulut avoir
des vierges ; on sait à quelle horrible sanction il fallut recourir pour les
conserver dans leur chasteté ! L'Eglise catholique a eu ses Vierges
aussi ! Tandis que le plus cruel des supplices était le châtiment des
A^stales infidèles à leur mission, nos Vierges chrétiennes ont versé leur
sang jusqu'au martyre pour défendre leur vertu. Et tous les jours,
partout où s'élève une croix, des milliers de Vierges trouvent un en-
chantement tout divin à se conserver telles. Aucune sanction, aucune
contrainte ne les maintient fidèles à leurs vœux. Elles se contentent de
pénétrer la beauté de l'Hostie et de boire à la coupe sacrée du vin qui
fait germer les Vierges ! Parce que Vierges, elles sont devenues. Mères
des orphelins. Sœurs des malades, Missionnaires des peuples sauvages^
vaillantes comme des soldats ; elles vont sur le champ de bataille dis-
puter à l'ennemi ses victimes expirantes, pour leur montrer le ciel et
adoucir leur mort! D'où leur vient ce courage, cette vertu, cette auréole
de sainteté qui imposent le respect, dans les milieux les plus hostiles,
parfois infâmes, où les mène leur apostolat? De la communion qu'elles
reçoivent chaque jour!
Que ne. devrions-nous pas dire de cette phalange de prêtres, de reli-
gieux, de missionnaires, qui, soutenus par l'Eucharistie, remplissent leur
devoir quotidien, avec un dévouement sans mesure ; sacrifient leur repos,
leur santé, leur vie, pour conquérir les âmes à Jésus-Christ? où donc
s'entretient cette flamme qui les anime, sinon dans le Sacrement de
l'Autel?
Et si du domaine des âmes consacrées à Dieu, nous passons dans le
monde des fidèles, nous serons encore plus émus, en présence des mer-
veilleux effets opérés par l'Eucharistie.
On reproche beaucoup aux classes riches de la société de n'avoir
d'autre but que la jouissance de leur fortune. Ceux qui jugent les choses
a la surface, s'arrêtent aux abords brillants de certaines existences. Ils
ne voient pas, ils ne savent pas que les personnes rencontrées par eux,
le soir, dans de luxueuses voitures, étaient debout dès l'aurore, pour
assister à la messe et recevoir l'Eucharistie. Leur matinée avait fui
pendant qu'elles visitaient les pauvres, soignaient les malades ou bien se
réunissaient dans les salles paroissiales, pour y travailler au vestiaire de
l'autel. D'autres quittaient leur demeure, catéchistes des enfants dvi
peuple, à la recherche des ménages irréguliers et des enfants non encore
baptisés. Le fruit de leur bienfaisante intervention vaut à ces familles,
la double grâce du mariage et du baptême. On ne saurait séparer des
œuvres de ces femmes chrétiennes, celles des hommes et spécialement les
œuvres de S. Vincent de Paul et de S. François-Eégis, toutes deux si
modestement bienfaisantes et moralisatrices; les Patronages où nos étu-
diants catholiques, dédaigneux des plaisirs que la jeunesse ne recherche
pas sans remords et sans honte, réalisent auprès d'enfants parfois livrés
à eux-mêmes, de vraies résurrections d'âmes, en leur révélant les beautés
de la vertu, se faisant ainsi pardonner tous ensemble, devant leur cons-
— 661 —
cience et aux yeux des pauvres qu'ils évangélisent, la part de richesses
qu'ils ont reçue à leur naissance, sans avoir rien lait jjour la mériter!
Et si des évangélisateurs, nous passons aux évangélisés, comna-n;
n'être pas ravis de cette phalange de jeunes filles pauvres passant leur
vie à l'atelier, dédaignant la voix tentatrice ou l'exemple provocateur
d'anciennes compagnes qui leur dit et leur montre la facilité (ju'elles
auraient aussi, à se ])rocurer une existence d'un luxe é'clabuussant.
On le voit: Elle est imposante comme une formidable armée celte
légion d'âmes que la vie n'atteint pas, soit du côté de ceux qui donnent,
soit du côté de ceux <iui reçoivent. A qui donc cette double élite d'âmes
doit-elle la foi qui l'inspire, l'espérance qui la soutient, la charité <jui
l'enflamme? — A l'adorable Eucharistie! Protestation vivante contre
le sophisme menteur de Proudlion.
11° Pourquoi, malgré la Communion, le nombre des vices et des vicieux
est-il encore si grand sur la terre?
Eeconnaissons-le sans détour, car '' Dieu n'a pas besoin de nos men-
songes." Il est vrai que le nombre des vices et des vicieux reste encore
trop considérable malgré la Communion. Pourquoi!"
Remarquons d'abord que les vicieux satisfaits dans leurs ^^ce^, se
gardent bien d'aller chercher un remède aux maux qu'ils atreclionnent.
Il faudrait sacrifier à des habitudes chères et ils préfèrent redire le mot
résigné du poète : " Video miliora prohoque, détériora seqnur." La vraie
raison du trop grand nombre fies vices et des vicieux malgré la commu-
nion, provient de ce que l'Eucharistie est :
1. Mal comprise,
2. Surtout mal reçue.
1° Elle est mal comprise par beaucoup de chrétiens. Ils oublient
trop que l'Eucharistie est un remède qu'il faut recevoir, sans se lasser,
jusqu'à complète guérison. Peut-être, aux jours de communion ont-ils
entendu leur conscience imiuiète crier contre des défauts persistants.
Et ils se sont découragés, oubliant qu'ils ont le droit de dire à leur
conscience ou aux témoins cho(jués de la ])ersistance de leurs défaut*,
"que serais-je devenu si je n'avais j)as communié!-' — Je serais devenu
pire!" Le corps n'a-t-il pas besoin de preiulre maintes fois le même
remcHle, devant la persistance d'une maladie olistinée!' L'âme est
comme le corps, elle ne vit que par la grâce; et où la trouvera-t-elie en
dehors de Jésus-Christ!" Elle doit aller constamment puiser à cette
source universelle de grâce, parce (pie. dit saint Thomas d'Acpiin:
"Jésus-Christ devait non seulement être Saint, mais faire <les .««aints et
s'appeler le Saint des Saint.s." Le corps, par suite de la communion,
s'unit au corps de Jésus-Christ, et le corps du chrétien uni au corjis (hi
Christ sent en lui s'affaiblir la concupiscence et grandir le gennc (le la
glorieuse résurrection. — L'âme éprouve à la communion les mêmes
bienfaits que le corps. Elle est nourrie par la grâce, guérie de» maux
du péché, soutenue contre de nouvelles chutes, illuminée par la lumière
du Christ, grandie par sa grandeur, ravie par son harmonie, conquise
par sa bonté! Et puisque le beau, d'apn'-s la juste dèlinition de \mcov-
daire "est l'épanouissement de l'être, dans la grandeur, l'haniionie, la
— 662 —
lumière et la bonté," l'âme du chrétien se trouve par l'Eucharistie,
embellie de la beauté même du Verbe Incarné. L'Eucharistie est donc
le remède offert par Dieu à l'homme pour guérir ses misères de corps et
d'âme et ennoblir sa vie terrestre.
Pour les âmes éprises d'idéal, l'Eucharistie c'est le ciel ! Ce n'est pas
une métaphore : " Le ciel, dit saint Thomas, n'est que l'effet et le fruit
de l'Eucharistie." Si le ciel n'est autre chose que l'Eucharistie dé-
voilée, l'Eucharistie est bien le ciel voilé. Saint Augustin enseigne que
l'objet du bonheur éternel est, pour les élus, contenu dans ces trois
mots -.VideUmus, Laudabimus, Amabimus : J^mnière, Louange, Amour
éternels : Voilà le ciel ! Or, s'il est ici-bas un mystère qui nous donne
la plus parfaite des lumières, la plus parfaite des louanges, le plus par-
fait des amours, ce mystère nous donne bien le ciel sur la terre. Ce
mystère existe, c'est l'Eucharistie !
Pour l'Intellectuel, la communion est la rencontre du fini avec l'in-
fini; rencontre harmonieuse de la vie humaine et de la vie divine. C'est
Jésus-Christ rétablissant l'homme dans la dignité de sa nature, le re-
levant Jusqu'à Dieu et comblant toutes les aspirations de son cœur.
Pour l'Illettré, la communion est la présence en soi du Dieu de la
nature, du Maître de l'univers, de Celui qui donne aux champs leur fé-
condité, qui gouverne toutes choses par sa maternelle Providence.
Pour le Croyant, la communion est la présence réelle de l'Ami qui
appelle, guérit, console, enchante, montre le ciel comme le dernier mot
des éternelles compensations.
Ainsi doit être comprise l'Eucharistie !
2° D'où vient que malgré l'efficacité toute-puissante de la Commu-
nion, le nombre des vices et des vicieux reste si considérable?
En voici une autre raison: Trop de chrétiens s'approchent de l'Eu-
charistie avec une âme insuffisamment préparée. La théologie nous
enseigne bien que les sacrements de la loi nouvelle produisent leur effet
par eux-mêmes; mais nous savons aussi que l'effet de la communion
correspond en efficacité aux dispositions de ceux qui la reçoivent. Eeçue
avec des dispositions parfaites, l'Eucharistie devient un remède parfait
contre les passions; avec des dispositions mauvaises, le remède au lieu
de guérir devient funeste. De là, aux redoutables suites d'une âme s'ap-
prochant indignement du Sacrement, il n'y a qu'un pas. Et l'on sait la
terrible sanction portée par saint Paul contre ceux qui reçoivent indi-
gnement la Communion !
Le récent décret de la Sacré Congrégation du Concile, sur la récep-
tion quotidienne de l'Eucharistie fixe ainsi la Doctrine Catholique sur
cette question capitale " quoique les Sacrements de la Nouvelle Loi pro-
duisent leur effet par eux-mêmes, cet effet néanmoins est d'autant plus
grand que les dispositions de ceux qui les reçoivent sont plus parfaites.''
Ce n'est pas sans une profonde douleur que l'Eglise constate la pau-
vreté des dispositions de certaines âmes qui s'approchent de l'Eucha-
ristie. Les unes vont à la Communion par routine, elles ne peuvent
s'en passer. Il leur faut la Communion tous les jours ; et tous les jours
elles s'en approchent sans d'autres dispositions que ce vague désir d'ac-
complir un acte de religion où le corps et l'âme ont une part également
— 663 —
grande. Ainsi l'hôte divin vient dans une âme qui n'a pas préparé sa
venue, soit par une vigilance méritoire sur les défauts d'hier, soit par
une résolution énergique de lutter contre les passions d'aujourd'hui et
de demain.
Les autres vont à la Communion avec une c-onscience attachée au mal.
Ne coudoyons-nous pas partout des chrétiens qui, liés par de coupables
chaînes, mis en présence de leur devoir pascal, brisent ces chaînes huit
jours avant l'accomplissement du devoir et huit jours après les repren-
nent? "Il faut, disent-ils, que je communie à Pâques." Pendant le
laps de temps qu'ils se sont donné, ils s'abstiennent de toute faute. Au
jour déterminé, ils reprennent leurs funestes habitudes. Quel effet a
donc pu produire la Communion sur de telles âmes?
Combien longue serait la liste de misères semblables s'il fallait les
énumérer ! X'est-il pas vrai que la pratique des âmes nous révèle par-
fois les plus étranges compromissions de conscience 1 Communion fré-
quente allée à un esprit d'orgueil, communion fréquente dans un cœur
rivé à l'avarice, à l'envie, à la jalousie, communion fréquente sur des
lèvres qui déchirent cruellement le prochain tout le jour, communion
fréquente avec l'habitude horrible du mensonge et de l'hypocrisie. Quel
bien, encore une fois, quels effets d'humilité, de générosité, de pureté, de
charité, de patience, la Communion produira-t-elle dans les âmes qui
concilient ces conscientes habitudes de péché, ce manque absolu de pré-
paration avec l'oubli total du devoir rigoureux de travailler à la correc-
tion de ses défauts !
Je comprends ce mot de l'austère et saint prélat qui a laissé le sou-
venir d'une âme sévère à elle-même et généreuse sans mesure à l'égard
du prochain : " Donnez-nous, disait Mgr d'ITulst, donnez-nous dos chré-
tiens avant de nous donner des communiants." Appel justifié par
l'absence du sens chrétien, chez un grand nombre de catholiques.
Keconnaissons-le : Trop de chrétiens communient et demeurent vi-
cieux. C'est un scandale pour les justes, un arrêt pour les hi^sitants,
un prétexte pour les timides. Cependant l'Eucharistie est là avec sa
puissance souveraine de guérir! Dans l'acte sacré et vital de la Com-
munion, à l'instant môme où le chrétien ae nourrit de la chair très
sainte du Sauveur et boit son sang adorable, le Christ Eucharistique le
saisit, l'enveloppe, le pénètre, le conquiert ! Il s'empare de ses pensées,
de ses passions elles-mêmes pour les transformer en vertus! Le voilà le
prodige de l'Eucbaristie ! Il s'acroniplit tous les jours et en tous lieux!
Par lui, les vicieux sont guéris: par lui, les vices disparaissent de la
terre.
Si donc les vicieux ne sont pas giu'-ii;-, m les vices demeurent, c'est
assurément parce qu'ils opposent un obstacle à l'action de Jésus-Eucha-
ristie. Il faut le redire sans cesse: l'Eucharistie n'accomplit en nous ce
prodige que dans la mesure où nous nous livrons à elle. Qui. -e
livre à Jésus-Christ sans mesure, c'est-à-<1ire avec un cfpur en; ut
contrit de ses fautes, un désir absolu <le purification, celui-là reçoit Jésus-
Christ sans mesure et il est entièrement guéri. En lui le prodige est
réalisé! Pmdige inexprimable que l'apôtre essayait de truduir. - os
paroles enthousiastes, devenues le cantit|ue des âmes ct.min ^ —:
"Ce n'est plus moi qui vis. c'est Jésus-Christ qui vit en moi!" Can-
— G6i —
tique de victoire sur les passions, prélude du cantique éternel que nous
chanterons dans le siècle futur.
111° De quelques moyens pour diminuer^ par l'Eucharistie le nombre
des vices et des vicieux.
En réalité, un seul moyen suffit : celui de se donner sans mesure à
rEucharistie. Toute autre considération doit se confondre avec ce
devoir qui les résume tous. Il est du moins certaines pratiques dont
l'expérience s'impose.
1. Faire la rééducation eucharistique des fidèles. Et cela par l'en-
fance. Turgot présentant à Louis XVI son plan d'éducation politique,
lui disait: "Sire, j'ose vous répondre que dans 10 ans, votre nation ne
" sera plus reconnaissable et que, par les lumières, les bonnes mœurs, le
" zèle éclairé pour votre service et pour celui de la patrie, elle sera au-
" dessus des autres peuples. Les enfants qui ont actuellement 10 ans
" se trouveront alors des hommes préparés pour l'Etat, affectionnés à leur
"pays, somnis non par crainte mais par raison, à l'autorité; secourables
" envers leurs concitoyens, accoutumés à reconnaître et à respecter la
" justice."
Turgot s'illusionnait, les hommes d'Etat de cette époque se trompaient
en comptant sur les vertus morales des hommes. Il fallait mettre à la
base de cet enseignement établi sur des principes purement humains et
par suite fragiles, des principes inébranlables comme Dieu lui-même.
Nous avons vu quel terrible démenti leur infligea la Eévolution.
Il faut pour qu'une vie soit féconde en vertus, persuader à l'enfant
qu'il est une créature destinée a glorifier Dieu, que sa raison d'être, en
ce monde, n'est que cette glorification d'où dépendra le bonheur de
l'individu, de la société ensuite. Or, pour y arriver, il faut prendre
l'enfant, profiter de sa préparation à la première communion pour lui
inculquer de très bonne heure le sentiment de ce grand devoir. Et le
moyen, c'est l'Eucharistie.
2. i)évelopper en l'enfant, par l'Eucharistie, l'idée de la réparation.
— Un des grands sentiments accessibles à l'enfance, est, à n'en pas
douter, le sentiment du pardon à obtenir après ses fautes. Quand l'en-
fant sera persuadé de la nécessité d'expier en ce monde, les fautes dues
aux péchés même pardonnes, comment n'irait-il pas à la source de la
réparation qui est d'ahord le Sacrifice Réparateur, ensuite la Communion
Eucharistique. A mesure que cette vérité germera en lui, il voudra
éviter de nouveaux péchés, cause de tant d'obligations. Trop de chré-
tiens ayant gravement offensé Dieu et le prochain croient avoir satisfait
à Dieu et au prochain, par suite d'ime confession bien faite. Les tou-
chantes cérémonies de Réparation Eucharistique seraient un très profi-
table moyen pour rappeler cette vérité essentielle.
(A) La première année préparatoire à la première communion, on
ferait une ou deux réunions eucharistiques par mois. Devant la Sainte
Hostie, le prêtre exposerait, selon la méthode si féconde en résultats des
Pères du Saint-Sacrement, les raisons des prières, des chants, de l'idée
réparatrice. Le salut clôturerait la cérémonie. L'enfant sortirait de
là grandi par le sentiment d'une réparation accomplie et raffermi dans
l'amour du prochain.
— 665 —
(B) L'année de la première Communion, cette même réunion aurait
lieu tous les jeudis.
(C) Enfin pour la persévérance, on établirait une Communion répa-
ratrice le premier dimanche de cha(|ue ukùs. L'Euchanslie, base,
centre, sommet de toute vie chrétienne deviendrait peu à peu pour
la jeunesse, le pain miraculeux qui permit à Elie d'atteindre jusqu'au
sommet de l'Oreb. Xos adolescents ont tous le droit d'entendre cette
invitation de l'Ange au prophète : " Lève-toi et mange, car il te reste
encore une longue route à parcourir." Devenus adultes, ces catho-
liques accoutumés à s'agenouiller au pied du Tabernacle, viendraient de
plus en plus vers ce Jésus de Nazareth auprès de (|ui les foules accou-
raient pour entendre sa parole, lui demander jjardon et cbtenir ses
bienfaits.
Ainsi s'établirait dans le cœur de chaque fidèle le règne de la foi
agissante. L'Eucharistie deviendrait la solution de nos difficultés so-
ciales. Ferment divin d'union entre les fidèles, par elle, le.> convoitises
qui conduisent à l'anarchie seraient à jamais liannies du cœur de
l'homme.
III. De même que dans la plupart des paroisses importantes, un rr-
lebre l'octave des morts, pourquoi n'aurions-nous pas l'octave Eucharis-
tique dont la Fête-Dieu serait le couronnement?
Durant cette octave on célél)rerait l'excellence et la beauté d^ l'Eu-
charistie, on instruirait les fidèles sur les fniits de ce sacrement, «>n
prêcherait l'Eucharistie dans le sens de la prière de l'Eglise qui de-
mande "au Dieu Tout-Puissant, par l'entremise de tous les saints du
"ciel, que ce Sacrenrent ne soit pa>s en nous un crime digne de châti-
"ment mais une puissante intercession de pardon; qu'il efTace nos
" péchés, qu'il soit notre force dans notre fragilité et notre défense
" contre tous les dangers du monde."
4° Enfin favoriser les Congrès Eucharistiques.
Le protestantisme savait ce qu'il faisait quand il s'est altîK|ué à l'Eu-
charistie, cette source de la vie de l'âme. 1/ Angleterre et l'Allenuigno
qui ont vu sur leur terre schismati<|ue, les deux plus grandioses mani-
festations eucharistiques de ce siècle, re<ueillent à cette heure les germes
d'union et de génération que provo<|uent de telles manifestations. Ces
deux peuples voués, {jar tradition, à l'hérésie, voient tous les jours,
nom])re de leurs enfants en qui donnaient les mérite? acquis par les
sicx,'les de foi qui précédèrent la réforme, ren<lus à la lumière de la
vérité! Comment de tels spectacles n'ébranlcraient-ils pa^j les })lus in-
sensibles? (Quiconque prête l'oreille à la voix mystérieuse de l'Hostie
ainsi vénérée, entend ces paroles que saint Augustin converti entemlait
sortir du Tabernacle: "Je suis la nourriture des grands et des forts ;
"grandis et tu me mangeras. Et tu uf me tratisfoniuras pa^ en toi
"mais je te transformerai en Moi."
C'est le poème des Mystères du festin de l'Autel!
Gloire soit à n<»tn' Saint-IVre Tie X, «jui invite les fidèb-s à la Com-
munion quotidienne! Inspiré par son amour de Dim v\ d.-s Ames, il a
compris que pour guérir les maux <le la société moderne, pour ri'nli<»er
— 666
son programme divin, principe et fin de ses paroles, de ses actes, " il
" n'instaui-erait vraiment toutes choses dans le Christ " que par l'ado-
rable Eucharistie !
A la fin de cette séance, aprè.s quelques mots de remercie-
ments aux différents rapporteurs, Mgr Archambault invite
Mgr Touchet, l'éloquent évêque d'Orléans, à adresser la
parole :
ALLOCUTION DE MGR TOUCHET, EVEQUE
D'ORLEANS
Monseigneur, chees Messieurs,
Je suis très ému de l'accueil que vous avez fait tout à l'heure à la
pensée de Mgr Archambault, que je devais vous adresser quelques paroles.
Je pense bien que cet accueil ne s'adresse pas à moi personnellement;
il s'adresse peut-être à cette Eglise de France que j'ai l'honneur de repré-
senter en ce moment au milieu de vous. Puisqu'il en est ainsi, laissez-
moi vous remercier de tout mon cœur. (Applaudissements) .
Lorsque le secrétaire de votre Congrès Sacerdotal m'a demandé de
vous dire quelques mots, j'ai refusé net: il ne me semblait pas que je
dusse retenir votre attention ayant l'occasion de vous parler demain
soir, à Notre-Dame, l'occasion de vous parler encore lors de la messe de
Mgr le Légat, dimanche prochain, l'occasion enfin de parler, du moins
à ceux qui sont de la ville de Montréal, mardi prochain, dans une con-
férence sur notre bienh;ureus3 Jeanne d'Arc (Applaudissements) . Mais
peut-être qu'il y a un effet de transaction possible entre mon vouloir et
l'insistance aimable soit de notre cher président, soit de M. le secrétaire.
Cette transaction est que, vous parlant, je ne vous parlerai pas ; et si vous
voulez me le permettre, c'est bien ce que je vais faire ici. Je vais vous
citer deux paroles qui ne sont pas de moi, et deux paroles seulement.
On a parlé, Messieurs, pendant toute cette réunion du culte que vos
fidèles, que nos fidèles doivent à la sainte Eucharistie. On nous a dit,
et avec une admirable précision de doctrine qui vous a frappas comme
elle m'a frappé, comment nous devions traiter le sacrement de l'Eucha-
ristie avec les âmes qui nous sont confiées. Nous, prêtres, nous, évêques,
nous sommes les premiers qui devons penser à l'Eucharistie et à nos rap-
ports avec l'Eucharistie. Le prêtre est le grand ami de l'Eucharistie,
ou bien il en est l'ennemi. C'est là notre responsabilité. Envers Notre
Seigneur Jésus-Christ, il ne peut y avoir pour nous que deux sentiments :
ou un sentiment de passion sainte, ou un sentiment de haine, et vous
supposez que nous oublions celui-ci. C'est tout ou rien. Comme il
convient entre Dieu qui nous a confié le sacerdoce, et nous, nos rapports
avec l'Eucharistie doivent être d'abord un grand sentiment de respect.
C'est bien vrai, nous avions oublié les principes quant à ce qui est
de la communion f réquente.4 II a été bon que le Pape nous les rappelât.
es
— gg: —
Nous les avions oubliés, bien plus encore, quant aux petits enfants. C.„
directions du Pape, nous devons les accueillir avec les dispositions qui
conviennent quand il s'agit d'une décision venant de Eonie: " Obedire et
credere." (Applaudissements.)
" Obedire et credere :" Obéir et avoir confiance; mais si nous devons
être plus faciles, si nous devons être très faciles même quant à ce qui est
de l'attitude de nos fidèles vis-à-vis ^e la sainte communion, il faut que
nous, me semble-t-il, dans nos relations avec la sainte Eucharistie, qui
sont des relations nécessaires et quotidiennes, nous redoublions de res-
pect; il faut que nous qui devons communier tous les jours, nous avons
plus que jamais le souci de nous approcher de la Sainte Table avec piété,
de nous approcher de la Sainte Table avec foi, de nous approcher de la
Sainte Table qui est notre table à nous, avec la plénitude de tous les
sentiments de notre Jésus. Et ici, j'en viens à la première parole que
je voulais vous citer. Cette parole, elle fut dite un jour par l'amiral
Dupetit-Thquars qui était préfet maritime de Cherbourg, à un sous-
préfet du lieu. L'amiral Dupetit-Thouars était allé à la procession du
Saint-Sacrement, l'année qui précéda ce petit dialogue, en grand uni-
forme. Un amiral français qui va à la procession du Très Saint-Sacre-
ment en grand uniforme, ça étonne certaines gens du gouvernement
français et ça les inquiète, vous vous en doutez hieii. Or, le gouverne-
ment français a, à Cherbourg, un agent. Cet agent est un sous-préfet.
Ce sous-préfet alla voir le préfet maritime et lui dit, avec quelqu'em-
barras: "Monsieur le préfet, il serait peut-être bon que vous voulussiez
ne pas trop. . . ." — " Quoi donc? " — " Ne pas trop. ..." — Quoi? '*
— " Xe pas trop. ..." Le vieux loup de mer gênait évidemment ce sous-
préfet. Comme aurait dit Lacordaire: " Va-t-il déclancher ce qu'il a au
fond du gosier." Il lui dit : " Le gouvernement serait bien aise que vou^
ne parussiez pas à la procession cette année-ci avec votre grand costume.''
L'amiral le regarda bien droit dans les deux yeux et lui dit : " Monsieur
le sous-préfet, je voudrais bien savoir si. depuis que M. Clemenceau est
à la tête des affaires, il est advenu que le Bon Dieu est descendu d'un
cran (Applaudissements), comme je ne le pense pas, j'irai dimanche pro-
chain à la procession et j'irai dans mon grand uniforme, et si j'avais
un uniforme plus grand que mon grand, vous pouvez compter que je le
prendrais." (Applaudissements).
Messieurs, Xotre-Seigneur Jésus-Christ n'est pas descendu d'un cran.
Naturellement, par suite des facilités qu'on vous a exposées et qu'on
a eu raison de nous exposer, s'il y a quekiu'un qui doit le considérer
comme toujours au même degré c'est assurément le prêtre, par consé-
quent il doit être plus profondément dévoué <|ue jamais à la tn- -.lint.'
Eucharistie. Voilà le premier mot que je voulais vous dire.
Le second je l'emprunte à quehju'un qui fut bien grand dans noire
pavs, qui fut bien magnifique dans notre pays, tout petit qu'il fut. Je
suis allé tout récemment faire un pèlerinage à sou tombeau, j'ai dit la
messe sur l'autel où il disait la messe, et je ne puis vous dire l'improHsinii.
le saisissement que j'ai eu en face de ces quatre ou cinq planchos de
bois vermoulu peintes en vert sur lesquelles le saint Curé d'.Vrs ju-ndniil
tout son ministère avait offert le Saint Sacrifice. Que de prières là !
Oh! Que de prières là et quelles prières! Que de pai^sion sainte là! et
— 668 —
quelle passion sainte ! Comme il s'est là prosterné ! Comme il a vécu !
Comme il est mort ! Comme il s'est offert 1
Vous savez les paroles qu'il disait : " Chers amis, nous tous qui avons
tant à souffrir parfois des impuissances de notre ministère." Je ne parle
pas à vous, Canadiens, je sais quels sont vos succès, mais je parle aux
prêtres du vieux monde qui peuvent m'entendre, vous savez parfois tout
ce que nous avons à déplorer sur nœ impuissances.
Quand il entra dans sa petite paroisse, vous savez ce qu'il disait à un
prêtre qui lui affirmait : " j'ai tout fait pour ma paroisse il n'y a plus
rien à faire." Il lui disait : " Mon cher confrère, vous avez tout fait ?
voyons, est-ce vrai ? Est-ce que vous vous êtes donné la discipline tous
les jours? Est-ce que vous avez passé des nuits d'adoration devant le
Saint-Sacrement ? Est-ce que vous avez offert votre vie loyalement à
I^otre-Seigneur Jésus-Christ pour vos ouailles ?" Non. Il ajoutait:
" Alors vous n'avez donc pas tout fait."
C'est devant cet autel que le saint prononçait ces paroles.
Prenez de lui ces attitudes qui devaient forcer le ciel à la miséricorde
pour toute sa paroisse.
Un jour, à une vieille domestique, ou plutôt à une vieille personne
pieuse qui lui servait de domestique, car je vous réponds qu'il n'avait
guère besoin de domestique quand on regarde son mobilier, à cette per-
sonne qui lui disait: "Monsieur le curé, où allez-vous? Oii je vais? Je
vais voir mon grand ami. — Votre grand ami ? Oui. — Et quel est
donc votre grand ami ? Voyez-vous un peu la jalousie ! (Applaudis-
sements). Et le saint la calma et lui montra sa petite église et lui dit :
" Il est là." C'est vrai, c'est notre ami, notre ami que nous devons
visiter, messieurs. Eh bien, permettez-moi de descendre de cette chaire
après avoir supplié que nous prenions tous, en commun, la résolution de
ne jamais manquer notre visite au Saint-Sacrement.. (Applaudisse-
ments.) Si cela est convenu, si cela est exécuté, et cela sera exécuté,
parce que c'est convenu, je remercie en vérité, Monseigneur iVrcham-
bault -de m'avoir contraint à monter ici. Je le remercie de m'avoir fait
cette grande joie q.ui sera l'une des plus grandes de ma vie, d'avoir
pu parler à ce magnifique auditoire sacerdotal. Qu'est-ce que c'est que
le reste, comparé à ce que vous êtes ? Qu'est-ce que c'est que ces hommes
auxquels nous parlons quelquefois, comparés à ce que vous êtes ? Des
âmes de prêtres, des cœurs de prêtres, des âmes passionnées. C'est ad-
mirable !
C'est donc convenu que nous tiendrons cette résolution, vous et moi,
et cette résolution étant tenue, il a passé dans cette foule qui m'écoute
un vérita])le coup de vent qui nous fera monter vers le ciel et qui nous
aidera à nous sanctifier, et si nous nous sanctifions, nous sanctifierons
nos peuples.
Messieurs, un mot : je dois vous recommander le peuple de France
en particulier. Le Cardinal Légat disait l'autre jour une parole qui
m'a tiré les larmes des yeux, et je ne suis pas facile à faire pleurer, je
vous prie de le croire, lorsqu'il a dit: "Souvenez-vous du miracle de
Sainte-Geneviève de Paris." C'est bien en effet le plus beau qui ait été
donné à une sainte d'accomplir. Cette petite fille avait 17 ans. Sa
mère était aveugle et inguérissable. L'enfant, un jour, étendit ses deux
— 669 —
mains sur la tête de celle qui lui avait donné le jour, leva ses veux qui
voyaient, a elle, vers Jésus-Christ, et lui dit: " Seigneur Jésus', je vous
en prie, ouvrez les yeux de ma mère/' Et Jésus-Christ ouvrit les veux
de la mère.
Le Légat disait : " Si FEglise de ce Canada — comme fille de la France
— pouvait aussi prier assez ardemment pour que les yeux de la mère
s'ouvrissent comme les siens !"'....
Messieurs, je vous prie de prier pour la mère. (Applaudissements.)
§ n. — tiéiince du Vendredi, 0 septembre.
La dotixième séance de la .section sacerdotale a lieu comme
hier à 2 h. 30 après-midi. L'assistance des prêtres est aussi
nombreuse que la veille et la foule ne cesse de stJiiionnrr aux
abords de la chapelle du Saint-Sacrement pour saluer les
hauts dignitaires de l'Eglise.
La séance est pi^^sidée par Sa (irandeur MgT Itt'gin. arche-
vêque de Québec. 11 est assisté, comme .secrétaiir, du K. V.
Galtier, S.S.S.
Cette séance a été consacrée à l'étude des (rnrres eiitluiris-
tiques, au double ])oint de vue <le la san<tificati(m ])ersonnellc
du prêtre et de son intluence salutaire sur les fidcl«*s. Mgr
Bégin l'ouvre en recommandant au zèle des prêtres Vapostohit
auprès des fidèles de hiiif/iir it(iHeNiie,do plus en ])lus nombi-eux
sur le continent américain.
Dès le début, le secrétaire, le Révéii'n<l Pèi"<' (raltier, av<'c
la permission du Président, porte à la <-oniiaissanc<' <le
l'auditoire le vomi ])résenté la veille, à l'une des s<'*ances géné-
rales, par le K. 1*. Lf'picicr, Professeur de la Propagan«l<' à
KouH^ comme conclusion de son travail sur h's r<'latittns lic
Marie et de l'Eucharistie. C'est le vomi «[Uc la dévotion a
N.-D. du T. S.-Sfu-remrnt <lûe îl Tinspiration du \'«'mi. P. l'y
mard, et déjà approuvée i)ar l'Eglise, se n'-pande ^\^^ plus en
plus ])armi les fidèles.
Ce vœu est chaleureusement applaudi et ratifia par toute
l'assemblée.
, —670 —
Après ces préliminaires, la parole est donnée par Mgr le
Président au premier Rapporteur, le T. R. Père Colomhcm,
O. F. M., qui doit traiter le sujet éminemment pratique de :
LA CELEBRATION DE LA MESSE EN VOYAGE, ET
SUR MER
Il convenait bien à un Congrès Eucharistique tenu en Amérique de
traiter ce sujet de La Messe en voyage, car, tout le monde le sait et
Messieurs les Congressistes ont déjà pu le constater par eux-mêmes, c'est
ici le pays des grandes distances et par suite des longs voyages, de même
que c'est la patrie des grands voyageurs. Il y a peu de prêtres améri-
cains ou canadiens qui n'ait pas fait la traversée d'Europe au moins
une fois dans leur vie, et nombreux sont ceux qui périodiquement re-
tournent dans les vieux pays. Enfants, du Nouveau-Monde ils ont un
culte pour l'Ancien !
Se pose donc, sans autre préambule, la question de la Messe en voyage,
sur mer.
Est-ce chose utile que de célébrer la sainte Messe en mer? Est-ce
possible et pratique? A quelles conditions est soumise cette célébra-
tion? Autant de questions où le droit canonique, la piété, le zèle et
l'expérience doivent se prêter leur mutuel concours pour nous donner
une solution convenable.
1° Est-ce chose utile? d'abord pour le prêtre lui-même? Et pour-
quoi pas? La Messe garde toujours ses avantages et son incomparable
prix, sur mer comme sur terre. Dans l'un et l'autre cas celui qui
s'abstient de célébrer quand il peut le faire refuse à Dieu la gloire,
aux Anges la joie, à l'Eglise l'édification, qui résultent du Saint Sacri-
fice ; il prive également les hommes de secours précieux, les défunts dti
repos éternel et se frustre lui-même de tous les biens dont la Messe le
rend participant, ainsi parle l'Imitation de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Tels sont en effet les motifs qui nous portent à célébrer, quand nous
sommes sur terre, tous les jours. Les mêmes raisons nous y invitent en
mer, je dirai même qu'elles empruntent aux circonstances un caractère
plus pressant et plus impératif.
L'immensité de la mer, la petitesse de l'homme, la fragilité du vais-
seau qui le porte, l'effroi qu'inspire l'océan au jour de ses fureurs, la vue
de l'abîme qu'il a sous les pieds et dont les profondeurs s'entr'ouvrent
alors comme pour l'engloutir, portent tout homme qui a la foi à
s'anéantir devant le Tout-Puissant pour lui offrir l'hommage de son
écrasement, comme à se réfugier dans les bras de sa miséricorde pour lui
demander pardon de ses infidélités et de ses prévarications. C'est bien
le temps pour le prêtre d'offrir à notre grand Dieu le sacrifice latreu-
tique qui seul est digne do sa Majesté infinie et de sa Sainteté sans
— GTl —
égale; c'est le moment d'immoler • la Victime rsjjiatoire dont le sang
coule pour effacer les péchés du monde.
Chaque jour ramenant des preuves de la préservatiun divine au milieu
de dangers sans nombre appelle aussi une reconnaissance sans bornes
dont seul le Sacrifice eucharistique peut acquitter la dette immense, en
même temps qu'impétratoire, il obtiendra la continuation des bienfaits
de Dieu.
Ville flottante, le bateau outre ses fatigues, ses souffrances et ses
périls, présente également ses tentations, ses dangers par conséquent,
pour l'âme. Je n'insiste pas, et s'il me faut en nommer un, je désignerai
simplement l'oisiveté. Or, quelle plus digne occupation pour un prêtre que
la célébration, chaque matin, du saint SacritiL-e de la Messe? Occupa-
tion sacerdotale par excellence, elle se continuera pendant le jour par la
récitation du saint Office, prolongation du Sacrifice matutinal. Quelle
puissante sauvegarde! Quel secours pour conserver la pureté du cœur
et des sens ! Quelle édification pour tous les passagers ! J-,a sainte Messe
célébrée sacre cet homme aux yeux de tous, même des protestants ou des
incroyants, et leur inspire le respect à son égard, comme elle l'oblige
lui-même à la retenue et lui rappelle excellemment son sacerdoce, alors
que rien, pas même l'habit extérieur, son ordinaire sauvegarde, n'assure
de protection à son âme sacerdotale.
Mais sur ce bateau que portent les vagues puissantes, le prêtre n'est
pas seul. Il y a là une population de 800, 1,000, 1,200, jusqu'à 2,000
êtres humains (jui partagent son sort, ballottés par les mênicci vagues,
exposés aux mêmes épreuves et aux mêmes dangers. Avez-vous pu,
vous, prêtres de Jésus-Christ, vous isoler de ces âmes? N 'avez-vous pas
senti plus irjue de la solidarité humaine, plus que de la charité chrétienne,
plus qu'une fraternité résultant de la communauté d'existence, mais
comme une véritable charge d'âmes ? Votre âme sacerdotale ne s'est-elle
pas crue investie par le Pasteur des âmes comme d'uur paternité spiri-
tuelle sur cette nombreuse famille? Au contact de leurs misères, le cri
du Sauveur n'est-il pas monté du cœur à vos lèvres: '" Misère or super
lurham," j'ai pitié de cette foule. Et que pouviez-vous faire de mieux
pour répondre à votre quasi-devoir pastoral que de célébrer chaque jour
la Sainte Messe dans cette église flottante, pour votre paroisse de huit
jours?
Vous ne sauriez croire que de bien nous faisons par notre Messe à
tout ce monde-là. Dès le premier matin, nous avons dressé notre autel ;
le jour même, tout le monde le sait, d'un bout à l'autre du bateau. Il
y a là l'équipage, depuis les officiers jus<iu'aux garçons de cabine. Ce
ne sont pas des incroyants, loin de là, et si les exigences du service, sur
mer, et la négligence, sur terre, les tiennent éloignés de leurs ; r-s
religieuses, ils n'en saisissent qu'avec plus d'empres.sement quelj . --e
au passage, quand dans le salon, près duquel ils passent ou ils travail-
lent, vous avez le bonheur de célébrer. Ces Têtenient.« îe
action auguste réveillent en eux bien des sentiments assoupis et c- - ra
peut-être le point de départ d'une sincère conversion.
Il y a parmi les passagers des catholiques, qui du moins le dimanche
ou les jours de fête tiennent à avoir leur messe, qui viendront dt-8 la
— 672 —
veille vous demander : " Père, dites-vous la sainte Messe demain matin ?
Nous tenons à y assister,"' qui s'offriront même à la servir et, de fait,
nous ferons le bonheur et la consolation de ces chrétiens auxquels vien-
dront se joindre, ces jours-là, quelques officiers du bateau.
Il y a encore des personnes pieuses et spécialement des religieuses, il
est bien rare depuis quelque temps qu'il n'y en ait pas, du moins sur les
bateaux français. Et pour celles-là quel réconfort et en même temps
quelle joie que de pouvoir chaque matin avoir la sainte Messe et surtout
la sainte Communion. On en voit qui viennent sans faute, malgré les
fatigues ou la maladie, et qui trouvent là des forces et des consolations
dont elles ont grandement besoin. Vraiment, de l'avoir constaté une
fois suffit pour inspirer à un prêtre qui a la charité la résolution de ne
jamais manquer la célébration de la sainte Messe.
Et il y a encore la foule des émigrants. Là aussi il y a des catho-
liques aux sentiments religieux, plus peut-être que dans les classes supé-
rieures. Ils savent que la sainte Messe se célèbre à bord et ils en sentent
par le désir les bienheureux effets. Je me rappelle encore avec émotion
de pauvres gens de troisième, hommes et femmes qui lors de mon der-
nier voyage, se tenaient aux hublots du salon, quand je venais chaque
matin préparer mon autel. Ils semblaient m'attendre. Ma première
pensée avait été de voiler ces ouvertures; je m'en serais bien repenti, si
je l'avais fait, car j'appris ensuite que c'étaient de pauvres émigrants
qui se tenaient ainsi à l'extérieur, par tous les temps, pour assister par
la fenêtre à la messe que je célébrais, et c'était la consolation de leur
traversée.
Et enfin toute la foule de ceux-là mêmes qui ne s'en préoccupent point
ne reçoit-elle pas quelque influence du sacrifice si riche en grâces abon-
dantes qui est offert au milieu d'eux et pour eux, par un prêtre zélé?
Je ne puis le croire. Et s'il arrivait, ce 'qui est rare de nos jours, mais
non pas inouï cependant, que ce vaisseau vint à sombrer, je suis con-
vaincu que le sacrifice offert le matin pour tant de pauvres malheureux
qui iraient paraître en un instant au tribunal de Dieu leur aurait valu
des grâces de miséricorde et de pardon.
Et combien, sur cette route d'Amérique en Europe, combien de ma-
rins, de pêcheurs et de voyageurs ont trouvé dans les flots une mort im-
prévue ! Leurs corps ont été perdus pour toujours et leurs âmes ? peut-
être sauvées, mais bien oubliées ! Ne pensez-vous pas que ces âmes
maintenant en Purgatoire reçoivent un soulagement spécial de cette
Messe que vous dites au lieu même de leur passage à l'éternité? Tous
ces pauvres naufragés, obscurs matelots, misérables émigrants sans nom
et sans patrie, me semblent sortir des abîmes pour se grouper suppliants
autour de l'autel flottant, afin d'avoir leur part de ce sacrifiice : leur part
de la lumière, du repos et de la paix qui en sont le fruit assuré.
2° Il est donc utile de célébrer, en mer, c'est incontestable.
Mais est-ce possible? est-ce pratique?
Je ne parle pas évidemment des prêtres qui sont trop éprouvés par le
mal de mer, je n'omettrai pas cependant de dire qu'il y a dans le désir
de célébrer, une force et comme une auto-suggestion qui préserve, jus-
qu'à un certain point, de ce pénible mal ou du moins qui aide à s'en
relever promptement.
— 673 —
Donc peur ceux (jiii sont suffisamment bien j)ortauts, est-il possible
et pratique d'entreprendre la célébration de la sainte Messe!"
Autreiois c'était toute une affaire d'obtenir sur le l)ateau la jxjssibilité
de célébrer. J'entends encore, cela remonte à (juinze ans, le Commis-
saire de la défunte " Bourgogne " nous expliquer verbeusement que sur
un bateau de la Compagnie, il y a des gens de toute religion: Juifs, Mu-
sulmans, païens, etc.,... et que dès lors, on ne pouvait tolérer de
manifestation religieuse; tout cela pour nous accorder tout de même de
mauvaise grâce, la salle à manger, afin d'y dresc^er notre autel.
11 y avait donc alors certaine difficulté, mais tout de même possibilité
de célébrer, soit sur les bateaux anglais protestants, soit sur les l)ateaux
français, à condition évidemment d'emporter sa cbapelle avec- tous les
objets nécessaires.
Que les temps sont changés ! Aujourd'hui les " Empress " de la Com-
pagnie du Pacifique Canadien et les paquebots de la Compagnie Trans-
atlantique ott'rent aux prêtres des autels avec leurs ornements et le plus
beau salon pour y célébrer la sainte Messe. Un garçon ira jus^ju'à tout
préparer, une table recouverte d'une nappe blanche, une carafe d'eau,
des fleurs. Le maître d'hôtel s'intitulera gentiment sacristain et vous
offrira un enfant de chœur pour vous servir, si vous n'avez pas vous-
même de compagnon pour le faire. Toute liberté sera laissée à quelque
pieuse personne, d'entre les passagers, d'emi)loyer les fleurs ou les
arbustes de la serre pour l'ornementation de l'autel. On ne peut être
plus gracieux que j'ai vu se montrer dans mes derniers voyages les
officiers des paquebots de la Cie Transatlantique.
On vous ort'rira même de vous procurer des hosties, du vin, des cierges,
etc.,. . . mais s'il m'est pennis de donner un conseil aux prêtres voya-
geurs, je leur recommanderai de se munir eux-mêmes de ces objets
liturgiques. La Cie malgré sa bonne volonté ne peut vous les fournir
dans les conditions voulues. Je leur conseillerai de plus d'avoir eux-
mêmc>« leur linge d'autel, je veux dire Famict et le purificatoire, chose
qu'il leur est facile d'emporter, s'ils ne veulent pas s'e.vposer à trouver
des linges utilisés par leurs devanciers et laisc^és par eux dans un état
peu convenable.
Je les encouragerai même à faire, à la fin de la traversée la purifica-
tion des linges de la Cie, s'ils les ont employés. Il y a pres(|ue toujours
des religieuses ou quehiue personne pieuse à bord du bateau, après un
premier lavage que vous aurez fait vous-même, vous leur confierez ces
linges, et elles les mettront dans un état de propreté et de décence édi-
fiant et engageant pour ceux qui viendront après vous.
Je prie mes vénérés confrères d'excuser seiiddables détails, ils vu i-..iii-
pronnont l'à-propos et on ne les devine pas, si on n'en a i)as fait
l'expérience. J'ai donc répondu à la (piestion : Est-il possible? est-il
pratique de célébrer la sainte Messe à bord? Oui eertainement ; c e«t
même la chose la plus facile du monde, à condition d.. n'être pa« malade
et de se lever d'assez bonne heure.
\i-ie besoin d'ajouter que si l'on prend d'autres lignes (lue cellon
indi.iuées par moi il faudra se munir d'une chapelle portative ave<- .<•.
accessoires, ce «lui est une chose relativement fmile. î> ailleurs, r-
22
— 674 —
chaque prêtre insistait sur la présence d'un autel à bord, on verrait
bientôt les diverses compagnies s'empresser d'en mettre à la disposition
de tous, ne serait-ce que par motif de concurrence.
3° Il me reste un point. A quelle condition est soumise cette célé-
bration de la part de l'autorité ecclésiastique?
Pour célébrer la Messe en mer, il faut avoir des facultés spéciales. Qui
peut les donner? Seul le Souverain Pontife. Je crois qu'en général les
Nonces du Saint-Siège et les Délégués Apostoliques ont le pouvoir de
communiquer cette faculté au nom du Saint-Siège. Nos SS. les
Evêques ne l'ont pas de droit mais ils peuvent l'avoir par Induit, comme
c'est le cas pour Montréal.
Bien des prêtres confondent cette faculté de célébrer, avec les pou-
voirs de la confession durant la traversée : approbation ou juridiction qui
autrefois était donnée par l'évêque du port d'embarquement. Il arrivait
que, en fait, cet Evêque avait parfois un Induit lui permettant de com-
muniquer la faculté de célébrer. Mais les deux pouvoirs sont distincts.
Aujourd'hui, la juridiction pour la confession suit une autre règle; et
pour la Messe, un Evêque peut avoir la faculté de la permettre sans être
l'Evêque du port de mer, où l'on s'embarque.
En pratique donc le prêtre qui désirera ce pouvoir pour une traversée,
le demandera à son Evêque, et si celui-ci n'a pas d'Induit, le prêtre
pourra s'adresser soit au Délégué Apostolique, soit directement au Saint-
Siège.
L'Induit une fois obtenu imposera des conditions, il y sera dit ordi-
nairement : suh conditionibus " ut mare sit adeo tranquillum, ut nullum
adsit pericuîum effusio7iis sacrarum specierum a calice (atque) curent
ut alter sacerdos, si adfuerit, rite celehranti adsistat."
Un décret de la Sacrée Congrégation de la Propagande du 1er mars
1902 n'a pas peu efïra3'é les prêtres voyageurs en ajoutant cette condi-
tion : " et si in navi non haheatur capella propria vel altare fixum, ca-
veant omnino Missionarii ne locus ad Missae celehrationem delectus
quidquam indecens aut indecorum prae se ferat : quod certe eveniret si
augustissimum altaris mysterium in cellulis celebraretur pro privatis
viatorum usibus destinatis."
Il semblait bien que la Sacrée Congrégation condamnât d'une manière
absolue le célébration de la sainte Messe dans les cabines ; toutefois, le 13
août de la même année 1902, la même Sacrée Congrégation s'expliquait
comme suit : " Decretum tantum respicit abusus illos qui orirentur si in
privatis cellis. . . . indeceiiter offerretur. . . Non autem absolute çelebra-
tio in cellis prohibita est, quando adjuncta omnia removeant irreve-
rentiae pericula:' — (13 août 1902.)
Eeste encore à savoir si Eome requiert absolument l'assistance d'un
prêtre ou d'un diacre. Un Induit général accordé aux prélats d'Amé-
rique, d'Océanie et d'Australie reprend les conditions ci^dessus énoncées
en ajoutant " et si adsit, alter sacerdos superpclliceo indutus, Praesuli
celehranti adsistat. (30 juin 1908.) L'assistance d'un prêtre n'est donc
plus requise d'une manière absolue.
La condition la plus gênante, en pratique, est d'avoir à demander un
Induit spécial. C'est là une chose qui surprend les marins, étonne les
— 675 —
passagers et retient ou peut-être excuse les prêtres eux-mêmes. Je me
rappelle qu'il y a déjà plusieurs années, un Commissaire très bien dis-
posé me disait : " J 'ai pensé sérieusement à avoir une chapelle portative
à la disposition des prêtres passagère; mais je constate <iue la plupart
d'entre eux n'ont pas le pouvoir de dire la sainte Messe, et voilà qui me
décourage."
11 y a quelques semaines, une personne pieuse m'écrivait qu'elle n'avait
pu avoir la Messe bien qu'il y eût à bord bon nombre de prêtres. A sa
demande ils avaient répondu textuellement : " Le Saint-Père nous dé-
fend de célébrer à bord; il faudrait pour le faire avoir une permission
toute spéciale." A la rigueur c'est vrai, et ai-je besoin de dire que la
voyageuse dont je parle fut légèrement incrédule. D'ailleurs, un prêtre
me fit à moi-même une réponse identique. Excellent homme, très digne
prêtre, français, curé d'une grosse paroisse des Etats-Unis, je lui offris
de célébrer à l'autel que je portais avec moi et dont je me servais chaxjue
matin. Il me répondit: "Je n'ai pas le pouvoir de le faire et je pense
que ce n'est pas dans l'esprit de l'Eglise, autrement elle n'exigerait pas
une permission toute spéciale. Si le Saint-Père avait vraiment le
désir que nous célébrassions, il nous en donnerait la faculté."
Messieurs, je ne commente pas, je cite seulement, et ces réflexions
m'amènent à la conclusion suivante: Il y a là quelque chose à faire.
Ne conviendrait-il pas à un Congrès Eucharistique tenu au Canada d'ob-
tenir une faveur générale ou du moins de fonnuler très luiiiil)k'iiu'nt le
vœu que voici :
Vœu :
"Qu'il soit permis à tout prêtre en règle avec son Ordinaire de célé-
brer la sainte Messe, à bord d'un bateau sur mer, dès lors que toutes les
autres conditions requises par l'Induit ordinaire se trouvent réalisées."
Je crois, Messieurs, que si nous obtenions de la bonté, de l'indulgence
si connue du Souverain Pontife la faveur désirée, le Congrès de ilont-
réal laisserait sa trace dans l'histoire des Congrès et aurait en effet
grandement contribué à l'extension du culte eucharistique.
II
N'ai-je pas été trop long? et me sera-t-il permis enroro de parler des
voyages sur terre et de la célébration de la >:iint.^ M.--;r durant ces
voyages ?
Très brièvement, je distinguerai deux cas. Le cas du prêtre ayant à
faire un voyage pressant et long oh il s'agit d'arriver le plus rapidement
possible d'un point à un autre; prenons pour exemple un voyag.- dan«
l'Ouest; c'est un trajet de quatre ou cim] jours. îl ne peut être question
de s'arrêter chaf|ue jour pour célébrer la sainte Messe.
L'autre cas est celui du prêtre qui voyageant pour son plai-ir, peut s ar-
rêter où il veut et quand ça lui plaît. En ce cas, on ne concevrait pan
qu'un bon prêtre, pénétré des motifs qui l'engagent à la célébration de»
— 676 —
Saints Mystères, n'organisât ses voyages de manière à pouvoir, chaque
jour, dire la Messe. Mais je me permettrai d'ajouter qu'un point im-
portant pour encourager ce prêtre, c'est la certitude qu'il sera bien reçu
par ses confrères, qu'il y aura partout un autel et un servant à sa dispo-
sition, qu'on ne se plaindra pas de l'heure tardive ou matinale à laquelle
il se présentera : toutes choses qui ne sont pas impossibles et créent par-
fois des difficultés au prêtre voyageur.
Une autre cause d'embarras, c'est le celebret. Je ne sais pourquoi
un prêtre inconnu qui voyage, même s'il porte la soutane ou un habit
religieux quand il vient demander à célébrer la sainte Messe est facile-
ment regardé comme un escroc. Et si son celebret n'est pas parfai-
tement en règle, eh bien ! malgré ses explications, on lui refusera la
célébration ou on ne l'accordera que de fort mauvaise grâce.
Xe croyez pas, Messieurs, .que j'aille en conclure à l'abolition du
CELEBRET et faire un vœu en ce sens. Dieu m'en préserve ! Les saints
Conciles, les Statuts diocésains ont tous promulgué sur cette matière
des règlements très sages. Toutefois, il faut bien reconnaître que le
texte de ces lois tend plus à préserver les Saints Mystères d'une célébra-
tion indigne qu'à favoriser les bons prêtres dans leur piété et que ce
dernier point est laissé au tact et à la charité des supérieurs d'Eglises
chargés d'appliquer la loi.
Aux prêtres donc qui veulent célébrer de se mettre en règle d'avance
et de ne point négliger ce point du celebret; aux confrères qui les re-
çoivent d'y mettre toute la courtoisie possible, et même en cas d'accident
toute l'indulgence et l'épikie, permises par les législateurs, et dès lors
il deviendra facile à quiconque d'entre nous qui sera en voyage de s'ar-
rêter entre deux trains pour offrir le saint Sacrifice de la Messe.
Du moins n'admettra-t-on pas comme un principe qu'en voyage il n'y
a pas à s'occuper de la Messe, parce que trop incommode et pas pratique.
En temps de voyage, comme en tout autre temps, le prêtre pénétré de
la sublimité et des responsabilités de son sacerdoce se souviendra de cette
parole de l'Imitation:
Quûndo saccrdos celehmt Deum lionomt, angelos laetificat, Eccïe-
siam aedi/icat, vivos adjuvnt, defunctis requiem praestat et sese omnium
hononim participem efficit. ..Fiat! Amen!
— 677 —
Puis la parole est de nouveau offerte au R. P. Galtier, ^.S.S.
dont le rapport a pour titre :
L'ENSEIGNEMENT EUCHARISTIQUE
ou DK
l'Etude et de la Prédication de l'Eucharistie
1° — Importance de cette prédication
Parmi tous les sujets que le dogme et la morale elirétieune offrent ù
l'étude et à la prédication du prêtre, il n'en est pas, j'ose le dire, qui
doive tenir une place aussi importante, aussi étendue que le Mystère
eucharistique.
L'Eucharistie, en effet, n'est pas un mystère particulier de l'économie
chrétienne; elle est Dieu lui-même, Jésus-Christ en personne dans la
réalité de tous ses Mystères, et de toutes ses perfections adorables. Elle
est l'âme et le cœur du coqDS mystique du Christ, l'Eglise, et on l'appelle
volontiers la raison fondamentale et l'objet central du culte catholique
et la clef de voûte de toutes nos croyances. Et quant aux âmes, elle
n'est pas un inoyen particulier de sanctification : elle est par excellence
le sacrement de la vie surnaturelle, le grand soutien de la vie chrétienne,
le principe générateur de la piété.
C'est donc à bon droit que, par son excellence, sa dignité, ses in-
fluences multiples, l'Eucharistie revendique une place prépondérante
dans les sollicitudes du prêtre, chargé d'instruire le peuple lidèle.
Or, peut-on dire que la prédication de l'Eucharistie soit en ra])port
avec l'importance objective du grand Sacrement et avec ses merveil-
leuses efficacités? La plus vivante des réalités, la j)lus jmissante des
3auses surnaturelles, Jésus-Christ lui-même actuellement présent, vivant,
le Christ eucharistique, "cet unique fondement, en dehors ducpiel rien
ne se peu^ établir," occui)e-t-il en fait dans l'enseignement catholicpie,
j'entends celui (pii se distribue aux fidèles, soit dans les catéchismes,
soit du haut de la chaire, la ])lace à la<|uelle il a droit, celle où ont besoin
de le trouver les âmes chrétiennes, la première, la plus en vue, la plus
importante ? Est-ce le sujet le plus souvent prêché, le plus ordinai-
rement expli<|ué, comme la vérité capitale, la cause et la lin de tout, où
il faut sans cesse revenir j)()ur éclairer toutes les autres vérités, vivilicr
toutes les vertus? Ou bien plutôt, n'est-ce pas un sujet trop réservé, un
mystère trop caché, une vérité que l'on se contente d'affinner à la foi,
dans les formules sacrées, il est vrai, mais trop succinctes, sans s'i'fforcer
d'en déployer les beautés et les richesses infinies?
Interrogez les catéchistes. En dehors de quelques explications litté-
rales, qui ne sont guère que la lettre expliquée par la lettre, (|u'appren<l-
on aux enfants sur l'adorable mystère pour le(|Uel ils ont été baptisés et
sanctifiés, et vers le(|uel ils temlent <1e toutes les vivaces énergies de cette
vie divine qui est déposée dans leurs âmes. Si vous réunisse/ cohune
nous l'avons fait, les livres de retraite pour la première communion,
publics en assez grand nombre en ces derniers temps, vous verriez qui;
la plupart, notez bien, je ne dis pas tous, mais la plu|)art, contenant des
instructions pour trois ou quatre jours, à lr<»is par jour, n'offrent guère
— 678 —
qu'une ou deux instructions sur rEucharistie ; et quelquefois c'est de la
communion sacrilège qu'on y traite ! Quelle disette, à la veille de la pre-
mière communion, alors qu'il s'agit de faire comprendre, aimer et
goûter aux enfants, le grand et doux sacrement qu'ils se disposent avec
de si sincères désirs à recevoir, et qui doit être, si l'on veut qu'ils restent
chrétiens, l'aliment ordinaire de leur âme.
Et dans les chaires chrétiennes, entend-on bien souvent annoncer l'Eu-
charistie, en dehors de certains jours marqués et rares, dans lesquels il
serait impossible de traiter un autre sujet, tels que le quatrième di-
manche du Carême, où l'Evangile de la multiplication des pains annonce
la communion pascale, pendant l'Octave de la Fête-Dieu et le jour de
l'Adoration perpétuelle? Plût à Dieu qu'en ces fêtes du moins, on fût
toujours fidèle à faire briller plus éclatante dans les âmes la vérité de
l'Eucharistie, sur laquelle les splendeurs de l'Exposition solennelle fixent
déjà tous les regards.
Enfin, ouvrez les sermonaires, ces arsenaux de bureau, dont on pour-
rait peut-être déplorer la trop grande diffusion au point de vue de
l'étude, mais si opportun aux prêtres des paroisses, dont le temps le plus
précieux est dévoré par les occupations écrasantes du ministère. Qu'y
trouvez-vous sur le sujet qui nous occupe, sinon un ou deux sermons
sur la présence réelle, sur la fréquente communion et sur les fruits du
saint Sacrifice?
Il faut bien l'avouer, il existe une contradiction étrange, un illogisme
frappant entre la grandeur, l'excellence et l'efficacité de l'Eucharistie
que tous s'accordent à porter jusqu'aux nues, et l'importance efEective
qu'on lui donne dans l'enseignement. Elle occupe de par l'institution
divine la première place dans l'ordre des réalités surnaturelles ; elle n'en
a qu'une très secondaire dans la prédication. En droit elle est tout:
en fait elle n'est qu'un moyen de salut comme un autre.
Nous ne prétendons pas qu'on n'annonce aux peuples que l'Eucha-
ristie : la prédication chrétienne doit parcourir la vaste carrière de
toutes les vérités, de tous les devoirs. Mais serait-ce trop exiger, ne
serait-il pas conforme à la logique, non moins qu'aux indications de
l'Esprit-S&int, qu'on donnât à chaque vérité, dans l'enseignement oral
une place proportionnée à celle qu'elle occupe dans l'économie divine, et
par conséquent à l'Eucharistie la première place?
Je sais bien que vous allez me faire ici une objection : " Les fidèles, di-
rez-vous,sont peu préparés à entendre parler de l'Eucharistie; ils ne com-
prennent rien à ce mystère; c'est pour eux un sujet fermé. A quoi bon
perdre son temps à leur en parler souvent? "
Permettez-moi de vous répondre d'abord que si tant de chrétiens sont
si peu instruits du Mystère Eucharistique, c'est que nous leur en parlons
bien trop rarement et que ce Mystère, déjà si profond et si caché en lui-
même, nous l'obscurcissons encore davantage pour les fidèles en faisant
peser sur eux le sceau de notre silence.
Du reste, dans l'objection que vous formulez, il y a un gros relent de
Jansénisme, permettez-moi de vous le dire. Cette pernicieuse hérésie,
en éloignant les âmes du Sacrement de nos autels, en reléguant l'Eucha-
ristie au fond des tabernacles et en rehaussant les barrières qui en
séparent les fidèles, réussit si bien à épaissir les voiles qui la recouvrent
— 679 —
que ce Mystère auguste cessa d'être l'objet familier de Tétude, de la con-
templation et de l'amour des chrétiens. Dès lors on renonça peu à peu
à en étudier les beautés et les excellences, à en scruter les richesses, à en
goûter les charmes, et l'on s'habitua à considérer l'Eucharistie comme un
mystère inaccessible, obscur à la foi, répugnant à la raison, inabordable
à la piété et dont on doit parler le moins souvent possible.
Xe soyons pas victimes de cette triste hérésie en considérant encore
l'Eucharistie comme un Mystère si secret et si caché qu'on ne peut guère
le prêcher aux foules. Non, soyons bien persuadés au contraire que
l'Eucharistie est le Sacrement populaire par excellence, parce que le
Christ l'a donné à tous." " Accipite omnes," parce qu'elle contient le
Christ en personne qui appelle à Lui le monde, parce qu*elle est le Sa-
crement ordinaire de la vie des chrétiens, celui que l'on doit recevoir le
plus souvent et qui apporte le salut à tous. Pour le comprendre et
l'aimer ce Mystère, les fidèles sont naturellement préparés par le fait de
la grâce du Chiist déposée en eux par le Baptême; cette grâce qui leur
donne des clartés supérieures, des aptitudes innées à comprendre les
mystères de l'ordre surnaturel et surtout celui qui doit développer, en-
tretenir et couronner en leurs âmes la vie du Christ.
Xon, non, ne craignons pas de prêcher souvent l'Eucharistie aux chré-
tiens, parce que, affirme le Concile de Trente à l'encontre de l'objection
faite tout à l'heure: "il n'est pas une seule catégorie de fidèles à qui
ne convienne et ne soit très nécessaire la connaissance de cet admirable
Sacrement, de la réalité qu'il contient, de ses merveilleux effets et de ses
fruits innombrables." (Cath. Trid., P. ITI, XLVIT.)
2° — Matière de celte prédication
C'est une affaire entendue, nous devons prêcher l'Eucharistie souvent,
beaucoup plus fréquemment qu'on ne le fait communément dans l'ensei-
gnement.
Mais, me direz-vous, que c'est donc difficile de prêcher l'Eucharistie.
Combien ce sujet est abstrait, épineux, extrêmement restreint. '* Quand
j'ai fait deux ou trois sermons sur ce Mystère, nous disait un jour un
prêtre pourtant zélé et intelligent, j'ai épuisé mon sujet. Que voulez-
vous qu'on dise de plus quand on a parlé une fois de la présence réelle,
une fois de la communion, une fois de la Messe. . . .''
Et encore ce cher confrère avait-il la douce vanité de croire (ju'il
avait fait un cours complet sur l'Eucharistie. En fait, combien peut-
être de prêtres, dont tout le cycle d'enseignement eucharisti(|ue se ré-
sume à un sermon et encore.
Cela dénote une bien pauvre intelligence de ce qu'est ce granil mys-
tère. •
J'ose prétendre au contraire, que c'est un champ l)ien vaste <iue celui
qui est offert à la prédication et à l'enseignement pastoral sous toutes
ses formes, par tout l'ensemble du Mystère Euchari=ti<|iic. un iie~ nlus
vastes de la religion.
(a) L'Eucharistie, c'est d'abord la présence réelle, c'est-àilire (|u'elle
est au milieu de nous, et dès lors, tout ce que nous pouvons et d('^•ons
enseigner de Dieu, de ses perfections, nous le pouvons jin\lier de l'Eu-
charistie qui est l'Eternel, l'Immense, le Tout-F'uissant. L'Euchnristi»',
— 680 —
c'est Dieu fait liomine, c"ei;t-à-dire le Christ. Entre le passé du Christ,
où seuls quelques privilégiés jouirent de sa présence, et l'avenir glorieux
du ciel où tous les élus le posséderont dans toute la plénitude, l'Eucha-
ristie est Tunique moyen de la présence personnelle du Sauveur sur la
terre. En dehors du Christ eucharistque, nous n'avons plus Jésus-Christ;
celui du passé est trop loin, celui de l'avenir trop haut. L'Eucharistie
nous le donne et nous permet de l'aborder et d'entretenir avec lui ces
relations familières qui sont la conséquence de l'Incarnation. En l'Eu-
charistie encore le Christ continue tous les Mystères de son Incarnation,
de sa Rédemption; il est le frère, l'ami, le Sauveur, le Docteur, le Con-
seiller, le Médecin de nos âmes, etc.
Prêcher FEucliaristie, c'est donc prêcher le Christ, dans toute la réa-
lité de sa personne divine et humaine qu'elle contient ; c'est prêcher son
amour infini, son cœur divin qui fait l'Eucharistie vivante; c'est prê-
cher tous ses mystères qu'elle résume et qu'elle perpétue. Estnce donc
si peu de chose?
Est-ce donc si peu de chose, après avoir démontré et expliqué claire-
ment le fait de la présence réelle par les arguments traditionnels, que de
s'attacher à exposer aux fidèles tous les trésors, toutes les ineffables
réalités que renferme ce mystère, et de leur développer les convenances,
les motifs et les avantages de l'Adoration du Très Saint-Sacrement,
devoir sacré que nous avons à acquitter envers la présence réelle de Dieu
parmi nous?
(b) L'Eucharistie, c'est encore le Sacrifice de la Messe. C'est-à-dire
le sacrifice unique de la nouvelle alliance, remplaçant toutes les figures,
tous les sacrifices de l'Ancienne Loi. C'est le Mémorial, le renouvel-
lement du Sacrifice de la Croix. C'est l'acte central du culte catholique,
du culte social, par lequel la communauté chrétienne et l'humanité en-
tière acquitte ses devoirs envers Dieu.
N'y a-t-il pas ici encore matière abondante à des développements pour
le prêtre qui, après avoir exposé aux fidèles et la réalité et la nature du
sacrifice, voudra leur en dire les excellences, les fruits inappréciables,
pour conclure au devoir d'assister souvent à la Messe en y apportant
plus d'intelligence et de meilleures dispositions? Et à cela ne peut-il
pas ajouter, en un cours d'instructions familières, l'explication littérale
et mystique des cérémonies et des prières de la messe, une exposition de
liturgie sacrée?
(c) Enfin, quelle mine inépuisable de prédication s'offre au prêtre si
nous considérons le troisième aspect de l'Eiu-haristie, le plus connu, le
plus accessible, le plus riche pour nous: la Sainte Communion.
A peine ai-je besoin d'insister sur ce sujet pour convaincre vos esprits.
Je ne rappelle que pour mémoire les figures de la communion qui
s'échelonnent §v cours de l'Ecriture, depuis l'Arbre du Paradis jusqu'à
la multiplication des pains et des Xoces de Cana, et qui commentées aux
fidèles fournissent k> sujet d'instnictions très intéressantes et très ori-
ginales.
Mais la Communion, sa nature, ses excellences, ses vertus, ses merveil-
l'euses efficacités ; les dispositions faciles qu'elle comporte dans ceux qui
s'en approchent, depuis le simple état de grâce, jusqu'à la vertu la plus
haute; les motifs qui doivent y attirer les âmes: — n'y a-t-il pas là
encore des trésors à ouvrir aux âmes par Tonsoignement pastoral?
— G81 —
Mettez alors la communion en face de tous les états de la vie chré-
tienne, de tous les âges, de toutes les conditions: étudiez (juels exemples
elle donne, quels secours elle apporte, quels remèdes elle fournit, quelle
influence elle doit exercer sur Tenfance et la jeunesse, sur la virginité,
le mariage et la vie religieuse; sur la persévérance des justes et la con-
version des pécheurs ; et avec un tel sujet à développer je ne crains pas
de dire que vous serez facilement éloquent parce que vous parlerez de
choses que vous sentez et qui iront au cœur de vos auditeurs.
Ah! de quelles immenses ressources on se prive volontairement ]X)ur
féconder le champ de la prédication évangélique et de l'enseignement
pastoral, et pour faire du bien aux Ames, en négligeant l'enseignement
sur rEucliaristie.
N'est-ce pas qu'il est vaste, qu'il est immense le champ de la prédica-
tion eucharistique?
*
* *
Que sera-ce si à cet enseignement que j'appellerais volontiers dirwt,
parce qu'il concerne directement le Mystère de nos autels, nous ajou-
tons l'enseignement indirect?
Et par là j'entends cet enseignement, qui en toute circonstance, sait
ramener son sujet, quel qu'il soit, à l'Eucharistie.
Cette manière de faire semble à première vue exagérée; et pourtant
rien n'est plus légitime, plus facile. Puisque l'Eucharistie est le foyer
de la doctrine, de l'histoire, de la vie de l'Eglise; j)uis(|u'elle est l'objet
central auquel tout se ramène, puisqu'elle n'est autre chose que le Christ
lui-même; il est légitime, je dis plus, il est naturel, de tout ramener à
ce Mj'stère qui contient tous les autres.
Parlez-vous d'un mystère de la vie du Christ? de sa naissance, de sa
Passion, de son Ascension, etc.? Pourquoi, après avoir considéré ce
mvstère en lui-même, n'en feriez-vous pas voir la réalité toujours vi-
vante dans l'Eucharistie, mémorial de tous les Mystères du Christ? Vos
auditeur:, seraient autrement frappés d'une vérité qui leur est offerte
comme toujours actuelle sous leurs yeux, que de l'évocation d'un évé-
nement du passé.
Exposez-vous à vos fidèles les grandeurs, les beautés, les caractères,
l'action et la vie de l'Eglise? Quel charme instructif ne revêtira pas
votre parole, si vous montrez le Christ en personne vivant et agissant et
gouvernant son Eglise par l'Eucharistie?
Voulez-voiLs exciter les âmes à la prati«|ue des vertus chrétiennes?
Quelle force de persuasion n'ajouterez-vous pas à vos exhortations si au
lieu de chercher dans rKvangilc seulement des exemples passés de ces
vertus, vous proposez à rimitation des chrétiens les exemples toujours
actuels des vertus que pratique Jésus-Christ en son Sacrement, où il
nous offre, en même temps la grâce toujours efficace et victorieuse qui
nous ai<Iera à prati«iuer ces vertus? , . , , ,
Et ainsi de suite pour tous les ^[yslèrcs. toutes les vente» du dogme
ou de la morale catholi(|ue. vous pouvez sans rappnK-hement forcé, pn-
cher l'Eucharislie. et rai)porler tout à l'Eucharislie.
Votre ensciLrnement v gagnera en proron<le»ir. puisiprij reviendra tou-
jours à «on centre, il sera plus vivant, puisqu'il viviliera toutes les
—682 —
vérités, même les plus abstraites, les ramenant à l'Eucharistie qui est le
Christ toujours vivant dans la réalité de tous ses mystères. Votre parole
sera plus persuasive et elle trouvera aisément le chemin des cœurs, car
une âme chrétienne a une soif naturelle de Jésus-Christ présent et vi-
vant dans l'Eucharistie, elle se dilate quand on lui en ^parle et qu'on la
met en rapport avec lui.
Mais, me direz-vous, nous voudrions bien prêcher l'Eucharistie; nous
avouons même que la matière prédicable est abondante, surabondante,
immense. Pourquoi faut-il que nous ne trouvions sous la main presique
pas d'instruments pour nous aider à cultiver ce champ, cette mine de
prédication. Xous n'avons presque aucun ouvrage qui puisse nous aider
à étudier l'Eucharistie ; les livres manquent à ce sujet.
Que de fois n'avons-nous pas entendu formuler cette objection, ex-
primer cette plainte !
Oui, je le constate avec douleur, alors que tant d'autres points des
vérités chrétiennes ont tenté les investigations d'auteurs nombreux et
ont fait une foule d'ouvrages ; l'Eucharistie a été négligée par la plupart
et les livres qui en traitent sont peu nombreux, difficiles à trouver.
Cependant dans ces dernières années, il semble que le Mystère eucha-
ristique a été plus étudié et médité, et la bibliographie de cet auguste
Sacrement s'est enrichie d'assez nombreux ouvrages dont quelques-uns
ont une réelle valeur.
Le prêtre qui voudra donc étudier l'Eucharistie ne sera pas dépourvu
autant qu'il pourrait le craindre, s'il veut bien consulter la petite biblio-
thèque eucharistique que, à titre de renseignement, nous lui ouvrons à la
fin de ce travail.
3°- — Pratique de cette prédication.
Mettons-nous donc résolument a l'œuvre : prêchons l'Eucharistie. Et
pour cela, étudions-la plus assiduement, dans le silence de notre cabinet ;
faisons-en le sujet fréquent de nos méditations solitaires au pied du ta-
bernacle. Faisons-nous un cours suivi d'instructions sur ce Mystère
auguste : sermons solennels dans les grandes circonstances ; instructions
plus familières en l'occurrence ordinaire et la prédication solennelle.
Puis, saisissons toutes les occasions de parler de l'Eucharistie aux
fidèles: Quarante-Heures, Premier Vendredi du Mois, Adoration men-
suelle, Fête-Dieu, Jeudi-Saint, Sacré-Cœur, Pâques, Carême et Avent,
Réunions de Congrégations ou de Confréries, Retraites, etc.
J'insiste ici sur deux circonstances exceptionnelles : les Triduums et les
Retraites.
Faisons donner, chaque année à nos fidèles, le Triduum eucharistique
tant recommandé par Pie X. Que dans ce but les prêtres, les curés
s'invitent et s'aident mutuellement en prêchant les uns chez les autres
et en devenant, en l'occurrence prédicateurs de circonstance.
Qu'à toutes les Retraites ou Missions, il y ait un jour entier d'instruc-
tions consacrées uniquement à l'Eucharistie et que les exercices de la
Retraite tendent, dès le commencement, à cette journée eucharistique
comme à leur couronnement.
Enfin, soyons fidèles à rehausser la solennité des Quarante-Heures en
faisant de ces deux jours d'adoration deux jours de prédication eucha-
— 683 —
ristique. Il est surtout un genre de prédication qui convient plus
spécialement à cette circonstance et qui est très goûté des fidèles: c'est
l'Heure solennelle d'Adoration prêchée avec chants. Ce sera le moyen
de faire porter de plus grands fruits à ces solennités en développant la
connaissance et l'amour de l'Eucharistie dans les âmes.
Prêchons l'Eucharistie !
C'est l'excellence, la grandeur, l'importance souveraine de ce Sacre-
ment qui l'exige.
Prêchons l'Eucharistie!
C'est l'Eglise qui nous le demande; car voici que naguère encore la
Congrégation du Concile, parlant sur l'ordre du Souverain Pontife, dans
le célèbre décret sur la Communion fréquente et quotidienne, appuie sur
la recommandation instante faite par le Concile de Trente aux Pasteurs
d'âmes, d'entretenir souvent les fidèles confiés à leurs soins, de ce grand
Sacrement, des fruits merveilleux qu'il produit et du besoin qu'ont tous
les chrétiens de s'en nourrir souvent.
Prêchons l'Eucharistie!
C'est le vœu le plus ardent des âmes chrétiennes.
" Partout comme sous un souffle spécial de l'Esprit-Saint, la dévotion
à l'Eucharistie grandit dans les âmes, les œuvres eucharistiques se déve-
loppent, les âmes ont soif de l'Eucharistie. C'est quand on leur ])arle
de Jésus-Eucharistie qu'elles vibrent, qu'elles s'attendrissent, qu'elles
s'amendent, se corrigent et se sanctifient. Elles semblent nous dire, à
nous prêtres, gardiens du pain céleste : " Da nobis panem quoiidianum !"
Prêchons l'Eucharistie !
C'est le vœu que je formule en terminant, en soumettant l\ la ratili-
catiôn du Congrès Eucharistique la résolution suivante:
Vœu :
"Que tous les prêtres s'efforcent de donner à l'Eucharistie une place
"prépondérante dans leur prédication et leur enseignement pastoral:
"Qu'ils profitent de toutes les occasions pour en jinrler fréquemment
"aux fidèles; surtout au temps des Pâques, de la solennité des Qunranie-
" Heures et des Triduums eucharistiques: qu'en fiu les crercices des He-
" traites et Missions soient dirigés à promouvoir dans les âmes une plus
"grande dévotion envers l'Eucharistie, et à assurer leur persévérance
"pour la fréquentation de la Table Sainte."
Le Secrétaire attire, ensuite l'attention des prêtres sur la
très intéressante étude que le R. P. Linielo, S. J . le jrrand
apôtre de l'Eucharistie, a bien voulu ])réi)arer jmur le Con-
2:rès de Montréal, sur ht préiliatfiott den triifuinns eucliarinti-
ques. Ce travail imprimé est distribué, par les soins du
Comité des Travaux, aux prêtres présents à la séance.
— 684 —
En voici, du reste, le texte.
LA PREDICATION DES TRIDUUMS EUCHARIS-
TIQUES
On a tant usé et abusé du mot Croisade que j'hésite à l'employer
à mon tour. Y a-t-il un essai de mouvement religieux, voire politique
et profane, qui n'ait reçu de ses promoteurs ce nom trop auguste pour
le dessein qu'ils poursuivaient ? Mais, en vérité, rien ne peut évoquer
à plus juste titre le souvenir d'une croisade que les efforts de Pie X
pour ramener le peuple chrétien à la pratique de la Communion quo-
tidienne.
Un mot d'ordre parti de Eome, répété par la voix des Pierre l'Ermite
et des Bernard, acclamé dans les immenses assemblées des Evêques, des
princes et des peuples, tous les cœurs chrétiens enthousiasmés de la
grandeur du but, les chevaliers s'araiant et partant en guerre, les
femmes et les enfants priant, la Croix devenue le signe de ralliement
des guerriers, voilà ce que rappellent les croisades, et n'est-ce pas un
spectacle analogue que le monde chrétien nous offre à l'heure actuelle ?
Une première fois, Pie X affirme le généreux dessein qu'il a conçu.
C'était à la clôture du Congrès Eucharistique de Eome en 1905. Sa
voix supplie plus qu'elle ne commande. Ecoutez :
" Je vous prie et vous conjure tous de recommander aux fidèles de
" s'approcher du Divin Sacrement. Et je m'adresse spécialement à vous,
" mes chers fils dans le sacerdoce, afin que Jésus, le plus grand des tré-
" sors du Paradis, le plus grand des biens qu'ait jamais possédés l'hu-
" nianité désolée, ne soit pas abandonné d'une manière aussi injurieuse
" et aussi ingrate."
Six mois après, paraît le magistral Décret sur la Comnnmion Quoti-
dienne, do^it l'éclu) doit être répercuté jusqu'aux extrémités du monde
et jusf|u'à la fin des temps. Bientôt, à Tournai, le Légat du Pape, in-
vite "les memb'es de l'Episcopat, Clief d'ordres. Présidents d'œuvres,
prêtres, religieux, laïciues, catholiciues ici présents. . . à prendre acte de
ce grand acte pontifical, doctrinal et disciplinaire tout ensemble. . . à le
saluer avec respect, à l'acclamer avec enthousiasme, et à en faire, pour
l'avenir, le mot d'ordre inscrit sur notre drapeau, dans nos campagnes
pour la propagande du bien."
L'anm'e suivante, à Metz, on étudie la mise en pratique, la stratégie
du Décret; les trouiics s'organisent; chaque soldat est appelé à son poste.
Et ce grand Congrès, dont Londres et Cologne n'ont pu dépasser l'effort
doctrinal, pDur avoir été voué tout entier à la propagation de la Com-
munion quotidienne ou fréquente, reçoit de Pie X ces félicitations signi-
ficatives : " De tous les fruits qu'on pouvait attendre du Congrès de Metz,
ce résultat nous serait à lui seul le plus agréable; bien plus, il réunirait
en lui tous les autres. Car de là dépendent et le véritable amour de
Dieu et la vraie piété, de là découle la parfaite union des cœurs, de là
viennent la force et l'appui de la fragilité humaine, de là enfin, toute
vie chrétienne. Que tous les esprits se persuadent bien de ces vérités,
telle est notre ai-dente prière."
— 685 —
Au début de 191U, le vieux jansénisme est battu en brèche: 35,000
prêtres sont enrôlés dans la Ligue Sacerdotale Eucharistique, fondée
pour promouvoir la Communion quotidienne, par la prière, par la parole
et par la plume. Partout les chiffres des communions se relèvent, des
paroisses se transforment ; de nombreuses maisons d'éducation préparent
des races imbues de l'Eucharistie; dans toutes les langues de nouveaux
écrits font oublier les livres qui, sous le couvert de la piété ou de la
science théologique, avaient trop longtemps répandu le poison janséniste:
en un mot, " c'est le sens de rKucliaristie (]ui renaît ( 1 ) ! "
Si ce n'est là une Croisade, à quoi donc ce beau nom pourra-t-il s'ap-
pliquer ? A la face du monde, les fidèles se rallient autour du Christ
vivant parmi eux, et lui prodiguent sur divers points du globe, des
triomphes sans précédents. En vérité, n'est-ce pas le cas de redire le
mot cité par un apologiste du troisième siècle, et qui mériterait d'être
la devise des Congrès Eucharistiques: /lac foederaniur Hoslia! L'Hostie
divine, voilà le lien qui les unit (2) !
Raisons du Triduiim.
Mais le génie pratique et ferme de Pie X n'ignore pas que, comme
dans la Croisade, il y a un ennemi à terrasser, un ennemi aussi rusé que
tenace, plein de rage contre Jésus-Christ et contre les âmes, fort de
triomphes séculaires, que cet ennemi a des auxiliaires puissants dans
rinintelligence de la vie surnaturelle, dans la mollesse et la peur de la
gêne, non moins que dans le faux respect.
Aussi ne suftit-il pas au Pape (|ue le mot d'ordre ait été une fois pro-
clamé, qu'il ait retenti avec éclat clans les assendjlées les plus solennelles,
qu'il ait ét'^ répété mille fois par tous les modernes moyens de diffusion
cle l'idée. Xon. il faut que tous l'entendent, que personne ne ])uisse
ne pas l'entendre; il veut une prédication de la Croisade Eucharistique
qui soit continuelle et universelle.
"Les curés, les confesseurs et les ])rédicateurs, exhorteront fréiiuem-
" ment, et avec beaucoup de zèle, le peuple chrétien à un usage si pieux
" et si salutaire."
Ainsi ))arle le Décret. A chacun de ceux qui ont rang dans la hiérar-
chie sacrée le devoir est nettement tracé. Mais encore, ])our (|ui connaît
l'inconstame humaine et la mulli])licité des objets qui. de nos jours,
sollicitent l'attention et le zèle du clergé, il était opportun de fixer des
moments où s'accomplirait ce devoir.
Aussi, dès la constitution do la Lii/ue aacerdotaJe. voyons-ncnis un
Triduum sio^nalé entre tous les moyens d'atteindre le but qu'elle pour-
suit.
Une année s'écoule, et, le 10 avril 1007, la Sacrée Congrégation de:»
Tndulçrences envnvait à tous les Evêques de la chrétienté une lettre sur
la célébration annuelle du Triduum, lettre que l'on a appelée avec raison
( 1 ) Mgr Cliesnelong, évPqiip de Valence.
(2) Minutius Félix, Octav.. n. 0.
— ii86 —
" le couronnement de l'œuvre du Saint-Siège relative à la Croisade Eu-
charistique."" But à poursuivre, exercices à célébrer, matières des
exhortations, privilèges et indulgences pour accroître l'ardeur de tous:
rien n'y est omis. Le Pape veut que " l'on fasse comprendre à tous les
fidèles son ardent désir de promouvoir la Communion de plus en plus
fréquente ; " il invite les Evêques "■ à poursuivre l'œuvre commencée et
à faire tous leurs efforts — omnem impendant operaîn — pour que les
fidèles se nourrissent plus souvent et même chaque jour de la Sainte
Eucharistie."
Le principal moyen d'atteindre ce but si désirable est la célébration
annuelle d'un triduum de prières et de prédications. Qui ne voit l'ex-
ceptiomielle importance de la prescription de ce Triduum ? C'était
la réponse péremptoire de Eome à cette préoccupation d'une foi timide,
qui se faisait jour en divers endroits : " Prenons garde que les fidèles
ne se figurent qu'il y a quelque chose de changé dans l'Eglise; laissons
agir les seuls confesseurs; un ébranlement général offrirait plus d'in-
convénients que d'avantages."
Eh bien ! non, Eome ne se contente pas de la direction spirituelle
privée, moins encore d'une tolérance tranquille et même craintive de la
Communion quotidienne. Les fidèles ne savent-ils pas que le Pape est
établi " au Thabor de la visibilité catholique ", pour y être le gardien
vigilant de la doctrine, pour redresser et condamner tous les écarts .''
Seront-ils plus étonnés de son intervention dans la question de la Com-
munion que dans toute autre question doctrinale ? Ne sera-t-il pas
facile d'ailleurs de prouver qu'on ne leur propose que le retour à la
plus antique tradition ; que ce retour, désiré par Pie IX et par Léon
XIII, était préparé depuis longtemps par un mouvement de l'Esprit de
Dieu dans l'Eglise ; que le siècle de Marie a préludé au siècle de l'Eu-
charistie, que la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus s'achemine vers son
plein épanouissement; enfin qu'au paganisme renaissant le Pape veut
opposer une légion de confesseurs et de martyrs, c'est-à-dire de commu-
niants.
Oui, après les décrets de Pie X, il y a quelque chose de changé, non
dans la doctrine de l'Eglise, mais dans les enseignements de plusieurs
de ceux qui parlaient en son nom, mais dans la mentalité de beaucoup
de fidèles. " Loin de le dissimuler, il vaut mieux, sans hésiter, le re-
connaître (le Décret lui-même prévient l'objection) pour se dégager de
l'entrave de notre éducation première et comprendre adéquatement la
doctrine de l'Eglise (1)". N'est-ce pas hâter la restauration désirée que
de saluer l'îiurore d'une ère nouvelle, de proclamer franchement la néces-
sité d'un changement d'idées et de conduite ? Eeculer devant cette pro-
mulgation catégorique, n'est-ce pas prolonger le règne de ces " préjugés,
vaines craintes et motifs spécieux de s'abstenir", que déjà Léon XIII
avait déclaré devoir être entièrement abolis (3)?
(1) P. T5f»s^on. s. .T.. Annales den prêtrea adorateurs, 1909.
(2) Mgr l'Evêquo do. Metz nous donne nn exemple de ce fienre de promulfration.
Après avoir énum^-ré diverses conceptions fausses au sujet de la communion, il
poursuit : "Vous-mêmes, N. T. C. F., vous n'avez probablement pas eu jusqu'il
pr^^sent d'autres id^-es à cet égard. Et pourtant, ces considérations ne sont pas
fondées, elles sont absolument préjudiciables au salut de nos âmes, puisqu'elles
T10U8 tiennent éloignés du C'brist, qui est la source même de toute vie et de toute
vertu." Lettre pastorale de 1908.
— 687 —
La Communion quotidienne doit cesser d'être regardée comme uq
privilège de caste ou une récompense de la vertu : voilà ce que dit à tous
la voix de Pie X.
Une raison psychologique justifie la volonté du Chef de l'Eglise. On
ne peut, en effet, imaginer que deux méthodes d'aboutir au but désiré:
l'initiation individuelle et progressive, ou la prédication publique. La
première apparaît de suite comme vouée à un piteux avorîement, ou du
moins à des résultats amoindris. Comme elle s'exerce surtout au con-
fessionnal, il est évidemment impossible que le confesseur donne, à
chaque pénitent en particulier, une instruction complète sur le Décret!
S'il le pouvait, il ne trouverait pas l'esprit du pénitent préparé pour
une adhésion immédiate ; la conviction se fit-elle lumineuse, on se heurte-
rait aux difficultés personnelles, au respect humain, à la crainte de se
singulariser, — le pénitent ignorant si les autres reçoivent les mêmes
exhortations. Mettons que, malgré tout, on parvienne à décider quel-
ques âmes plus généreuses, celles-là du moins échapperont à l'atteinte
qui sont précisément les plus nécessiteuses.
Eeste donc l'enseignement public, la prédication: Qnomodo audient
sine praedicante? Il s'agit tout à la fois de donner des convictions rai-
sonnées et lumineuses, capables de résister aux difficultés courantes, et
de produire un ébranlement général qui dissipe le respect humain et
mette à l'aise les hésitants. Les fervents ne se rencontrant que dans le
camp des assidus de la Table Sainte, il n'est pas étonnant ([ue les autres
attendent des entraîneurs. Ici, comme en tout ce qui est pénible à la
nature, c'est surtout le premier pas qui coûte. Jamais ce premier pas
ne sera plus facile qu'au lendemain de ces jours où l'on est assuré de ne
pas se trouver seul à la Table Sainte et de ne plus ]irov()(|uer d'étoniu'-
ment. Jamais les âmes ne seront mieux préparées à l'action du con-
fesseur; celui-ci n'a plus qu'à insister, à encourager, à maintenir.
Ces raisons si plausibles prennent plus de force encore quand on songe
qu'on se trouve devant une vraie montagne de difficultés à soulever.
Pour en triompher, les moA^ens ordinaires du Ministère Sacré ne suf-
fisent pas; il faut une action pa,«torale toute spéciale. Cette action, le
Saint-Siège l'a voulue, et il a assigné le Triduuni comme le moment
le plus favorable de la produire et le moyen le plus puissant de diffusion
de la Communion quotidienne. L'expérience a prouvé la sagesse de cette
direction. Mais il nous faut expliquer d'abord le fonctionnement du
Triduum.
II
Pratique du Tridiium Eucliaristiqne.
La Lettre de la Sacrée Congrégation des Indulgence.^ nous donne des
indications précises et minutieuses.
But. — Avant tout, il faut savoir où l'on marche, ce que l'on veut.
Aucun doute ])OS?ible: "il s'agit d'o])ionir (pie les fidèles se noiirri--ent
plus souvent et même chaque jour de la Sainte Eucharistie.'" Si l'ap-
— 688 —
pelation de Triduuiii Eucharistique a déjà obtenu quelque vogue, c'est
à cause de la brièveté tle la formule; mais il s'appliquerait également
l)ien à d'autres hommages à rendre au Très Saint-Sacrement, spéciale-
ment à Tadoration. Oii traduirait plus exactement la pensée de Kome
en disant: Triduum sur la Communion quotidienne. En tous cas, le
but du Triduum '' n'est pas seulement de renouveler la dévotion à la
Sainte Eucharistie en général, ni de réunir les fidèles dans une cérémonie
de réparation; mais son but précis et formel est de développer parmi eux
la pratique de la commu7iion fréquente, quotidienne. Le Décret d'ins-
titution le dit expressément; et, à cet effet, il prescrit qu'une des ins-
tructions du Triduum sera consacrée tout spécialement à y exhorter les
fidèles. Dans les paroisses où Ton ne peut faire un Triduum, le Pape
recommande de donner au moins un jour aux exercices eucharistiques,
et le décret spécifie que le Souverain Pontife tient à manifester à tous,
par cette recommandation, combien est ardent son désir de promouvoir
la conmiunion fréquente. L'intention du Triduum est si nettement
marquée, elle paraît si essentielle dans la pensée du législateur, qu'à notre
avis ce serait rendre douteux le gain des indulgences que de transformer
ces cérémonies en simple exercice de dévotion envers le Très Saint-Sacre-
ment."
Tel est l'avis d'un canoniste éminent, le E. P. Besson, S. J., Directeur
de la Nouvelle Revue Théologique.
Epoque. — L'octave de la Fête-Dieu paraissait tout indiquée pour
ces pieux exercices. Toutefois le Saint-Siège laisse aux Evêques la fa-
culté de déterminer d'autres jours, de faire coïncider le Triduum avec
les exercices de l'Adoration perpétuelle, en usage dans nombre de dio-
cèses, et cela sans perdre le droit aux indulgences accordées par la lettre
du 10 avril 1907. En bien des endroits, on a préféré s'en tenir à l'adap-
tation de l'ancien triduum à cette fin nouvelle. Il est pourtant permis
de penser qu'un exercice spécial eût sollicité plus vivement l'attention
d.es fidèles.
Dans beaucoui) de paroisses l'adoration était l'occasion d'une petite
mission ; les prédicateurs 3^ traitaient volontiers des fins dernières, des
occasions de péché, des moyen-; de salut. Tl faudra désormais, selon le
mot heureux de Monseigneur Heylen, le vénéré Président des Congrès,
que ce soit ''une sorte de mission Eucharistique."
' Prédication. — Nous voici donc amenés à nous demander quelle
doit être la matière des instructions pendant ces jours. Il n'est pas
pennis de traiter explicitement d'autres sujets que ceux indiqués par le
document romain :
Hisce vero singulis diehus sermo hahelntnr quo popidus edoceatur de
ineffnhili Eurharistiae Sarrammli prastantia, et potissimum de animi
dispositioiiihus al illud rite suscipieudinn . . . — //(- concione tam'en
oratores ad ferventiorem erga sanctissimum Sacramentum pietatem. lior-
tentur fidèles, sjecvitim a/l frequentiorew coclrsfis convivii participa-
tion em.
Xous (levons donc av<int tout faire mieux apprécier au peuple l'excel-
lence <]e l'inofTable Sacrement de l'Eiicharistie, non seulement parce que
Jésus-C'linst y est f-ubstantiellcment et perronnellement présent, non-
.«euh')ricnt parce rpic " oiiivin nlin sncrniiunifn ordiiinri ridcnfur ad hoc
— 689 —
sacramentum sicut ml finem ". mais encore par le.> effets si acbnirables
et si divins qu'il ])r()(luit dans les âmes. (1)
Mais pourquoi, dira-t-on, le Saint-Père veut-il que, dans cette prédi-
cation, on insiste spécialement sur les dispositions requises pour bien
recevoir le Sacrement ?
La raison en est manifeste. C'est précisément sur ce point des dispo-
sitions que les erreurs sont les plus répandues et les plus tenaces. Im-
possible d'amener la niasse des fidèles à la Communion très fréquente
et quotidienne, sans extirper de leur esprit les préjugés accrédités, même
par "des tliéologiens de valeur, mais infectés du poison janséniste. "" Ces
préjugés leur font' croire que des dispositions difficiles et multiples sont
nécessaires pour bien communier, (|ue la Connnunion fré(|uente est à ce
prix, que, par conséquent, s"ils ne peuvent les réaliser (ral)ord, ils doivent
s'interdire du moins cette fréquence.
La réforme à opérer dans les idées serait assez bien traduite par ces
oppositions de termes :
RAEO QVOTIDIE
PERPACCI (JMXES
PLURiBus coyornoMiirs nroiirs
MERCES ROBLR.
Cette réforme doit surtout aboutir à la conviction (pie les dispositions
requises pour communier chaque jour sont accessibles à toute âme de
bonne volonté.
Deux conditions, état de grâce et intention droite, suffisent à rendre
toute communion fructueuse; — le péché véniel n'empêche pas de s'unir
chaque jour à Xotrc-Seigneur; — les exercices de préparation et d'action
de grâces doivent être, non une barrière dressée devant la Table Sainte,
mais un secours pour tirer plus de fruit du Sacrement. Tous ces ensei-
gnements du Décret doivent être clairement et intégralement ])roposés
aux fidèles, pour le plus grand bien de leurs âmes. Arrière les vues
étroites et les craintes injustifiées ! Accomplissons notre mission avec
prudence, sans doute, mais ayons confiance en la sagesse de l'Eglise.
"Quelques-uns diront, peut-être: Xon. non. il ne faut pas prêcher ces
choses-là aux fidèles, car, à quels excès n'en viendront-ils point ? .\
quels excès ? Oh ! n'ayons pas de telles craintes, car les fidèles ont reçu
de Dieu la grâce de bien com})rendre les vérité,s (pii leur sont enseignées
pour la vie éternelle." (2)
(1) Le jM'iipli' ilir<^ticn saisit mieux ces v^^rit^'n par îles inia^'es |)ittorps«|UP«.
toiles (jiie celle-ci du Bienheureux Curé dWrs: "Mette/ dans la Imlanre toute»*
les bonnes u'uvre-i du monde et une Connnunion hien faite, ce si-ra peser un };iain
de poussière et une monta<rne.'' — Ou i)ar des rapprochements tels qiw ceux ci
empruutés au célèbre Tauler: " Kquidem censeo Christi corpus rrl srmrl percep-
isso viiilln nliliiis esse aniniic. quam vel centum mi^sarum sacra ausculta-«o. vel
totidem interfuisse concionil)us. Tmo aliquanti dectores in ea sententia esse
videiitur ut dicant euni (pii semel. ab-(pie mortali ])eccato. hoc accejtorit sacra-
mentum ])lus dilectionis et j^ratia- con.icf|ui qinun si trina vice Duminici sc|)ulcri
visitandi yratia vasta mari- f<n m nni<|Ue spatia fuisset enitiisus! " (S.-rm. in
Dom. Vllf post Trinit.).
(2) M<îr Volpi. dans le document cité plus loin. p. 2fi.
— 690 —
Cette remarque étant faite, abordons le fond même de la prédication
eucharistique.
La matière est des plus aibondantes. Citons, à titre d'exemple : la
présence réelle, de manière à ramener la foi pratique ; le désir de Notre-
Seigneur au sujet de la Communion; le désir de l'Eglise, avec un aperçu
historique ; les bienfaits de la Communion pour les divers âges de la vie,
pour les différents états d'âme; les raisons de communier spéciales aux
hommes, aux jeunes gens, à l'âge des passions; certaines scènes de
l'Evangile, appliquées au Sauveur présent parmi nous, etc . . tous ces
sujets peuvent aboutir à une même conclusion : communiez plus souvent.
Mais il y a quelques vérités essentielles qu'il faut s'attacher avant
tout à inculquer profondément. Il va de soi que pour faire revivre les
mœurs eucharistiques des premiers siècles, il faut refaire la mentalité
des premiers siècles et donner aux habitudes nouvelles des bases doctri-
nales solides. Or, voici les principes qui résument les enseignements
de la Tradition; ce sont aussi les idées-mères du Décret de Pie X.
1. La Communion est l'aliment de la vie surnaturelle; son but pre-
mier, quelle que soit sa fréquence, n'est pas le respect dû à Jésus-Christ,
mais la préservation du péché grave.
2. Toute communion faite en état de grâce et avec une droite inten-
tion est fnictueuse et ne saurait pas ne pas l'être.
3. Le régime normal du chrétien en état de grâce est la Communion
de chaque jour.
4. L'assistance parfaite à la Messe implique la manducation sacra-
mentelle de la divine victime.
Ce n'est pas le lieu de prouver ces propositions, ni de montrer leurs
racines dans l'histoire ; ce travail a déjà été fait souvent et je ne puis
que renvoyer aux meilleurs commentaires du Décret. (1) Mais, c'est ma
conviction la plus profonde, la stabilité plus encore que l'étendue des
résultats produits par le Triduum est en raison directe de l'intelligence
de ces vérités.
Surtout dans les années de transition, alors que les fidèles d'âge mûr
n'en ont point été imbus dès l'enfance, il importe d'y revenir sans cesse,
de les présenter sous diverses formes. Un rapide énoncé passerait in-
aperçu; aucun effort n'y est de trop. La forme même doit être claire et
simple, avec cette allure catéchistique, que déjà Léon XIII avait recom-
mandé aux prédicateurs, et sur laquelle Pie X insiste si fréquemment.
Arrière la vaine rhétorique ou les développements pompeux, plus sou-
vent nuisibles qu'utiles à la vraie intelligence de la doctrine.
Il ne faut pas omettre de répondre à quelques objections, en les va-
riant d'après le milieu auquel on s'adresse. C'est encore un excellent
moyen d'éclairer les esprits; sa force persuasive s'accroît de l'intérêt
qu'y prennent les auditeurs. La Lettre insinue cette réfutation en pro-
posant d'expliquer la parabole du Festin, où nous trouvons le type de
divers prétextes sous lesquels se dérobent les invités du Banquet Eucha-
ristique. Un des principaux apôtres de la Communion quotidienne au
XIXe siècle, le P. Cros, S. .T., recourait sans cesse à ce moyen. Il a
(1) Voir surtout: Ferreres, Tesnière, dom Ba^tien, Besson, Cros, Maliieu, An-
toni et Frassinetti.
— 691 —
raconté la part qu'il donnait dans sa prédication à la solution des diffi-
cultés et les bons résultats qu'il devait à cette pratique. (1)
Les statuts de la Ligue Sacerdotale, avaient proposé un plan un peu
différent pour les prédications du Triduum. Ce plan s'inspire davantage
d'un procédé de petite mission; il rappelle la nécessité de conserver l'état
de grâce ou la vie surnaturelle et réserve au dernier jour ce que la Lettre
prescrit pour tous les jours. Il nous suffira de remarquer que la Lettre
est postérieure à ces Statuts et s'adresse à toute la Sainte Eglise. La
méthode qu'elle préconise suppose connu le prix de la grâce; elle a
l'avantage de concentrer l'attention et l'effort sur l'objet capital du
Triduum, la multiplication des Communions.
£!xliortation. — Après les principes, les conclusions. Si les pre-
miers ne comportent aucune atténuation, s'il importe que tous les en-
fants de l'Eglise les connaissent, même ceux qui seraient actuellement
empêchés de les pratiquer, (2) la discrétion demande qu'on tienne compte
de la diversité des occupations, de l'éloignement des églises, et qu'on
n'impose à personne des fardeaux qu'il ne puisse porter. Tons sauront
que si la Communion quotidienne n'est pas de précepte, l'invitation
à la faire est pourtant pressante et personnelle ; ce serait y être entière-
ment sourd que de ne pas multiplier ses Communions, en profitant des
fêtes de l'Eglise, des anniversaires ou des fêtes de famille, des réunions
de confréries oti de congrégations. Beaucoup pourront et voudront aller
plus loin en communiant chaque dimanche et chaque fois qu'ils assis-
teront à la Messe.
Ce changement d'habitudes sera, pour la plupart des fidèles, une
pure question de générosité. C'est donc celle-ci qu'il faut provoquer par
la vive peinture de l'amour infini de Jésus pour nos âmes, par les
appels douloureux du Sacré-Cœur de Jésus à la réparation, par l'oxemple
des personnes de toute condition qui s'imposent de réels sacrifices pour
n'être pas privés de leur pain quotidien.
Le prédicateur se demandera alors, en supposant que les auditeurs
possèdent la juste notion de la Communion fréquente, quels obstacles
pourraient bien les em|jêcher de la faire, quand des devoirs d'état pres-
sants ne les en éloignent pas ! Ces obstacles se réduisent à deux princi-
paux: d'une part, le respect humain et les hal>itudes régnantes, d'autre
part, la peur de la gêne par un lever plus matinal, un retard des repas
ou du travail.
Et ici apparaît la nécessité de recourir, pendant le Triduum même,
à d'autres moyens que la prédication jiour entraîner les âmes.
Autres moyens. — 11 y a d'abord la prière. La Lettre y insiste;
il s'agit do iaiie à Pieu une douce violence par la prière commune si
puissante sur son cœur. La Congrégation propose une formule, c'est
la Prière pour In projHifintion ilr In Ciiiinniinion rpiofiiUmnio dmia l'E-
glise, déjà précédemment enrichie d'indulgences. Ayons soin que tous
les fidèles possèdent ce texte, que longtemps avant le Triduum ils le
(1) Enfants à la sainte Tahlr. It^ro série, p. 7-8.
(2) "Il n'y a pas liou fie nier mi principe, pour cette raison (]\io. ânu'* certains
cas.^son application rencontre ries obstacles: on ne refn.p pas «le reconnaître le
flroit A nne faveur pour ce motif que. souvent, le l><5n<^nciaire se trouve enip<»cli*
d'en jouir " AhhC- Hello. Le Décret appliqué aux OEuvres ouvrières, p. 25.
— 692 —
connaissent; qu'ils le récitent tous ensemble avec ferveur, en reprenant
les paroles après le prédicateur ou le curé; qu'ils continuent à le réciter
en particulier, mieux encore en famille. Il y a des paroisses oii on
récite cette prière chaque dimanche au salut, des collèges oii elle se dit
chaque Jour à la messe. Elle est merveilleuse, cette prière, parce que,
condensant toute la doctrine, elle a, outre sa valeur d'intercession, une
puissance d'auto-et-mutuo-suggestion qu'on aurait tort de négliger.
Mais la prière ne suffit pas. Nul moment n'est plus favorable que
celui du Triduum pour recourir aux autres moyens de propagande, tels
que la distribution de tracts adaptés aux diverses catégories de fidèles,
tels surtout que la fondation d'une Ligue Eucharistique.
Les Ligues sont surtout nécessaires pour combattre la torpeur de po-
pulations indifférentes et pour amener les hommes à la Sainte Table.
Grâce à elles, de nomlu-euses paroisses ont maintenant de belles commu-
nions mensuelles des hommes ; celui qui est inscrit dans la Ligue est armé
contre le respect humain et contre sa propre inconstance. (1)
C'est le moment aussi de proclamer et d'inaugurer certaines mesures
pratiques propres à faciliter la Communion des fidèles. Il faut être
empressé à donner à toute heure la Communion à ceux qui la demandent,
nous souvenant (|ue le prêtre doit se régler sur l'heure que les fidèles
trouvent plus convenable d'après leurs occupations. Il est souveraine-
}nent triste de rencontrer des entraves apportées par les serviteurs même
du festin à sa plus large distribution: ces cas se font heureusement rares.
Mais rien n'égale en importance l'assiduité au confessionnal. On ne ci-
tera pas, je pense, d'exemple de paroisse on la Communion plus fréquente
se soit établie, et surtout ait pu se maintenir, sinon celles où chaque ma-
tin, et souvent même encore à d'autres moments, connus d'avance par les
fidèles et souvent rappelés à leur souvenir, les prêtres sont à leur dispo-
sition pour pardonner leurs fautes ou dissiper leurs inquiétudes. Cela
ne veut nullement dire qu'il faille les engager à multiplier leurs con-
fessions; mais là où l'habitude de la Communion fréquente est encore
nouvelle, plusieurs se trouveront avoir 1-esoin de la confession ou croiront
devoir la faire. A nous de les éclairer s'ils exagèrent leur obligation.
Eome veut qu'on apprenne aux fidèles à se servir des moyens autres
que la Pénitence pour se purifier de leurs fautes vénielles ; ils doivent
savoir que la confession ne rloit pas être plus fréquente du seul chef de
la plus grande fréquence de la Communion. ('2) L'expérience apprend
que bien des hommes et même des femmes, surtout parmi les boursceois
occupés, acceptent la communion, si elle est dégagée du prélurle de la
(1) Voir le rapport de M. l'abbé Holemans au Congrès Eucharistique de Co-
lojrne: La Ligue du f^acré Coeur ; Une industrie pour amener les hommes :\ la
Sainte Table.
(2) Xous avons traité ce point plus explicitement dans nos: Devoirs des Pré-
dieateurs et des Confesseurs. Voir aussi: An-tonin, Pourquoi tant de vaines
craintes, et Gros. Enfants. 2e série, p. 292 et suiv. — Nous aimons il citer ces
paroles de 'Mpr Volpi : " Prêtres, n'enseignez pas aux fidMes c:> que n'enseigne
pas l'Eglise; il savoir qu'on est tenu de se confesser même lors<iu'on n'a sur la
conscience aucun péché mortel; vous leur imposeriez une loi qui n'exist<> point:
davantage, vous trahiriez votre ministère; vous rendriez pesant le joug que
•lésus-Clirist a voulu faire; léger."
— 693 —
confession, qu'ils croyaient nécessaire, et qui, en l'ait, leur demande un
dérangement plus considérable.
Enfin, il tant que tous les confesseurs, au cours du Triduum, soient
d'accord pour traiter avec les pénitents qui viendront à eux, la question
de leurs communions, obtenir de chacun qu'il ne recule pas devant le
possible et dissiper les dernières hésitations d'ordre théorique ou pra-
tique.
A tous ces moyens des curés zélés ont ajouté le propagande à domicile ;
rien de tel qu'un petit entretien ])our apprendre aux gens à concilier la
communion plus fréquente avec les devoirs do leur état. Ailleurs on
donna des sermons spécialement destinés aux parents, aux jeunes lillo?,
etc. Dans une petite ville, où chaque soir du Triduum, tout le peuple
était convoqué pour le sermon et le salut, le matin vers onze heures, on
réunissait à l'église tous les enfants des écoles ayant fait leur Première
Communion. Outre que ces enfants recevaient là des exhortations a])-
propriées à leur âge, ce moyen contribua grandement à donner le branle
dans toutes les familles, et à ;i mener plus d'auditeurs aux grands ser-
mons du soir.
III
Après le Triduum.
Etablissons d'abord le vrai critérium pour juger des fruits d'un Tri-
duum. Ce n'est pas le chiffre des Communions en temps ordinaire ; c'est
surtout la connaissance plus exacte de la doctrine catholique sur la Com-
munion quotidienne. Là était, le but, c'est en ce sens que les fidèles
ont dû être exhortés.
Les amateurs de statistiques vont être déçus; bien que des faits nom-
breux et intéressants aient pu être recueillis, un particulier ne saurait
procéder à rien qui ressemble à une enquête, surtout un peu générale.
Le moment, d'ailleurs, est-il venu, et la matière l'exige-t-elle ? 11 y a
grande différence de région à région, et, dans un même diocèse, toutes
les paroisses sont loin de se trouver dans les mêmes conditions.
Tout ce (|u'il est possible d'affirmer, d'après les témoignage-; des ( urés
et des prédicateurs, c'est que le Triduum bien donné a ])artout été suivi
d'un accroissement très considérable de Communions, que l'on n'eût
certes pas obtenues par les moyens ordinaires; que là au contraire, où il
n'a pas été donné, ou ne Ta pas été dans son véritable esprit, il n'est
])as rare de rencontrer des personnes, même assez assidues à l'égli.-ie, qui
ignorent le sens, parfois nuMne l'existence du Décret, ou <|ui s'obstinent
à croire qu'il ne les concerne pa<.
Faut-il se réjouir de cette augmentation ? Assurément, puisque le
Pape ne cesse de dire qu'il la désire, ])uisque le Décret nous dit: '* 11 est
évident que la réception fréquente ou quotidienne de la sainte Eucha-
ristie accroît l'union avec Jésus-Cbrist, nourrit plus abondamment la vie
spirituelle, enrichit l'Ame de vertus et donne au communiant d'une
manière plus sûre le gage de la vie éternelle." Cependant que1(|ues-un8
voudraient voir pnvluire le tableau des progrès moraux en rcirard d(S
progrès de la Communion. A (|Uoi le chanoine Erman réj^Midnit sensé-
ment dans un article fort rcmaniué sur le Congrès Eucharistique de
— 694 —
Londres : " La constatation matérielle de l'augmentation des Commu
nions n"a-t-elle jjas, par elle-même, et sans ce complément très désirable,
une réelle valeur? Elle fournit d'abord la preuve que dans im milieu
donné, le zèle sacerdotal prend au sérieux les recommandations de
l'Eglise et que les fidèles y répondent : il y a là, indépendamment de
toute autre constatation, une présomption positive d'un accroissement
de vie chrétienne. En outre, la multiplication des Communions indique
la persévérance de l'état de grâce chez un bon nombre de chrétiens, ce
qui, au point de vue surnaturel, est d'une importance capitale." (1)
Eéjouissons-nous donc de ces progrès. Personne ne se fait l'illusion
de croire que le premier Triduum amènera toute une paroisse à la Com-
munion quotidienne ou même hebdomadaire; mais le progrès sera cer-
tain. Il s'accentuera une seconde et une troisième année, et rapidement
de nouvelles habitudes eucharistiques prendront la place des anciennes.
Les résultats, quels qu'ils soient, sont dûs à tout cet ensemble des
moyens que nous avons exposés. Mais puisque, parmi les éléments visi-
bles de succès, la prédication occupe le premier rang et qu'elle îaH sur-
tout l'objet de notre étude, il y a lieu de faire observer qu'à l'heure
actuelle tous les prédicateurs ne sont pas préparés à s'acquitter de ce
genre de ministère. On a cité des cas où, pour cette raison, à part la
Communion de clôture, il n'y eut guère de progrès à la suite du Tri-
dumn. Dans tel endroit l'exhortation à la Communion tourna deux
fois en sermon contre l'abus de la Communion ; ailleurs, l'intention
droite fut si mal expliquée que les meilleures consciences étaient plon-
gées dans l'hésitation; une paroisse oii déjà fleurissait la Commimion
mensuelle s'entendit exhorter à la Communion des principales fêtes.
L'un, supposant bien connu le Décret de Pie X, se bornait à quelques
allusions, comprises du seul prédicateur; l'autre, redisant des sermons
composés jadis, exaltait la Sainte-Eucharistie, sans insister précisérnent
sur les décisions récentes ou sur les raisons de fréquenter plus assidû-
ment la Table Sainte. Ce n'est pas une telle prédication qui modifiera
l'état des choses !
En présence de ces faits, on est amené à se demander s'il ne serait pas
plus opportun que, dans chaque diocèse, ou dans chaque ordre religieux,
quelques prédicateurs fussent désignés comme spécialement aptes à cet
apostolat eucharistique. Il n'y a là de blâme pour personne. Tous ne
réussissent pas également dans les conférences apologétiques ; tous ne
peuvent traiter avec compétence les questions économiques et sociales.
Les intérêts en Jeu ici sont des plus graves.
Il importe donc de recourir à des prêtres qui n'aient pas une doctrine
flottante mais ferme, qui aient abondance d'arguments, qui puissent les
présenter de façon topique, exhorter avec chaleur et donner aux autres
de leur plénitude. Faute de recourir à de tels apôtres, on obtiendrait
peut-être quelques communions de plus, mais on laisserait subsister,
contre le caractère même de la communion et contre sa réception quoti-
dienne les mêmes erreurs, les mêmes objections qu'auparavant.
Fût-on même toujours assuré d'avoir des hommes de doctrine sûre
et au cœur ardent, il y a encore cet ensemble de moyens dont l'emploi
fl) Revue Ecclésiastique de Metz, 1908.
— 695 —
accroît notablement les résultats d'un Triduuin, et où on n'acquiert de
l'habileté que par uu maniement pour ainsi dire constant. Je n'exprime
pas de vœu officiel, mais l'idée germera, je l'espère, et nous aurons les
Missionnaires de l'Eucharistie, comme nous avons les Missionnaires des
fins dernières. En attendant, si les curés ou d'autres prêtres se rendent
mutuellement ce service de prêcher le Triduum, il importe qu'ils étu-
dient à fond la doctrine du Décret et s'en pénètrent.
Tout considéré, le principal avantage du Triduum semble être de
fournir pour le ministère ordinaire, une base d'opérations des plus favo-
rables. Le Triduum n'est qu'un commencement. Au clergé paroissial
de maintenir l'élan donné, de l'accroître môme. Mais, pour cela, il im-
porte qu'il ait un plan nettement tracé. Il y a, dans toute paroisse,
trois groupes sur lesquels il peut agir de suite :
l°Les personnes pieuses et tous ceux qui assistent à la messe en
semaine.
2° Les enfants des catéchismes et des patronages.
3° Les membres des diverses associations et confréries.
Auprès de ceux-là surtout, il doit continuer, sans se lasser, son rôle
de docteur et de directeur; il reviendra, en diverses occasions, sur les
enseignements déjà donnés ; il s'inîormera de ce que chacun fait pour la
Communion et l'exhortera à faire davantage encore; il s'attachera sur-
tout à former, au sein de la Confrérie du Saint-Sacrement, cette Ligue
Eucharistique qui doit en être l'âme et préparer ainsi la restauration de
toute la paroisse. (1) Plus heureux encore sera-t-il si son œuvre est
couronnée par un de ces puissants moyens de glorification eucharistique
qui sont les petits congrès régionaux.
Enfin chaque année, le renouvellement du Triduum viendra ranimer
les languissants et accroître le zèle des fervents. Le Eme Evêque d'A-
rezzo (Italie), donna récemment (Carême, 1910), une lettre pa.storale
sur la célébration du Triduum, qui faisait suite à une longue lettre de
l'année précédente sur la Communion fréquente et quotidienne. (2 )
" Peut-être, y lisons-nous, en m'entendant revenir ainsi sur le même
sujet, quelqu'un de mes diocésains se dira-t-il : quand notre Evêque a
abordé un sujet, il ne peut se décider à. l'abandonner ; il y revient jusqu'à
satiété. — Oui, mes chers Fils, c'est bien là ma manière d'agir, je le
reconnais, et en voici la raison. T/expénonoe acquise dans le gouvtM--
nement de mon diocèse m'a persuadé qu'il est nécessaire de répéter sou-
vent les mêmes vérités, si on veut que tous en soient pénétrés, et ce qui
importe plus encore, qu'ils les traduisent en actes. Est-ce que l'Eglise
ne revient pas chaque année sur les mêmes avertissements, comme elle
nous répète les mêmes prières liturgi<iues, comme elle nous propose à
(1) Demander A la mai-on Xotro-Danio du Travail A Favt-'MaTiafre (Bclpique) :
La restauration paroinsinlr par 1rs Canfrérirs rt 1rs I.ipurs Eurharistiiiurs. Tract
de 16 papes, reiifeniiant les statuts et toutes Ir-i autres indications prati<iuf8
pour l'établissement et le fonetionnement de ces T-ijîui's.
(2) Ce doeumeTit offre A beaueoup d'épards un prand inti'-rêt. 11 a Hfi publié
en français par les soins de la Linur sarmlotalr. sous le titro: Mjjr \'()i.ri : Trt-
(lnum Eucharistique. Broebure in-S" de 40 papes. S'adresser aux Maisons des
Pères du Saint-Sacrement.
— 696 —
méditer sans cesse, nu cours du rosaire, les mêmes mystères principaux
de la vie de Notre-Seigneur et de sa sainte Mère ? J'ai voulu l'imiter
en inculquant, plusieurs années de suite, la nécessité du catéchisme; je
voudrais à bien plus forte raison, appliquer ce principe à la Communion
fréquente et quotidienne. Car, sans elle, il serait absolument illusoire
d'espérer la réforme des mœurs, le réveil des énergies catholiques, la
floraison des veitus chrétiennes dans toutes les classes de la Société, et
surtout dans le peuple; sans elle enfin, nous ne verrions pas se peupler
les séminaires et les cloîtres ni s'afïermir les ordres religieux."
A'oilà les sentiments qu'il faut faire nôtres et qui augmenteront
d'année en année notre ardeur pour la célébration la plus parfaite du
Triduum.
*
Dans les maisons d'éducation. — J'ai étudié ailleurs les rai-
sons qui militent en faveur des Triduums eucharistiques dans les maisons
d'éducation; j'ai pu citer de nombreux exemples des fruits magnifiques
qu'ils produisent. Aucun autre mo3^en n'a été aussi efficace pour faire
entrer la pratique de la Communion quotidienne dans les habitudes d'un
grand nombre d'enfants, et par elle " changer la physionomie de la
maison," suivant les témoignages de beaucoup de supérieurs. (1)
Là non plus, remarquons-le, il ne suffit pas de quelques instructions
données de loin en loin sur la matière; il faut un ensemble méthodique
et suffisamment complet, présenté en un court espace de temps, afin (jue
les impressions s'ajoutent les unes aux autres. L'intérêt se soutient i)ar
la clarté et la variété de l'exposition, par la solution des difficultés. 11
faut que les enfants ne puissent pas ne pas comprendre les motifs de la
communion fréquente et ses conditions.
On est étonné de constater combien d'enfants ne songent même pas
à tirer les conclusions dernières des exhortations qu'ils entendent; les
entretiens et la direction privée les y décident. Il est capital d'obten.y
que, au cours même du Triduum, le branle soit donné; pour cela, dès
le premier jour, il faut s'off'rir à attendre les conftssions de ceux qui
le désirent.
Une conférence du personnel de la maison, tout au moins des confes-
seurs, est souverainement utile pour obtenir l'unanimité, l'action et la
constance dans la poursuite du but.
Adorations. — Je no m'étendrai pas davantage sur les Triduums
d'Adoration, si féconds en heureux résultats dans beaucoup de diocèses.
Là où ils ne seraient pas confondus avec le Triduum pour la Communion,
on voit aisément que s'il faut leur maintenir leur caractère de seconde
période pascale, de rénovation spirituelle de la paroisse, il est facile d'en
profiter pour accroître la fré(|uentation ordinaire do la Table Sainte.
La célébration de ces 'l'riduums varie d'après les régions et les diocèces.
Dans quelques-uns, l'Adoration ne dure qu'un jour, ou un jour et une
nuit, mais elle est préparée par deux ou trois jours de prédications.
Ailleurs elle est établie pour la durée de trois jours sous forme de Qua-
(]) Voir mon Dirrctoirc Eucharifitique deft Maisorifi d'éducation. Tournai,
rai^tcriTian. 1910. Tii-8° de 100 p. Prix: 1 franc.
— 697 —
rante-Heures. On put dire au Congrès Eucliaristi(|Uo de Met/ .lue
dans ce diocèse, il se fait de? prédications cliacun des jours de TAdoi-a-
tion, et ce congrès émit le vœu " que l'on se serve des Adorations perpé-
tuelles paroissiales pour amener les fidèles à la communion fréquente,
par la prédication eucharistique et par toutes les industries du zèle dont
cette solennité est Toccasion."
*
*
Il y a plus de vingt ans, un grand serviteur de Dieu, le général de
Sonis, écrivait à un saint religieux, le P. Ginhac, S. J. "' Nous vivons
en plein paganisme avec une étiquette chrétienne."
Ce mot cffravant de justesse, ce mot qui résumerait toute la ]jreuiièie
encyclique où Pie X. jetant un coup d'œil sur le monde, décrit les carac-
tères de l'apostasie et de l'athéisme pratique de notre époque, ce mot
doit nous faire comprendre l'importance sans égale de l'apostolat de la
roinmunion. Le mal est dans les âmes, dans les esprits fermés aux
lumières surnaturelles, dans les cœurs lâches devant le sacrifice. Les
remèdes appliqués du dehors ne sauraient suffire, ^'oilà pourquoi au
néo-paganisme le Pape oppose sa devise: " Rétablir toutes choses dans le
Christ Jésus, sa doctrine dans les esprits par l'étude du Catéchisme et
de l'Evangile, sa vie dans les âmes par le Communion fré*|uento et quo-
tidienne.
Là oii fleurit la Communion, on trouve non seulement une étiquette,
mais la réalité de la vie chrétienne. Aux individus elle assure le main-
tien de la grâce divine, la force contre la passion, et des poussées de
vertu, de loin supérieures à des vagues s ;uvenirs d'un Kvan<.'ile inc )m-
pris.
Dans la famille, elle fait régner l'union des cœurs; elle apporte aux
époux assez de confiance en la Providence pour ne pas reculer devant
les charges de nombreux enfants, assez d'anuair de Dieu pour vouloir
multiplier les élus.
Par elle, la vie sociale se dégage de l'égoïsme et de l'âpre attache aux
biens qui passent, pour s'imprégner de plus de justice et de charité.
En un mot, c'est la Communion r|iii est la source de tout bien, qui
fait les vaillants et les apôtres; là où la i)ersécution fait rage, elle fera
les martvrs. " Il ne nous resh plus que Ir Ciboire." écrivait récemment
un prêtre français. Parole sublime de foi, car nous savons ce qu'il y a
dans un ciboire ! Ah ! ne roul)lions jamais ! les premiers chrétiens
avaient-ils autre chose ? Et ils ont coufpiis le monde!
C'est quand le Ciboire est demeuré fermé que l'ennemi a pris sa re-
vanche et que le mal a débordé. A nons dune, de l'ouvrir <ba(|ue jnur,
de le déverser largement dans les âmes affamées; à nous de prêcher, dans
le Triduum annuel, la croisade du Ciboire proclamée par Pie .\ comme
l'unique gage du salut : '' Dieu le veut!"
— 698 —
Voeu :
Considérant que les Triduums Eucharistiques, recommandés par 8a
Sainteté Pie X. ont le triple avantage:
de faciliter l'instruction des fidèles,
de provoquer un salutaire ébranlement.
de fournir une solide hase d'opération pour l'avenir.
Le Congrès eucharistique de Montréal émet le voeu:
1. Que ces Triduunis soient donnés dans toutes les paroisses et mai-
sons d'éducation :
2. Que, conformément au texte et à l'esprit de la Lettre d' indiction,
on ne s'y propose pas seulement de multiplier les communions des fi-
dèles, mais de les instruire solidement sur les principes mêmes de la
Communion quotidienne, a.fin de les amener à la pratique de celle-ci dans
toute la mesure du nossihle.
Le quatrième rapport, figurant au programme, est présenté
par le R. P. Lault, S. S. S., sur deux œuvres éminemment sa-
cerdotales, qui jouissent au Canada et dans le monde entier,
de la plus grande faveur.
L'ASSOCIATION DES PRETRES ADORATEURS"
ET
"LA LIGUE SACERDOTALE EUCHARISTIQUE '
Dans sa célèbre " exhortation au clergé catholique " du 4 août 1908,
N". S. Père le Pape Pie X, fait aux prêtres, entre autres recommanda-
tions, celle de " former entre eux, comme il convient entre des frères,
des associations en vue du développement des diverses branches de la
science sacrée, et surtout pour conserver avec plus de soin l'esprit de leur
sainte vocation, pour promouvoir les intérêts des âmes, en metta,nt en
commun leurs pensées et leurs forces. Ces associations, ajoute-t-il, sont
d'autant plus utiles qu'on y entre plus tôt, dès le début du sacerdoce."
Et lorsqu'il s'agit de préciser les moyens d'atteindre cette double fin
du sacerdoce: "la sanctification personnelle du prêtre et le salut des
âmes " 'qui lui sont confiées, le Souverain Pontife insiste sur les deux
plus importants correspondants à cotte double fin, à savoir: " Za prière,
la méditation surtout et l'apostolat de la communion fréquente et quo-
tidienne.
En parfaite conformité de vue avec les désirs exprimés à diverses re-
prises par le Souverain Pontife, deux Associations sacerdotales, érigées
canoniquement, s'offrent à l'attention du prêtre, portant avec elles les
meilleurs titres de recommandation. En raison du but que poursuit
chacune d'elles, et de par la volonté de Pie X, elles ont été greffées l'une
— 699 —
sur l'autre, comme se complétant mutuellemont. La première, i\m a
nom: "Association des Prêtres Adorateurs," travaille plus directement
à la sanctification personnelle du prêtre par le moyen de la méditation
ou de l'adoration faite en présence du Souverain Prêtre, Jésus-Christ
au Très Saint-Sacrement de l'autel. La seconde appelée : " Lique sa-
cerdotale eucharistique ou de la Communion," a pour but spécial la
sanctification des âmes par l'apostolat de la communion fréquente et
quotidienne. Le présent rapport est destiné à donner un bref compte-
rendu du fonctionnement et de l'état actuel de ces deux Associations
sacerdotales.
Au nom de notre Communauté, au nom de tous les Prêtres-Adora-
teurs ici présents, qu'il me soit permis auparavant de remercier Mgr
l'Archevêque de Montréal de la délicate attention qui lui a fait choisir,
comme lieu des réunions sacerdotales, l'église des Pères du Très Saint-
Sacrement, qui est comme le berceau et le centre de l'Association des
Prêtres-Adorateurs, au Canada.
I, — Association des Prêtres- Adorateurs
L'association des Prêtres- Adorateurs, on le sait, a conquis une place
d'honneur parmi les œuvres sacerdotales.
L'idée première en revient au A'énérable Pierre-Julien Eymard, fon-
dateur de la Congrégation du Très Saint-Sacrement. Suscité de Dieii
pour donner des adorateurs au Dieu de l'Hostie, il voulut, et avec raison,
que les prêtres fussent au premier rang. Lui-même précisa Tesprit qui
devait animer les membres de l'association.
Le but de cette association est de sanctifier le prêtre par le Sainte
Eucharistie, de lui faire atteindre plus sûrement et plus parfaitement
la fin de son sacerdoce, par un contact plus prolongé et plus fréquent
avec le Sacrement de vie et de sainteté.
Voici, du reste, le programme que le vénérable fondateur donnait aux
prêtres qu'il voulait grouper autour du Tabernacle :
" Ils se souviendront que leur premier devoir est celui de l'Adoration
personnelle; ''nos autem orationi instantes erimus," et qu'ils doivent
assurer là dans la prière, le succès de leur ministère.
" Et ils descendront de l'Eucharistie vers les peuples, pleins de feu
pour répandre par tous les moyens possibles, l'usage de la visite au Saint-
Sacrement et de la Communion fré<iuente."
Celui qui s'exprimait ainsi a été surnommé à juste titre: "le prêtre
et l'apôtre de l'Eucharistie au XIXe siècle." Il était persuadé que le
grand foyer de sanctification comme la grande puissance d'apostolat
pour le prêtre, résident au Sacrement auguste qu'il consacre et distribue
aux âmes. Il aurait voulu faire passer cette conviction dans rame de
tous ses Frères dans le sacerdoce. Tous nous croyons, sans doute, aux
richesses de sanctification et de vie divine dépo.^és pour nous dans le Sa-
crement de nos autels: mais, avouons-le, c'i'st là une mine cachée que
nous ne savons pas exploiter, un trésor prt'cieux que nous ne savons pas
assez faire valoir.
— roo —
L'adoration, la méditation prolongée et plus fréquente au pied du
Tabernacle, un contact plus intime avec l'Hôte divin qui y réside, vien-
dront remédier à notre inhabilité, à notre inexpérience. Seule l'adora-
tion eucharistique saura nous découvrir les secrets, les ressources
infinies du Sacrement de nos autels, en même temps qu'elle nous mettra
au cœur Tardent désir d'en faire bénéficier les âmes qui nous sont
confiées.
Voilà pourquoi l'association impose à tous ses membres, comme obli-
gation fondamentale et essentielle, la pratique de l'heure hebdomadaire
d'adoration en présence du Très Saint-Sacrement. Cette heure de garde
doit être ininterrompue, mais chaque associé peut la faire au jour et au
moment qui lui sont le plus convenables.
A première vue, et pour certains esprits, plutôt superficiels, une telle
pratique peut paraître fort peu de chose, ou du moins ne mérite pas de
faire l'objet d'une association spéciale. D'autres, au contraire, y voient
une pratique inconciliable avec les obligations d'un ministère absorbant.
Je laisse à Son Eminence le Cardinal Perraud le soin de répondre à
cette double difficidté. Il l'a fait avec ce coup d'œil sûr et ce grand
esprit de foi qu'on lui connaît. Qu'on en juge par cet extrait d'une de
ses lettres : " La pratique de l'heure d'adoration est un des meilleurs
préservatifs contre la négligence à s'acquitter du devoir de l'oraison
mentale, cet exercice fondamental sans lequel il ne saurait y avoir ni
vraie piété, ni solide vertu. A elle toute seule, l'Heure d'adoration est
un " compendium " de discipline et de régularité ecclésiastiques. C'est
tout autre chose d'aller passer devant le Saint-Sacrement quatre quarts
d'heure séparés les uns des autres par des études, des affaires, des pré-
occupations si légitimes soient-elles, ou bien de les réunir dans une
solution de continuité pour en faire une heure ininterrompue, durant
laquelle les pensées, les affections, les désirs, les résolutions peuvent, sous
l'action de la présence immédiate de Jésus-Christ, se concentrer sur un
seul point et pénétrer l'âme jusqu'en ses dernières profondeurs. Après
son heure d'adoration, le prêtre trahira, comme malgré lui, le secret
d'une plus grande intimité avec Jésus-Christ par une action plus décisive
et })lus durable sur les âmes Ne pourrait-on pas assimiler cette
heure à une petite retraite hebdomadaire renouvelant et conservant les
fruits de la retraite du mois ? "
Quant aux prêtres affairés et surchargés de ministère, après leur avoir
démonti'é la nécessité plus grande où ils sont de se recueillir et de faire
oraison, le même Cardinal leur suggère un moyen pratique : " Ayez, leur
dit-il, un jour de la semaine oii vous vous lèverez une heure plus tôt.
Cette heure vous irez la passer devant le Saint-Sacrement et vous pour-
rez très bien l'employer à faire oraison. Je vous le garantis, votre
travail du l'cste de la journée, je pourrais même dire du reste de la se-
maine, se ressentira de cette heure bienheureuse; à cause d'elle vous
ferez plus de choses et vous les ferez mieux."
C'est ce qu'exprimait excellemment un autre associé, après en avoir
fait lui-même l'expérience: "Les œuvres de jeunesse ou autres peuvent
bien durer quelque temps, nous écrivait-il, mais elles languissent bientôt,
si le prêtre n'est pas l'homme de l'Iùicharistie. Il faut être saint pour
— 701 —
sanctifier les autres, " former le Christ en soi pour le former dans les
autres."
Ces réflexions, appuyées sur rEvan<rile et marquées au coin de l'expé-
rience, sont confirmées chaque jour par les aveux de nombreux associés,
pris dans les situations et les charges les plus diverses, l^lles témoignent
hautement de la prévoyante et surnaturelle sagesse du Fondateur.
Mais une œuvre sacerdotale doit être, plus que toute autre, une œuvre
sérieuse et durable. Aussi, pour prémunir l'assoi-ié contre sa propre
négligence, en même temps que pour assurer la perpétuité et la vitalité
de l'Œuvre, chaque confrère doit envoyer chaque mois (ou au moins tous
les trois mois) au centre de l'Œuvre, son bulletin d'Adoration. " Le
Libellus ad ovation is, nous disait un jour un vénérable évôtiuo. c'est la vie
de l'Œuvre," c'est le mouvement, le signe de vie; régulièrement il rap-
pelle aux confrères leurs obligations et les force, pour ainsi parler, à y
être toujoui"s fidèles. Petit en apparence, ce moyen donne à l'Associa-
tion une vigueur extraordinaire, et lui assure une supériorité incontes-
table sur ces associations dont les membres, il est vrai, se com|)tent ])ar
milliers, mais dont la plupart ne savent plus eux-mêmes s'ils en ont
jamais fait partie. Quant à ces billets d'adoration, déposés aux pieds
du Très Saint-Sacrement exposé jour et nuit, ils constituent un liom-
mage permanent d'adoration de la part des associés.
Ajoutons que la vitalité de l'Œuvre est encore assurée par les Annales
des Prêtres-Adorateurs, revue mensuelle qui se publie en dix langues
différentes, trois éditions françaises et deux éditions espagnoles.
Mais ce qui suffirait seul à démontrer l'opportunité et la vitalité de
l'Association, c'est assurément son continuel et son prodigieux accrois-
sement.
A l'heure actuelle, elle atteint le chiffre de i)T,000 membres répandus
dans toutes les parties du monde et appartenant à tous les degrés de la
hiérarchie ecclésiastique; parmi eux une douzaine de canlinaux et en-
viron 250 archevêques et évêques.
En comparant les statistiques qui relatent les nouvelles inscriptions,
on a la joie de constater, depuis plusieurs années, un progrès d'au nuiins
un millier chaque année sur l'année ])ré(Mlente. ("est ainsi ([u'cn 1Î)0!),
il y avait eu G,000 inscriptions: en 1910, elles atteignaient le ebiffre de
7,000. Suivant une expression chère au Vénérable Père Eymard, c'est
le réseau de feu eucharistique qui s'étend de plus eu plus [x.ur enlacer
la terre tout entière.
Ce développement progressif de r(Kuvre a toujours reçu les plus
hautes ap|)r()l»ati<)ns. Le Saint-Siège a accordé aux associés de nom-
breux et précieux privilèges, dont quel(|ues-uns sont de nature à faciliter
l'exercice de leur ministère. Plus de ;r^0 arcbevê;|ues et évêques ont
approuvé l'Œuvre, soit par un docunuml ofliciel, soit en . b..i~i^-niii ou
en approuvant un directeur diocésain.
Si l'étendue de ce travail le permettait, il serait intéressant d'étuilior
l'influence (|ue l'Association a exercée sur le nKuivement eucharistique de
notre époijue. La correspondance nous fournirait sur ee point ample
matière à élification et nous ferait toucher du doigt les ré-;ultat~ ..liteniis,
— 702 —
tant pour la sanctification personnelle du prêtre que pour le succès de
son ministère auprès des âmes.
Q'UÏl me soit du moins permis de dire un mot, comme il convient, de
la vitalité et des résultats de l'Œuvre au Canada.
Serait-il téméraire d'avancer qu'à elle, du moins en grande partie, re-
vient l'honneur d'avoir préparé le terrain à la magnifique effiorescence
de piété eucharistique, que vient couronner si magnifiquement notre
XXle Congrès Eucharistique International de Montréal?
Implantée au Canada vers Tannée 1890, l'Association fit de rapides
progrès, grâce au zèle éclairé et inlassable du Eévérend Père Beaudry,
ancien supérieur du Collège de Joliette, qui en fut le premier directeur
et le grand zélateur. Depuis lors, l'Œuvre a enrôlé au Canada environ
3,500 membres. A l'heure actuelle elle compte 2,450 membres vivants.
Nous aimons à constater que, grâce au zèle éclairé des Directeurs de nos
Séminaires, le jeune clergé s'enrôle dans l'Association des Prêtres-Ado-
rateurs dès le Sous-Diaconat.
Quelle somme de prières et de sacrifices représentent les 12,250 heures
d'adoration, olïertes chaque mois à Jésus-Christ, par les Prêtres-Adora-
teurs du Canada ! Mais aussi, quelle somme de bénédictions descend en
retour du Cœur Eucharistique de Jésus sur la tribu sacerdotale et sur le
pays tout entier !
Si, comme en toute œuvre humaine, nous devons constater que plu-
sieurs laissent de côté leurs engagements, que de généreux retours nous
avons à enregistrer après de fraternels avertissements, que de confrères
plus zélés font, par compensation, jusqu'à dix, quinze et même vingt
heures d'adoration chaque mois ! La correspondance de l'Œuvre nous
révèle d'admirables exemples de piété eucharistique et nous édifie par
des paroles pleines de foi et d'amour envers Jésus-Hostie. C'est un
évêque qui nous écrivait naguère : " Je considère mes heures d'adoration
comme les plus fécondes de ma vie sacerdotale." — " Il y a longtemps
que je suis persuadé que la prière aux pieds de Jésus-Hostie est un sûr
garant de succès dans les missions," nous écrit un missionnaire du
Nord-Ouest. " Depuis mon inscription, nous écrit un autre, je puis me
rendre le témoignage de n'avoir jamais manqué mon heure de garde. J'y
attache une grande importance, je me relève plus fort, plus courageux
pour remplir les devoirs de ma charge. C'est l'heure la meilleure de
toute ma semaine."
De la seule correspondance des confrères, on pourrait sans crainte
conclure que l'Heure d'adoration pratiquée fidèlement apporte toujours
aux prêtres un renouveau de vie surnaturelle, en même temps qu'un
zèle brûlant pour sanctifier les âmes par l'Eucharistie.
C'est ainsi que grâce à leur initiative, s'est propagée rapidement, de-
puis quelques années surtout, la pratique de l'Heure mensuelle, et même
de l'Heure hebdomadaire avec les paroissiens. Je pourrais citer ici tel
confrère, curé d'une j)aroisse rurale, qui a enregistré en une année
lG,o49 heures d'adoration ; tel autre, d'une paroisse de ville, qui a enre-
gistré dans les cinq premiers mois de l'année du Congrès 21,308 heures
d'adoration offertes à Jésus-Hostie par ses paroissiens. Pour rendre cette
œuvre plus prospère et plus durable, bon nombre de confrères ont fait
— 703 —
ériger canoniquement en leur paroisse la Confrérie du Très Saint-Sacre-
ment et Font affiliée à l'Archiconfrérie Eomaine, dont le centre général
est établi en Téglise des Pères du Très Saint-Sacrement, à Eome.
Actuellement, cette Œuvre a été établie en 130 paroisses, où elle est des
plus prospères.
C'est encore à l'initiative des Prêtres- Adorateurs, que les Eetraites
pastorales se clôturent presque partout par une nuit entière ou au moins
par une heure solennelle et publique d'adoration, à laquelle prennent
part tous les retraitants. Dans bon nombre de diocèses, notamment en
France, aux Etat- Unis, à London (au Canada), les associés ont, durant
la Retraite pastorale une conférence spéciale sur l'Œuvre, donnée par le
prédicateur ou par le directeur diocésain.
Je n'ai pas eu la prétention de tout dire en relevant ces notes, mais ce
que j'en ai dit, suffit, je crois, cà vous montrer l'Association des Prêtres-
Adorateurs, pleine de vitalité, féconde en résultats de sanctification pour
ses nombreux associés, et, à ce titre, digne de tenir une place d'honneur
dans l'estime des prêtres vraiment soucieux de leur propre sanctification.
II, — La Ligue Sacerdotale Eucharistique
Je vous ai promis de dire un mot de la Ligue Sacerdotale de la Com-
munion. Elle a sa place tout indiquée à côté de l'Association des
Prêtres- Adorateurs.
Déjà le Vénérable Père Eymard, précisant l'esprit dont les Prêtres-
Adorateurs doivent être animés, leur indi(juait l'apostolat de la commu-
nion fréquente comme but à poursuivre. " Ils s'engageront, leur disait-
il, à répandre par tous les moyens possibles l'usage de la visite au Très
Saint-Sacrement et de la Communion fréquente."
Ce vœu du Vénérable Père Eymard, ^•ient de trouver sa réalisation défi-
nitive, et comme sa consécration officielle, dans le choix que Sa Sainteté
Pie X a fait de l'Association des Prêtres-Adorateurs et de son organe
"les Annales" de l'Œuvre comme moyen de propager la doclriiic cl la
pratique du Décret de 1905.
Est-il besoin de faire observer que ce choix du Souverain Pontife cons-
titue la plus haute marque d'estime et de confiance, on même temps (|ue
le plus bel éloge de l'Association. C'est assez dire que tout bon adora-
teur de l'Eucharistie doit en être par le fait même l'apôtre zélé et
infatigable. Dans l'habitude de l'adoration, dans un contact plus intime
et plus nssidu avec le Cœur adorable de Jésus, il compreiul mieux l'ar-
dent désir qu'a le Divin Maître de s'unir et de se donner aux âmes. Le
seconder de tout son pouvoir devient pour lui comme un besoin du cœur.
Au Congrès de Metz, on a exposé les raisons qui démont n-nt roj)por-
tunité de la Ligue. Je ne fais que les indi<iuor en passant.
Le Souverain Pontife n'entendait pas que le Décret " Sacra Trideniina
Synodiis" restât lettre morte. 11 n'ignorait pas contre (jucls préjugés
allait se heurter la (liscij)lin(' (|u"il rappelait, et (|ue des ctTorts isolés
auraient difficilement raison d'iiabitude.-^ sw-ulairi'S. Il cun(,-ut donc le
dessein de grouper tous les prêtres zélés dans une Ligue, dont tous le^
— 704 —
membres feraient du décret "Sacra Tridentina Sijiiodiis" leur mot
d'ordre et leur règle de conduite dans leur ministère auprès des âmes.
Tous les prêtres, fidèles à la voix de leur chef, comprendront la haute
convenance qui doit les engager à s'enrôler sous la bannière de la Ligue
et à en remplir avec zèle les obligations. N'y a-t-il pas là pour eux la
plus belle occasion de témoigner de leur parfaite adliésion à l'ensei-
gnement intégral de l'Eglise et du Vicaire de Jésus-Clirist sur la Com-
munion fréquente et quotidienne?
Les privilèges si extraordinaires accordés aux membres de la Ligue
sont pour le prêtre une autre raison de s'y enrôler. Les principaux sont:
l'autel privilégié personnel trois fois la semaine, Tindulgence plénière
hebdomadaire que l'associé peut communiquer à ceux de ses pénitents
qui ont l'habitude de la communion quotidienne ou quasi-quotidienne;
une indulgence de 300 jours pour toute œuvre faite en vue de favoriser
la communion fréquente.
Le Saint-Père a daigné lui-même se faire inscrire parmi les membres
de la Ligue, en même temps qu'il transmettait à tous ceux-ci la béné-
diction apostolique. Et comme un précieux encouragement pour ceux
qui font des Statuts de la Ligue la règle de leur ministère auprès des
âmes, s'adressant au Directeur Général, le Saint-Père lui dit : " Oui, oui,
dites que le Pape a donné son nom de grand cœur! "
Quant à l'esprit dont les membres de la Ligue doivent être animés et
aux movens qu'ils doivent emplover, ils sont précisés dans les Statuts
de l'Œuvre.
L'associé doit d'abord mettre en tête de ses devoirs, l'étude assidue et
approfondie des récents documents du Saint-Siège sur la communion
fréquente et quotidienne. Xous devrons en convenir avec le P. Lin-
telo, '' les prêtres qui ont suivi les cours de théologie à l'époque où les
controverses sur la communion n'avaient pas été tranchées, ont presque
tous été imbus d'idées fausses." Il s'agit donc pour nous de répudier
non seulement dans la théorie mais encore dans la pratique, les idées et
les préjugés anciens. Voilà déjà près de cinq ans qu'a paru le décret sur
la communion, corroboré par plusieurs documents subséquents qui le
précisent et le complètent, et néanmoins ici et là l'on rencontre encore
des usages qui y sont formellement réprouvés, des hésitations qui n'ont
plus aucune raison d'être après les déclarations formelles et obligatoires
du Vicaire de Jésus-Christ.
Se souvenant f|u'il doit refaire l'éducation du peuple au sujet de la
communion, le membre de la Ligue ne se laissera pas arrêter par les dif-
ficultés. I^es obstacles à vaincre n'ont rien (]ui doivent étonner ou re-
froidir le zèle d'un véritahle apôtre. Il dirigera sur ce point tous ses
efforts, il sera l'homme d'une idée. Il y reviendra sans cesse, à temps
et à contre-temps, avec méthode et persévérance, sans timidité ni réti-
cences, en chaire et au confessionnal, en conversation, par la parole et
par la plume. Comme un bon soldat il exécutera ponctnellemont et à
la lettre l'ordre de son chef. Tout en tenant compte des circonstances
de milieu et de personne, il proposera sans ambage l'idéal à poursuivre.
La prière jointe à une action ferme et résolue, finira par triompher de
tous les obstacles.
— ;o5 —
Ce serait ici le lieu de si<?naler les diverses méthodes ou industries
employées par les confrères, eonnne moyen d'apostolat. Les limites de
ce rapport ne -ne permettent qu'une sèche énumération; la voici, du
moins, telle que je l'ai extraite de la correspondance de rdùivre:
1. Pendant un certain temps, soit pendant les instructions faites à la
Messe le dimanche, soit dans ses entretiens aux diverses Conjrrégations
ou Associations paroissiales, traiter d'une manière nette et exj)licite de
la communion fré|uente et quotidienne, suivant la doctrine du décret.
Avoir soin de corroborer son enseitrnement en (listrii)uant des brochures,
tracts ou fenillets eucharistiques.
2. Etablir certaines œuvres eucharistiques: Archiconfréries du Très
Saint-Sac-emenl, Li(,n,e de la Sainte Messe, Apostolat de la l'rière.
3. Action individuelle au confessionnal, spécialement sur les per-
sonnes (|Ui assistent déjà à la messe sur semaine, sur celles (|ui sont à la
tête des œuvres; provoquer des neuvaines de communions aux jours anni-
versaires, aux fêtes de famille, etc. Recruter dans les diverses associa-
tions une élite qui par son exemjjlc (loiniera le branle à la masse.
4. Profiter des retraites annuelles d'hommes, de dames et jeunes filles,
pour propeser la communion fréquente comme moyen de persévérance.
5. Multiplier les fêtes et les cérémonies eucharistiques: adoration so-
lennelle, triduum eucharisti(|Ue, etc., à l'effet de prov(M|Ui'r des commu-
nions plus nombreuses. I/expérience en démontre l'efficacité même
dans les milieux les plus réfractaires.
(). Apostolat spécial auprès des enfants de la première communion.
Les habituer à se confesser tous les (|uinze jours ou au moins tous les
mois, c'est les former d'avance à la praticpie de la communion fré(|uente.
7. Enfin, et c'est là le point important, faire tout son j)ossible ])Our
être à la disposition des pénitents au moment (|ui leur est le plus favo-
rable. .\vant lont^temps le confesseur se verra amplement dédommacré
des saciilices nécessaires surtout nu début. Car une communion ])lus
fréquente rendra les confessions beaucoup plus faciles, plus courtes et
même plus facilement retardées, s'il en est besoin.
Tels sont quel(|ues-uns des moyens employés par les confrères, et c|ui
sont de m'ture à faire naître et à i'.ccentuer le mouvenu'nt des Ames vers
la S'iinte 'l'able. Les Annales de la Lij.Mie mettent les associés au courant
de ces diverses industries, des résultats obtenus, en même temps (|u'elles
leur fournissent des matériaux ou sujets d'in.>;truction (•ucharisti((U('.
Les nombreux élo<res et encoura<:ements des confrères démontrent (piels
secours précieux tout prêtre i)eut y trouver ])our l'exeivice de son mi-
nistère.
Si nous examinons maintenant l'état actuel de la Liuue, nous sommes
heureux de constater (|ue depuis son érection en juillet 1!HM). elle s'est
dévelopi)ée très ra|)idemeut. Elle eoiu])te acinellement l<i.ii(i(» membres
environ, tant du clero^é réirulier que séculier. L'.Vssociation des l'rêtres-
Adorateurs, comme il convenait, du reste, lui a fourni le plus lar^e
continssent. Dans jilusieur«: diocèses même, tous ses membres se sont
fait inscrire en bloc; nous sommes heureux de si^rnah'r que tel a été le
cas dans trois diocèses du Canada. Xe serait-il pas h souhaiter (|u'il en
soit de même partout? Le centre de Montréal a enrejristré jusqu'ici
23
— 706 —
plus de ITOO adhésions. C'est déjà, il est vrai, un magnifique résultat,
mais ne sommes-nous pas en droit de nous demander pourquoi tous les
Prêtres-Adorateurs du Canada n'ont pas répondu aux appels réitérés que
nous leur avons adressés par la voix des Annales ? Serait-ce insouciance
chez quelques-uns ? chez d'autres, nous avons été à même de le constater,
il y a confusion. Ils croient être membres de la Ligue par le fait même
qu'il sont Prêtres-Adorateurs. Nous devons donc faire remarquer ici
que la Ligue Sacerdotale de la Communion, en raison de son but spécial,
de ses privilèges particuliers, demande une inscription spéciale. De
plus, combien de prêtres qui ne peuvent pas ou ne veulent pas s'enrôler
dans l'Œuvre des Prêtres-Adorateurs, pourraient cependant appartenir
à la Ligue de la Communion ! Il n'est aucune situation qui ne puisse
se concilier avec les obligations de la Ligue, et les raisons les plus pres-
santes doivent engager tout bon prêtre à s'y enrôler. Celle-ci, nous
l'avons vu, n'impose à ses membres aucune obligation particulière à la-
quelle le prêtre ne soit déjà tenu par ailleurs. Elle a, en effet, pour
but d'imprimer une direction nouvelle à son zèle, en faisant de lui un
apôtre, un propagateur infatigable de la communion fréquente. Tout
prêtre, disposé à concourir à cet anostolat, soit par la parole ou par la
plume, soit par la prière n'a qu'à donner son nom pour participer à ses
privilèges.
Vœnx :
_ (1) Qu'à l'occasion du Congrès Eucharistique, les membres de l'Asso-
ciation des Prêtres-Adorateurs se renouvellent dans l'esprit de l'adora-
tion eucharistique, et que ceux qui ne font point encore partie de cette
Association lui donnent leur nom.
(2) Que les prêtres qui ne peuvent pas appartenir à l'Association des
Prêtres-Adorateurs, se fussent du moins inscrire dans la Ligue de la
Communion et deviennent des apôtres zélés de la communion fréquente.
(3) Est proposé que la Section Sacerdotale du Congrès de Montréal
ratifie le vœu, déjà formulé hier en séance générale, que l'Eglise mette
bientôt sur les autels le Vénérable Père Eyniard, le fondateur de l'Asso-
ciation des Prêtres-Adorateurs et l'apôtre des œuvres euchasitiques au
XIXe siècle.
*
* *
Après que le R. P. Lault a terminé son rapport, M. l'abbé
Bouquerel, secrétaire général du comité permanent, dit quel-
ques mots sur une autre œuvre sacerdotale: UUinon Aposto-
lique
Il en expose l'objet, le fonctionnement, et il fait ressortir
quelle étroite affinité elle a avec les œuvres eucharistiques.
Puis la parole est donnée à M. le Chanoine Gampeav, d'Ot-
tawa, qui doit exposer les avantages et l'opportunité d'une
pratique (pii se répand de plus en plus dans les paroisses du
— ?0T —
Canada, jçrâce au -zèle des prêtres-adorateurs; nous voulons
dire, Vheurc (Vadoration hebdomadaire faite par le prêtre avec
les fidèles.
L'HEURE D'ADORATION HEBDOMADAIRE
faite par les prêtres avec les fidèles
Entre autres glorieux services rendus à la cause de Dieu et de sa
sainte Eglise par la Congrégation du Très Saint-Sacrement, il importe
de signaler le biçn immense fait au clergé, et, par contre-coup, aux fi-
dèles, par l'Association des Prêtres-Adorateurs et Tlieure iradoration
hebdomadaire qui en est la pratique principale. Aussi, personne ne
s'étonnera ((ue le premier Congrès eucharistique tenu sur cette nouvelle
Terre de Marie, où l'on compte de si nombreux Prêtres-Adorateurs, ait
mis à l'ordre du jour, de ses séances sacerdotales ce sujet si important :
les avantages de l'heure d'adoration faite avec les fidèles.
Intéresser les fidèles à son heure hebdomadaire d'adoration, est une
pensée qui devait tout naturellement venir au Prêtre-Adorateur,
Le sacerdoce et les âmes, au profit desquelles il a été institué, sont, en
effet, deux termes si intimement liés, que le prêtre, d'une part, trouve
sa propre sanctification dans les actes mêmes par lesquels il sanctifie
les fidèles ; et que, d'autre part, plus le prêtre s'unit par la i)i-ière et
l'adoration à l'Hostie dont il est le dispensateur et le gardien, plus il
exerce sur les âmes une action sanctificatrice. Il suit donc la pente
naturelle du sacerdoce, le prêtre qui, ayant découvert, dans l'habitude
régulière de l'adoration, une source de ferveur et un acoroissenient de
vie spirituelle, s'empresse d'en faire part au peuple chrétien et l'invite
à y venir puiser lui-même.
Aussi les résultats réciproques ne se font pas attendre. Parlons d'a-
bord rapidement des avantages que le prêtre en retire pour lui-même,
puis dans une seconde partie, nous exposerons les différentes méthodes
employées pour unir les fidèles au prêtre pendant cette adoration ; enfin
la troisième partie nous dira les avantages qui en résultent pour les
fidèles.
1ère PARTIE
Avantages pour le prêtre.
1° La fidélité. Convoquer le peuple chrétien à un exercice, c'est
prendre l'engagement de s'y trouver soi-même. Si cette convocation se
répète chaque semaine, elle se transforme en habitude ; elle devient une
force morale qui triomphe, l)on gré mal gré, des résistances de la nature
" Exinde nios increhuit et consuetudo servata est" (Judic. XI, 39).
Alors que précédemment un prétexte futile, un peu de fatigue, une
visite inopinée faisait retarder et mettait en péril l'heure d'adoration.
on a maintenant une réponse toute prête pour écarter les obstacles non
indispensables, ou faire attendre les visiteurs importuns: Excusez-moi.
j'ai un office public à présider.
— 7(38 —
Si le visiteur est un confrère, il se trouve par le fait même, sans plus
d'invitation, engagé à prendre part à rexercice. C'est un stimulant
pour lui aussi. C'est peut-être une révélation.... '" Quod cum vidis-
sem, posai in corde meo, et exeniplo didici disciplina m.'' (Prov. XXIV,
32).
2° Meilleures dispositions pour prier. Ante orationem praepara ani-
mam tuam, a dit rÊsprit-Saint. (Eccli. XVIII, 23.) Cette préparation,
surcroît de travail et de temps qui s'ajoute à l'oraison, est toujours pé-
nible à la nature, et les raisons pour s'en dispenser ne manquent pas
quaiul on fait seul son oraison. Mais quand on sait que l'on devra
parler en public, on y songe au moins quelques instants, ne fut-ce que
pour chercher un sujet de lecture pieuse.
Or, le fruit de l'oraison est en général proportionné à la préparation
qui l'a précédée. Il y a donc tout lieu d'espérer que cette préparation,
quoique faite en vue de la parole publique, apportera son contingent
de grâces à l'adoration.
3° Ferveur plus grande. C'est la conséquence de la promesse for-
melle faite par Xotre-Seigneur, de se trouver au milieu de ceux qui sont
réunis en son nom. Seul, le prêtre serait tout aussi proche de la Sainte
Eucharistie et Jésus lui serait substantiellement tout aussi présent. Mais
nous savons tous que la promesse de Jésus-Christ désigne une assistance
plus efficace et une impétration plus abondante.
En outre, l'efîort intellectuel du prêtre, pour communiquer au peuple
sa propre pensée ou celle de l'auteur qu'il lit, stimule toutes les facultés
de son âme et lui fait oublier la fatigue corporelle: tandis que son zèle
sacerdotal pour les âmes lui fait chercher et trouver les expressions ou
l'intonation qui insinuera dans les cœurs l'amour de Jésus-Christ, le
repentir des fautes, les précieuses résolutions. Son oraison se trouve
ainsi continuellement accompagnée et stimulée par des actes extérieurs
de charité pratique : il donne sans cesse à son peuple ; il devra donc, sui-
vant une autre promesse non moins formelle de Jésus, recevoir à son
tour. "Date et dahitur rohis."
4° Plus de gloire rendue à Dieu. Nous savons tous, en effet, qu'en
unissant le culte extérieur au culte inférieur, nous rendons à Dieu un
hommage plus complet. Dieu, qui a promis de récompenser un verre
d'ea;i donné en son nom, ne sera certes pas indifférent à cet accroisse-
ment de zèle.
Ile PARTIE
Méthodes pratiques.
"Un jour que Jésus était en prière en un certain lieu, lorsqu'il eût
achevé, un de ses disciples lui dit : Seigneur, apprenez-nous à prier,
comme Jean l'a appris h ses discif)les." (Luc XI. 1).
Lorsque le peuple chrétien voit le prêtre passer une heure à genoux,
dans une fervente prière, devant le tnbernacle, et se relever plus fort,
plus dévoué, T)3rlant avec plus d'abondance et de conviction de l'amour
de .Jésus pou:- le-j houunes, il éprouve le désir de lui dire comme les dis-
ciples au Sauveur: Maître, apprenez-nous à prier, n nous aussi.
— ro9 —
Il existe, en effet, très souvent, chez de simples chrétiens, même peu
instruits, chez ceux du moins qui n'ont pas beaucoup abusé de la grâce,
un attrait instinctif pour la prière. Xe sachant pas que ce désir est
déjà une prière, et qu'ils n'auraient qu'à laisser parler leur cœur pour
faire une excellente adoration, une oraison très sanctifiante, ils se plai-
gnent de ne savoir pas prier, et, s'en jugeant incapables eux-mêmes, ils
enWent le sort de ceux (]ui savent, disent-ils, '"quoi dire au bon Dieu,'
et particulièrement du prêtre (|ui, à leurs yeux, est et doit être l'homme
de la prière. Si nous pouvions, pensent-ils, lire dans l'âme de notre
prêtre alors qu'il est absorbé dans l'adoration du Très Saint-Sacrement
et nous associer à sa prière, comme nous aimerions Dieu. (|uelle consnla-
tion nous y trouverions et quelle ardeur pour le servir.
Or, le prêtre faisant l'adoration à haute voix avec les fidèles, dit tout
haut et au nom de tous, ce qu'il aurait dit tout bas en adorant seul.
Comme Jésus, après avoir donné l'exemple de la prière, il enseigne com-
ment prier. " Coepit Jésus farere et docere." (Act. I, I) H a])j)rend
à ceux que Dieu lui confie la manière de mettre en œuvre la merveil-
leuse aptitude que le Saint-Esprit a déposé dans toute âme, très abon-
damment dans quelques unes, pour adorer, remercier, implorer le Dieu
infiniment bon.
Donc, d'unç part, les fidèles éprouvent un besoin immense de prière ,
ils possèdent l'outil merveilleux de la prière, c'est-à-dire un cœur dans
lequel le Saint-Esprit ne demande (pi à pousser les gémissements iné-
narrables qui constituent l'oraison : mais ils ignorent le maniement de
cet outil. D'autre i)art. le prêtre est l'homme tout désigné et choisi par
Dieu pour leur apprendre, non seulement la théorie, mais surtout l'exer-
cice de l'arme admiral)le qui vise et frappe le canir même de Dieu. Et
voilà (|ue l'habitude de l'adoration en public se répandant de plus en
plus, vient tout providentiellement lui offrir l'occasion d'ouvrir iiitp rroh
de prière, et d'exercer les soldats du Clirist sur un clunti/j de nianoeiirrp>t
des plus propices.
J'ai dit le mot et je le répète afin de bien faire comj)rendre ma pensée
sur Tutilité et le mode pratique de l'adoration publique: elle est pour les
fidèles une école de prière, ou encore )//( clianiji de manoeuires sur le(|uel
ils s'exercent à l'amour divin, et apprennent à diriger et à mouvoir leurs
facultés avec ordre et profit vers Dieu. Ecole et champ de manoeuvres,
voilà notre idée directrice dans ce travail, et à la lumière que répand
cette conception de l'adoration publique, cherchons les moyens pratiipies
d'atteindre le but proposé.
Disons de suite qu'il n'y a à ce sujet aucune règle prescrite, sinon
d'observer les rubn(|ues conceraant l'exposition du Très Saint-Sacre-
ment. Que cha(|ue prêtre donc choisisse l'heure et déteniiine rem|>loi
du temps selon ses goûts, ses moyens et la connaissance (pril a des be-
soins de son peuple. Xotre but est seulement d'offrir des suggestions
(|ue plusieurs trouveront peut-être utiles. Nous citerons donc (pielques-
unes des méthodes en usage et nous les comparerons à la notion d'école
pratiipie que nous nous sommes formée de l'adoration publique.
L'heure varie évidemment selon les habitudes d»s localités. Si I ado-
ration se fait sur semaine, ou choisit, soit l'heure de la sortie des écoles,
et l'on a la génie ('(olière: 1 elle •icca-ion pour préparer de futurs adora-
— TIO —
teurs " eu esprit et en vérité " ; soit l'heure où le repas du soir est fini,
afin d'avoir toute la population à qui Jésus a dit : " Venez à moi vous
tous qui travaillez et portez le poids du jour, et je vous soulagerai."'
Dans les campagues on trouve souvent plus avantageux de faire l'heure
d'adoration le dimanche.
Une précaution très importante est de l'annoncer: d'avoir, autant que
possible, un jour et une heure fixes, de commencer à la minute précise
et de ne pas dépasser les soixante minutes. Les irrégularités décou-
ragent toujours les plus vaillants. " Pro liàc orabit... omnis sanctus,
in tempore opportuno." (Ps. XXXI, 6).
Si r"heure varie d'une paroisse à une autre, la méthode est encore plus
variable.
Quelques prêtres se contentent d'ouvrir le tabernacle à l'heure annon-
cée et de prier en silence, les assistants employant le temps comme ils
peuvent ; ils terminent par la bénédiction avec le Ciboire, après le chant
ou la récitation du Tantum. C'est simple et ça peut suffire dans un
milieu très pieux où se trouvent des âmes déjà engagées dans la voie de
l'adoration. Mais c'est insuffisant pour attirer la masse des fidèles et
c'est à cela qu'il faut viser, croyons-nous. " Misereor super turbam."
Un progrès consiste à réciter quelques prières vocales, le chapelet ou
autres; ou à faire quelques lectures pieuses se rapportant, du plus près
possible, au Très Saint-Sacrement. Si ces lectures sont bien choisies et
renferment pour une bonne part, ce que les théologiens appellent les
affections, c'est déjà une école de prière pratique.
Le plus grand nombre des prêtres faisant l'adoration publique, et ils
forment environ le tiers des Prêtres-Adorateurs, divisent l'heure en
quatre quarts-d'heure sur chacun desquels ils prélèvent sept à huit mi-
nutes pour une lecture ou quelques mots de prédication, le reste du
quart-d'heure étant employé au chant ou à la prière vocale. On voit de
suite combien cette variété évite la fatigue, soutient l'attention et en-
courage à la persévérance. Combien surtout elle est instructive, lorsque
la prédication est bien " au point."
Ce qui importe, en effet, avant tout, est de rendre ces adorations
vivantes. Or, rien n'est vivant comme la parole, la parole prêchée. C'est
comme quelque chose de la vie du prêtre qui circule dans l'âme des fi-
dèles; mieux que cela, c'est la vie du Christ qui, sous le véhicule de la
parole sacerdotale, va vivifier les esprits et les cœurs. " Qui vos audit,
me audit." (Luc. X, 16).
La lecture, quel que soit l'auteur choisi, procure rarement le même
intérêt, la même vie, le même relief que la parole prêchée. Il semblerait
que c'est ce prêtre qui est là devant le peuple, et non pas un autre, qui
est capable d'établir le courant électrique qui mettra les âmes en commu-
nication avec lui, et par lui avec Jésus-Christ. " Fides ex auditu." (Rom.
X, 17).
Le moyen de rendre la lecture vivante serait de l'avoir lue d'avance
et de la prononcer comme si on la prêchait ; de sorte que le fidèle qui
ne verrait pas le livre, pourrait supposer que le prêtre parle de lui-même.
Si, à cette lecture qu'il a choisie et parcourue d'avance et qu'il s'est
assimilée au point de l'animer de sa propre vie, le prêtre ajoute quelques
acclamations jaillissant spontanément de son cœur et des idées déve-
— rii —
loppées, il obtiendra, avec le minimum d'efforts, l'effet d'une éloquente
prédication.
Les acclamations que le peuple répète, voilà le véritable exercice pra-
tique ];our les fidèles. C'est alors que l'adoration devient un vrai champ
de manœuvres où, ?ous le commandement du chef, les soldats du Christ
exécutent les divers mouvements d'adoration, de louange, de contrition,
d'amour, de c onfîance, etc . . . .
Ce n'est plus ici la récitation monotone d'une formule connue depuis
longtemps, c'est une idée nouvelle que tout à l'heure ils ne connaissaient
pas et qui maintenant frappe lumineusement leur esprit, met du feu
dans leur cœur et soulève leur enthousiasme. Il en retiendra le sou-
venir, ce chrétien qui, demain, sera courbé sous son rude labeur, ou que
les épreuves de la vie vont ressaisir. Il se souviendra du soulagement,
de la jcie qu'il éprouvait en criant la veille, avec une foule d'âmes
pieuses: "Vous savez, Seigneur, que je vous aime." — "Seigneur, si
vous voulez, vous pouvez me guérir." — '' Seigneur, sauvez-nous, nous
périssons." Quand il reviendra seul à l'Eglise visiter Celui que dès
lOrs il connaît, et à l'amour de qui il croit, (Joan. IV, 16), il Baura lui
dire avec foi : " Mon Seigneur et mon Dieu." — '* Je crois, mon Créa-
teur et mon Sauveur, que vous êtes réellement présent dans la sainte
Hostie. Il regardera le tabernacle avec des yeux émus, car il saura
mainlenant tirer de son cœur un parole d'amour.
L'esprit d'oraison qui sommeillait en lui s'est éveillé aux vibrations de
la parole sacerdotale. Ce chrétien a conscience de quelque chose de
nouveau en lui; son horizon s'est élargi. Il a pris comme un rapide
contact avec des réalités qu'il soupçonnait à peine derrière le monde ma-
tériel ; et ce contact, si passager <]u'il fût, a laissé en lui comme une nou-
velle vie, ou plutôt, comme quelque chose qui vit en lui, qui vit et qui
aime, qui aime et qui chante. De temps à autre, il écoute ce chant, au
travail ou à l'église, seul ou au milieu de sa famille. Dès lors, il n'en-
tiera plus dans son Eglise comme un tenancier qui a payé de ses deniers
j'Cur la construction de l'édifice et qui dit: Je suis chez moi, ici; mais
comme l'enfant qui entre chez son père ; comme l'ami qui va visiter le
vieil ami d'enfance, bon, généreux, à qui l'on peut tout dire et qui a
remède à tout.
]\rais, j'anticipe sur mon dernier sous-titre: les avantages pour les
fidèles. Avant de les énumérer. j'aurais un mot encore à dire de ces
acclamations si utiles pour éveiller l'attention, la foi, la confiance et
l'amour dans les âmes-chrétiennes; puis du choix des sujets d'adoration.
Les acclamations sont en pleine harmonie avec l'esprit de l'Kglise.
Je dirai même que c'est la forme générale de la prière antique. Les fi-
dèles prenaient autrefois une part très active à certaines partie? du saint
sacrifice. La foi des premiers âges ayant fait place à une indifTérencc
presque générale, on dut se borner an rôle des servants et des chantres
pour représenter la masse du peuple chrétien. Le Kyrie eleison, le Glnrin
in excelsis, les Litanies di'> saints, et d'antres prières liturgique? nous
sont restées comme tvpes de ces acclamations dites alternativement par
le prêtre et par les assistants.
Essavez, par exemple à une adoration, de faire répéter à haute voix
par le peuple plusieurs exclamations du Cloria: Tu soins Deiis, Tu sohut
— 712 —
Doifiiiiiia idoramiis te; benedicinins te.... Gnilias aginius tibi
propter iiuKjiunii gtoriam; et vous aurez une idé? de ce que devait être
une assistance à la sainte messe dans les temps héroïques de TEglise.
L'usage de ces acclamations s'est conservé dans les circonstances so-
lennelles comme la clôture d'un concile ou d'un synode. De nos jours
Léon Xlll en a prescrit pour être dites, les unes après la sainte messe,
Salve Kegina; les autres ajjrès le salut du Très Saint-Sacrement. Les
missionnaires emploient souvent, pendant les retraites de paroisse, ces
cris du cœur que répète la foule émue.
Les sources où nous devons puiser ces acclamations sont tout indi-
quées : d'abord la sainte Ecriture qui peut nous en fournir par centaines,
particulièrement le nouveau testament et les psaumes. Puis la liturgie,
])aroles de la messe ou de Tofiice, le Te Deum, les litanies du Saint xCom
de Jésus, les litanies du Sacré-Cœur, etc.
Elles doivent être courtes et claires et prononcées lentement, d'un ton
de voix particulier, qui est le signal pour les fidèles de répéter ce que le
prêtre vient de dire.
Concernant le choix des lectures ou des sujets prêches, qu'il nous soit
permis d'ajouter qu'il est utile de les prendre, autant que faire se peut
dans le temps liturgique, ou du moins de les rattacher, par quelques
allusions à la fête du jour, ou au temps liturgique, Avent, Carême, Temps
pascal, octave de la Pentecôte, etc. La raison en est qu'il y a certaine-
ment des grâces spéciales à méditer les différents mystères de Jésus-
Christ, aux jours où ils nous sont proposés par l'Eglise. Ces' grâces se
manifesteront souvent ])ar une plus grande facilité de parole pour le
prêtre, par d'heureuses inspirations qu'un autre sujet ne lui aurait pas
fournies; mais à coup sûr l'instruction sera plus vivante et les fruits
plus abondants. " L'esprit souffle où il veut " mais incontestablement
il lui plaît de se faire sentir plus vivement dans les paroles qu'il a ins-
pirées et qu'il suggère à l'Eglise de chanter à tel jour. En se mettant
dans le courant liturgique, on est certainement sur le passage du souffle
divin.
Enfin, une dernière remarque, mais non la moindre. Qui a mieux
connu le Cceur de Jésus; qui a pénétré plus avant dans les mystères de
.sa vie mortelle; qui a savouré jdus suavement la divine Eucharistie, si-
non Marie, la Mère de Jésus ? C'est par ses mains d'ailleurs que passent
toutes les grâces de Dieu pour nous. {Pie X confirme sur ce point la
doctrine des Pères). Or, je fais appel ici à tous mes vénérés confrères
qui ont une tendre dévotion envers la Vierge-Prêtre, ISTotre-Dame du
Très Saint-Sacrement, et tous affirmeront qu'en faisant fréquemment
intervenir, dans nos dialogues avec Jésus-Christ, celle qui eut une part
si active à tous ses mystères, on y goûte une saveur nouvelle et incom-
])ara])le, et son intervention jette une lumière merveilleuse sur ses mêmes
mystères. Quoi d'étonnant, puis(|ue c'est par Elle que Jésus-Christ nous
est venu, et que c'est encore et toujours par Elle ((u'il grandit en nous
par la connaissance et par l'amour.
Xe craignons donc pas, soit dans les considérations, soit dans les affec-
tions, soit dans les acclamations, de faire intervenir Marie, de la faire
parler, de lui demander quelle pen.sée elle avait à tel moment, etc. Sou-
venons-nous qu'elle a vécu la vie de Jé.^us et qu'elle a toute-puissance
pour la reproduire exactement en nous.
O rr.
O ce
03 — •
— 713 —
liK' PAiri'IK
Avantages pour les fidèles.
La première conséquenco ])ratii|iU'. pour les fidèles, di' riuure d'ado-
ration ])ul)li(|ue laite comme nous venons de le dire, est de l'omier, dans
la paroisse, une élite de personnes qui sauront prier. Nous venons de
le prouver, et de là découlent d'autres conséquences des plus heureuses.
1° Des personnes, qni savent prier, sont incontestablement des per-
sonnes qui prennent goût à assister à la sainte messe. Il suffira de
leur imprimer un petit élan dans cette direction, et par (|uel(|ues expli-
cations données pendant Theure d'adoration, de leur apprendre à suivre
la sainte messe, pour avoir bientôt une plus nombreuse assistanie à la
messe en semaine, et un auditoire plus recueilli à la nu'sse de paroisse
le dimanche.
(^u'il nous soit permis d'insister sur cette suggestion : leur apprendre
à suivre la sainte messe, et de dire ici notre pensée. Quel(|ue resj)ec-
tal)les que soient bien des livres de dévotion, de prière ou de méditation,
aucun d'eux ne vaut, lorsqu'il s'agit de la sainte messe, le Pœroissien
Ronuiin, le missel des fidèle.*, qui leur permet de suivre le ])rêtre pas à
pas. Mais je ne veux pas m'écarter du programme qui m'est tracé, car,
sans doute, d'autres rapporteurs sont chargés de nous dire combien il
est important de réaccoutumer les fidèles à s'associer, non seulement de
cœur, mais aussi de î3aroles, à la sainte liturgie.
2° Ayant formé des personiu's qui prient et qui savent assister à la
sainte messe, on augmentera du coup le nombre des communions dans
la paroisse. On aura, en eflPet, singulièrement diminué l'un des plus
gros obstacles à la communion fréquente: l'ignorance ou l'indiUerence
à l'égard des cérémonies de la messe. Mais je touche encore là à un
point hors de mon cadre: les relations entre la fréquence des commu-
nions et l'intelligence des cérémonies de la messe.
3° C'est surtout au pied du tabernacle, dans le^ tête-à-tête avec Jésus-
Hostie que se fait entendre l'appel divin à une vie plus parfaite et que
se mûrissent les vocations. D'où il résulte que l'adoration faite avec
les fidèles sera, dans une paroisse, une source de vocations sacerdotales
ou religieuses. Plus (|uc jamais, à notre épo<|Ue, les vocatinns, suit pour
la contemplation silencieuse, soit pour l'activité des œuvres de charité,
prennent un caractère eucharistique.
C'est indubitablement par l'Hucharistie <|Ue le monde pourra être
réo-énéré et <|Ue '"foute chose sera restaurée dans le Christ." Là donc
oifse pratique d'une façon plus intense le culie eu(haristi(|ue, relcn-
fira plus fréquemment la voix du Maître a|q»clant des ouvriers à su
vigne, les uns pour continuer le sacenhuc, d'autres pour adorer dans le
siience du cloître, d'autres pour ensei-.'ner la jeunesse, d'autres enfin,
pour telle ou telle œuvre de charité: mais tous pour amener les âmes
à un contact plus fréquent avc<- .lé^us-Uosti»-. (jurUr gloire pour um-
paroisse (|ui donne au sanc tuaire ou au » l<»ître bon iiornbre l'e ses enfant^ !
r Enfin, bornons-nous à signaler un dernier avantage (pii résume
tous les autres. Avant des personnes qui savent prier et qui eoinmu-
— 714 —
nient souvent, on aura, pour toutes les œuvres paroissiales, une élite
d'âmes dévouées, même en présence d'épreuves et d'insuccès, et capables,
par leur persévérance, d'en assurer le succès. L'activité, l'intelligence,
l'habitude des affaires sont des qualités bien utiles dans toutes les entre-
prises; mais, si elles ne sont pas fécondées par la prière et l'usage fré-
quent de l'Eucharistie, elles produisent souvent plus de bruit que de
besogne. Beatus vir qui in lege (Domini) mediiatibur die ac
nocte umnia qimecitmque faciet prosperabuntur. (Ps. I).
Voeu :
Que le Congrès eucharistique de Montréal encourage les prêtres qui le
peuvent à donner leur nom à l'Association des Prêtres-Adorateurs et à
prendre ensuite la salutaire habitude de faire participer les âmes de
bonne volonté qui leur sont confiées à leur heure d'adoration hebdoma-
daire.
Le dernier travail inscrit au programme est celui que le
comité des travaux a confié à M. le Chanoine Lmnérand, du
diocèse de Cambrai (France). Il a pour objet le fonctionne-
ment paroissial de la confrérie du T. Saint-Sacrement.
L'ARCHICONFRERIE DU SAINT-SACREMENT
C'est avec reconnaissance que j'ai accepté de venir vous entretenir,
aujourd'hui, de l'Archiconfrérie du Très Saint-Sacrement, et demain
des Congrès Eucharistiques régionaux. Vous avez fait, en me deman-
dant ces deux travaux, un grand honneur au diocèse de Cambrai dont
je suis l'humble représentant.
Les œuvres eucharistiques sont vivantes chez nous; vous en verrez
bientôt les raisons. Nous avons, il est vrai, encore beaucoup à faire,
mais nous espérons, — les mêmes causes produisant les mêmes effets, —
arriver à un résultat meilleur. Il faut que Jésus règne par son divin
Cœur, c'est-à-dire par son amour, et comme c'est dans l'Eucharistie
qu'il nous témoigne plus ostensiblement cet amour infini, c'est l'Eucha-
ristie que nous voulons faire connaître, aimer et désirer par tous ou du
rpoins par les vrais chrétiens. Eien ne nous arrêtera pour produire et
accentuer ce mouvement fructueux pour la gloire de Dieu et le salut des
âmes.
Que le diocèse de Cambrai continue à tenir la tête de ce mouvement,
je pense pouvoir dire qu'il en prend les moyens. Nous n'en faisons pas
toutefois une question d'amour-propre ; aussi nos secrets, nous les divul-
guons bien volontiers, et mon grand désir comme ma plus ardenjte
prière est de voir nos moyens appliqués ailleurs et partout, dans toute la
France, et aussi dans cette autre France que nous aimons encore et qui
nous le rend si bien, le grand et si chrétien Canada.
— :i5 —
Xotre premier moyen est une association eudiaristique, la Confrérie
du Très Saint-Sacrement : l'objet de ce rapport.
Les deux autres, j'aurai Thonneur de vous en entretenir demain, sont
les petits congrès eucharistiques et la direction des œuvres euc:liaris-
tiques confiée à un prêtre pour le diocèse tout entier.
1°. But et avantages de la Confrérie, au point de vue
paroissial
Une école trop célèbre a voulu nier que la société, que les collectivités
soient tenues à rendre à Dieu le culte qui revient à sa Majesté infinie.
Je n'ai pas à réfuter cette profonde erreur. L'homme est tenu à titre
privé d'iionorer l'Etre suprême, son Créateur, et la société est tenue par
un devoir semblable en tous points, aux mêmes hommages envers es
même Dieu qui est toujours aussi son Auteur.
Or, au point de vue religieux, la collectivité officiellement reconnue
par l'Eglise, c'est la paroisse; il faut donc que la paroisse rende à Dieu
ses hommages collectifs et extérieurs, comme chacun des paroissiens
doit, à titre privé honorer, aimer et servir Dieu.
De là, des groupements, des associations de piété, des confréries qui se
diversifient d'après leur but et leurs pratiques, comme d'après l'objet
direct de leur culte. La paroisse rendra un culte officiel à Marie par
l'association du Eosaire, ou manifestera sa reconnaissance publique à un
Saint à qui elle est redevable d'une protection ou d'une grâce insigne.
On conçoit que l'association qui aura pour objet de son culte Dieu lui-
même aura la priorité sur les autres ; et si c'est Dieu dans l'Eucharistie
qu'elle veut honorer, elle devient alors l'association paroissiale par ex-
cellence, puisque la paroisse, c'est le groupement d'une population autour
d'un Tabernacle. Dieu résidant au milieu de nous pour venir y cher-
cher les témoignages de notre association et de notre amour, pour
appliquer de tout près à nos âmes les fruits de son sacrifice réparateur
et sauveur, nous faire vivre enfin de sa propre vie, doit nécessairement
être honoré d'un culte qui dépasse tous les autres. Il doit être honoré
officiellement par les paroisses dont il se fait autant de petites familles,
et la confrérie du Très Saint-Sacrement répond éminemment à ce devoir
primordial.
Je n'ai pas l'intention Qn parlant de la Confrérie du Très Saint-
Sacrement, d'exclure les autres associations euc]iaristi(|ues qui peuvent
remplir un but analogue: il y a dans le jardin de "l'Epoux" une com-
plète variété de fleurs, et nulle ne peut imposer ses ])références à (|ui
désire faire au Maître bien-aimé un hommage qui lui plaise. Puistju'il
faut cependant s'arrêter à une d'entre elles, je me permets de vous si-
gnaler, en la faisant connaître davantage, une affiliation à la Congré-
gation du Trc>s Saint-Sacrement dont le saint fondateur est en si grande
vénération parmi nous, et qui bientôt, nous l'espérons, recevra sur les
autels les hommages du culte public.
Cette affiliation a été érigée en Archiconfrérie par S. S. Léon XIII,
en un bref daté du 8 déceml)re 1897. Elle permet à tous ccu.\ que le
Bon Dieu n'a pas favorisés de cette sublime vocation de l'adoration con-
— TKi —
tînue, de s'unir à ces heureux élus et d'avoir une part au moins de la
'' meilleure ])art " qui lui est réservée. Par là seront fournies au bon
Maître des adorations fréquentes et ferventes et de La part des fidèles
qui paieront par leur assiduité leur tribut d'amour à Jésus, et de la part
de la paroisse qui lui rendra le devoir du culte officiel qu'elle lui doit.
Ce caractère officiel sur lequel j'insiste, exige une organisation, c'est
sous cet aspect que je vais envisager la Confrérie.
Une organisation dans le culte rendu au Très Saint-Sacrement, au
sein d'une paroisse, même à ne le considérer qu'au point de vue privé,
n'a-t-elle pas plus de valeur que les hommages dus à l'initiative des indi-
vidus ? Que des personnes adorent le Très Saint-Sacrement, c'est bien ;
mais il faut qu'elles s'obligent à l'adorer, puisque Jésus s'est obligé. Lui,
à nous rester toujours; il faut qu'elles fassent profession de l'aimer, de
l'adorer en public, et qu'elles assurent à Jésus, leur compagnon d'exil,
les honneurs qui doivent lui revenir. Il y a là une nuance que vous
saisirez et sur laquelle je n'ai pas à insister.
D'ailleurs, pour sa stabilité et sa persévérance, quel immense avantage
le culte d'adoration trouvera dans l'organisation ! Qui ne sait combien
sont faibles et peu persistantes les volontés isolées ? Les résolutions
même énergiquement prises, combien ont-elles de durée, le plus souvent,
quand elles ne sont pas encadrées par un règlement et stimulées par
l'entraînement? Une organisation maintient les volontés dans leur con-
sistance: l'exemple de l'un relève le courage de l'autre; un charitable
rappel du zélateur réveille de tout assoupissement et surtout les réunions
périodiques renouvellent l'ardeur des associés.
Dans un autre ordre de considération, la paroisse, cet être moral qui
est notre famille, a une vie qui lui est propre. Et comment s'affirmera
et surtout s'afl'ermira cette vie paroissiale, sinon dans les associations
qui, unissant les bonnes volontés, leur donneront de la consistance et leur
feront produire un résultat d'ensemble. Elle est vivante et agissante,
la paroisse (pii est officiellement représentée auprès du trône de
l'Agneau, par ses délégués, les paroissiens que leur position ou leurs
vertus rendent plus respectables; elle vit, la paroisse qui ne laisse se dé-
placer son chef adoré pour répandre ses bénédictions paternelles, qui
escorte de ses gardes d'bonneur portant à la main cette arme pacifique,
le fland)eau dont la flamme témoigne de la foi et de l'amour qui remplis-
sent tous les C(rui-s. X'est-ce pas un sujet de légitime fierté ])our une
famille chrétienne, de voir un père vénéré ou un fils vertueux placé si
près de Jésus et lui faisant cortège? C'est aussi l'édification de la pa-
roisse tout entière (pii sent vibrer en elle les sentiments de piété et
d'amour exprimés ])ubli(iueinent par ses pieux mandataires.
Du reste, pour que la paroisse vive, qu'elle produise pour le bien de
ses membres des fruits de préservation, de développement et de progrès,
il faut aujourd'hui chez nous de fortes organisations secondant les efforts
des pasteurs, (e sont cboses beureusement moins pratiques pour vous,
cbers Frères du Canada; mais je pense que ces détails concernant nos
nécessités et nos luttes ne vous paraîtront pas oiseux. D'ailleurs, bien
que vous possédiez pleine et entière liberté de servir et d'aimer Dieu,
vous Mvcz le désir de j)rogresser toujours, et les mêmes moyens peuvent
conduire à la victoire et au progrès. T"n évêfjue disait récemment chez
— 717 —
nous: "Il n'y aura plus désonnais de vie paroissiale et chrétienne vrai-
ment sérieuse et ajrissante, que là où le clergé se verra entouré d'un
groupe, si uiiniiue qu'il soit, de laïiriues iirofondéuient pieux et décidés à
le seconder dans son laljorieux ministère."
Ces groupes se sont formés, se forment partout. Dans notre France
persécutée, le nécessité de la défense a fait une loi aux catholi<|ues de
s'associer; ils ont formé des comités paroissiaux plus ou moins hiérar-
chisés, mais qui sont, au degré inférieur et princijjal, l'aide du Pasteur
sur le terrain restreint de la paroisse. Toutefois comme il s'agit dé
bien surnaturel à produire, il ne suffit pas que les comités soient animés
du désir de travailler, de se dévouer, (le s'agiter. Il faut (|ue ce mou-
vement soit animé de l'esprit de Dieu; (ju'il sdit produit par le soufHe
divin. Où puisera-t-on cette inspiration, sinon auprès de Celui (pii est
personnellement "la Voie, la Vérité et la A'ie?'' Personne ne com-
prendra mieux les intérêts surnaturels, c'est-à-dire les intérêts vitaux
d'une paroisse, que ceux qui s'approcheront davantage du Très Saint-
Sacrement.
La Confrérie du Très Saint-Sai icmcnt sera comnu^ la hase des comités
paroissiaux. La chose est tellement vraie (pie la coniu'xion s'est établie
d'elle-même entre ces deux associations. Quand, à la fondation des
comités paroissiaux, la Confrérie existait déjà, où a-t-on cherché et
trouvé les premiers membres du comité, sinon chez, les confrères du Très
Saint-Sacrement ? Et quand la paroisse était encore dépourvue de hx
Confrérie, lors de la constitution du comité, le premier acte de celui-ci,
le plus souvent pour ne pas dire toujours, fut la fondation, de la Con-
frérie. Le comité affirnuiit ainsi son orientation et assurait son exis-
tence, car c'est bien chez les dévots de rKucharistie ipi'on trouvera tou-
jours le dévouement. Jésus doit toujours être à la base de toute
ascension, que ce soit un relèvement ou une amélioration. La Confrérie
nous aidera à rendre à Dieu les honneurs (pii lui sont dus ofliciellemeut
par la paroisse et à assurer à la paroisse la prospérité de ses intérêts
surnaturels.
2 . Pratique et fonctionnement
Les statuts de l'Archiconfrérie ne sont ])as comj)M'qués. Ils ne com-
portent qu'un seul article obligatoire: les associés s'engagent (après s'être
fait inscrire sur le registre) à faire clnupie mois une heure d'adoration
continue devant le Très Saint-Sacrement soit exposé, soit renfermé
dans le tabernacle. — On pourrait croire, disons-le aussitôt, <|ue cette
prescription, malgré son unicité, est peu prati(pie pour le grand nombre,
])arce (pfelle est pénible ou du moins difdiile. Kvidemnu'tit sont (H-artés
et s'é<arter(>nt eux-nu'iiu's tous ceux qui n'ont pîis uiu' certiiiin' piété
envers la sainte Eucharistie, c'est-à-dire les demi-chrétiens. '* les gros
grains " dirions-nous en Kraïu-e. Mais prenons les autres; grâce à Dieu
chez vous ils sont nombreux, et-d'ailleurs p<uir honorer plu.'* spj'fiah-ment
la Sainte Eucharistie soit en son nom propre, soit au nom de sa paroisce.
ne faut-il pas être compté parmi les bons ou plus humblement, déslroi
le devenir y
Mais revenons à la difllculté. Sans doute, dan- iiiir . ..nilniiii.' liicv-
— 718 —
orablement exigée, il y a pour notre pauvre nature si peu consistante un
effort à réaliser : rester toute une heure immobile, la consacrer à la prière
ou à la jnéditation, alors que peut-être on est peu familiarisé avec un
exercice qu'on considère comme un acte de haut mysticisme; il y a de
quoi effrayer un fidèle non averti. Mais j'ai deux réponses à donner à
cette question troublante.
La première, c'est que pour parler à ISTotre-Seigneur il ne faut pas
être orateur; Jésus n'est pas difficile en ce qui concerne le beau langage.
Voyez de qui il est entouré sur la terre et, par conséquent, quelle con-
versation il a recherchée. Aboyez de quelle littérature étaient les requêtes
qu'on lui adressait; il ne les a pas moins exaucées; donc elles lui plai-
saient. Non, non, c'est un langage bien simple que Jésus disire et
attend de nous. — Mais il faut être fécond pour parler pendant une
heure ! — Pour parler aux hommes, oui ; les homjnes veulent du nou-
veau, du piquant; les hommes ne s'intéressent g-énéralement qu'à ce qui
les touche personnellement. Ils seront vite à bout de patience si leur in-
terlocuteur ne leur parle que de lui-même et de ses misères; bien rares
sont ceux qui peuvent intéresser les hommes durant une heure. Qui ne
saisit la différence totale de nos rapports avec Jésus? Tout ce qui nous
touche, le touche davantage encore, car II nous aime plus que nous ne
nous aimons nous-mêmes, et toutes nos paroles, tous nos sentiments,
même nos silences quand ils continiient à nous entretenir dans les pensées
énoncées, vont à son divin Cœur. Et si la fatigue, à la fin, peut nous ga-
gner à ses pieds, Lui, ne la ressentira jamais en face d'une âme qui lui
témoigne son amour, lui confie ses peines et lui adresse ses demandes.
Qu'il faille cependant de la bonne volonté pour adorer durant une heure,
nous en demeurons d'accord, mais que cette bonne volonté sera aidée et
bénie de Jésus ! Du reste, ne peut-on pas s'aider soi-même de quelque
livre ou fascicule d'adoration? Les Pères du Très Saint-Sacrement en
publient régulièrement chaque mois avec une variété capable de satisfaire
les plus difficiles. Et après tout, ne craignons pas les redites; Jésus ne
s'en lasse ]ias, si elles sont l'expression toujours vraie des sentiments de
notre cœur.
Ma seconde réponse me fait rentrer plus directement dans mon sujet.
Elle est tout entière dans l'organisation de l'œuvre et de l'heure d'ado-
ration. Organiser ces hommages d'adoration rendus au Très Saint-
Sacrement, c'est rendre cette belle pratique accessible et facile à tous.
Disons d'ailleurs aussitôt que l'organisation n'obligerait personne, qu'elle
serait uniquement une facilité offerte à chacun. Qui voudrait faire son
adoration individuellement en aurait toujours le droit; mais l'expérience
le dira bientôt, les isolés seront le petit nombre.
Que les personnes inscrites viennent à l'église faire leur heure d'ado-
ration. Qu'on choisisse pour cela l'heure qui conviendra au plus grand
nombre; que, si les désirs sont divers et que nombreux soient les par-
tisans d'heures différentes, deux groupes, trois groupes même soient
formés pour adorer simultanément ou le môme jour, ou des jours diffé-
rents: voilà les premiers éléments de l'organisation.
Les adorateurs se répartiront ainsi par eux-mêmes en plusieurs sec-
tions d'adoration. Qu'on cherche alors, autant que faire se pourra, à
— :i9 —
espacer assez régulièrement les jours demandés. Et que se passera-t-il?
C'est que certains membres de l'œuvre, jouissant d'un peu plus de loisir
et voulant faire preuve de plus d'amour envers Jésus, s'inscriront aux
deux jours indiqués, et sans doute que, si l'on jugeait bon de diminuer
encore les intervalles et de prendre régulièrement un jour par semaine,
quelques associés se feraient un pieux devoir de venir non plus seulement
tous les quinze jours, mais chaque semaine passer une heure auprès du
divin Tabernacle. La progression se ferait ainsi plus ou moins sensi-
blement, et les réunions dont nous allons parler ne resteront pas étran-
gères à ce magnifique résultat. Un tableau qu'on peut afficher dans
l'église, — non loin du tabernacle visité — rappellerait aux fidèles leur
doux engagement et leur filiale obligation. Et combien consolant serait
pour le regard humain, surtout pour le regard divin, ce groupe compact
et souvent renouvelé qui présenterait ses hommages au divin Prisonnier
d'amour.
Pourquoi, dans les paroisses plus populaires et plus riches en piété,
n'arriverait-on pas à répartir les adorateurs en autant de petits groupes
que comprennent d'heures les jours d'une semaine? Ce serait alors
l'adoration diurne continue, telle qu'elle se pratique dans certaines pa-
roisses de plusieurs diocèses français. Le diocèse de Cambrai en compti
dix. ,
Cette adoration continue favoriserait aussi grandement la pratique de
• la visite quotidienne. Les associés, d'autres aussi peut-être, pourraient
venir quand le temps le leur permettrait, dans une visite plus courte,
grossir le nombre des adorateurs inscrits et accroître les hommages
journaliers au Très Saint-Sacrement.
Peut-on aussi organiser l'heure d'adoration ? A ceux surtout que
n'aurait pas suffisamment convaincus ma i)remière réponse, j'ajouterai:
si vous êtes en groupe pour adorer, pourquoi ne pas joindre des prières
récitées à haute voix à la méditation faite en silence? Et les formules
abondent, parmi lesquelles on peut choisir, ou bien une fois pour toutes,
ou mieux en les variant suivant les circonstances ou les épo(|ues de l'an-
née liturgique (1). On pourrait aussi faire à chaque quart d'heure la
lecture d'un point des sujets d'adoration publiés et réunis en volumes
par les fils du Père Eym'ard, ou les points d'un livre de mc'-ditalion.
Quand on aura ajouté h ces exercices collectifs les demandes personnelles
qu'on aura à faire à Jésus, les intimes confidences de son cœur à cet
Ami divin qui les écoute avec tant d'intérêt, y aura-t-il encore difficulté
à remplir son heure? Si l'assistance était assez importante, ne pourrait-
on pas y exécuter un peu de chant? (2)
(1) Actes d'adoration, récitation de quelques psaumes comme h- Misrrrrr. ,lu
Ifnnnificat d'une partie de l'Office du T. Saint-Sacrement, des litanies du Sacré-
?œr en uin du 'chapelet aux mois de mai et d'octobre, des litanies de Sa.nt^
Joseph en mars, d'inu- amende honorai.!.- toujours, de l'oraison de Saint Pascal
et d'un acte de consécration qui termin.-rait.
(2) Voir ce qui a été dit. au rapport pr^'C^dent par M. h- Chan. Campva».
sur l'adorati.m faite en public par le prêtre et les fldM.-s.
i^y
L'idéal serait qu'aux heures où les adorateurs sont plus nombreux, un
prêtre puisse présider l'adoration. Il suggérerait les intentions de
prières, ferait à haute voix la méditation au lieu de la lire et, considé-
rant concrètement l'assistance dont il connaît le niveau et les aspira-
tions, mettrait exactement au point le sujet proposé. De plus, sa pré-
sence procurerait à ce plus grand nombre d'adorateurs, la faveur de
l'ouverture du tabernacle et de la bénédiction du Très Saint-Sacrement.
A moins, ce qui serait plus parfait encore, que l'ostensoir pût briller sur
son trône pour des hommages plus solennels.
Les enfants, si on le jugeait bon, ])ouri'aient être ajjrès leur première
communion enrôlés dans la Confrérie et avoir à part leurs exercices
d'adoration. Par cette sélection on aurait l'immense avantage en met-
tant les méditations à leur portée et en leur faisant réciter ensemble les
prières vocales, d'entretenir et de dévelo]>per en eux l'amour du Très
Saint-Sacrement et de les maintenir dans l'Jiabitude de k communion
fréquente ou de la leur faire prendre. (1)
Quelle richesse, ne le trouvez-vous pas avec moi Messieurs? dans cette
unique ])re&eription de l'œuvi'e : une heure d'adoration. Comme son
observation fiidèle et généreuse peut transformer la vie du chrétien en
favorisant une union plus intime avec Jésus ! C'est le moment d'ajouter
que les associés inscrits participent aux mérites et bonnes œuvres de la
Congrégation du Très Saint-Sacrement, de la nombreuse association des
Prêtres-Adorateurs, et des autres associations de la Congrégation; ga-
gnent une indulgence plénière le jour de leiir entrée dans la Confrérie
et tous les jours où ils font une heure d'adoration, si toutefois ils ont
communié. De plus, faveur ina/])précial)le, à chacune de leurs vistes au
Saint-Sacrement, si courte qu'elle soit, et pourvu qu'ils récitent six
Pater, six Ave et six Gloria Patri, ils gagnent les indulgences des " Sta-
tions " de Rome, de Jérusalem, de saint JaiCiiues de Compostelle et de
la Portioncule. Ces richesses nous disent-elles assez de quelle faveur
jouit la Confrérie auprès des Souverains Pontifes et combien est encou-
ragée la visite quotidienne.
Me permettez-vous d'aller plus loin et de demander davantage, ainsi
que nous y invitent les règles de l'Archiconfrérie, disant que les curés
peuvent fixer à leur gré, selon les nécessités de leur paroisse tous les
détails de l'organisation et donner à la Confrérie des pratiques plus ou
moins nombreuses? (2) Ce n'est pas que nous nous donnions comme
modèle.-^. Hélas! vous savez bien que nous ne pouvons en aucune façon
y prétendre. Voici cependant ce que dans notre Confrérie du Très
Saint-Sacrement les hommes observent comme pratiques spéciales. A'ous
verrez dans quelle mesure elles cadrent avec vos us et coutumes.
Les confrères doivent: 1° accompagner le Très Saint-Sacrement, le
(1) Cette pratique existe i\{']i\ en bon nombre de maisons d'éducation, au moins
une fois par mois.
(2) Il suffit qu'on soumette les statuts appropriés il la paroisse il l'approba-
tion de l'évêque en lui demandant l'éreetion eaM()iii(|ue s'il a le pouvoir de l'ac-
eorder, et l'affiliation il l'Archiconfrérie, it mie des maisons des Pères du Saint-
Sacrement.
— :2i —
liaiiibeau à la main, dans k's processions nieusut'lk's à l'intérieur «le
ré<jlise et annuelles au dehors (là où elles sont encore tolérées par le ré-
gime de iil)erté (|ue nous subissons!) ; 2° assister dans le chœur avec leu.-
tiambeau, à tour de rôle et en nombre détenniné aux messes où le Trèa
Saint-Sacrement est exposé; 3° répartir entre les meinl)res de la Confré-
rie les heures d'adoration solennelle de la paroisse (Quarante-Heures,
Jeudi-Saint et jour d'adoration diocésaine). Nous voulons l'aire plus en-
core et nous y tendons jjar inlluence privée plutôt <|Ue ]>ar décision col-
lective. Est-ce prudence? est-ce timidité? je ne sais, mais nous ne tar-
derons pas. Je l'espère, à franchir un pas dont un exemple très édifiant
et déterminant nous fut montré ])ar une jeune Confrérie d'Amiens,
Engée sous le nouveau régime, — je veux dire depuis le décret, — elle
a inscrit parmi ses pratiques la communion générale mensuelle. Cette
communion de 40 hommes et jeunes gens se fait à l'une des messes du
ilimanche; éloquente leçon de piété pour la paroisse.
C'est tlan.< ces manifestations ])ul)liques surtout, (pie la vie paroissiale
s'exercera au graml jour et «|Uf l'édification s'accentuera aux yeux de
tous les paroissiens.
Pour les danu's, à l'adoration qui fait le fond de l'ci-uvre. ne pourrait-
on pas joindre l'assistance à la messe en semaine, (1) la communion fré-
quente dans les ])roportions et suivant les circonstances (pie permettent
les différents milieux. On établira chez elles ])ar exemple, un roulement
])Our l'assistance à la messe et pour la communion au nom de la Con-
frérie et en réparation des fautes commises dans la |)aroisse. Ici encore
les degrés peuvent varier: heixlomadaire, bi-mensuel, mensuel.
A première vue il send)lerait <pie ce sont là des (euvres diverses. 11
n'en est rien, et il faut ])référer en fait une (euvre avec des pratiques
multiples, à plusieurs œuvres ayant chacune leur ))rati(pie spéciale; en
voici la raison: toute (euvre, nous le dirons tout à l'heure avec insistance,
doit avoir ses réunions. Si le.s œuvres sont multii»Ies, les réunions se
multiplient. Or, il en est sur ce point au Canada comme en France, ce
sont toujours les mêmes qui ténu)ignent leur géiu''rosité et paient de leur
dévouement: ce serait pour elles réunions sur réunions, avec matière peu
al)ondante, et par consé(|uent, intérêt trt's mesuré. Dans le cas contraire,
une seule réunion produit tout autant de résultats, sans les difficultés
mentionnées, et avec cet avantage qu'un associé pa.^sera plus facilement
d'une pratique à l'autre dans une même (i-uvre, (pu» d'une œuvre à nne
autre. Tous l(»s nuMubres de la Confrérie ne peuvent pas se livrer à
toutes ces prati(|ues, mais tous s'y intéresseraient dans la réuinon col-
lective ou en parleraient, et ce serait le meilleur moyen de gagner des
adeptes.
J'ai parlé des réunions: elles sont ab.s(dument nécessaires, et si l'on
veut trouver la cause de défaillances queUpiefois profondes, toujours re-
t^rettables, en certaines œuvres, c'est dans l'ahsence de réunions (pi'il
faut la chercher. T^a réunion affirme la vie d'um* association: mieuT
M) Dans certaines j)ar<>i-^Hi's la mo<H«- <1ii jpiuli o-^t dite pu riioiiiioiir ilii T. S.
Racrcmont et frf'm'-raltiiu'iit avec cxpositiim. T/O* ^<.Ilf^^^«•s et Pon«œur« y «ont
spécialement invités.
— 722 —
encore, la réunion entretient la vie de l'assoeiation. La communication
est nécessaire entre la tête et les membres : c'est dans les réunions qu'elle
se fait.
Monseigneur notre Archevêque veut deux sortes de réunion dans la
Confrérie : des réunions mensuelles, courtes et consacrées à la piété, et
des réunions semi-annuelles, plus solennelles où on s'occupe du fonction-
nement de l'œuvre. Dans les premières, c'est à l'âme surtout que le
prêtre s'adressera et, dans un bref entretien, traitera un point de la doc-
trine eucharistique ou une vertu qui convient au culte eucharistique pour
en déduire aussitôt quelques conclusions pratiques, afin que Jésus-Hostie
rayonnant sur les âmes par ce mode nouveau arrive à les pénétrer et à
les transformer. Ainsi l'Eucharistie deviendra pour ceux qui la fré-
quentent le plus, la lumière et le foyer de la vie. Ce travail en pro-
fondeur, comme dit Sa Grandeur, doit s'opérer d'une façon constante et
doit être la préoccupation principale du prêtre et la conséquence pre-
mière de l'inscription dans la Confrérie : se sanctifier au contact de
l'Hostie. On conçoit toute l'efficacité de ce travail du curé sur l'élite
de sa paroisse, si surtout il arrive à les convaincre du grand profit qu'ils
retireront de la communion fréquente. Et d'ailleurs auprès de qui insis-
terait-il avec plus de succès pour arriver à réaliser le désir de Pie X ?
Les autres réunions sont beaucoup moins fréquentes et rassemblent
séparément les confrères et les consœurs. Sans exclure le point de vue
de la piété qui est toujours de mise et demeure le principal, elles pro-
voquent surtout les questions relatives à la marche de k Confrérie.
C'est là qu'on établit la répartition des heures d'adoration, qu'on cons-
titue le tableau et qu'on désigne les zélateurs et les zélatrices des diflé-
rents groupes. (1) On y examine comment sont observées les pratiques
de la Confrérie, si on y est fidèle et assidu; les encouragements et les
observations trouvent ici tout naturellement leur place; non seulement
les observations du prêtre ou du président, mais aussi celles que dési-
reraient faire les confrères, et il est grandement à souhaiter que la sim-
plicité présidant à ces réunions, personne ne craigne d'émettre une idée
ou de faire une objection. Moins l'auditoire sera passif, plus la réunion
présentera d'intérêt et sera profitable. C'est le moment de proposer
une pratique nouvelle qu'on jugerait bon d'ajouter aux anciennes, si, par
exemple, dans un congrès récemment tenu, on a entendu avec édification
ou avec une sainte jalousie que telle confrérie voisine manifestait plus
de générosité. C'est aussi dans ces réunions que se décident les dépenses
et que se règlent les comptes. On comprend que dans de telles réunions
les associés s'intéressent de plus en plus à leur œuvre, qu'ils apprennent
à l'aimer et à se dévouer pour elle.
L'horizon peut encore s'étendre au-delà des limites de la Confrérie :
les nouvelles eucharistiques d'ordre plus général n'y seront jamais dé-
placées. N'oublions pas que nous sommes catholiques, et que dans l'u-
nivers tout doit nous intéresser quand il s'agit de l'Eucharistie, de Jésus
avec nous.
(1) Il y a grande utilité, sinon nécessité, l'expérience le déclare chez nous,
de pourvoir chaque groupe d'adorateurs d'un zélateur ou d'une zélatrice. Son
action s'exercera avec grand fruit pour le maintien des cadres.
— 723 —
Je dirai dans un autre rapport l'avantage pour un diocèse d'avoir un
prêtre chargé de la direction des œuvres eucharistiques. Les curés
apprécient, je crois, ce nouveau rouage et en usent spécialement en cette
circonstance. Inviter de temps en temps le Directeur diocésain à venir
présider la réunion de la Confrérie, c'est donner à la séance un cachet
plus extraordinaire qui n'est pas sans influence sur le nombre des pré-
sences à la réunion, et qui procure, avec l'avantage de l'inaccoutumé, le
bénéfice d'une documentation comme seul un spécialiste peut la posséder.
J'ai parlé aussi de dépenses; il y a donc un budget, des ressouives, des
recettes ? Oui, tant que nous serons dans l'Eglise militante, nous ne
pourrons nous passer du " nerf de la guerre," et s'il est souhaitable
que toute organisation puisse se suffire à elle-même, il lui faut un petil;
budget. Il est bien vrai que l'inscription dans la Confrérie est essen-
tiellement gratuite, qu'on peut lui appartenir, profiter de ses avantages
et gagner les indulgences sans bourse délier. Il faut le dire nettement
afin de ne gêner personne, surtout les familles nombreuses; mais d'autre
part, il est dans la Confrérie certains avantages — non essentiels, pré-
cieux toutefois — qui nécessitent quelques dépenses. L'habitude existe
partout de faire célébrer, aux frais de la Confrérie, pour chaque con-
frère défunt une Messe le premier jeudi qui suit sa mort, et pour tous
les confrères défunts une Messe annuelle, le jeudi de l'octave du Très .
Saint-Sacrement. Certaines confréries abonnent aussi leurs membres
à un petit bulletin des œuvres eucharistiques. Or, il semble normal,
que pour bénéficier de ces avantages, on ait contribué soi-même, par une
modique cotisation à couvrir ces dépenses.
Ne me demandez pas d'en fixer le taux. Bien n'est plus variable; la
taxe dépend du milieu où on se trouve et doit convenir à la très grande
majorité, à moins qu'on ne juge plus opportun de n'en indiquer aucune,
comptant sur la bonne volonté de chacun qui donnera selon ses res-
sources.
La Confrérie ne thésaurisera pas et, suivant ses ressources, pourra,
outre les dépenses courantes que nous avons dites, entretenir s'il y a lieu,
la lampe du sanctuaire ou ajouter une seconde ou peut-être une troi-
sième lampe à côté de la lampe réglementaire, " Quantum potes, tantum
aude." Le Congrès de Eome insista beaucoup sur ce point. Elle pourra
subvenir à l'acquisition et aux réparations des flambeaux, d'une bannière,
à l'acquisition des tracts eucharistiques à distribuer dans la paroi>;se,
ou encore, comme cela se fait à Lille, elle paiera les frais d'un pèlerin
délégué de la Confrérie à une cérémonie eucharisti<|Ue diocésaine, au
sanctuaire de Montmartre, à un congrès iniernaiionnl. Vous avez.
Messieurs, au milieu de vous, à ce titre, deux envoyés des Confréries de
Lille. I^n audacieux avait même propo.-^é aux Confréries de fonder une
bourse ou une demi-bourse dans un séminaire, afin que la Confrérie pût
fournir un prêtre au Saint-Sacrement. Mais il est l)it'n ))eu de t on f ré-
ries qui puissent satisfaire à toutes ces belles propositions; plus nom-
breuses sont celles dont le Imdget suffit à peine aux dépenses utiles. Avec
David elles pourraient laisser écliapper cet accent plaintif: "Et non est
suhstantia." Mais ce n'est là qu'un point secondaire. I^ recrutement
des membres est chose plus importante: heureuse la Confrérie qui groujje
près de Jésus pour sa gloire et pour la vit- d»- la paroisse, de nombreux
et de pieux adhérents.
:24
3°. — liC Recrutement
roniimnit se l'era le rec-rnteiiient ?
11 st'inble que les circonstances les plus favorables et les plus faciles
pour obtenir des adhésions soient les missions, les retraites ou le tri-
diuiui eucharistique annuel donné à roccasion des Quarante-Heures ou
de Tadoration. Que dans une des instructions, le prédicateur ou le di-
recteur des œuvres eucharistiques parle de la Confrérie, et ensuite, ou
bien on relèvera, séance tenante, les noms présentés, ou bien le Curé
passera sans tarder à domicile pour recueillir les noms espérés; on
pourra quelque temps après faire Tinauguration solennelle de la Con-
frérie qui comporterait les trois points suivants : communion générale
des confrères et des consœurs, inscription officielle sur les registres de
la Confrérie (1) et réunion des deux sections où on donnerait le détail
des statuts et des praticpies de l'Association. Quelle plus propice occa-
sion de -proposer aux confrères cette communion générale tant désirable
qu'il nous faut obtenir.
Un dernier mot sur l'organisation : il est bon d'avoir à la tête de la
Confrérie un bureau composé d'un président, d'un vice-président, d'un
trésorier et d'un secrétaire. Le secrétaire fera un petit compte rendu
de^ réunions et lancera les convocations. Mêmes dispositions du côté
des Dames. Ce bureau aura ses réunions particulières sous la présidence
de M. le Curé, qui est nécessairement le directeur de la Confrérie et
prononcera sur le recrutement partiel qui doit se continuer toujours
après la fondation. Les mend)res du bureau seront les zélateurs, les zé-
latrices attitrées de la Confrérie; aussi leur zèle sera-t-il entretenu avec
plus de soin encore que celui des simples membres.
La conclusion de cet exi)osé, vous le supposez bien, est celle que nous
renouvelons et appliquons chez nous dans tous nos petits congrès, je la
formule scnis forme de vo'U.
Vœu :
Que (](iiis toutes les paroisses où elle n'existe pas encore, la (^onfrérie
du Très Saint-Sacreuient soit établie comme fruit du Congrès de Mont-
réal, à la suite d'une retraite, ou d'un triduum, ou des Qmiran te -Heures.
(]) L'insorii)tion (nom ot prénom) pont sp fairo flans la maison dp la congré-
pation (lii T. S. -Sacrement ; mais cJiaque paroisse afiiliée, devenant un centre
d'adoration, aura son registre spécial, et il est préférable que les fidèles s'y
fn-sp7it inscrire pour faciliter l'organisation des groupes d'adorateurs.
— 725 —
Quand ^I<>t le Pi-ésident a félicité les rai)i)orteurs, M<»i' Ar-
chambault se lève et invite l'assemblée à saluer de ses aecla-
mations le orand apôtre qui a été l'âme des Conp'ès eucha-
ristiques, Mgr Heylen, évêque de Namur.
ALLOCUTION DE MGR HEYLEN, évêque de Namur
Messeigxkihs, Messieurs,
Je ne m'attendais pas à l'iiuniiliation que M^r révtM|iu' (U- .Toilette
vient de nie faire subir. Je l'attrihue k son «rrand amour \k)\\v Xotre-
Heigneur. Il aime Xotre-Seigneur, et puisqu'il ])ens(' (|Ui' j'ai dû con-
tribuer quelque peu à faire glorifier le Dieu <ie l'Kuc-haristie, il a reporté
sur l'évêque de Xamur quelque chose de cet amour <|u"il ])orte au Dieu
du Saint-Sacroment. (Applaudissements.)
Puis, connue vous tous, j'aime le Dieu de l'Eucharistie. Comment
jKjurrions-nous ne pas l'aimer? X'est-ce j)as à nous (ju'il s'est confié;
n'est-ce pas nous qu'il a choisis pour être les gardiens de son corps et de
son sang et pour le donner à ses fidèles, pour lesquels il a daigné verser
jusqu'à la dernière goutte de ce sang ])récieu.\. Oui. nous l'aimons,
n'est-il pas vrai, et si nous nous réuniss<ms dans ces Congrès Kucharis-
tiques, c'est afin de l'aimer toujoui-s davantage. Kt ce doit être là sur-
tout notre résolution. X'ous prenons bien des décisions dans nos con-
grès, on pro))ose bien des v(eux. C'est la huitième fois i|Uf j'ai l'honneur
de présider ces congrès. J'ai entendu tous ces va'U.x; j'ai annoté toutes
ces résolutions (|ui ont été prises. Ces vœux ont-ils été toujours ])ra-
tiques ? Ces lésolutions ont-elles été t(»ujours tenues ? Je n'oserais pas
le dire. Et nous ne jjouvous |ms attendre non j)ius. nous ne ])ouvons
pas espérer (pie tout cela soit fait en réalité, mais voici une décision que
nous devons prendre, une résolution avec latpielle nous devon.'î retourner
dans nos paroisses: '' Je i)uis. je dois, je vi-ux faire (|n<'lque chose de plus
pour la sainte Eucharistie." Et je t^uis sûr, comme on l'a objecté bien
des fois, (|nand même plusieurs vœux ne sont pas toujours pratiqm^.
quand même nii les répète bien des fois sans que nous voyions toujours
les fruits île ces réunions, certes nous n'aurons pas perdu notre temps, et
le Con-rrès jmurra produire des fruits admirables si cha<un d'entre nous,
rentré chez lui, garde toujours cette résolution que je viens <rin<liquer.
C'est la mienne, ce sera aussi la vê)tre. Oui. nous devons faire ]»his, n<»us
le devons. X'otre Dieu le demande, il a le droit de le demantler : n<»us le
pouvons et chacun <lans notre sphère. nr)us pcmvons faire davantaire.
D'abord, nous-mêmes, nous pouvons mieux apprendre à connaître l'Eu-
charistie: nous pouvons l'aimer avec plus de ferveur, nous pouvons la
trloiifier plus efficacenu'nt. nous pouvons donner l'exemple à notre
peui)le, car n'oublion-^ i)as. si nous voulons que le peuple admire et Ik*-
nisse rEucharislie. nous devons donner rexem|tle. car. tel prêtre, tel
peuple: c'est un vieil adage qui reste toujours vrai. ( .Vpplaudissement». ,
— 726 —
J'ai vu bien des fois des prêtres arrivant dans des paroisses consi-
dérées être parmi les plus mauvaises du diocèse. Ils sont arrivés là avec
l'amour de Notre-Seigneur, ils ont commencé à prier eux-mêmes, ils ont
commencé à faire leur visite au Saint-Sacrement, ils ont commencé à
dire la sainte messe poitr leur peuple avec dévotion, avec ferveur, avec
majesté. Ils ont eux-mêmes prêché par leur exemple, et le peuple est
venu peu à peu, et ces paroisses qui étaient loin d'être ferventes, sont
devenues des meilleures, à cause des exemples donnés par le prêtre. Et
tous, nous pouvons agir de suite et dire : " Je peux faire davantage."
Mais toujours, disons bien davantage : Je veux ! Je veux d'une volonté
virile. " Je veux " d'une volonté sacerdotale. " Je veux et je commence
immédiatement; je ne veux pas attendre quelques jours, quelques se-
maines. ISTon, immédiatement je commence." Ainsi, notre Dieu sera
glorifié.
Messieurs, que ce soit là le fruit de notre Congrès et ainsi, oh ! j'en
suis sûr, de toutes les parties du monde, de toutes nos paroisses montera
vers notre Dieu un culte plus fervent, et ainsi non seulement nous, mais
les âmes qui nous sont confiées aimeront davantage notre Dieu. — (Ap-
plaudissements.)
Après ce discours de Mgr de Namur, l'abbé Thellier de
Poncheville, est également prié d'adresser quelques paroles
d'édification à l'assemblée. Il le fait à l'instant avec une
délicatesse de langage et une chaleur communicative qui
charment l'auditoire.
LE PRETRE ET LA REPARATION
EUCHARISTIQUE
Messeigxeurs,
Messieurs et vénérés Confrères,
Ma surprise est aussi grande que la vôtre de me voir en cette chaire.
J'étais venu ici pour écouter et non pour parler. Ma place en cette bril-
lante assemblée sacerdotale est celle de l'élève et non du maître : les
les prêtres de mon âge ont tant à apprendre de la science et de la vertu
de leurs aînés ! Le désir les saisit parfois, au milieu d'eux, de renou-
veler le geste de leur ordination qui courbait nos fronts sous vos mains
bénissantes et de nous agenouiller de nouveau devant les anciens du
sanctuaire afin de faire passer en nos âmes ces traditions de foi, de de-
voir, d'attachement à l'Eglise et de dévouaient à leur peuple qui cons-
tituent depuis dix-neuf siècles le patrimoine d'honneur des consacrés de
Jésus-Christ.
— 72T —
Mais au premier rang de ces traditions se trouve la tidélité aux ordres
reçus. On me demande de parler. J "obéis. Vous aurez pour ces propos
improvisés l'indulgence qu'on accorde aux balbutiements des plus petits
de la famille, et Xotre-Seigneur les recevra avec bonté, lui qui se plaît
à entendre la louange impuissante que lui adressent les lèvres des enfants.
Le simple mot que je voudrais dire est une prière aux prêtres, les amis
de prédilection de Jésus. Prière respectueuse et pressante invitation à
ne pas oublier dans la joie de ces fêtes les douleurs silencieuses du Cœur
eucharistique de notre Sauveur, toujours crucifié même aux jours où il
est glorilié.
Son Hostie va connaître des heures de grandiose triomphe. Quand
elle fut apportée pour la première fois en ces lieux ils n'étaient autour
d'elle quune poignée d'adorateurs perdus sur cet immense territoire
qu'ils ambitionnaient de lui conquérir. Dimanche, ils seront un million
prosternés devant un ostensoir d'or — venu de France lui aussi, comme
les missionnaires qui donnèrent l'Hostie à ce sol païen, le Congrès
Eucharistique International lui a dressé ses reposoirs magnifiques dans
les capitales de l'ancien continent; sur toute la face du globe, à travers
les océans infinis, il veut lui frayer une voie royale. Montréal commen-
cera ce glorieux tour du monde du Saint-Sacrement qui, pour la pre-
mière fois, au Nord de l'Amérique, recevra l'hommage de ces incom-
parables manifestations publiques, avec un éclat que n'ont pas encore
connu les grandes villes catholiques de la vieille Europe.
Mais que cette apothéose d'un jour ne nous fasse pas illusion î
Que la splendeur de ces fêtes ne nous laisse pas oublier les ombres qui
pèsent encore sur cette terre et les tristesses qui demeurent toujours au
cœur de Jésus !
L'humanité entière devrait être agenouillée au pied de ses autels.
Toutes les âmes devraient s'unir à nous pour le glorifier et le remercier.
Le feu qu'il était venu apporter ici-bas, que veut-il si ce n'est qu'il les
embrase universellement de sa flamme de foi et d'amour? Et combien
peu répondent à ses brûlants désirs! Combien restent éloignés de lui,
détournés de lui, insensibles ou hostiles à sa divine charité!
Dans cette ville même, chrétienne parmi les plus chrétiennes, il est
de ses frères qui l'ignorent, le blasphèment et jusqu'au milieu de son
Congrès, pour en empoisonner les joies, voudraient l'outrasior dans son
adorable Sacrement. Dans ces vastes pays d'Amérique, malgré de si
beaux efforts d'apostolat, il est encore des millions de chrétiens qui ne
croient pas à sa présence réelle, des millions de païens qui ne connaissent
même pas son nom, des peuplades qu'effleure à peine un rayon de son
Evangile! Au delà des mers, il est des nations belles et grandes elles
aussi "où ses tabernacles, hélas! ont été vidés par l'hérésie, désertés par
l'indifférence, profanés par l'impiété.
"Sic Deus dilexit vnindum! " Le cri de stupeur de l'ApAtre en face
de l'immensifé insondable de l'amour divin, redisons-le avif ilouU-ur
devant cet autre incoinpréhciKible mystère, l'ingratitude des hommes
refusant de recevoir le don de Dieu ! C'est ainsi que Dieu nous a aimés!
Et c'est ainsi que la terre répond à son amour! quel spcttaclr d'infinie
tristesse s'étend sous notre regard du fond de ses tabernarics ! \\\ delà
— :2ii —
du ceivlc trop éti'oit des âmes finlèles, partout 'des i^'iiorances, des incon-
veuauces, des dédains, des péchés, parfois des haines sataniques, par-
fois d'horribles profanations sacrilèges Il les voit, il en ressent
l'injure. Quelque chose de cette mystérieuse souffrance transiparait
jusque dans la pâleur de l'Hostie. Le ciboire est couronné d'épines. En
sa vie eucharistique se prolonge son état de victime. Sa passion se re-
noitvelle sur l'invisible calvaire de l'autel. Il est toujours l'Agneau qui
poi'te sur lui le poids des péchés du momde !
Prêtres, nous ne pouvons le laisser expier seul. Il souffre de nous
au.ssi, plus que des autres. Ses plus vives douleurs lui viennent, il nous
l'a dit, des préférés de sa tendresse, cou])al)les de tant de négligences
opposées à tant de prévenances, et plus particulièrement de nos frères
malheureux (\m ont renié leur sacerdoce, parjuré leurs serments, trahi
son amour, profané la sainteté de l'Eucharistie qu'il leur avait confiée.
Pour ré|)arer toutes ces ofFences qui viennent de nous ou des nôtres, pour
payer la rançon des soufi^rances volontaires qui achèteront, unies aux
siennes, le salut de notre peuple, nous nous offrirons pendant cette se-
maine en victimes avec lui.
Sur la patène du sacrifice, cha([ue inatin, nous a})porterons nos re-
pentirs et nos oft'randes. Dans le sang du calice, complétant ce qui
manque à sa passion et à sa messe, nous verserons un peu du sang de
nos cœurs et de nos vies, immolés à son service. A la porte du ta1)er-
nacle nous viendrons redire souvent notre désir de collaboration plus
généreuse à son (tnnre rédemptrice. Dans le joyeux tumulte des fêtes
extérieures, nos âmes de prêtres se rapprocheront ainsi de lui dans un
culte intime d'affection courageuse et réparatrice. Le Congrès serait
un inapj)réciable l)ienfait pour notre génération sacerdotale s'il lui
obtenait cette grâce de s'identifier davantage, par le don de l'immolation
de soi, à l'Hostie du Prêtre éternel qui perpétuellement sauve le monde!
Promettons-lui ce soir, avant de le quitter, de nous unir à sa croix plus
profondément pendant ces quelques jours, et pour toujours, par cette
communauté plus parfaite de notre sacrifice et du sien, devenant les
membres crucifiés du (Mief coui'onné d'épines, d'autres hosties incor-
porées à l'unique Hostie. Demandons-lui, tous ensem1)le, de nos su])])li-
cations irrésistibles, d'accomplir en nous, malgré notre faiblesse, cette
transfiguration douloureuse de nos âmes qui veulent être vouées comme
la sienne à toutes les saintes réparations !
0 Jésus, l'd'uvrc (pie vous êtes venu accomplir dans les déchirements
de votre passion, l'œuvre (|ue nos pères ont poursuivie pendant des
siècles dans l'effort et dans les lannes, ne permettez pas qu'elle s'arrête
aiijoiird'luii pai' notre iiuuupu' de foi cl de vigncui', (|u'elle soit compro-
mise par notre lâclieté! A^otre apostolat demamlc toujours du sang.
Des millions d'âmes a])pellent encoi'e la Croix qui seule peut les arraclicr
à leur mal. Xe les laissez pas mourir dans la misère de leur ])éclié.
X'abandonnez pas les peuples à leur im])uissance. Ne laissez ])a,s se
perdre les nations (pii les premières ont pi'oclamé A'olre divinité à la fa<-e
du monde et ré[)andre voti'e Hostie sui- tous les continents! \'()yez cette
légion de prêtres: ils s'offrent à vous ])()ur être les sauveurs de leurs
frères. Ils vous l'eiioiivelleiil en ce inoiiient le don qu'ils \'ou>i ont fait
— 729 —
d'eux-mêmes afin d'être vos évanirélistes et vos sacrifiés parmi cette liii-
manité pécheresse qu'ils veulent ramener à vous! Ce congrès passe sur
leurs vies comme un nouveau baptême sacerdotal (pii les résrénère dans
la plénitude des grâces reçues et des résolutions ])rises au jour béni de
leur ordination.
S'il faut pour gagner le momie à votre amour des prêtres qui soient
des victimes, envoyez-nous à votre calvaire! S'il vous faut des liéros et
des martyrs, armez nos bras de vigueur et prenez le siing <le nos veines !
S'il vous faut des saints, mettez en nous (pielque chose de votre sainteté!
Transformés par vous, prêtres comme vous, oui. nous sommes en droit
de l'espérer, nous avons le devoir de vous le ])roim'ttrc: ce siècle uv des-
cendra ])as dans sa tombe sans avoir vu briller sur son front l'universel
ravonnement de votre divine Hostie !
Après avoir si éloqiK'innirnt cnti^ndii parler ilc la Sainte
Eucharistie, d'e ses excellences, de la nécessité et des moyens
de la mieux faire connaître et glorifier, il convenait que les
prêtres fussent les ]»reiniers.à lui otTi'ir en connuun leui-s
lioninia<>es et leurs adorations, ("est ce <iui se.tit inniié<liate-
nient après la séance. Le T. Saint-Sacrement fu) ram«*né sur
son trône d'exi)osition, ])uis commença l'heure solenn<dle
d'adoration, prêchée par M^r liumeau, évê(pie d'An<iers.
ADORATION SOLENNELLE
Messeignetrs,
*
(IIERS MeSSIKIRS,
Je m'excuse d'occuper cette chaire quand je vois, assises à ses pieds,
l'éloipience et la vertu.
En m'y invitant pour cette heure d'adoration, les h'évérends Pères du
Très Saint-Sai rement se sont souvenus fine ia France avait été le lier-
ceau de leur institut. Je les prie d'agréer ma reconnaissance et mon
meilleur remerciement sera d'ex|n-imer, aux pieds <le Notre-Seigneur. h-
vœur qu'ils fassent, sur ia terre canadienne, tout b- l>ien (ju'ils <«nt fait
parmi nous.
Le prêtre ri rEinlniristie ! Ce sont. Messieurs, deux termes <pii s'aj.-
pellent; ils exi)riment deux merveilles inséparables.
Avant tout, le prêtre est fait i)our l'Eucharistie, et l'Eiu-hanstie poni
le prêtre. , , ,. , ^ i
11 est le créa f pur de rKucbanstie, d en est h- <i"r,hr,>. il m est le
— 73Û —
dispensateur. D'un autre côté, c'est la sainte Eucharistie qui fait sa
suprême grandeur; c'est par elle que la dignité sacerdotale éclipse toute
dignité humaine. Saint-Ambroise l'appelle une profession divine : dei-
fica professiu. Elle élève le prêtre au-dessus des anges, ajoute saint-
Grégoire de Xazianze: Sacerdotium ipsi quoque angeli venerantur. Et
saint-Bernardin de Sienne, s'adressant à la Très Sainte-Vierge elle-
même, ose lui tenir ce langage : '■ Vierge bénie, pardonnez à ma har-
diesse, quand il s'agit de sainteté et de privilèges, vous êtes au-dessus de
toute créature, mais quand il s'agit de pouvoirs, le sacerdoce est au-
dessus de Vous: Virgo benedicta, excusa me, quia non loquor contra te:
Sacerdotium ipse proetulit supra te."
Mais la dignité doit avoir pour corollaire la sainteté; l'une ne va pas
sans l'autre et la suréminence de l'une exige la suréminence de l'autre:
in alto gradu positi oportet quoque ut in virtutum culmine sint erecti.
Oui, ce qui convient au prêtre, ce sont les sommets; et l'on devrait, au
dire de saint-Bernard, regarder comme une vraie monstruosité une
bassesse de vie qui serait en opposition avec cette surhumaine grandeur :
monstruosa res est dignitas summa, vita ima.
Et cette sainteté à part, remarquez-le bien, est une conséquence de
notre vocation. 'C'est pour nous un devoir d'état : clericus duo professus
est, dit saint Augustin, sanctitatem et clericatum. Le grand docteur
place la sainteté même avant le sacerdoce, tant il est vrai que l'une ne
doit en rien céder le pas à l'autre.
Cette sainteté à part, Messieurs, tout nous la prêche. C'est Jésus
d'abord.
Quand il nous a appelés de préférence à tant d'autres, c'était, dir.
saint Paul, pour faire de nous des saints et des immaculés, c'est-à-dire
des hommes plus saints que les autres: eîegit nos ut essemus sancti et
immaculati.
Oh ! Messieurs, quel vaste sujet d'examen pour nous tous ! Nous
sommes la lumière du monde, selon la parole du Maître, et le sel de la
terre. Nous sommes la lumière du monde et la foi décline. Nous
sommes le sel de la terre et la corruption grandit ! La lumière se se-
rait-elle éteinte; le sel se serait-il affadi?.... Des légions innom-
brables de prêtres évangélisent le globe et nous sommes condamnés à
gémir parce que le catholicisme s'affaiblit ! Il y a là un m3'stère : ecce
mundus sacerdotibus plenus est et rarus invenitur mediator ! s'écrie
saint Bernard.
La sainteté, après Jésu.s, c'est l'Eglise qui nous la prêche. Souvenons-
nous de ces maternelles et pressantes exhortations à chaque ascension
que nous avons faite dans les différents ordres de la cléricature. C'est
là sa préoccupation dominante. On serait tenté de croire qu'elle n'en
a point d'autre, depuis l'initiation à la tonsure oi^i elle dit aux nouveaux
clercs: hnhitu honeslo honisque moribus atqve operihus Deo placere
sti/deatis; jusqu'aux ordres mineurs, où elle dit: Corda fidelium dictis
et exemplis vestris clnudntis diaholo et aperiœtis Deo — Caelestis vitae
formnm praebeatis — Discite viilis impo.rare — Ut flii lucis ambulate;
jusqu'au sous-diaconat, où, d'une façon plus émouvante, plus solennelle,
elle invite à faire le pas décisif en disant: Deo cui servire regnare est
perpetuo famulari et cœstitatem, ilîo adjuvante, servare oportebit; jus-
— 731 —
qu'au diaconat où elle accumule les épithètes pour mieux marquer Tan-
géliquc candeur de ceux qui coopèrent déjà au ministère de l'autel :
estote nitidi, mundi, puri, casti; jusqu'au prêtre enfin dont tout le pro-
gramme se trouve résumé en ces deux paroles si expressives : " eluceat in
eis totius forma jnstitiae — sit odor vitae vestrae deîectamenturn Eccîe-
siae Christi. •
La sainteté, après Jésus, après l'Eglise, c'est notre caractère sacerdotal.
ce sont nos fonctions augustes qui nous la prêchent.
Le prêtre est un séparé : vos de mundo non estis. Donc plus rien de
coupable, que dis-je, plus rien de profane dans nos vies.
le prêtre est un consacré. Qui dit consacré, dit un être ou un objet
exclusivement affecté à des usages saints. Or, ^Messieurs, plus que la
pierre de nos autels, plus que le ciboire de nos tabernacles, plus que le
calice du divin sacrifice, nous sommes des porte-Dieu. Que faut-il con-
clure, sinon que tout en nous doit porter le sceau de cette consécration,
non seulement nos personnes, mais nos pensées, nos vouloirs, nos affet-
tions, nos paroles, nos actes.
Le prêtre est plus qu'un consacré. Il est un consécraieur. C'est pour
cela que la Sainte Eglise usuri)ant nos divines Ecritures, lui a dit: Mun-
damini qui fertis vasa Domini.
Un simple rapprochement : Une des preuves les plus solides du dogme
de la Conception Immaculée de la Vierge Marie, c'est qu'elle devait
être, im jour, la mère de Dieu et porter, dans son sein virginal, le Verbe
incarné. Et nous. Messieurs, nous in quorum nmnibus inrarnniur Dei
fiîius! . . . .
Une réflexion non moins grave, c'est que pour le prêtre, il n'y a guère
de milieu ou il sera le grand ami de Jésus-Christ ou il sera bien près
de devenir son ennemi. Oui, Messieurs, dès qu'un prêtre cesse de célé-
brer la messe qui transporte, dès qu'il célèbre la messe qui laisse froid,
il est bien près bêlas î de célébrer la messe qui fait peur.
Le prêtre est médiateur. Ab ! Taugusti- fonction <|uc celle-là! Avec
quelle émotion nous avons lu et relu cette scène grandiose de nos Saints
Livres ! Moïse lutte avec la majesté de Jébovah ; il enchaîne le bras
de sa justice prêt à frapper la nation pécheresse: il arrache au courroux
de Dieu cette parole plus que surprenante: diniittc me, ut irascatur
fur or meus.
Et ce qu'il y a d'inconcevable, dans ce duel gigantesque entre la force
de Dieu et la faiblesse de l'iiomme, c'est que la faiblesse triomphe de la
force. 0 miraculeuse puissance du médiateur! Mais, ne l'oublions pas.
Messieurs, pour être un vrai médiateur, deux conditions sont essentielle^ :
il faut être le digne représentant du peuple qui envoie; il faut être
l'ami du Dieu vers lequel on est envoyé: si non places, non plaças; si non
plaças, cur sacerdos ?
Le prêtre est docteur; or. c'est une logique élémentaire qu'il confinne
l'atitorité de sa parole par l'efficacité de ses exemples. Malbour à lui.
si son peuple, e-i l'écontint. peut lui jotor à la face ce mnt du Saint
Evangile: " Medice, cura teipsum.''
S'il ne veut pas que le Verbe qu'il porte dans la cbair demeure votié
à la stérilité, il faut, de toute rigueur, qu'il soit le modèle de la perfec-
tion qu'il cnseiLme: et n/enda diront et dicta opère conipleant.
— 732 —
Enfin, Messieurs, le ])rêtre est saureur: viundi sa! vatores ; c'est ainsi
que nous anpelle saint Jérôme, appliciuant à tous les ministres de Jésus-
Christ le titre (lui désigne Jésus-Christ lui-même. Mais comment au-
rons-nous, pour le salut du monde, les ardeurs du zèle, si nous n'avons
pas, comme les saints, la flamme de l'amoui': (/ni non ardet non incendit?
(saint Grégoire).
Où en suis-je, ô mon Dieu ! Depuis tant d'années que j'ai reçu l'onc-
tion sacerdotale, quels sont les j^rogrès (pie j'ai accomplis? X'ai-je pas
reculé, au lieu d'avancer ? Suis-je au moins demeuré stationnaire, si
tant, est qu'on puisse rester stationnaire à votre service ? Combien
d'âmes n'ai-je pas connues, conseillées et dirigées, dont la perfection
éclipsait et confondait ma fragile vertu ? 0 sujet de confusion et de
remords ! . . . .
Dixi, nimc caepl! Oui, Seigneur, j'en fais à vos pieds la demande
et la promesse ! Que le premier fruit de cette heure sainte, passée à
vos pieds, et de ce Congrès, auquel vous avez daigné vous-même m'ap-
peler, soit de raviver en moi la grâce de mon ordination sacerdotale et
d'affermir, jusqu'à la rendre efficace, ma volonté de devenir un saint!
Il
J'ai dit: le prêtre et l'Eucharistie, la dignité du prêtre découlant de
l'Eucharistie et la sainteté du prêtre découlant de sa dignité.
Il me reste à vous montrer les rapports ineffables qu'il y a entre l'Eu-
charistie et la sainteté du prêtre; non seulement à cause des grâces que
Jésus nous y accorde avec tant de profusion, mais aussi à cause des vertus
(pi'il nous y enseigne. Dans les multiples états ou plutôt sous les divers
aspects de sa vie eucharistique, le Christ nous apparaît en effet, comme
l'exemplaire achevé de notre perfection sacerdotale.
Je suis, à l'autel, le créateur de l'Eucharistie. L'acte que j'y accom-
plis est un sacrifice. Jésus se faisant obéissant à ma parole, y prend la
forme de victime. iST'y est-il pas le modèle que je dois imiter ? Ne
faut-il pas comme lui, que je sois prêtre et victime à la fois? Que se-
rais-je, sinon un simulacre de prêtre, le jour où je ne pourrais pas
m'a])p]i(|uer à moi-même la parole que saint Ephrem a prononcée du
Souverain Prêtre: Sacerdos victimw suae et viclinia sacerdotii xui ?
Je suis le gardien de Jésus-Hostie que j'enferme dans son tabernacle
comme dans une prison d'amour. Là, j'aime à le visiter comme le divin
ami qui a fait de moi un autre lui-même: Jam non diram vos servos sed
amicos.
Puis-je rester (|iiel'(pu's instants seulement à ses ])ieds, sans apprendre
de sa vie silencieuse l'esprit intérieur, et de sa vie cachée, l'esprit d'humi-
lité; ce double espi-it qui constitue le fondement essentiel de la perfec-
tion sacerdotale ?
Je suis à la Table Sainte le dispensateui' du pain \i\ant descendu du
ciel. Là, je le vois se donnei' ])ar mon ministère sans [)référence et sans
<hoix, sans limite et sans fin. T^à, je le vois enchaîner sa puissance et
])ro(]iguer son amour, à ce point qu'il se livre à ses ennemis comme à
ses amis, aux sacrilèges profanateurs comme aux fervents. Quelle su-
blime leçon de zèle et de cliarité pour le pasteur des âmes! En ])résence
— 733 —
d'un tel exemple, eomnient ne pas aimer ses frères, tous ses frères ?
Comment reculer devant Touldi des injures et le pardon des offenses;
comment ne pas être dévoré par la flamme du zèle: im pendant et super-
impendar ipse pro aniniabits vestrù t Comment ne pas réaliser jus-
qu'au bout cette parole de TApôtre, telle que l'explique et la commente
saint Bernard : I inpendcre curani, impendere snbstantiani, imprndfre
et seipsum ?
.l'ai ])nuv mission enfin de faire rayonni'r -Jésus dans l'ustensoir. Je
l'élève sur les hauteurs de l'autel ; je l'expose aux adorations et aux hom-
ma^îes du peuple fidèle. Comment le contem))ler dans cette suave ma-
nifestation, sans me souvenir (pi'à mon tour je dois être comme un
ostensoir vivant, destiné à faire paraître, dans ma forme extérieure,
dans la gravité de ma tenue, dans la dignité et la modestie de ma per-
sonne, dans la réserve de mes paroles, dans toute l'édification de ma vie,
quelque chose de Celui qui m'a choisi pour le représenter à la face des
peuples ?
Je ne fais, Messieurs, que vous indiquer ces pensées. Il serait super-
flu de les developj)er devant vous.
Je voudrais terminer cette heure d'adoration par une ])rière. N'est-ce
pas encore plus nécessaire de prier (pie de promettre ? La promesse
est téméraire parce qu'elle procède de notre faiblesse; la prière est puis-
sante parce qu'elle nous vaut le secours de Dieu.
HT
Cette prière, je l'emprunte à saint Ignace. \'ous la connaissez tous;
elle vous a souvent servi de préparation ou d'action de grâces au divin
sacrifice.
Ame de Jisus. mnctijicz-nuii'. Kn invo(|uant cette âme privilégiée
qui fut liypostatiquement unie à la divinité, denuindons-lui de nous
rendre participants des trésors de science et de sagesse dont elle fut
remplie. Puis, prenant une à une les fac-ultés de cette âme. supplions
l'intelligence de Jésus de sanctifier nos intelligences, afin (prelles ne
connaissent que les pensées nobles et pures; la volonté de Jésus, de
sanctifier notre volonté, afin qu'elle demeure fixée dans le bien; le cœur
de Jésus, de sanctifier notre cœur, afin que nous puissions dire en toute
vérité ce qu'aiuuiit à répéter saint Franc^-ois de Sales: "Seigneur mon
Dieu, si je savais qu'il y eut en mon cœur une seule fibre qui ne fut pas
entièrement détrempée dans votre amour divin, je l'arracberais à l'ins-
tant."
" Corps de Jésus, sauvez-moi." C'est notre corps qui sert de cfimplice
au péché; voilà pourquoi le corps de Jésus a été rinstrumeiu de. notre
rédemption au calvaire. C'est encore pour notre salut <|u'il est devi-nu
notre aliment sur l'autel. .VpnV lui avoir demandé, à ce corps adorable,
de "garder notre âme pour la vie éternelle," nous pouvons considérer
les puissances de ce corps et demander aux yeux de Jésus de garder nos
yeux, afin (pi'ils ne voient que ce (pi'ils doivent voir: aux oreilles de
Jésus, de garder nos oreilles, afin (|u"elles n'entendent que ce (piVlloî»
doivent entendre: aux lèvres de Jt'sus. de garder nf»s lèvres, afin (|uVlles
ne jirononcent jaînais une pantle (pii ne soit conforme à l'esprit sacer-
— 734 —
dotal; aux mains et aux pieds de Jésus, de garder nos mains et nos
pieds, afin que nos actions et nos démarches soient selon les exigences
du saint Evangile.
" Sang de Jésus, enivrez-moi! " Le sang de Jésus commença à couler
presqu'au lendemain de sa naissance, au jour de sa circoncision; il coula
plus abondant au jardin des Oliviers, à l'heure de son agonie; il fut
répandu par torrents au calvaire. Quand Jésus eut expiré, nn soldat
vint; instrument inconscient de la Providence, il ouvrit de sa lance le
cœur du divin Maître, quelques gouttes de sang jaillirent de cette bles-
sure, c'étaient les dernières; il fallait qu'on pût dire que Jésus avait
donné, pour le salut du monde, jusqu'à la dernière goutte de son sang.
Ce sang, Messieurs, est devenu sur l'autel notre breuvage quotidien et
pour nous, plus que tout autre, ce breuvage doit s'appeler: Vinum ger-
iiiinans virgines. Oui, qu'il nous donne une céleste ivresse, la seule qui
demeure permise à un cœur de prêtre !
''Eau du côté de Jésus, lavez-moi! " Du cœur entr'ouvert du divin
crucifié, avec les gouttes de sang, tombèrent quelques gouttes d'eau.
Serait-il téméraire de penser que ce furent les dernières larmes qui
n'avaient pas pu monter jusqu'aux paupières de l'adorable Victime ?
Et ces gouttes d'eau sont le symbole de la pénitence, comme les gouttes
de sang, de l'Eucharistie. Or, Messieurs, toutes les fois que, prosternés
au tribunal sacré, nous y recevons la sentence du pardon, c'est cette
eau mystérieuse qui jaillit du côté de Jésus, pour purifier nos âmes
dans ce sacrement si bien nommé "le baptême des larmes." Même
'après nous être régénérés dans ce bain salutaire, ne gravissons jamais
les degrés du saint autel sans demander à Jésus de faire descendre de
son cœur jusqu'à notre cœur, quelques gouttes de cette eau destinée à
nous rendre plus purs et plus saints.
"Passion de Jésus, fortifiez-moi! " La passion de Jésus, elle se re-
nouvelle tous les jours à l'autel par notre ministère. Or, cette passion
divine doit être la force du prêtre. Nous marchons dans la vie en cô-
toyant deux abîmes creusés par le péché originel: l'abîme du péché et
l'abîme des douleurs. Puis donc que Jésus, sur la Croix, est tout en-
semble et notre rédempteur et notre modèle, comme rédempteur il nous
arme contre le péché dont il nous révèle la malice infinie; comme mo-
dèle il nous arme contre la douleur, dont il nous révèle le prix, et c'est
ainsi que la contemplation de la croix engendre des héros capables de
dire " qu'on ne souffre pas, quand on souffre après un Dieu."
" 0 Ion Jésus, exaucez-moi! " Voici, Messieurs, une invocation qui se
trouve au milieu de notre prière comme un trait-d'union entre la pre-
mière et la seconde partie, comme la conclusion de la première et l'in-
troduction à la seconde. Nous appelons Jésus par son nom, par son
vrai nom ; nous faisons appel à sa bonté c'est-à-dire à son cœur. Qu'al-
lons-nous donc lui demander ? Trois grâces pour le temps et trois
grâces pour l'éternité.
" Cachez-moi dans vos plaies sacrées ! " C'est la première grâce dont
nous avons besoin pour le temps, car nous sommes des séparés. Entre
nous et le monde il doit y avoir un abîme infranchissable, et nous de-
mandons à Jésus de nous cacher dans la plaie de ses pieds, pour nous
prémunir contre l'orgueil du monde; dans la plaie de ses mains, pour
~:3ô —
nous prémunir contre la perversité du monde; dans la plaie de son cœur,
pour nous prémunir contre les séductions du monde.
"JSe permettez pas que je sois séparé de vous!" C'est la seconde
grâce pour le temps. Après avoir demandé à Jésus d'être pour nous un
asile de paix nous lui demandons d'être notre centre de vie, car nous
sommes des consacrés et des consécrateurs. Xous avons en effet à nous
défendre contre un ennemi plus redoutable que le monde, c'est nous-
mêmes, c'est le foyer de corru[)tion cjue nous portons en nous. Or, pour
nous élever au-dessus de nous-mêmes, pour dompter notre nature per-
vertie, nous n'avons qu'un moyen: unir, identifier notre vie avec celle
de Jésus. " A qui donc iriotis-nous, Seigneur, s'écriait l'Apôtre saint
Pierre, Vous seul avez les paroles de la \\c éternelle ?"
"Défendez-moi de l'esprit m<ilin! " C'est la troisième grâce pour le
temps; nous demandons à Jésus d'être pour nous un rempart de sûreté.
Nous sommes des médiateurs et des sauveurs et contre notre médiation,
contre notre apostolat, ne voyons-nous pas se dresser l'antique ennemi :'
Xe savons-nous pas aussi que notre sacerdoce ne suffit point pour nous
mettre à l'abri de ses suggestions ? Au contraire, c'est un motif pour
qu'il redouble de ruse et de malice, et nous disons à Jésus : " Seigneur,
soyez vous-même ma forteresse' inexpugnable ! En définitive, ô mon
Dieu, je le dis avec une sainte hardiesse, n'est-ce pas vous défendre vous-
même que de défendre votre prêtre ? X'est-il pas votre ouvrage, votre
enquête, votre propriété ?
"A l'heure de ma mort appelez-moi." C'est la première grâce de
l'appel. L'appel de la mort est si redoutable! 11 l'est pour tous; il l'est
davantage pour le prêtre qui doit porter devant Dieu de si graves res-
ponsabilités ! Ce terrible appel de la mort, venez l'adoucir, ô Jésus, en
m'appelant vous-même !
Xe pouvons-nous pas discerner dans cette invocation une allusion à
un passage du saint Evangile ? Le texte sacré nous apprend (jue le Juge
souverain prononcera la sentence sur les réprouvés, en leur disant: " Non
novi vos, je ne vous connais point." X'êtrc point connu ]>ar Celui (jui
a la science infinie, quelle cllrovable menace ! 0 Jésus, épargnez à mon
âme ce malheur, le plus irréparable de tous; à l'heure de ma mort, ap-
pelez-moi ; appelez-moi par mon nom, par mon vrai nom ; montrez que
je suis du nombre de ceux que vous reconnaissez et non point de ceux que
vous reniez !
"Et ordonnez vous-même que j'aUie à vous!" C'est la seconde grâce
pour l'éternité, la grâce d'un appui. Encore ici, nous trouvons une al-
lusion très évidente à une page évangélique. Un jour, Notre-Seigncur
daigna apparaître, sur le lac de Tibériade, aux apôtres qui étaient oc-
cupés à la pêche: Ceux-ci croyaient voir un fantôme; Jean, l'apôtre
vierge, fut le premier à le reconnaître: la virginité à un d'il plus ])éné-
trant quand il s'agit de voir Dieu. Alors Pierre, n'é-c-outani que l'ardeur
de sa foi et l'enthousiasme de son amour, s'écria: "Si c'est vous, ô
Maître, ordonnez donc que j'aille à vous." Et le Maître exauça la de-
Hiande'de l'apôtre, et il rendit les flots fermes 6ou.<5 ses pieds. Mais, la
foi (le Pierre venant à cbanccltT parce (pio le vent était vident, les eaux
cessèrent de le porter, et comme il se voyait sur le point d'être englouti
il s'écria • " Seigneur, sauvez-moi î " .Tésus alors étendit miséricordieu-
iOO —
sèment sa main, le releva, lui permit de nouveau de marcher sur les
vagues et lui dit : " Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? "
A riieure de notre passage du temps à Téternité, Messieurs, il y aura
plus qu'un lac à franchir, ce seront les torrents de flammes du purga-
toire et nous disons à Jésus: " A ce moment redoutahle, ordonnez donc
que j'aille à vous, c'est-à-dire soyez vous-même mon appui afin qu'il me
soit donné de franchir, sans y être plongé, cet océan de flammes."
"Afin que je vous loue avec tous vos élus dans les siècles des siècles!"
C'est la troisième grâce pour l'éternité, la grâce d'un cantique, cantique
de louanges, cantique d'adoration, de reconnaissance et d'amour, cantique
chanté dans la société des anges et des saints, cantique qui durera aux
siècles éternels !
Quand donc me serait-il donné de le chanter, ce cantique ? Ici-bas,
nous vous voyons. Seigneur, mais à travers un voile; ici-bas, nous vous
aimons, mais avec des cœurs si faibles et si inconstants ! Quand donc
nous serait-il donné de quitter cette terre oii l'on peut encore vous ou-
blier et vous offenser, pour aller là-haut, où l'on ne peut que vous pos-
séder et vous louer sans fin ? Ah ! je comprends la parole enflammée
de l'apôtre saint Paul : "' Desiderium habens dissolvi et esse cum CJiristo!"
0 Jésus ! En attendant cette heure, impatiemment désirée, où je
pourrai vous voir face à face, et jouir de vous éternellement, soyez vous-
même la consolation de mon exil en me faisant savourer les délices de
votre Eucharistie ! Qu'elle soit l'unique aspiration de mon âme, le seul
bonheur de ma vie, l'avant-goût et le gage de ma bienheureuse éternité !
Puissé-je expérimenter en moi-même tout ce qu'il y a de vrai et de suave
dans cette parole, écrite par un prêtre qui allait mourir à la fleur de
l'âge, alors qu'il donnait de si belles espérances à l'Eglise de France :
"Où n'v a-t-il pas un autel et une hostie à consacrer, et que faut-il de
plus iH)ur être un prêtre heureux ! '' Amen.
*
L'heure d'adoration se termina par le salut du T. Siint-
Sacrenient chanté par les prêtres. De toutes les heures du
Congrès Eucharistique, CBlle-ci fut assurément la plus conso-
lante pour le Cœur du divin Maître, et pour ceux qui la
vécurent l'une des plus délicieuses et des plus fécondes.
La seconde séance sacerdotale était close. Elle avait été
aussi biillante que celle de la veille. Dix-huit cents prêtres
l'avaieiii suivie avec intérêt.
— ( ô i —
§ III. — Séance du samedi, 10 septembre
La troisième et dernière séance sacerdotale se tint le sa-
medi matin, à cause des grandes assemblées d'hommes et
de jeunes gens qui devaient avoir lieu dans raprès-midi et
aux(|uelles tant de piètres tenaient à assister.
Cette dernière séance saceixlotale avait été mis? sous la
présidence deMoiiseigneur Maes, évêque de Covington, le dé-
voué président de l'Association des Prêtivs- Adorateurs aux
Etats-Unis. Il était assisté, comme secix'taire, par le vénér.3
M. Lecoq, supérieur de St-Sulpice. L'assistance, vu la messe
en plein air, qui venait d'avoir lieu au Parc Mauce par suite
d'un changement dans le programme, et vu aussi les deux
séances générales du Monument National et de l'Université
Laval qui avaient lieu en même temps, fut sans iloute moins
nombreuse que les précédentes: environ 700 prêtres la sui-
virent. Mais les travaux présentés ne furent pas moins in-
téressants.
Après quelques paroles de Mt^r le Pré."^i(lent. le R. P.
GaJtier, S. S. S., secrétaire du Comité des travaux, signale
plusieurs vœux soumis à l'apijrobation du Congiès. Il en
est un d'une particulière importance, reçu de plusieurs côtés
à la fois. On demande que des démarch<'s soient faites en
Cour de Rome pour obtenir que VOctave de la fêle du Très
Saint-Sacrement soit déclarée Octave privilégiée " ad iîustar Ef^-
pJiania£ et Pcntccostes ", et que soit étendu à tous les prêtres
le privilège, dont jouissent déjà certains instituts religieux,
de réciter durant toute cette Octave, l'office si beau et si
sacerdotal du Très Saint-Sacrement, le chef-d'œuvr<^ de
l'angélique Docteur.
Un tonnerre d'applaudissements ratifie cette proposition
et prouve qu'elle a été au cœur de tous les prêtres pi-éscnts.
Puis le Père Galtier donne communication d'un autr<» vœu
important: celui de voir solniniser la fête du Sacré-Cœur de
Jésus, le jour même où ell<» tombe, c'est-à-dire le vendredi
après l'Octave de la Fête-Dieu, jour nuqu<'l des grAces spé-
ciales sont attachées en vertu des promisses mêmes de Notre-
Seigneur.
24
— 738 —
La parole est alors donnée au premier rapporteur, M. l'abbé
Lecoq, Supérieur de St^Sulpice et Vice-Président du Comité
des travaux, qui doit traiter du : " Recrutement des vocations
ecclésiastiques.^'
Nous n'avons pu nous procurer de ce travail qu'un résumé
très court.
Notre-Seigneur a établi le recrutement sacerdotal en établissant un
sacerdoce qui doit durer toujours. C'est l'œuvre de l'épiscopat, mais
par le clergé inférieur. L'œuvre consiste : 1° à préparer le terrain
des vocations dans la famille, la paroisse, l'école, les groupes d'enfants
de chœur ; 2° à discerner les vocations dans les visites de paroisse et
d'écoles, mais surtout au confessionnal ; et dans une première culture de
triage à l'Ecole presbytérale ; 3° à cultiver les vocations selon l'esprit de
l'Eglise dans des maisons spéciales ou séminaires, le grand moyen de
culture étant — du premier éveil à la prêtrise — le culte vivant et vital
de l'Eucharistie.
Vœu :
Que chaque prêtre fasse toute sa vie de ce recrutement une de ses
œuvres, sinon son œuvre capitale;
Qu'il y associe tous ses auxiliaires-nés, mères de famille, instituteurs,
personnes riches, etc.
Monsieur l'abbé Perrier, visiteur des Ecoles catholiques,
de la ville de Montréal, présente ensuite une étude sur :
LES ŒUVRES POST-SCOLAIRES
Messieurs et bien chers Confrères,
On raconte qu'à la bataille de Eézonville, les Français et les Alle-
mands avaient les yeux tournés avec anxiété vers un point élevé que
dominait un clocher : c'était le village de Tronville. L'armée qui s'em-
parerait de cette hauteur serait sûre de la victoire, car elle pourrait y
déjouer l'effort de l'ennemi.
L'observateur attentif constate dans nos sociétés contemporaines une
même préoccupation. Tous les yeux sont fixés sur une position qui
attire tous les regards. Le camp du bien et le camp du mal concentrent
leurs efforts su»- un même point: c'est l'enfance, c'est la jeunesse qui
gardent le secret de nos destinées. L'ennemi veut s'en emparer. Nous
devons nous préparer à la lutte.
— 739 —
Nos écoles
Sans doute que dans plusieurs provinces du Dominion, nos écoles sont
catholiques, nos collèges sont dirigés par des maîtres catholiques, nos
universités s'inspirent également de la haute et sage direction de l'Eglise.
Dans la province de Québec, en particulier, on se réjouit à bon droit de
voir que les droits des parents sont respectés en matière éducationuelle,
et que leurs fils, qui sont des baptisés, reçoivent une éducation conforme
à leur foi et à leur éternelle dfstinée. Pourtant force nous est bien
d'avouer que nous avons besoin d'organiser des œuvres postscolaires pour
suppléer à la scolarité trop courte quand il s'agit de l'école primaire, et
pour préserver et pour développer l'œuvre commencée quand il s'agit
d'enseignement secondaire et supérieur.
Je n'ignore pas que l'Association Catholique de la Jeunesse Cana-
dienne-française organise des cercles d'étude. Déjà elle en compte qua-
rante; mais plus d'une vingtaine sont dans les collèges où ils rendent
sans doute de grands services en formant le jeune homme pour son rôle
social; pourtant il faudrait les multiplier pour s'emparer de la jeunesse
qui a quitté les établissements scolaires.
Œuvres existantes
Je veux également rendre hommage aux conférences de Saint-Vincent
de Paul, aux ligues du Sacré-Cœur, aux quelques cercles paroissiaux qui
existent, aux patronages des Frères de Saint-Vincent de Paul, à Québec
et à Lévis; des Frères de Saint-Gabriel à Montréal. Le 5 juin dernier,
vingt-cinquième anniversaire du patronage de Québec, n'avions-nou? pas
sous les yeux le touchant spectacle de voir deux cent cinquante " an-
ciens " répondre à l'invitation des Frères de Saint-Vincent de Paul, et
accuser ainsi la vitalité de l'œuvre? Je ne voudrais pas non plus omettre
les amicales réunions de certaines maisons d'éducation primaire et se-
condaire. Ces fêtes du retour des anciens à la vieille Aima Mater
retrempent les âmes aux souvenirs d'antan. On se reprend à vivre
l'idéal toujours très élevé que l'on faisait miroiter à nos yeux. 'Mai? on
dehors de ces précieuses initiatives que je ne saurais trop louer, je sens
le besoin de faire un plaidoyer imi faveur des œuvres post-scolaires qu'il
faudrait multiplier, si l'on ne veut pas que nos jeunes soient livrés sans
défense à l'ennemi au sortir de l'école.
I. — Nécessité des œuvres post-scolaires
Il est dans toute vie humaine une heure particulièrement décisive ;
est celle du passage
passage de la jeunesse
c'est celle du passage de ronfanco à l'adolescence, ou celle encore du
passaire de la jeunesse à la maturité, celle où l'enfant va devenir homme
et marcher publiquement au chemin voulu par lui: heure de crise sou-
vent, heure d'hésitation, d'angoisses et de combats d'où toute la carrière
dépend. . ^ ., , . ,
A ce moment-là. malgré la préparation des premières annecp. «i »•-
— 710 —
rieuse qu'elle ait été, il y a comme une ivresse de première liberté qui
éblouit et aveugle les meilleurs, comme un esprit de vertige qui emporte
l'âme aux extrêmes. Une lutte terrible, quelquefois très longue, s'engage
alors à l'entrée de la vie entre l'iniinnité humaine et la volonté du bien.
On dirait que l'ennemi des âmes jeunes les attend à ce passage pour
leur livrer ses plus rudes assauts et prendre plaisir à démonter ironi-
quemont pièce par pièce ou jeter d'un seul coup par terre, dans des
ruines pleines de larmes et de honte, l'édifice de l'éducation chrétienne,
comme s'il lui importait peu que l'enfance et la jeunesse fussent à Dieu,
pourvu que la virilité lui reste.
Un rempart pour les classes populaires
Les œuvres post-scolaires sont le rempart,' l'armure ou le refuge de
cette heure angoissante, qui sonne pour tous, mais plus terrible pour les
fils du peuple que pour tous les autres, parce que la plupart du temps,
il y a au foyer de l'ouvrier plus de tentation, et moins de défense, moins
d'exemples forts et plus de péril, plus d'inexpérience et moins de res-
sources. Voyez en effet ce qui se passe. A quatorze ans, le travail,
l'industrie, le commerce vont jeter les jeunes gens dans un milieu hostile
à leur foi, à leur vertu. Vont-ils persévérer dans leurs bonnes résolu-
tions? Ils sont exposés à oublier leurs croyances, ils voient la corrup-
tion autour d'eux. IS'e faut-il pas les éclairer, les affermir, les évangé-
liser? A qui ce ministère incombe-t-il surtout? Vous, membres de la
tribu sacerdotale, serez-vous indifférents au sort de ceux à qui vous
avez donné la vie chrétienne par le saint baptême ? Allez-vous les aban-
donner après les avoir nourris du lait de la doctrine jusqu'au jour de
leur première communion? Ouvrez des patronages. Eemplissez-les
d'attraits variés. Créez des œuvres de jeunesse.
Heureux les enfants qui peuvent être ainsi accueillis dans cette nou-
velle famille. Ils resteront fervents chrétiens.
Les parents se féliciteront de trouver des coopérateurs et des sup-
pléants dans un clergé qu'ils apprennent ainsi à connaître, à apprécier.
Ils se rendront aux fêtes, aux séances de l'œuvre. Un patronage peut
être pour le prêtre un foyer d'influence heureuse et d'apostolat dans la
famille et la paroisse.
îsTos jeunes gens grandiront libres, honnêtes et purs à l'ombre de nos
clochers; nous ne les laisserons pas croupir à l'entour des temples ma-
çonniques !
Aujourd'hui même dans notre pays, il s'agit de savoir si le prolétariat
ouvrier ira communier dans la haine de Dieu, aux pâques rouges ou, si,
dans nos églises, il continuera de prendre au banquet divin la place des
convives du cénacle, avec les artisans de Galilée.
" L'avenir est à ceux qui croient, à ceux qui affirment et à ceux qui
agissent."
Nos clochers sont nombreux sui notre sol canadien. Eh bien, il fau-
drait, comme le disait Bazire, en parlant de la France, qu'au pied de
chacun se fondât un groupe de jeunesse catholique, ne fût-ce que pour
défendre au moment venu, et ce moment est peut-être proche, l'église
que domine le clocher.
— 741 —
Mais si nous laissons les jeunes sans secours, comment voulez-vous
que nous n'ayons pas un grand nombre d'adolescents semblables à ceux
dont Lacordaire disait qu'à la fleur de Tâge ils portent déjà la flétrissure
du temps ? Comment voulez-vous que nous ayons une race de militants
qui soient armés de toutes pièces pour les combats de la vie?
Jeunes gens des classes aisées
Les œuvres de jeunesse sont nécessaires aux enfants des classes popu-
laires. C'est entendu. Depuis leur première communion jusqu'à
l'époque de leur mariage, ils vivent la période décisive de leur existence
et préparent leur vie. Ouvriers laborieux ou volontaires, sans travail,
citoyens honnêtes ou fauteurs de désordre, hommes religieux ou athées,
que seront-ils plus tard? Leur adolescence en décidera," Mais que l'on
ne croie pas que les œuvres postscolaires ne soient pas nécessaires aux
enfants des classes aisées, aux élèves de nos collèges classiques ou de nos
écoles supérieures, aux étudiants jetés sur le pavé de nos grandes villes.
Les jeunes gens qui ont fini leurs études et qui font leurs premiers
pas dans une carrière libérale, tous les jeunes gens doivent entrer dans
quelque association pour trouver un abri et une véritable formation
sociale. Ils sont nombreux les dangers iuliérents à leur âge. La foi
est battue en brèche même dans nos milieux catholiques. Elle est pro-
fondément vraie cette parole d'un de nos amis de France qui avait vécu
ici dans les meilleurs groupes de notre société canadionno-fran<;'aise et
qui disait dans toute la sincérité de son âme: " Votre peuple a des pra-
tiques religieuses; il parle comme s'il n'avait pas la foi." C'est que
nous souffrons de l'absence de convictions religieuses. Nos jeunes gens
cultivés ont besoin d'une instruction religieuse solide et d'une éducation
morale appropriée. On a fait remar.iuer que la science profane et la
science religieuse peuvent se comparer à deux plateanx d'une balance.
L'un des plateaux est en bas; à le charger, le jeune homme stu<lieux
passe des années entières et fournit une tâche de huit, dix et douze
heures par jour. C'est le plateau de la science profane. L'autre pla-
teau, au contraire, est en haut, à peu près vide; c'est celui de la science
sacrée. En efîet, à l'école primaire, cet enseignement est nécessairement
incomplet. Dans l'enseignement secondaire, on s'lial)ituf à considérer
l'instruction religieuse comme des hors d'œuvres. Qu'adviendra-t-il
alors de nos jeunes gens quand l'heure critique sonnera et elle sonnera
nécessairement?
" Que l'esprit d'un jeune hoiiimi', écrit M. l'abbé Fonsagrive^, soit
atteint par des doutes au point de la foi (et les doutes sont fréquents à
cet îise) ou bien que son cœur ou ses sens soient troublés, il faut qu'il
puisse trouver des appuis, dos guides sûrs, auprès d'une âme de prêtre
et d'ami qui soit entièrement à lui, auprès d'homnu'S plus âgés qui- lui
qui répondront à ses doutes et lui donneront, avec d'atTectueux conseils
la salutaire leçon de l'exemple. Dans une telle société le jeune homme
connaîtra mieux le cliristianisme. se pénétrera davantage de .«on esprit
et réglera sa conduite d'après les prét-eptcs de rKvan;;ile. \\\ <'ontact
du zèîe ardent de plusieurs de ses nouveaux amis il deviendra a})ôtre.**
— 74^ —
Œuvre de formation
Au surplus, les œuvres de jeunesse ne sont pas seulement des œuvres
de préservation pour la foi et la vertu ; elles doivent également être des
œuvres de formation. Jamais il ne faut négliger l'éducation de la
liberté juvénile ; et quand on se trouve en face des chefs de demain, il
faut songer à former des hommes de valeur, des hommes d'action, des
hommes d'influence. Ils auront un rôle social à exercer. Qui redira,
par exemple, le bien accompli par un médecin qui a conscience de ses
devoirs professionnels ? En soignant les misères physiques, il n'oubliera
pas les infirmités morales et volontiers, il atteindra au delà du corps en-
dolori la pauvre âme souffrante et affamée de vérité et de justice.
Mais pour cette action sociale il faut un apprentissage. Il est néces-
saire de connaître les maux les plus urgents pour savoir où porter ses
efforts, de connaître les remèdes efficaces pour éviter les tâtonnements, si
fertiles en pertes de temps et en découragements.
Il importe donc d'initier les jeunes gens aux œuvres et de leur faire
étudier les questions qui s'y rapportent. Cette étude s'impose surtout
à ceux qui doivent être capitaines et non pas simples soldats.
M. Ollé-Laprune avait bien raison de dire : " On s'improvise docteur
et l'on croit pouvoir tout décider, sans n'avoir jamais rien étudié. L'on
a quelques idées générales et quelques sentiments très généreux, et l'on
se croit en état de proposer des remèdes positifs aux maux sociaux. C'est
une grande imprudence, une grande témérité; et voilà pourquoi je crois
que c'est un devoir pour la jeunesse sérieuse d'aciquérir dans les questions
sociales une certaine compétence pour en traiter."
Théorie et pratique
Il faut donc des œuvres de jeunesse pour répondre à ces besoins. Je
pense en ce moment au cercle du Luxembourg, à la Conférence Olivaint,
à la Conférence Laennec, etc., où se groupent les jeunes gens qui vont à
Paris suivre les cours des écoles supérieures. Ils étudient et s'initient
aux œuvres sociales de tout genre. L'étude en effet ne suffirait pas. Il
faut tenir les jeunes gens sur le terrain solide de la réalité et joindre la
théorie à la pratique. Elle est vraiment d'or cette règle que donnait
jadis Goyau : " Agir avec toute son intelligence, étudier avec tout son
cœur, voilà l'idéal. En matière d'études sociales comme d'action sociale,
l'intelligence et le cœur ne doivent jamais être dissociés." Modératrice
et stimulant de l'étude, l'action sera de plus en plus, en elle-même un
excellent exercice.
C'est avec les jeunes de l'Université, c'est en soufflant dans leurs âmes
la flamme de l'apostolat que l'on pourra répondre au désir de Pie X qui
veut tout restaurer dans le Christ.
Voulons-nous relever dans les couches populaires la connaissance,
l'amour et partant l'imitation de Notre-Seigneur ? Cultivons chez nos
jeunes les conférences et en particulier les conférences apologétiques.
C'est ce que l'on a fait dans l'active Belgique. On a créé de multiples
cercles de conférenciers populaires à Mons, Louvain, Bruxelles, Gand,
— 743 —
Liège, Bruges et autres centres importants. On a institué " l'extension
de l'enseignement universitaire.'' Que les maîtres se lèvent aussi et se
révèlent en nous donnant des disciples dignes d'eux, et qui apprennent
sous leur direction à se familiariser avec ces grands thèmes, et à se faire
en autodidactes intelligents et intrépides, un riche répertoire de confé-
rences de ce genre.
Chez nos adversaires
Cette importance des œuvres postscolaires, les adversaires de l'idée
chrétienne l'ont bien comprise. Ils ont organisé tout un ensemble d'ins-
titutions dont M. Edouard Petit rend compte chaque année en entonnant
rh}-mne de la victoire. On reconnaît là-bas tout le parti que l'on peut
tirer d'une pareille organisation. L'on sent bien surtout que l'Eglise,
qui est une force conservatrice et conquérante tout à la fois, se sert de
ce moyen d'apostolat pour l'affermissement de sa puissance et la prise
de possession des âmes. Aussi bien nous ne sommes pas surpris de voir
tomber des lèvres de Lombroso cette confession sur la valeur des œuvres
de jeunesse créées par les catholiques.
" Quoique, par principe, je sois bien loin de m'incliner devant la sou-
tane du prêtre, il est toujours indéniable que, pour élever une jeunesse
honnête et tempérante, rien n'est plus efficace que de la réunir, les jours
de fête, pour l'occuper à d'honnêtes passe-temps et lui donner des ensei-
gnements moraux, précisément comme cela se pratique dans les œuvres
catholiques de jeunesse."
Ce témoignage doit nous encourager dans l'organisation de nos
œuvres.
Au surplus, nous avons des ordres formels de la part du Chef des
chrétiens. Léon XIII écrivait un jour au supérieur général des Frères
des Ecoles chrétiennes:
" L'œuvre des patronages est capitale. En instruisant les enfants des
écoles, les Frères n'ont fait que la première partie de leur besogne. I^
seconde est aussi importante, plus importante encore. Car sans les
œuvres de persévérance, le long et pénible travail de l'école serait pres-
que toujours compromis, parfois anéanti. Les enfants tomberaient en
sortant des mains des Frères dans celles des sociétés secrètes ou pul)li-
ques qui ont pour objef la destruction de la foi et pour résultat la ruine
des mœurs, et ils seraient perdus en immense majorité pour ri^i:li.^o et
la société chrétienne. IL FAUT, A MOINS D'IMPOSSIBILITE
ABSOLUE, QUE DANS TOUTE MAISON D'ECOLE EXISTE
COMME COEOLLAIKE INDISPENSABLE UN PATliONA(;E DE
JEUNES GENS."
C'est une réiïonse
Cet ordre me dispense de répondre aux amis du repos qui croient les
œuvres postscolaires inutiles en ce pays, smis prétexte que nos élèves ne
sortent pas des écoles neutres. Léon XllI parle bien des «'-«'oles conpré-
ganistes. Comment ne pas comprendre que toute école même eongréga-
— 744 —
niste, est insuffisante, parce que les élèves restent trop peu de temps
sous la direction de leurs professeurs, cinq ou six ans à peine et surtout,
ils quittent trop jeunes, au lendemain de leur première communion,
pour entrer soit dans un bureau, soit dans un apprentissage dans quel-
que atelier. Or, à cet âge l'enfant ne peut pas avoir achevé son éduca-
tion religieuse et morale. Surviennent les mauvais conseils, les mau-
vais exemples et, pour leur venir en aide le respect humain qui
commence par la honte du bien et finit par l'audace du mal ; et ils feront
des chutes lamentables dont ils se relèveront difficilement. Il faut une
voix de vérité qui leur montre la route. Il leur faut une main chari-
table qui panse leurs, blessures. A l'œuvre donc pour organiser ces
secours que tous nos jeunes doivent trouver au sortir de l'école. Caté-
chismes, instructions religieuses, conseils et encouragements donnés en
commun ne suffiraient pas, croyons-nous, à fortifier les âmes de ces
adolescents, à les maintenir dans la voie étroite du devoir, à les empê-
cher de butter aux cailloux de la route. Ce qu'il faut, c'est la force que
l'on trouve dans l'association, dans les patronages, dans toutes ces œuvres
que le vrai zèle sacerdotal est toujours prêt à créer.
II. — lies œuvres postscolaires sont possibles
Dans notre pays, où l'on ne sent pas encore vivement la nécessité des
œuvres postscolaires, on se laisse assez facilement décourager dans cette
entreprise par les difficultés que l'on rencontre dans toutes les œuvres
de jeunesse; et l'on jette alors aux quatre coins du ciel ce cri désespéré:
" A quoi bon ? — Je ne réussirai pas." Tel ne fut pas le sentiment de
l'abbé Allemand qui fut au siècle dernier le véritable fondateur des ins-
tiutions qui nous occupent. Il débutait seul sans argent, sans local,
sans aides, sans collaborateurs, avec deux enfants; et, à sa mort, il avait
trois cent cinquante enfants ou jeunes gens dans son patronage. Ne
sommes-nous pas dans des conditions plus favorables que lui ?
Ne voyons-nous pas autour de nous certains cercles paroissiaux qui
s'organisent? Il suffit du concours du clergé et des laïques, Le clergé
a la charge de l'apostolat. Mais il est une chose que nous avons trop
oubliée dans le passé; c'est que nous vivons à une époque oii le milice
de Dieu a le droit de n'être pas seule à repousser les assauts faits à
l'Eglise et à ses dogmes. Les laïques unis à leurs prêtres ont de nos
jours une vraie mission d'apostolat. Qui de nous ne se rappelle avoir
lu ces paroles tombées un jour du haut de la chaire de Notre-Dame de
Paris des lèvres d'un apôtre qui " bénissait au nom du Dieu des sciences
et du Père des miséricordes, les hommes dévoués à l'Eglise, d'avoir com-
pris le secours demandé par le sacerdoce à leur courage, à leur franchise,
à leurs convictions éclairées," et célébrait les " fruits glorieux " de leurs
efforts ?
Appel aux laïques
L'heure est venue pour nous de compter sur la générosité des laïques
pour nous venir en aide dans nos œuvres.
L'Association Catholique de le Jeunesse Canadienne-Française désire
— 745 —
ardemment former des cercles d'étude dans les différentes paroisses.
Favorisons leur entreprise. L'utilité de ces cercles d'étude n'egt pas
contestable. Ces jeunes gens deviendront les meilleurs auxiliaires de
nos œuvres. Bien vite ils constitueront une élite qui entraînera à sa
suite tous les jeunes de la paroisse. Pas n'est besoin de faire immédia-
tement une grande œuvre dont tous ks journaux seront remplis. Pas
n'est besoin de procéder toujours d'une manière uniforme. Autre est
l'œuvre de jeunesse d'une petite paroisse, autre est le patronage de tel
grand centre. Ici, on pourra d'abord organiser la société de Saint-
Vin£-ent de Paul en vue d'une œuvre sociale. Ailleurs la gvmna^tique
et les sports auront d'excellents résultats. " La régénération, disait un
jour M. l'abbé Anizan, viendra de mille petites œuvres fondées, soute-
nues et fécondées par le dévouement, la générosité et surtout l'humilité
d'hommes qui ne seront glorieux que dans l'éternité. Semons donc par
toute la France (disons, nous, par tout le Canada). Semons à la cam-
pagne comme à la ville, nos œuvres sans nous préoccuper de l'éclat
qu'elles jettent dans le monde. Travaillons à leur solide fondation, à
leur surnaturelle organisation; fécondons-les de nos sueurs et de nos
peines, abandonnant à Dieu leur avenir et leurs fruits. Ce sont là les
pierres d'attente que Dieu exige pour le grand et bel édifice de l'avenir
... Agissons sur un, deux, dix, vingt enfants.... Surtout groupons
ceux que nous pouvons, enfants ou hommes faits, cultivons-les comme
des plantes choisies, enseignons-leur l'apostolat."
Œuvre de vie
La vie et le mouvement sont requis dans les œuvres de jeunesse. Les
jeunes ont besoin d'agir, et si nous ne voulons pas les laisser aller aux
Y. M. C. A., et à d'autres cercles organisés ou inspirés par la franc-
maçonnerie, nous ne devons pas faire de nos cercles ou de nos patronages
une œuvre cadenassée où l'on s'endort, mais une œuvre ouverte où la vie
déborde.
Voici comment l'abbé Grandjean posait la question au congrès de
Saint-Etienne en 1907:
"Pour rendre une œuvre féconde et prospère, il faut qu'un directeur
expérimenté sache doser quatre éléments constitutifs dont aucune ne
doit exclure l'autre, à savoir la piété, l'enseignement, l'action et l'en-
train; et devrais-je passer pour un moderne à l'excès, je mets l'entrain
au premier rang comme importance car il est bien évident que pour bien
diriger les jeunes gens dans la piété, leur donner un enseignement reli-
gieux et social, les lancer dans l'action catholi<]ue, il faut d'abord les
avoir et on ne les a jamais dans une œuvre somnolente. Il faut du lanl
dans la souricière."
Doser ces quatre éléments dans une œuvre post-'^colnire doit être l'am-
bition d'un fondateur. Un bon g>Tiinaste peut très bien être fidèle ù sa
communion du mois et je crois autant à sa vertu et à sa chasteté qu'à la
vertu et à la chasteté "d'un saint tranquille.''
— 74(i —
Une base
Toutefois, rappelons-nous que les œuvres postscolaires doivent mettre
à leur base la piété. Et parmi les exercices de piété^ elles doivent mettre
au premier rang la dévotion au Saint-Sacrement de l'autel sous toutes
ses formes. On doit surtout incrire en lettres d'or, à la première ligne
des règlements, le précepte de la messe du dimanche, comme condition
de la vitalité surnaturelle, et recommander instamment la communion
au moins mensuelle. Que tout dans nos œuvres tende à décider nos
membres à se nourrir fréquemment de l'aliment divin de la sainte
Eucharistie. Ce qui fait la honte de notre siècle, c'est le manique de ca-
ractère de nos pusillanimes, c'est l'absence de volonté ferme. L'En-
charistie apportera remède à ces faiblesses et donnera la force héroïque
des martyrs et des apôtres de la primitive Eglise. Si les enfants de nos
patronages et membres de nos cercles faisaient souvent la sainte com-
munion, nous pourrions espérer, avec l'apôtre saint Paul, que la chair
de Jésus-Christ se mêlant à leur chair, le sang de Jésus-Christ se mê-
lant à leur sang, ils finiraient par avoir quelque chose des idées et du
Cœur même de Jésus-Christ.
Ce qu'il faut encore et surtout à nos jeunes, c'est le pain qui fait les
forts, c'est le vin qui fait germer les vierges.
Que l'on s'approche donc du banquet eucharistique au moins le pre-
mier dimanche de chaque mois. Ainsi on formera des catholiques
pratiquants; mais on aura soin de dire à ces chrétiens qu'ils doivent
être des chrétiens dans tous leurs actes de citoyens. N'a-t-on pas vu,
ici même, dans notre bonne ville de Montréal, des gens qui font leurs
pâques et qui votent pour un député franc-maçon.
Ce n'est pas ainsi que nous voulons préparer la jeunesse pour les luttes
de demain. Nous voulons lui apprendre à se dompter elle-même et à
se sacrifier pour la Patrie et pour l'Eglise. Nous voulons que chacun
de nos jeunes redise ces paroles du poète :
Nous sentirons jaillir de notre humble poitrine
Le floi qui doit couler sans s'épuiser jamais.
Le flot du dévouement, le flot du sacrifice,
La chrétienne fierté d'aller, drapeaux au vent.
Contre l'erreur, le mal, la peur ou l'injustice.
Croix au cœur, plume en main, et toujours : En avant !
Travaillons avec courage, suivons les bonnes méthodes dans le travail,
persévérons dans l'effort et la méthode ; et avec le secours de Dieu nous
surmonterons tous les obstacles et toutes les difficultés. L'espérance,
fille du ciel, nous fait déjà entrevoir la réalisation des résolutions viriles
et énergiques qui sortiront de ce Congrès. C'est sous ses auspices que
nous formulons les vœux suivants :
— 747 —
Vœux
I- — ^e Congrès désire voir les œuvres postscolaires s'établir en ce
pays et souhaite que l'on mette à exécution cet ordre de Léon XllI au
supérieur général des Frères des Ecoles Chrétiennes : "Il faut à moins
d'impossibilité absolue, que dans toute maison d'école existe, comme co-
rollaire indispensable, un patronage de jeunes gens."
1. Que les cercles et les patronages forment et fournissent les apôtres
de la croisade de la sanctification du dimanche, de l'assistance à la messe
et de la communion fréquente.
2. Que les prêtres soient invités à fonder des patronages paroissiaux
et qu'ils se réunissent tous les mois pour mettre en commun leurs vues,
leurs besoins, leur expérience. Ces conférences pourraient se tenir le
jour de la retraite du mois.
3. Que Von forme au séminaire des prêtres, futurs directeurs de pa-
tronages et d'œuvres de jeunesse. C'est là qu'ils doivent recevoir la
doctrine, s'imprégner à haute dose d'esprit chrétien et d'esprit aposto-
lique.
Puis, c'est M. le chanoine LameraïuJ, de Cambrai, dont
nous avons entendu, hier, un rapport sur les Conlréries du
T. Saint-Sacrement, qui revient à la tribune avec un impor-
tant rapport sur :
LES CONGRES EUCHARISTIQUES REGIONAUX
Pie X, étant patriarche de Venise, orfjanisa et présida en IMU;. un
Congrès Eucharistique pour son diocèse. Il avait jugé bon, pour donner
de l'importance à ce Congrès, de l'annoncer et de le préparer par une
lettre pastorale où il disait : " Nous qui savons combien facilement
l'homme se refroidit et languit spirituellement, s'il ne reçoit de
temps en temps la secousse d'un stimulant extraordinaire,. . . . nous qui
touchons, pour ainsi dire de la main la valeur <!(• rexcmple pour en-
traîner au bien, nous estimons (|ue les Congrès Eu<haristiqucs sont non
seulement utiles, mais positivement nécessaires."
C'était joindre la pratique à la théorie. Pie X est coutumier du fait,
et c'est bien l'un des grands titres qu'il a ac(juis à notre ardente recon-
naissance. Xous pouvons croire d'ailleurs que le Congrès <le Venise a
répondu à ses espérances, pui9<pie monté sur le siège de S. Pierre, il
voulut dans une juridiction agrandie, provoquer la tenue d'un Congrès
International à Rome.
Pie X est allé du petit au grand ; je me permets de vous proposer,
Monseigneur rArchevwpie, d'aller du gran»l au petit: marche dans le
sens inverse. " Mais, dit-on vulgairement, on fait comme on peut."
— 748 —
Pie X ne pouvait faire autrement, et vous, Monseigneur, comment
pourriez-vous monter encore, après avoir commencé par un Congrès In-
ternational ? et quel Congrès International !
Vous me trouverez bien osé, si j'ajoute 'que vous serez ainsi dans la
vraie voie. Après un grand Congrès, faites de petits Congrès ; après un
Congrès international, un Congrès régional ou diocésain, ou plutôt des
Congrès régionaux ou diocésains. Chercher à convaincre mon sympa-
thique auditoire sur ce sujet d'une importance capitale au point de vue
pratique, c'est l'objet de ce rapport; j'espère justifier mon dire et gagner
mon procès.
j^ous voulons du pratique; nous poursuivons un but; il nous faut des
résultats. Pour cela, nous faisons des réunions plus restreintes ou
plutôt homogènes, je veux dire composées de Congressistes d'une même
région, d'un même diocèse, afin qu'ayant la même mentalité et aussi les
mêmes œuvres, ils se trouvent plus facilement en communauté d'idées.
Dans un même diocèse, c'est le même esprit, mêmes tendances, mêmes
moyens. On y trouve aussi, au point de vue des œuvres, mêmes faci-
lités et mêmes obstacles, on peut y user des mêmes moyens. Il y a donc
une base commune sur laquelle s'établira» plus facilement une discussion ;
on pourra très aisément et certains d'être compris, causer, dire, le pour
et le contre, s'entendre enfin pour dégager de la conversation un mot
d'ordre qui, résumant les idées émises, devient la résolution acceptée par
tous et ensuite réalisée partout.
Je ne blâme pas, vous le pensez bien, les grands Congrès. Loin de là ;
ils sont nécessaires, ils sont la base des autres. Il est utile d'en tenir
chaque année dans les différentes contrées du monde catholique, et c'est
avec orgueil, croyez-le, chers Frères du Canada, que nous nous trouvons
cette année, pour ce noble objet, dans vos contrées. Mais le but des
grands Congrès est surtout d'éveiller les idées, de provoquer un mou-
vement, déterminer " une secousse " selon la belle expression de Pie X,
dans un pays qui n'était pas encore fait à cet ordre de choses. Puis
quand l'attention est attirée et que le branle est donné, reprendre en
sous-œuvre les traits de lumière lancés brillamment dans les solennelles
séances d'études, ^devient une nécessité, si l'on veut en recueillir quelque
fruit.
Les deux ont donc leur grande raison d'être, et Pie X, en 1905, les a,
pour aiusi dire, confondus dans son appréciation bienveillante, quand il
accorda les mêmes privilèges et indulgences aux petits et aux grands
Congrès, quand il daigna approuver et bénir spécialement nos petits
Congrès du Nord de la France, dont j'eus l'insigne honneur de l'entre-
tenir dans une audience personnelle, non seulement par des paroles
encourageantes et élogieuses, mais par sa signature que je regarde et
garde comme une relique. Dois-je ajouter que le Cardinal Vives me
déclara explicitement à moi-même que, les petits Congrès tels que nous
les faisons sont plus utiles que les grands; il a voulu dire, sans doute,
plus immédiatement utiles et pratiques.
Pour vous donner une idée nette de ces Congrès régionaux, je n'aurai
qu'à répondre aux questions qui m'ont été posées par votre distingué
eecrétaire, ajoutant toutefois que si dans mon exposé je parle de congrès
— 749 —
d'un jour et pour un doyenné, je n"ai en cela que le désir d'être rap-
porteur fidèle en vous disant ce qui se fait chez nous. Ce sont détails
sur lesquels je ne veux pas appuyer. En Amérique, nous le savons et
nous le voyons avec admiration, tout se fait en grand : Vos congrès
seront donc appelés à grouper le clergé- et les fidèles d'une région plus
étendue, voire même d'un diocèse, et comme conséquence nécessaire, la
durée en sera plus considérable. Un travail de simple adaptation suf-
fira à mettre les choses au point.
I, — Ce qu'on y fait
Xos petits Congrès, comme tous les autres, comprennent deux sortes
d'exercices: les cérémonies du Culte et les Eéunions.
Les cérémonies religieuses, rendues aussi belles que possible, honorent
directement la Sainte Eucharistie, donnent l'occasion de faire de grands
et officiels actes de foi en la diviue Présence, provoquent des adorations
plus ou moins prolongées selon les circonstances, et portent bon nombre
de chrétiens à s'approcher de la Sainte Table. Les prédications faites
en cette occurrence, éminemment favorable, roulent nécessairement sur
les sujets de dévotion eucliarisiique et facilitent l'application immédiate
de ce qui a été dit en séance.
En voici d'ailleurs le détail :
Comme préparation du Congrès, les curés peuvent, — et c'est ce qui
se produit le plus souvent — ménager à leur paroisse une semaine ou
un triduimi de prédications. On conçoit les résultats précieux qu'elles
produisent: les intelligences et les cœurs sont ainsi amenés à Jésus et
disposés à s'occuper avec plus d'empressement et d'ardeur de ses divins
intérêts. Ce pourrait être d'ailleurs l'occasion la plus favorable pour la
paroisse organisatrice du Congrès, de placer le triduum eucharistique
annuel demandé par Pie X. Et si, par une entente préalable, les prin-
cipales, au moins, des paroisses qui doivent participer au Congrès, pou-
vaient avoir leur triduum en celte occurrence, quelle imj)urtance serait
par là donnée au congrès de la région, et, pour les congressistes eux-
mêmes, quelle efficace préparation à en recueillir les fruits.
La veille au soir, nous Taisons toujours l'e-xercice de " l'Heure Sainte.''
On connaît cette manière de passer une heure devant le Très Saint-
Sacrement exposé, dans une méditation divisée en quatre parties, suivant
la méthode des Fins du Sacrilice, alternant avec des monicnt^^ de silence
et des chants exécutés par toute l'assistance. Quehjuefois — assez
rarement chez nous du moins — une adoration nocturne groupe ensuite
les hommes au pied de Jésus, tandis que tous les paroissiens, sans aucune
exclusion, ont pu prendre part à l'heure sainte.
Le jour même du Congrès, Messe de communion célébrée par Mon-
seigneur, (juand il peut venir présider en pereonne, ou par le Vicaire
général qui le représente, pendant la(|uelle on exécute des chants et on
fait à haute voix la préparation à la sainte Communion, exercice assez
goûté, je crois, et toujouis utile pour éloigner de la routine ceux qui
n'ont'qu'une seule méthode de préparation, toujours la même. A l'heure
— 750 —
ordinaire, la Grand'Messe (ou Messe Pontificale) avec prédication par
le président du Congrès et chant de toute l'assistance à l'unisson. Mgr
l'Archevêque tient beaucoup à ce que l'on profite de cette occasion pour
porter le peuple, s'il ne le fait déjà, à participer au chant de l'Eglise.
Réalisation encore d'un des désirs de Pie X.
Aux autres messes le Directeur des Œuvres eucharistiques prêche
ordinairement sur le Congrès et la piété eucharistique. On trouve gé-
néralement à ces messes les personnes qui n'assistent pas aux réunions
du Congrès; il faut leur faire subir leur petit Congrès par une prédi-
cation qui en tienne lieu.
Le soir, après la séance, et à titre de clôture. Vêpres solennelles: ce
doit être une cérémonie qui porte coup. Dans la prédication on rap-
pelle les vœux et les résolutions émis dans les différentes séances et on
stimule les assistants à s'y montrer fidèles. Une procession se déroule
ensuite, soit à l'intérieur de l'église, là où nous jouissons de la liberté
telle que l'entendent nos ennemis, soit au dehors, si nous avons la liberté
telle que nous l'entendons nous-mêmes; dans ce dernier cas l'allocution
se fait à un reposoir où toute la foule massée peut entendre la parole
finale et emporter le mot d'ordre pour plus de piété et plus de fidélité
envers Jésus-Hostie. Des acclamations à l'Eucharistie terminent la
cérémonie, donnant au peuple l'occasion appréciée d'affirmer sa foi et
son amour, et Jésus y répond par sa divine bénédiction avant de congé-
dier ses enfants.
Les réunions sont le vrai Congrès, et, de la manière de les tenir, dé-
pend tout le fruit du Congrès. Par une innovation assez récente, nous
avons tenu à donner d'abord une réunion aux enfants. Suivant leur
nombre on rassemble ou on sépare les garçons et les filles, et le meilleur
moment pour cette séance est celui qui suit la Grand'Messe. On inter-
roge ces enfants sur les points les plus importants du dogme et de la
morale eucharistique ; quelquefois même on leur fait lire un petit devoir
qu'ils ont eu à rédiger, et sur ce qui a été lu, on provoque développements
et commentaires où les enfants s'évertuent à donner un témoignage de
leur science: c'est souvent très intéressant et toujours très profitable;
excellente occasion de leur faire dire par eux-mêmes comment ils doivent
agir pour répondre aux désirs du divin Maître, et moyen efficace de
prescrire contre l'oubli.
Dans l'après-midi, se tiennent les autres Eéunions : celle des Dames et
jeunes filles d'une part; celle des Hommes et jeunes gens, de l'autre.
Si nous manquons de locaux, nous utilisons l'église, passant sur l'in-
convénient que présente ce système, car il y a un inconvénient, c'est que
l'église prête moins qu'une salle ordinaire à une réunion où s'établissent
nécessairement conversations et discussions.
Le respect dont on est pénétré par le lieu saint dispose plutôt l'as-
sistance à écouter le prêtre (qui semble y être toujours plus ou moins
prédicateur^ qu'à hasarder une réflexion ou une objection. (Eviter
cependant de faire monter en chaire les rapporteurs et surtout les rap-
porteuses ; on dit que ce n'est pas chose inouïe.) Mais cet inconvénient
ne Ro présentera guère chez vous, si vous pouvez faire des congrès de
— 751 —
deux ou trois jours. Vous aurez alors la facilité d'organiser vos
horaires d'une façon beaucoup plus large, ce qui vous permettra d'ail-
leurs de faire parallèlement aux réunions, des cérémonies d'adoration à
l'église. Jésus sera ainsi honoré des deux façons à la fois.
Vous pouvez même faire le plus souvent ce que nous ne faisons que
rarement chez nous, une répartition plus sériée encore: une réunion pour
les hommes, une pour les jeunes gens, une troisième pour les dames et
les jeunes filles, et une ou deux pour le clergé. En effet, comme votre
rayon, pour chaque Congrès, sera beaucoup plus étendu que le nôtre, les
prêtres seront en nombre suffisant pour être convoqués en réunion spé-
ciale: qui n'en voit la grande utilité? C'est ce qui eut lieu en juin
dernier au Congrès diocésain de Metz : le Congrès devant être de deux
jours, les prêtres avaient été convoqués seuls le premier jour et répartis
d'après leur libre choix, en diverses sections pour l'étude des questions
qui les intéressaient davantage. C^tte méthode de diviser les sections
est agréable et utile à tous, aux jeunes surtout qui se trouvent moins
ralentis dans leur élan et font preuve d'une plus grande générosité. En
un récent Congrès organisé dans ces conditions, le président de la sec-
tion des jeunes gens disait à ses auditeurs en levant la séance, " je ne
sais pas ce qu'ont été les autres réunions, mais je ne crois pas trop
m'avancer, en affirmant que la nôtre aura primé en intérêt." Pour moi
qui présidais celle des hommes, j'aurais pu tenir le même langage et
avec grande sincérité, toute notre séance avait été remplie et pratique;
les autres présidents n'ont pas été éloignés de parler de même, d'après
les échos qui m'en sont revenus, de sorte que trois au moins étaient
dans l'illusion: peu importe, pourvu que les fruits soient obtenus.
A supposer d'ailleurs que tout local soit insuffisant, ce qui arrive par-
fois, reste la ressource de la réunion en plein air. Kécemment en
Finistère, l'affluence des congressistes fut telle que nul abri ne put les
contenir : on fit passer le monde dans la cour du patronage, on y apporta
la table du président, et le président pour être vu et entendu de tous,
ne trouva rien de mieux que de monter dessus.
Dans nos réunions, lecture de rapports courts, simples, excluant tout
développement dogmatique et toute littérature, pour no donner f|Uo des
statistiques, des faits, le fonctionnement des œu\Tes, et laisser à la dis-
cussion le temps de se produire et faire germer des idées: c'est de là que
doivent venir les fruits du Congrès. Combien de rapports? Trois suf-
fisent amplement, " omne trinum perfecium'' (juelquofois doux,
rarement quatre. T^ sujet principal, du côté dos homnios oi^t toujours
la Confrérie du Très Saint-Sacrement. Nous donnons une importance
maîtresse à la Confrérie du Très Saint-Sacrement et nous chorchons à
rétal)lir partout: c'est l'association surnaturelle par oxcollenco. Elle
nous suffit, parce que nous aimons mieux une œuvre à laquoUe se rat-
taclient plusieurs pratiques que plusieurs œuvres différentes. (Ce sujet
étant traité " ex professa " dans ce Congrès, je ne m'y arrêterai pas
davantage.) C'est le moment de proposer les industries (lui doivent
faciliter^=«m établissement, d'examiner sa marche dans les diverses pa-
roisses Est-elle en progrès? en décadence? pourquoi? est-on fidèle aux
— 752 —
réunions? Produit-elle sur ses membres, spécialement en ce qui con-
cerne la communion fréquente, le fruit qu'on est en droit d'en attendre ?
les réponses à toutes ces questions remplissent le temps qui suit la lec-
ture du rapport, fournissant le principal intérêt de la réunion, comme
elles en provoquent le résultat. (1) La réunion des hommes doit toujours
être la principale dans Torganisation comme dans nos préoccupations.
La raison en est connue : ceux que le bon Dieu a fait la tête des familles
et les chefs de la société, doivent l'honorer et l'aimer plus que les autres.
Pour les jeunes gens, qu'il nous faut entourer aussi de toute notre solli-
citude, c'est à leurs œuvres que nous nous intéressons, les orientant vers
le culte eucharistique et leur indiquant le moyen d'y participer aussi
pleinement que possible. Autant que faire se peut, c'est le directeur
diocésain des œuvres de jeunesse qui est appelé à présider cette réunion ;
il est alors sur son terrain et peut mieux que personne diriger le ba-
taillon.
Du côté des dames, si elles ont dans leur paroisse une section spéciale
de la confrérie, nous demandons quelle est leur pratique officielle; nous
montrons d'ailleurs qu'il faut qu'elles en aient une, comme les hommes
ont la leur. Une riche veine à exploiter pour les dames, dans les villes
surtout où elles jouissent généralement d'un peu de loisir, ce sont les
œuvres de réparation par l'Adoration, la Messe ou la Communion (com-
bien il y a à faire sur ce point !) et leur participation dévouée aux diffé-
rentes œuvres établies dans la paroisse.
Aux jeunes filles plus spécialement encore on demande l'apostolat, le
dévouement aux œuvres; on recommande l'œuvre des catéchistes volon-
taires et celle des Tabernacles.
Quant aux réunions de prêtres, les sujets pratiques de ministère pas-
toral, d'apostolat et de sanctification personnelle, ne manquent pas.
La matière ne manque pas ni à nos congrès comme sujet d'examen et
d'étude, ni aux congressistes comme objet de leur dévouement : " messis
multa." Nous cherchons à multiplier les ouvriers et les ouvrières afin
que la plainte du Seigneur devienne moins urgente, " Operarii pauci;"
et je reste persuadé. Messieurs, que les congrès sont pour atteindre ce
but, l'instrument le plus efficace.
II. — Résultats
Les résultats des Congrès sont moins chez nous des créations d'œuvres
que des résurrections. Oui, je crois pouvoir le dire, c'est la vie rendus
dans une large mesure à ces anciennes Confréries, qui dormiraient du
sommeil de l'insouciance non seulement image de la mort, mais fatal
acheminement vers la mort.
La " secousse " a produit son effet. Elles revivent, parce que le re-
crutement se fait et parce que les réunions se tiennent, grâce au
stimulant du Congrès. Nous avons cependant aussi des créations à
(1) On doit discuter d'une manière spéciale les industries a prendre pour
amener les hommes il une fréqucntaticn plus assidue de l'Eucharistie.
, —753 —
enregistrer: dans ces dernières semaines j"ai inauguré quatre nouvelles
confréries dans le diocèse, et bien qu'il y ait encore de trop nombreuses
lacunes, le temps viendra où toutes les paroisses auront la leur.
Les œuvres des dames ont été aussi ralîermies ou nouvellement cons-
tituées; un exeanple seulement: en septembre dernier au Congrès
d'Halluiu, on avait proposé préalablement à M. le Curé, rétablissement
de l'Adoration diurne continue dans sa paroisse: assentiment complet.
Tous les elt'orts convergèrent donc vers ce point dans les réunions de
Dames et de Demoiselles; on en parla aussi du côté des hommes. M.
le Curé voulait commencer dans des proportions modestes — mieu.x vaut
en effet augmenter dans la suite que diminuer. On s'en tiendrait à
deux heures d'adoration le matin et quatre ou cinq heures dans l'après-
midi, et on avait calculé qu'il fallait pour former les catlres 1G8 adhé-
sions; on en recueillit au lendemain du Congrès plus de 300.
Si nous avons dans le diocèse 10 paroisses où se pratique l'Adoration
diurne continue, c'est un résuluit des petits Congrès, et nous arriverons,
je l'espère, à dépasser la dizaine. 11 y a dans notre diocèse quelques
paroisses encore qui pourraient tenir sans interruption pieuse compagnie
au Très Saint-Sacrement tous les jours de la semaine. D'autres n ont
pas pour cela assez de ressources; nous leur demandons et obtenons un
jour d'adoration par semaine. D'autres en plus grand nombre, nous
donnent un jour par mois, le premier vendredi. D'autres enlin quel-
ques heures, de ce premier vendredi du mois, soit le matin, soit l'après-
midi. Mais si cette prati<iue a puisé dans un Congrès son origine et son
fonctionnement, un autre Congrès peut l'élever à un degré supérieur; ce
sera peut-être le fruit d'une noble émulation entre paroisses voisines.
" Quod isti et istœe, car non ego ? " D'une adoration de quelques
heures, on passera ainsi à l'adoration de la journée tout entière, ou d'un
jour d'adoration par mois, on passera à un jour par semaine. C'est
l'évolution dans le bon sens, n'est-ce pas?
Mais le résultat le plus saillant et qui n'est pas pour déplaire à notre
éminent légat, rédacteur du fameux dc*cret de IDOô et persévérant pro-
moteur de ce mouvement eucharistique, c'est l'augmenlution notable des
communions qu'on signale partout et qui ira toujours s'accentuant. Car
nous continuerons à travailler, et comme la boule de neige, les habitudes
eucharistiques se développeront dans des proportions sans cesse crois-
santes. Tout d'ailleurs porte au jjrogrès : le bon exemple des fervents
qui est un entraînement inéluctable, et l'impulsion périodi(juement
donnée par les Congrès successifs.
Au surplus, s'il est permis de parler en toute frundiise, les résultats
d'un Congrès seront pour une paroisse ce (jue voudra le curé. Les curés
seront toujours le rouage essentiel et nécessaire: ils pourront beaucoup
pour les Congrès, mais les Congrès ne pourront rien sans eux.
Au retour d'un Congrès, un pasteur se <leman<]era: '* Dans tout ce qm
a été dit, (|uelle est la chose la plus pratique pour ma paroisse, et com-
ment la réaliser chez moi?" D'ailleurs, si un certain nombre de ses
paroissiens étaient comme lui présent» au Congrès et ont comme lui en-
tendu prôner <ctte organisation, ont applaudi p«'Ut-i'tre au.\ résultati*
qu'elle a fournis dans telle paroi&se mentionnée, le curé trouvera chez
— 754 —
eux uu appoint fort appréciable. Ces auditeurs convaincus formeront
le premier noyau de son association, et les autres s'y adjoindront d'au-
tant plus facilement. Il évitera de plus les tâtonnements du début et
échappera aux difficultés que lui aura signalées l'expérience de son con-
frère. Qui ne voit l'avantage immédiat que peut se procurer par un
Congrès un prêtre ayant charge d'âmes?
III. — Manière de les préparer
Les Congrès ne se font pas tout seuls. Pour qu'ils s'organisent il
faut un agent, un prêtre qui ait à ce sujet un mandat, non pas sans
doute un mandat impératif, mais un mandat " impulsif." C'est avec
une sorte de timidité sans doute, avec humilité du moins que j'aborde
ce point, car ce n'est plus à vous. Messieurs, mais à Nos Seigneurs les
Evêques que je m'adresse ici en leur demandant d'examiner cette ques-
tion: un prêtre ne remplirait-il pas un rôle important et très fructueux
dans un diocèse, en y dirigeant les œuvres eucharistiques ? Pour moi, qui
pour la onzième année remplis cette belle mission dans le diocèse de
Cambrai, je n'hésite pas à me prononcer pour l'affirmative. Et je pense
n'avoir rien fait, quand pénétrant dans un diocèse voisin, où l'on daigne,
m'appeler quelquefois, j'ai pu obtenir la tenue de quelque Congrès, si
après mon départ, personne n'est chargé d'entretenir la germination de
la semence jetée. Le Congrès a pu être brillant, édifiant, mais quel en
sera le fruit? Qui d'ailleurs provoquera les Congrès? Car les curés,
sans une impulsion reçue, n'en prendront pas aisément l'initiative. De
plus, l'habitude leur manquant, n'hésiteraient-ils pas trop devant l'in-
connu de l'organisation? Au contraire, cette mission étant confiée à un
prêtre spécialiste — le mot est à la mode — toute vraie difficulté dis-
paraît. Du reste, là ne se bornera pas sou œuvre, fournir les rensei-
gnements désirables et faire l'adaptation au milieu désigné, des
pratiques d'un règlement général. Que de fois ne se condamne-t-on pas
à l'inaction parce qu'on ne sait par oii commencer? Les curés pourront
aussi demander ce prêtre pour présider les réunions des œuvres, certains
qu'il sera documenté, qu'il trouvera le nœud d'une difficulté et plus
facilement donnera le moyen d'un accroissement ou d'un progrès désiré.
Ne serait-il pas toujours prêt enfin pour donner le triduum eucharis-
tique annuel? en un mot, il serait l'homme toujours à la disposition des
curés pour les aider, dans la mesure de leurs désirs, à établir, consolider
et développer les organisations eucharistiques de leur paroisse ; la charge
d'ailleurs ne serait pas entièrement nouvelle et ne serait pas non plus
exclusive. Presque partout l'œuvre des Prêtres-Adorateurs a un direc-
teur diocésain. Que ses pouvoirs soient un peu étendus — si toutefois
il n'est pas curé car il y aurait incompatibilité entre le misnistère parois-
sial et cette charge d'ordre général. — Qu'il lui soit permis d'atteindre
par les pasteurs les populations elles-mêmes, et on constatera bientôt les
résultats très consolants dans la marche des œuvres et même dans la
piété privée. Ne serait-ce pas d'autre part le moyen de pousser la trouée
dans cette citadelle du Jansénisme si difficile à entamer et de hâter la
— 755 —
réalisation du vœu de Pie X par rapport à la communion fréquente et
quotidienne? Ce directeur aurait donc la charge de provoquer les con-
grès sucessivement dans les centres les plus importants du diocèse, soit
qu'on en ait un chaque année, qu'on se contente d'en avoir un chaque
deux ou trois ans.
Avis étant pris à l'évêché, la démarche intéressée se produit. '" A
votre tour, M. le Curé, d'organiser le Congrès cette année," et on s'entend
sur la date, on élabore l'horaire et le programme, on énumère les rap-
ports. Le premier rapport est toujours le compte rendu du Congrès
précédent : on établit ainsi une suite dans les idées. Les autres rapports,
peu nombreux pour chaque séance, avons-nous dit, doivent avoir pour
objet les œuvres établies ou que l'on juge utile d'établir dans la région.
Xe pas craindre de revenir toujours sur les mêmes sujets et, bien que la
matière puisse être plus étendue dans un congrès de plusieurs jours, il
sera toujours vrai qu'un choix judicieux des questions à traiter est
chose hnportante; il économise le temps et empêche la conversation de
s'égarer sur des questions purement théoriques ou non applicaljles dans
le pays. On propose ensuite les prédicateurs. Il va sans dire que le
directeur a aussi son tour. Quelquefois le directeur est invité à visiter
les salles du futur Congrès, à donner son avis sur le parcours de la pro-
cession, l'emplacement du reposoir; puis toutes difficultés surmontées,
l'organisateur se met à l'œuvre et, grâce à Dieu, nous n'avons pas à dé-
plorer de déconvenues.
Pour préparer les populations au grand acte qui va se produire et les
aider à en retirer plus de fruits, un directoire a été rédigé par Mgr
Delamaire; MM. les Curés de notre diocèse doivent le lire et le com-
menter en chaire un ou deux dimanches avant le Congrès. Plus efficace
encore serait le triduum proposé tout à l'heure pour amener à la Sainte
Table les congressistes de paroisses voisines qui pouvt'ut «•oiiuiu' les
autres bénéficier des indulsiences.
IV. — Obstacles ou difficultés
Je n'en connais que deux : le premier obstacle est déjà du domaine de
l'histoire ancienne. Dans le début de nos œuvres eucliaristiques, il y a
de cela 10 ans, je rencontrais assez fréquemment de l'iu-sitation chez les
prêtres à qui je proposais d'organiser un Congrî>s. Avouons qu'il faut
toujours un peu d'amlace pour prendre la tête d'un mouvement. " Si
j'accepte, irai-je à un succès ou à un échec ?" et on craignait de courir
cette chance. Heureusement, quelque bon ange d'ailleurs les poussant,
il se rencontra des audacieux et la fortune, ou plutôt la grâce, les aida.
Ce fut le succès, je puis le dire, sur toute la ligne, car si je connus des
hésitants avant le Congrès, je ne connus aucun regrettant, le ('(Uigrès
terminé. Aujourd'hui et depuis longtemps, il est de bon ton d'ac<opter
les Congrès sans aucune objection et même avec empressement ; nous
jouissons de la vitoseo acquise. Parfois même «»ii va trop vite, et il
arrive que mon rôle soit de faire prendre jiatirnce aux plus pressés.
— 756 —
L'autre .difficulté n'est pas de votre fait — et je vous en félicite ■ — .
Elle est d'ordre pécuniaire. Vous savez où nous en sommes sur ce point.
Elle a cependant été résolue et se résout encore tous les jours. Personne
jusqu'ici n'a reculé pour les frais.
Le grand élément de succès, au contraire, se trouve, chers Confrères,
dans le sacerdoce, en vous-mêmes; dans le ton de l'invitation que vous
adressez à vos paroissiens. Vous y mettrez l'ardeur qui remplit vos
cœurs et vos brebis vous suivront.
Vous venez de voir ce que nous avons fait depuis dix ans, et je pense
pouvoir dire que le meilleur témoignage de l'utilité éminemment pra-
tique de cette organisation est non seulement sa 'durée, mais sa pros-
périté croissante durant un laps de temps qui aurait largement suffi à
la voir sombrer et la faire même oublier, si elle n'avait donné de solides
résultats. Bien loin de la décadence, nous enregistrons, au contraire, à
chaque instant, de nouveaux progrès. Cette année même huit diocèses
de France sont entrés dans ce mouvement, de sorte que trente-deux dio-
cèses français ont eu ou auront eu à la fin de cette année leurs Congrès
Eucharistiques.
Il semble bien que ces Congrès sont dans la grâce providentielle du
temps présent !
Vœux :
J'ose les présenter comme un des résultats les plus pratiques et les plus
féconds du XXIe Congrès Eucharistique International.
1° Que des Congrès Eucharistiques diocésains ou régionaux soient
organisés de temps à autre, selon la volonté des Evêques.
2° Que ces Congrès aient toujours un caractère pratique tendant au
développement de la vie chrétienne et des œuvres paroissiales par la dé-
votion envers la Sainte Eucharistie.
3° Que dans chaque diocèse un prêtre reçoive le titre et le mandat de
directeur des œuvres eucharistiques et s'occupe particulièrement de dé-
velopper surtout les Confréries du Très Saint-Sacrement.
4° Enfin que, sous peu, se tienne au Canada, le premier Congrès dio-
césain, comme suite pratique du Congrès de Montréal.
Ce rapport très pratique et très instructif est suivi avec un
intérêt intense par toute l'assistance et en particulier par
les évêques présents à la réunion. Pour beaucoup, il sera
une semence qui lèvera selon les vœux de l'auteur. Quelques
questions sont posées à M. l'abbé Lamérand qui les élucide
en quelques mots, et M^r le Président félicite vivement le
rapporteur.
— 757 —
Puis le Secrétaire du Comité des Travaux, h* R. 1*. (îaltier,
se lève ot présente la motion suivante :
" M. le chanoine Lamérand, que vous venez d'entendre, a été invité
par le Comité du Congrès, comme spécialiste dans la question, pour venir
jeter, au Canada, les germes, je devrais dire les premières assises de
l'institution des congrès eucharistiques régionaux. Une institution per-
manente est le seul moyen pratique de maintenir et de développer les
fruits du Congrès international, qui risquent fort sans cela, de s en aller
en fumée, au bout d"un certain temps.
Je ne crains pas d'avouer que, dans la pensée du Comité, le Rapport
que vous venez d'entendre, doit être considéré comme un des plus fonda-
mentaux, des plus importants du Congrès.
Aussi faut-il qu'il fasse impression durable, qu'il se résolve en fruits,
qu'il atteigne son but, c'est-à-dire qu'il provoque l'institution à brève
échéance de l'œuvre des Congrès régionaux ou locaux.
Or, je me permettrai d'ajouter un mot, pour adapter tout à fait ce
que le rapporteur vous a dit des Congrès locaux, en France, aux condi-
tions et à la mentalité de notre pays. Il me semble que pour le Canada,
il faut entendre par Congrès locaux, des Congrt's diocésains — Il ne me
semble guère, que, pour le moment, des Congrès purement locaux, bornés
à une ville ou à quelques paroisses seulement, aient une grande chance
de réussir, sauf peut-être pour certaines villes plus importantes.
Ce qui me paraît pratique et facilement réalisable, c'est le Congrès
eucharistique diocésain, se tenant tantôt dans un diocèse, tantôt dans un
autre — et d'une durée de 2 à 3 jours — Il pourrait y en avoir un tous
les ans.
Messeigneurs les Evoques, de concert avec les Directeurs diocésains
des œuvres eucharistiques qu'ils nommeraient, auraient l'initiative de
ces Congrès.
Quand un Congrès serait décidé; l'évêque nommerait pour l'organiser
un Comité diocésain, composé de quelques membres.
Il me semble bon de faire remarquer que toutes nos villes épiscopales
se prêteraient aisément à ces démonstrations, et que, ainsi réduites à un
diocèse, ces Congrès exigeraient peu de frais, et auraient toujours un
grand succès. Ce serait le moyen le plus efficace de propager la dévo-
tion eucharistique jusqu'aux confins les plus éloignés de notre pays.
— 758 —
Le quatrième rapport du programme comportait une étude
présentée par M. le Chanoine Siilvabi, du diocèse de Rimouski
sur :
L'ACTION DU CLERGE DANS LA LUTTE CONTRE
L'INTEMPERANCE PAR LES SACREMENTS
DE PENITENCE ET D'EUCHARISTIE
Le rapport que j'ai l'honneur de vous soumettre a pour objet l'action
du clergé dans la lutte contre l'intempérance et le relèvement des
buveurs par les sacrements de Pénitence et d'Eucharistie.
I. — Action du Clergé
L'action du clergé dans la lutte contre l'intempérance s'est exercée
avec un tel éclat et une telle efficacité, dans notre pays, qu'il serait su-
perflu de rappeler aux prêtres, présents à ce Congrès Eucharistique,
l'obligation pour chacun de ceux qui ont charge d'âmes de prendre une
partie active à la Croisade de Tempérance, inaugurée par NIsT. SS. les
Evêques il y a cinq ans.
Les magnifiques résultats obtenus jusqu'à ce jour prouvent que le
clergé a su remplir son devoir avec un zèle et une vigueur dignes de tout
éloge. Des centaines de paroisses renouvelées dans la pratique de la
tempérance, des conversions nombreuses, plus de 600 000 personnes en-
rôlées sous l'étendard de la Croix, telle est en partie l'œuvre immense
accomplie pendant ces dernières années par le clergé séculier si admi-
rablement secondé dans cet apostolat — il faut le dire bien haut — par
les missionnaires des différents ordres religieux de la province.
Toutes ces retraites de tempérance ont été de plus l'occasion de dé-
monstrations aussi touchantes qu'édifiantes en l'honneur de Jésus-
Hostie, outragé dans son Sacrement d'amour par les ivrognes et les
blasphémateurs.
Gardons-nous bien de croire cependant qu'il ne reste plus rien à faire,
que nous pouvons nous croiser les bras et jouir d'un repos bien mérité.
A tout prix il faut éviter de laisser tomber le mouvement général qui
vient d'être imprimé à la cause de la tempérance. ' Il y a encore de la
boisson ; il y a encore des ivrognes ; il y a encore des débits de boisson à
fermer; il y a encore des ivrognes à convertir. A la croisade du mal,
opposons la croisade sacerdotale.
Le prêtre doit continuer la lutte par tous les moyens à sa disposition:
en particulier par les moyens que lui fournit la Loi des Licences et par
la force de son exemple. Quant à l'emploi des moyens légaux, je ne
saurais mieux faire que de recommander aux prêtres de lire l'intéres-
sante conférence que M. le juge L.-W. Sicotte a donnée, le 25 octobre
1909, au premier Congrès de Tempérance de Montréal, tenu à Ville St-
— 759 —
Pierre, sur les " Moyens de répression fournis par la Loi des Licences
contre les aubergistes qui l'enfreignent. " Le savant magistrat indique,
dans cette conférence, les procédés à suivre pour faire adopter un règle-
ment de prohibition ou pour faire condamner les vendeurs de boisson
sans licence ou les débitants qui outrepassent leurs privilèges. (Voir
Procès- Verbal et Travaux publiés par le Secrétaire du Congrès.)
Mais comme une loi civile, quoique rigoureuse et quoique appliquée
avec sévérité, ne suffit pas pour changer la mentalité et la moralité d'un
peuple, le prêtre doit en conséquence s'efforcer de gagner l'opinion pu-
blique par l'influence de son exemple. C'est dans ce but que je propose
l'organisation d'une société d'abstinence totale.
II. — Organisation du Clergé
Le démon de l'ivrognerie étant un de ces démons qui ne se chassent
que par le jeûne et la prière, les prêtres doivent non seulement redoubler
leurs efforts et faire bonne garde autour de leur troupeau, mais encore
entrer plus généreusement dans la voie du renoncement en formant entre
eux une Société d'Abstinence Totale.
S'abstenir de toute boisson enivrante, voilà pour le prêtre le moyen de
fortifier son action et d'augmenter son influence dans la lutte contre
l'intempérance.
Ces associations d'abstinence totale ont été l'objet d'une recomman-
dation particulière de la part de Léon XIII : " Nous regardons, dit-il,
"comme digne d'une recommandation particulière la noble résolution
" de ces Associations qui se font un devoir de s'abstenir de toute boisson
" enivrante. Il est indubitable que ce ferme propos est un moyen très
" opportun et très efficace pour combattre le vice pernicieux de l'intem-
" pérance, et il sera pour tous un stimulant à combattre la sensualité
" d'autant plus puissant qu'il partira de plus haut." (Lettre à Mgr Ire-
land, 27 mars 1887.)
N. S. Père le Pape Pie X a daigné, lui aussi, approuver et bénir ces
sociétés de prêtres abstinents, " parce qu'elles sont réellement ses asso-
"ciées et ses aides dans le travail à faire pour amener les hommes à la
" pratiques d'une des principales vertus chrétiennes, la tempérance."
Après de «^i précieux encouragement?, pourrions-nous hésiter à former
une SOCIETE D'ABSTINEXCE TOTALE DU CLER(;E CANA-
DIEN-FRANÇAIS? Il y a près de deux mille prêtres séculiers dans la
province de Québec. Supposez mille prêtres animés du même esprit de
renoncement, voués à l'abstinence totale, quelle puissance pour le bien,
quel exemple pour les fidèles, quel bonncur pour l'Eglise dans laquelle
rien de grand ne se fait sans le sacrifice. lia cause en vaut la peine: il
s'agit du salut des âmes, du sauvetage des buveurs. Tout prêtre (jui vit
de la vie eucharistique fera sans peine, pour une fin si noble, le sacritit e
de ses goûts et de ses habitudes.
— 760
III. — Organisation de la paroisse
L'action du prêtre abstinent dans la lutte contre l'intempérance sera
d'autant plus effica.ce que sa paroisse sera mieux organisée. Cette
organisation est nécessaire, non seulement à cause de la difficulté de
vaincre un vice passé à l'état de fléau public, mais aussi, parce que l'abus
des boissons enivrantes " est le principal obstacle à l'action de l'Esprit
" Saint de Dieu sur les âmes," suivant le cardinal Manning. " Je ne
connais pas à ce divin Esprit," ajoute ce grand apôtre de la Tempérance,
" d'adversaire plus direct, plus subtil, plus dissimulé, plus universel que
" la boisson." C'est aussi, suivant Pie X, " le plus grand ennemi des
" enseignements et des commandements du Christ." L'expérience de
tous les jours prouve, en effet, que la pratique des commandements de
Dieu et des devoirs de la piété chrétienne et la fréquentation des sacre-
ments sont incompatibles avec l'habitude de boire.
Et puis, il importe souverainement d'assurer la persévérance des
fidèles dans leurs bonnes résolutions de la retraite de tempérance. Pen-
dant la retraite, la grâce, la parole du missionnaire, l'exemple, entraî-
nent et poussent aux résolutions généreuses. Alors aucun sacrifice ne
coûte, on est tout feu et flamme et l'on se croit affermi pour toujours.
Mais au bout de quelques semaines, de quelques mois tout au plus, la
nouveauté s'atténue, l'enthousiasme se refroidit; de plus on est entouré
de mille et une occasions, harcelé de railleries; si l'on est homme de ca-
ractère, si l'on respecte la parole donnée, si l'on méprise les impressions
et les tentations du moment, on sera vainqueur; mais si l'on n'est pas
homme de caractère, la volonté est faible, on oublie les raisons de vouloir
— et on retombe. De là, la nécessité d'une organisation paroissiale en
vue de protéger les faibles et d'entretenir le zèle des fervents.
Voici en peu de mots comment la plupart des paroisses peuvent être
organisées pour obtenir cette double fin.
Diviser la paroisse en quatre sections de tempérance : hommes et
jeunes gens, femmes mariées, jeunes filles, enfants. Pour la section des
hommes, un conseil de sept membres qui se .réunit tous les mois sous la
présidence du curé pour aviser aux moyens de promouvoir la cause de la
tempérance. Assemblée générale quatre fois par année, communion,
sermon ou conférence antialcoolique par un prédicateur ou un confé-
rencier qui a fait une étude spéciale de l'alcoolisme. Eéunion de femmes
tous les deux mois, communion, instruction. Charger les mères de
famille du soin de faire circuler dans la paroisse les livres de la biblio-
thèque de tempérance. Egalement réunion des jeunes filles tous les
deux mois, communion et instruction. Eéunion des enfants au-dessous
de seize ans, le premier vendredi de chaque mois. Chaque section a sa
bannière; tous les associés portent l'insigne. Faire chanter le can-
tique de tempérance à l'unisson à la fin de la messe du dimanche. —
Faire circuler la revue " La Tempérance," dans les familles par l'inter-
mérliaire fies institutrices. — Enseignement antialcoolique dans les
écoles. — Enrôler surtout les enfants dans la société d'abstinence.
Au moyen de cette organisation facile, un curé peut obtenir les ré-
sultats les plus consolants, comme l'attestent ceux qui en ont fait l'ex-
— 761 —
périence. L'Eucharistie devient alors la véritable source de la vie sur-
naturelle d'une paroisse.
IV. — Du relèvement des buveurs
A ce ministère de conservation par l'organisation paroissiale et par la
sainte communion aussi fréquente que possible — pour les gens de la
campagne — il faut ajouter celui du relèvement des buveurs par la fré-
quentation des sacrements de Pénitence et d'Eucharistie. C'est un
travail de conversion, de transformation. Heureux le pasteur qui n'a
pas dans son troupeau de ces malheureuses victimes de l'ivrognerie !
Mais celui qui en a, peut-il les abandonner à leur triste sort? Non, il
doit s'élancer, lui aussi, au sauvetage des buveurs.
Il faut faire mentir le proverbe : " Qui a bu, boira." Par bonheur,
dans ce grand hôpital de Dieu, dans le monde où tout est malade, il n'y
a point de mal qui n'ait son remède.
Loin de repousser ces épaves de la vie, de mépriser ces ivrognes ré-
pugnants, que la charité du Sauveur compatissant nous les fasse aimer.
Ces misérables esclaves de l'ivrognerie sont d'autant plus dignes de com-
passion qu'ils sont descendus plus bas, qu'ils paraissent réfractaires à
toute réaction morale, insensibles à tout sentiment d'honneur et de lierté
chrétienne. Mais comment les attirer, comment les convertir?
Si par la compassion, par la parole de Dieu, par la lecture de la Bible,
par l'invocation du nom de Jésus, nos frères séparés peuvent convertir
des ivrognes coupables de tous les crimes, nous, prêtres catholiques,
serions-nous seuls sans influence sur ces êtres dégradés? Le Père Mathew
a converti des milliers et des milliers d'ivrognes: le secret de sa force,
c'est qu'il les aimait. Pien de plus efficace pour toucher les cœurs que
la sincère démonstration d'une cliarité compatissante.
Pour préparer sa conversion, pour le faire passer de la buvette au
confessionnal, du confessionnal à la Sainte Table, il suffit quelquefois
de donner à manger à l'un de ces ivrognes, de changer ses guenilles
contre un vêtement propre, de lui témoigner de la pitié, de lui faire
espérer hi victoire sur cette passion qu'il est le premier à maudire, de
se jeter à son cou et de pleurer avec lui. Il suffit do lui faciliter par
tous les moyens possibles l'aveu et l'absolution de ses fautes.
" Plus une âme, a dit saint Alphonse de Liguori, est plongée dans le
"vice, asservie par le démon, plus il faut l'attirer, lui prêter assistance,
"pour la délivrer et la jeter dan? les bras du Sauveur. Ix? pécheur, à
"moins de se voir aimé, ne se décide pas à abandonut-r le ptvhé." Tant
il est vrai que " l'amour a plus d'empire sur les âmes, je ne dis pas que
" la rif'ueur, mais que la force même des raisons," selon saint François
de Sales.
Si nous ne pouvons égaler les saints par la perfection de notre vie sa-
cerdotale, tâchons au moins de les égaler par la compassion envers les
pécheurs,' envers les pauvres ivrognes en particulier. Nous avons ce-
pendant,' aujourd'hui, un avantage sur les saints. Très faciles à
absoudre les p<'H]i<ur? repentants, les saints l'étaient beaucoup moins à
— 762 —
les admettre à la sainte commimioii. Le décret " Sacra Tridentina
Synodus '' nous fait une obligation d'accorder la communion fréquente,
et même quotidienne, à ces malheureux esclaves de la boisson qui veulent
se corriger.
Sachons profiter de cet immense avantage. Comme les autres péni-
tents, le buveur a droit de se nourrir du pain des forts ; c'est pour lui le
grand moyen de vaincre sa passion et d'assurer sa persévérance. La
sainte communion est en effet un remède des péchés. Si la grâce peut
vaincre l'inclination, elle surmontera aussi l'habitude, car l'habitude
qu'est-<?e autre chose qu'une inclination fortifiée?
Que faut-il au buveur qui veut se corriger? — De la force pour sou-
tenir sa volonté affaiblie ; l'Eucharistie en est la source. Que faut-il à
cet alcoolique, empoisonné physiquement et moralement? — Un contre-
poison; or, suivant le Concile de Trente, l'Eucharistie est " l'antidote qui
'■' nous délivre des fautes quotidiennes et nous préserve des péchés
" mortels." Pour résister aux assauts violents de la passion de boire, à
l'obsession qui le poursuit sans cesse, aux occasions si fréquentes, que
faut-il enfin au buveur? — Un secours de tous les instants. L'Eucha-
ristie lui donnera ces secours actuels particuliers que nous recevons
souvent même dans le moment où nous n'y pensons pas, qui nous éclai-
rent et nous gardent aux heures du danger.
Renouvelé dans son âme, l'ivrogne le sera aussi dans son corps. Ce
pauvre corps, exténué par les excès, sera vivifié jusque dans ses plus
intimes profondeurs par l'attouchement de la chair sacrée du Christ.
Le contact de ce sang purificateur ôtera à l'ivrogne tout désir de boire.
Le fait suivant, entre bien d'autres, vient à l'appui de cette doctrine.
" J'ai ici dans ma paroisse, écrit un curé, un homme déjà âgé qui
" était adonné à la boisson d'une manière affreuse. A maintes reprises
" dans des entrevues particulières avec son pasteur, il s'était engagé à
" être tempérant, mais il retombait toujours. Survint une grande re-
" traite, nouveau repentir et nouvelles promesses. Mais cette fois le
" Père prédicateur lui conseilla, comme moyen d'appuyer et de soutenir
" ses bonnes résolutions, la communion quotidienne. Le pauvre mal-
" heureux voulait sincèrement se corriger, il fut fidèle à l'emploi du
" moyen et, à l'étonneraent ou plutôt à l'admiration de tous ceux qui
" l'avaient connu, il ne tomba plus. Dieu sait cependant les occasions
" qu'il rencontra et les pièges qui lui furent dressés, mais inutilement ;
" il n'a pas repris une seule goutte de boisson forte depuis plus d'un an."
La fréquentation des sacrements de Pénitence et d'Eucharistie est
donc le remède suprême qui assure la guérison du malheureux ivrogne,
et la rend absolument infaillible.
Il faut s'attendre cependant à des échecs, à des rechutes, car le bien
coûte plus que le mal, et il est plus difficile de se corriger que de se
perdre. Mais la victoire est assurée, pourvu que le prêtre sache com-
muniquer au buveur son enthousiasme, sa confiance dans cette cure
eucharistique.
Quant aux ivrognes qui ne veulent pas se corriger, par quel moyen les
amener à la fréquentation des sacrements? Toujours par l'Eucharistie.
Le saint sacrifice de la messe, la visite au Saint-Sacrement, les Qua-
rante-Heures, l'heure d'adoration de chaque semaine et celle du premier
— 763 —
vendredi du mois, voilà autant d'occasions de prier spécialement pour
la conversion de ces malheureux esclaves de la boisson, souvent plus
malades que méchants. La prière des abstinents fera violence au Cœur
Eucharistique de Jésus en leur faveur et leur obtiendra tôt ou tard la
grâce de se reconnaître et de briser les liens de leur passion. Et quand
même un buveur résisterait longtemps à la grâce de Dieu, il arrivera
néanmoins un moment où il se convertira, ne serait-ce qu'à l'heure de la
mort. L'expérience prouve qu'il ne faut jamais désespérer du salut des
buveurs.
N'est-ce pas par la dévotion au Saint-Sacrment que le bienheureux
Vianney a réformé sa paroisse, et en a fait disparaître les cabarets?
Il importe de ne pas oublier qu'il s'agit dans la lutte contre l'Alcool
d'une réforme des mœurs, et que ces réformes ne s'obtiennent qu'à la
suite d'un labeur persévérant.
Heureux le prêtre qui se sera dévoué au relèvement moral et religieux
des buveurs ! Sa pensée la plus douce à l'heure de la mort sera d'avoir
sauvé beaucoup de pauvres ivrognes.
Conclusion
Considérant que l'abstinence personnelle donne à l'action du prêtre,
engagé dans le ministère paroissial, une plus grande efficacité pour
amener les fidèles à la pratique de la sobriété;
Considérant que la fréquentation des sacrements de Pénitence et
d'Eucharistie est le remède par excellence et le moyen infaillible de
guérir les buveurs;
Le Congrès émet ces vœux:
1° De voir fonder une société d'abstinence dea bjissms alcooliques
pour les prêtres.
2° De voir les prêtres favoriser le mouvement de tempérance par tous
les moyens possibles, surtout par l'organisation paroissiale et par la fré-
quentation assidue des sacrements de Pi'^nitence et d'Eucharistie.
3° De voir les prêtres travailler encore plus activement au relèvement
des buveurs, et recourir avec une plus grande cunfiatue à la dévotion
envers le Saint-Sacrement pour obtenir leur conversion et leur persé-
vérance.
— 764 —
Le rapport suivant est présenté par M. l'abbé Morissette,
curé de Saint-Victor, diocèse de Québec, et a pour titre :
UNE PAROISSE EUCHARISTIQUE
Mgk le Président,
Messeigneues,
Messieues,
On m'a demandé de parler d'une paroisse eucharistique. Je veux
donc parler d'ime de ces paroisses déjà si nombreuses dans nos diocèses.
Je dirai ce qu'elle était avant le Décret de Sa Sainteté Pie X sur la
communion fréquente et quotidienne, ce qu'elle est aujourd'hui après
ce même et salutaire Décret.
Mes vénérés Confrères, ne voyez-vous pas, dans la promulgation de
ce décret du 20 décembre 1905, une assistance opportune de Jésus-
Christ dans son Eglise : Ecce vo'hiscum suum, omnibus diebus. . . " Voici
que je suis avec vous, jusqu'à la consommation des siècles." Et au
milieu des splendeurs de ces fêtes inoubliables du Congrès, saluons une
fois encore Pie X, le Pape de l'Eucharistie !
1° Etat de la Paroisse.
a) Autrefois. La journée du Dimanche étant finie, la solitude et le
silence se faisaient autour de l'église paroissiale pour le reste de la se-
maine. Aujourd'hui, on comprend combien cet abandon devait faire
mal à l'âme, mais alors on n'y pensait pas, on n'en était nullement
affecté. Chaque matin, le curé disait sa messe dans le temple désert
avec un petit servant plus ou moins distrait et quelques rares personnes,
surtout des vieilles femmes qui de temps en temps faisaient la sainte
communion. Et c'était tout pour toute la journée: plus d'une fois,
nous sommes entrés dans les éghses de nos campagnes, durant le jour. . .
elles étaient désertes; la solitude au dedans était encore plus triste que
celle du dehors. Jésus, l'Hôte divin, était seul et comme délaissé; une
petite lampe, à la lumière vacillante veillait en la place des habitants qui
ne pensaient même pas à Lui.
&) Aujourd'hui. Que les choses sont changées, . remercitments et
actions de grâces en soient rendus à Dieu, c'est pour le mieux. Aujour-
d'hui, et depuis le Décret de Pie X, Jésus-Christ commence à prendre
dans la paroisse la place à laquelle il a droit, aujourd'hui Jésus-Christ,
d'une façon tangible a un rôle social. . . c'est le Maître de la paroisse
dont on s'occupe ! C'est le Père que l'on consulte ! c'est l'ami que l'on,
visite et que l'on aime ! L'Eglise n'est plus almndonnée et ne ressemble
plus à ces temples protestants que Ion ferme à clef d'un Dimanche à
l'autre: les gens du village viennent de plus en plus nombreux à la Ste-
Messe et communient souvent; il n'y a pas d'heure dans la journée où
— 765 —
l'on ne voit quelque paroissien se rendre à l'église pour y faire une heure
d'adoration ou une bonne visite au S. -Sacrement. C'est un vieillard,
ayant plusieurs loisirs: ses loisirs autrefois, il les consacrait à parcourir
le village à visiter ses amis, ses connaissances, s'arrêtant à la porte d'une
boutique ou d'un magasin... aujourd'hui il a ajouté à la liste de ses
amis un nouvel ami, l'ami du Tabernacle, Xotre-Seigneur Jésus-Christ....
il n'avait pas encore soupçonné tout le plaisir qu'il y a à converser inti-
mement avec Jésus ! C'est une mère qui s'échappe aux soins du ménage,
qui abandonne ses petits enfants à la garde de l'ainée pour aller à
l'église faire une heure d'adoration : au pied de l'autel elle se repose de
ses soucis et demande courage et force pour élever sa famille. C'est
une jeune fille, qui vient devant le Tabernacle: Elle a tant besoin de
lumière pour ne pas faire naufrage sur cette mer nommée aujourd'hui
avec plus de raison que jamais *' la mer houleuse du monde."
C'est quelquefois un jeune homme qui comme le jeune homme de
l'Evangile, se présente à Xotre-Seigneur et lui dit : *' Maître plein de
bonté, quel bien dois-je faire pour obtenir la vie éternelle? " J'écoute
le dialogue qui commence entre Jésus et mon jeune homme. " Si vous
voulez parvenir à la vie éternelle, lui répond suavement Jésus, observez
les commandements de Dieu." — " Seigneur, repartit naïvement le
jeune homme, j'observe ses commandements depuis mon enfance." Alors
le bon Maître, continue le texte sacré, le regarda attentivement et l'aima.
Et Jésus intuitus eum dilexit eum. Ce doit être un de ces regards
pleins de douceur et de bonté que Jésus laisse tomber sur ces jeunes gens
qui parfois se rendent auprès de Lui. — Je le regarde et il me regarde,
répondait un brave homme au Curé d'Ars qui lui demandait ce qu'il
disait pendant son adoration. Chers jeunes gens, venez donc, ne fut-ce
qu'un instant, en passant, venez échanger un regard avec Notre-Seigncur
Jésus-Christ dans son sacrement d'amour.
Ce sont (les enfants (jui accompagnent leurs mères qui quelquefois les
remplacent dans l'Heure de Garde choisie: certains pasteurs voudraient
peut-être les éloigner à cause de leur jeune âge. . . . mais pourrions-nous
le faire lorsque Xotre-Seigneur a dit: '' i>inite purvulos venife ad mr :
" laissez venir à moi les petits enfants, car le royaume du ciel est pour
eux et pour ceux (|ui leur ressemblent." Ces petits enfants, anges de la
terre, n'auraient-ils pas le droit de dire aux bienheureux esprits qui
entourent le Tabernacle: " Ce n'est pa,s pour vous qu'il est ici, c'-st pour
nous. Laissez-nous cette place que vous occupez et la consolation de de-
meurer plus près de son trône d'amour." (Marie Eustelle).
J'allais oublier une pauvre femme (jui gagne sa vie à la j<iunu''e: elle
a choisi une heure d'adoration, le vendredi de içidi à une heure... et
elle y est fidèle! Dieu sait où et comment elle prend son diiier.
Oh! qu'il fait bon à l'âme de constater que Jésus n'est pas aussi isolé
de ses disciples qu'autrefois. . . grâce à la Sainte Communion qui, avec
ses divins degré*, atteint les diverses catégories de fidèles ou de parois-
siens !
Arriver à faire communier les 3/4 de sa paroisse chaque mois, oVst
déjà un grand pas de fait dans la dévotion h la Ste-T" ' i^tio, c'est
marcher sûrement vers la communion frt-quente et cpi' ne. Com-
ment en arriver là ? Le meilleur moyen, je crois, c'est d'établir des
— 766 —
Confréries et des associations pieuses. . . Ainsi on amène à tour de rôle,
tous les groupes, toutes les catégories de paroissiens.
2° Fonctionnement.
a) Catégorie des Enfants. La veille de chaque 1er vendredi du mois,
le curé réunit les enfants qui ont fait leur première communion depuis
trois à quatre ans; il leur explique une page de catéchisme; il les pré-
pare à la confession et il a soin de leur rappeler l'invitation à la com-
munion fréquente et quotidienne faite à eux aussi par Notre Très
Saint Père le Pape.
Après qu'ils se sont confessés ces chers enfants s'en vont. Le lende-
main, ils nous reviennent avec plusieurs de leurs parents, et ils font la
communion réparatrice du mois. . . Ainsi du même coup, s'âfforçant de
communier 9 premiers vendredis successifs, ils auront droit aux faveurs
et aux promesses du Sacré-Cœur de Jésus.
Plusieurs de ces chers enfants qui ont communié le 1er vendredi, —
surtout dans le village — reviendront communier encore et le samedi et
le dimanche et c'est autant de gagné pour la communion fréquente.
Entre parenthèses, disons que presque tous les enfants des écoles du
village, ont communié chaque matin du mois de Marie et aussi du mois
du S. -Cœur. Ce sont de ces choses qui nous réjouissent l'âme !
La communion mensuelle — fidèlement mensuelle — supposez qu'on
ne puisse obtenir davantage de ces enfants, est appelée à leur faire un
bien incalculable. Mes vénérés Confrères, vous savez comme moi que
cette communion de tous les mois conduit nos petits enfants exempts
de fautes graves jusqu'à l'âge critique des passions et leur prépare une
jeunesse pure et sainte.
Mais que ceux qui peuvent plus, ne craignent pas!
Xotre Pape Pie X invite et pousse à la communion fréquente et quo-
tidienne tous les chrétiens, même les enfants et surtout les enfants. Oui,
trois fois en un an, la voix de Eome s'est fait entendre : le mot d'ordre
est formel et ne laisse aucune échappatoire.
1° Que l'on fasse tous les efforts possibles pour promouvoir la com-
munion fréquente et quotidienne dans toutes les maisons d'éducation
(Décret de la S. Cong. du Concile, 30 décembre 1905).
2° Que les prêtres veillent à leur faire faire cette 1ère communion,
dès qu'ils en sont capables et à la leur faire renouveler si possible tous
les jours. (Instr. app. aux membres de la ligue Sacerd. Euch. par S. S.
Pie X, 27 juillet 1906).
3° La communion fréquente est recommandée même aux enfants.
Une fois admis à la Sainte Table, ils ne doivent pas être empêchés d'y
participer fréquemment, mais on doit bien plutôt les y exhorter. Toute
pratique contraire en vigueur, en n'importe quel lieu est réprouvée.
(Rep. de la S. Cong. du Concile, le sept. 1906). .
Ces paroles ont fait toute une révolution pacifique, quant aux moyens
d'éducation à prendre dans nos séminaires et dans nos collèges. Vous
vous rappelez, sans doute, avoir lu cette réponse de Dom Bosco à un
homme d'état anglais visitant son établissement à Turin et s'étonnant
— ?6T —
des merveilleux résultats obtenu.^ .... Quel est donc votre secret pour
transformer ainsi ces enfants ramassés sur les rues des grandes villes ?
Quel est donc votre secret pour transformer ainsi des éléments aussi gros-
siers? L'iiomme de Dieu répondit: "je ne connais que deux moyens
d'éducation: le fouet et la communion. J'ai renoncé au fouet et j'ai
pris la communion."
Les grands éducateurs de notre époque ont toujours été les promoteurs
de la communion fréquente jiarmi l'enfance et la jeunesse : les directeurs
de nos séminaires et collèges n'ont qu'à suivre ce chemin et cette charge
toujours lourde va devenir enviable et même très agréable.
Dans les paroisses de la campagne, on pourra goiiter quelque chose
de ce bonheur, en conseillant aux parents de renoncer au bâton et d'es-
sayer de la communion fréquente.
Les résultats obtenus sont déjà appréciables : la grâce du Sacrement
nous les gardent purs, nous les fait plus soumis à leurs parents et maî-
tresses, plus appliqués au travail et à l'étude et surtout plus pieux. . . .
la grâce du Sacrement a même une vertu civilisatrice. . .
b) Catégorie des jeunes gens. On leur a assigné un dimanche, le
premier dimanche du mois : rien, absolument rien ne devra déranger
leur réunion. Depuis le samedi après-midi vers 4 heures jusqu'au di-
manche matin, c'est le temps ac-cordé aux jeunes gens pour se confesser;
et on respecte assez bien cette manière de faire, car on comprend que
les jeunes gens aiment généralement à être seuls, loin des regards cu-
rieux et indiscrets.
La messe de 71/2 est la messe des jeunes gens de la Ligue du Sacré-
Cœur; ils oc;upent la grande nef de l'église: ils font du chant à l'orgue
et ils ont à cœur de le bien préparer.
Avant la messe, le Célébrant distribue la Sainte Communion. Au
milieu des doux accords de l'orgue — parfois pendant un cantique ap-
proprié à la circonstance — ne tre ardente jeunesse s'ap[»roche avec en-
train mais avec respect de la Sainte Table pour recevoir Celui qui est
son bon Maître et son bon Ami. Jésus doit être content, car, y a-t-il,
qu'on me le dise, y a-t-il au monde, un spectacle beau et consolant comme
celui d'une communion générale de jeunes gens ?
Et la messe commence: à l'Evangile, un prêtre monte en chaire, gé-
néralement leur Directeur. Parfois, il leur adresse quelques paternels
reproches, leur fait fiuelques remarques, mais toujours les encourage et
les félicite, les stimulant pour qu'ils soient do braves Ligueurs, do vail-
lants soldats du Christ, toujours à l'avant-garde pour combattre les deux
grands fléaux de l'intempérance et de l'ivrognerie... ensuite il leur
donne une courte instruction sur un sujet actuel et pratiriue. . . et la
messe se continue au milieu de cantiques saints qui excitent à la piété
et animent au courage chrétien. . . et la messe est finie. Alors le prêtre
vase placer debout, à l'ombre du Drapeau du S.-Ccpur qui flotte pn-s de
l'autel et prononce au nom de tous, la formule de consécration au Divin
Maître... on prie j)our ceux qui sont moris... on prend des résolu-
— Tes-
tions pour le mois qui commence. . . et on se sépare de corps. . . mais
restant unis d'esprit et d'âme dans le cœur aimant de Jésus.
Et ainsi du premier coup et du même coup, les deux tiers de nos jeunes
gens ont déjà fait leur communion mensuelle ... les autres qui en ont
été empêchés ne se feront pas attendre.
Plusieurs jeunes gens, principalement dans les villages, gagnés par
les délices de la Sainte Table, y reviennent après 15 jours. . . ce ne sont
pas les pires !
Le Directeur de ces jeunes gens, peut user de pieuses industries pour
les amener à communier plus souvent. Voici, leur dira-t-il, le mois
consacré à la Ste-Vierge, au S. Cœur: vous aimez bien le S. Cœur et la
Sainte Vierge, n'est-ce pas? Alors, il vous faut faire plus ces mois-
ci que les autres mois pour leur prouver votre amour. . . et le moyen le
meilleur, c'est de faire une bonne communion. . . Donc en ces mois, ce
n'est pas une fois, mais au moins deux fois que vous communierez . . .
et on aura la consolation d'être écouté par une bonne moitié.
Enfin quelques grands garçons rares encore et occupés encore à leurs
études communient plusieurs fois la semaine. C'est peu ! mais n'est-ce
pas la bonne semence ?
N. B. On doit faire l'impossible pour réunir les confréries, non pas
sur semaine, mais le dimanche et encore le dimanche matin. . . pour
les faire communier. Ce peut être très fatigant, mais beaucoup plus
consolant.
Quel ne doit pas être le zèle des pasteurs à pousser les jeunes gens
à la Sainte Table, quand ils savent le sentiment des plus éminents direc-
teurs sur la nécessité de la communion fréquente pour la jeunesse. " J'af-
firme, dit Timon-David, que la confession mensuelle elle-même ne suffit
pas pour un grand nombre de jeunes gens. Voulez-vous qu'un jeune
homme vive toujours dans la grâce du bon Dieu, faites-le se confesser
plusieurs fois par mois."
" Un jeune homme, dit M. Allemand, qui veut persévérer dans la vertu
doit s'approcher du St-Tribunal tous les quinze jours pour le plus tard.
Une expérience de trente-^cinq ans consacrés à la direction de la jeu-
nesse m'a appris qu'un grand nombre de jeunes gens n'auraient pas
persévéré sans la confession de tous les huit jours."
" J'affirme, dit Mgr de Ségur, que sauf de rares exceptions, la com-
munion de tous les huit jours est quasi-nécessaire pour un jeune garçon
qui veut demeurer chaste et obéissant, devenir un pieux et consciencieux
jeune homme."
Lacordaire fit 200 lieues pour confesser ses jeunes gens, afin que
quelques-uns ne fussent pas privés de la communion. Il connaissait la
valeur d'une communion pour un jeune homme.
Ah ! mes vénérés confrères, nous pouvons travailler et nous dévouer !
c) Catégorie des jeunes filles. Le douxiome dimanche du mois, c'est le
tour aux jeunes filles " Enfants de Marie de la paroisse, de manifester
leur amour et leur piété envers la Ste-Vierge. . . mais, ce n'est pas d'au-
jourd'hui, c'est connu: la Ste-Vierge conduit ses enfants à Jésus. Aussi,
la réunion ries "Enfants do Marie" est-elle une occasion de faire de
nombreuses et ferventes communions. Je ne crois pas exagÛTer en disant
— 7G9 —
qu'il n'y a pas deux jeunes filles qui viennent à l'assemblée et qui ne
communient pas: en vérité la Ste- Vierge ne manque pas son but: Ad
Jesum per Mariam!
Les mêmes faveurs leur sont accordées à elles comme aux jeunes
gens. . . . temps pour faciliter les confessions depuis samedi jusqu'à di-
manche... messe, communion, musique, chant, instruction... Pour
donner plus d'entrain et d'intérêt aux réunions, on pourrait faire ré-
citer une partie de l'office de la Ste-Yierge ou le petit office de l'Imma-
culée Conception.
Il y a une sainte rivalité entre ces deux confréries de jeunes gens et de
jeunes filles: et il est permis de l'entretenir et de la développer pourvu
que l'on veuille le bien des âmes et leur rencontre avec Notre-Seigneur
au T. S. -Sacrement.
d) Catégorie des Tertiaires. La consolation d'un pasteur de paroisse
et aussi sa force, c'est le groupement des pères et des mères de famille
pour le bien ! ! ! Un de ces groupements puissants est le Tiers-Ordre de
S. François d'Assises. Avec ses nombreuses indulgences accordées aux
fêtes des divers saints de l'Ordre, on fournit aux Tertiaires des occa-
sions multiples de l'aire la sainte communion: seulement par l'établisse-
ment du Tiers-Ordre dans nos paroisses, le nombre des communions a
doublé, triplé et davantage.
Le dimanche consacré aux réunions des confraternités du Tiers-Ordre
est toujours attendu avec anxiété et il ne le cède en rien aux autres
dimanches d'un même mois. Dieu seul sait tout le dévouement et le
courage qu'il faut à ces pères et mères de familles pour venir com-
munier... lever matinal, chemin:: difficiles, froid intense, température
inclémente, etc., etc.
Si on ne veut pas établir le Tiers-Ordre. . . alors qu'on établisse une
autre association pieuse ! Mais toutes ces associations ou confréries
doivent être orientées vers l'Eucharistie. . . toutes doivent conduire a
Jésus-Hostie.
3" Moyens,
Exposition du T. Saint-Sacrement. Un excellent moyen de développer
la dévotion envers la sainte Eucharistie, c'est l'exposition sollennolle «i
publique du T. S. - Sacrement durant toute une journée, viz. le 1er
vendredi de chaque mois. Plusieurs paroisses de campagnes l'ont essayé
et elles ne voudraient pas discontinuer, tant cette dévotion devient popu-
laire. C'est vraiment beau! A cluKiue heure du jour, on voit <les groupes
de gens se remplacer auprès du T. S. -Sacrement. . . ce n'est pas à Vor-
dinaire. . . ce jour-là est-ce de l'imagination? non, c'est réalité! Il y a
par le village une atmosphère de piété qui fait du bien. . . et le soir on
vient en foule assister à l'Heure Sainte. De la musique, du chant, de la
prédication et dos prières, l'heure s'écoule toujours rapide. " l'no lieuro
ô mon Dieu, passée près de ton Tabernacle, vaut mieux que mille ans
au palais des mortels."
Presque toutes les paroisses, du moins dans notre région, ont enror»»
l'habitude de faire, un soir quelcon(|ue de la semaine, une heure d'ado-
25
— 770 —
ration publique et solennelle. Et on remarque avec plaisir que le peuple
s'y rend toujours de plus en plus nombreux. " Quand je serai élevé,
avait dit J.-C, j'attirerai tout à moi : " en prononçant cette parole,
notre Sauveur ne pensait pas seulement à sa croix, mais encore à l'os-
tensoir. . . .
Prière du soir. La cloche qui sonne l'Angelus du soir appelle les
fidèles auprès du Tabernacle. C'est encore Marie qui amène ses en-
fants à Jésus. Ad Jesum per Mariam. L'exercice du soir comprend le
chapelet récité à haute voix par le peuple, la prière commence avec des
invocations ou oraisons jaculatoires pour les divers besoins de la pa-
roisse. Presque toujours on lit une très courte vie du Saint du jour
et on termine par le Chemin de la Croix et la communion spirituelle.
Facilité à donner la Sainte Communion. Quelques rares curés se
montrent encore très difficiles pour distribuer la Sainte Communion a
leurs fidèles : " pendant da Sainte Messe et c'est tout." C'est peut-être
plus liturgique, mais c'est moins paternel ! Que dirions-nous d'un père
et d'une mère qui auraient la cruauté de priver de pain leur enfant ?
Nous sommes les pères spirituels de nos paroissiens, nous devons les
nourrir du vrai pain de vie dont ils sont tant affamés et dont ils ont
tant besoin ! La table eucharistique doit être toujours prête . . . nous
sommes ex officio les pourvoyeurs du Banquet Céleste . . . nous sommes
ces serviteurs dont parle l'Evangile et que le Roi Jésus envoie le long
des haies et par tous les sentiers chercher les âmes faibles leur faisant
une sorte de violence pour les introduire dans la salle du festin, car le
Seigneur la veut remplir. Le prêtre est l'homme de l'Eucharistie : sans
l'Eucharistie, je ne vois pas sa raison d'être. . .Ut sumant et dent caete-
ris: prendre l'Eucharistie et la donner aux autres telle est la mission
de " divinisation " qu'a reçue tout prêtre ...
Mes vénérés Confrères, soyons faciles pour donner la Sainte Com-
munion. Que de personnes maladives,, trop faibles pour communier à
la messe de 7 heures, même de 6 heures seraient heureuses de le faire
à une heure plus matinale. . . La comparaison n'est pas si boiteuse :
l'Eglise Catholique n'est-elle pas une hôtellerie divine où l'on donne des
repas à toute heure.
Prière. A toutes ces œuvres, nous avons soin d'ajouter le moyen le
plus efficace la prière: chaque soir, nous récitons la prière indulgenciée
de Pie X pour la diffusion de la communion.
Loué, ])éni, adoré soit le T. S.-Sacrement de l'autel.
J'ai l'honneur — honneur immense pour un humble curé de cam-
pagne — de formuler devant le XXIe Congrès Eucharistique les vœux
suivants :
1° Que dans les paroisses, oii il y a un village assez considérable, on
établisse une sort' d'adoration diurne, afin que N.-S. ne soit pas trop
seul dans nos églises de la campagne.
2° Que l'on conlinur à organiser dans nos campagnes, des confréries
on associations pieuses qui embrassent toutes les catégories de pofrois-
siens. ... et que les asseniblées de ces confréries soient tenues le di-
manche matin, afin de favoriser les communions.
— 771 —
3° Que le premier vendredi de chaque mois soit, avec la permission
de l'Ordinaire, toute une journée d'adoration publique et solennelle se
terminant par l'Heure Sainte (là où c'est possible).
4° Que, là où c'est possible, l'on fasse une heure d'adoration publique
chaque semaine.
Loué soit le Très Saint-Sacrement!
Le sixième rapport, eoneernant lœuvi-e si importante des
catéchismes et les moyens pratiques de la bien remplir, est
traité par M. l'abbé 8. Corheil, Principal <!«• l'Ecole Normale
de UuU (Canada).
L'ŒUVRE DES CATECHISMES
Xotre-Seigneur dit à la Samaritaine: "Mais Theure vient; mais
l'heure est venue où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et
en vérité." (Jean IV, 23.) Quel est-il cet adorateur qui le divin Maître
décrit en deux mots? Celui-là qui adore, selon le commentaire de saint
Thomas, avec une connaissance qui n'est souillée d'aucune erreur et qui
se tourne à aimer. " Et ce sont de tels adorateurs," ajoute Notre-
Seigneur, " que le Père cherche." Notons bien ce mot du Seigneur. Le
Père les cherche, ces adorateurs spirituels, et pour les faire renaître sur
terre après la ruine d"Eden, le Père suscita les patriarches, puis les pro-
phètes, puis. . . comme s'exprime saint Paul, " dans ces derniers temps,
*' Dieu nous a parlé par le Fils qu'il a établi béritier do toutes choses."
(Heb. IV. I, 2.) Kepeupler la terre de vrais adorateurs, c'est donc la
mission du prêtre comme prêtre, c'est dire du chrétien honoré du Sa-
crement de l'Ordre: il continue visiblement l'œuvre de restauration que
le Christ poursuit souverainelnent mais invisiblement.
C'est donc par la connaissance religieuse, mais une connaissance qui
se tourne à aimer: " Adorabunt Fatrem in spiritu et verilate," c'est
par cette connaissance que le prêtre enfante pour Dieu de vrais ado-
rateurs.
Mais à la génération (jui grandit, appelée à vivre d'a<l()nition, h-
pasteur doit se hâter de communiquer cette connaissance qui est esprit
et vie, car, l'expérience le prouve, l'enfant, le jeune hoiuino. sont des
êtres éminemment passifs: c'est la cire molle qui reçoit toutr- ciiiprcinte ;
c'est l'arbrisseau frêle qui plie à tout vent mais finalement garde son
pli; c'est le vase neuf qui va s'imprégner à toujours de rcwbiir «le sou
premier contenu. Or, ranibiancr^ où nos jeunes gens vivent n'est plus
absolument bonne. L'esprit du siècle, gnlce au journal et au <'"'■
pénètre dans nos foyers et cet esprit <le naturalisme et de laïcisme al;
— « i <l —
émousse, au moins, de bonne heure le sens chrétien, l'esprit surnaturel
de nos jeunes communiants. Puis l'heure des ténèbres, je veux dire
l'heure du réveil des concupiscences, ne tarde guère à sonner, et voici
que ces êtres éminemment passifs, l"enlant, le jeune homme, victimes de
l'ambiance et des révélations de l'ange de Satan, se remplissent d'idées
qui constitueront, tout à l'heure, leur mentalité informable, leur com-
prcnoire, comme disait l'un de ces enfants terribles, leur comprenoire
réfractaire à l'illumination chrétienne. Il faut que le pasteur prévienne
ces ravages intimes; il doit donc se hâter de communiquer à la géné-
ration des baptisés qui grandit et dont l'esprit encore virginal s'ouvre à
la céleste illumination, il doit se hâter de communiquer la connaissance
de foi et d"amour qui crée sur terre les vrais adorateurs.
Or, on appelle catéchisme ou de Première communion ou de Persé-
vérance, cet enseignement simple et réguUer que l'on donne aux jeunes
gens, aux enfants, donc, pasteurs, hâtez-vous de vous donner et donnez-
vous avec zèle à l'œuvre des Catéchismes, vous avez mission de par
Jésus-Christ de peupler la terre de ces vrais adorateurs que le Père
céleste cherche.
II
Cependant, pour créer ces adorateurs en esprit et en vérité, il ne suffit
pas que le pasteur vueille enseigner les jeunes chrétiens, il faut qu'il
puisse le faire efficacement. Et pour le pouvoir avec efficacité, il faut
au Catéchiste une bonne méthode.
Il est des méthodes insuffisantes. Par exemple, elle est insuffisante
la méthode dont le fruit est un enseignement purement spéculatif.
Assurément, il faut imprimer la doctrine chrétienne dans l'esprit de
l'enfant; il importe que celui-ci comprenne dans la mesure de son intel-
ligence ce qu'il a le devoir d'apprendre, mais pour être vraiment évan-
gélisé ce devoir spéculatif ne suffit pas. " La loi de Dieu," chante le
Psalmiste (Ps. XVIII) "est une lumière pour l'esprit;" mais il
ajoute : '"' elle est aussi une grâce qui restaure les âmes et une onction
qui réjouit les cœurs." Malheureux jeunes gens à qui on donne la
vérité, sans l'amour de la vérité, ils vont périr. " Perunt eo quod ccori-
tatem veritatis non receperunt ut salvi fièrent." (II Thess. 10.)
Elle est aussi insuffisante la méthode qui aboutit à un enseignement
purement sentimental. Le catéchiste cultive le sentiment religieux; il
fait bien; mais voici son tort : en sacrifiant l'instruction à l'exhortation
et à des exercices de dévotion, il néglige de faire connaître ou de faire
comprendre les raisons dogmatiques de notre vie religieuse, et voici le
le malheur : le sentiment religieux qui n'a point sa racine dans une con-
viction chrétienne est fatalement vaincu au choc des réalités concrètes
que le vieil homme soulève. Enfonçons d'abord dans l'esprit de l'enfant
<ie claires idées, puis sollicitons les effusions du cœur. " Croissons en
Jésus-Christ," di"t saint Paul, en l'aimant? Certes, oui, mais écoutez ce
fort mot de l'apôtre, en faisant sa vérité notre vie et cela avec amour:
" Veritatem autem facientes in caritaie crescamus in Illo." (Eph. IV,
15.)
f» ^
3
La bonne méthode imprime l'enseignement catéchistique -et dans la
mémoire et dans l'entendement et dans le cœur de l'enfant. Grâce à
cette méthode complète le catéchisme est su, compris, pratiqué. Il de-
vient dans l'âme enseignée, une vie, une seconde nature, qui e;;t la nature
surnaturalisée. Le cœur à la fois, et l'esprit sont christianisés. Le
pasteur qui donne l'enseignement avec cette plénitude dira à ses caté-
chisés dans le langage de saint Paul : " In Christo Jesu per evangelium
ego vos genui." (I Cor. YI, 15.)
Les procédés de la bonne méthode, on les trouve exposés dans les pé-
dagogies religieuses de noms variés: c'est le Manuel,. . . . c'est le Guide,
.... c'est le Directoire des Catéchistes. Je renvoie à ces publications
le pasteur soucieux d'acquérir l'habileté professionnelle du catéchiste.
Ici je noterai seulement quelques directions générales.
m
Première direction générale
Il faut donner tous les ans un intégral enseignement du catéchisme.
Il est des catéchistes qui partagent en trois ou quatre années le revue du
catéchisme de Première communion. Ils veulent en expliquer les for-
mules amplement. Le tort de leur méthode, c'est que ces plus amples
explications dépassent les jeunes intelligences, ou à tout le moins, en-
combrent et accablent la mémoire des enfants. L'autre tort de cette
méthode, c'est qu'une partie notable des jeunes catéchisés ne suivront
pas ce cours de plusieurs années et ainsi n auront en tT-te (|Uf dis lirilies
de catéchisme.
Ne craignez pas chez les jeunes gens le dégoût d'entendre redire
annuellement les formules du catéchisme. Aux explications du caté-
chiste diligent l'Esprit-Saint accorde toujours des clartés et des saveurs
nouvelles. Et le catéchisme aura un charme vainqueur des attraits qui
entraîneraient l'enfant aux buissons, oîi l'oiseau bâtit son nid ; à la grève
oîi le poisson mord; au champ où le ballon vole. Et quand la legon de
catéchisme sera sonnée, l'enfant y assistera fidèle. Heureux l'enfant à
qui il est donné tous les ans de repasser son catéchisme intégralement
avec un diligent catéchiste, celui-là saura sa religion.
Deuxième direction générale
La leçon de catéchisme doit être un enseignement vivant.
(a) L'enseignement est vivant si le catéchiste ne discourt pas mais
s'il cause.
Quand le catw-biste discourt, les enfants réiduits à l'étiU ti'auditours
passifs, ne tardent pas à somnoler ou à laisser voguer leur pi-nsèe ; et lu
parole sainte est une parole morte, parce qu'elle retentit h des oreilles
fermées. Pour le catéchiste, caui-er avec l'enfant, c'est le questionner,
et l'enfant intcrroj^é devient actif; il rollaborc avec son niiiitrc j»our
enfoncer en son propre esprit la sainte parole. Il importe peu (jue l'in-
— 774 —
terrogation soit de pur contrôle, c'est-à-dire expositive, ou que l'interro-
gation soit socratique, c'est-à-dire inventive, encore que celle-ci plus que
celle-là soit efficace et excitatrice d'efforts personnels chez l'enfant; ce
qui importe, c'est que les questions soient fréquentes et posées perti-
nemment. L'esprit de l'enfant s'illumine merveilleusement par l'effort
qu'il fait pour découvrir ou énoncer avec précision la notion religieuse.
(b) L'enseignement est vivant, s'il se présente comme une doctrine
qui se réalise dans la vie même de l'enfant, ou dans la vie naturelle ou
religieuse de ceux qui entourent l'enfant observateur. Prendre les
exemples et les cas de consciences dans ce domaine familier à l'enfant
c'est, comme parle la pédagogie, faire entrer la doctrine catholique dans
l'expérience de l'enfant, c'est faire prendre à l'enfant l'habitude de juger
sa conduite et celle du prochain à la lumière de l'enseignement divin.
C'est cultiver en lui le sens mystique, l'esprit surnaturel, que de l'habi-
tuer à éclairer ainsi ses réflexions des reflets des idées divines. C'est
enfin, former sa conscience chrétienne, et il me semble que c'est une des
leçons que contient ce texte de saint Paul : " Verhum Christi hahitet in
vohis abundanter." (Col. III, 16.)
(c) L'enseignement est vivant, si l'on fait voir à l'enfant la vérité
enseignée toute rayonnante dans les faits divins dont la Sainte Ecriture
est le récit inspiré. C'est la méthode de Dieu, zélé à instruire l'huma-
nité. Dieu ne présente pas la vérité dans une formule abstraite, mais
il la fait resplendir dans de grands événements, d'une lumière et vive
et inaltérable. Eden, Ararat, Sinaï, Sion, Bethléem, Golgotha: ce sont
des doctrines à la fois et des faits divins que l'humanité voit et com-
prend. Comme les bergers de la nuit de ISToël, l'humanité peut dire:
'* Passons jusqu'à Bethléem et allons voir cette vérité qui est un fait. '
" Et videamus hoc verhum quod factum est." (Luc II, 15.) Donc, dans
nos catéchismes, place aux faits divins. Place aussi aux exemples des
saints, car ils sont l'ouvrage de Dieu qui fait luire ainsi des vérités dans
de belles réalités: ''Sic luceat lux vestra coram hominibus ut videant
opéra vestra bona et glorificent Patrem vestrum qui in cœlis est." Pour
illustrer ces vérités chrétiennes, évitons d'en appeler à des faits et à des
exemples d'ordre profane.
Troisième direction générale
Il faut un enseignement pratique mais fondé en raison.
(a) Ces paroles signifient que toute la vie religieuse dont on veut
animer l'enfant doit sortir du dogme. C'est la méthode de saint Paul
dans ses épîtres. Il établit le dogme et en tire les règles de conduite
chrétienne. Certes, la vie des enfants, des jeunes gens est presque toute
dans les sens; de là leur goiit vif chez les bons, pour les exercices du
culte extérieur et pour les effusion;^ de cœur pieux; mais pour que cette
religion tienne quand les conflits éclateront au plus intime de l'âme avec
les appels du siècle, il faut inculquer aux jeunes esprits les raisons
d'aimer et de prier Dieu. Oui ! il importe que la morale soit tenue pour
une suite logique du dogme. Parce que je crois d'esprit, je me convertis
de cœur. Voilà une bonne psychologie: " NUiil anialum nisi praeco-
gnitum."
(h) Un enseignement pratique fondé en raison! Ces paroles signi-
fient une vie religieuse constituée sur les vrais principes, sur les maximes
essentielles du christianisme. S'il y a tant de faux pieux et de fausses
dévotes, c'est qu'il y a eu chez l'enfant, au temps des catéchismes, con-
fusion entre des directions secondaires et les principes primordiaux de
la piété chrétienne. Il importe dans le chrétien que l'on forme à la
vraie piété de tuer le faux dévot, et ce que le siècle appelle l'honnête
homme. Il faut donc bien déterminer les principes générateurs de la
solide piété. Inculquons bien dans l'âme de l'enfant ces maximes chré-
tiennes.
Par exemple:
" Le juste vit de la foi et de la charité," et cela est quand ces vertus
théologales se traduisent par des œuvres.
" Le juste vit de la pensée de Dieu," croyant à sa présence et à sa pro-
vidence il pratique la conformité de sa volonté avec la volonté de Dieu.
" Le juste vit de Jésus-Christ." Pour lui le Christ est le mot d'ex-
pUcation de tous les mystères de la vie, et il est le sens vrai de tous les
grands mots dont on fascine l'humanité: v.g. Liberté, Fraternité, Pro-
grès, Civilisation.
Le juste vit de pénitence, de mortification, d'abnégation, en union
avec Jésus crucifié.
C'est de ces enfants, ainsi enseignés et formés à la vraie vie chrétienne
que le pasteur peut dire, dans le langage de saint Paul : " Filioli mei
quos iterum parturio donec formetur Christus in vohis." (Gai. IV, 19.)
Une dernière et suprême direction
L'enseignement doit être eucharistique. De toutes les méthodes de
catéchiser, il n'en faut point tenir une seule pour parfaite, si elle
n'amène pas le jeune chrétien à l'église et ne le prosterne aux pieds de
Jésus-Hostie. Qui me contredira s'il réfléchit, ■que l'enseignement caté-
chistique a pour but de créer, de multiplier les vrais adorateurs. Toute
catéchisation qui ne tient le jeune chrétien en perpétuel contact avec
l'Eucharistie, avec Jésus voilé mais vivant, tout enscnil>ic Homme et
Dieu au Tabernacle, est incomplète et ce qui lui manque est essentiel. Si
l'âme de la classe des catéchismes n'est pas eucharistique, l'essentiel
manque à cette classe. Xotre-Seigneur lui-même nous manjuc cette di-
direction quand il dit dans saint .lean VI, 45: ''Est scriplum in Pro-
phetis : Et erunt omnes docihiles Dei. Et conclut: " Omnis qui audivit
a Pâtre et didicit, venit ad me." Venit ad me! c'est donc lui, le Dini
avec nous, qui est le vrai Maître et qui en enseignant, sVmpare du cœur
de ses disciples. Marie-Miuleleine était assise i\ ses pieds et l'écoutait.
Traitons ainsi nos catéchisés : Tenons-les assis aux pieds du Divin
Maître. Il est le fover d'où doit rayonner sur le jeune ibrélien. les
clartés d" la doctrine révélée. C'est bien saint Paul qui le dit dans un
langage de magnificence: " Peus qui dixit de tencbris lucem splendes-
— 776 —
cere, ipse illuxit in cordibus nostris ad illuminationem scientioje cla-
ritatis Dei in fade Christi/' (II. Cor. IV, 6.)
A la veille de sa mort, Notre-Siegneur institue le Sacrement de l'autel
eucharistique, le Sacrement de son corps qui va être brisé, de son sang
qui va être versé et il dit : écoutons ce mot :
Faites ceci en mémoire de moi.
Faites ceci en mémoire de moi ! A ce suprême appel de l'amour qui
va se consommer au Calvaire et qui convie à l'autel eucharistique, le
prêtre négligera-t-il, sans crime, d'ouvrir l'oreille et le cœur des caté-
chisés ? Comme Marthe à Marie, disons donc à nos enfants, à nos jeunes
gens, " Magister adest et vocat te." Dieu, est là, conduisons là l'enfant
des catéchismes et voyons à ce qu'il noue sa vie d'adoration avec ce Dieu
du Tabernacle mieux connu, mieux aimé, mieux servi. Pour cela, c'est
le temps ou jamais.
Mais il ne faut pas seulement crier et répéter le cri : " Adorez l'Eu-
charistie." Il faut, pendant les années des catéchismes, faire prendre
aux jeunes chrétiens des habitudes d'adoration eucharistique, et cela, en
leur faisant faire fréquemment des adorations et collectives et isolées.
Au cours de l'année, du haut de la chaire, convions l'enfant à faire des
visites au Saint-Sacrement, soit à la fin des classes, soit quand il passe
incidemment à la porte de l'église, soit aux jours des expositions solen-
nelles du Saint-Sacrement. Le devoir de l'adoration eucharistique,
prêchons-le à temps et à contretemps. " Insta opportune, importune."
Voilà la voie à suivre pour atteindre le but des catéchismes, je veux dire,
pour créer, multiplier sur terre les adorateurs spirituels que ce Père
cherche pour en peupler ensuite le ciel. C'est bien en présence des
Tabernacles voilés que l'on commence cette vie d'adoration en esprit et
en vérité, que l'on continuera au ciel dans un bienheureux face-à-face.
C'est bien la pensée de ce chant de saint Thomas:
Jesu, quem velatum nunc aspicio,
Oro, fiât illud quod tam sitio:
Ut, te revelata cernens facie,
Visu sim beatus tuae gloriae.
IV
Je termine donc tout cet entretien en proposant à vos suffrages le
Tœu suivant, sur l'Œuvre des Catéchismes.
Vœu :
Après avoir médité la parole de Notre-Seigneur à la Samaritaine :
" que le Père cherche sur terre de vrais adorateurs" des adorateurs en
esprit et en vérité, comme les décrit Notre-Seigneur; et après avoir re-
connu davantage que c'est par les catéchismes de Première communion
c -
— 777
et de Persévérance, que les pasteurs préviennent chez les jeunes baptisés,
la séduction du siècle déformateur de l'âme chrétienne et qu'ils multi-
plient les vrais adorateurs; et après avoir compris que ces catéchismes
sont peu efficaces, 1° s'ils ne sont pas faits suivant les directions de l'art
pédagogique, et 2° s'ils ne forment tout de suite les jeunes chrétiens à
la vivifiante habitude de l'adoration du Sacrement de nos autels et de la
Communion ; le Congrès Eucharistique de Montréal exhorte tous les
prêtres, à qui échoit l'œuvre de catéchisation à s'adonner à leur sainte
fonction, avec ce grand zèle qui leur inspirera et de s'acquitter diligem-
ment de leur tâche ,et d'acquérir l'habitude professionnelle qui en assure
le succès; et pour atteindre parfaitement la vraie fin des catéchismes
" qui est de multiplier les adorateurs que le Père cherche" et les mem-
bres vivants de Jésus-Christ, le Congrès exhorte instamment les caté-
chistes, à imprégner les catéchisés, ceux de la Première Communion et
ceux de la Persévérance chrétienne, de foi, d'amour eucharistique, et à
en faire des convives assidus de la Sainte Table.
♦ ♦
Cet enseignement catéchistique dont M. le Rapporteur a
dit l'importance et l;i pratique, Mr. l'abbé Belleney, repré-
sentant de •' La Croix " de Paris au Congrès, en indique un
moyen subsidiaire très efficace, c'est-à-dire renseignement
par les yeux, par le moyen des Projections buHÎneusefi. Cette
innovation déjà très répandue en France, a eu les plus heu-
reux résultats : elle captive l'entant et même les grandes
personnes ; elle intéresse et instruit à la ibis.
■Sf *
Le programme de la séance compoite encore des raiqK)rt8
qui, faute de temps, ne j>euvent êtiv lus.
L'un est du R. P. Lainhcrl, Missionnaire ai>ost()li(}U<'. bien
connu en France par son ajustolat de la jeunes.sr auquel
il a voué sa vie et par son œuvre des Prêtres-r>ducat«Mir8.
Il devait venir lui-même exposer au Congri's <1<* MontiV*al les
industries et les résultats de son <'xpéri('nce; mais em]w"Mhé
à la dornière heure par la maladie, il a <'U la bonni' inspira
tion d'euvo3^er son travail imprinn''.
Cette étude est distribuée aux prêtres pai' les soins
du Comité des Travaux, et la tndsième séance wicerdotale se
contente d'en api)laudir les résolutions finales.
— 778 —
li'APOSTOLAT EUCHARISTIQUE DU PRETRE
AUPRES DE LA JEUNESSE
Après avoir rappelé l'importance souveraine que le prêtre
doit attacher à son apostolat auprès de la jeunesse, le Rap-
porteur s'attache à préciser ce qu'il faut entendre par l'apos-
tolat eucharistique de la jeunesse, et les formes sous lesquel-
les cet apostolat peut s'exercer. Il s'agit évidemment des
diverses industries à l'aide desquelles on s'efforce de faire
connaître, aimer, recevoir, servir l'Eucharistie, en habituant
la jeunesse à traiter avec elle comme avec l'Ami de tous les
jours Qui oserait contester que tout cela ne soit fondé en
raison, '' puisque Jésus-Christ a concentré et, pour ainsi dire,
localisé dans l'Eucharistie sa présence et son action person-
nelle dans le temps ", et que cet apostolat eucharistique ne
soit rendu de plus en plus urgent par l'affaiblissement géné-
ral de l'esprit chrétien, et l'ignorance profonde des vérités
les plus élémentaires du christianisme.
Le Rapporteur explique alors que cet apostolat doit assu-
rer une double formation : la formation théorique et la for-
mation pratique. Il faut d'abord partir de ce principe :
'' qu'en général, pour ne pas dire universellement et tou-
jours et partout, les enfants sont très ignorants de l'Eucha-
ristie ". Cette ignorance provient ordinairement de deux
causes : on se persuade trop facilement que les enfants savent
ce que c'est que l'Eucharistie, taudis qu'en réalité et le plus
souvent, ils n'en connaissent que la définition catéchistique ;
ensuite l'on croit généralement que la connaissance de l'Eu-
charistie n'est pas à la portée des enfants.
Je mets, au contraire, en fait qu'aucune connaissance n'est plus natu-
relle — dans le sens où il faut entendre ici ce mot, plus sympathique,
plus accessible à l'intelligence et au cœur de l'enfant, et que, par consé-
quent, il serait plus lationnel et plus logique, sinon de commencer exclu -
sivem.ent par elle, du moins de rattacher la notion de l'Eucharistie à
celles que l'on inculque avant toute autre à l'enfant.
Or, à l'enfant, dès qu'il a conscience de lui-même, avant même que
sa raison s'éveille, on inculque la notion de Dieu, du Ijon Dieu, de Jésus.
Voyez de quelle façon on s'y prend. Vous n'ignorez pas qu'il est de
la nature de l'esprit humain, que c'est le propre de ses opérations de
procéder, ainsi que je l'ai dit plus haut, du connu à l'inconnu, du vi-
sible à l'invisible, du sensible à l'insensible, et de s'élever, par l'image
et l'apparence, jusqu'à la réalité.
Nous inspirant de ce principe, quand nous voulons faire comprendre
— 7T9 —
à l'enfant les mystères de notre sainte religion, nous lui montrons des
images, des statues; nous frappons ses sens par la représentation exté-
rieure et sensible de ce que nous: désirons lui faire saisir, et par ses
sens, nous allons à ï-on âme.
Nous plaçons donc devant le regard du petit enfant un objet. Cet
objet nous le lui nommons d'abord, alors même qu'il n'en connaît pas
la nature, les propriétés, la destination. Puis, à mesure (|ue sa raison
se développe, nous ajoutons à la connaissance initiale, rudimentaire de
cet objet des notions complémentaires, que nous perfectionnons prugres-
sivement par des notions nouvelles, dans les proportions de sa capacité
intellectuelle.
Appliquons ce qui vient d'être dit au sujet qui nous occupe.
Je disais tout à l'heure que l'une des notions chrétiennes que l'on in-
culque, dès l'enfance, est la notion de Jésus. Comment procède-t-on
d'ordinaire ?
On montre à un petit enfant une image représentant Jésus dans la
crèche ou Jésus sur la croix. On lui nomme Jésus, on lui fait pro-
noncer le nom de Jésus.
Puis quand l'enfant est capable de comprendre, on lui explique ce
qu'est Jésus : on lui dit que Jésus est un petit enfant bien sage, qui est
né pendant l'hiver dans une étable, sur un peu de paille, qui souffrait
du froid, mais ne pleurait pas, etc.
En lui montrant la croix, on lui dit que ce sont des hommes méchants
qui ont cloué Jésus, le meilleur des hommes, et qui l'ont fait mourir
sur une croix. . . .
A ce récit, l'enfant s'émeut, s'attendrit. ])leure, aime ce ))etit "niant
dans sa crèche, ou ce crucifié dont le sang coule ; son cœur se prend de
compassion pour Jésus et tire de ses lèvres des paroles charmantes et
touchantes, témoin un petit enfant de trois ans et demi que j'ai connu et
qui, devant une image représentant Jésus tombant sous le poids de sa
croix, s'écriait, le> larmes aux yeux: "Jésus! Juifs méchant.sî Pauvre
Jésus !...''
Puis, avançant dans notre enseignement, nous disons à Tenfani (pie
celui (|ui est coticlié dans la crinhe et cloué sur la croix, c'est le Fjls de
Dieu, c'est le bon TMeu, qui a voulu se faire homme, tout en restant Dieu,
par amour pour les hommes.
L'enfant s'étonne, ne comprend pas ce mystère. — Plus tard, lui
disons-nous, quand tu seras grand, tu comprendras. En attendant, aime
le bon Dieu; ne l'offense pas, car c'est le péché qui l'a fait souffrir ot
mourir.
Et l'enfant se sent attiré vers Jésus: et si son rmur est naturellement
généreux, il rêvera de faire quelque chose pour Jésus, à l'exemple de
sainte Thérèse, âgée de sept ans et enflammée par la lecture de la vie
des saints, s'en allant, avec son frère. Podrigue. au pays des Maures,
pour y endurer le martyre et mourir pour Jésus-Christ.
Or, si l'on peut faire pénétrer dans lïime de l'enfant la counaissancc
des grands mystères de Dieu: Incarnation. Pédemption; pourquoi n'y
pourrait-on pas faire pénétrer imreillement la connaissance du mystère
eueliaristifpie ? D'autant (pi'iei encore, c'est Jéaiis continuant, poua le
voile du Sacrement, l'œuvre de sa vie mortelle.
— 780 —
Au lieu donc de borner la connaissance de l'enfant à la vie et à la
mort de Jésus, étendons-la à sa vie sacramentelle.
Ne mutilons pas le Christ, comme hélas ! on le fait trop souvent, en
terminant sa vie ici-bas à sa mort sur la croix ou tout au plus à son
ascension dans le ciel. Ne savons-nous pas que, tout en siégeant à la
droite de son Père dans le royaume de sa gloire, il a trouvé le secret,
dans sa toute-puissance et sa toute-bonté, de fixer à perpétuité son séjour
sur la terre, et que, si sa vie mortelle n'a duré que trente-trois années
voilà dix-neuf siècles que dure sa vie sacramentelle ? Certes, ce fait
n'est pas à négliger, et l'Eucharistie, qui est Dieu avec nous, Jtsus-Christ
continué, mérite qu'on s'occupe d'elle, qu'on l'étudié, qu'on la connaisse
et qu'on la fasse connaître.
Les procédés pour communiquer cette connaissance sont exactement
les mêmes que ceux que j'ai indiqués plus haut. Mieux encore, Dieu
lui-même a mis à la portée de Tintelligence humaine le moyen d'acquérir
sans effort cette connaissance.
Jésus-Christ, en effet, a institué l'Eucharistie sous une forme sensible,
visible, tangible. Sans doute, les espèces sacramentelles ne sont que des
apparences. Mais ces apparences sont le signe de sa présence réelle et
vivante. Elles sont plus qu'une image, car être devant ces apparences,
c'est être en présence de Jésus-Christ en personne.
Or, est-il bien difficile de prendre un petit enfant par la main, de le
conduire à l'église et, au moment de la consécration, lorsque le prêtre
élève la sainte Hostie, ou bien encore lorsque la sainte Eucharistie est
exposée à l'adoration des fidèles, est-il difficile de la montrer à l'enfant
en lui disant: c'est Jésus? (1)
Attendez quelque temps encore. Laissez-le grandir. Il verra que
lorsque la Sainte "Hostie est élevée, on s'incline, on se tient respectueu-
sement à genoux, on garde le silence, on prie . . . Cela le frappera, cela
le recueillera.
Puis, quand on s'approchera de la Sainte Table, quand le prêtre distri-
buera la sainte communion aux fidèles, l'enfant reverra le même Jésus
venir, sous la blanche Hostie, sur la langue des communiants. Cela le
frappera plus encore. Mille questions se presseront dans son esprit.
Pourquoi, lui, ne va-t-il pas aussi à la Table Sainte ? Pourquoi vient-on
s'y asseoir ? Pourquoi reçoit-on le bon Dieu sous cette forme ? Peut-
être posera-t-il ces questions. Souvent il ne les posera pas; mais elles
se dresseront dans son esprit sans réponse satisfaisante.
C'est alors le cas, pour vous, mères qui m'entendez ici; pour vous,
Catéchistes volontaires; pour nous, surtout. Prêtres, initiateurs et édu-
cateurs des âmes, c'est alors le cas ou de prévenir ces questions, ou d'y
répondre nous-mêmes; c'est le cas d'expliquer à l'enfant le grand amour
de Jésus qui, non content d'avoir versé son sang et donné sa vie sur la
Croix pour le salut des hommes, a voulu encore se donner à chacune de
(1) Cette initiation élémentaire relève bien plutôt, j'en conviens, de la mère,
que du prêtre et du maître. Mais hélas! combien peu sont nombreuses les mères
fjui se préoccupent d'inculquer ces notions chrétietines a leurs enfants! Aussi bien,
l'édiicateur apôtre doit-il se résigner iV remplir auprès de ces derniers, le rôle de
mère. L'éducation, n'est-ce pas une sorte de maternité ?
— 781 —
ses créatures rachetées. C'est le cas de lui expliquer que ce divin Sau-
veur renouvelle d'une manière invisible et non sanglante, à la messe,
le sacrifice de sa mort au Calvaire. C'est le cas de l'initier à la con-
naissance plus complète de cette vie sacramentelle de Jésus, de frapper
sa jeune intelligence par les innombrables manifestations de l'amour
divin dans l'Eucharistie.
Si Jésus est au ciel, il est aussi sur la terre. Où ? — Dans le Très
Saint-Sacrement. — Pourquoi ? — Comment ? — Que fait-il ? — Que
peut-il ? — Que veut-il ? — Que mérite-t-il ? — Pourquoi le tabernacle ?
-— Pourquoi l'autel ? — Pourquoi la Table Sainte ? — Autant de ques-
tions à éclaircir, autant de points sur lesquels il importe d'instruire les
enfants.
Il faut ausi leur montrer l'universalité de l'Eucharistie, donnée à tous
et répandue partout; sa perpétuité, s'étendant à tous les temps; les
humiliations de l'état sacramentel; les ingratitudes des hommes envers
le Dieu du Sacrement ; les merveilleux effets de sa présence dans les
âmes; les maux dont il les délivre, les transformations qu'il opère en
elles.
Mais ce n'est là, mes cliers Confrères, qu'un côté de notre apostolat
eucharistique, qu'une partie de notre mission, sous ce rapport, d'édu-
cateurs chrétiens auprès des enfants.
L'Eucharistie n'est pas seulement pour être crue, adorée, aimée; elle
est encore et surtout pour être reçue et mangée. "Je suis le Pain vivant
descendu du ciel" dit Jésus-Christ. "Le Pain que je donnerai, et qui
n'est autre que ma chair, est pour la vie du inonde. Aussi celui qui
mange de ce Pain vivra-t-il éternellement."
Dès lors, c'est pour nous, prêtres, un devoir de faire connaître l'Eu-
charistie sous ce nouvel aspect, par lequel elle a le plus de contact avec
les enfants des hommes.
Pour remplir pleinement et efficacement notre mission eucharistique
auprès des enfants que nous instruisons au catéchisme ou que nous
élevons dans nos écoles, commençons, dès leur bas âge, à leur dire, à leur
redire sur tous les tons, que l'Eucharistie est le Pain de l'âme; — que
l'âme a besoin de se nourrir tout aussi bien que le corps ; que Jésus-
Christ a institué l'Eucharistie pour être la nourriture des âmes : — que
ce n'est qu'à la condition de manger cette divine nourriture que les
âmes peuvent espérer de vivre surnaturellement.
Ces notions, dont l'utilité s'étend à tous nos élèves sans exception,
ayons surtout à cœur de les incuhiucr à ceux d'entre eux qui doivent
prochainement faire leur première communion. Hélas! que d'enfants ne
voient dans cette première communion qu'un acte isolé, très important
sans doute, mais sans relation avec la suite de leur vie ! Aussi la première
communion est-elle souvent pour eux la dernière. Ils n'ont yias com-
pris, parce qu'on ne leur a pas assez dit, que cette première communion
en appelait une seconde, une troisième, et ainsi de suite, et que, à cette
condition seulement, ils pourraient marcher, hitter, vainere et finalement
se sauver.
Par conséquent, gardons-nous bien de leur représenter la communion
comme une pratique réservée aux saints et aux parfaits, comme une
récompense qu'il faut mériter.
— TS2 —
Eeprésentons-la leur, au contraire, comme un secours, un préservatif
indispensable, un remède offert par la miséricorde du Sauveur et acces-
sible à tous, comme une sauvegarde pour la pureté, un épouvantail pour
le démon, un stimulant actif vers la perfection, comme un gage assuré
de persévérance.
Ne leur faisons pas, pour communier, même souvent et très souvent,
des conditions plus onéreuses que l'Eglise; mais, tout en insistant sur
le devoir de se préparer à la communion par la pureté de cœur, le re-
cueillement, l'accomplissement fidèle des devoirs d'état, la pratique des
actes vertueux, insistons surtout pour leur faire comprendre qu'il n'y
a qu'un obstacle radical à la communion : le péché mortel, et par consé-
quent, qu'une disposition strictement requise: l'état de grâce joint à la
bonne volonté. ( 1 )
Parlîint de la formation pratique, le Rapporteur demande
à tous ceux qui ont à s'occuper des enfants de leur apprendre
de bonne heure les actes de la piété eucharistique : la bonne
tenue et le silence dans les églises, le respect de la génu-
flexion devant le tabernacle, de la prostration devant le
Très Saint-Sacrement exposé, le nom et le sens des diverses
fonctions du culte liturgique et des cérémonies de l'Eglise ;
apprenons leur, par des méthodes simples et faciles, à faire
la visite au Très Saint-Sacrement, à entendre la sainte
messe, à se préparer à la sainte communion, à faire l'action
de grâces ; développons en eux l'appétit eucharistique ;
rendons leurs communions plus pratiques en leur suggérant
des intentions de communion, etc. Puis il conclut par les
voeux suivants :
Voeux :
Désireux d'entrer dans les vues du Chef auguste de l'Eglise, qui sont
de tout édifiei' sur le Christ, inslaurare omnia in Christo, et d'amener les
âmes à vivre, dans la plus large mesure possible, de la vie communiquée
par le Christ au Sacrement de l'Eucharistie; le Congrès eucharistique
de Montréal adopte les vœux suivants formulés par l'auteur du présent
rapport :
1° Que tous les Prêtres sans exception, soit qu'ils appartiennent au
Clergé paroissial, soit qu'ils fassent partie du Clergé enseignant, accor-
dent dans leur apostolat, selon qu'il a été indiqué, une part plus large,
une place de choix à V Eucharistie.
2° Qu'ils s'efforcent, par tous les moyens possibles et avec tout le zèle
dont ils sont capables, de promouvoir parmi l'enfance et la jeunesse la
connaissance théorique et pratique de la Sainte Eucharistie, parlant fré-
quemment de ce divin mystère, en dévoilant les réalités, les grandeurs.
( 1 ) Nemo qui in statu gratioe sit et cuin recta piaque mente ad Bacram Men-
aam accédât, prohiberi ab ea possit (Décret. Sacra. Trident. Synod. n. 1).
— 783 —
les amabilités, y familiarisant, en quelque sorte et de très bonne heure,
les âmes, afin que de la notion plus nette et de la pensée plus habituelle
de l'Eucharistie résultent un amour plus vrai et plus profond, le goût
de la Communion frfqucntc et quotidienne, le besoin de s'enrichir des
grâces contenues dans ce trésor de tous les biens célestes.
3° Qu'ils prêchent tout les premiers d'exemple et fassent de l'Eucha-
ristie le principe et le modèle de leur perfection sacerdotale, l'objet
central de leurs affections, la fin de tous leurs actes, la vie de leur vie:
" mihi vivere Christus est"; et qu'ainsi, grâce à eux, à leur exemple et à
leur zèle apostolique, le Roi immortel des siècles, le Christ présent et
vivamt au Sacrement, obtienne la place d'honneur qu'il doit et veut oc-
cuper dans la vie individuelle, domestique et sociale.
*
* *
Avant de clore le coTiple-reiidii de ces séances sacerdotales,
nous tenons à signaler également deux autres rapports :
l'un de M. l'abbé RocJion, curé de Saint-Augustin, diocèse de
Montréal, sur le soin des sacristies et des ohjets du culte ; et
qui se termine par les vœux suivants :
Yceux :
1. Que tous les prêtres veillent avec délicatesse et propreté, comme
la Très Sainte Vierge, sur les vètpments de Jésus; et que là surtout où
il n'y a pas de religieuses chargées du soin des ornements sacrés, le
prêtre lui-même, se fasse un honneur, de jxiycr de sa propre personne,
ce tribut d'amour au Divin Roi du Tabertiacle.
2. Que, dans les séminaires, on forme les jeunes clercs, nu soin de
tous les objets du culte sacré, non seulement par la parole, mais en leur
confiant ce travail sous la surveillance d'un sacristain, bien autorisé.
3. Que nos sacristies soient abondamment puurvue.'i. praprement en-
tretenues, richement dotées de vases sacrés et d'ornements. Il est à dé-
sirer que le prêtre sache faire entrer, pour une large part, les dépenses
de sa sacristie dans son budget sacerdotal : qu'il donne de .<<a rirhes.^e .///
de sa pauvreté: mais qu'il n'ait jms de repos avant (juc le niHe de \,itrr-
Seigneur soit décemment et même royalement assuré.
4. Que dans les maisons d'éducation, où l'on rencontre assez .souvent
des sacristies mal montées ou mal tenues, les chapelains s'emploient à
faire cesser la négligence ou les abus, et à amener petit à petit, l'autorité
à faire les dépenses nécessaires ou convenables pour constituer un ves-
tiaire décent, convenable, .sinon riche, au Pieu du Très Saint-Sacrement.
— 784 —
Le second est du R, P. Dagnaud, Vicaire Provincial des
Eudistes, qui désire signaler au Congrès une oeuvre d'Ado-
ration diurne à domicile, établie par un curé canadien du
Nouveau-Brunswick. Il s'agit d'une paroisse où l'église est
d'accès difficile ; il eut été impossible d'y établir l'adoration
du Très Saint-Sacrement.
La paroisse, qui compte environ 250 familles, fut divisée en huit dis-
tricts. Le premier, le plus voisin de l'église, devant fournir des
adorateurs, chaque matin de 6 h. à 8 h.; les sept autres, un jour chacun,
de 8 h. du matin à 6 h. du soir. La durée de l'adoration fut fixée à une
demi-heure.
Deux zélatrices (les zélateurs sont si rares !) seraient chargées, dans
chaque district, de recruter des adorateurs et de veiller à remplacer ceux
que la mort, 1 absence ou une autre cause empêcheraient de remplir leur
promesse.
Après quinze jours, les listes étaient complètes. Toutes les demi-
heures étaient prises, et un bon nombre l'était par plusieurs adorateurs.
En donnant aux familles moins éloignées de l'église les deux premières
heures d'adoration de chaque jour, le curé espérait que, le plus souvent,
ces heures seraient faites dans l'église. Par là, il s'assurait une assis-
tance plus nombreuse et plus suivie à la Sainte Messe, et une pratique
plus fréquente de la sainte Communion. Son espoir n'a pas été trompé,
et les adorateurs du matin sont devenus des habitués de la Sainte Table.
L'adoration à domicile s'établit le plus naturellement du monde.
Chaque maison a d'ordinaire un salon assez étroit qui ne s'ouvre guère
d'ordinaire que pour les étrangers. Le curé remit aux adorateurs une
grande image représentant un ostensoir élevé entre deux anges qui s'in-
clinent devant la Sainte Hostie, et recommanda de l'encadrer et de lui
donner une place d'honneur dans le salon. Son conseil fut suivi, et
c'est devant cette image que vient s'agenouiller tantôt une mère avec ses
petits enfants, tantôt une jeune fille, parfois même la famille tout
entière, lorsque les circonstances sont favorables. Leurs occupations, et
aussi le respect humain rendent l'accès de l'œuvre plus difficile aux
hommes; il faut leur réserver les heures des offices du Dimanche.
En plus de la grande image, les adorateurs en reçoivent une plus
petite, sur le dos de laquelle sont imprimées les intentions générales de
la demi-heure d'adoration.
1° Rendre à Notre-Seigneur présent dans le tabernacle de l'église
paroissiale, les adorations et les remerciements des hommes, et spéciale-
ment des paroissiens.
2° Demander pardon pour les péchés du monde, et spécialement ceux
de la paroisse.
3° Implorer la conversion des pécheurs, et spécialement ceux de la
paroisse.
4° Prier pour l'éducation chrétienne des enfants et pour la multipli-
cation des vocations sacerdotales et religieuses, spécialement dans la
paroisse.
— 785 —
Il est entendu que l'adorateur représente la paroisse tout entière au-
près de Xotre-Seigneur, et que s'il peut et doit avoir ses intentions
particulières, les intentions générales tiennent la première place dans sa
pensée.
Bien nue l'emploi du temps d'adoration soit laissé à la dévotion de
chaque fidèle, le curé, pour aider les bonnes volontés conseille de le
régler de la façon suivante :
1° Acte de foi et d'adoration à Xotre-Seigneur présent dans le taber-
nacle de l'église.
2° Récitation du chapelet aux intentions indiquées plus haut, une par
dizaine, la dernière est laissée pour les intentions particulières.
3° Litanies du Sacré-Cœur de Jésus.
4° Amende honorable et consécration de la paroisses et de sa famille
au Sacré-Cœur.
Une lecture de piété, si le temps le permet.
L'œuvre fonctionne depuis trois ans à la satisfaction du curé, et pour
le bien spirituel de ses paroissiens. Elle est puissamment aidée par
l'exposition mensuelle du Très Saint-Sacrement. Ce jour-là. le 3ènie
Dimanche du mois, le curé, à une heure fixée, revêt le surplis et lit lui-
m.ême en chaire, les prières conseillées aux adorateurs. Les fidèles
apprennent ainsi peu à peu à passer chez eux, utilement et facilement,
leur demi-heure d'adoration.
*
* *
Ainsi prennent fin ces séances sacerdotales, qui auront été
les plus belles et les plus importantes de notre Congrès.
7S6 —
§ III. Séance des Jeunes Gens.
Les cérémonies religieuses du matin avaient été splen-
dides. Avec un autre cachet, le cachet que leur donnèrent
l'enthousiasme débordant des jeunes gens et les émotions
généreuses des hommes, celles de l'après-midi furent très
belles.
Dès une heure, les premiers se dirigent de toutes les par-
ties de la ville vers la cathédrale. Ils défilent par groupes,
accompagnés de leurs bannières et de leurs drapeaux,
rythmant leur marche de chants pleins d'entrain. A deux
heures, tous les abords de l'église sont envahis. Il y a là plus
de vingt mille jeunes gens, entourés d'une foule immense
de spectateurs, animés du même respect et vibrant du même
enthousiasme.
Les bravos éclatent, les acclamations s'élèvent quand le
cardinal paraît avec Mgr. l'archevêque et prend place dans
sa voiture. Puis c'est la procession, la marche vers l'Arena.
Dans la vaste salle des milliers ont déjà pénétré ; d'autres,
en plus grand nombre, attendent aux portes. Tous font au
légat qui arrive une incomparable ovation.
A peine ont cessé les applaudissements qui accueillent
l'entrée de son Eminence et des personnages ecclésiastiques
et laïques qui l'accompagnent, que Mgr l'archevêque de Mont-
réal se lève et présente en ces termes la jeunesse canadienne
à l'Envové du Souverain Pontife.
Eminence
La jeunesse... la jeunesse canadienne-française! C'est elle, toute
frémissante d'émotion, que vous avez devant vous, notre joie, notre es-
poir, notre consolation. C'est l'avenir. Et comme c'est une jeunesse
toute remplie de l'amour de Dieu, du pape et de l'Eglise, une jeunesse
toute pleine de foi, nous aurons un pays croyant, toujours fidèle à l'Eglise
et à son Dieu.
Il y eut jadis, au berceau de Ville-Marie, un jeune homme de vingt-
quatre ans, qui s'appelait Dollard. Il sut mourir, avec seize autres de
ses amis, pour sauver Montréal. Et ses frères, ici présents, vont lui
ériger bientôt un monument pour commémorer le grand acte de patrio-
tisme et d'béroïque dévouement.
Ce sont des jeunes Dollard que vous avez devant vous; ils sont prêts
— 787 —
à mourir pour la patrie et pour l'Eglise, quand la patrie et TEglise leur
demanderont leur sang.
Un jour, Eminence, le Christ Jésus que vous représentez en ce mo-
ment, — l'Evangile nous le raconte — vit un jeune homme. Il le re-
garda et il l'aima. Vous en avez vingt mille devant vous; ils sont venus
de partout — de Montréal et de tous les diocèses de la province de
Québec, — ils ont la même origine, ils parlent la même langue, ils
adorent le même Dieu, ils ont la même foi, ils ont la même espérance;
et ils vous aiment, et ils aiment le pape, et ils aiment l'Eglise. Regardez-
les et vous les aimerez.
Eminence, je ne puis pas vous le cacher, mon cœur d'évêque bat fort
en ce moment; et je suis sûr que le cœur de votre Eminence bat comme
le mien.
Eminence, je n'en dirai pas davantage. C'est notre chère jeunesse
qui est là, pleine de vénération et de filiale affection pour vous, c'est la
patrie de demain. Au nom du Pape, du Christ et de l'Eglise, Emi-
nence, bénissez-la.
Son Eminence le c.irdinallégat se lève, bénit la foule age-
nouillée, puis il lui adresse ces paroles :
Mes chers jeunes gens.
Oui, Monseigneur a bien dit lorsqu'il a prononcé ce mot, que mon
cœur en ce moment bat à l'unisson avec le sien.
J'ai bien peu de chose à ajouter aux paroles magnifiques et éloquentes
qu'il vient de prononcer; mais laissez-moi vous dire que ma joie est
inexprimable eu vous voyant accourus en si grand nombre autour de
l'humble personne du légat du Saint-Père.
Cette procession, cette marche triomphale qui vient de m'accompagner
jusque dans cette salle m'a ému jusqu'au fond de mon âme.
Multiples ont été les manifestations de foi, les motifs de consolation
que j'ai eus de la part des catholiques canadiens depuis que j'ai mis les
pieds sur ce sol béni ; mais celle d'aujourd'hui dépasse, laissez-moi vous
le dire, dépasse toutes les autres.
Oui, ma joie, mon allégresse est profonde. Elle est bien légitime,
bien justifiée, car je vois qu'avant tout vous êtes fidèles aux traditions
de vos pères; vous conservez dans votre âme la foi catholique qu'ils ont
apportée dans ces régions, vous conservez les exemple.* de vos ancêtres.
Et Monseigneur a l»ien eu raison dv titer tout à l'heure l'exemple de co
jeune homme canadien et catholique, qui pour sauver sa patrie n'a pas
craint de verser son sang.
Vous êtes surtout fidèles aux traditions encharistiquos de vos ancêtres,
de vos pères ; et ce qui surtout me réjouit et me donne l'allégresse lii plus
profonde, c'est que vous êtes l'avenir. T^n pays qui a une telle jeunesse
a son avenir assuré.
Vous continuerez dans la même voie, car il est dit dans les Saintes
— 788 —
Ecritures : " La voie que l'homme choisit dans son jeune âge, il ne s'en
écarte pas en vieillissant." Vous continuerez dans cette voie, et je vous
félicite d'avoir choisi la bonne — bonne pour vous-mêmes, bonne pour
vos familles, bonne pour la patrie.
Oui, vous avez choisi la bonne voie, car vous venez au pied du taber-
nacle, où vous trouvez le Eoi des rois, devant lequel vous courbez bien
volontiers vos têtes; vous venez à la Sainte Table pour vous fortifier
dans votre foi et dans la pratique de notre sainte religion; vous venez
vous fortifier, recevoir dans ces banquets divins la force pour résister au
respect humain, pour vaincre les dangers, les tentations même auxquels
vous êtes exposés dans le chemin de la vie. Vous devenez des héros,
comme des héros ont été vos ancêtres. C'est qu'en effet c'est là que se
forment les héros, les héros chrétiens. Nous en avons l'exemple depuis
les premiers temps de l'Eglise, et je n'ai qu'à vous citer un seul exemple,
celui de saint Tharcisius, qui, pour ne pas exposer le Saint-Sacrement de
l'Eucharistie dont on lui avait donné la charge, a préféré donner sa vie
pour préserver ce trésor précieux des injures des païens : ipse animam
potius voluit dimittere caesus quam prodere canibus rabidis Caelestii
Memhra.
Pour ne pas donner le Cœur divin de Jésus à des gens qui l'auraient
exposé à toutes espèces de sacrilèges, il a voulu plutôt mourir.
J'avais donc bien raison de dire que, vous aussi, vous avez choisi la
bonne voie, et "que par 'conséquent l'avenir est garanti, est assuré.
Je ne regrette qu'une chose, une seule chose, qui serait un grand
plaisir pour moi : c'est que le Saint-Père ne vous voie pas lui-même,
qu'il n'ait pas sous les yeux un spectacle si touchant, si imposant que
donnent ses enfants de prédilection. Mais puisque vous ne pouvez pas
entendre sa voix paternelle et douce, comme tant d'autres ont le bonheur
de l'entendre — car le Saint-Père les accueille lui-même le plus souvent,
surtout les jeunes gens de la première communion; il aime tant à leur
donner ce jour-là des conseils et des directions — puisque, donc, vous
n'avez pas cette consolation, il faudra bien que son légat s'efforce d'in-
terpréter tout simplement les paroles et les sentiments que sans doute,
il vous exprimerait lui-même.
Eh bien ! mes chers enfants, vous dirait le Saint-Père, je sais que vous
m'aimez, vous m'en avez donné tant de preuves, — et la preuve que j'en
ai à ce moment est la plus éclatante et la plus manifeste — mais, sachez-
le bien, je vous aime aussi, je vous porte dans mon cœur, j'ai pour vous
la plus grande affection.
Eh bien ! si vous voulez correspondre à cet amour que le Saint-Père
vous porte, tâchez de correspondre à ses directions. Il a recommandé,
dans un décret resté fameux, la communion fréquente, même quoti-
dienne. Il veut que, même les tout petits, qui sont arrivés à l'âge de
discrétion, qui savent discerner le bien du mal, le pain eucharistique du
pain commun, profitent aussi de ce sacrement qui est un préservatif
contre les passions et les dangers, une force dans la lutte. Il veut que
ce soit pour eux une garantie qui les préserve des dangers auxquels ils
se trouvent exposés, et un moyen de préserver leur candeur et leur
innocence.
— 789 —
Eh bien ! soyez, vous aussi, empressés à accourir à la Table Sainte le
plus souvent possible. Vous ferez par là la chose La plus agréable au
Saint-Père; ce sera montrer la reconnaissance que vous lui gardez, et
vous ferez en même temps une chose qui sera pour vous très utile et très
avantageuse.
N'oubliez pas en même temps, dans ces occasions surtout, de prier
pour le Saint-Père, qui s'est intéressé d'une manière spéciale à vous, à
l'occasion surtout de ce Congrès Eucharistique, qui est un grand hon-
neur pour Montréal.
Et puis, laissez que par mandat spécial j'appelle ur vous de ea part
l'abondance des bénédictions divines. Les bénédictions du père, vous le
savez, affermissent la famille. Eh bien ! que cette bénédiction de Sa
Sainteté affermisse avant tout la grande famille canadienne. Qu'elle
soit aussi le soutien pour la famille plus restreinte de chacun do vous.
Qu'elle le soit encore, pour cette famille intime qui est votre âme.
Et puis, laissez-moi vous le dire, je n'oublierai jamais le Congrès de
Montréal; je n'oublierai jamais la manifestation dont j'ai été aujour-
d'hui l'objet de la part de la jeunesse de cette province do Québec, sur-
tout de la ville de Montréal. Et vous aussi, tâchez de conserver un
souvenir de cette grande journée, et je crois que ce souvenir sera aussi
pour vous une consolation, une force et un soutien.
Mgr Langevin, le populaire ami des jeunes gens, succède
au cardinal-lcLiat. Voici son discours :
Mes chers jeunes gens.
Il y a deux ans — son Eminence me permettra de rappeler ce trait,
je voudrais simplonient vous raconter une liistoire, et je sais que vous
aimez beaucoup les histoires — il y a deux ans, on découvrait sur les
bords du Lac-des-Bois, dans une île déserte, un autel et des tomlicaux.
Cet autel avait été érigé par des missionnaires jésuites, qui y avaient
souvent dit la messe, et dans ces tombeaux on a trouvé les restes de
vingt et un braves, tombés sous la hache ou sous la flèche du Sioux fa-
rouche.
Ah ! mes chers amis, cette découverte après 172 ans, dans les régions
de l'ouest, a une grande signification. Cela vont dire qu'il y a une mis-
sion donnée à notre peuple pour répandre partout la foi dans Jésus-
Christ, et en même temps être fidèles à la patrie que le Seigneur nous
a donnée.
Nous autres, catholiques, nous avons un autel, nous avons une
croyance, que partout nous avons à défendre. Il ne suffit pas d'être
catholiques dans notre cœur, il faut l'être encore partout dans la isociété,
parce que le Christ est partout et qu'il est le roi de k société.
Or, jeunes gens, si quelqu'un est appelé à défendre l'autel, c'est bien
— 790 —
vous, dont le cœur est si noble, dont le cœur est encore jeune et libre,
dont le cœur ne connaît aucune entrave, dont le cœur ne connaît pas les
compromis dangereux et déshonorants, dont le cœur est encore chaste
et vierge. C'est sur vous que nous devons compter pour défendre l'autel,
et je suis convaincu que c'est la résolution que vous allez prendre à la
suite de cette superbe manifestation, qui est peut-être la plus importante
de toutes, parce que c'est elle qui va laisser des traces plus profondes,
car vous êtes les hommes de demain, et la société sera demain ce que vous
êtes.
Xous avons non seulement un autel à défendre, mais nous avons aussi
une patrie; comme le Divin Maître, nous avons une patrie terrestre. Eh
bien, jeunes gens, c'est cette patrie que nous devons aimer, puisque le
Seigneur a donné l'exemple de l'amour de la patrie. C'est pour cette
patrie que notre cœur doit vibrer ; c'est pour cette patrie que nous devons
vivre, que nous devons, au besoin, être prêts à verser notre sang.
Vous, jeunes gens, vous êtes de la race de ceux qui savent souffrir et
mourir pour le drapeau. Eh bien, oe drapeau de la foi catholique, ce
drapeau de la patrie canadienne, vous devez l'arborer aujourd'hui. Ce
drapeau, il a reçu son baptême; c'est le drapeau des vieilles gloires de
notre pays, c'est le drapeau de Carillon; et sur ce drapeau le cœur ado-
rable de Jésus a réalisé sa promesse de mettre son cœur sur son drapeau.
Ce drapeau du Sacré-Cœur, il a reçu son baptême de la main autorisée
du représentant du pape, il a reçu son baptême de la main du cardinal
Vannutelli.
Mettez dans les plis de ce drapeau tout ce que la Sainte Eglise vous a
accordé de grâces et de bénédictions ; mettez dans ce drapeau tout ce qui
vous est cher, tout ce qui est cher au foyer domestique; mettez dans les
plis de ce drapeau l'avenir du pays au point de vue catholique, pour ne
pas dire au point de vue français; arborez ce drapeau et défendez-le
vaillamment, l'avenir est à nous.
Je vous remercie, Eminence, de m'avoir permis de dire ces choses
devant ces jeunes gens, qui m'ont acclamé, non pas parce que je m'ap-
pelle Monseigneur un tel, mais parce que je représente une sainte cause.
J'ai vu quelque part un tableau célèbre. On y voit des blessés que
l'on a recueillis ; on y voit la trace de leur sang. Ils sont là, mourants,
et un bataillon, un bataillon français, rencontre ce convoi si triste, si
pénible. Aussitôt un commandement est donné : " Salut aux blessés."
Les soldats présentent les armes, les officiers tirent leurs épées.
Eh bien, quelque chose d'analogue se produit aujourd'hui. Si les
jeunes gens, non seulement de Montréal, non seulement de la province
de Québec, non seulement des provinces maritimes, non seulement des
Etats-Unis, mais même de l'Ouest Canadien, me saluent aujourd'hui,
c'est qu'ils saluent un blessé.
Mais si je suis un blessé, je ne suis pas un découragé, je ne suis pas un
vaincu. Et je puis vous dire ceci, jeunes gens, je suis heureux de vous
dire en ce moment, solennellement, en présence du représentant du pape :
L'Eglise du Canada compte sur vous, et si vous lui êtes fidèles, elle
accomplira sa mission ; elle se servira des différentes races pour faire son
œuvre. Mais si notre race est appelée à remplir une mission d'honneur,
— 791 —
j'espère que tous seront fidèles au poste, et pour le Christ-Eoi, pour lo
Sacré-C<rur de Jésus, pour la patrie canadienne, nous dirons: Vive
Jésus-Hostie! Vive la patrie canadienne!
C'est iiii milieu des plus enthousiastes acclamations (|ue
M. Henri Bourassa, déjjiité de Saint-Ilyacintlie :iu Parle-
ment Provincial, prend la parole.
Emixexce,
Messeigxeurs,
Messieubs,
Un grand écrivain catholique et français, parcourant un jour les rues
de cette Eome éternelle dont vous nous apportez l'autorité, foulant aux
pieds les ruines du palais des Césars, et évoquant la mémoire de ceux
qui l'avaient construit, disait : " En faisant ras-cr le sol pour y bâtir cette
maison. César avait dit : ** Que l'herbe disparaisse.'' Et le brin d'herbe
avait répondu: "J'ai le droit de vivre.'' César avait dit: "J'ai le fer."
Et l'herbe répondit : " J'ai le temps."
Il y a cent cinquante ans il ne restait plus sur cette vieille terre de
Québec qu'une petite semence bien humble. I^ tronc avait été coupé,
les racines en avaient été entamées, et les puissants du jour disaient :
" Sur cette terre d'Amérique, la foi catholique et l'idée de la France
sont passées."
Le fer a passé, mais l'herbe a vécu ; et cette herbe produit aujour-
d'hui, Eminence, les fruits de jeunesse, de vitalité relii^ieuse et de vita-
lité nationale que nous venons déposer à vos pieds pour que vous les
transmettiez à l'autorité suprême dont vous êtes parmi nous le repré-
sentant.
Jeunes gens de l'Association Catholique de la Jeunesse Canadienne-
Française, qui avez pris l'initiative de cette manifestation grandiose, il
n'y a pas longtemps que vous existez et déjà votre œuvre se fait sentir.
Elle se fait sentir, non seulement par des manifestations extérieures
comme celle-ci, mais elle se fait sentir par ce qui vaut mieux encore, par
la pénétration dans le cœur et l'esprit de notre peuple d'idées nouvelles,
d'idées qui produiront pour l'Eglise et pour la patrie des fruits précieux
et des fruits durables.
Vous mettez votre foi au service de votre patriotisme et vous fortifiez
votre foi par le maintien des traditions nationales.
N'es du terroir, héritiers de six générations qui pendant Inngti'inps
ont souiïert pour conserver la seule existence, vous voulez maintenant
donner à la patrie et donner à l'Kgli."^»' un peu des germes de cette se-
mence féconde, de cet héroïsme silencieux, qui fut pendant un siî-olc la
seule vie nationale de ceux qui furent vos pèro».
— 792 —
Vous vous êtes unis dans une pensée nationale, comme dans une
pensée religieuse, non pas pour organiser votre race et votre province
pour faire la guerre aux races étrangères qui habitent avec nous cette
terre du Canada et qui ont fondé et organisé ses autres provinces, mais
parce que vous croyez que la Providence, dans ses desseins insondables,
en faisant se rencontrer sur cette terre d'Amérique les descendants de
ces deux grandes races qui pendant trois siècles se sont disputé la su-
prématie en Europe et l'empire des mers, vous croyez que la meilleure
manière d'entrer dans les desseins de la Providence, de rendre à Dieu
comme de rendre à l'humanité les services que ces deux grandes races
lui doivent, c'est, puisque ces deux rameaux, produits de ces deux grands
pays, ont été plantés côte à côte sur cette même terre, c'est de vivre
égaux l'un à l'autre, dans la fraternité la plus complète, sans que l'un
d'eux s'abaisse devant l'autre.
Vous voulez, et nous voulons tous, Eminence, donner à l'Eglise,
comme donner à la patrie, le meilleur de nous-mêmes. Nous croyons,
et cette jeunesse croit que la meilleure manière d'y arriver c'est de
donner à l'Eglise tout ce que la race, tout ce que le sang, tout ce que la
tradition nationale peuvent inspirer à une jeunesse comme celle-ci de
noble, de généreux, de fécond et d'efficace.
Oui, bénie cette terre du Canada, bénie de Dieu, bénie par la pa-
pauté; bénie non seulement par la gloire des deux grandes races dont
l'une l'a fondée et l'autre l'a conquise, bénie par la semence des sacri-
fices que trois ou quatre générations ont jetés sans compter sur cette
terre, depuis les rives de l'Atlantique jusqu'au pied des Montagnes Ro-
cheuses; bénie surtout dans les jours d'épreuve, où, par son inlassable
patience, les descendants des vieux colons français ont prouvé qu'ils
étaient dignes de subir l'épreuve de la persécution, non pas de la persé-
cution violente, mais de la persécution plus dangereuse encore qui
s'insinue dans les âmes et dans les cœurs, entre l'intérêt et la conviction,
qui va même — oh ! projet diabolique — jusqu'à vouloir mettre une
race conquise à choisir entre son sang et sa foi.
Mais, par bonheur. Dieu nous a protégés ; l'ombre de Dieu, son soleil
et sa pluie bienfaisante sont tombés sur cette herbe modeste et l'ont fait
grandir ; et grâce au dévouement vigilant, aussi profondément catholique
que noblement patriotique, de nos évêques, nous avons su passer à tra-
vers toutes ces épreuves, nous avons su conserver dans la province de
Québec la foi, nous avons su conserver intacte la tradition nationale; et
aujourd'hui nous pouvons, Dieu merci, au grand soleil de Dieu, comme
citoyens de notre pays béni, ayant* des droits, des droits acquis chère-
ment et durement, mais des droits qu'on ne nous conteste plus, nous
avons acquis le droit rie dire aujourd'hui à une majorité loyale, à ceux qui
ne parlent pas notre langue et ne partagent pas nos croyances : Cette terre
du Canada est assez vaste pour vous contenir et pour nous contenir. Il
y a place ici pour toutes les aspirations nobles. Il n'y a qu'une chose
pour laquelle il n'y a pas de place, c'est la domination, c'est la tyrannie,
c'est l'étroitesse, c'est le préjugé.
Eh bien, jeunes gens, continuez votre lutte; soyez fermes, soyez con-
ciliants ; non pas de la conciliation qui met les principes sous les pieds
— 793 —
des intérêts, mais de la véritable conciliation, qui, lorsque les principes
sont dégagés, qui, lorsque les intérêts sont bien séparés, prouve que celui
qui possède son droit, qui le connaît, qui est prêt à se battre pour son
droit, est toujours prêt à tendre une main loyale pour s'entendre avec
celui qui, ne possédant pas la même notion du droit, est néanmoins prêt
à partager la souveraineté nationale avec les autres.
Soyez fermes et soyez conciliants, mais aussi soyez convaincus et soyez
combatifs. Soyez enthousiastes. N'écoutez pas la voix refroidissante qui
vous dit: l'enthousiasme, la foi, l'emballement, — qu'on me pardonne
l'expression — cela, c'est bon pour la jeunesse ; mais vous vieillirez,
vous entrerez dans la voie pratique de la vie, et vous verrez alors que la
meilleure manière de rendre service à votre pays, ce n'est pas de vous
battre, ce n'est pas de clamer, ce n'est pas de vous attacher follement au
service des idées, c'est, au contraire, de suivre la voie beaucoup plus sûre
et beaucoup plus solide des intérêts.
Ceux-là, messieurs, repoussez-les, faites taire leurs voix. Soyez tou-
jours jeunes. Qu'à quarante et à cinquante ans l'on dise encore de vous
que vous êtes jeunes, que vous êtes enthousiastes, que vous n'êtes pas
pratiques. Peut-être y recueillerez-vous bien des injures, peut-être
rencontrerez-vous sur votre route des obstacles durs à surmonter, peut-
être aurez-vous parfois à déchirer les liens de l'amitié, peut-être serez-
vous parfois obligés de panser des blessures plus dures que celles que
le fer peut imposer à la chair mortelle; mais quand vous aurez franchi
cette période, vous pourrez vous dire : Oui, je suis resté jeune, je suis
resté enthousiaste ; j'ai donné le meilleur de moi-même, le meilleur de
ma pensée et de mon cœur à ce que j'ai cru nécessaire à la vie de mon
pays, à la vie des miens, à la gloire do mon Eglise; tout le reste n'est
rien. Et pour tous ceux qui paissent dans les gras pâturages de l'in-
térêt il est avantageux qu'il s'en trouve qui soient prêts à embrasser
follement la cause des idées, la causo de l'idéal, car messieurs, pour ceux-
là les pâturages ne produiraient plus, le jour où il n'y aurait plus de
fous de l'idée.
— 794 —
Son Eminence quitte alors l'Arena pour se rendre au
Monument National, à la séance des hommes. Après le
départ du Légat, M. Gerlier, le brillant président de la
Jeunesse Catholique Française, parle à son tour.
Messeigneues,
Messieues,
Mes chees Amis,
Je ne sais pas si les annales, pourtant glorieuses, de la jeunesse catho-
lique à travers le monde ont enregistré jamais l'écho d'une manifesta-
tion semblable à celle-ci.
Je sais bien que de grandes foules ont acclamé déjà Jésus et son Vi-
caire; je sais bien que de grands frissons d'enthousiasme ont passé sur
tous les points de la terre où bat un cœur catholique, et j'allais dire un
cœur français; mais je ne sais pas si l'on vit jamais pareille assemblée
de jeunes gens faisant retentir acclamations semblables en l'honneur
du pape et en l'honneur de l'Eucharistie.
Ce n'est pas la première fois que la jeunesse catholique canadienne-
française, et cette jeunesse catholique française dont vous voyez ici les
représentants parmi vous, ce n'est pas la première fois qu'elle se rencon-
tre aux pieds du pape. Il vous souvient, il y a des années de cela : Rome
était menacée, et le grand vieillard qui était assis là-bas sur le siège de
Pierre avait poussé un cri d'alarme; et ce cri d'alarme franchissant les
Alpes, était venu faire tressaillir dans la vieille France tous les cœurs de
la jeunesse catholique; et ce cri d'alarme, franchissant les océans, était
venu faire tressaillir dans le Canada-Français tous ces hommes, qui se
souvenaient encore de Eome parce qu'ils se souvenaient de la France. Et
à ce moment-là, ils se sont levés, ces vaillants qui s'appelaient les zouave-s
pontificaux, et la première alliance des deux jeunesses, elle s'est scellée
sur le champ de bataille où vos ancêtres et les nôtres ont mêlé joyeuse-
ment leur sang sous l'étendard pontifical.
Et voici qu'aujourd'hui, ces deux jeunesses sont encore rassemblées
ici. Il ne s'agit plus pour elles d'offrir leur sang, mais elles viennent
pourtant dire que si demain il le fallait, joyeusement elles le donneraient
encore. Elles viennent dire que puisque l'heure présente est moins tra-
gique, mais que d'autres devoirs les sollicitent, tous ces jeunes gens et
tous ceux que j'ai aujourd'lmi l'honneur immense de représenter, tous
ceux-là jurent encore leur dévouement, leur obéissance, leur amour, leur
soumission, quoi qu'il en coûte, au successeur do Pierre, et nous sommes
les successeurs de ceux à qui il a été commandé de lui obéir.
Et c'est une joie profonde pour les jeunes catholiques de France de
venir ici acclamer l'Eucharistie; car, ils peuvent bien le dire, ceux qui
représentent là-bas la vieille France, et ceux d'ici le diront aussi, si nous
avons pu là-l)as faire quelque chose, si nous avons pu à travers des luttes
douloureuses, à travers des épreuves cruelles, si nous avons pu réveiller
un peu l'âme vibrante des vieux chrétiens français, nous le devons à
l'Eucharistie, à la communion, à la communion fréquente.
— 795 —
Et voilà pourquoi, ne pouvant dire ici qu'un seul mot, je voulais,
que ce mot fût, au nom des jeunes catholiques de France, au nom des
jeunes catholiques du Canada, qui me pennettront bien de parler en
leur nom, fût pour vous dire qu'entre toutes les reconnaissances de ces
jeunes gens pour le Saint-Père il n'en est pas de plus ardente que celle
qui est née dans leur cœur le jour où le pape, voulant montrer à la
jeunesse la voie qui mène à tous les tri om plies, à toutes les victoires, à
tous les dévouements, à tous les héroïsmes, leur a montré la Table Sainte
et leur a dit de s'y agenouiller.
Appelé par l'auditoire, Mgr Touchet veut bien, en dépit
des fatigues des jours précédents, dire quelques mots.
Je voudrais bien parler assez haut pour me faire entendre partout,
mais j'ai déjà la voix usée d'hier, et je ne puis vous dire qu'une chose,
une seule chose : c'est que je vous aime beaucoup.
J'emporterai dans mon cœur le souvenir très tendre, et dans mon
esprit le souvenir ébloui de cette manifestation de la jeunesse.
Je vous en supplie pour vous, gardez la belle devise de Québec. Hier
je voyais des petites filles qui dans leurs mains tenaient de? drapeau»,
et sur ces drapeaux il y avait écrit : " Je me souviexs ". De quoi se
souvient-on à Québec? On se souvient de la France; on se souvient de
sa foi; on se souvient du dévouement à l'Efrliso; on se souvient des
devoirs de la jeunesse, qui sont la pureté, la probité et l'esprit de travail.
Eh bien, gardez tous ces souvenirs avec eoin. jeunes gens, et vous de-
viendrez des hommes, vous deviendrez des citoyens, vous deviendrez des
chrétiens; et qui est un homme, qui est un citoyen, qui est un chrétien
a satisfait toute justice ici-bas, et il a le droit de se présenter devant
Dieu et de lui dire: Donnez-moi la couronne que vous avez préparée à
ceux qui ont cru, qui ont aimé, qui ont défendu leur âme. la justice et
la liberté.
Pour moi. je vais m'en retourner en France. Et savez-vous ce que
j'emporte en France? Deux résolutions. T^a première, de revenir vous
voir quand je pourrai. La seconde, d'essayer d'inspirer chez les catho-
liques de France, et plus encore chez ceux qui ne sont pas catholiques,
le respect de la liberté pour tout 1< monde. N^ous en avons })e!Join. nous,
là-bas, et je vous réponds que, dussé-je y mettre ma vie, <run bout à l'au-
tre de mon pays je vais faire retentir ce cri de liberté. Liberté! T>ibert6
pour mes Caoclamations). Et puis, à mes heures mau-
vaises — car j'en aurai. Tuni aussi — h mes heures mauvaises, je me rap-
pellerai le cri du grand ^ront<"ahn, quand il écrivait à son héroÏ4|ue
femme: "Ma chère, deux mots, toujours, sous notre plume et deux
mots dans notre cœur: France et Canada."
— 796 —
A'oici maintenant, à la suite, les rapports de M. Beaupré,
président de l'A. C. J. C, du baron de Xivry, représentant
de rUniveisité Catholique de Louvain, de M. le Dr Baril,
vice-président de PA. C. J. C, de M. Adjutor Rivard, de
Québec.
Rapport de M. Beaupré.
LA COMMUNION FREQUENTE POUR LES JEUNES
Dans le concert grandiose qui, en ces jours, de la terre canadienne, s'é-
lève à la gloire du Dieu de l'Eucharistie, on a bien voulu faire entendre
d'une manière spéciale la voix de notre jeunesse catholique, dont la foi
vient aujourd'hui s'affirmer d'une si éclatante façon.
On ne pouvait assurément mieux répondre au désir intime et profond
de nos jeunes catholiques, qu'en les invitant à organiser une manifes-
tation destinée à glorifier le Dieu de nos autels ; qu'en leur donnant une
occasion de joindre leurs hommages enthousiastes aux hommages solen-
nels que tout un peuple adresse au Christ Eoi.
Quoiqu'elle soit exposée à bien des influences pernicieuses, l'âme
de notre jeunesse n'a pas cessé de s'éclairer et de se réchauffer au flam-
beau de la croyance catholique; cette jeunesse en son âme a tressailli
aux appels qui lui étaient adressés de venir préparer un nouveau triomphe
éclatant au Dieu de sa première communion.
Avec empressement elle s'est levée, elle est accourue de toutes parts.
En bataillons pressés, les jeunes viennent ici proclamer bien haut leur
attachement indéfectible au dogme catholique.
De leurs acclamations ils ont salué l'éminent prince de l'Eglise qui
représente au milieu de nous le Père commun des fidèles ; ils ont affirmé
leur affectueuse soumission au Pontife glorieusement régnant, qui na-
guère conviait instamment tous les chrétiens au banquet eucharistique.
Et voici qu'en cette inoubliable journée, où les jeunes fils de la ÎSTou-
velle-France témoignent de leur constante fidélité à la foi des aïeux,
une autre voix s'est élevée, en cette enceinte, pour redire en des accents
passionnés, comment la foi du Christ sait encore sur la vieille terre de
France, faire battre les cœurs généreux.
Voix d'outremer
Voici que répondant à l'appel de ses frères d'Amérique, obéissant à
l'impulsion de son cœur et de sa foi, la Jeunesse Catholique de France
a envoyé sur nos rives celui-là même qui la dirige, afin que sa présence
et sa parole proclament ici l'attachement invincible de ces fils de la
France au Dieu de Clovis et de Jeanne d'Arc.
Oh ! sans doute plus d'un personnage illustre, plus d'une voix éloquente
nous ont en ces jours rappelé et démontré combien l'Eglise peut encore
sur le sol de France compter de dévouements fidèles et nombreux.
— 797 —
Mais nulle affirmation ne pouvait être plus douce et plus consolante
que celle qui nous est donnée par cette jeunesse même, sur laquelle de-
puis 25 ans s'exerce la fureur de l'ennemi, et qui s'obstine à conserver
intacte sa foi et inaltérable son dévouement à l'Eglise.
Alors que le Dieu d'amour devait être glorifié en des réunions magni-
fiques, sa voix n'a pas voulu demeurer étrangère au concert de louanges
qui monteraient vers le Très-Haut ; c'est pourquoi laissant pour un mo-
ment le champ de combat, son chef s'est rendu au lieu de prière, afin de
glorifier par sa parole Celui que tous les jours, lui et les siens glorifient
par leurs luttes.
Et il nous est ainsi donné aujourd'hui de contempler l'émotionnant
spectacle de deux jeunesses, séparées par les océans, mais unies par le
sang et les croyances, s'associant dans une même profession de foi ar-
dente au mystère qui jadis a fortifié et consolé leurs pères.
Certes, lorsque des chrétiens s'unissent dans la prière, pour louer
Celui de qui ils tiennent, tous biens, il ne convient pas que l'un d'eux
en soit remercié comme d'un acte d'amitié.
A M. Gerlier
Xous n'adressons donc pas des remerciements à notre ami Gerlier pour
être venu se joindre à nous en cette circonstance ; car nous savons que sa
foi profonde considère comme un bonheur immense, d'avoir pu participer
à cet hommage rendu par notre jeunesse au Dieu de l'Eucharistie.
Mais il nous est bien permis de lui dire combien nos cœurs de chré-
tiens, désireux de faire à Jésus-Hostie le plus brillant triomphe, ont été
heureux de savoir que l'éclat de cette manifestation serait accru par la
présence du président de cette Jeunesse Catholique de France à laquelle
nous unissent des liens si étroits et si chers.
Qu'il nous soit même permis de le remercier pour tout le bien que sa
présence nous apporte, à nous les jeunes. Alors qu'elle proclamait l'invin-
cible dévouement de la Jeunesse Catholique de France, sa parole a pro-
fondément remué nos cœurs. Les accents d'une foi aussi ardentx?, l'ex-
emple des sacrifices qu'elle inspire, ne peuvent manquer d'éveiller dans
les âmes les plus généreux désirs de dévoiioment à l'Eglise, et de con-
firmer notre jeunesse dans son attachement sincère aux croyances sécu-
laires de la race.
Car elle est toujours vivace la foi de notre jeunesse: nulle parole ne
saurait l'affirmer, mieux que ne peut le faire le spectacle môme de cette
multitude ; les acclamations (|ui sont monté<\s de son sein traduisent
mieux que le langage le plus magnificjue, les sentiments qui animent
son cœur.
Vous ne trouverez pas mauvais n^pondant que ces sontiments trouvent
encore à cotte tribune un écho bii-n alTaibli. Car c'est mon Itonheur et
mon honneur bien lourd que d'avoir, en cette circonstance, à apporter
l'hommage des membres de notro Association Catholiquo de Jcunosso, et
de venir, en présence de retto imposante assemblée, affirmer sa foi pro-
fonde au mystère eucharistique.
— 798 —
Notre hommage
Mais je ne dois pas apporter ici seulement l'hommage de nos faibles
raisons de jeunes gens s'inclinant avec respect devant l'auguste parole
d'un Dieu ; non seulement l'hommage de nos cœurs accueillant avec allé-
gresse le don merveilleux de l'amour divin; je dois surtout faire entendre
une parole déterminée et généreuse, avec la promesse de son effort vers
le bien, et réclamant l'assistance que lui apporte l'union avec son Dieu,
pour marcher sans défaillance dans la voie de l'apostolat laïque chrétien.
Cet hommage sera la reconnaissance de la vertu toute-puissante de
l'Eucharistie qui soulève l'homme au-dessus des bas-fonds où son égoïsme
l'entraîne et le retient; ce sera la proclamation de l'extrême nécessité
■du sacrement de l'Eucharistie pour tous les jeunes gens, qui, voulant
servir plus efficacement l'Eglise, ont résolu de se dévouer un peu géné-
reusement aux œuvres sociales et catholiques, et ambitionnent de prendre
place dans les rangs d'une élite de jeunesse d'œuvres.
Ainsi en est-il pour ceux que l'Association Catholique de la Jeunesse
Canadienne-française a reçus dans ses rangs.
Ne leur propose-t-elle pas en effet de travailler à devenir des chrétiens
■capables d'exercer une action judicieuse et féconde tendant à fortifier
l'infiuence catholique, des chrétiens capables d'apporter un concours in-
telligent et effectif à l'Eglise dans l'accomplissement de sa glorieuse
mission?
Pour atteindre à ce résultat elle les invite à compléter chaque jour
leur formation morale et intellectuelle par la pratique des vertus chré-
tiennes et par l'étude, et à s'aguerrir dès maintenant par la pratique
d'une action à leur portée.
Sacrifices
La mise à exécution de ce programme entraîne nécessairement quel-
ques sacrifices; sacrifices qui ne sont pas héroïques sans doute, qui de-
viennent légers à ceux qui ont connu les joies qu'ils procurent ; mais qui
par leur répétition de chaque jour, mettent à l'épreuve la constance et
contrarient toutes les tendances naturelles.
Alors que d'autres jeunes gens courent à leurs plaisirs, dépensent des
heures précieuses en frivolités, les membres de l'Association devront
consacrer leur temps aux travaux de leurs cercles, à des études apparem-
ment superflues; ils emploieront leurs heures à régler les minutieux et
fastidieux détails d'une œuvre ou d'une entreprise quelconque.
Quel mobile pourrait donc les pousser à oublier ainsi leur repos et
leurs intérêts ?
Sera-ce un besoin d'activité naturel à leur âge ? Sera-ce l'entraînement
de l'exemple? Sera-ce pour quelques-uns l'ambition de dominer les intel-
ligences et les cœurs, et de devenir conducteurs de multitudes ?
Ces causes ne sauraient engendrer des dévouements bien grands ni
bien prolongés. Les motifs humains sont impuissants à déterminer une
action collective soutenue et vraiment salutaire.
Si c'est la passion qui au fond anime et dirige, si tout ce dévouement
n'a d'autre origine qu'une recherche de soi-même plus ou moins déguisée,
— 799 —
qu'un égoïsme plus ou moins brutal, l'action qui en est inspirée souffrira
nécessairement du mobile qui la détennine; elle versera inévitablement
dans des écarts quelques jours.
L'impatience de toute autorité, de toute discipline, permettra les er-
reurs de tactique qui conduiront à la défaite, à l'aigreur, au décourage-
ment et à l'abandon de la tâche assumée. Ou bien encore l'on sera con-
duit à des écarts de doctrine que l'on ne voudra pas reconnaître; alors
au lieu d'accomplir une œuvre de salut, ces hommes d'action deviendront
des agents de perdition, ils entraîneront les masses dans les voies fausses
qui aboutissent aux abîmes.
Les sauveurs
^ Non, les artisans du salut de la société ne seront point ceux que l'in-
térêt, l'ambition ou l'orgueil dominent. Ce seront ceux dont l'action,
toujours respectueuse des enseignements de l'Eglise, sera entièrement
désintéressée et sans cesse soutenue- par le zèle.
Les sauveurs seront les hommes supérieurement chrétiens, ce seront
les communiants.
iS''est-ce pas la communion qui fait germer dans les cœurs le désir des
généreux dévouements? N'est-ce pas la communion qui en maintenant
tout d'abord le jeune homme dans le bien, le prépare ainsi à faire plus
et mieux? En empêchant le cœur du jeune homme d'être desséché par
la fièvre du plaisir, en préservant son esprit des tempêtes qui en troublent
la sérénité, ne dispose-t-elle pas à écouter la voix qui convie au labeur
et au sacrifice?
C'est l'Eucharistie qui préparera à la vie d'apostolat laïque, et qui la
fera embrasser; c'est encore l'Eucbaristie qui maintiendra dans Its âmes
les dispositions nécessaires à une action soutenue et désintéressée. Car
seul l'agent merveilleux qui alimente et accroît la vie chrétienne dans
les âmes, est capable d'y produire la surabondance de la vie. qui fera
celle-ci s'épandre au dehors en œuvres de zèle.
Oui, c'est auprès du Dieu du tabernacle qu'il faut aller prendre les
enseignements de l'humilité, de l'abnégation, do l'amour et du zèle.
C'est à cette source de vie que le jeune homme ira puiser la constance,
renouveler ses forces épuisées, et ranimer son âme envahie par la las-
situde.
La source de force
Jeunes gens qui désirez assurer votre démarche chancelante dans la
voie de l'apostolat laïque, appro( liez-vous de l'autel du sairifire, vous y
trouverez un Dieu qui ne craint pas de s'abaisser au point de se tenir
caché sous les apparences d'un morceau de pain, au point de venir habiter
dans le sein d'un homme coupable; peut-on concevoir plus grand abais-
sement ?
Vous y trouverez un Dieu Tout-1'uissant, obéissant à In voix d'un
faible prêtre et descendant sur l'autel à sa parole; ne nous enseigne-t-il
pas le respect aux autorités constituées?
Vous y trouverez un Dieu qui. depuis des siècles, s'enchaîne à l'autel
— 800 —
s'expose à tous les outrages, les oublis et les négligences, offrant le spec-
tacle d'un amour que rien ne rebute dans sa poursuite inlassable des
âmes.
Que le jeune homme aille donc à la Table sainte : il y trouvera un ami
et un consolateur qui soutiendra son courage; un Dieu qui lui ensei-
gnera à se dévouer dans le silence et l'abjection, qui lui apprendra que
rien n'est petit de ce qui contribue à sa gloire.
Et quand il reviendra de la Table sainte, portant dans son cœur le Dieu
■d'amour, de vie et de vérité, le jeune homme se sentira fort pour le
travail et pour la lutte.
Car la communion bien comprise et bien pratiquée n'engendre pas des
timides ni des rêveurs incapables de sortir de leurs méditations.
Elle doit engendrer des vaillants et des agissants.
Comment celui qui a reçu dans son cœur le Dieu d'amour, captif vo-
lontaire, ne serait-il pas désireux de témoigner en retour son amour et
sa gratitude; comment pourrait-il demeurer silencieux devant ceux qui
l'outragent, inactif devant ceux qui combattent son influence ; comment
pourrait-il craindre celui qui porte en sa poitrine le Dieu Tout-Puissant?
Le Dieu qui a vaincu la mort sait encore apporter au cœur qui le reçoit,
la force de s'imposer les sacrifices même les plus pénibles.
N'est-ce pas lui qui, en des jours sombres de notre Mère-Patrie, faisait
braver la mort sur le champ de bataille de Patay, aux vaillants zouaves
pontificaux?
Dollard
N'est-ce pas lui qui, il y a 250 ans, inspirait à notre immortel Dollard
des Ormeaux d'aller chercher sous les coups des barbares, une mort cer-
taine et sans éclat, mais qui devait sauver notre colonie au berceau ?
Que ces exemples héroïques nous apprennent où puiser la force d'ac-
complir des sacrifices bien moins coûteux.
Jeunes gens qui voulez prendre place dans les rangs d'une élite de
jeunesse d'œuvres, allez donc au Dieu de l'Eucharistie : c'est Lui qui illu-
minera vos esprits des divines clartés, qui fera germer les nobles desseins
dans vos cœurs, qui vous inspirera le courage nécessaire pour accomplir
avec constance la tâche que vous aurez assumée.
L'importance capitale de cette pratique de la communion fréquente
a été bien comprise dès le début par l'A. C. J. C. A l'exemple des so-
ciétés qui l'ont précédée, elle en a fait un des moyens principaux de for-
mation de la jeunesse; en inscrivant à son programme le mot: piété, elle
y incluait la communion qui est l'acte le plus important au maintien de
la vie chrétienne.
La communion, et la communion fréquente, est déjà assurément en
honneur dans nos rangs ; la plupart des camarades, dans nos collèges
comme à l'Université, dans nos cercles urbains, comme dans ceux des
campagnes, se font un devoir d'aller souvent recevoir le pain qui fait
les forts.
Tl n'est aucune de nos réunions, générales ou régionales, qui ne soit
l'occasion pour les membres de l'Association de s'approcher de la Table
sainte. ; i
— 801 —
Les membres de notre Association se font encore un devoir de con-
tribuer, dans la mesure de leurs ressources, à rehausser l'éclat des ma-
nifestations en l'honneur du Très Saint-Sacrement, t<;'lles que les pro-
cessions de la Fête-Dieu qui chaque année se déroulent dans les différents
quartiers de notre ville, de même que dans nos autres cités du pays.
Mais ne pourrait-on pas demander davantage encore à nos jeunes
amis? X'y a-t-il pas toujours place pour quelque progrès?
Communions fréquentes
Ainsi tout en pressant les camarades de faire des communions encore
plus fré({uentes, ne pourrait-on pas leur demander de venir lous ensem-
ble à la Table sainte à des époques fixes et rapprochées ; cet acte de reli-
gion ne deviendrait-il pas par là plus méritoire pour eux-mêmes, ne
constituerait-il pas un exeinple plus entraînant en même temps qu'un
hommage plus agréable au cœur du Sauveur?
Dans nos maisons d'éducation, où la pratique de la communion heb-
domadaire est plus facile, les membres des cercles ne pourraient-ils pas
chaque dimanche se rendre en groupe à la Table sainte, tout en conti-
nuant d'assister aux offices des congrégations pieuses dont ils font pres-
que toujours partie? .
Dans nos paroisses, de la ville ou de la campagne, les jeunes des cer-
cles, soit au premier vendredi du mois, soit au dimanche qui suit, pour-
raient venir côte à côte à la Table sainte, recevoir le pain de vie; quelques
groupes observent déjà cette pratique, elle serait avantageuse pour tous.
A notre Université Laval, notre Association compte un bon nombre de
membres qui s'approchent fréquemment de la Table sainte; mais ne se-
rait-il pas d'un bon exemple et d'un consolant spectacle de voir nos jeunes
amis, en leur chapelle de Xotre-Dame de Lourdes, venir en groupe chaque
mois, recevoir Celui qui pour être le Dieu des suprênu's anéantissements,
ne cesse pas d'être le Dieu de l'intelligence et de la science infinie ?
Il est une autre œuvre, bien propre à témoigner notre respect pour le
sacrement de l'autel, œuvre qui est en honneur dans la grande univer-
sité catliolique de Louvain, et qu'il ne serait pas impossible, seinble-t-il,
d'établir parmi les membres de nos cercles; c'est l'ceuvre de l'Adoration
Eucharistique.
Ceux qui font partie de l'ceuvre s'engagent à passer, chaque mois, une
demi-heure devant le Très Saint-Sacrement exposé; un jour spécial est
fixé pour ces heures d'adoration; et on choisit le moment du jour qui
convient le mieux aux jeunes gens.
Comme conclusion et résumé de ces quelques paroles, qu'il me soit
donc permis de formuler les vœux suivants:
1° Que les membres de VA. C. J. C. se pénètrent de plits en plus de la
nécessité de la communion fréquente comme moyen de formation chré-
tienne et comme aliment du zèle, et qu'ils prennent la résolution de s'ap-
procher aussi souvent que possible de la Table sainte.
2° Que devant préférer en tout les manières collectives d'agir et de
prier, ils adoptnit la coutume de venir "en tjroupe" recevoir la sainte
communion, à des époques fixes et rapprochées.
26
— 803 —
3° Que pour marquer leur respect au mystère auguste de l'Eucharistie,
et pour accroître en eux-mêmes les sentiments de foi et d'amour envers
ce sacrement, ils instituent parmi les leurs l'oeuvre de l'Adoration Eu-
charistique.
Rapport de M. le baron de Xivry.
Messeigneurs, Mesdames, Messieurs,
Chers Camarades,
Cette réunion dans la pensée primitive des organisateurs de ce superbe
Congrès devait se tenir dans un monument que la foi et la générosité
de nos corréligionnaires canadiens ont élevé au culte de la science. Vous
ignoriez votre propre force et l'Université Laval s'est trouvée trop petite
pour contenir la foule innombrable de ses amis.
En ce beau jour, vous venez, chers amis, recueillir la récompense d'un
travail de bien des mois, d'une propagande qui n'a ignoré nulle bourgade
de votre immense territoire et vous avez le suprême honneur d'avoir
groupé des milliers de jeunes gens autour du Très Saint-Sacrement de
l'autel.
Permettez à un des fils de la grande Université Catholique, l'Aima
Mater, d'être l'interprète de tous ses amis de Belgique, en vous appor-
tant, et de tout son cœur, un hommage d'admiration pour votre initiative
féconde, un souhait de bonheur pour l'avenir chrétien de votre beau pays.
Il vous intéressera sans doute, Messieurs, d'entendre quelques rensei-
gnements sur l'activité religieuse qui existe au sein de l'Université de
Louvain et sur la vie scientifique de celle-ci, l'un des établissements
d'enseignement supérieur les plus réputés de la terre.
Fondée en 1425 par le Souverain Pontife Martin V, l'Université Ca-
tholique fut désorganisée à la fin de la domination autrichienne, la
tourmente révolutionnaire qui désola nos provinces à la fin du XVIIIe
siècle la dispersa et lui vola tous ses biens.
Peu après la conquête de notre indépendance nationale, les Evêques
belges la relevèrent de ses ruines : les contributions volontaires des ca-
tholiques la soutiennent exclusivement, elle ne reçoit aucun subside ni
de l'Etat ni des pouvoirs publics.
A l'heure actuelle elle compte 120 professeurs et le jour de mon départ
le 2519e étudiant s'y était fait inscrire; parmi eux 125 font des études
de théologie supérieure, deux cents jeunes prêtres suivent en outre, les
cours de sciences, de lettres, de sociologie, etc., mais l'immense majorité
de nos étudiants sont des laïques cultivant toutes les branches du savoir
humain.
Chez eux la foi, sauvegarde des mœurs, loin d'être un obstacle aux plus
hautes études scientifiques, constitue un stimulant puissant.
Dans aucune Université, le travail n'est aussi intense qu'à Louvain,
nulle part la conduite des jeunes gens n'est plus régulière et plus morale.
J'en parle en connaissance de cause, car les douze cents jeunes gens
appartenant aux régions d'expression française de notre pays m'ont.
— 803 —
jadis, fait Thonneur de me confier la présidence de leur fédération, en
même temps que m'était confiée la vice-présidence de tous les groupes
estudiantins.
J'ai donc été mis à même de connaître mieux que beaucoup, la vie de
mes camarades de tous les milieux sociaux, et je reste encore en admi-
ration devant les œuvres qu'ils entretiennent.
Des centaines d'entre eux se pressent chaque quinzaine à la réunion
de la Sodalité ou Congrégation de la Sainte Vierge, dirigée par les
pères Jésuites.
Ayant pour guides leur intelligence et leurs principes, pour aiguillon
leur volonté, les étudiants qui, librement, viennent s'engager sous la
bannière de la Vierge Immaculée, obéissent à des convictions bien assises.
Ils ne séparent pas plus dans leur piété Jésus de Marie, qu'ils ne le
furent dans le plan de la Eédemption. Par centaines, à l'occasion du
premier vendredi de chaque mois, se comptent les communions que les
membres de la Sodalité offrent au Sacré-Cœur. Bien nombreux sont
peux qui soit habituellement chaque année à la procession de la Fête-
Dieu, soit extraordinairement dans des explosions de loi analogues à celle
à laquelle nous assistons aujourd'hui, suivent bannières déployées et
toques à la main, les grandes manifestations de la piété catholique.
Ce fut parmi les étudiants que se fondèrent tout d'abord à Louvain
les sociétés de Saint-Vincent de Paul, où chaque mercredi en un coude
à coude bienfaisant se retrouvent professeurs et élèves, les uns présidents,
les autres membres des sept conférences, qui, par faculté, groupent les
zélés désireux de secourir les infortunes matérielles des pauvres.
Les connaissances primaires et moyennes sont répandues dans les rangs
des enfants du peuple par une cinquantaine de jeunes universitaires. Ils
servent en effet de professeurs à 230 fils d'ouvriers et d'artisans (jui,
pendant les soirées d'hiver fréquentent l'école catholique d'adultes tenue
par les étudiants et les professeurs devenus avocats, médecin?, ingénieurs
sont heureux lorsqu'à chaque instant dans la vie ils retrouvent panni les
gardes de chemin de fer, les surveillants de travaux, les douaniers, les
gendarmes, l'un ou l'autre de leurs anciens élèves qu'ils ont préparés
aux concours de l'Etat et que nos collaborateurs, les jeunes pères Jé-
suites, ont armés au point religieux par leurs cours hebdomadaires.
Mais il ne suffit pas de vouloir instruire les autres, il faut en être
capable. Au cercle apologétique la jeunesse universitaire s'exerce à la
défense publique de la foi, de façon à se préparer à la réfut^ition des
sophismes, des objections prétcnduement scientifiques et même des plai-
santeries dont les incroyants se plaisent à accabler les jeunes gens
chrétiens.
En consacrant quelques heures de loisirs à l'œuvre des missions belgeo
dans notre grande colonie du Congo, nos jeunes étudiants laïques tra-
vaillent à la diffusion de l'Evangile sur le continent africain. T>our
association eucharistique est extrêmement florissante, chaipie deuxième
mercredi du mois, le secrétaire de cette œuvre relève de <!<>() à 700 pré-
sences à la demi-heure d'adoration demandée aux membres de cette bo-
dété.
Chaque matin par centainee se comptent dans les églises de Louvain.
les jeunes gens qui assistent à la messe, et je crois même pouvoir affirmer
— 804 —
que plus de la moitié des 2500 étudiants de l'Université Catholique fait
chaque jour une visite au Très Saint-Sacrement de l'Autel.
C'est à la fonnation de cet état-major chrétien, sorti de l'Aima Mater,
que notre Belgique doit de résister jusqu'ici victorieusement aux assauts
des ennemis de l'Eglise.
Lorsque l'an dernier, l'Université célébrait son jubilé, l'un de ses
maîtres pouvait faire cette constatation, que sur les dix ministres du Eoi,
huit sortaient de l'Université de Louvain, le neuvième y avait professé
pendant trente ans, seul le ministre de la guerre n'était pas un de ses
anciens élèves, l'Aima Mater ne préparant pas à la carrière des armes.
Trente-deux revues, embrassant tous les champs de l'activité scienti-
fique, sont publiées par ses professeurs, leur échange amène plus de mille
périodiques à sa bibliothèque. Admise en 1890 aux concours pour les
bourses de voyage de l'Etat, elle a vu en dix-sept ans cent vingt et un
de ses élèves couronnés, alors que les trois autres Universités réunies
n'en comptaient que cent soixante dix-sept.
L'Institut de France, les grandes académies du monde se disputent
ses professeurs comme associés ou correspondants.
Voilà brièvement exposées, les œuvres que vos amis de Belgique ont
fondées et entretiennent au sein de l'Aima Mater; tel le grain de sénevé
elles furent frêles au début, de vastes ramures maintenant affirment leur
force.
A côté de l'enseignement didactique embrassant toutes les données de
la sociologie, vous verrez chez nous. Messieurs, nos professeurs les plus
éminents présidant aux destinées des cercles de paysans, de jeunes ou-
vriers, de savants précoces et recevant d'une heureuse expérience quoti-
dienne la confirmation du bien fondé de leurs leçons ; vous verrez l'admi-
rable réseau d'œuvres qui englobe notre pays, qui le protège contre les
machinations perfides et sourdes de la franc-maçonnerie tant belge qu'é-
trangère, contre les désirs impétueux de malheureux égarés par des chefs
aussi avides que fourbes; vous verrez qu'après vingt-six ans de pouvoir,
les catholiques belges continuent à grouper et à exercer leurs milices et
que le calme n'a pas endormi leur vigilance.
Habitants d'un pays de liberté, vous aussi, chers camarades, dont la
nation, tant elle est heureuse, n'a pas d'histoire, rappelez-vous que le
" si vis pacem para hélium " est vrai en tout temps. Mieux et plus en-
core que jusqu'à ce jour, groupez-vous, organisez-vous, soyez la base
forte, parce que chrétienne, de votre pays.
Yoeux :
Je fais de tout mon coeur des voeux, Messieurs, pour que l'Université
Laval qui en ces beaux jours s'est trouvée trop petite pour abriter tous
ses amis, exerce un jour sur le Canada, la même influence chrétienne et
scientifique que celle de Louvain en Belgique. En voyant les manifes-
tations de foi de cet admirable peuple canadien, je ne doute pas du plein
succès de ces deux grands établissements d' enseignement supérieur, celui
de Qvl'hoc el cpIuI dr Montréal, 1rs deux phares appelés à éclairer de
plus en plus de leur raj/orinernmt, la Prorince de Québec d'abord, et peut-
être dans l'avenir, toutes les régions du Dominion.
— 805 —
Rapport de M. le Dr Baril.
LES ŒUVRES POST-SCOLAIRES
La manifestation présente est plus qu'une apseml)lée bruyante et tapa-
geuse, où la gaieté des chants se mêle à l'harmonieux éclat des fanfares ;
c'est une fête de famille, c'est un cœur à cœur de l'Eglise avec ses en-
fants; c'est en plein vingtième siècle le renouvellement de la dernière
Cène. De toutes parts, l'Eglise nous a conviés, jeune? gens, à ce festin
du cœur et de l'esprit comme le Christ à la dernière Cène avait convié
ses apôtres, et nous sommes venus nombreux. Mais veuillons bien le
croire, si Elle nous a rassemblés, ce n'est pas uniquement pour se donner
le spectacle d'une manifestation grandiose de notre foi, mais aussi pour
orienter et organiser notre vie de jeunes catholiques. Elle nous a con-
voqués pour nous ouvrir large son cœur, en nous faisant connaître ce
qu'elle attend de nous dans les heures difficiles qu'Elle traverse, en un
mot, pour nous formuler un programme. Dans ce programme figurent
les œuvres post-scolaires, dont on m'a prié de vous parler.
Je lisais dernièrement dans le beau livre de Mgr Gibier: " Les devoirs
de l'heure présente " les lignes qui suivent :
'' Aujourd'hui, écrit Sa Grandeur, il faudrait que la supériorité morale
des catholiques apparût incontestablement éclatante:... ce qu'il faut à
l'Eglise aujourd'hui, c'est un groupe de laïques au cœur généreux et à
l'âme chevaleresque -qui mettent au service de la bonne cause leurs loisirs
et leur savoir, leur position, leur expérience des affaires, leur temps, leur
fortune et leur personne. Le peuple suit toujours qui sait l'entraîner
et il suffit d'un petit groupe de chrétiens intrépides pour déterpiiner
dans chaque paroisse un revirement soudain vers les croyances et les
pratiques religieuses."
Or, pour réaliser ce dessein, pour augmenter le nombre de ces " Catho-
liques d'une supériorité morale incontestable ", pour favoriser dans les
paroisses l'éclosion " de ces groupes de laï(|U»'s au cdMir généreux " peu
d'œuvres sont plus efficaces que les œuvres pcst-scol aires, c'est-à-tlir-.»
que l'ensemble des œuvres destinées à continuer par le group<'ment des
jeunes hommes, après la sortie de l'école primaire ou secondaire, la for-
mation intellectuelle, morale et religieuse inachevée. Elles sont nom-
breuses et variées, aussi variétés surtout <jue l'exigent les circonstances,
ou que les conçoivent la mentalité et le dévouement de ceux qui les
établissent ou les dirigent: ditrén-ntcs. selon (|u'elles s'adressent à la
jeunesse des universités ou à «elle des centres ouvriers ou ruraux. Sans
vouloir entrer dans des détails que ne comporte pas le cadre de ce dis-
cours, j'ajouterai que l'on peut donner à ces œuvres, la forme jugé*» être
la plus propice à grou]>er les jeunes gens: tantôt la forme d'un cercle
<rétudes. tantôt celle d'un cercle d'ariuisenicnts, d'une scniété de gym-
nastique ou d'une association athlétique. Dan.<* les paroisses, où est
possible une organisation plus complète, apparaîtra le patronage ren-
fermant tout à la fois une congrégation pieuse, une conférence dt- Saint
— 806 —
Vincent-de-Paul,, un cercle d'études, une société d'amusements, œuvre
plus parfaite, œuvre idéale, semble-t-il, dont l'Abbé La Bruyère a dit
qu'elle " est comme un moule, une fabrique d'hommes qui forme le corps
par des institutions sportives, le cœur et la volonté par l'action, l'esprit
par l'étude, et 1 ame par la piété."
Des fabriques d'hommes ! voilà bien ce que doivent être, quelle que
soit la forme qu'elles revêtent, les œuvres post-scolaires. Leur seul but
doit être de former des chrétiens qui luttent, c'est-à-dire des apôtres;
elles doivent préparer à l'Eglise des catholiques pratiquants, des hommes
atix convictions religieuses profondes et inébranlables, à la foi vive et
éclairée, des hommes habiles à défendre la religion du Christ partout
où elle est attaquée. Par suite, elles assureront à la société des citoyens
intègres et conscients du rôle social que Dieu leur a dévolu. Au Canada,
plus spécialement, pour répondre aux besoins de l'époque actuelle et con-
tribuer à apporter la solution véritable aux problèmes que font naître la
dualité des races et la diversité des croyances, elles devront former ds
ces hommes intrépides qui, conservant avec un soin jaloux, les enseigne-
ments d'une mère chrétienne, les leçons recueillies sur les bancs de l'école
paroissiale, et les traditions de foi et de patrotisme léguées par les aïeux,
placeront au-dessus des intérêts mesquins d'un parti politique ou d'une
coterie, au-dessus des ambitions personnelles et des rivalités de castes,
le respect de la constitution de leur pays et des intérêts sacrés de la
religion et de la patrie. Voilà ce que j'appellerai indispensable si l'on
veut assurer la persévérance de notre jeunesse.
Or, dans ces réunions de jeunes hommes, sous la direction d'un prêtre
zélé, fleurira d'abord, et comme premier moyen d'arriver à la fin proposée,
la piété; mais une piété agissante se traduisant par des actes publics
accomplis courageusement comme sans forfanterie. De tous ces actes de
piété, le plus efficace sera la communion fréquente, car, écrit encore
Mffr Gibier, " une œuvre où l'on ne communie pas, n'est pas une œuvre
religieuse ; une œuvre où l'on ne communie pas, n'est pas une œuvre sé-
rieuse; une œuvre où l'on ne trouve pas un noyau qui s'approche fré-
quemment de la Sainte Table n'est pas une œuvre pieuse."
Mais pour être vraiment agissante, la piété doit être éclairée. C'est
pourquoi, dans tout cercle de jeunes gens, doit avant tout se donner un
"^fort enseignement religieux"; l'étude du petit catéchisme, du caté-
chisme de persévérance dans les cercles ouvriers et ruraux, jointe à
l'étude de l'apologétique dans les milieux universitaires, devra occuper
une place prépondérante. Si cet enseignement se complète par des
exemples de la vie de chaque jour; si les jeunes gens savent profiter de
ces réunions, pour soumettre à leur aumônier et les faire résoudre, les
ap-
prentissage de la vie militante " à laquelle ils sont appelés, les œuvres
post-scolaires nous prépareront vraiment une génération d'apôtres.
Qui oserait prétendre que des œuvres dont le but et les moyens d'action
sont si élevés ne soient pas utiles ? Qui oserait soutenir qu'elles ne sont
pas nécessaires ?
— SOT —
Entre tous les témoignages que nous apporte de cette nécessité la
parole d'autorités incontestables, qu'on me permette d'invoquer celui de
l'abbé Toussagnier, directeur du Cercle Catholique du Luxembourg à
Paris : " Que l'esprit du jeune homme soit atteint par des doutes, au
point de vue de la foi, ou bien que son cœur et ses sens soient troublés,
il faut qu'il puisse trouver des appuis, des guides sûrs, auprès d'une
âme de prêtre et d'ami, qui soit entièrement à lui, auprès d'hommes plus
âgés que lui qui répondront à ses doutes et lui domieront avec d'iiffe^tueux
conseils, les salutaires leçons de l'exemple. Dans une telle société, le
jeune homme connaîtra mieux le Christianisme, se pénétrera davantage
de son esprit et réglera sa conduite d'après les préceptes de l'Evangile.
Au contact du zèle de plusieurs de ses nouveaux amis, de croyant, il de-
viendra apôtre."
Ajouterai-je, Messieurs, que les conseils de Léon XIII sur le sujet
équivalent à un ordre: " Sans les œuvres de persévéranre, écrit-il, le long
et pénible travail de l'école serait presque toujours perdu, parfois même
anéanti ; il faut, à moins d'impossibilité absolue, que dans toute maison
d'école, existe comme corollaire indispensable, un patronage de jeunes
gens."
D'ailleurs, nous savons que les adversaires de l'Eglise, loin de mécon-
naître l'importance de ces œuvres, les ont organisées nombreuses de par
te monde pour s'emparer de la jeunesse au sortir de l'école, et continuer
ainsi l'œuvre néfaste des écoles neutres. Je rappellerai ici, à titre d'é-
loge pour le clergé français comme à titre documentaire, ce« paroles du
juif Lombroso, autrefois professeur à l'Université de Turin : " Quoique
par principe je suis loin do m'incliner devant la soutane du prêtre, il est
toujours indéniable que pour élever une jeunesse honnête et tempérante,
rien n'est plus efficace que de la réunir les jours de fête pour l'occuper à
d'honnêtes amusements et lui donner des eneeignemeiits moraux, préci-
sément comme cela se pratique dans les œuvres catholiques de la jeu-
nesse.
En France, les œuvres post-scolaires sont nées du besoin de remédier
au mal causé par les écoles sans Dieu, et les fruits merveilleux qu'elles
ont produits on ces vingt-cinq dernières années, viennent ajouter un
nouveau chaînon à la preuve de la nécessité do leur oxistonro. En serait-il
autrement en Amérique ? Xon. La société américaine souffre de certains
maux, qui pour provenir d'une source un peu différente, n'en appellent
pas moins l'établissement des œuvres de persévérance do la jeunesse.
L'intensité de la lutte pour la vie, la fièvre des affaires, la recherche des
positions sociales sont autant de causes qui conduisent les individus au
matérialisme et à l'indifférence religieuse. D'ailleurs, le caractère hété-
rogène de la population dos divers pays mot on nréscnco toutes les doc-
trines, toutes les sectes, raison de plus pour faire briller dans tout son
éclat, la civilisation chrétienne. Or, ne sommes-nous pas en droit de
nous demander si la conduite de notre jeunesse étudiante d'abord, a
toujours ou pour objectif on ces dernières années de faire l)riller de
ce vif éclat la colonisation chrétienne ? Il ne manquera pas d'obser-
vateurs attentifs pour s'apercevoir que nos étudiants étourdis à la
sortie du collège par une liberté impatiemment attendue et pas asw>.T
restreinte, il faut bien l'admettre, abusent un peu trop de re ,]u\U
— 808 —
appellent "' la vie d'étudiant." Et je ne veux pas faire allusion à
leurs manifestations extérieures dans lesquelles nous aimerions tous
à voir, j'en suis certain, une distinction proportionnée au rang qu'ils
occupent, autant qu'aux nuits nombreuses sacrifiées à des plaisirs
malsains et au jeu, veilles désastreuses qui minent la santé tout en dé-
gradant l'individu. iS 'est-il pas aujourd'hui un fait indiscutable que
la foi de nos universitaires subit de rudes assauts et que la libre-pensée
reçoit un accueil assez favorable là où elle n'aurait dû rencontrer que
mépris et dédain ? Des événements récents n'ont-ils pas tristement mis
en lumière, qu'au nombre des adeptes d'un cercle que l'on peut consi-
dérer à bon droit comme l'antichambre de la franc-maçonnerie, se trou-
vaient des étudiants ? Constater le mal, c'est lui appliquer le remède.
Et, grâce à Dieu ! je veux être le premier à le proclamer, notre jeunesse
étudiante nous a prouvé qu'elle réagit de toutes ses forces contre cet en-
vahissement d'idées malsaines et de mœurs pernicieuses, en établissant
dans ses rangs de ces groupes de persévérance de la jeunesse.
Dans ce groupe, nos étudiants apprennent que l'acquisition d'un titre
de bachelier ou de docteur n'est que la porte ouverte à l'accomplissement
d'une œuvre autrement belle et plus féconde que l'exercice pur et simple
d'une profession. Ils s'y pénètrent de la pensée profonde que Dieu ne
les a comblés du bienfait d'une éducation supérieure, que pour mieux
les préparer au rôle social qu'ils sont appelés à remplir. Ils y acquièrent
la notion qu'il existe un mal social et que pour en diminuer les effets,
ils ont le devoir d'aller au peuple et de s'occuper du peuple ; qu'aller au
peuple, c'est prendre contact avec son âme, c'est lui parler, c'est mettre
leur main dans sa main ; que s'occuper du peuple, c'est apporter au pro-
blème qui se pose à l'intelligence de l'ouvrier travaillé par le socialisme,
aux angoisses et aux doutes qui étreignent son cœur, la seule réponse,
la vraie, celle de la foi, celle qui résonne dans les lointaines paroles de
la Bible, celle qui resplendit dans les paroles de l'Evangile, celle qui
vibre chaude et palpitante sur les lèvres apostoliques des Papes et des
grands évêques sociaux; que s'occuper du peuple, enfin, c'est descendre
vers lui qui souffre et qui lutte, étudier ses maux pour les soulager, mais
surtout, appuyer leur cœur contre son cœur, pour y faire passer la vertu
consolante et raffermissante, la vertu sociale, la vertu régénératrice du
Christianisme et de l'Eglise.
Eh bien. Messieurs, le jour où nous aurons pu transformer ainsi en
apôtres toute notre jeunesse étudiante, le jour où nous aurons pu faire
entrer dans son cœur la grande passion du dévouement, ce jour-là sera
celui d'une ère nouvelle pour le progrès moral et matériel de notre race.
Et ce jour tant désiré luira à nos yeux lorsque les œuvres post-scolaires
auront reçu leur complet épanouissement dans l'enceinte de l'Université.
Mais notre jeunesse ouvrière peut-elle se passer aujourd'hui de ces
œuvres? Notre jeunesse ouvrière souffre d'un mal bien profond, l'ab-
sence d'idéal, d'ambitions élevées: elle devient apathique. Or, une jeu-
nesse qui n'a pas d'idéal se prépare une adolescence stérile. I^os jeunes
ouvriers de vingt ans n'ont pas, parce qu'ils semblent se soucier bien peu
de l'acquérir, la notion des devoirs que leur impose leur titre de citoyens
jt-atholiques: ils n'ont ni les convictions religieuses, ni les connaissances
que nécessite dans un pays démocratique comme le nôtre, la part qu'ils
— 809 —
eont appelés à prendre au gouvernement de la nation ; enfin, ils ne sont
pas sullisamment protégés contre les dangers qui les menacent de tous
côtés: dangers de rindilîéreuce qui entravent leurs etloris; dangers des
occasions de toutes sortes, des veillées passées dans les endroits néfastes
où, eux aussi perdent avec tout sens moral leur honorabilité; dangers
de l'usine où les appellent quel^quelois les nécessités de la vie, mais où
ils laissent aussi avec la loi, le respect de Tordre social établi. Un re-
mède s'impose: transformer la mentalité de la jeunesse ouvrière; faire
pénétrer dans son cœur des aspirations plus nobles, un idéal plus élevé
que le terre-à-terre des passions satisfaites ; la convaincre qu'elle doit,
au lieu de s'en éloigner, se rapprocher de plus en plus de ceux qui ont
reçu mission du Christ de la protéger et de la diriger; lui rappeler cette
pensée féconde qu'en donnant à l'homme le génie et l'immortalité. Dieu
a voulu qu'il fût le roi de l'univer-; et non le paria de la terre et l'esclave
des maux qui le tuent.
Cette transformation, c'est encore par le cercle paroissial qu'elle s'opé-
rera. Là le jeune homme, avec la formation religieuse et intellectuelle,
trouve, selon l'expression du Cardinal Lecot," une partie de l'aifection
■qui l'entoure dans sa famille, une partie de l'autorité à laquelle il se
soumettait à l'école, une partie de la liberté dont il jouit dans la rue."
Mais qu'on ne vienne pas m'objecter, que du train où nous allons,
nous aurons tôt fait de détruire la famille, je pourrais vous répondre:
" Il y a beau temps que la famille est détrui1>e dans les milieux ouvriers
et il s'agit de trouver un moyen de la reconstituer ; il y a beau temps
que le jeune ouvrier déserte le foyer paternel et il s'agit de l'y ramener.''
Je préfère vous transmettre la réponse de Max Turmann à cette objec-
tion : " En donnant aux enfants le respect chrétien des pères et mères,
en ne retenant les jeunes gens que lorsque ceux<"i sont abandonnés à
eux-mêmes et aux dangers de la rue, en ne se substituant jamais à l'auto-
rité paternelle, les patronages ne sauraient être accusés de détruire le
lien là où il est brisé, du moins partout où il existe, ils le maintiennent
et le fortifient.''
Eh bien, Messieurs, puisque grâce au cercle paroissial nous pouvons
espérer voir revivre les bons vieux foyers d'autrefois, ne pouvons-nous
pas attendre de lui qu'il contribue à arrêter le flot de l'émigration de
nos fils de cultivateurs vers les villes et les pays étrangers, ce fléau <|ui
décime la population de nos campagnes ? Cette fièvre de l'émigration,
il faut la changer et — la survivance de notre race est à ce prix, — il
faut la changer en une fidélité inébranlable aux traditions familiales,
en un amour inviolable de la terre ancestrale, en un culte jaloux du sol
natal. Xos fils de cultivateurs soulTrent eux aussi du mal de l'insou-
ciance. A peine sortis de l'école primaire, à l'âge de dix. douze ot qua-
torze ans, ils ne se préoccupent guère de continuer la fonnation ina-
chevée et contractent trop souvent des habitudes de paresse qui nuisent
beaucoup à leur avancement intellectuel et à leur progrès mural et reli-
gieux.
Il faut par conséquent, et de toute nécessité, faire entrer dans le coeur
de nos fils de cultivateurs, avec l'amour du travail manuel, avec l'amour
de la culture de la terre, celui de l'étude, afin que continuant de s'ins-
truire par des lectures variées, par des causeriœ avec leur aumônier,
— SIÛ —
par de courtes conférences sur des sujets qui les touchent de plus près,
ils deviennent dans le milieu où ils sont appelés à vivre, en même temps
que des catholiques convaincus, des cultivateurs instruits et des citoyens
honorables, objet de la confiance de toute une paroisse, de tout un comté,
qui sait peut-être de tout un peuple.
Cette œuvre de transformation est difficile, je le concède, mais elle
est nécessaire entre toutes, si nous ne voulons pas voir disparaître à
jamais la race canadienne-française du sol qu'elle a arrosé de ses sueurs
et fécondé de son sang. Cette œuvre est difficile, mais elle est possible.
Et pourquoi ne le serait-elle pas ? Pourquoi ne pourrions-nous pas éta-
blir en notre pays une œuvre que l'on a vu fleurir chez d'autres peuples ?
Elle est possible, et je n'en veux pour preuve que les résultats déjà ob-
tenus partout où nous avons tenté d'établir des cercles de jeunes gens.
Nombreuses déjà sont les paroisses qui ont vu, grâce à cette organisation,
circuler un sang nouveau et généreux dans les veines de leurs jeunes
gens.
Oh ! je comprendrais mieux l'impossibilité de fonder des œuvres post-
scolaires si notre clergé devait s'en désintéresser, ou si les jeunes gen3
devaient fermer l'oreille aux sollicitations pressantes de ceux qui ont
mission de les diriger.
Mais notre clergé canadien-français ne peut se désintéresser de ces
œuvres. Outre que ce serait se dérober à une partie importante de son
ministère, ce serait renier un passé de gloire, ce serait abandonner les
traditions de dévouement du clergé d'autrefois aux intérêts de la natio-
nalité canadienne-française. De fait, il a accueilli avec joie l'idée de la
fondation des cercles paroissiaux pour la persévérance de la jeunesse •.
de fait, il travaille à organiser ces cercles sur une base solide.
Quant aux jeunes gens, nous avons l'intime conviction, fondée sur
l'accueil chaleureux qu'ils nous ont fait en ces derniers temps, que dès
qu'ils connaîtront la portée de l'entreprise et les moyens de la réaliser,
ils ne manqueront pas de la volonté et du dévouement nécessaires à toute
œuvre de régénération. Mais pour décupler les forces de toutes ces vo-
lontés, il faudra les unir par les liens de la charité. Cette union s'opé-
rera par la fédération des œuvres éparses, semées aux quatre vents de
notre pays ; et cette fédération sera rendue facile si l'on se sert d'œuvres
actuellement existantes. Ligues du Sacré-Cœur, Conférences de Saint-
Vincent-de-Paul, Congrégations de jeunes gens. Mais entre toutes ces
œuvres existantes, n'en est-il pas une qui s'offre particulièrement à notre
attention ? N'en est-il pas une, dont le but et les moyens d'action sont
en tout point ceux que je viens de vous proposer ? N'en est-il pas une
qui, depuis sa fondation, n'a cessé de travailler à grouper la jeunesse
" pour la préparer à une vie efficacement militante pour le bien de la
religion et de la patrie ? " Ouvrez les constitutions de " l'Association
Catholique de la Jeunesse Canadienne-française " et vous y trouverez,
en quelques pages, le résumé des pensées que je viens de vous exposer,
des pensées qui, je l'espère, germeront en une moisson abondante d'œu-
vres fécondes. Oui, Messieurs, l'Association Catholique de la Jeune8S3
Canadienne-française est bien le lien commun et général de toutes les
œuvres de jeunesse en notre pays.
Concluons. La manifestation d'aujourd'hui doit avoir un lendemain
— 811 —
pratique. Nous, les membres de l'A. C. J. C, après avoir lié connaissance
avec vous en cette circonstance solennelle, nous allonç retourner dans vos
paroisses y jeter les bases de cercles de jeunes gens. Mes chers amis,
accueillez-nous non seulement avec bienveillance, mais avec générosité.
Unissons nos forces pour cette œuvre de régénération. Car, sovons
bien convaincus avec l'abbé Anizan :
"La régénération viendra de mille petites œuvres fondées, soutenues
et fécondées par le dévouement, la générosité et surtout l'humilité
d'hommes qui ne seront glorieux que dans l'éternité. Semons donc par
tout le pays, à la campagne conune à la ville, nos œuvres, sans nous pré-
occuper de l'éclat qu'elles jettent dans le monde. Ce Pont là les pierres
d'attente que Dieu exige pour le grand et bel édifice de l'avenir. Agis-
sons sur un, deux, dix, vingt entants, surtout groupons ceux que noua
pouvons, entants ou hommes faits, cultivons-les comme des plantes choi-
sies, enseignons-leur l'apostolat."
Rapport de ^f. Adjutor Kivard.
Messieurs,
Xous touchons presque à la fin de cette semaine où Ton célèbre,
suivant l'expression d'un poète, "la Fête du Christ à Ville-Marie ": de-
main, quand une dernière bénédiction d'en haut sera descendue sur les
foules à genoux, le XXIe Conbrès Eucharistique finira. Après avoir,
pendant quatre jours d'adoration, affirmé, du geste et de la voix, la
vérité de nos croyances, la sincérité de notre foi et l'ardeur de nos con-
victions religieuses, n'éprouvons-nous pas le besoin de proclamer, une
fois encore, la fierté que nous avons d'appartenir à l'Eglise romaine?
Et ne ferait-il pas bon, dans cette réunion des jeunes catholiques de
notre pays, de rappeler les motifs de l'orgueil légitime (|u'ils font pa-
raître de leurs convictions et le caractère que doit prendre leur noble
fierté?
Nous avons ce privilège de compter dans l'armée des croyants. Avec
l'âme et l'esprit de la France, émigrés il y a trois siècles, nous avons
hérité de nos pères des croyances qui forment le plus précieux de notre
patrimoine; depuis le jour où l'Evangile, à l'avant-garde de la civilisa-
tion, a pénétré dans le Nouveau-Monde, le petit Catéchisme est resté,
pour le Canadien-françai?, le premier livre de formation religieuse et
sociale, et, comme l'appelait Lamartine, "l'alphabet de la SaL'e-=c di-
vine '"'.
Du fond de nos cœurs reconnaissants, rendons grâces de ce que nous
sommes nés dans la tradition chrétienne. C'est le premier titre <le no-
blesse, au prix de quoi les autres ne sont rien.
Nous sommes des catholiques: quelle distinction plus glorieuse pour-
rions-nous désirer ?
Nous appartenons à l'Eglise du Christ: dans quelle société ping
illustre nous serait-il possible de vivre?
Nous avons la foi: quelles richesses pourraient valoir le trésor de nos
crovances ?
— 813 —
Nul système philosophique n'a jamais égalé en grandeur le dogme
incrusté dans nos esprits.
Nulle autre société n'a présenté au monde le spectacle offert par
l'Eglise, dans la longue théorie de ses génies et de ses saints.
Nulle autre doctrine n'a su inspirer d'œuvres qui se puissent comparer
aux œuvres de l'Eglise.
Le dogme catholique, Monsabré le compare à un édifice intellectuel
où tout est divin, " la majesté de ses formes, la pureté de ses lignes,
l'harmonie de ses proportions."
Et Lacordaire fait remarquer que plus on le compare, et plus le
Christianisme paraît grand.
Les créations de l'homme, en effet, peuvent toujours être limitées; et
même, de siècle en siècle, les unes ne dépassent-elles pas les autres, les
nouvelles ne jettent-elles pas dans l'ombre les anciennes?. ... Le dogme
catholique est inimitable, parce qu'il est de Dieu.
La raison humaine peut s'élever jusqu'à des conceptions qui paraissent
atteindre aux confins des connaissances les plus lointaines ... Le dogme
va plus loin, il monte plus haut; c'est l'ascension glorieuse des vérités
catholiques jusqu'au sein de l'infini; c'est, jetés dans le grand jour, les
secrets de la vie, les énigmes de la mort et les mj^stères de l'au-delà ; c'est
la vérité intégrale que le croyant contemple dans l'éblouissante lumière
de la révélation.
Grandeur du dogme catholique ! Splendeur de la société chrétienne !
Nous nous estimons davantage et nous croyons nous hausser dans
l'estime des autres, quand nous vivons à une époque glorieuse, quand
nous fréquentons une société illustre, quand nous suivons les pas qu'un
héros a tracés. Dans la foule des générations disparues, des fronts in-
nombrables se dressent par groupes au-dessus des autres. Quel fut donc
le mérite de ces hommes qui, dans la mort, restent couronnés d'orgueil ?
Obscurs figurants, personnages mnets du drame historique, ils vécurent
au temps d'un Périclès; ils combattirent sous un Alexandre; il leur
arriva de s'asseoir sous quelque coupole; que dis-je? il suffit qu'ils aient
fréquenté chez les grands pour que leurs ombres soient restées fières.
Vaine gloire, pourtant !
Ils se glorifient d'avoir vécu, par exemple, dans un siècle où passa le
Roi-Soleil; les catholiques sont les sujets du Eoi qui ne passe point et
qui règne sur l'éternité.
Ils se glorifient d'avoir lutté sous un général victorieux; les catho-
liques ont pour chef le Dieu des armées, qui finit toujours par vaincre,
parce qu'il ne peut pas mourir et qu'il ne se rend jamais.
Ils se glorifient de ce que leur patrie a marqué dans l'histoire; les
catholiques sont d'une société fondée par le Christ, et dont vingt siècles
de lutte et de persécution n'ont fait qu'accroître la vitalité, l'autorité et
le prestige.
Ils se glorifient peut-être d'avoir été les favoris des grands; les catho-
liques sont les frères de Jésus.
Tls se glorifient, enfin, de la probité, du talent, de la science, des
•œuvres de leurs contemporains : les catholiques sont en communion avec
— 813 —
les saints, avec les savants chrétiens qui ont fait une révolution dans
les sciences, avec les peintres, les sculpteurs, les architectes, les musiciens
qui, mettant leur génie au service de la religion, ont transfiguré les arts,
avec les apôtres qui ont purifié le monde, les philosophes de la vérité,
avec tous les grands cœurs et tous les grands esprits qui se sont cons-
titués les conservateurs du beau, du vrai et du bien, et »|ui font à l'Eglise
militante cette double couronne, où éclatent à la fois la splendeur de la
vertu et la splendeur du talent.
Et quelles œuvres, en effet, cette société a accomplies !
Parmi les mouvements politiques et les évolutions sociales, les actions
dont s'honore l'histoire, les événements qu'elle enregistre, choisissez les
plus durables, ceux dont l'influence heureuse se prolonge de siècle en
siècle ; mettez à part ceux qui portent la marque de la pureté, de la cha-
rité et du dévouement, ceux qui ont éclairé, soulagé, délivré l'âme des
peuples, ceux qui ont eu pour objet le relèvement spirituel de l'humapité
et pour souci ses intérêts éternels, ceux qui, dans tout le champ de l'ac-
tivité humaine, ont servi la justice et la vérité: vous aurez mis la main
sur les œuvres de l'Eglise, sur les paroles et sur les gestes inspirés par
sa doctrine.
Comme on l'a si souvent reconnu, rien de véritablement grand ne s'est
fait en dehors du Christianisme.
L'Eglise a répandu, avec le sang de ses martyrs, des idées nouvelles
chez les peuples barbares, et, par son action sur les esprits et les
cœurs, elle a créé la civilisation moderne. p]lle a changé la loi sur
le mariage et la puissance paternelle ; réhabilité la femme, l'épouse,
la mère ; relevé l'ouvrier et consolé le pauvre : aboli l'esclavage, et
donné la liberté civile au citoyen ; elle a établi le règne de la pureté
et de la charité; elle a renouvelé la face du monde. Et si nous ne rap-
pelons pas de nouveau les progrès que la doctrine catholique a fait faire
à la science, non plus cpie les insf)irations meilleures et plus hautes que
l'art y a puisées, ne faut-il pas dire au moins, qu'après avoir appris à
l'homme à bien vivre, elle lui enseigne à bien mourir? " Le dogme, qui
éclaire la vie, transfigure le dernier soupir."
^lajesté de notre Credo! Grandeur de la société chrétienne! Beauté
de ses œuvres !
Devant cet ensemble, comment n'être pas fiers du titre de catholique,
et ne point faire paraître l'orgueil de notre foi ?
Noblesse oblige! Ce serait forfaire à l'honneur que de ne point nous
révéler ce que nous sommée et de rougir du caractère imprimé sur nos
fronts par le baptême.
Comme une conviction non suivie d'action, la fierté catholique (|ui
reste intérieure est radicalement morte.
Et pourtant, il y a des hommes qui croient, et qui ont peur de pro-
fesser leurs croyances, qui veulent appartenir au bataillon sacré et qui
n'osent en arborer le drapeau, qui prétendent aimer, et qui ne se donnent
point. Ils ne voient pas que leur vie est faite d'illogisme et de lâcheté.
D'illoiiisme. car ils ont beau fuir la vérité, ils ne la supprimeront
jamais; de lâcheté, car quaml on n du sang dans les veines, on ne craint
pas de paraître ce qu'on est.
— 814 —
Eh bien ! au respect humain du catholique à demi, il faut opposer la
fierté du catholiique intégral.
Ces transfuges de la vérité se taisent devant l'objection, ils sourient
au blasphème, ils approuvent extérieurement ce qu'ils désapprouvent au
fond. Vous, jeunesse qui livrez les combats d'aujourd'hui, défendez la
vérité toujours et partout, par la parole et par la plume; chantez votre
croyance à tous les vents du ciel.
Ces esclaves du respect humain cherchent des prétextes pour ne point
professer. Vous, jeunes camarades, cherchez des occasions d'affirmer et
de pratiquer votre foi.
Ils ont deux attitudes, l'une au foyer, l'autre devant le public. Vous
continuerez, vous, à être des catholiques tout d'une pièce, et dans votre
vie publique comme dans votre vie privée, sans rien connaître de ces dé-
doublements hypocrites, vous vous emploierez à promouvoir les progrès
de la morale et de la religion, à soutenir les droits de Dieu et de l'Eglise,
En un mot, quand, à la veille des batailles, ces mauvais soldats met-
tent leur drapeau dans leurs poches, vous, les jeunes catholiques du
Canada français, vous aurez la belle audace d'arborer la Croix, et, sous
ses bras étendus et bénissants, vous irez fièrement votre chemin.
Ah ! nous comprenons bien que certains sectaires cachent leurs cou-
leurs et ourdissent dans l'ombre leurs complots : dans une société policée,
on n'ose pas encore faire parade de ce qui n'est pas montrable. Ils cher-
chent à faire prendre le change, tant ils craignent de paraître, aux yeux
des honnêtes gens, tels qu'ils sont en effet, sans honneur, sans conscience
et sans foi. Et nous avons entendu leurs gémissements quand le voile
du temple fut déchiré !
Du livre de nos croyances, à nous, il n'est rien qu'on retranche. De
nos convictions religieuses, il n'est rien qui craigne la lumière. C'est
au grand jour que nous le proclamons, nous sommes fiers de notre titre
de catholiques.
Et, grâee au Ciel ! il se trouve que je n'exprime pas en ce moment le
sentiment d'un groupe isolé de mes compatriotes, mais le sentiment una-
nime de tout un peuple, les Français d'Amérique. Chez nous, la fierté
religieuse se confond avec la fierté nationale; nous nous glorifions de
présenter un spectacle devenu rare, celui d'une nation tout entière à
genoux devant le Dieu de l'Eucharistie. Le protestant Gibbon a dit que
les évêques ont fait la France comme les abeilles font leurs ruches; de
même, et avec un soin pareil, Laval et ses successeurs ont fait le Canada
français. C'est dans les plis du drapeau de notre Mère-Patrie que
l'Evangile est venu jusqu'à nous; ce sont les missionnaires et les apôtres
de notre sang qui ont fait largesse au Nouveau-Monde de ce patrimoine
idéal ; ce sont nos découvreurs et nos prêtres qui ont allumé chez nous
le flambeau de la foi et qui l'ont porté jusque dans les régions les plus
reculées du domaine canadien; et notre orgueil est de n'avoir pas dégé-
néré de la vertu des ancêtres, de marcher sur leurs traces et d'être, ici,
les héritiers de la Fille Aînée de l'Eglise, les continuateurs de son geste,
les soldats du Christ qui aime les Francs.
— S15 —
§ IV. Séance des Hommes.
Presqu'à la même heure oîi les jeunes gens se réunissaient
à l'Arena. les hommes, de leur côté, avaient, au Monument
National, une séance solennelle. Plus grave, plus calme, la
réunion avait pourtant un air de fête, et l'on sentait battre
plus fort les coeurs de ces croyants.
Mgr Roy, évêque auxiliaire de Québec, préside, ayant
comme secrétaire M. le Chanoine Gauthier, président du
comité des Travaux.
Mgr Mdthieu, du Séminaire de Québec, fut le premier des
rapporteurs à prendre la parole :
LA CLASSE DIRIGEANTE ET LA PRATIQUE
DE LA COMMUNION
Dans un de ses immortels chefs-d'œuvre, Raphaël a {rroui)é autour do
l'ostensoir, comme une auréole de gloire, tous les génies qui sont allés
puiser au tabernacle leurs inspirations: les docteurs, comme Grégoire et
Ambroise, Jérôme et Augustin. Bonaventure et Thomas d'Aquin; les
poètes coiiinie Dante; les peintres comme le Pérugin; les architectes et
les sculpteurs comme Bramante; les orateurs comme Savonarole.
Cet artiste de génie semble avoir voulu montrer combien sont riches
les rayons de lumière qui jaillissent de l'Kucharistie sur rintolligencQ
des croyants; il semble avoir voulu dire aux chrétiens que lorscjue ce
divin Soleil, dont le nôtre n'est que l'ombre, se lève sur l'autel, tous les
cœurs devraient aller à Lui pour grandir, s'épanouir, se diviniser.
Et ceux qui dans la société composent ce que l'on appelle les classes
dirigeantes, devraient toujours être les premiers rendus aux j)itMls de la
Sainte Hostie; ils devraient être là pour dire à Jésus: () Christ! Je vous
ain~.o parce que vous êtes ma force, mon aj»pui. m(»n refuge, mon soutien;
" Diligam te, Domine, forlilud't mea. Dominas firmamentiiin meum et
refugium, meum et liberator meus." Car Dieu a droit d'attendre d'eux
ce que saint Jérôme attendait de son plus cher disciple: "Qu'ils soient
en tout les meilleurs, les plus grands, les plus parfaits, ]ui\\r et
de leur éducation et de leur destinée; Totum summum, iolum /
in te desidero."
Ce droit de Dieu, un trop grand nombre de nos catholir|n<»« intluents
paraissent l'oublier; ce devoir, ils ne lo remplissent pas. Ils «'occupant
— 81G —
d'affaires, de finances, de théâtre, de plaisirs, du ministère d'aujourd'hui^
de celui de demain ; ils croient qu'il leur suffit d'être scrupuleux sur les
mœurs, honnêtes dans les affaires, fidèles dans les amitiés. Aussi ils
sont des chrétiens légers dont parlait déjà Tertulien: "In ventum et
si volueris dirisiiani "j des chrétiens qui respectent l'Eglise, l'estiment,
reconnaissent qu'elle est pour les individus, les familles, les sociétés, la
source des plus grands biens; des chrétiens qui remplissent les devoirs,
absolument essentiels du. christianisme mais qui les remplissent mesqui-
nement, chichement, daiis la stricte mesure exigée, sans élan d'âme, sans
joie, avec de secrets ennuis et des répugnances qu'ils ne dissimulent que
difficilement.
Il peut donc être utile de rappeler à ceux qui forment partie de la
classe dirigeante dans la société les raisons qui doivent les pousser à en-
tourer d'affection le Dieu du Tabernacle, à s'approcher souvent de la
Table Eucharistique, la seule sur la terre à laquelle on ne s'assied pas,
à laquelle on s'agenouille, de laquelle on s'approche les mains jointes, les
yeux baissés, le cœur battant d'amour, à cause de la divine nourriture
qui nous y est servie.
* *
D'abord la reconnaissance demande que vous vous montriez dignes des
bienfaits dont Dieu vous a comblés.
Non seulement II vous a accordé comme aux autres hommes, tout ce
que vous avez et tout ce que vous êtes, mais II vous a fait naître de bons
parents chrétiens qui vous ont donné la connaissance et l'amour de Dieu
dès que votre esprit et votre cœur ont été capables de connaître et d'ai-
mer; Il vous a faits enfants de l'Eglise catholique, cette belle patrie
dont l'histoire est écrite avec des miracles, dont tous les combats sont des
victoires, dont les héros sont des martyrs et des saints, dont les citoyens
sont les plus grandes figures, les plus hautes intelligences, les plus nobles
■âmes qu'ait saluées l'admiration des siècles.
Dieu vous a accordé les grâces de préservation, les soutiens, les secours
dont avait besoin votre fragile nature. Tout cela a été refusé à une
foule de vos semblables qui ont été abandonnés à eux-mêmes au milieu
du monde, qui ont été sollicités au mal par de perfides entraînements et
de détestables exemples, qui ont blasphémé une religion qu'ils ont eu le
malheur de ne pas connaître.
De plus, Il vous a placés dans des conditions faciles pour acquérir
l'instruction qui vous crée une véritable noblesse et tandis que le grand
nombre do vos semblal)les travailleront des mains, laboureront la terre,
tailleront le bois, forgeront les métaux, se courberont du matin jusqu'au
soir sur les choses de la matière pour en tirer du pain à la sueur de leur
front, vous, mortels favorisés, vous travaillerez de la tête, vous gouver-
nerez les affaires publiques, vous dirigerez les travaux des hommes, vous
appliquerez les problèmes de la science, vous étudierez les lois qui ré-
gissent l'univers, vous serez liaristocratie intellectuelle des hommes.
C'est donc vous surtout qui devez dire: " Quam bonus Israël Deus :
Que Dieu a été bon et gracieux ! "
— 817 —
Votre place est donc sur les sommets, sur tous les sommets, ceux du
savoir et ceux de la vertu. C'est surtout à vous que Jésus-Christ dit ces
paroles: " Vous êtes la lumière du monde. . . Une ville ne peut pas être
cachée quand elle est située sur une montagne. . . Qu'ainsi donc, ajoute
le Divin Maître, votre lumière luise devant les hommes, afin qu'ils
voient vos bonnes œuvres et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les
cieux." (Math. V. 14.)
Car en songeant à votre position sociale, vous devez vous demander
pourquoi Dieu vous a fait ainsi une condition privilégiée de naissance,
d'honneur, de fortune ou d'influence, si ce n'est pour que vous exerciez
sur les hommes une action qui puisse porter plus loin parce qu'elle des-
cend de plus haut; vous devez vous demander pourquoi surtout Dieu
vous a donné cette éducation, cette instruction de choix ([ui, pendant dix
ou douze ans, vous a fait passer par tous les degr^-s des connaissances
humaines, vous a rendus plus hommes, " humaniores littcrae'' sinon pour
que sur ce faîte vous allumiez un phare pour que vos frères, vous voyant
détachés de tout dans ce siècle d'argent, vous voyant humbles dans ce
siècle d'orgueil, vous voyant chastes dans ce siècle de plaisirs, vous voyant
forts et vaillants dans ce siècle de défaillance et de faiblesse, soient
étonnés d'un tel spectacle et soient forcés de rendre hommage au Dieu
qui est admirable dans ceux qui le servent.
Dieu vous a fait le privilège de vous constituer dans la classe diri-
geante, et vous devez comprendre que si vous êtes grands et riches, puis-
sants et considérés, ce n'est pas pour que vous vous étendiez superbement
dans le faste et une vie molle comme Xabuchodonosor s'étendait dans
l'orgueil de ses fleuves, mais pour que vous épanchiez votre trop plein
sur les rives desséchées. Vous devez donner au peuple les exemples de
tioutes les vertus chrétiennes ; vous devez lui inspirer par tous vos actes
l'amour de Dieu, de son Eglise, de la famille, de la patrie.
X'allez donc jamais croire que le plus sûr moyen de se sauver c'est de
s'occuper uni'iucmcnt de soi, de concentrer tous ses soins à l'afTairt' de
son propre salut comme si on était seul au monde. "Que ces âmes se rap-
pellent, s'écrie saint Augustin, le sort du serviteur de l'Evangile qui
voulut jouir tout seul du talent cui lui avait été confié et qui l'enfouit
sous terre au préjudice du prochain." Il fut condamné par le Divin
Maître ; car la grâce que Dieu nous donne, nous sommes tenus de la faire
servir aux autres comme à nous-mêmes: " Gratta Dei ohest si aliis non
prodest." X'ivant en société néte.'^sairement vous êtes solidaires et vous
contribuez dans une mesure plus ou moins large au salut de vos frères.
Comme l'étoile scintille au firmament dont elle est la parure, le vrai
chrétien doit scintiller aux yeux de ses frères, dans l'ordn' niorul. pour
les encourager par la profession généreuse de ses principes, par sa fidé-
lité inébranlable au devoir, par son activité persévérante dans le bien.
" Les justes, dit saint Grégoire, sont des astres destinés à nous conduire
par leurs exemples dans les sentiers de cette vie."
Par conséquent, quand vous paraîtrez devant Dieu, Il vous demandera
re que vous aurez fait pour le salut de vos frères, si vous avez exercé
autour de vous une mesure d'influence en proportion avec les grâces et
les talents que vous aurez reçus de Lui. Vous essayerez peut-être de lui
— 818 —
faire alors cette réponse: " Etais-je le gardien de mon frère?" Caïn la
fit cette réponse, mais il était un fratricide et il fut maudit de Dieu.
Votre vie sur la terre doit donc être, par l'édification que vous êtes
obligés de répandre sans cesse autour de vous, une continuelle propa-
gation de la foi; dans tout ce que vous faites et dites, vous devez faire
entendre la divine harmonie des vertus chrétiennes, vous devez être un
foyer toujours ardent de religion, de sacrifices, de régularité, de charité,
de bonté et de miséricorde.
* *
Or, vous ne pourrez jamais faire cela, jamais remplir tous ces devoirs,
sans communier et sans communier souvent.
Car pour remplir ces devoirs, vous avez besoin de force. Or l'Eucha-
ristie est l'aliment d'où les âmes tirent leur force, comme le corps tire
la sienne des aliments matériels. Ecoutez Jésus-Christ qui vous dit:
" qu'il faut chercher une nourriture qui ne périsse pas ; qu'il est Lui,
cette nourriture et que ceux qui la prendront, en prenant sa chair et son
sang, auront la vie — et même la vie éternelle." En communiant, vous
deviendrez forts comme Celui qui se sera donné à vous à la Sainte Table,
qui aura reçu vos hommages et qui vous dit : " Ne craignez pas, j'ai
vaincu le monde."
Vous êtes peut-être admirateurs trop complaisants des dons que Dieu
vous a faits et vous avez la faiblesse d'en oublier la source. Allez com-
munier et Jésus-Christ montrera à votre âme orgueilleuse ses prodigieux
abaissements. A la Sainte Table, vous verrez Jésus cachant profondé-
ment sa majesté, se faisant tout petit pour se donner à vous et vous
aurez la force de cacher aux yeux du monde, de vous cacher à vous-
mêmes, ce qu'il y a en vous de grand et de bon, de vous humilier avec
Lui.
Vous êtes peut-être trop attachés aux biens et aux honneurs d'ici-bas,
trop occupés de vous faire une place au soleil de la fortune et de la re-
nommée. Allez communier et Jésus-Christ vous rappellera que ces choses
■creuses et vides ne sont que " la manne d'un désert oii l'on doit bientôt
mourir." "Patres vestri manducaverunt manna et mortui sunt." Il fixera
vos espérances vers le manne impérissable dont il est l'avant-goût.
Vous êtes peut-être désolés de constater qu'on ne pardonne rien à votre
autorité, qu'elle a tous les jours à supporter les ennuis les plus immé-
rités, les contradictions les plus injustes, les mensonges d'un grand
nombre; qu'on ne veut pas toujours comprendre que les gouvernants
n'étant pas des dieux et les gouvernés — qui se plaignent — n'étant pas
des anges, il faut bien s'armer de patience, se supporter les uns les autres,
et tolérer les fautes qui se commettent dans les sociétés humaines aussi
longtemps qu'il y aura de l'écume sur les vagues de la mer. Allez com-
munier et Jésus qui cache sa grandeur sous les voiles eucharistiques,
qui, par bonté pour nous, a trouvé le moyen de remonter au ciel tout en
restant sur la terre en instituant ce Divin Sacrement de l'autel, vous ap-
prendra à vous pencher avec d'autant plus de plaisir vers ceux qui dé-
pendent de vous qu'ils seront plus pauvres, plus abandonnés, plus misé-
— 819 —
râbles; Il vous dira que vous devez diriger les hommes avec sagesse sans
doute, mais surtout avec bonté; Il vous enseignera que votre autorité
sera supportée, respectée, à la condition que vous la regardiez toujours
" comme un vaisseau qui a ses ancres dans le ciel."
Vous êtes peut-être — plus que les autres — séduits par la beauté des
créatures et prêts à prodiguer votre pauvre cœur en de périssables amours.
Allez communier et vous apprendrez toute l'amabilité et la tendresse de
Jésus-Christ. Sa présence en vos âmes vous fera sentir toute la vérité
de ses paroles : " Goûtez et jugez combien le Seigneur e?t doux.''
Vous êtes peut-être — plus que d'autres — tourmentés par la passion
qui animalise l'esprit et est la plus terrible ennemie de la vie spirituelle.
Allez communier et Jésus-Christ vous montrera les plaies de sa chair
martyrisée; Il vous abreuvera du sang qui fait germer les vierges.
Tous ces effets seront produits par la communion. J'en appelle à votre
expérience: S'il est des jours dans votre vie où vous vous êtes sentis
pleins de force, ovi le sacrifice lui-même vous a souri, où vous vous êtes
trouvés capables de quelque chose de généreux, de pur, de grand, où vous
croyiez avoir des ailes pour voler jusqu'à Dieu, c'est lorsque, dans une
communion fervente, la Sainte Hostie est descendue dans votre cœur.
Vous avez besoin de lumière.
Or, Jésus est la vraie lumière qui éclaire tout homme venant en ce
monde. Dans son âme divine. Il renferme les trésors d'une expérience
étemelle. Il connaît tous les replis des cœurs; Il embrasse de son regard
immense toutes les circonstances et tous les détails que nous ne pouvons
même pas soupçonner. Quelle que soit votre situation, l'avis qu'il vous
donnera sera le plus opportun, le plus utile, le plus conforme à vos vrais
intérêts. Souvent dans la conversation qui suivra la sainte Communion
vous apprendrez plus sur les choses du temps et de l'éternité, sur vos
vraies destinées, sur la direction à donner à vos affaires que par les plus
longues réflexions et les plus habiles combinaisons de la sagesse liumaine,
car, dans la Communion, l'âme grandit, s'épanouit, se divinise.
Vous avez besoin de consolation.
Vous avez si souvent des larmes à faire essuyer, dus blessures à faire
panser par une main amie, des chagrins à épancher dans un cœur aimant
qui vous comprenne et vous relève. Allez communier et vous verrez que
Jésus seul a la main assez délicate et assez puissante pour toucher toutes
les plaies de votre cœur et lui rendre la vraie joie, «pie seul II mérite le
nom qu'il a })ris lui-même de l'araclet, de Consolateur, que seul II com-
prend toutes nos douleurs parce qu'il les a toutt^-s éprouvé».-. N'allez pas
dans ces circonstances, frai)per à la porte de vos amis de la terre, car ile
consentiront bien à partager vos joies, mais ils vous al)andonneront dans
vos tristesses. I/expérience quotidienne est là pour nous ]>rouvcr que
les amis de ce monde sont presque toujours intidêlts: " Ia's amitiés mon-
daines, dit S. François de Sales, fondent comme la neige nu soleil, parce
que toutes ou presciue toutes sont appuyées sur l'intérêt!"
— 820 —
Allez communier et toutes vos faims mystérieuses tomberont devant
l'aliment que Jésus vous donnera et qui n'est autre que lui-même. Allez
communier et vous terrasserez toutes les passions qui s'ameutent au fond
de votre âme; vous les tiendrez rugissantes mais inertes sous vos pieds
vainqueurs et vous célébrerez vos victoires la main tendue vers le Taber-
nacle en disant: " Quis ut Deus? Qui est fort comme Dieu?"
*
Si vous aviez plus de foi, nous vous verrions vous précipiter vers la
Table Sainte pour recevoir souvent ces accroissements de vie divine qui
vous y seront offerts.
Il y a quelques années, un homme distingué était venu de France visi-
ter notre beau pays. Il était intelligent, observateur, catholique con-
vaincu et pratiquant. Il comprit l'ardent amour que le canadien a pour
sa patrie qui a reçu du Créateur les plus admirables dons que puisse rêver
un peuple. Tout ici lui était un objet d'admiration. La beauté des
horizons, la richesse du sol, la variété prodigieuse des sites, les grands
fleuves, les plaines immenses, les vallées fécondes, la grâce des collines,
la majesté des montagnes, tout lui révélait une terre prévilégiée. Il s'é-
tait convaincu qu'il n'y a pas sous les cieux un peuple jouissant d'une
liberté plus grande et d'un bonheur plus réel.
Il me fit une remarque qui me chagrina et que je n'oublierai jamais:
"Votre peuple, me dit-il, est religieux, mais je ne vois pas assez d'hommes
— et surtout d'hommes de la classe dirigeante, — à la Sainte Table."
A quoi cela est-il dû ? Existerait-il au pays ce préjugé aussi funeste
aux âmes qu'injurieux pour Dieu qui consiste à croire que la fréquence
de la communion est une pratique féminine, une sorte de luxe de dévo-
tion réservé aux natures plus sentimentales ? Envisagerait-on la commu-
nion non pas comme l'acte vital du chrétien mais comme une pratique
surérogatoire ?
Mais l'homme — et surtout l'homme de la classe instruite et dirigeante
— a plus besoin de communier que les femmes et les autres fidèles.
Il est plus exposé à subir les assauts du doute, à entendre les men-
songes' des fausses doctrines et les attaques contre la foi. Il met plus
souvent que les autres la main sur des livres publiés dans d'autres pays
et faits par des écrivains qui trempent leur plume vénale dans des poi-
sons mortels à tout germe de bien, par des malfaiteurs littéraires qui
sèment le mépris sur tout ce qui est pur, la calomnie sur tout ce que
nous avons appris à aimer et à respecter.
Il porte le lourd fardeau des affaires, il vit plus au dehors, plus libre,
plus indépendant, plus souvent en contact avec le mal; il est par con-
séquent plus exposé à des occasions dangereuses que la jeune fille ne ren-
contre pas sous l'aile maternelle, ni la femme au sanctuaire de son foyer.
Par conséquent il a plus besoin de recourir à l'Eucharistie, source de
toute vertu.
MAIS ? DISENT QUELQUES-UNS : LE TEMPS NOUS MAN-
QUE POUR NOUS lîENDKE A LA SAINTE MESSE ET NOUS
PHEPAKEK A fOMMIINIEH SOUVENT.
— 821 —
Cette raison n'est pas nouvelle. Quand Jésus-Christ invita à son fes-
tin, vous savez ce que répondirent les conviés : " J 'ai acheté une villa, dit
le premier, et il faut que j'y aille voir." — '■ J'ai acheté cinq paires de
bœufs, dit le second, il faut que j'aille les essayer." — ''Moi, j'ai pris
femme, dit un troisième."' Tous de dire : " Excusez-moi, Habe me excu-
satum. Et l'Evangile ajoute: " 2^eglexerunt." Tous furent négligents.
N'est-ce pas encore ainsi que les choses se passent ? Vous n'avez pas
le temps de vous rendre à l'invitation de Jésus ; vous en trouvez bien,
cependant pour vos plaisirs et la lecture de vos journaux; vous en avesj
bien du temps pour nourrir votre corps et vous n'en avez pas pour nour-
rir votre âme; vous trouvez du temps pour la conversation et pour la
promenade et vous n'en trouvez pas pour communier; vous trouvez du
temps pour faire vos affaires temporelles et vous n'en trouvez pas pour
faire vos affaires spirituelles.
' Vous n'avez pas le temps ! En auriez-vous moins que Thomas Morus,
le grand Chancelier d'Angleterre, qui communiait tous les jours ? Quel-
ques-uns lui dirent qu'un homme occupé comme lui aux grandes affaires
de l'Etat, ne devrait pas si souvent s'approcher de la Sainte Table, il leur
répondit : " Vous m'apportez là justement la raison que j'ai de com-
munier chaque jour, ma dissipation est grande; je me recueille par la
communion. Les tentations sont fréquentes, je me fortifie dans la com-
munion. J'ai besoin de lumières pour gouverner l'Etat, je les demande
à la Communion."
Vous n'avez pas le temps ! En avez-vous moins que Montalembert qui
se préparait par la prière à ses grandes luttes et à ses grands triomphes
parlementaires et qui tenait à s'armer par une communion fervente
toutes les fois qu'il devait prononcer un important discours comme les
prcniiers chrétiens quand ils devaient confesser le nom de Jésus-Christ ?
Vous n'avez pas le temps ! En avez-vous moins qu'un de vos conci-
toyens qui occupait une position sociale très élevée, qui trouvait le temps
de commencer ses journées par l'audition de la Sainte Messe et qui ne
manquait jamais de communier tous les dimanches ? Et voici comment
j'appris la conduite chrétienne qu'il tenait: La veille de Noël, il y a
quelques années, entre à ma chambre un de mes anciens pénitents qui
avait quitté Quél)ec depuis quelque temps. Je lui demandai la raison
de sa visite. Il me répondit qu'il était venu pour se confesser, chose
qu'il ne faisait plus depuis son départ de notre bonne vieille ville. Et
il me dit ce qui l'avait déterminé à reprendre sa vie chrétienne d'autre-
fois. Au mois de mai précédent, il avait pris logement dans la rue où
flemeurait ce cbrétien rlistingué dont tous admiraient les qualités intel-
lectuelles et morales. Il l'avait vu chaque matin sortir de chez lui à
heure fixe et il avait constaté qu'il se rendait à l'église entendre la messe.
Souvent il l'avait vu s'approcher de la Sainte Table avec une piété qui
l'avait vivement tmiché. Cet exemple, partant de haut, l'amenait à mes
pieds pour recevoir l'absolution de ses fautes et recommencer à bien servir
le Dieu dont il avait appris à bégayer le nom béni sur les genoux de sa
bonne mère chrétienne. Celui dont Dieu s'était servi ])our opérer cette
•conversion ne sait pas — et il ne saura jamais sur la terre — le bien qu'il
a fait à une âme en danger de se perdre, mais il le saura au ciel où il en
recevra la récompense.
— 822 —
Vous voudriez bien communier souvent mais VOUS jSTE VOUS EN
CHOYEZ PAS DIGNES.
11 n'est pas nécessaire d'être saint pour communier. Autrement Jésus
n'eut institué ce sacrement que pour quelques centaines d'hommes par
siècle et il n'eut pas dit à ses apôtres : " Prenez et mangez," car ces
apôtres, vous le savez, n'étaient pas des saints. Etranges saints qui, une
lioure après leur première communion, se disputaient sur la route pour
savoir lequel d'entre eux était le plus grand; étranges saints que ces
peureux qui abandonnaient lâchement leur Divin Maître ; étranges
saints que ce Pierre qui le reniait, que ce Thomas qui n'avait pas la foi.
Vous êtes en état de grâce, vous avez la sainteté, la dignité requise.
Sans doute, à plusieurs titres, vous êtes indignes de recevoir la SaintQ
Eucharistie, vous pouvez continuer à vous frapper la poitrine en disant
" Non sum dignus, je ne suis pas digne," mais vous êtes exempts de la
seule indignité qui soit prohibée : celle du péché actuel.
Vous voudriez bien communier souvent, mais VOTRE FAIBLESSE
VOUS EFFRAYE ? VOUS CRAIGNEZ DE NE POUVOIR EVITER
LES FAUTES QUE VOUS AVEZ COUTUME DE COMMETTRE.
Rappelez-vous donc que la communion est surtout faite non pas pour
les parfaits,, mais pour les faibles. J'en appelle au témoignage même
de Jésus-Christ : " Ce ne sont pas ceux qui se portent bien, dit-il, qui
ont besoin du médecin, ce sont les malades." Lisez l'Evangile, au festin
du grand Roi, quels sont les convives? " Dehiles et caecos et claudes,
les paralytiques, les aveugles, les boiteux, c'est-à-dire, les pauvres et les
infirmes."
Ne regardez donc pas la communion comme une récompense mais
comme un remède, la sainteté, comme la condition de la communion mais
comme son fruit.
Vous voudriez bien communier souvent, mais VOUS NE VOUS
SENTEZ PAS ASSEZ DE DEVOTION, ASSEZ DE FERVEUR.
N'oubliez pas que la ferveur ne consiste pas à éprouver ces tressaille-
ments qui font mouiller les paupières de larmes heureuses et goûter cette
paix, cette douceur oii l'âme se noie avec délices. Mais écoutez donc
S. Augustin qui vous dit : " Quoiidie peccas, quotidie remedio indiges.
" Vous péchez tous les Jours, communiez tous les jours." Quand Dieu
nous donne ces lannes et ces impressions, sans doute il faut les accepter
avec reconnaissance, mais il faut les regarder comme des gourmandises
spirituelles et ne pas y attacher un trop grand prix.
Je ne voudrais pas supposer que le respect humain pût vous éloigner
de la Table Eucharistique, que vous puissiez rougir de Celui à qui nous
devons tous obéir et regarder comme un opprobre de bien servir Dieu.
Vous êtes chrétiens, chrétiens sincères. Or, " un chrétien ne craint rien,
ne dissimule rien. Aux yeux de tout le monde, il est toujours chrétien/'
TiO Roi que vous servez, à qui vous obéissez, de qui vous approchez, est
le Maître du ciel et de la terre, Celui qui a tout créé, qui d'une parole
enchaîne l'Océan, qui a l'éternité pour âge, la lumière pour palais, les
anges pour ministres. Vous n'avez pas à rougir de lui.
Dans le monde, les gens ne se préoccupent pas de ce que font leurs
voisins. Ils consultent leur intérêt et leur conscience; ils ne se mettent
pas en peine du qu'en dira-t-on.
— 823 —
Faites comme eux ; prenez l'initiative de vos communions. Xe vous
dites pas : " Est-ce aujourd'hui fête ? Serons-nous nombreux à la Sainte
Table ? Dites-vous : aujourd'hui je vais me trouver dans une occasion
de pécher, j'ai une affaire importante à régler, je communie. Voilà la
règle de conduite que vous devez tenir.
*
* *
. Vous êtes les enfants prévilégiés de Dieu ; vous avez reçu de Lui des
grâces de choix. Le peuple, les petits ont les yeux ouverts sur vous, ils
vous étudient. Prenez garde : ce qu'ils vous verront faire, ils le feront.
De même qu'il suffit d'une simple fleur pour embaumer tout un jardin,
d'un grain d'encens pour remplir de son agréable odeur une église tout
entière, d'un ra5'on de soleil pour éclairer et réjouir toute la nature; de
même il suffit quelquefois d'une seule âme fidèle, si cette âme est bien
en vue, pour édifier et transformer toute une paroisse.
Votre position sociale vous met sur les épaules une rude responsabilité.
Communiez souvent pour avoir la lumière et la force dont vous avez
besoin pour remplir vos difficiles devoirs. Communiez pour avoir la paix ;
communiez pour avoir la joie; communiez pour avoir la vie. Ayez la
nostalgie de l'autel, l'enthousiasme de la communion. N'oubliez jamais
que votre vertu est un édifice et que la communion en est la clef de voûte.
Lorsque celle-ci s'en va, l'édifice croule ; lorsqu'elle demeure, l'édifice
reste debout. Il faut que votre vertu reste debout. Soyez par consé-
quent des communiants assidus.
Nous lisons dans le Saint Evangile qu'un jour N.-S. allait à Béthanie
dans la demeure de son ami Lazare qui venait de mourir. Il n'y était pas
encore arrivé quand Marthe, sœur du défunt, vint au devant de lui en
disant : " Seigneur, si vous eussiez été ici, mon frère ne serait pas mort."
Puis elle courut auprès de sa sœur Marie et lui dit : " Le Maître est là ;
Il vous appelle." Ce que celle-ci ayant entendu, elle se leva prompte-
ment et vint à Lui.
Cette parole : " Le Maître est là ; Il vous appelle," nous vous l'adres-
sons. Oui, le Maître, notre Seigneur, notre Dieu, le Dieu de votre bap-
tême, le Dieu de votre première communion est toujours là près de vous,
dans l'église de votre paroisse. Il ne cesse de vous appeler pour vous
écouter, pour vous exaucer, pour se donner à vous. Allez donc à Lui aussi
souvent que possible ; donnez-Lui votre cœur. Il s'y reposera avec amour.
Il fera de vous non seulement de bons citoyens mais aussi de vrais chré-
tiens. Et les autres que vous édifierez vous sauront gré des bons ex-
emples que vous leur donnerez. Vous aurez une autorité qu'on respec-
tera, un nom qu'on honorera; car
" L'estime et le respect sont un juste tribut
" Qu'aux plus fiers ennemis arrachent les vertus."
— S24 —
Le P. lîoncompuin , S. J., succède à Mgr Mathieu et lit le
rapport suivant :
LA LIGUE ET LES ŒUVRES D'HOMMES PAR
L'EUCHARISTIE
Les trois derniers pilotes qui dirigent du Vatican la barque de l'Eglise
et, sous l'inspiration du Saint-Esprit, commandent la manœuvre, ont
lancé au monde ce mot d'ordre : Catholiques, unissez-vous ! catholiques,
groupez-vous ! Et partout cette parole a trouvé de l'écho.
C'est TAllemagne catholique qui s'ébranle, s'organise avec cette mé-
thode, cette ténacité qui la distingue : et le Centre fait plier le chancelier
de fer. C'est la petite Belgique qui montre à l'univers dans une admi-
rable effloraison découvres religieuses, économiques et sociales la mise en
pratique de sa devise nationale : l'union fait la force.
C'est la France qui lentement se ressaisit. Sur son sol fécond en dé-
vouements, une jeunesse se lève ardente, portant crânement sur le front
la foi qu'elle a dans le cœur. îfous saluons déjà le jour où nos frères de
là-bas, serrant leurs rangs autour de la bannière du Cœur de Jésus, ba-
laieront la poignée de francs-maçons qui oppriment notre mère-patrie.
Le jour d'union sera pour eux le jour de la victoire et ce jour poindra
bientôt, car le Christ aime les Francs.
Chez nous. Messieurs, le mot d'ordre du Vatican a été entendu: des
groupements d'hommes se sont formés, au champ d'action plus ou moin§
vaste, mais tous convergent au même but : " Tout restaurer dans le.
Christ." C'est l'un de ces groupements, au caractère original et destiné
à infuser à toutes nos œuvres un regain de vitalité, qu'on m'invite à vous
faire connaître avant de vous montrer dans l'Eucharistie son principe de
vie et de succès. . . Je vais donc vous dire un mot de la Ligue du Sacré-
Cœur de Jésus.
Cette Ligue répond chez nous à un besoin.
Sans doute, sur nos rives, l'Eglise ne râle pas sous le talon de botte
d'un Bismarck quelconque, ce que d'ailleurs vous ne souffririez pas long-
temps ; elle ne se heurte point encore dans l'exercice de ses droits aux
mesquines tracasseries d'un Bloc haineux et franc-maçon ; mais le temps
serait mal choisi pour nous croiser les bras et nous endormir dans la
douce illusion que tout ici est parfait. Car si la foi coule vivace dans
l'âme de nos paysans, si la jeunesse, que Mgr Bruchési saluait naguère
comme l'espérance de l'avenir, s'inspire d'un idéal plus nettement catho-
lique f|uo la jrénération qui l'a précédée, et forme un bataillon compacte
avec lequel il a fallu et il faudra compter, si en un mot la race de ceux,
qui croient, qui prient, qui luttent, n'est pas près de s'éteindre chez nous,
il n'en reste pas moins vrai qu'il y a des taches sombres sur notre ciel
bleu. C'est qu'on effet la vague qui nous apporta jadis les Cartier, les
Champlain, les Dollard et les Maisonneuve, et qui dépose encore sur nos,
rives tant d'infatigables apôtr&s du Christ, cette vague a jeté aussi sur
notre plage des semeurs d'ivraie qui, aidés de quelques-uns d'ici, — je
— 835 —
ne dis pas des nôtres, puisqu'ils ont renoncé à notre idéal, — travaillent
dans Ponibre à émanciper notre peuple du joug de l'Eglise et de Dieu.
Or, si la loge masque ses membres, elle ne cache pas ses idées Ses
erreurs courent la rue, des journaux, conscients ou non, les colportent
et bien des lecteurs qui pour tout au monde refuseraient de mettre le
pied dans la loge, sul3issent docilement Tinfluence de la secte, s'imprè-
gnent d'autant mieux de ses principes qu'ils en ignorent la source. Yous
en doutez. Messieurs? Alors, mêlez-vous au peuple, frayez tant soit peu,
avec notre bourgeoisie, et naïvement l'on émettra devant vous les idées
les plus fausses sur des questions vitales; prêtez l'oreille et vous n'aurez
pas à attendre longtemps, pour entendre battre en brèche les sages direc-
tions de l'Eglise et regimber contre ce qu'on appelle l'ingérence du clergé.
Tout cela, infiltration des idées maçonniques chez nous ! Or, Messieurs,
à cette déviation que subit l'esprit public et contre laquelle il faut ré-
agir, ajoutez d'autres tendances non. moins funestes. Et d'abord un
égoïsme colossal qui, tuant tout idéal, immobilise les uns dans leur bien-
être, les fige à leur cercle, à leur partie de cartes et en pousse d'autres à
la conquête du succès, fallût-il l'acheter par de honteux compromis : et
puis la fièvre des plaisirs qui sévit dans toutes les classes de la société et
qu'avive encore la réclame tapageuse faite par nos journaux aux lieux,
d'amusements et aux théâtres de tout acabit : joignez encore à ces symp-
tômes alarmants l'enrôlement en masse de nos chers ouvriers dans des
unions neutres ou directement hostiles à l'Eglise et vous comprendrez
qu'il est temps de nous dessiller les yeux et d'agir. Xon, Messieurs,
n'attendons pas pour nous réveiller et nous grouper que nos ennemis
aient pris pied sur nous et nous aient débordés ; soyons debout, les rangs
serrés, l'œil au guet et en armes pour défendre nos traditions et notre
foi, repousser l'ennemi et faire régner le Christ chez nous. L'Associa-
tion des forces catholiques et leur entraînement s'impose: c'est le but
glorieux que la Ligue poursuit. Il y a dans chacune de nos paroisses
des hommes de foi et de cœur, des chrétiens convaincus, à visées fran-
chement et uniquement chrétiennes, rouges ou bleus peut-être, mais
catholiques avant tout. Or, ces hommes la Ligue les groupe autour de
leur clocher, elles les embrigade dans une association aux cadres assez
larges pour ne laisser échapper aucune bonne volonté.
Et pourquoi ce groupement? Pour ancrer plus avant dans leur
esprit, par une formation intense, des convictions religieuses inébranla-
bles qui les mettront à même de combattre partout l'erreur: sur les rues
comme dans les tramways, à l'atelier comme dans les réunions ouvrières,
aux conseils de ville comme aux parlements.
Elle allume en même temps dans leur cœur, au contact du cœur de
Jésus la flamme de ra])ostolat, que secouera leur apathie, les rendra
audacieusement bons et en fera des semeurs de vérité. Ils comprendront
à cette école que cacher son drapeau est une lâcheté, et que le catholi-
que doit s'affirmer catholique, agir en catholique, non pas seulement
au coin du feu, les portes closes, mais dans la vie sociale et dans la vie
politique. Et parce qu'ils l'auront compris, ils s'imposeront au respect
de tous par l'énergie de convictions nettement affirmées, et par la force
invincible de l'unité.
— 826 —
Est-ce tout, Messieurs? Pas encore.
Quand on aime Dieu et l'Eglise, on aime ce que Dieu et l'Eglise ont
aimé par-dessus tout: les affligés et le peuple. Et c'est le champ de
V Action sociale qui s'ouvre au zèle du ligueur avec ses œuvres multiples
à créer ou à promouvoir: St- Vincent de Paul, croisade de tempérance,
diffusion de la bonne presse, bureaux de placements, caisses populaires,
sociétés catholiques et nationales. A toutes ces entreprises le ligueur
doit son concours. Car il n'est pas un arriéré, un endormi, qui en face
■des misères et des problèmes sociaux, se lamente et se croise les bras,.
c'est un militant toujours prêt à pousser au progrès, à payer de sa per-
sonne quand il s'agit de rendre le peuple plus heureux et meilleur. Vous
le comprenez, Messieurs, la Ligue n'est pas une confrérie décorative,
chantant à pleins poumons : " En avant marchons ..." et restant immo-
bile. C'est le groupement paroissial des chrétiens qui vivent de la foi
et entendent la faire respecter et rayonner. C'est l'association en vue
de l'action religieuse, économique et sociale, sous la direction de l'au-
torité religieuse. Or, Messieurs, pendant le Congrès Eucharistique les
Ligues vont se fédérer: quelle force nouvelle pour le maintien de nos
droits, le développement de nos œuvres, quel appui pour la classe
ouvrière dans les revendications légitimes ! car nous sommes aujourd'hui
au bas mot 60,000 ligueurs, demain, nous serons 100,000; nous sommes
60,000 de toutes les convictions, tous respectueux de l'autorité, tous
énergiquement résolus à promouvoir le règne de Dieu et le progrès ma-
tériel et moral du pays. Or, de tels hommes s'imposent à l'attention;
de tels hommes sont écoutés ou se font écouter.
Voilà la Ligue, Messieurs, il me reste à vous montrer brièvement à
quelle source elle puise sa vitalité. Vous l'avez déjà deviné, c'est dans
l'Eucharistie.
Comme son général en chef, le Souverain Pontife, la Ligue travaille
a établir le règne de Dieu, à restaurer dans le Christ la famille, la pa-
roisse, le pays tout entier. Or, selon l'expression d'un saint Père,
l'éhxir de résurrection et de progrès. Pie X l'a indiqué assez clairement,
il la crié assez haut, que seuls les sourds volontaires n'ont pas compris.
Cet éhxir, déjà la Ligue l'employait. Elle, si sobre quand il s'agit de
lier ses membres par des promesses, a imposé cependant à ses memhres
de cinq à douze communions générales par année. Et, Messieurs, je vous
assure que c'est un spectacle impressionnant que de voir les citoyens,
d'une paroisse s'avancer en rangs serrés vers la table eucharistique, et
rendre ainsi à leur roi un hommage public officiel. C'est beau de les
voir, dans certaines paroisses, tous les premiers vendredis du mois, de 8
à 9 heures du soir, envahir nos églises, et devant le Dieu de l'Eucha-
ristie exposé, adorer, réparer et renouveler leurs saints engagements !
C est peu, direz-vous : veuillez vous souvenir, Messieurs, qu'il s'agit de
manifestations générales et que la prudence nous impose le devoir de
basernotre marche sur le gros de l'armée, tout en activant peu à peu
son allure. Or, les faits sont là; j'ai eu sous les yeux plus de 130 rap-
ports attestant, presque tous dans les termes les plus nets, les plus
explicites, que grâce à la Ligue, plus de 80 pour 100 des hommes de la
paroisse communient au moins de six à douze fois l'an.
— 82: —
C'est peu encore^ soit; mais c'est déjà uu succès; d'ailleurs la Ligue
ne s'en tient pas là; elle demande à tous les Directeurs de se faire les
ardents promoteurs de la communion fréquente : et la plupart ont en^
tendu cet appel. Aussi voyons-nous, tous les matins, bon nombre de
chefs de groupes, nos hommes d'action, s'approcher de la Table Sainte.
Pour eux, en effet, la communion fréquente est une nécessité. L'Eu-
charistie n'est-elle pas la source de la vie? Or, plus la vie est abondante,
plus elle se déverse en dévouement. Aussi peut-on dire que le tliermo-
mètre du zèle c'est l'Eucharistie; si elle est rare c'est zéro avec sa
froidure et ses glaces; si elle est fréquente, la vie monte, la chaleur en-
vahit le corps, elle déborde et passe par-dessus toutes les répugnances,
tous les égoïsmes pour se dépenser au service de Dieu et du prochain.
Aussi, Messieurs, la Ligue pourrait-elle répéter à ses candidats ce que
Jeanne d'Arc disait aux recrues qui demandaient à combattre sous son
drapeau: Messieurs... Communiez-vous? — Oui. — Alors entrez dans
les rangs ; vous êtes des nôtres.
Je finis par un fait.
Il y a quelques années, M. l'abbé Etienne, supérieur général des Laza-
ristes, reçoit la visite d'un philantrope protestant qui, émerveillé de
l'œuvre admirable des Sœurs de la Charité voulait la copier. Xotre
philanthrope demande les règlements, visite la communauté, et remercie
avec effusion le Supérieur, ne lui cachant pas la joie qu'il éprouve à la
pensée de doter son pays d'établissements pareils. M. l'abbé Etienne lui
dit alors : " J'admire vos intentions, votre bonne volonté, mais je vous
déclare que vous ne réussirez pas!" — "Et pourquoi? Xe m'avez-vous pas
fourni toutes les instructions nécessaires ?" — " C'est vrai, je vous ai
donné la machine; mais il vous manque la vapeur, il vous manque l'Eu-
charistie."
Messieurs, pour que la vapeur ne nous manque pas, mais qu'elle anime
nos âmes et les pousse vers une ère nouvelle de progrès, laissez-moi vous
présenter la résolution suivante qui assurera le succès.
Le Congrès invite tous les directeurs d'œuvres d'hommes à se faire,
dans leur sphère d'action, les infatigables promoteurs de la communion
fréquente, et à bien se persuader qu'ils ont là le moyen le plus efficace
de maintenir l'esprit chrétien dans leurs associations et d'ij susciter 1rs
militants, les apôtres dont nous avons besoin pour que le Christ règne
chez nous : car il est notre roi; nous voulons qu'il règne !
— 828 —
C'est au tour du P. LadisJas, 0. F. M., de parler des avan-
tages de la communion fréquente. Nul ne s'étonnera que
cetîipôtre de la tempérance n'y voie un remède à l'alcoolisme.
TEMPERANCE ET COMMUNION
Un des plus graves problèmes sociaux des temps modernes, c^'est bien
celui de l'alcoolisme. L'alcoolisme, en effet, envahit tout, gâte tout,
ruine tout : fortune, santé, énergies de la race, facultés intellectuelles et
morales, bien-être temporel et bonheur éternel, rien n'échappe aux coups
du monstre alcool.
Que faire? Quels remèdes opposer cà ce déluge de maux physiques et
moraux? L'éducation des masses populaires par la parole, la plume et
l'image? La protection contre les dangers par l'enrôlement dans les
sociétés de tempérance ? Oui, tout cela est bon, excellent, l'expérience de
chaque jour le prouve ; mais il me semble que pour nous, catholiques pra-
tiquants, il existe un remède au-dessus de tous les autres remèdes, un
remède dont l'efficacité soit préventive, soit curative ne souffre pas de
comparaison : ce remède c'est la sainte communion.
Xe l'oublions pas. Messieurs, le problème antialcoolique, bien que fort
mixte, est d'ordre religieux plus encore que d'ordre économique, social
ou médical; pour le résoudre avantageusement il faut une force spiri-
tuelle, surnaturelle. Youlons-nous des hommes vraiment tempérants,
travaillons à en faire de vrais chrétiens, des hommes qui vivent du
Christ, qui portent en eux le Christ Jésus — des Christophages, des
Christophores.
C'est que la tempérance n'a pas cessé d'être une vertu cardinale, une
vertu dont la pratique, dans l'état actuel de nos mœurs, exige souvent
des forces morales plus qu'ordinaires. C'est que la gourmandise reste
toujours une passion, et pour dompter les passions il faut autre chose
que des raisonnements, il faut un frein moral. L'intempérance étant
un vice, a besoin comme tous les autres vices d'être prévenu ou combattu
par la grâce.
Appelons donc la grâce à notre secours dans la lutte contre l'alcoo-
lisme. Sans elle nous bâtissons sur le sable mouvant de l'enthousiasme,
des opinions, des résolutions humaines. La grâce, les sacrements nous
la donneront — ils en sont les canaux — ils nous la conserveront, ils
nous l'accroîtront, ils nous la redonneront au besoin. Je voudrais plus
qu'une grâce ordinaire pour nos hommes tempérants, je voudrais loger
dans leurs poitrines l'auteur même de la grâce, et je voudrais le ramener
si souvent dans ce sanctuaire qu'il aime tant, qu'il ne s'y trouve pas
comme un étranger de passage, mais plutôt comme un hôte bien-aimé
dont les appartements >ont toujours préparés, qu'on recherche avec em-
pressement et f|u'on accueille avec bonheur.
Jésus-Hostie, Messieurs, voilà l'hôte dont la visite n'a pas de prix !
Jésus-Hostie! mais avec lui, c'est la nourriture, c'est le breuvage, c'est
— 829 —
la vie qui entre dans les cœurs : " Celui qui me mange vivra." (S. Joan.
VI. 58.) Il fera mieux que vivre, il croîtra, il se transformera en Dieu
au point de dire avec S. Paul: " Ce n'est plus moi qui vis, c'est Jésus-
Christ qui vit en moi." Chaque communion bien faite cimentera de
plus en plus l'union ineffable de son âme avec son Créateur et Sauveur:
" Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi
en lui." (S. Joan. YI. 57.)
Si Jésus-Hostie est l'hôte habituel d'une âme, Satan n'y viendra pas.
Satan ne peut supporter le voisinage de Jésus, il fuit avec horreur les
porte-Christ. Quelle place voulez-vous que le démon-alcool trouve dans
un cœur fréquemment imbibé du sang divin? Il sait bien lui qu'un
homme qui prend souvent le chemin de la Table sainte lui échappera tôt
ou tard. Il sait bien que les feux de la concupiscence, que les scandales
du siècle n'auront pas d'emprise durable sur une telle âme nourrie du
corps et du sang de Jésus. Il sait fort bien que rien au monde n'est
plus puissant pour calmer une chair rebelle, avide de sensations alcooli-
ques, assoiffée de liqueur forte, que l'attouchement divin de la chair et
du sang de Jésus-Christ.
Oh ! l'incomparable contre-poisin spirituel ! comme l'appellent les
Saints Pères. A combien de pauvres intoxiqués n'a-t-il pas rendu une
santé florissante de l'âme et du corps ! Que d'autres il a préservés d'ha-
bitudes dégradantes et qui semblaient fatales ! Tel ce jeune époux qui
me disait au cours d'une retraite :" Si je ne communiais pas tous les
mois, et beaucoup plus souvent encore, dans certaines circonstances, je
boirais comme mon père ! "
Des faits, il n'est pas un apôtre de la tempérance qui ne puisse en
citer plusieurs : " Un pauvre homme de X. faisait la désolation de sa
famille, par ses abus de boisson ; sa mère en mourut même de chagrin.
Venu à l'Heure d'Adoration, ce malheureux prit la résolution d'essayer
de la tempérance pour un an. Immédiatement, déclare le prêtre narra-
teur, je lui donnai ce conseil: "communiez neuf premiers vendredis de
suite,'lce qu'il fit. Grâce à ce moyen il eut la force de tenir sa promesse
de tempérance qu'il a renouvelée pour toujours, et maintenant c'est un
modèle. Il est entré dans la Congrégation des Jeunes Gens et même
dans la Conférence de Saint-Vincent de Paul ; il est remarquable et re-
marqué pour son dévouement envers les pauvres. Il ne sacre plus, il vit
très honnêtement; je le répète, c'est l'idéal du jeune homme comme il
faut, grâce à la communion qu'il reçoit le dimanche et plusieurs fois la
semaine.
Des transfigurations de ce genre, il y en a beaucoup ici depuis que le
Sacré-Cœur a fondé la Société dr Tempérance. Il y en a partout où
l'on a pu amener les hommes à fréijuenler le confessionnal et la sainte
Table. Ces braves tempérants ne savent pas ce que c'est que de casser
leurs croix, pour employer l'expression reçue, et î'i parfois la fragilité
humaine l'emporte, au moins savent-ils encore l'adresso du grand ouvrier
qui la raccoininodera solidcniont. Donnons Jésus à nos sociétaires pour
les garder sobres, donnons Jésus aux pauvres buveurs pour les guérir du
mal affreux de l'alcoolisme. Le Pape l'a dit, clia(|uo jour nous consta-
— 830 —
tons la vérité de son mot d'ordre : " Semez des hosties, vous récolterez
des héros.'"'
J"ai rhonneur de soumettre humblement au Congrès les vœux suivants:
1° Que tous ceux qui ont charge d'âmes ne perdent aucune occasion
d'attirer les hommes et jeunes gens, spécialement les alcooliques, à Jésus-
Hostie, on pourra profiter du premier vendredi et du premier dimanche
du mois, des fêtes solennelles, des réunions de la Société de Tempérance,
du Tiers-Ordre, de la Ligue, etc.
2° Que toutes les personnes constituées en autorité facilitent à leurs
hommes la communion fréquente. Les confesseurs s'appliqueront à
leur faciliter la confession^ par un accueil tout paternel, réservant pour
les hommes autant que possible l'heure la plus accommodante, de façon
à ne pas les laisser attendre leur tour trop longtemps.
Mgr Roy, présente ensuite à l'auditoire M. l'abbé Thellier
de Poncheville, rédacteur à la " Croix " de Paris.
ALLOCUTION DE M. L'ABBE THELLIER DE
PONCHEVILLE
monseigneue,
Messieurs,
Semblables à ces phares aux feux tournants dont le rayon lumineux
dans sa courbe mouvante fait surgir de l'ombre les profondeurs de l'o-
céan, ses beautés successives et ses immensités, le congrès eucharistique
promène sur le monde son jet de vive lumière et en chaque lieu oii il se
pose fait apparaître de ville en ville, de continent en continent, des
splendeurs nouvelles qui ravissent le regard de la catholicité.
Quel spectacle que celui-ci ! quelle révélation pour la plupart de ceux
qui en sont témoins ! La foi soulevant un peuple entier vers ses autels ;
l'enthousiasme religieux attirant aux fêtes de Montréal des caravanes de
pèlerins qui sillonnent les mers à six Jours de traversée, qui descendent
des rives du Pacifique à six jours de marche le long des voies ferrées;
de telles foules que les salles les plus vastes sont trop petites pour les
recueillir, les plus larges avenues trop étroites pour en permettre le dé-
ploiement; une multiiufle nuit et jour en prières, si ardente dans les
manifestations de sa piété que les flancs de ses basiliques tremblent sous
sa poussée formidable, si étendue que le Mont-Royal verra dans quelques
heures ses plaines submfrgées par ce débordement d'un fleuve aux eaux
plus abondantes que celles du Saint-Laurent!
Ce triomphe ne doit pas s'évanouir sans lendemain. Quand le phare
aura tourné ses feux vers d'autres terres, celles-ci ne redescendront pas
— 831 —
•
dans la nuit. Les âmes qu'il aura touchées du rayon béni de son osten-
soir en resteront brillantes d'une clarté nouvelle que rien ne pourra affai-
blir. Car c'est le devoir de ceux qui auront joui de ces fêtes d'en re-
cueillir la beauté surnaturelle et ineffaçable de convictions religieuses
plus vives et plus actives.
Ce sera votre honneur, Messieurs, que de vous montrer, au sortir du
congrès, meilleurs catholiques qu'avant d'y venir, par un attachement
plus profond à votre vérité et par un dévouement plus généreux à votre
Eglise.
De convictions plus réfléchies, plus fortes et plus fières, nous en avons
tous besoin, catholiques des deux mondes, car nous sommes engagés dans
une ère de périls et de grandeurs qui requiert cette vigueur de notre foi.
L'humanité grandit. Elle arrive à une phase nouvelle de son déve-
loppement. La voici ' l'âge adulte, l'âge où l'on aspire à l'indépendance,
où l'on se laisse griser par les mots et par les rêves d'émancipation. De
même que les peuples prétendent de plus en plus se gouverner eux-
mêmes, ainsi les âmes que travaille la même confuse pensée d'affran-
chissement, ont plus de peine qu'autrefois à se soumettre à leurs croyan-
ces et à leurs observances religieuses. Elles réfléchissent davantage à ce
qu'on leur enseigne. Elles répugnent davantage à ce qu'on leur impose,
même au nom de Dieu. Façonnées aux méthodes modernes de la science
critique et de l'indépendance civique, habituées à la discussion, avides
de contrôle, elles acceptent moins docilement la tutelle de leur Mère
l'Eglise à qui elles s'étaient confiées avec un abandon d'enfant. Avant
de s'agenouiller sous sa loi, elles lui demandent ses titres à leur créance
et à leur obédience. Ses doctrines-, elles ne les conservent que si elles
en ont reconnu la valeur divine. Son autorité, elles ne s'y plient que lors-
qu'elles en ont vérifié la délégation authentique.
De cette disposition des âmes, naturellement plus indépendantes, un
danger grave surgit, et pour y faire face des réformes s'imposent dans
nos méthodes d'éducation. Les appuis extérieurs sur lesquels se soute-
nait de génération en génération la foi des pères ne suffisent plus à
leurs fils. Leur catholicisme est voué à la décadence, peut-être à la mort,
s'il ne demeure que traditionnel : pour vivre et grandir en eux, il faut
désonnais qu'il leur devienne, dans une certaine mesure, personnel.
Simple affaire de milieu, d'habitudes familiales, de survivances ances-
tralos, fait de croyances à peine comprises et de formule.'; répétées par
routine, ne se manifestant que par des critiques sans prise profonde sur
l'âme, sans portée bienfaisante dans la vie, il est exposé à dépérir peu
à peu, à disparaître un jour. Au premier éveil de la pensée, à la pre-
mière frise d'indépendance, au choc d'une première objection, cette reli-
gion sans fondements solides, chancelle et s'affaisse, peut-être pour tou-
jours. Le chrétien de la veille est devenu le sceptique du lendemain.
Un peuple hier vibrant de foi se traîne aujourd'hui dans la morne indif-
férence. Il lui a manqué d'avoir été prémuni à temps par un enseigne-
ment ]H''nétrant de son catliolicisme f|ui aurait préparé, jusciue dans sa
formation d'enfant, une sauvegarde vigoureuse contre les doutes qui
— 833 —
•
pouvaient naître en lui et les dangers qu'il devait rencontrer à l'heure
de sa virilité.
A ce péril intérieur qui vient du développement même de l'esprit hu-
main, s'ajoute la menace publique de cette période d'incrédulité, en cer-
tains endroits d'hostilité antireligieuse, que traverse le monde.
Autour de nous, tout est remis en discussion. Les principes les ]î1us
sacrés, regardés autrefois comme faisant partie du patrimoine intangible
de la conscience, sont contestés, ébranlés, niés. L'homme est pris comme
d'une fureur de blasphème, d'une rage de destruction qui lui fait pié-
tiner ses biens les plus précieux. Jamais peut-être ne se vit une leile
vigueur d'attaques contre la foi chrétienne, une telle conjuration du men-
songe pour ensevelir dans la nuit l'Eglise, le Christ, l'âme immortelle,
la vie future et Dieu lui-même, une telle audace dans l'affirmation du
néant, un tel désarroi des esprits et des cœurs parmi les ruines univer-
selles de toutes les doctrines dont vivait l'humanité.
Personne ne peut se flatter de se soustraire pleinement à la rumeur
de ces négations et au scandale de cette anarchie. Jusqu'au cœur des
cités les mieux préservées, retentit l'écho des paroles sacrilèges dites au
loin; jusque dans l'intimité des demeures les plus vigilantes, l'infiltra-
tion du scepticisme pénètre et le doute s'insinue par les mille voix de
la presse, du livre, du théâtre. Il n'y a pas de clôture infranchissable,
de sanctuaire inviolé, de censure qui arrête dans l'air tous les miasmes
malsains que respirent les âmes.
L'océan n'est plus une barrière. A travers les flots les esprits se tou-
chent, les pensées circulent, et l'objection formulée le matin dans une
académie d'Europe s'imprime le soir dans les journaux d'Amérique. Par-
tout, plus ou moins visible l'erreur se propage, partout, plus ou moins
violente contre notre foi la lutte est engagée.
Au milieu d'un tel envahissement d'impiété, nous ne pourrons garder
notre catholicisme que si nous en sommes virilement instruits. Les con-
victions fortes résisteront seules à cette influence des poussées antireli-
gieuses. Une religiosité vague, à fleur de peau, quelques bribes de ca-
téchisme rudimentaire, apprises à 8 et 10 ans, quelques leçons d'instruc-
tion religieuse recueillies au collège quand Tintelligence n'était qu'à
demi éveillée et qu'on retrouve plus tard, mal adaptées à la mesure de
l'esprit qui a grandi, à l'état de ses autres connaissances qui se sont
développées : qu'est-ce que cette formation incomplète pour défendre
contre tant d'assauts, la foi de l'homme de trente années ?
L'action dissolvante de l'esprit moderne emporte bientôt ce mince
vernis.
Faute de connaissances religieuses profondes, ils sont hors d'état de
résister à leur milieu qui leur est hostile et surtout d'en triompher en le
conquérant.
C'etle double crise de l'homme qui grandit et d'un monde qui nous
devient contraire, s'il est impossible de l'éviter, il est possible de la
préparer. Ayons la clairvoyance de la prévoir et le courage de nous
armer pour être prêts quand elle éclatera. C'est de nos enfants plus
que de nous qu'il s'agit: hâtons-nous de les armer en vue de cette lutte
sainte et néce.=saire pour leur foi !
— 833 —
Qu'elle leur devienne donc, par notre travail éducateur, une foi connue,
comprise, aimée, vécue, non pas écrite en lettres mortes à la surface de
leur cerveau, mais <rravée en traits vivants au fond de leur cœur! Qu'ils
regardent le Christ en face, au jour de leur pleine adolescence, bien en
face, plongeant leurs yeux dans ses beaux veux, et lui donnant librement
leur vie : " Tu seras la lumière de mon intelligence, la première passion
de mon amour, le maître unique de ma vie." Qu'ils s'imprègnent, dès
leur jeune âge, des Icç^ons de son Evangile pour modeler leurs pensées
sur ses pensées, leurs sentiments et leurs vouloirs sur les siens! Qu'ils
étudient les magnificences de sa doctrine, écho du Verbe Eternel qui
fait la splendeur du ciel et l'honneur de l'humanité. Qu'ils étu-
dient courageusesement leur religion pour gagner le pain de la vérité
à la sueur de leurs fronts. Ils s'attacheront à elle par l'effort même
Qu'elle leur aura coûté, ("est au prix de ce labeur proUniié, grâce à
cette patiente pénétration de la foi dans leurs âmes, que nous les sau-
verons des défaillances ledoutées de l'avenir, en en faisant des convaincus
et des résistants.
Nous-mêmes, Messieurs, avouons-le, pour faire notre œuvre de chré-
tiens, pour faire cette grande œuvre d'éducateurs, nous avons encore t
nous instruire. Entreprenons ce travail aux côtés de nos fils, l^a lecture
nous y aidera, à condition qu'elle ne soit pas celle qui frivolise, bana-
lise, neutralise, et à notre iiLsu même, décliristianise. Laissons là le
livre qu'on feuillette uniquement pour y chercher une distraction bril-
lante et prenons l'ouvrage qu'on étudie pour en recevoir une formation
solide. Au lieu de la revue qui est excitatrice de rêveries, ouvrons celle
qui est génératrice de pensées. De préférence au journal banal, simple
et tendancieux distributeur de nouvelles, consultons celui qui est agent
d'enseignement et de propagande catholiques. Causons de ces utiles
lectures. Faisons-les ensemble, à plusieurs. Discutons-en entre amis.
Au cercle d'études, foyer de ])ensée et de vie chrétiennes, api)rofondissons
ces i)roblème6, cherchons la réponse à l'objection courante, for(;ons-nous
à porter sur les sujets d'actualité un jugement qui ne sou pas mar<|ué
à la vague effigie de l'opinion commune, mais frappé de l'empreinte ori-
ginale du Christ. Qu'il est rare, mais par cela même qu'il devient émi-
nent panni ses frères, l'homme qui cultive ainsi son intelligence, déve-
loppe sans cesse son savoir, augmente sans mesure sa foi ! Quelle i)uis-
sance que celle de l'homme qui sait réfléchir !
La foule est tout d'extérieur. Elle vit d'impressions superficielles.
Elle regarde passer les idées et les faits comme des scènes de cinéma-
tographe, sans s'arrêter à les juger. La curiosité s'éparpille sur mille
objets divers, son attention se dissipe à travers des riens sensationnels
Un tourbillon l'entraîne perpétuellement, fièvre des affaires, chaos des
nouvelles, folies du niaisir. Elle se laisse cmpoi-ttT au jour le jour, au
gré des remous et des courants! Qu'un esprit résiste à cet universel
entraînement en s'altachant à son idée fixe, en suivant une ligne de con-
duite invariable, aussitôt il domine la foule et devient une force au tra-
vers du courant.
Catholifiues, l'honneur de notre Eglise et le salut de nos frères exigent
que nous devenions ces hommes de pensée intérieure et d'action puis-
sante, tout pénétrés et actionnés par leur foi. L'effort de réflexion qui
27
— 834 —
nous est doiiiaudé nous sera largement payé. Même dans les choses de
cette terre, nous en recueillerons le bénéfice. Une culture mtellec-tuelle
plus grande nous assurera cette supériorité qui doit désigner les enfants
de Dieu comme les i^lus aptes sur tous les terrains où s'exerce Tactivite
hujnaine, les plus compétents dans la gestion de leurs intérêts profes-
sionnels et daus la poursuite des affaires de la cité. Et il rejaillira un
témoignage éloquent en faveur de ce catholicisme dédaigneusement ac-
cusé ]«ir de prétentlus esprits forts damoindrir ses adeptes, et superbe-
ment vengé de cette ineptie par votre haut savoir et votre beau succès.
Mais c'est au dedans de votre âme que le profit de l'étude religieuse
vous sera le ))lus i)récieux. Tant que la vérité n'apparaît qu'à l'état de
demi-lueur, de notions confuses, de thèses diluées, elle demeure froide,
inerte, comme morte, sans chaleur et sans l)eauté. A mesure qu'elle s'é-
claire, elle s'anime, elle se transligure, elle devient bienfaisante et capti-
vante. Les doctrines fortes ont seules vraie prise sur rintelligence et
action régénératrice sur la vie. Un chrétien qui a vu sa foi dans toute
l'ampleur de ses affirmations et de ses exigences ne peut lui résister. Il
s'abandonne à elle, il se donne à elle, il devient un convaincu, c'est-à-
dire un vaincu de la vérité, vaincu par sa lumière et par la grâce de
Dieu qui Ta pleinement conquis. Il n'a plus de vagues opinions, mais
une vraie conviction, ce qui est tout autre chose, une certitude de la-
quelle il vit et pour laquelle il saurait mourir, une idée fixe qui se tourne
en idée forte, qui l'anime, le domine, l'envahit, le soulève. Plus il la
voit, plus il l'aime et aspire à la mieux voir pour la mieux aimer. Le
cœur et l'esprit s'entraînent à la poursuite de son idéale beauté. Sa
révélation grandissante le rendant meilleur, il fait sans cesse efïortpour
s'élever plus haut, afin d'être plus digne et plus capable de la contempler
plus près.
Daus cette intelligence éclairée du vif resi)lendissement de Dieu, plus
de défaillances ])ossibles, plus d'ombres ni de doutes. Elle a, par elle-
même, reconnu la solidité des preuves sur lesquelles repose sa croyance,
admiré la transcendance de la révélation, l'enchaînement merveilleux de
ses mystères, leur correspondance harmonieuse avec les plus nobles aspi-
rations de l'âme, leur inépuisal)le aptitude à résoudre les problèmes les
plus angoissants des temps modernes. Elle a jugé, en regard, la pauvreté
des vains systèmes qui veulent se substituer à elle, la vanité des objec-
tions soulevées contre elle, aussi vieilles que l'Eglise, — c'est leur faire
trop d'honneur encore, — hnssi vieilles que l'Eglise est restée jeune. Le
monde pourrait vivre des millions d'années, la foi serait toujours plus
nvante que ses conceptions impuissantes et ses négations mort-nées. Car
elle n'est pas la doctrine d'un siècle, elle est le message de l'immortelle
Sagesse aux siècles ()ui passent et aux hommes qui meurent!
Sûr et fier de son Credo, le calliolique ainsi instruit ne connaît plus
les lâchetés du respect humain. Ceux-là tremblent qui ignorent les
beautés cle leur croyance. Ils en rougissent comme d'une faiblesse, ne
sachant pas qu'ils ont le droit de s'en parer comme d'une noblesse. Elle
leur seinljle une tare qu'on dissimule, (\n moins dont on se tait. Le
préjugé est si répandu qui veut que la profession de catholique dénote
quelque faiblesse intellectuelle, un esprit encore mal instruit des décou-
vertes des âges nouveaux! Quiconque ne réagit pas en se donnant à
— S'ôÔ —
Ini-niôme la certitude de sa foi et le sentiment de sa valeur, en demeure
humilié et paralysé. Mais Tétude aH'rancliit. Il sait, pour y avoir ré-
fléclii, ce que vaut son Eglise, ce qu'il vaut grâce à elle. 11 relève la
tête, regarde, compare, et cesse de craindre ou de rougir. Sans provo-
cation blessante, sans forfanterie déplacée, mais aussi sans honteuse ti-
niidité, il s'aflirme ])ubliquenient, partout il se montre ce f|u'il est, lo-
gicjue avec sa foi, dans sa vie privée coninu' dans sa vie sociale, dans le
secret de sa conscience comme au grand jour du forum. Peu lui im-
portent désonuais les sourires, les sarcasmes, les beaux esprits qui per-
sifflent, les sectaires qui insultent et frappent: il met à proclamer ses
convictions d'autant plus d'ardeur (|u'elles sont plus méconnues. Il
éprouve à soufErir raillerie ou perst'cution pour elles, cette noble fierté
du soldat (|ui aime davantage son drapeau quand l'heure sonne de vei*ser
son sang pour le défendre.
Son amour ambitionne de lui faire gloire et de lui conquérir des re-
crues, dans ce monde qui s'écarte de l'Eglise ])ar un ridicule dédain à
priori des choses du passé, il tient à établir ])ar son attitude comme par
son langage, que les catholiques ne sont pas les survivants moribonds de^
âges dis] arus, mais les préparateurs laborieux et confiants des âges qui
naissent et des progrès que réalisera l'avenir. Sa conduite rend magni-
fiquement témoignage en faveur de la vitalité de ses croyances. Sa
parole venge et propage sa foi.
Car il ne peut en garder pour lui seul le bienfait. Il éprouve le be-
soin de la faire partager aux autres. Il la prêche avec l'éloquence de sa.
vie toute belle de devoir et de dévouement, avec l'éloquence de ses livres
où passent, dans sa conversation et dans ses dist^oiirs. des acccîits (jui
trahissent la ferveur intime de son âme. Même, sans être orateur, il est
apôtre. Convaincu et passionné, il éclaire et il émeut. La vérité a
mis en lui de telles clartés quelles rayonnent de tout son être, dans son
Cd'ur de tels battcnuMits qu'il ne sait plus les coptci'ii- en •ia poitiine.
Rien ne peut l'arrêter. Il est voué à une pro|)agande sans trêve, il ne se
taira devant aucune menace. Les baillons des hommes n'étoufferont ja-
mais la voix de Dieu (iui crie en lui. Jeté en prison, il évangélise ses
bourieaux. Chassé de France, il continue avec le nu^nic zèle intré]ude
sa mission d'enseisrnenient sur les terres libres du Canada, ^lartyr, son
sang jaillit en afflnnation suprême de son attachement à la cause invin-
cible (|ui sait susciter de tels héros. L'Evangile du Christ a fait de lui
son serviteur jusqu'à la mort!
Sans que notre vocation à tous soit de monter sur ces hautes cimes,
nous avons le devoir, ayons l'ambition d'y tendre de notre mieux.
L'Eucharistie dont ce congrès doit nous rapproclicr sera auviliain- «le
cette formation plus chrétienne de nos intelligences. Dans le recueille-
ment de nos églises nous irons souvent méditer les beautés du catholi-
cisme. Xotre prière demandera au ^faître du tabernacle cette conviction
;irdente qui inspire ses vrais disciples. L'hostie nous prodiguera st-s dons
de sairesse et de force. Chaque fois (pie nous nous nourrirons de sa
substance ce sera une nouvelle communion de notre âme à la lumière de
Jésus et dans cette intimité eucharistique des clartés que nous péné-
trerons (|ui rendront toute notre vie lumineuse de foi!
— 836 —
II
Aimant ainsi notre doctrine catholique, nous nous attacherons d'un
même amour à l'Eglise qui en est la gardienne indéfectible et l'infati-
gable missionnaire.
Sans elle, la vérité descendue des cieux sur terre n'aurait jamais fait
le tour du monde. Sans elle, le message libérateur du Christ n'eut pas
été porté à ses frères. Sans elle, l'Evangile serait demeuré lettre morte,
curieusement étudié par les philosophes, matière à savantes recherches
d'Académie, toujours ignoré de la grande foule. Si depuis dix-neuf
cents ans, elle n'avait pas donné à profusion ses docteurs, ses évêques, ses
prêtres, ses religieux, pour jeter les divines paroles à tous les vents de
l'espace, ses Papes pour en sauvegarder le dépôt à travers les siècles,
ses martyrs pour le défendre au prix de leur sang, les peuples seraient
encore couchés dans les ombres de la mort et le Canada ne se serait pas
élevé sur les hauteurs de la civilisation chrétienne.
Si elle n'avait pas jalousement protégé les feuillets de ses saints livres
contre l'altération du tenups et les défigurations des hommes, tout l'œu-
vre inspirée de Dieu serait aujourd'hui déchirée en fragments épars,
inintelligible et oubliée. Chaque âge aurait vu dans la Bible le reflet
de sa pensée, chaque peuple l'aurait interprétée au gré de ses caprices
et de ses intérôtâ, chaque âme y aurait poursuivi ses rêves ou cherché la
justification de ses erreurs et de ses fautes. Que resterait-il du texte
sacré si l'Eglise ne l'avait gardé dans ses mains comme un inviolable
trésor et si elle n'avait appris aux hommes à y lire la parole de Dieu ?
Les confessions séparées lui doivent ce qu'elles en ont conservé. Elles
perdraient bientôt ce peu dont elles vivent le jour oii la hiérarchie catho-
li(|ue cesserait de défendre le patrimoine commun de toute la chrétienté.
Quand le foyer s'éteint, les reflets qui brillent loin du centre, dans la
pénombre, s'évanoui^;sent avec lui et tout redescend dans l'obscurité.
Prêchée partout grâce à l'Eglise, la foi sera par elle toujours conservée.
Elle a reçu de son fondateur les promesses de la vie éternelle. Etablie
pour la durée des siècles, elle verra s'écrouler le monde sans en être ébran-
lée : le Credo de nos pères que chanteront nos fils jusqu'à la consomma-
tion des temps, les élus le rediront dans leurs cantiques d'action de
grâces et leurs hymnes de gloire dans les profondeurs de l'éternité. Les
erreurs passeront, les schismes prendront fin, les persécuteurs tomberont
en poussière, les engouements d'un siècle pour ses idoles menteuses se-
ront raillés et oubliés par la génération suivante, tout passera ici-bas de
ce q\ii n'est pas divin : au milieu dos écroulements de doctrines, des
ruines humaines, dos décadences de peuples ou de régimes, l'Eglise de-
meurera debout dans son impérissable jeunesse. Les sceptiques qui
avaient annoncé sa mort la retrouveront à leur chevet d'agonie avec des
paroles de pardon et de résurrection, et elle portera en terre, sous la bé-
néfliction minéricordiouse de sa croix, les persécuteurs repentants qui
s'étaient flattés de conduire ses funérailles, la croyant à son déclin.
T.es peuples qui l'avaient abandonnée, dans une heure d'égarement,
voyant ce cju'ils ont perdu on la quittant, ne voyant pas ce qu'en échange
ils ont jragné, FO'-ont ramenés im jour à elle par le sentiment de leur dé-
tresse et le besoin de son secours. Un grand peuple que j'aime éprouve
— 837 —
cette angoisse. Après l'avoir accablée de ses ingratitudes et de ses im-
piétés, ayant plus souffert encore lui-même des coups (ju'il lui a portés,
du fond de sa misère, il se reprend à tourner de nouveau son regard vers
la vieille Mère qui avait l'ait de son pays le premier du monde aux âges
de sa pleine foi. Il comprend mieux qu'hier jusqu'à quel point elle lui
est nécessaire, même pour assurer ces conquêtes sociales auxquelles il as-
pire, et qu'en ouvrant aux âmes la perspective d'une vie surnaturelle,
elle découvre aussi aux nations les voies qui conduisent à la justice et au
progrès. Demain, si les catholiques de France le veident, ils la rappel-
leront à son foyer désolé et elle y reprendra son œuvre de paix, de fra-
ternité et de joie.
Car elle est toujours la divine bienfaitrice de l'humanité qui lui doit
ce qu'elle a de meilleur dans son âme et ce qu'elle a de plus cher dans sa
civilisation.
La liberté, dont le nom seul fait frémir les foules, qui donc nous la
donne mieux que notre grande Eglise catholique ?
Ah ! ils la méconnaissent et nous ignorent ces adversaires qui nous
plaignent d'être en tutelle parce que nos consciences chrétiennes recon-
naissent une autorité religieuse ! Ils oublient à (juelles conditions l'âme
humaine arrive à la vraie liberté. L'homme n'est pas libre par le fait
qu'il rejette tout dogme, toute discipline. Combien s'af fi raient bruyam-
ment libres penseurs et font parade de leur indépendance à l'égard de
toute croyance qui sont cependant victimes de leur tempérament, de
leur milieu, des courants d'opinion, des impressions du moment ? Ce
sont les servitudes intérieures qu'il faut briser pour être libres, car elles
engendrent toutes les autres: servitude de l'erreur qui tyrannise l'esprit,
servitude de la passion qui est maîtresse de la volonté. Le secours exté-
rieur qui aide à les combattre, loin d'opprimer, affranchit. A vouloir
s'en passer, on se condamne au contraire à demeurer sous le joug des
puissances du mal C(ue tout homme porte en soi.
Ils blasphèment donc ceux-là qui accusent l'Eglise d'être ouvrière d'as-
servissement. C'est l'impiété qui opprime en rendant plus insolents les
instincts pervers que la pensée de Dieu tient seule eu respect, que l'action
de la grâc peu à peu maîtrise et redresse au fond des consciences. L'a-
théisme livre l'homme à la merci de ses passions mal contraintes par .<a
morale sans consistance, par ses lois sans autorité. Il abandonne le
faible à l'exploitation du puissant (jue n'arrête ])his le regard d'une jus-
tice vivante ni la menace d'un jugement à venir. Par la divinisation de
la fhair, de l'or, de la force devenus les idoles d'un monde sans Dieu,
il prépare une régression de l'humanité vers les portes et les ini<|uités de
la barbarie. S'appelât-il du nom menteur d'Emancipation : il est artisan
hypocrite de l'esclavage.
L'Eglise est mère de liberté. En elle l'homme puise les énergies qui
rendent libre. Elle l'aide par ses sacrements à rétablir en son âme l'étiui-
libre moral en compensant sa failibs-^e native par ses vertus surnatu-
relles. Elle l'invite au nom de son Evangile à coml»attre ses penchants
déréglés pour les plier au joug du devoir et assurer l'empire de sa vo-
lonté raisonnable sur les puissances inférie\ires <|u'elle doit gouverner.
Par les sévérités de sa morale, par les prati<|ues de sa mortification, elle
obtient de lui le long effort néces.saire pour réaliser dans son être Pal-
^3S
liaiioe hannonieuse qui fait du corps un serviteur docile, de l'âme la
maîtresse respectée. C'est à elle qu'il doit de s'élever à la pleine et ma-
unitiquos maîtrise de soi, sous la conduite de sa conscience éclairée et de
sa volonté affermie.
Le pouvoir qu'elle exerce sur lui est donc un appui libérateur, et un
jou,o- douiinateur. Elle se fait gloire d'être à son service en lui com-
mandant, car elle poursuit non pas son profit à elle, mais son bien à
lui. Sou chef suprême s'appelle le serviteur des serviteurs de Dieu, à
l'exemple du Christ qui vint parmi les hommes non pour en être servi,
mais ]iour les servir. Plus les jeunes s'inspirent de cet exemple et s'im-
prègnent de ses doctrines, plus aussi, jusque dans leurs mœurs poli-
tiques et leur organisation sociale, ils deviennent aptes à se gouverner
eux-mêmes dans les régimes libres qui se développent sous son action
civilisatrice.
En même temps que de notre esclavage, elle nous libère de nos divi-
sions, car les luttes des hommes naissent de cet égoïsme qu'elle com-
l)i'ime, et par l'affranchissement intérieur du uuil qu'elle opère dans le
secret des cœurs, elle prépare à la face du soleil l'épanouissement public
de la paix. L'Eglise possède ce nouveau titre à notre amour, de faire
chaque jour sur terre fleurir la fraternité.
^falgré leurs généreux efforts d'union, les nations sont encore divisées,
leurs frontières se liérissent toujours de menace de guerre, demain l'é-
clair d'une épée peut déchirer les nues en donnant le signal des sanglants
coml)ats. Des mains qui se serrent amicalement en des rencontres in-
ternationales comme celles-ci, peuvent un jour, ce qu'à Dieu ne plaise,
se séj)arer et s'armer les unes contre les autres !
Seule l'Eglise nous retire de ces meurtrières querelles et rassemble
l'humanité en une vaste famille sous la bénédiction de son Père des
cieux. Seule elle réunit tous les hommes sous les larges voûtes jetées
au-dessus des océans et des continents, amples comine les mondes, parce
que leur pierre d'attache est en Dieu lui-même. Elle fait ce prodige
])en<lant ces fêtes universelles du monde catholique. Tous les peuples
sont représentés ici, toutes les nations s'y sentent sœurs. Les particula-
rismes de la chair et du sang, les différences de visage, les dissonances
de race s'oublient et seml)lent dis|>araître, car les âmes reflètent lès traits
de la înéme parenté divine, parlent la même langue chrétienne, prient
en.semble le même Sauveur, comniunient à sa même vie, font cortège à
l'uni(|ue hostie oui de toutes les extrémités du globe et en dépit de toutes
les oppositions de peuple à peuple les a réunies autour d'elle. Les^fils
de Wolfe et les fils de ]\rontcalm se disent frères en Jésus-Christ. T/ Amé-
rique et l'Eurone se donnent le l)aiser de paix. Ln terre s'unifie devant
l'ostensoir. Le ii-iomphe iniciDational de l'JMu-haristie refait une chré-
tient<'-.
Ce sont là les vi-aies assises de la paix, riniagc de l'invisible cité
d'aniour où les élus de tout idiome et de toute tribu sont consumés dans
la divine unité. L'Eglise s'y montre la collaboratrice la phis heureuse
rie cette rr-uvrc de concorde internationale désespérante poin' les diplo-
maties liiiniaines. En faisant reprendre au Christ sa i)lace dans les
Ames, elle prépare le triomphe de son règne pacifique dans la société.
Lui seul, fil désarmant les convoitises et les haines au fond des cœurs,
— 839 —
pourra un jour faire tomber des bras les armes de mort. Elle seule
maintient au milieu des intérêts op))Osé.s et des sectes morcelées, cette
vision et cet espoir d'uiU' entente universelle. Catholiques des deux
mondes, fortifions-la. Mettons nos mains de fidèles dans la main de
nos prêtres; prêtres, nouons à notre tour nos mains consacrées aux poi-
gnets de nos évê(|ues, qui tendent leurs mains au Pa])e de lîome lequel
a scellé sa main dans la main de Dieu, et d'une extrémité à Tautre de la
terre, malgré de passagères ruptures, une union permanente s'établira et
s'affermira entre les peuples dans l'ordre et la paix, grâce à cet envelop-
pement (!e la chaîne mystique dont tous les anneaux sont divinement
forgés !
Plus haut que ces biens de la liberté et de la fraternité, l'Eglise nous
donne celui qui en est la sourcL> toujours jaillissante, Jésus-Christ lui-
même. Elle le garde au monde dans sa plénitude divine et humaine,
dans sa réalité inaltérée et sa présence ininterrompue. Depuis dix-neuf
siècles elle le conserve comme un trésor du ciel dans le mystère de ses ta-
bernacles. A son service elle a suscité une immortelle phalange de consé-
crateurs qui tous les jouis, sur des milliers d'autels, renouvellent le
miracle de la vie eucliaristiijue. Pour sa garde, elle a trouvé des défen-
seurs qui ont mêlé leur sang au sang divin des calices d'or et dont le glo-
rieux martyrologe a des pages encore blanches où tous ses prêtres sont
avides d'écrire leur nom. Toujours décimée, se recrutant toujours, leur
sainte milice n'a januiis déserté son poste d'honneur. Elle a réparé ses
brèches et ses défaillances. Elle s'est réfonnée au lendemain des révolu-
tions qui croyaient l'avoir anéantie, elle s'est sanctifiée au milieu des per-
sécutions qui prétendaient la faire apostasier. Elle demeure la preuve
vivante de l'invisible présence de Jésus dans l'hostie. Vos prêtres, ô
Christ, ne seraient pas restés au prix de tant de souffrances et malgré
leur faiblesse, gardiens de votre tabernacle s'il n'était (|u'un tabernacle
vide !
C'est i)our apporter l'Iùicharistie aux ancêtres du Canada que Cham-
jilain et Maisonneuve risquaient leur vie sur les océans. C'est pour
<|u'elle ne fût ])ar arrachée de leurs temjiles que leurs enfants ont lutté
contre l'oppression i)rotestante. C'est pour saluer sa survivance triom-
jihale que Montréal lui ouvrira dimanche ces routes somptueuses où pas-
seront dans un cortège superbe fidèles: prêtres, évêques, cardinaux, pré-
cédant le légat du Pape aux mains du(piel brillera la petite poussière
blanche <iui remue toujours le monde! Elle s'avancera ]»armi les foules
agenouillées, elle s'élèvera jusqu'aux plus hauts degré's du reposoir, et
de ces sjilendeurs dont votre foi lui aura fait un piédestal, sa bénédiction
descendant sur tous les fronts, se prolongeant à travers le monde, les
Amériques, la vieille Europe, les pays lointains, les mers perdues, ira
porter à tous les peuples la grâce vivifiante de leur éternel Sauveur!
Pecueillez précieusement cette bénédiction de l'hostie. Ivccevez l'iustie
elle-même des mains de l'Eglise oui vous l'abandonne à sa Table sainte,
qui vous invite à la lui demander chaf|ue jour. Faites de vos âmes
d'autres Thabor où Jésus sera ghtrifîé, de vos existences d'autres repo-
soirs d'où resplendira sur le monde sa clarté et sa beauté!
0 sainte Eglise, Eglise de Pierre et de Paul. Eglise de IJemi et de
Jeanne d'Arc, de Patrice et de Boni face. Eglise des convertisseurs de
— 840 —
nations et des sanctificateurs d "âmes, oui, nous vous aimons pour tout le
bien que vous avez fait à notre grande famille liumaine ! Quand la terra
se peuplerait d'ingrats et d'apostats, nous vous le promettons devant
Dieu et son hostie : nos cœurs vous resteront fidèles toujours !
C'est vous qui avez préludé à la naissance de nos patries et qui les
régénérez dans leurs décadences. C'est vous qui avez veillé sur nos ber-
ceaux et (|ui ])rierez encore sur nos tombes. Providence visible d'ici-bas
vous avez des bienfaits sans nombre pour les peuples, de la liberté ei de
Irt justice pour leurs cités, de la fraternité pour leurs fils divisés. Mère
infatigable, vous prodiguez sans trêve vos bontés à nos âmes, vous ré-
pandez vos inépuisables secours le long de nos chemins, vos consolations
parmi nos larmes, vos espérances dans nos tristesses, vos remèdes et vos
prières en réponse à tous nos maux.
Que deviendrait le monde si vous l'abandonniez, emportant dans les
plis de votre vêtement tout l'enseignement de votre évangile et dans vos
ciboires toute la richesse de Jésus, retirant de cette terre vos saints qui
font contrepoids à nos fautes et vos dévouements qui adoucissent nos
misères, éteignant au ciel l'étoile de Bethléem qui allumera une pre-
mière lueur d'espoir dans notre horizon désolé ?
Que dépendraient nos vies si vous les priviez de vos lumières, de vos
forces, de vos pardons, si vous les laissiez à elles seules, déshéritées de
votre appui ? Par quelles folies se laisseraient-elles emporter ? Vers quels
abîmes ne rouleraient-elles pas ? Dans quels désespoirs elles seraient
bientôt tombées ? Soyez bénie, ô Mère, pour tous ces bienfaits reçus de
vous et dont vos fils les meilleurs sont parfois si oublieux !
Mais sjjyez aimée deux fois puisque vous êtes bonne et que vous souf-
frez ! Nous vous aimons pour les maux dont on vous accable en échange
de tant de biens ! C'est pour nous que vous luttez, pour assurer le salut
de nos âmes que vos capitulations trahiraient et perdraient. C'est pour
nous défendre de l'asservissement de l'erreur que vous êtes engagée dans
un combat ovi les coups vous sont si cruels. Il y a du sang sur votre
manteau, des plaies à vos mains, des épines à votre front : vous êtes ba-
fouée, calomniée, insultée, spoliée, frappée, traitée en paria, chassée avec
haine des pays comblés par votre amour! Tous les siècles vous ont»
coûté des larmes et causé des amertumes. Il en est peu qui aient ravivé
plus que celui-ci les douleurs de votre calvaire. 0 Mère, nous voulons
consoler votre cœur par notre filiale tendresse, vous rendre vos enfants
perdus au prix de notre généreux dévouement!
Oui, sainte Eglise catholique, qui êtes la Fille du Père infini, l'Epouse
immaculée du Christ, le Tabernacle vivant du Saint-Esprit, nous en
faisons le serment devant vos autels, tous, jusqu'au liout nous serons les
militants de vos travaux et de vos luttes de la terre: un jour vous fere^
de nous les associés de vos triomphes de l'éternité!
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— 841
Monsieur le Juge 7?o^</7</er vient ensuite pjirler de l'Eucha-
ristie, comme aliment de la vie surnaturelle.
L'EUCHARISTIE, ALIMENT DE LA VIE
SURNATURELLE
Monseigneur le Président,
Le grand spectacle auquel nous assistons depuis quatre jours est une
éclatante manifestation de la vitalité de l'Eglise; et si la puissance de
cette vitalité ne nous étonne pas, nous qui croyons fermement à sa divi-
nité, elle doit bien étonner ceux qui n'y croient pas, et qui depuis des
siècles prophétisent sa fin prochaine. Et comment ne seraient-ils pas
étonnés? La guerre qu'ils lui font n'est-elle pas formidable et inces-
sante? Ses ennemis ne sont-ils pas innombrables et tout-puissants? Xe
se vantent-ils pas constamment de remporter sur elle de nouvelles vic-
toires?
Comment se fait-il donc que tant d'ennemis, si bien armés et vain-
queurs sur tant de champs de batailles, ne réussissent pas à la détruire?
Quel est donc le secret de sa force?
— Ah ! Messieurs, l'Eglise n'a pas de secret. Elle est tout l'opposé de
la Franc-Maçonnerie ; et dans ces quelques jours glorieux qui lui sont
donnés sur la terre du Canada, elle le dévoile à tous, au grand jour, le
mystère de sa force. Elle élève dans les airs l'ostensoir radieux qui con-
tient le pain de vie descendu du ciel, et, plus vraiment inspirée que les
sybilles antiques, elle dit au monde étonné: " Deiis, erce Deus," mon
Dieu, voilà mon Dieu ! C'est lui qui est ma force et ma vie. C'est lui
qui perpétue ma vitalité, en me nourrissant de sa chair et de son sang!
Est-il bien vrai. Messieurs, que l'Eucharistie soit un aliment de vie
et d'immortalité? C'est ce que je vais essayer de vous démontrer.
Tout ce qui touche à Dieu est nécessairement mystérieux. Toutes les
vérités divines sont plongées dans le mystère, comme l'or et les pierres
précieuses sont cachées dans les entrailles de la terre.
Le mineur qui creuse le sol ne voit pas le métal prtvieux (|u'il cherche,
mais il croit à sa présence cachée, et il travaille à le découvrir.
Faisons comme lui. Allumons d'abord dans nos âmes la lampe de la
foi, si bien s\Tnbolisée par la lami)e du sanctuaire, pendant la nuit, et
fixons nos regards sur le tabernacle qui se dessine mystérieusement dans
l'ombre.
Notre faible intelligence ne nous permettra pas d'y voir les rayons du
soleil eucharisti<|ue, mai- peut-<*tre y verrons-nous les lueurs d'aube et
les clartés d'aurore (jui entourent ce grand mystère d'amour et de vie.
— 84-3 —
1
Vivre. Mf^sicurs. vivre éternellement, c'est le cri de l'imnianité, c'est
le cri de la nature tout entière. Eegardez-la, étudiez-la, et vous verrez
quelle peine elle se donne et quel travail elle s'imiiose, pour vivre tou-
iours. Mais cette lutte pour la vie serait vaine, si Dieu n'avait pas mis
à la disposition des êtres vivants qu'il a créés toutes les variétés d'ali-
ments, qui conviennent à leur nature et au genre de vie qui les distingue
les uns des autres. Et rien ne démontre mieux l'immense amour du
Créateur ]iour sa créature que cette merveilleuse distribution d'aliments
dans le grand bampiet de la vie universelle. Chaque convive y trouve
non seulement la nourriture nécessaire à sa vie, mais aussi celle qui con-
vient à son développement et à sa fin.
Et si nous avions le temps d'étudier les lois de l'alimentation dans les
deux règnes des êtres vivants sur la terre, nous pourrions vous les mon-
trer communiant ensemble à la table de la nature, et se nourrissant
mutuellement les uns les autres, par le sacrifice de leur propre vie.
Jetons seulement un coup d'œil sur la plante.
Elle cherche d'abord sa nourriture dans la terre où elle est née pour
former son corps. C'est la vie inférieure, ténébreuse, toute matérielle.
Mais voici qu'elle sort de terre, qu'elle s'élève, qu'elle s'élance comme
nous, vers la lumière, vers le soleil, vers le ciel. On croirait qu'elle entre,
comme nous, dans la vie intellectuelle, car elle va faire de l'art, supé-
rieur aux œuvres des plus grands artistes, pour remplir sa fin, qui est
d'orner la création.
Alors les sucs que ses racines puisent dans le sol ne suffisent plus à son
alimentation ; car son être a grandi ; elle aspire à un idéal de beauté
qu'elle réalise dans ses fleurs, et même à une vie future, qu'elle atteindra
en produisant des semences et des rejetons.
Elle se nourrit alors par la tête, par les branches, par les feuilles, qui
absorbent à la fois les gaz répandus dans l'air, la chaleur et la lumière
(|ui rayonnent du soleil, et les ondées vivifiantes qui lui viennent du ciel.
Elle a besoin, comme nous, d'une nourriture céleste, et elle la recherche
avw plus de zèle que nous.
Mais, remarquez-le bien, le sol qui lui a donné la vie, continue de lui
donner en nourriture son corps et sa substance. Symbole très frappant
de l'Eucharistie !
Toute la nature vivante pourrait nous oiïrir des leçons du même genre,
si nous avions le temps d'en étudier les phénomènes. Mais c'est la vie
de l'homme qui doit absorber toute notre attention.
II
Comme la ])hinte et comme la plupart des animaux sans raison, il est
d'abord cf)ntenu dans un germe, au sein mystérieux de la nature. Il y
prend vie, il s'y développe, et dans une réelle communion, il s'y nourrit
de la sub.stanc<"' même de l'être qui lui a (If)nné la vie. Nouveau symbole
du miracle eucharistique.
— 843 —
Puià il paraît au jour, et pendant quelque temps encore il se nourrit
de la chair de celle qui l'a enfanté. C'est le corps seulement qui se dé-
veloppe dans la beauté de sa forme et dans Tharmonie de ses propor-
tions.
Mais voici qu'une vie nouvelle apparaît en lui. qui le distingue de la
plante et de l'animal sans raison, et qui l'élève bien au-dessus d'eux.
C'est le phénomène le plus admirable de la croissance humaine. Car
alors l'être humain, dont le Créateur est trinité, manifeste en lui-même
trois vies distinctes et différentes : la vie du corps, la vie intellectuelle
ou de l'esprit, et la vie surnaturelle de l'âme.
C'est la gradation ascensionnelle de la vie dans l'échelle des êtres créés,
et qui place l'homme au sommet, au-dessus de tous les autres.
Or, ces trois vies ne subsistent pas toutes seules; il faut les nourrir
toutes les trois, avec des aliments appropriés à leur nature. Et ne me
dites pas que la vie surnaturelle et la vie intellectuelle sont une seule et
même vie. Xon, elles sont deux vies différentes de l'âme, aussi diffé-
rentes l'une de l'autre que la vie du corps diffère de celle de l'esprit. Cela
est facile à démontrer. Voyez ce pauvre malade qui. au point de vue de
la vie corporelle, n'est plus qu'un cadavre. Il va mourir dans une heure,
ont déclaré les hommes de l'art. Et cependant son intellifrence est aussi
vivace, aussi brillante que jamais. Il parle, et ses paroles sont des
oracles et des éclairs de génie.
Sans doute, cette vie intellectuelle qui brille de tant d'éclat, va finir
avec la vie du corj)s; mais cela ne prouve que leur union intinu'. Elles
n'en sont pas moins distinctes et différentes par nature. Et dç même
que la vie intellectuelle peut subsister dans toute sa vigueur, alors que
la vie cor])orel]e va s'éteindre, do même la vie intelectuelle peut être
complètement éteinte dans un individu qui jouit d'une santé corporelle
parfaite. Allez dans un asile d'aliénés, et vous en verrez de iiond)reux
spécimens.
Eh bien! la différence n'est pas moins remarquable entre la vie de
l'es|)rit, ou intellectuelle, et la vie surnaturelle de l'âme. La juemière
peut être pleine de vigueur et d'éclat alors que la seconde est éteinte; et
malheureusement, il y a trop d'hommes illustres dont la vie intellec-
tuelle est intense, qui éblouissent l'humanité par leurs <li<cours et leurs
écrits, et chez les(|iiels l'impiété et la corruption ont comi)lèteiiU'nt dé-
truit la vie de l'ânu'! Et pourtant c'est la vie supérieure de l'homme,
et la plus importante puisque c'est celle qui le rapproche de Dieu. On
J'appelle surnaturelle parce f|u'ello n'a rien de la nature et parce qu'elle
constitue l'homme en grâce et en union avec Dieu.
Eh! bien, Messieurs, à chacune de ces trois vies qui distinguent l'êtro
humain, il faut une alimentation (jui soit appropriée à sa nature et à sa
fin. Nous arrêterons-nous à l'aliiucntation de la vie corporelle? \on.
C'est la vie inférieure qui ne se distingue guère de la vie végétale et do
la vie animale. Plaignons seulement les malheureux qui croient <|ue
tout l'homme est là, et qui se rabaissent eux-mêmes au rang de la brute.
L'alimentation de la vie intellectuelle serait beaucoup jilus digne de
notre attention.
— 844 —
Et, si j'en avais le temps, je pourrais vous montrer que la vie intel-
lectuelle elle-même, quand elle veut s'élever au-dessus de Tordre naturel,
est forcément obligée pour se nourrir, de recourir — non pas au pain,
eucharistique — mais à l'enseignement de Jésus-Christ.
Oui, Messieurs, l'esprit humain par ses seules forces, peut bien planer
dans les hauteurs du monde idéal. Mais s'il veut monter plus haut, et
pénétrer dans le monde surnaturel pour bien connaître Dieu et les véri-
tés divines, le Verbe de Dieu sera le terme et l'aboutissement nécessaire
de ses études.
La parole divine recueillie dans le merveilleux livre des Evangiles de-
viendra sa nourriture obligée ; caf jusqu'à Jésus-Christ les plTis brillants
représentants de la raison humaine n'ont pu donner à l'homme la vie
intellectuelle supérieure et complète qui embrasse l'ordre surnaturel.
Les sages de la Grèce et de Rome, Socrate, Platon, Cioéron et les
autres, avaient en vain jeté à tous les échos d'admirables paroles, l'esprit
humain se mourait d'inanition, et la vie de l'âme allait s'éteindre quand
le Messie parut.
Lui seul put accomplir ce miracle d'enseigner à la fois les ignorants
et les savants et de répandre dans le monde, toutes les vérités nécessaires,
que les esprits les plus bornés comprennent et que les génies les plus
élevés proclament admirables. Et c'est ainsi qu'il a pu donner à l'homme
l'aliment nécessaire au perfectionnement de sa vie intellectuelle. C'est
ainsi qu'il a pu adresser à tous les chercheurs de bonne foi, cette parole
extraordinaire : Je suis la Vérité !
III
Mais il a dit aussi : " Je suis la Vie " ; et par cette parole il n'a voulu
désigner ni la vie du corps, ni celle de l'esprit, mais la vie surnaturelle
de l'âme.
^ De même que par son enseignement il voulait satisfaire la soif de vé-
rité qui dévorait l'esprit humain; de même il a voulu donner à l'âme uri
aliment qui convînt à sa nature quasi-divine, et qui pût ranimer sa vie
surnaturelle alors défaillante.
Quel est cet aliment merveilleux, et comment a-t-il pu le produire?
En opérant le miracle des miracles que nous allons maintenant
étudier.
Approchons-nous religieusement de ce grand mystère; et voyons
d'abord en quoi consiste la vie surnaturelle de l'homme? Elle consiste à
vivre dans l'état de grâce et dans l'union avec Jésus-Christ. Elle consiste
à reproduire le type divin d'après lequel l'homme a été fait, et à devenir
une image aussi parfaite que possible de son Créateur.
Car, ne l'oublions pas. Messieurs, l'homme est presqu'un Dieu, un peu
au-dessous d'Blohim, dit le Roi-Prophète, dans le texte hébreu, ou un
peu au-dessous des anges, dit le texte latin : il est même un fils de Dieu.
Or, l'homme ne peut arriver à ces hautes destinées qu'en vivant sur la
terre de la vie surnaturelle, en union avec Dieu. Mais est-il raisonnable
qu'une telle vie pui.sse être alimentée par les produits de la nature?
Evidemment non. A cet être qui est l'image de Dieu, et presque Dieu, il
— 845 —
faut un aliment divin. Et qui le produira cet aliment? Ce ne sera pas
l'industrie humaine. Tout le génie humain, uni aux forces de la nature,
ne pourra jamais inventer une nourriture surnaturelle et divine.
Aussi est-ce Dieu lui-même qui avait mis à la disposition du premier
homme un arbre mystérieux appelé l'arbre de vie, dont le fruit devait le
préserver de la mort. Mais vous savez comment Adam préféra manger
le fruit défendu et fut condamné à mourir. Chassé du paradis terrestre,
il emporta cependant dans son exil la promesse de Dieu qu'un autre
arbre de vie, dont le premier n'avait été que la figure, serait un jour
planté sur la terre et que son fruit divin offert en sacrifice, rachèterait
riinmanité.
Or, c'est un fait historique incontestable que cette promesse, et cette
prophétie ont été réalisées, que le véritable arbre de vie a été planté sur
le Calvaire, et qu'en vertu de l'institution eucharistique le corps de
Jésus-Christ, qui en était le fruit, est devenu pour toujours l'aliment
divin de la vie surnaturelle de l'homme.
Mais, direz-vous peut-être, entre le drame de TEden et celui du Cal-
vaire, quarante siècles ont passé ; est-ce que pendant cette longue période
Dieu a laissé l'homme sans alimentation pour entretenir sa vie surna-
turelle et son union avec lui?
Xon, Messieurs, seulement c'était une alimentation symbolique ou
figurée. C'était la manducation de la chair des victimes sacrifiées à la
divinité.
Nous touchons là, Messieurs, à l'un des phénomènes les plus étonnants
et les mieux constatés de l'histoire universelle. Chez tous les peuples
qui ont eu une religion et iin culte, on a constaté la pratique des sacri-
fices sanglants, et dans ces sacrifices une partie des victimes qui était la
part de la divinité était entièrement brûlée; mais l'autre partie était
mangée par les prêtres et les fidèles. Dieux et fidèles étaient présumés
prendre part au même banquet, et s'unir dans la participation au même
sacrifice et à la même nourriture. C'était ce qu'on appelait un sacrifice
de communion, dit M. Robert Smith, dans un article de l'Encyclopédie
Britannifiuo. Selon les croyances antiques, l'homme est parent des dieux,
et le sacrifice-communion rétablissait l'alliance entre eux par le sang.
(Etudes de mythologie et d'histoire, par M. Toutain, p. 151.)
Ce culte sacrificiel était-il une invention du génie humain? Ou avait-
il été l'objet de la révélation primitive?
Il y a toute raison de croire qu'il fut révélé de Dieu lui-même aux
hommes, dè'S l'origine, puisque l'histoire des sacrifices commence avec
les fils d'Adam, et qu'Abel voit ses offrandes agréées de Dieu. Elle se
continue, cette histoire, avec Xoé, Melchisédech, Abraham, Jacob et la
longue suite de leurs descendants, chez les Juifs.
Il est également vrai au point de vue historique, (pie ce culte révélé se
propagea (liez tous les peuples de ranti(iuité, et notamment chez les In-
diens, les Perses, les Egyptiens, les Grecs pt les Romains. Chez les
Perses on offrait à la fois au dieu Ormuzd du pain et de la chair et on
V buvait après consécration, la sève d'un arbre (pi'on appelait '* l'arbre
de vie,'' et qui préser\ait de la mort.
— 846 —
Quel L'taii le niéhte de ces sacrifices? Il est évident que les plus mé-
ritoires étaient ceux qu'on offrait comme symbole du suprême sacrifice
qui devait racheter le monde, et dont la victime devait être le Rédemp-
teur futur que tous les peuples attendaient. Or, ne l'oublions pas, il y
avait dans ces sacrifices cultuels une manducation réelle de la chair des
victimes consacrées à la Divinité, c'est-à-dire ime communion Symbolique
qui entretenait la vie surnaturelle de l'âme avec Dieu, en même temps
qu'un sacrifice qui expiait les péchés.
Mais évideniuient, ces sacrifices expiatoires et ces communions s}Tn-
boliques étaient frappés d'imperfection, et la vie surnaturelle de l'âme
humaine dépérissait. C'est pourquoi, le jour vint où Jéhovah fit savoir
aux juifs par la voix des prophètes qu'il ne voulait plus de leurs sacri-
fices, et rHouime-Dieu apparut montant au Calvaire, et portant sur ses
épaules le véritable arbre de vie dont le fruit divin serait l'aliment sur-
naturel des âmes.
Désormais les sacrifices figuratifs sont finis, et c'est le Fils de Dieu
qui sera la victime auguste dont le sang lavera les péchés du monde, et
dont le corps sacré donné en nourriture à l'âme humaine lui conservera
la vie pour réternité. C'est le dernier perfectionnement de l'alimenta-
tion surnaturelle. C'est le couronnement de tous les miracles d'amour
et de puissance accomplis par Dieu pour le salut de l'homme.
IV
Vous savez comiuent Jésus-Christ institua cette merveille des mer-
veilles, que l'on ajjpelle Eucharistie; et vous connaissez ces paroles vrai-
ment extraordinaires que le. monde n'avait jamais entendues: "Je suis
le pain de vie. ... je suis le pain vivant descendu du ciel, afin que celui
qui en mange ne meure point. . . et ce pain que je donnerai, c'est ma
chair, livrée pour le salut du monde."
Les Juifs sont révoltés. Plusieurs disciples mêmes repoussent cette
parole comme trop dure.
Et Jésus-Christ reprend : " En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous
ne niangez la chair du Fils de l'ITommc», et ne buvez son sang, vous
n'aurez point la vie en vous-mêmes. Celui qui manue ma chair et boit
mon »ans a hi vie éternelle, et moi. je le ressusciterai au dernier jour."
Il est impossil)le d'employer des ])aroles plus claires, plus énersiques,
plus absolues. C'est une loi que Jésus-Chi'ist va promulofuer. Il veut
la })ub1i('r sous toute-; le- fornu's ])0ssibles. Il se répète, il multiplie les
phrases pour dire la même chose, afin (pril ne jmisse pas y avoir ambi-
guité ou malentendu.
Et cependant, il paraît craindre encoi-e (pie l'on ne donne à ses paroles
un sens figuré, et il ajoute: "car ma chair est vraiment une nourriture,
et mon sang est vraiment un breuvage."
On ne peut plus dduter de la réalité de cette alimentation merveil-
leuse; mais f|uelle vie donnera-t-elle? Ce sera une vie (pii ne finira pas.
Ce sera une vie surnaturelle, puisqu'elle consistera dans une union in-
time avec Dieu. "Celui, dit-il encoi-e, (pii mange mn chair, e1 l)oit mon
sang, demeure en moi. et moi en lui." C'est une vie, quasi-divine,
ajoutée à la vie naturelle de l'homme, et (\m se perpétuera après celle-ci.
— S4r —
Et n'oublions pas, Messieurs, la solennité de Tinstitutiou eucharis-
tique: c'est une institution testamentaire. C'est nu legs que Jésus fait
à l'humanité quelques heures avant de mourir. Il arrive souvent (|u'un
grand homme en mourant, lègue son corps à sa ville natale, ou à sa
patrie ; mais c'est un corps en pourriture et qui ne sera bientôt plus
qu'une vile poussière.
Un don de ce genre serait-il digne d'un Dieu ?
— Evidemment non. En léguant sou corps il le l'era doue incorrup-
tible et immortel.
Il prend dans ses mains divines du pain, et une coupe de vin, et les
présentant à ses apôtres il leur dit: "Ceci" (il ne dit ])as ce ])ain)
est mon corps; '' L'eci " (il ne dit ])as ce vin) est mon sang. . . C'est ma
chair livrée jx)ur le salut du monde; mangez-en tous.... " Et ce (jue
Jésus vient de faire, le sacerdoce nouveau institué ]!ar lui, reçoit l'onlre
de le faire eu méuuàre de lui, dans la suite des siècles.
Ainsi s'est faite l'institution euchuiistique qui change réellement le
pain et le vin en la substance même de Jésus-Christ.
V
Messieurs, ils sont bien malheureux ceux qui, comme nos frères sé-
parés, rejettent cette consolante réalité, pour se contenter d'un vain
siuiulacre ou d'un simple souvenir.
Ils sont en même temps bien illogifiues; car s'ils avaient raison, nous
serions moins favorisés sous la Loi Nouvelle que ne l'étaient les Juifs,
sous la Loi Ancienne, quand Jéhovah leur donnait la manne en nourri-
ture. En effet, la manne était vraiment un pain (|ui descendait du ciel,
tandis que le pain des hérétiques est un produit de la terre fait de main
d'homme.
Si l'hostie que le prêtre a consacrée n'était pas réellement le corps de
Jésus-Christ, elle serait certaineuu'Ut inférieure à la manne, ([ui n'était
])as un produit de l'industrie humaine, lu aloi-s, l'cDuvre de Jésus ne
serait pas un perfectionnement de celle de Moïse. Sa parole ne serait
qu'une figure de rhétori(|ue, une illusion, et un mensonge. Il nous
aurait trompés en disant «lu'il nous donnait sa chair à manger et sou
sang à boi re !
Ah ! non, Messieurs, qu'un pareil blasphème n'effleure jamais nos
lèvre.*!. Dieu ne peut pas mentir, et toute parole de Jésus est d'une
vérité ahsoluc. Or, il n'eu a jamais proTioncé de plus lumineuses et de
plus impératives.
'i'orturer ces paroles pour leur donner un sens figuré, c'est prêter à
Dieu un langage faux et trompeur; c'est méconnaître la ])errecti()n <lu
culte nouveau, (|Mi a succédé au formalisme étroit de la religion mo-
saï(|ue.
xi me semble qu'il répugne à la raison humaine elle-nu''me, (|Ue Dieu
ait subi toutes les humiliations de l'Incarnation et toutes les soulTrances
de la I{édemption pour nous reidaeer a|)rès sa mort sous T'empire des
vaines images et des anti(|nes figures.
— 848 —
Nous ne voulons plus d'un Messie fissuré, puisqu'il est venu en per-
sonne habiter parmi nous. Nous ne voulons plus de nourriture symbo-
lique ou emblématique, puisque Jésus a affirmé qu'il nous a donné sa
chair à manger et son sang à boire.
Arrière les figures et les symboles, et prosternons-nous devant la divine
et vivante réalité de l'Eucharistie ! C'est le vrai pain de vie !
Nul ne savait mieux que l'Homme-Dieu combien ce viatique est né-
cessaire à rame dans son difficile voyage de la terre au ciel. Les poètes
ont souvent comparé la vie humaine à un fleuve ; mais ils ont oublié de
nous dire que l'homme ne doit pas descendre ce fleuve, mais le remonter,
afin d'arriver à sa source qui est Dieu.
Et ce n'est pas seulement sa destinée de remonter au ciel, c'est un
besoin de sa nature qui s'est manifesté dès son origine.
Adam voulait devenir Dieu en mangeant le fruit défendu. Prométhée,
Hercule, les Césars de Rome prétendaient être divinisés. Et nous aussi
nous aspirons à devenir des dieux dans la vie future.
Or, je vous le demande, qui nous donnera les forces nécessaires pour
accomplir cette ascension merveilleuse? Comment pourrons-nous re-
monter ce fleuve orageux de la vie dont tous les courants nous entraînent
à l'abîme, si nous n'avons pas une vigueur surhumaine, puisée dans une
alimentation surhumaine ?
La raison elle-même nous dit que tout aliment qui ne sera pas divin
sera insuffisant à qui a l'ambition d'être divinisé. Pour devenir dieu,
il faut se nourrir de Dieu.
VI
J'entends les incroyants objecter que tout cela est contre nature. Non,
c'est au-dessus de la nature, mais non pas contre nature. Il est dans la
nature le besoin de s'incorporer pour ainsi dire l'être que l'on aime pas-
sionnément, de s'en nourrir et de le nourrir lui-même de sa chair. La
plupart des animaux nourrissent leurs petits de leur substance; le pé-
lican leur donne son sang à boire; et la femme en ferait autant pour
sauver la vie à son enfant. Croyez-vous que l'amour de Dieu pour
l'homme soit moins grand que l'amour maternel?
L'incroyant dit encore:
Mais comment la chair de Jésus-Christ mangée par l'homme peut-
elle produire des efîeis surnaturels dans son âme qui est immatérielle?
C'est un mystère, sans doute, que je ne puis pas lui expliquer. Mais
pourrait-il expliquer lui-même l'effet produit dans son intelligence, par
un café noir ou "ne fine Champagne au moment d'un discours à faire?
Non, il ne m'expli(|uerait pas comment ce breuvage tout matériel lui
donne plus d'esprit, plus de verve, et une parole plus facile. Eh ! bien,
pourquoi le pain eucharistique ne pourrait-il pas nous donner de la
vertu, comme un stimulant vulgaire lui donne de l'esprit?
Je vais plus loin, et je soutiens que la raison humaine justifie très bien
les sacrifices de la Loi Ancienne et celui de la Loi Nouvelle.
Qn'est-cc qui entraîne l'homme au péché ? C'est la chair et le sang.
Dès lors, il est raisonnable f|ue la chair et le sang soient sacrifiés, c'est-
à-dire offerts en sacrifice d'(?xpiation, pour le péché.
— 849 —
Cela explique comment les sacrifices de la chair et du sang ont été
considérés dans tous les cultes et à toutes les époques, comme le Beul
moyen d'expiation du péché, et d'apaisement de la divinité. Mais ce qui
faisait leur mérite auprès de Dieu, c'est que Lui-même avait promis dès
l'origine que son Fils sacrifierait sa chair et son sang pour l'expiation
des péchés du monde, et que les sacrifices de la chair et du sang des tau-
reaux et des agneaux étaient le symbole et la figure du sacrifice divin.
Or, la Rédemption ne devait pas supprimer le péché de l'homme, parce
qu'elle ne devait pas supprimer sa liberté, et conséquemment les sacri-
fices expiatoires du péché devaient continuer, même après Jésus-Christ,
pour appliquer aux âmes le fruit de cette rédemption.
Seulement, ils devaient changer de nature, en devenant infiniment
plus parfaits, parce que le culte chrétien est infiniment plus parfait que
le culte mosaïque.
Et donc la chair et le sang continuant de pécher, il est Juste et raison-
nable que la chair et le sang continuent d'expier et de porter à l'homme
l'effet du sacrifice qui l'a raclieté. Mais quelle chair et quel sang? La
chair et le sang de la seule victime désormais agréable à Dieu, c'est-à-dire
de Jésus-Christ.
Cependant, le sacrifice de cette chair et de ce sang ne se fera plus
d'une manière sanglante comme au Calvaire. Il sera aussi réel, mais
par un miracle de Jésus-Christ il s'accomplira sous la forme et les appa-
rences- du pain et du vin.
Est-ce que tout cela n'est pas raisonnable et d'une sagesse souveraine?
Et ce que je viens de dire du sacrifice s'applique à la manducation de
la victime sacrifiée, c'est-à-dire à la communion. Elle aussi existait
avant Jésus-Christ sous la forme sanglante, et elle continuera d'exister
après lui, aussi réellement en substance, mais sous la f&rme non sanglante
de l'Eucharistie.
Et pourquoi doit-elle continuer après Jésus-Christ? Parce qu'après
lui, comme avant lui, elle est l'aliment nécessaire de la vie surnaturelle
de l'âme.
Grâce au sacrifice divin perpétuellement renouvelé dans le monde, du
sauveur à la fois victime expiatoire et nourriture surnaturelle, des mil-
liers d'âmes vivront, toujours en union avec Dieu, et l'Eglise, qui est la
société de ces âmes, possédera toujours son immortelle vitalité.
S'il était permis de juger les actes divins dans le niêiiic langage que
les actes humains, je dirais ([ue l'institution eucharisti<iue fut une
grande habileté, puiscju'elle permet à Jésus-Christ de vivre au milieu
des hommes sans les exposer à commettre un nouveau déicide.
Hélas, s'il revenait sur terre dans sa chair mortelle, les hommes le
tueraient encore, ^fais sous la forme eucharisti<|ue il est avec nous jus-
qu'à la consommati(m des siècles, et ses ennemis ne pourront plus le l'aire
mourir. Quand il serait chassé de ses temples, fermés ou démolis, le
prêtre l'emportera dans sa mansarde, ou dans sa tente de missionnaire,
et lui permettra de vivre avec l'Eglise son épouse, dans tous les pays du
monde et jusiprà la fin des temps.
Messieurs, pour éclairer la terre et nos terrestres demeures. Dieu a
— 850 —
créé deux astres: le sitleil ([ui l'ait le jour, et la lune qui illumine la nuit.
Mais la elarté lunaire n'est (ju'uu rt'tlet de Téclat du soleil.
Pour le monde des âmes le Créateur a fait mieux. Dans le graad
jour éternel tiui suit la mort, e'est le Dieu-Soleil (jui éclaire les âmes
jouissant de la vie surnaturelle : et dans cette nuit qui précède la mort,
et qui est la vie humaine, c'est Jésus-Hostie qui éclaire nos ténèbres.
Mais il n'est pas un simple reflet de la Divinité: et. sous les pâles appa-
rences du pain il est aussi Dieu que le Dieu-Soleil de l'Eternité.
Avant l'aiTirée du Lé.oat que Ton s'attend d'une minute à
l'autre à voir entrer dans la salle, le P. Lemius a encore le
t('ni])s de prononcer, d'une voix chaude et vibrante, le dis-
cours suivant
Messieurs,
-Te me demande à 'quel titre je suis devant vous. . . .
Depuis que nous sommes au Canada, il nous semble que vos cœurs
canadiens resseml)lent aux demeures si chaudes et si hospitalières que
vous ouvrez aux visiteurs, surtout aux Français.
Lorsqu'à Livcrpool nous sommes montés sur " l'Empress of Ireland,"
nous avons rencontré, à côté de la majesté de Son Eminence le Cardinal
Vannutelli, un Canadien — M. le Président des travaux dn Congrès —
et, <iuand nous avons vu ses yeux caressants, ses lèvres gracieuses, ses
bras ouverts, il nous a semblé voir le cœur du Canada s'entr'ouvrir, et
tous les Français sont entrés dans ce cœur. Nous étions en ])lein Canada:
nous continuons à jouir en bons Français, du Canada.
Peut-être m'avez-vous invité à un autre titre. Je porte le Christ des
OI)lats f|ui sont venus il y a GO ans, envoyés par notre fondateur, évan-
géliser le Canada. Je suis le frère des Taché, des (Irandin et de tant
d'autres, le frère de Mgr Breynat (|ue je suis heureux de saluer au milieu
de vous, le frère de ces 2.")() Oblats qui domain, venus de tout le Domi-
nion a.ssisteront à votre belle procession.
Puis, je représente au milieu de vous la colline la ])]us sacrée de
France : ^îontmartre.
Montmartre (|ii'on a appelé Van] et le cceur de la France: Montmartre,
la colline sur larpudle notre pays paie au Sacré-Cceur de Jésus la rançon
des péchés irju 'il a coMiiiiis: ^lontmartre oii s'ékVe ce poème de pierres,
la basilifpie aux blanches coupoles où tous les jours et toutes les nuits
nous chantons le Miserrre de la pénitence, où nous chantons aussi, le
eanti(|ue de ]'es[)érance: Sacré-Cœur de Jésus, sauvez la France!
Jo suis heureux de parlci- coniMie iiiembi'c du Comité pernuinent des
Congrè.s TMicharisti(|Mes. Je suis un témoin, j'ai vu la ])lnpai-t des Con-
grès, et je perte en moi des visions: vision du Congrès de Paris, vision
— 851 —
(lu Congrès de Lounles, vision du Congrès de Ifoine, vision du Congrès
de Metz, vision du Congrès de Cologne, et je proclame que jamais nous
n'avons vu ce que nous voyons ici; nous partirons avec une vision plus
splendide dans nos âmes et nous irons dire à nos frères de France ce que
le Canada sait l'aire })our l'Eucharistie, pour Xotre-Seigneur Jésus-
Jésus-Christ.
Et enfin je suis heureux de vous parler parce que j'ai fréquenté beau-
coup les hommes, et en France, on m'accuse — et avec raison — de pré-
férer un auditoire d'hommes. Je les ai vus souvent à Montnuirtre. Il
m'a été donné d'en conduire plusieurs fois 50,000 à Lourdes. 11 m'a
été donné de les voir en nos différentes provinces. Eh bien, voulez-vous
me penuettre de n^'effacer et de les laisser parler. Des laïciues viennent
de vous donner des discours eucharistiques débordant de doctrine théo-
logique; ce seront encore des laïques qui prêcheront par leurs exemples.
Après la doctrine, d'ailleurs, les exemples reposent l'esprit, après les
paroles qui émeuvent, il faut des exemples qui entraînent.
Xous sommes à la fin du Congrès, Messieurs, nous sommes à une heure
où il faut vous entraîner dans ce chemin (jue l'on vous a montré tout
ensoleillé, dans cette voie qui conduit à la Table sainte, et je voudrais que
de cette assend)lée se lèvent des hommes qui communient, qui commu-
nient souvent, et, s'ils le peuvent, qui communient tous les jours.
Mon premier point, le voici: La communion quotidienne convertit,
purifie et transforme. A'oilà la thèse; je ne la développe pas.
Vn jour, je vois arriver vers moi un vieillard de soixante-dix ans.
Sous la couronne de ses cheveux blancs, il avait consente des traits éner-
giques tout militaires. Sur sa poitrine brillait la croix des braves. Xous
causâmes comme on cause en tête à tête, dans un coin. Je fus étonné,
Messieurs, de trouver un homme si bon, et il fallut revenir dans le passé
pour trouver matière à absolution. Et quand nous fûmes debout, mili-
tairement, il me dit : " Je vous ai probablement un ])eu étonné, je veux
vous raconter ce (|ui m'est arrivé, il y a ([uelques années, et vous le répé-
terez aux hommes. A'ous direz à tous ceux (\m voudront se convertir le
grand moyen (|Ue Dieu a mis à notre dis|)osition :
"J'étais donc un soldat, et pendant dix-huit ans, j'ai étonné mou
régiment. ])a.-^ facile pourtant à étonner, par ma conduite. Je ne crains
pas de dire que j'étais la honte de nu'S canuirades : un joui-, nioi-mèiiic
j'eus honte. La foi me restait au conir, j'aillai me confesser, l'n l'ère
du Très Saint-SacrcMieiit me re(,Mii avec bonté; après la confession, il
me dit: " Il y a is ans <|Uo vous n'avez |»as communié, vous paierez vos
dettes; vous êtes un homine d'honneur, vous coiiiiiniiiifi-cz is fois de
suite.''
"Je tressautai, je regardai le Père avec stupéfaction, croyant à une
plaisanterie, mais il ne plaisantait pa.'^, et après avoir un peu débattu la
question, il me lit ])roniettre que je communierais IM fois ])our paver
mes dettes." " Je communiai le lendemain, le surlendemain, le troisième
jour; ce jour-là — je m'en souviens — je me trouvai absolument trans-
formé." Je n'eus plus aucune pensée mauvaise, je ne ressentis aucun
désir mauvais, les sirènes ipii tournaient autour de mnî — re fiit son
expression — me semblaient méprisables. Je me sentis absolument
— 852 —
transformé, j'étais devenu un autre homme." Il y a de cela, ajouta-t-il,
environ 30 ans. J'ai continué à communier tous les jours; je suis de-
venu adorateur nocturne, je vais toutes les semaines faire la faction
devant notre Dieu. Voilà ce qu'a fait de moi la communion quotidienne.
Messieurs, à la veille de la grande manifestation, laissez-moi vous dire
que si vous connaissez un homme, si vous en connaissez un seul qui ré-
pète : " il ne m'est pas possible de changer de vie, je ne peux pas réagir
contre les inclinations qui sont là, au fond de mon cœur," racontez-lui
cette histoire et racontez-vous la à vous-même, c'est là le grand moyen.
Ah ! Messieurs, pendant ce Congrès, on vous l'a dit, c'est le congrès
des résolutions ... Je me souviens qu'à Lourdes, lorsque nous eûmes les
cinquante mille hommes et que nous eûmes fait une procession, pas
aussi belle que celle que vous ferez demain, mais elle était belle tout de
même, lorsque nous arrivâmes au parvis du Eosaire, je m'adressai à ces
cinquante mille hommes et je leur posais cette question : " Croyez-vous
que vous êtes venus ici uniquement pour prier les bras en croix, pour
chanter des cantiques et pour faire la procession? Il y a autre chose à
faire quand on vient à Lourdes ! On va dans la piscine. . . Quel est celui
d'entre vous qui quittera Lourdes sans avoir déposé le fardeau de ses
péchés ? Y en aura-t-il un seul ? Et la foule répondit : " Non, pas un,
pas un." Je fis répéter cette parole : " Pas un, pas un." Le lendemain,
Messieurs, nous avons vu un spectacle sans pareil: les rues de Lourdes,
les chambres d'hôtels et tout le parvis du Rosaire étaient transformés
en confessionnaux, des prêtres étaient là, assis sur des bornes ou des
tertres de gazon, des hommes agenouillés à leurs pieds. . . CINQUANTE
MILLE HOMMES communièrent! Et ce fut pour la Sainte Vierge le
plus 'beau bouquet et le plus beau cierge qu'on lui eût jamais apportés.
Messieurs, demain, vous devez aller à cette procession. Je vous le
demande, y en aura-t-il un seul qui voudra y aller sans avoir mis le
Saint-Sacrement dans son cœur?.... Ah! vos applaudissements me
disent que demain, pendant que le Cardinal Légat portera Celui qui est
tout notre Amour, vous pourrez mettre la main à votre cœur et vous
pourrez dire : " moi aussi je porte le Christ, je Tai là, dans ma poitrine,
il est là, mon Dieu ! " Et demain, ce ne sera pas seulement le Cardinal
I^?at qui portera la sainte Hostie, vous porterez Jésus-Christ, vous por-
terez votre Dieu. La manifestation sera belle aux regards des hommes;
elle sera plus belle aux regards des anges et aux regards de Dieu ! . . .
Second point : La communion quotidienne fait des saints parmi les
hommes autant et bien mieux que parmi les femmes.
n y a deux ans, nous prêchions une mission à sur la fron-
tière de l'Est, où les troupes sont toujours vigilantes, et nous prêchâmes
le décret du Souverain Pontife sur la communion quotidienne.
Derrière un pilier se trouvait le colonel d'un des régiments qui sont
en cette ville. Il me suivit au presbytère et me dit: " Mon Père, j'avais
entendu vaguement parler de ce décret, je croyais qu'il était purement
et simplement pour les femmes pieuses; or, d'après le texte cela regarde
les hommes aussi, cela me concerne? — Evidemment, mon colonel! —
Mais alors, je suis un homme de discipline et quand on commande,
j obéis.
— 8Ô3 —
Il se confessa et se mit à la communion quotidienne.
Dix jours après, à la clôture de la mission, il vint me voir et me dit :
" Mon Père, la religion est absolument changée pour moi. Jusqu'à
présent, je contemplais Xotre-Seigncur Jésus-Christ comme mon Sei-
gneur, comme mon Maître, il me semblait qu'il était loin de moi sur des
hauteurs, et je l'adorais. Depuis que je communie tous les jours, je sens
qu'il est en moi, que je le porte, et voici ce qui m'est arrivé au moins
deux fois : Me trouvant à la tête de mon régiment en marche, et pensant
à ma communion du matin, tout à coup je me suis senti transformé; ce
n'était plus moi qui vivais — sans le savoir peut-être il répétait la parole
de saint Paul : " Ce n'était plus moi qui vivais, c'était le Christ qui pa-
raissait vivre en moi '' — il me semblait que c'était Jésus-Clirist qui
était le colonel de ce régiment français. Ah ! mon Père, j'ai éprouvé
pendant dix minutes des joies qui sont incomparables."
Voilà, Messieurs, comment un colonel arriva d'un coup d'aile à cette
splendeur. Vous constaterez en passant qu'il y a encore dans nos armées
des chrétiens, des catholiques qui savent trouver le chemin de la Table
sainte et, deviennent des saints. N'oubliez pas le général de Sonis, qui
sera peut-être un jour sur les autels.
Ah ! Messieurs, si vous voulez devenir des saints, et vous voulez le de-
venir, allez à la Table sainte, allez-y fréquemment, tous les joui-s,et vous
verrez que Xotre-Seigneur, selon l'explication théologique que l'un des
vôtres vous donnait tout à l'heure, vous fera vivre de la vie du Christ,
de la vie de Dieu, et vous préparera ainsi à la vie éternelle, la participa-
tion de la vie bienheureuse de Xotre-Seigneur et de notre Dieu.
Mais, Messieurs, la communion quotidienne ne fait pas simplement
que transformer l'individu, elle le régénère au point de vue social.
T^ patron qui ira communier, l'ouvrier et même le miséreux qui ira
communier souvent, pratiquera les vertus d'ordre, de justice et de charité
sur lesquelles repose la paix sociale, la vraie prospérité des peuples.
Un jour, je reçus à la sacristie de Montmartre la .visite d'un homme
qui était à la tête d'un atelier de meubles d'art, un artiste de Paris. Il
était en proie à une émotion incroyable. Il passa de longs instants sans
pouvoir m'adresser la parole. Quand il put parler:
" Il y a quarante ans, dit-il, que je ne connaissais pas le chemin de
l'église. Accompagnant un de mes amis, je suis venu visiter le monu-
ment de Montmartre, et un moment je me suis trouvé en face de ce soleil
que vous appelez l'ostensoir, et je l'ai regardé."
Ah ! Messieurs, quand un homme se trouve devant Jésus, s'il veul
écouter, s'il veut sentir palpiter son cœur, il verra ce (lu'il sait lui dire et
lui faire comprendre.
Notre-Seigneur regarda cet homme, et cet homme me raconta com-
ment en un instant il avait été jeté à srenoux, baigné de lariu(>s. 11 était
converti, comme le Père Ilermann, le juif converti, par la sainte Hostie;
il venait déposer le fardeau de ses quarante années d'al)stention.
" Comment, me dit-il, pourrai-je me rapprocher de Dieu, après m'être
tenu éloigné pendant si longtemps de la Table de ma ])remière com-
munion? "
C'était un homme honnête, sincère.
— 854 —
Je lui diji : '• \'vue/. passer une nuit aux pieds du Saint-Saei'enient, et
vous verrez ([Ue la réeontiliation sera aisée avec Notre-Seigneur."
Le samedi suivant, il passa la nuit tout entière à genoux, depuis neuf
heures du soir jusqu'à ( inci heures du matin, l'Hostie le fascina, il resta
face à face avec le Christ; le lendemain, il prenait dans sa i)oitrine le
divin Sauveur. Cet homme était renouvelé. Il rentra chez lui et le
lendemain, appela ses ouvriers; il leur déclara ce qui s'était passé la
veille; le ohangenient de vie qui s'était opéré dans son âme, et il leur
denuinda pardon — Ah ! écoutez ceci — il leur demanda pardon de
toutes les injustices dont il aurait pu se rendre coupahle ; il leur de-
nuinda pardon des colères et des violences qu'il avait eues avec eux et il
leur promit de faire tous ses efforts pour être un patron modèle. Puis,
il ajouta : '' Dieu est mon père, et désormais je vous supplie de ne plus
le blasphémer chez moi. Promettez-moi de ne plus outrager celui (Uii
est devenu mon vrai père? La scène fut émouvante, les ouvriers profondé-
ment remués. Quelque temps après le contre-maître se convertit à son
tour.
Un jour cet homme vint me trouver et me dit : " Je vends mon atelier
et je me mettrai au service de vos miséreux." M. Marchand vint en effet
à Montmartre, et pendant plusieurs années il a été là, donnant aux
])a\ivres ce qu'il ixiuvait p( sséder, mais surtout son cœur et le dévouemem
de sa vie. Quand il mouiuit. cin.(| cents miséreux suivaient son. corbillard
en haillons et les lannes aux yeux: quand on parle de M. Marchand, le
converti, devenu le patron modèle, le père des pauvres, on contemple
une merveille, c'est le fruit de l'Eucharistie, le fruit de la communion
quotidienne.
Et les ouvriers, Messieurs?
L'n jour, je gravissais la pente de Montmartre et je vis trois hommes
qui me parurent des apaches; je fis en sorte d'éviter la rencontre, mais
je ne le pus, car ces trois hommes s'empressèrent vers moi pour 2ne serrer
la main ; je reconnus ti-ois ouvriers d'Aubervilliers. Ces trois hommes
travaillaient toutes les nuits, excepté la nuit du dimanche. JTn jour,
un de leurs amis les amena à l'adoration nocturne et, pendant cette nuit,
ils goûtèrent tant de joies qu'ils prirent la résolution de consacrer à
l'adoration nocturne la seule nuit hebdomadaire qui était libre; et quand
je leur disais : " Mes amis, c'est trop; " ils me répondaient : " Mon Père,
nous ne reposons jamais mieux qu'auprès du Sacré-Cœur de Jésus.
Quand nous sommes venus passer la nuit et que Jésus nous a caressés
dans la sainte communion, nous soaumes capables de tout supporter."
Xotre-Seigneur l'a bien dit: "Venez à moi, ouvriers, vous tous qui
portez des fardeaux, je vous referai!"
Ouvriers qui m'écoutez, vous n'avez pas de meilleur ami. Adonnez-
vous à la communion fréf|uente autant fpie le travail vous le permettra
et la vie de cette terre se transformera en avant-goût du paradis.
Un jour, nous avions donné une retraite aux miséreux. Voici la pa-
role que l'un d'eux 7n "écrivait: "Depuis que je communie souvent, je
suis réconcilié avec ma misère. Je l'accepte comme pénitence et je vous
déclare (pie maintenant je suis heureux autant qu'un homme peut l'être,
mon cd'ur est en paix." Tl ajoutait: "Je ne passe plus une donii-heure
— 855 —
sans fairo un acte d"aiH<)iir de Dieu. Ali! qu'il est Iton de souHrir ]iai-
amour pour lui."
Voilà un miséreux qui n'avait pour s'abriter la nuit que les pouts de
la iSeine, et qui trouvait dans la sainte f]ueliaristie le eourage de se ré-
coneilier avec sa misère.
Je termine en ajoutant ce simple mot : les hommes qui voudront s'unir
aux pieds de Xotre-Seigneur dans rEucharistie feront des prodiges,
accompliront de véritables miracles.
Un soir, — c'est ma dernière histoire — un soir, je vois amver un des
grands patrons d'une des villes du Xord. '"' Je vien^, dit-il, demander
un miracle, et nous l'aurons. La guérison de l'épouse du plus grand
industriel de notre région. Il faut convertir cet homme, pour le con-
vertir, il faut le miracle: ce miracle, je viens le demander et je suis sûr
de l'obtenir.'"' Rien ne ]iut faire fléchir sa confiance. Je le conduisis à
la sacristie et le nommai chef de cette nuit d'adoration. Des paroles
ardentes sortirent de ses lèvres. Quelques instants après, ces 40 hommes
étaient à genoux, priant avec une ferveur sans pareille. Je me souviens
être resté deux heures à les contempler, et à dire : Mon Dieu, exaucez-les î
Il est beau, Messieurs, de voir des hommes faire un miracle; il est
beau de les voir tendre leurs mains vers Jésus et lui arracher une gué-
rison pour la conversion d'un homme.
Vers onze heures du soir, un télégramme arriva, et ce télégramme
portait que la personne était à peu près guérie. C'était une action de
grâces que cet industriel osait faire passer par le fil télégraphirjue, sans
respect humain. Quand le pèlerin du Xord eut lu le télégramme, je le
vois encore, rentrer dans l'église, s'avancer dans le chœur, monter sur
les marches, élever la dépêche à la hauteur du Saint-Sacrement, et je
l'entendis prononcer ces. paroles: ''Seigneur, ce n'est pas un à peu près
que nous vous demandons : c'est tout." Et se tournant vers ses amis,
il leur dit simplement : " l'œuvre est avancée, nous en avons le temps,
achevons-la ! ''
Le lendemain, quand il rentra cliez lui. il trouva cette dame ]»ailai-
tement guérie. Le miracle fit sensation dans la ville et dans toute la
région. L'archevêque de Cand)rai alla constater, quelques semaines
après, la merveille opérée. L'in<lustriel lui-même vint faire inscrire à
Montmartre son action de grâces, il se confessa et reçut le Dieu <|u'il
avait tant oublié depuis sa jeunesse.
Ah ! Messieurs, depuis près de 30 ans, nos hommes de France ])rient
toutes les nuits. Le Saint-Sacrement ne disparaît jamais à ^[ontmartre.
L'œuvre eucharistique a jailli du Cceur Sacré de Jésus: elle est là, tou-
jours intense. Que font ces hommes? Ils se purifient, se sanctifient,
deviennent meilleurs comme patrons, ouvriers ou comme miséreux, mais
ils travaillent aussi avo<' leurs sentiments ]>atriotiq\ies à ce grand mi-
racle (|ue nous denuindons depuis lonfrtemj)s. Oui, ^fessieurs. il faut
un miracle chez nous: il faut un grand miracle chez nous. Les moyens
humains sont caducs: tout ce qu'on i)ouna faire sera vain et sans ré-
sultat définitif. Il n'y a que le Christ, qui n fait la France, qui puisse
la refaire; c'est le miracle (jue nous demandons.
— 856 —
Messieurs, demain, demain, en cette fête incomparable, je vous de-
mande de vous unir à nos cœurs de Français et à nos adorateurs de
Montmartre, et de répéter une parole qui me revenait tout à l'heure, en
vovant passer vos zouaves qui allaient chercher le Cardinal Légat. Cette
parole est celle que Charette disait, en arborant son drapeau du Sacré-
Cœur sur le champ de bataille ; cette parole, permettez-moi de la dire au
milieu de vos cœurs si chauds, si sjmipathiques à la France ; vous la ré-
péterez : " Cœur Sacré de Jésus, sauvez la France ! Cœur Sacré de
Jésus, sauvez la France ! Cœur Sacré de Jésus, bénissez le Canada ! "
Ce fut au milieu des ncclaraations qui suivirent ce discours
que le Cardinal Légat accompagné de Mgr l'archevêque et
de toute sa suite fit son entrée au Monument National.
Mgr Roy, en quelques mots présente l'assemblée qu'il pré-
side à son Emiuence.
Eminence,
En ma qualité de président de cette séance, je me permets de vous
présenter cette imnu'use assemblée de bons catholiques à qui l'on vient
de persuader qu'il leui- faut, pour devenir encore meilleurs, la pra-
tique de la communion fréquente, et aux applaudissements dont ils ont;
couvert la parole des bienveillants orateurs, on peut être assuré qu'ils
partiront de ce Congrès bien décidés à remplir leurs promesses et à être
désormais des fervents de la communion fréquente.
Je dépose volontiers aux pieds de Votre Emiuence l'hommage de ces
promesses et de ces belles espérances, en lui demandant de bénir les unes
et les autres.
Le cardinal, visiblement sous le coup d'une émotion pro-
fonde, s'exprime en ces termes :
Messieurs,
Je reviens tout ému d'une magnifique manifestation que m'a faite tout
à l'heure le jeunesse catholique de la province de Québec, et surtout
la jeunesse de Montréal.
J'avoue que rarement j'ai vu un spectacle aussi touchant que celui-là.
Je félicite les pères et les mères (jui ont de tels enfants. La patrie qui
a de tels enfants peut être assurée de son avenir religieux et social.
Je leur faisais la recommandation de la communion fréquente afin de
se préserver des dangers ()ui entourent leur jeunesse, et pour se fortifier
dans le chemin de la vertu. J'ai su que c'est la même recommandation
que vous venez d'entendre de la bouche des orateurs qui vous ont tout à
l'heure entretonus, lorsque vous attendiez la visite du légat du Saint-Père.
S'il a un peu retardé, ce n'est pas sa faute. Il a été ému d'un grand
— 857 —
spectacle: il y avait là 20,000 jeunes gens, et rien que pour passer devant
cette foule, il m'a fallu des quarts d'heure et des quarts d'heure, — je
ne dis pas des heures et des heures, mais tout de même, cela fait des
heures. Vous excuserez donc l'exercice de patience que vous venez de
faire.
Je répète mes félicitations et recommandations de la communion fré-
quente, car, si ces préservatifs, ces remèdes, ces fortifiants divins sont
nécessaires pour les jeunes gens afin d'entourer leur jeunesse du vrai
remède contre les passions et du vrai foyer de force pour combattre les
dangers qui les entourent, ils ne sont pas moins nécessaires pour l'âge
mûr. Comme le pain ordinaire, nous en avons besoin, n'est-ce pas, touS
les jours. Malheur à celui qui serait longtemps sans l'avoir! Il faut
donc que pour le pain spirituel, il en soit de même.
("est la recommandation qui tient au cœur, tout spécialement du sou-
verain pontife que vous aimez tant. Veuillez donc suivre ses conseils,
et par là. vous resterez de vrais fidèles à la tradition de vos ancêtres,
qui était avant tout une tradition eucharistique.
Aucun pays ne peut se vanter d'une origine aussi glorieuse que le
Canada.
Champlain, le grand Champlain, a déclaré en son temps et fonnelle-
ment aux ministres qu'il ne recevrait pas de familles, qui ne seraient de
mœurs tout à fait irréprochables, qui ne seraient tout à fait dévouées a
la foi catholique; et c'est comme cela qu'il a pu fonder une colonie qui
nous donne aujourd'hui des citoyens comme vous.
Je crois vraiment que cette origine est aussi glorieuse qu'elle puisse
être. Que le bon Dieu vous soutienne pour que vous suiviez toujours
le chemin de vos ancêtres et toujours dans la foi eucharistique.
Je vais maintenant vous bénir au nom du Saint-Père.
Mllt rarcliPVcVpio <lo ^rontr('al tient ù dire sa joie en une
fii-constaiicc* si (•(ms(»lant(M't si hc^lle. Tl h' fait avec une émo-
tion (pK' l'aïKlitoiic ]»arta<i(' aussitôt.
DISCOURS DE MGR BRUCHESI
Emixexck,
Mon cœur déborde de joie. Je ne cesse de le dire aux enfants, aux
jeunes gens, aux pî'res de famiHe, et surtout, je le dis à Dieu que je re-
mercie du grand bienfait qu'il nous aceurde, qui restera un des meil-
leurs souvenirs de notre vie et une des pages les plus glorieuses de l'his-
toire du Canada.
Comme arclievêque de la ville où se tient le X.XIe congrès eucharis-
tique international, il ïn'est impossible. Messieurs, de jiasser au milieu
de vous sans ajouter un mot aux touchantes paroles de son Eminence,
pour vous exprimer mon émotion et ma reconnaissance à la vue du
spectacle touclianl que vous nous donnez.
— 858 —
.rai vu souvent cette salle reui2)lii', jamais comme en ce moment. Me5
amis, vous prêchez à vos enfants, vous prêchez à vos concitoyens ramour
de l'Eglise, la pratique de la vertu, la fidélité à Dieu, la dévotion à la
sainte eucharistie, la conuuunion fréquente, tout ce qui est de nature
à faire de vrais citoyens, de parfaits chrétiens, tout ce qu'il faut sur
terre pour devenir des saints: soyez-en félicités et remerciés.
Xous avons vu tout à l'heure vingt mille jeunes geus, oui, vingt mille,
au moins, venus de toutes les paroisses de Montréal et de tous les dio-
cèses de la pronnce de Québec. Ils sont accourus en face de la cathé-
drale avec leurs drapeaux, la joie dans le cœur, faisant escorte au repré-
sentant du souverain ])ontife, acclamant le pape, et ils nous ont conduits
par des chemins qui me faisaient penser aux voies triomphales de Eome;
ils nous ont conduits, dis-je, à l'immense salle de l'Arena. La salle était
comble. C'était un spectacle unique.
Si vous aviez vu ces jeunes gens ! Quelle profession de foi ils ont
faite ! de quels sentiments chrétiens ils vibraient ! J'ai dit à Son Emi-
nence: "C'est la jeunesse, notre jeunesse canadienne-française qui est
(levant vous; c'est notre espoir, notre consolation, notre joie, l'avenir;
Eniinence, bénissez-la ! "
Lorsque Jésus vit un jour un jeune homme, épris du désir du bien,
il le regarda et l'aima. Vous, Eminence, vous avez regardé nos vingt
mille braves et vertueux jeunes gens et vous les avez aimés, et vous avez
compris qu'ils vous aimaient.
Au jeune homme de l'Evangile, Jésus-Christ demanda le sacrifice de
ses biens. Hélas ! le jeune homme n'en eut pas le courage. Mais à nos
jeunes gens, Eminence, vous pouviez demander tout ce que vous vouliez ;
vous n'avez rien demandé et ils sont venus vous offrir, à vous, au pape
et à l'Eglise leur sang et leur vie.
Eh! bien, Eminence, si vous voulez savoir le secret de cette ardeur
et de cette généio^ité, j? vous dirai l'axiome, ici parfaitement vrai •
" Tel père, tels fils."
Vous avez béni les enfants, et vous venez de bénir les parents. Ces
hommes que vous voyez là: liommes de professions libérales, magistrats,
députés, hommes de commerce, ouvriers, ils n'ont tous qu'un cœur et
qu'une âme quand il s'agit de servir Dieu, d'obéir à la sainte Eglise.
Y a-t-il beaucoup de pavs où puissent se contempler des scènes comme
celle que nous avons sous les yeux ! Pour moi je sens que j'en tressaille
d'émotion. Dieu soit béni !
En cette ville de Montréal, — dans toute la province de Québec, —
partout où la race canadienne-française a planté son diapeau, oui, par-
tout il V a une même foi, un même amour pour le Christ et son Vicaire.
Nous sommes des frères, nous avons le même sang, nous parlons la
même langue, nous avons les mêmes espérances, les mêmes ambitions.
C'^'est un peuple croyant que le peuple canadien-français sur cette terre
d'.\ménque. Oui, Eminence, dites au Saint-Père qu'il n'y a nulle part
un peuple qui l'aime plus que le peuple canadien-français".
Xous avons prié ce matin, ensemble, au pied du Mont-Eoyal, tout
près de l'endroit où. jadis, Maisonnenve, a planté la croix. Nous avons
érigé un autel et, nous nous sommes agenouillés là trois cent mille
hommes, et cela était au><i consolant que magnifique. Mais demain,
— 85î.> —
c'est vous, le représentant du Christ, vous Pie X au milieu de nous,
qui prendrez l'hostie sainte préparée religieusement par des mains de
vierges: les Sœurs de notre Hôtel-Dieu; cette hostie, vous la porterez
entre vos mains jus(|u'au pied du Mont-Eoyal, escorté de cardinaux,
d'archevêques, d'évêques, de gouverneurs, de ministres, de magistrats,
d'hommes de professions libérales, de soldats, d'instituteurs, d'ouvriers,
des fidèles, représentants de toutes nos paroisses. La divine hostie —
0 salutaris hostia, — vous l'élèverez au-dessus de la ville, au-dessus du
Canada tout entier, au-dessus du monde, et vous direz : "' Jésus, c'est vous
que je tiens entre mes mains ; vous êtes bien ce Jésus qui, jadis, passait
dans les bourgades de la Galilée, répandant partout la joie, la paix, la
flaiiinie céleste. Bénissez ce pavs qui vous aime; gardez-lui sa foi, gar-
dez-lui ses espérances ; bénissez les malades, les pauvres, les affligés ;
éclairez ceux qui ne voient pas; convertissez les malheureux qui s'écar-
tent du droit chemin. Jésus, faites des miracles comme vous en faisiez
autrefois : '' et tous ensemble. Messieurs, alors nous tomberons à genoux
et nous adorerons le divin roi dans la foi et dans l'amour; et nous nous
relèverons foilifiés par la bénédiction de la sainte hostie.
Le» applaiulisi^ements éclatent frénétiques. Le cardinal
est debout.
Messieurs,
Un mot pour répondre à Mgr Bruchési, un seul mot, à la lettre: " Le
jour de demain sera le plus beau jour de ma vie." (Applaudissements)
Le cai-dinul et sa suite se retirent. Il reste deux rapports
qui n'ont pu être lus et qui ont cependant leur impoi-tance.
Les voici :
liA COMMUNION DANS LA CLASSE OUVRIERE
Pnr Je R. P. Kuilh' l'irjié^ curé de Saint-Georges.
X'est-il pas vrai (|ue le triomphe de Jésus-Hostie s'est continué d'une
manière merveilleuse dans la ville de sa Mère bien-aimée ?
L'affluence du lU'Uple s'accroît de jour en jour, les décorations de nos
rues sont des liommages pennanonts à sa Divinité, les prières, les chants
et l'éloquence humai ne l'exaltent avec amour, tkmain c'est l'entré»- tri( m-
j)hale, VHoscinna Filio David! sans le Calvaire en perspective!
Et cependant. Messieurs, malgré la sdlennité de cette inoul)liai)le nui-
nifestation, malgré la magnilicence et la munifioenee (|ui nous entoure,
si vous arriviez juscpi'à ce soir sans avoir mangé V(»tre i)ain <|U(nidien.
si vos forces débilitées par ce long jeûne trahissaient votre zèle, si minés
par la faim, vos eorps se traînaient péniblement en cette enceinte, c'est
en vain <|ue l'art. rélo(|uenee et la musique solliciteraient votri' enthou-
siasme, tout ( e inonde de nu'rveilles cesserait d'avoir un langage sublime
— 860 —
pour vos estomacs affamés. Car l'Ecriture Sainte nous enseigne que le
commencement des choses nécessaires à la vie est le paia Le Seigneur
nous le fait demander tous les jours dans l'admirable prière du Pater.
Pour vous comme pour nous le pain s'identifie avec la vie elle-même,
et en langage vulgaire, perdre le goût du pain veut dire : mourir.
C'est qu'en effet à chaque instant par le fait même de vivre, le corps
s'use et doit réparer ses forces.
Ceux qui ont vécu les heures terribles du Siège de Paris, ceux qui ont
ressenti l'étreinte de la famine savent combien affreuse est cette calamité
pour toute une ville.
Or, règle générale, dans ces malheurs publics, c'est l'ouvrier qui souffre
davantage. Privé de ressources, sans appui, sans influence, livré non
préparé à la merci des événements, on le voit se traîner misérablement
et les cris plaintifs de ses enfants qui demandent du pain lui fendent
l'âme. Un irlandais émigré, me racontait un jour les larmes aux yeux,
que lors de la lamentable famine de 1847, en Irlande, deux de ses jeunes
sœurs étaient mortes de faim sous ses yeux !
Et pourtant, Messieurs, quelque poignante que soit la réalité de ces
mallieurs, je ne crains pas de dire que l'absence du Pain de Vie, promis
et donné ])ar le Sauveur, est plus lamentable que la plus impitoyable
famine.
Le monde sans la communion c'est la vallée de la mort décrite par le
prophète Ezcchiel et des siècles de paganisme nous en donnent la preuve.
Et quand une race a perdu le goût du Pain de Vie, elle ne peut plus
donner de Saints au monde.
En effet tout dans la vie spirituelle dont l'essence est la lutte, tout
contribue à jeter l'âme dans la lassitude, l'épuisement, la famine et la
mort: Eévoltes intérieures, tentations du dehors, anxiétés de l'existence
pour soi et les siens, injustices humaines, absence de charité, besoin de
sympathie et de compassion, besoin insondable d'aimer et d'être aimé,
maladies du corps, épouvantements de la mort, l'homme se sentirait en-
traîné vers les abîmes du désespoir et du péché sans espérance de se
relever.
Seule une nourriture préparée de la main d'un Dieu peut faire de cet
autre demi-Dieu tombé, un héros, qui, non seulement se souvient des
cieux mais le gagne avec le pain des Forts à la sueur de son front.
Encore une fois je vous le demande, qui plus que l'ouvrier sous le coup
des misères humaines passe par cette déperdition de forces, qui plus
que lui porte le poids du jour ? Qui moins que lui jouit du fruit de
ses travaux ?
La religion catholique, il est vrai, donne à l'homme mille manières
de se relever, de se fortifier et de se purifier: Aux uns, c'est l'aumône
vensée au sein des pauvres, aux autres, c'est le jeûne et la mortification;
ceux-ci entreprennent de longs et coûteux pèlerinages, ceux-là se plaisent
à élever à Dieu des temples magnifiques; le prêtre et le religieux ont
l'abondance de la prière et des œuvres charitables en partage. Hélas !
le?^ difficultés croissantes de la vie rendent ces dévotions sublimes et
conteuses, difficiles, impossibles à l'ouvrier.
(^le lui rcslcra-t-il donc alors ha})ituell(>mont pour reposer son âme,
épancher son cruur, réprimci- ses sens, réparer les mille brèches faites à
— 861 —
sa vie spirituelle sinon le pain quotidien du elirétien: le corps, le sang,
Tâme et la divinité de Xotre-Seigaeur Jésus.
Presque tous les jours, s'il le veut, à des messes matinales, il va dans
la maiso:i de son Père céleste, demander la nourriture de son âme; car
le tabernacle n'est-il pas, selon l'énergique expression du curé d'Ars,
le garde-manger du chrétien ? La Table Sainte, c'est le Banquet Sacré
où le peuple coudoie le riche sans honte, c'est là que toutes les races se
rencontrent et se pardonnent, c'est la fusion dans la charité la plus
intense.
Mangez et buvez, ceci est ma chair, ceci est mon sang, vous qui souffrez
et pleurez ce n'est pas seulement au pied de la croix que je vous convie,
c'est vous en moi et moi en vous, c'est le suprême consolateur qui vient
vous visiter dans la suprême consolation et vous sortirez de ma maison
de prière, forts comme des lions et purs comme des anges.
Et c'est ainsi que la communion fréquente s'impose aux masses po-
pulaires.
Oui, si dans la famille c'est l'homme qui travaille le plus, mange le
plus et si personne ne reproche à celui qui gagne le pain de ses enfants
le fort appétit qui lui fait honneur, pourquoi donc dans l'ordre surna-
turel, celui qui peine le plus n'irait pas s'asseoir plus souvent au Banquei
Eucharisticiue et manger à son appétit.
Grâces à Dieu, depuis les appels chaleureux faits à ses enfants par la
Sainte Eglise et dernièrement encore par le Pontife à l'âme ardente,
l'immortel Pie X, le monde entier a compris la nt^îessité de l'Eucha-
ristie dans la vie quotidienne.
Dans les grandes villes d'Europe des centaines et des centaines d'ou-
vriers s'approchent fréquemment de la Table Sainte et il est facile de
faire la comparaison entre eux et ceux qui s'en éloignent.
Qu'il est beau de voir de grand matin cette jeunesse des usines et des
ateliers venir communier avant de passer par la fournaise ardente" du
ridicule, des quolibets, des blasphèmes et des persécutions mesquines;
et ces ouvrières, (lui le dimanche, malgré le jeûne prolongé et la chaleur
du jour, viennent quand même communier à la messe d'une heure de
l'après-midi.
Salut aussi en passant à ces soldats qui profitant de leur vingt-<juatre
heures de congé ])assent la nuit d'adoration à la Basili<iue de ^lontmartre
et communient avant de reprendre leur service. Que dire des jeunes
enfants du peuple qui affrontent jusqu'à la colère de leur famille sans
Dieu, pour aller recevoir le Divin Maître ?
Mouvement grandiose accentué encore par des pèlerinages d'hommes
dans des sanctuaires où la communion est la douce et première récom-
pense des fatigues endurées; retraites fermées dans lestjuelles l'ouvrier
et l'homme d'affaires peuvent jouir plus tranquillement encore des dou-
ceurs d'une bonne communion.
Voilà. Mopsiours, ce que j'ai constaté à l'étranger, en .\llemagne, en
Belgifiue comme en France et l'héroïsme pratiqué en certaines occasions
me ferait presque demander pour ceux qui s'émancipent <le notre reli-
gion, un peu de cette persécution qui fait des héros, comme autrefois
elle fiiisiiit dos martvrs.
— 862— •
Kt cependant ne rono-issDiis pas du mouvement commencé dans notre
chère patrie, il est difriio, prospère et entraînant.
Je me souviens parfaitement qu'il y a trente-cinq ans on voyait aux
irrandes fêtes seulement les honimes s'approcher de la Sainte Table;
fa communion des enfants était rare et les parents n'étaient pas préoc-
cupés de cela ])endant leurs vacances.
Les temps sont heureusement changés: Dès le matin, à l'ouverture de
nos églises, des hommes viennent sur semaine, demander le pain des
forts Tuotre jeunesse s'est aussi réveillée sur ce point et de sa propre
initiative s'approche des sacrements. Nous prêtres nous savons quel
i-ôle important remplissent les dévotions du premier vendredi de chaque
mois et combien cette semaine entière est une semaine de communion
paroissiale. Ce sont là des faits acquis à la dévotion Eucharistique de
notre Patrie.
Ce courant nous a donc saisis comme le reste de la chrétienté, nous
V sommes entraînés et le sang d'un Dieu fait de plus en plus de notrs
race un peuple dont le sang sera tellement divinisé, qu'il faudra ainsi
que pour la France des siècles de persécutions avant de le refroidir dans
son zèle et son esprit de sacrifice.
Et vous êtes ici pré-ents, pères de famille, ouvriers chrétiens, pour
accélérer ce grand uiouvement et le rendre encore plus puissant par des
résolutions pratiques. Ville-Marie ressemble en ce moment à un im-
mense autel que tout un peuple, comme pour l'Arche d'autrefois, veut
porter en triomphe, et si ce fut un trait de génie de la part de la Pa-
])auté de transformer le Panthéon en un temple chrétien et d'un geste
su'linie de le pi'ésenter au ciel avec les hommages de tous les saints et
de tous les martyrs, c'est un beau geste aussi, Monseigneur, que celui
qui fait de notre cité un reposoir et du Mont-Eoyal un piédestal pour le
Très Saint-Sacrement.
Et puis, enfin, j'admire encore un autre fait merveilleux capable d'ex-
citer la dévotion des masses: C'est bien la Vierge-Marie qui apparait
à Bernadelt'.', Marie qui demande des prières, Marie qui fait des mi-
racles et attire des foules, mais une fois les pèlerinages organisés, la dé-
votion du Sanctuaire de Lourdes popularisée, la Peine du Ciel en fait
])onunage à son Divin Fils; la procession du Très Saint-Sacrement est'
établie, Jésus-Hostie a sa marche triomphale de soixante mille hommes
et désormais c'est moins à la Grotte que sur son passage que les miracles
se font, la Mère a préparé les triomphes du Fils.
.Ainsi M. do Maisonneuvc fonde Ville-Marie, la Vierge en accepte
l'hommage, elle en suit toutes les péripéties, sa figure souriante illumine
chaque page de son histoire, sa main puissante la protège contre l'Iro-
qnois et contre l'Amrlais dévastateur. Plus tard elle lui garde la foi,
\n [tiété et la liberté religieuse, elle lui donne en plus une prospérité
que les villes fondées au Canada avant 1642 n'ont pas ])u encore atteindre
et lorsfpi'cnfin c'est une cité de plus de cinq cent mille âmes, elle se
tourne vers son adorable Fils et elle lui dit: Elle est à toi!!
Oui marche demain dans un cortège triomphal et sans pareil, passe
dans ces mes qui retentissent de VHomnna Filio David. J'ai préparé
ton règne dans les cœurs, ils ont faim et soif de ta chair et de ton
sang et si ma ville df prédilection est devenue un sanctuaire, mes en-
— SG3 —
fants sont les tal)cTn;.cles vivants de ta Divinité. c"est le jour de ton
triomphe après tant de Gethsémanie, après le Calvaire. C'est la mon-
tagne de la transfiguration j)Our ce peuple du Canada en t|ui tu a? mis
toutes tes complaisiinces.
Donc en terminant, j'émets le voeu, que de plus en plus nos ouvrier'^
assistent sur semfdne aux messes matinales pour // communier et que
dans les réunions d'hommes, sociétés et autres, les clKi/iclains et aumô-
niers fassent de fréquents appels à la Communion: pain de l'ouvrier.
LES RETRAITES FERMEES
Par le Eév. P. Jacques Dugas. Directeur des retraites fermées.
Monseigneur, Messieirs,
Avant 1909, cette œuvre providentielle entre toutes, qui a opéré tanr
de bien en Eurojje au seizième et au dix-septième siècle, qui a conservé
à la Bretagne le ferveur de sa foi, qui a sauvé de nos jours la catholiqu»?
Belgique, qui va sauver la douce Fiance, que tous les connaisseurs
d'œuvres, évêques, prêtres, religieux de tout ordre, laïques de toutes
conditions, s'accordent à louer comme une pépinière de saints, le foyer
par excellence de l'apostolat social catholique, l'école de guerre pour les
hommes d'œuvres et les catholifpies militants, l'œuvre des retraites fer-
mées, était inconnue au milieu de nous.
Pour nous la faire connaître et apprécier, pour l'introduire au pays,
Dieu se servit d'un jeune religieux de la Compagnie de Jésus, le Père
Joseph P. Arclunnhault.
Il y a juste un an, ce jeune Père, après avoir pul)lié ])lusieurs articles
dans le " Semeur," donné plusieurs conférences dans différents cercles de
r.V. C. J. C. et organisé pour la jeunesse catholifjue de ^fontréal et de
QuéI)Oc les trois première^ retraites fermées au Canadîi. ])ul»liiiit. avc^
r;ipprol)ation du délégué a|)ost<ili(iue et de tous les évêipies canadiens-
français, son Qpusculc " T/(cuvre qui nous sauvera." Les soixante ec
(iuinze pages de ce petit livre méritèrent même à l'auteur les félicitations
de Pie X. Lisez-les et faites les lire.
.Vu mois de déicnilire dernier, le premier c ongrès des T igues du Sacré-
Cœur offrit il l'auteur rie ces i)ages une l elle occasion d'exposer aux cinq
cents directeurs et chefs de groui>e> réunis dans le soulia-^sriuent de
TTiMiitaculée Concet)tion les bimfaits de l'œuvre. Sfi Grandeur ^^;,M•
Pnichési appuya très fort sur le caractère providentiel des retraites fer-
mées, loua en termes très paternels leur jeune initiateur au C'nnnda. et
l'iissura que l'œuvre avilit son entière approbation et ses meilleures béné-
dictions.
Dans son rapport même, le jeune conférencier annonçait la fonnation
d'un comité des retraites. Ce (omit'' ('«Vida d'acce|iter. jour cette ;innée.
l'offre des l.'R. VV. .lésuites de prêter la villa T.a Bro<nierie de Buucher-
— 864 —
ville connue ^berceau de nos retraites. Il s'occupa aussi de trouver les
fonds nécessaires pour transformer le vieux manoir seigneurial et le
cottage adjacent en un nouveau Cénacle. Les membres du Comité se
taxèrent les premiers ; deux personnes charitables donnèrent chacune une
aumône très généreuse, plusieurs autres, parmi lesquels je dois remercier
particulièrement les messieurs du séminaire de Saint-Sulpice, la Eévé-
rende Mère générale des Sœurs de Sainte Anne, ainsi que les recteurs
et supérieurs des différentes maisons de la Compagnie de Jésus, répon-
dirent à l'appel du comité par de précieuses largesses.
La Broquerie rajeunit sous les coups des pinceaux, transforma ses
trop 7nodestes cellules et reçut tout un mobilier nouveau.
Déjà onze retraites fermées ont eu lieu dans ces vieux murs élevés
en 1668 par le grand chrétien que fut le Sieur Boucher, fondateur de
Bouchenàlle. Onze groupes différents : médecins de la promotion de
1910; prêtres directeurs des Ligues du Sacré-Cœur; chefs de groupes;
Association Catholique de la Jeunesse Canadienne-française; ouvriers,
avocats et notaires ; présidents des conférences de saint Vincent de Paul ;
retraite générale pour médecins ; industriels, marchands et hommes d'af-
faires, jeunes gens sont venus prier là où la V. Marguerite Bourgeois fit
jadis l'école, le P. Jacques Marquette baptisa une petite indienne et Mgr
Taché passa sa jeunesse.
La discrétion me défend de publier les actes édifiants des cent cin-
quante et plus retraitants de Boucherville. Je n'ose dire par exemple,
combien de fois, visitant de cellule en cellule ces nouveaux solitaires, 3e
les trouvai baignés de larmes au pied du crucifix, combien de fois, le
président de la prière fut obligé de passer le livre à son voisin à cause
de Téniotion qui le gagnait, voire même le lecteur à table d'une biogra-
phie trop touchante; combien de fois j'ai admiré ces jeunes gens, ces
hommes d'affaires ou de professions libérales, habitués à la vie la plus
active sinon plus tapageuse, qui s'astreignaient au silence le plus strict.
Dieu seul connaît toutes les grâces dont il a récompensé tant de piété
et de générosité.
Pourtant les passagers du Boucherville ne peuvent s'empêcher de
remarquer la joie débordante qui rayonne sur toutes ces figures de retrai-
tants et ils se demandent, comme les amis et les proches de nos nou-
veaux Paul, quels charmes ou quelle magie les pères jésuites emploient
pour transformer ainsi des âmes de tout âge et de tout rang.
Ces charmes, Messieurs, sont ceux des vérités éternelles, cette magie
est celle des Exercices de saint Ignace. Ces charmes et cette magie,
charmes et magie du silence et de la solitude mêmes.
J'avoue ingénuement, quant à moi, que cette efficacité magique de3
retraites pour former " des catholiques généreux et intrépides dans la
défense de la religion" (Card. Merry del Val) ne m'étonne aucunement.
Un instant de réflexion me suffit pour trouver ces conversions du mal
au bien, et du })ien au mieux, ces transformations de pécheurs en saints,
toutes naturelles.
Pour moi, rien de plus naturel au monde qu'un chrétien, qui entra
dans la retraite avec un grand cœur et une grande générosité envers son
Créateur et qui cherche avec bonne volonté le fruit propre à chaqu-:;
exercice, comme si tout le bien de sa retraite dépendait de ce seul exer-
— 86.") —
cice, trouve clans sa solitude d'abord un purgatoire d'amour où il se pu-
rifie et se dégage non seulement de ses péc-hés, mais de toutes ses atîec-
tions désordonnées, puis un séjour de lumière, puis enlin d'union et de
transformation. Les grandes et fondamentales méditations de la tin de
l'homme, de l'indilTérence, des péchés, de l'enfer et de la mort, surtou'
présentées dans Tordre ignatien, ne peuvent pas ne pas purifier une àrm
qui s'y livre tout entière. . . D'autre part, les contemplations du Règne
de Jésus-Christ, de sa vie, de ses souffrances, de sa gloire et de son
amour, ont plus d'efficacité encore pour éclairer, fortifier et embraser,
que les premières n'en ont eu pour purifier.
^ Aussi bien. Messieurs, depuis la Rédemption, depuis que le Verb-^
s'est levé sur noti:e pauvre terre pour être notre lumière et notre vie,
depuis que le sang du Fils de Dieu a coulé sur la croix et inondé l?
monde, ne vivons-nous pas au milieu d'un océan de grâces '' peîagus f/ra-
tianim" (Clément d'Alexandrie)? N'est-ce pas par amour pour nous
que Xotre-Seigneur Jésus-Christ est présent au tabernacle, et les mains
pleines des dons de sa miséricohdo, toujoui-s prêt à les répandre sur nous/
Si le jansénisme nous avait fait oublier ces vérités, la dévotion au Sacré-
Cœur ne nous les a-t-elle pas conmie révélées de nouveau ? Le Dieu
qui nous aiiue jusq\i'à demeurer pour nous sous les voiles eucharistiques
et avec- <|ui nos ictraitnnts viennent passer trcis jouiïi (omplcts. — " A'enez
avec moi dans la solitude et rej)osez-vous un peu '' — ce Dieu, dis-je, com-
ment ne leur ferait-il pas à eux surtout, selon sa ])romesse, trouver dans
son cœur un océan infini de miséricorde ? S'il est bon pour tous ceux
qui espèrent en Lui. pour toute jîme qui le cherche, pourrait-îl n'être
pas bon ))our ces co'urs généreux qui ([uittent tout ]iour venir Le trouver
à l'écart et puiser dans ses plaies les eaux de la vie éternelle ?
Cessons de nous étonner et remercions le Sacré-C«rur de uoiis avoir
découvert un pareil moven de sanctification et de salut.
Je réfute une objection et je femiinc.
"Très bien, très bien les retraites fermées! mais pourvu (|u'elles ne
viennent pas en conflit avec les missions ou retraites ))aroissialcs."
Je réponds que les deux œuvres sont tellement distinctes par leur
nat\ire même. — une mission n'est pas une retraite " A mission is uot
a retreaf '' ''Mgr Farley au P. Shealey). — et surtout par leur b\it,
qu'elles no peuvent pas plu- se nuire que le courant du fleuve Congo no
peut arrêter celui du Saint-Laurent.
Ecoutez ^fgr l'évêque de T>iège. La (itation n'est pas très longue, et
elle vient si à propos.
" 11 faut nous en convaincre tous: pour ramener A l'Ecrlise les indiffé-
rents et \i'< éirarés, le prêtre a besoin do s'adjoindre des coopérateurs
laïques. C'est une fornu' d'apostolat que justifient et qu'imposent lo<«
conditions sociales où nous vivons, et au-si l'a-harnement des sectes A
propager le mal. Parce qu'ils porteront 1(> même habit <|ue le jieunlo
et lui j)aileront sa lancruo. ces propagandistes d»i bien iront, par l'action
personnelle d'homme A hoin"ie. semer li Pxmno Nouvelle dans des n)i-
iieux devenus pour nous, hélas! A peu près inaccessibles.
"Or, préparer pour iU)S (ouvres et nos [)aroisses <•«• noyau ib* zélafour^
et d*apr)tres laïques, tel e-t l'objet propre do la retraite fermée. Nos
paroissiens sortent do la pieuse solitude plus convaincus et tout pr?t«
28
— 866 —
à faire partager à d'autres le bonheur d'une vie chrétienne renouvelée."
Et le prélat ajoute: "Ces fruits de la retraite fermée distinguent
suftisamnient cette œuvre de l'œuvre également louable et salutaire des
missions paroissiales et prédications similaires. Ces ministères ne peu-
vent que se compléter l'un l'autre; et souvent la retraite fermée, fait»
par quelques paroissiens choisis, sera la préparation la plus eflicace à la
mission."
Messeigneurs les évêques. Messieurs les curés et Messieurs les vicaires,
des coopérateurs laïques, des propagandistes du bien, des zélateurs et des
apôtres laïques qui porteront la Bonne Nouvelle dans des milieux de-
venus pour vous, hélas ! à peu près inaccessibles, voilà ce que nous vou-
lons vous donner, à vous nos pères bien-aimés, à vous nos frères dans
le sacerdoce, ou plutôt à la sainte Eglise notre mère, à notre Koi étemel
Jésus-Christ.
Ces coopérateurs laïques, ces propagandistes du bien, ces zélateurs et
ces apôtres laïques, ce ne sont pas les missions, mais les retraites fer-
mées qui vous les donneront, qui vous les formeront.
Elles ont déjà commencé à vous en forger une couple de cents. Elles
sont déjà dans la Nouvelle France, comme dans l'ancienne, des pépi-
nières d'apôtres, des centres et des foyers de régénération religieuse et
sociale.
Aidez-nous, Messeigneurs, Messieurs du Clergé, catholiques fidèles, à
établir ces foyers et fournissez-nous des retraitants.
Aidez-nous de vos deniers, vous que Dieu a faits riches des biens de
la terre, afin que nous bâtissions bientôt grand et solide ; aidez-nous tous
en vous faisant les recruteurs de nos retraites.
— 867 —
CHAPTER IV
ENGLISH SECTION
Thursday, September 8tli.
GENERAL MEETINGS.
THE HOLY EUCHARIST AND MODERN UNBELIEF.
BY
RIGHT REVEREND BISHOP McDONALD
Victoria, B.C.
THE subject assignée! to me is " The Holy Eucharist and Modem Un-
belief." The Holy Eucharist is a sacrifice as well as a sacrament;
primarily, it is a sacrifice. Modem Unbelief, like ohltime unbelief, niay
be classed as absolute and relative, — relative, tliat is, to the mystery of the
Eucharist. With this latter form of unbelief alone \ve are concerned,
and I am going to consider it only as it relates to the Eucharist in its
sacrilicial aspect.
A large body of professing Christians, taking their stand especially
on the Epistle to the Hebrews, maintain that the Holy Eucharist is not
a sacrifice. They reject the Mass, as their fathers in this fonn of un-
belief first rejected it sonie four hundrcd vears ago. Thev lay stress on
the words of ^he Apostles that " Christ was offered once " (Heb. 9 : 28),
and " offering one sacrifice for sins, for ever sitteth on the right hand
of fiod, from henocforth expecting, until His enemies be inade His
footstool. For bv one ohlation He hath perfcctod for ever then» that
are sanctified." (Ib. 10: 13, 14). On thèse and like passages on this
Epistle they build their déniai of the Holy Mass.
It is not iny purpose to dwcU upon the Scriptural proof of tlu- Eu-
charistie Sacrifice. It lies in ail the nianuals of Catholic Theology, and
— 868 —
he who i-iiiis may road. My purpose, rather, is to show not only that
Catholic belicf règarding the Eudiaristic Sacrifice is consonant with the
doctrine of the One Offering as laid down in the Epistle to the Hebrews,
but that the Eudiaristic Sacrifice is no other than the One Offering con-
sununated by Christ on Calvary.
Sacrifice is the suprême act of external worship. From the cradle of
the race it was oiïered to God, but not till the time of Moses did God
TTimself give Ilis chosen people the law and ritual first in tent and
tabernacle, and later in the temple, till the new convenant with the new
people of God came into force.
St. Paul ex.pressly tells us that the sacrifices ofïered by the Jewish
priests were the types and shadow of the heavenly things (Heb. 8; 5),
and that the law had the shadow of the good things to corne (Ib. 10; 1),
that is, of the one perfect and external Sacrifice that was offered by
Christ, together with the sacraments that drew their virtue from it. Be-
tween the sacrifices of the Old Law and the One Sacrifice of the New
there is the express relation of type and antitype. So the Christian
Church bas always understood. Thus St. Augustin déclares that " God
clearly foretold by the mouths of the Hebrew prophets that there should
bc an end of the sacrifices which the Jews offered to shadow forth the
the one that was to be, and that this One Sacrifice the Gentiles should
offer from the rising of the sun to its going down '' (De Civ. Dei, I. 20,
c. 23, n. 5) ; and again that " the former sacrifices of whatever kind were
figures of that which the faithful know in the Church " (Cont. Adv. Leg.
et Troph., T. T., c. 18). So, too, the Council of Trent teaches that the
Eucharist Sacrifice " was prefigured by the various tyipical sacrifices
of the law and of the time before the law " fSess. xxi. De Sacrif. Mis-
sae, c. I). The grcat bulk of those typical offe rings, it is to be observed,
wero niado in the blood of animais, and cxpresslv shadowed forth the
bloody immolation on Calvarv.
I bave said that (Jod llimsolf commandcd the ]ieo])le of old to ofïer
sacrifices, and that TTe prescribed the rites. Thèse are contained in the
Book of Leviticus. In the ritual directions there given, fbur things
siand out prominciilly : (1) the offerina; and consécration of the living
victim : (2) tlu» immolation or sacrifieial slaying of the victim ; (3) the
offering or handling over to God of the victim slain, by the sprinkling or
pouriii" out of it.s blood round the altar or the consuming of its flesh
bv firo; ( \) the sacrifieial meal, or foast npon the sacrifice. The first
offering of the victim was made al the door of the tabernacle by the
owner of the animal, or by the priest, who laid his hand upon the
animaTs hcad. Tn the case of sin-offerino-s, the animal was slain by
the sinnor for whom the victim was offered. The second offering, that
is to say, the offering of the victim as slain, was always made bv the
priest. We tlius see that the law of sacrifice, as laid down by God Him-
self, rofjuires that the twofold offering of the victim, namely, the one
l»off)re, the one after the immolai ion, should be, like the immolation,
external atul sensible. And Ibis re(|uir(!ment is rooted in the very nature
of sacrifice as an act of external worsliip.
— 800 —
So nuich lor tlie type : let us now conio to tlu' amity|)e. An<l Ici iià
not for^ret that it was He wlio gave tlie law of saeritice to tlie Hel)re\v
people who was afterwards found in fasltion as a niaii aiul i'ultilled ihe
law by tlic offerino: of Ilimself as a raiisom for inany. At tlie very mo-
nient of the Inearnation Ile made internai olîeiing of His .Sacrifiée, as
it is written: " Sacrifice and oblation thon wouldst not, but a body tbou
hast fitted to me, then said : Behold I am conie : iu tlie bead of tbe book it
is written of me: tliat I sbould do Tliy will, 0 God." (Heb. 10. ô.) When
and where did Ile make the external and strietly sacrificial ofîering of
it? When his hour was come. On the eve of the Passion, when Ile
reclined at table with the Twelve, He cousecrated Himself a Victim for
the Sacrifice, saying: '' This is My body which is given for ^•()U ; " "■ this
is My blood which is shed ont for you." The Greek tense of both cases is
the présent, but the action looks onward to the morrow's immolation on
Calvary. So the Vulgate in the second case has the future; and so tlie
doing again of the same thing that Christ did is declared by St. Paul to
the " the showing fortli of the Lord's deatli till He corne."'
That the external ofFering of the One Sacrifice of the Xew Law was
made at the last Supper foUows froni the fact that it was made no-
where else; not before then, for the time to ofîer the Sacrifice was not
come; not after, for there is nothing that resembles it in any of the
events that followed in the course of Our Lord's Passion, and the cruci-
fixion was the immolation of the Yictim, not the external ofîering.
Xeither is there aught in ail that the Divine Victim said or did on the
cross which can be construed as an external offering, or at ail corres-
ponds to the cérémonial ofîering and consécration of the living victim
in the Old Law. We must, therefore, conclude that the consécration of
His Body and Blood, which our Divine Lord made at the Last Supper,
was the external ofîering of His Sacrifice, and is to be reckoned as con-
stituting with the bloody immolation on Canvary the One Sacrifice of
the New Law. Thus does the antitype correspond to its type, for Our
Lord wa.-: at once the owner of the Victim ofîered, which was His own
Body, and tbe Priest of the Sacrifice, also; the sinner slow tb»- A'ictiiii,
the Priest ofîered the Sacrifice.
Consider, moreover, that our Divine Lord offered His One Sacrifice
as Priest fo rêver after the order of Melchisedec, for so the Apostle ex-
pressly déclares. Introducing Our Ix)rd as Priest forever after the
order of Mechisedec, he goes right on to .speak of ilis '' one ofîeiiiig,"'
which is that on Calvary, giving lis to understand that the Melchisedec
type of sacrifice was fulfilled in tlie oblation that was consumniated on
the cross. He thus identifies the Eucharistie Sacrifice with that of Cal-
vary, which is what we sbould expect; for the Eucharistie Sacrifice,
though after the Melchisedec type in the fomi of its ofîering, was fin-
ished on Calvary. and was made a sacrifice by the death of the A'ictiin
on the cross. Clirist's one oidation gets its title of Eucharistie from the
form of its ofîering, its nanie of the Sacrifice of Calvary from the place
of its consummation. Were the Eucharistie Sacrifi<e otlier than that
of Calvary, a distinct oblation containiiig witliin itscif ail thr cicments
of a real sacrifice, the Apostle could not bave associated, as he dues, tlie
— sro —
eterual priesthood after the order of Melchisedec with the bloody immo-
lation ou Calvary; nor could the Christian Church hâve traced, as she
has ever donc, lier Sacrifice to Calvary, but rather to the Cénacle, and
only to tlie Cénacle.
Let us look a little deeper into this matter. The very notion of sa-
crifice involves two things, priest and victim. Our Lord is at once the
Priest and Victim of His Sacrifice. As Priest, He offers Himself ; as
Victim, He is olîered and immolated. We thus fiud in His Sacrifice, as
in every sacrifice, an active and a passive élément. But it is the active
élément, or action of the priest, that gives its spécifie character to
sacrifice. That is which transforms what would be in itself but the
slaying oî an animal into the suprême act of religious vs^orship. Where,
then, did the action of Christ's Sacrifice hâve place? At the Last
Supper, and only at the Last Supper. Whether the bloody immolation
on Calvary would hâve been by itself and in itself a true sacrifice, I mean
independently of what took place at the Last Supper, is, for us, a purely
académie question. We are concerned with what actually happened, and
what actually happenned was this : Jesus-Christ instituted in due ritual
form His Sacrifice at the Last Supper, and took measures to perpetuate
the institution. There He made the sacrificial ofîering of His Body and
Blood; there He bore the part of Priest forever according to the order
of Melcliisedec, the word " order " being taken in its full and formai
sensé to signify both dignity and rite; there He appointed men to do
that same thing which He did, for a mémorial of Him. Then, the rite
being donc and over, laying aside His priestly dignity, He Avent forth
in His character of predestined Victim, suffered Himself to be led as a
lamb to the slaughter, and so finished on Calvary what was begun in the
upper room. He offered as Priest, and Priest forever after the order of
Melchisedec ; He suffered as Victim, as the lamb that was " slain from
the foundation of the world." He was not yet actually Victim when He
made the offering; He was less than Priest, yea, in the words of the
Prophet, '"' a worm and no man," when he finished the Sacrifice. True,
He was Priest on Calvary and Victim in the upper room, but in a ma-
terial ratber than formai, in a virtual rather than actual sensé. To
speak of what was uppermost in each case, He was Priest in the Cénacle
and Victim on Calvary. Therefore He offered His Sacrifice truly and
literally a.? Priest forever according to the order of Melchisedec. We
may not divorce the action of the Last Supper from the Passion and
Death which followed in virtue of it, that is to say, in virtue of the volun-
tary and visible offering of Himself as Victim to be slain for sinners
and by sinners, which our Saviour there made, for that His hour was
corne. What God hath joined togethcr let no man put asunder.
The most striking figure of Christ's Sacrifice in the olden time was
the Pasch or Passover. Our Divine Lord first kept the Jewish Pasch
the ovoning before He suffered, and then instituted His own. Like the
other ritual sacrifices of the Old Law, the Passover included as an in-
tégral part of the rite, the eating of the flesh of the victim, in the feast
iipon the sacrifice. The lamb was offered and slain, and its flesh was
eatcn with unleavened bread. Tlie relation af type and antitype be-
— sri —
tween it and the Christian Passover requires that tlio like sliould hâve
place also in tho latter. Therefore, the Supper iormed an intégral part
of the Christian Passover, and the oitering and célébration of the Body
and Blood of the Victini, which took place at the Supper, an essential
part of it as a ritual oblation, and the immolation on the cross an essen-
tial part of it as a true and real sacrifice. " For Christ our Pasch is
»lain," déclares the Apostle. It was no mystic nor moral slawing that
made the Christian Passover a true and real and visible sacrifice of the
Jewish Passover. The real death of Christ upon the cross must be
counted in with the offering and consécration ol" Ilis Body and Blood
at the Last Supper to make the Christian Pash a real sacrifice, just as
the real eating of the Victim under the fomi of unlea\'ened bread must
be counted in to make a real feast upon that sacrifice. Therefore, not
the Last Supper alone is the first Christian Passover, for the lamb is
not yet slain ; nor Calvary alone, for the lamb there slain is not there
offered up with befitting rites, nor given as food under the fomi of iin-
leavened bread; but the Last Supper together with Calvary is the first
Christian Passover. Mère figurative or mystic slaying no more makes
the Christian Passover a real sacrifice than mère figurative or mystic
eating of the lamb makes a real feast upon that sacrifice. Therefore,
every subséquent Christian Passover corresponding to the commemor-
ative Passover of the Jews, since it is by Christ's institution the contin-
uing of what was donc once for ail, must reproduce the moment of Cal-
rary as well as ot the moment of the T^ast Supper, which, because of the
oneuess of the sacrificial action, and the casual connection betwecn
action and passion, are so linked together as to form not two moments
but one onlv.
We are now in a position to see how the Sacrifice that is offered in the
Church from the rising of the sun till its going down is essentially one
and the same with that which our High Priest first offered by Himself,
what time He trod the winepress alone. That they are essentially one
and the same, and differ onlv in the manner of ofterinii, is the faith of
the Church defined at Trent. Sacrifice in the formai sensé, as I hâve
pointed out, is an action — the action of the priest who consc<rates and
offers visibly. Our Lord consecrated and offered Himself at the I^ast
Supper a Victim to be slain : He now consecrates and offers Himself by
the hand- of His Priest as the Victim once slain ; and so the manner of
offering differs. But the offering itself, the act of consécration, is
numerically the same in both, and so the Sacrifice remains numerically
one and the same. Franzelin cites Card. Cienfuegos as affirming that
the sacrificial act on the cross and on ail the altars is numerically one.
It is still Christ who consecrates, for He is the High Priest of tho Mass;
the ministering priest does but lend his hands and voice. Nor is it by
virtue of the new action that Clirist consecrates. but by virtuo of the
action once for ail performed in the upper room. The act of the Ktenuil
is, like Himself, eternal, and has everlasting efficacy. Christ's action
instituted the Sacrifice; Christ's action perpétuâtes the Sacrifice. The
word (hoc est corpus meum), says St. John Chrysostom, "once spokon.
O i li
from that time to the présent arnd unto His coming perfects thc Sacri-
fice on e\erv altar,*' (ITom. in Prod. Judae, I. 6).
Ah ! words of tlie olden Thursdaj' !
Ye eorae from the far away !
Ye bring us the Friday's Victim
In liis own love's oklen way.
In the hand of the Priest at the altar
His heart fînds a home cach dav.
(Father P3'an.)
The 'Word of God spoke at the lirst institution of things, and things
came into being, and tlie universe continues to be by virtue of the Word.
The Word of God spoke at the institution of our Sacrifice, and the Sacri-
fice came into being, and the Sacrifice continues to be by virtue of the
Word. And so tlie Holy Mass prolongs forever, and présents daily on
every altar from the rising to the setting of the sun, both the Sacrifice of
Calvary and the feast upon the Sacrifice. Therefore the doctrine of the
One Ofïering, as laid down in the Epistle to the Hebrews, stands firm
on the foundation which Christ Himself laid for it in the Last Supper.
He is Priest forever after the order of Melchisedec, forever olîering His
sacrifice under the form of bread and wine upon our altars. " The Sa-
crifice which is ofiered daily in the Church," says St. Thomas of Aquin,
" is not other than the sacrifice which Christ Himself ofîered " (3a. q.
22, a. 3, .id 2). And even more plainly for the same purpose, Peter the
Vénérable : " It is not that a différent sacrifice is ofîered now from that
which then was ofîered, but that whereof it is said, Christ was ofl^ered
once (Heb. 9 :28), He left to His Church evermore to be ofîered up "
(Migne, P.L., lom. 179, p. 198). This is the unchanging faith of the
Church, though it has been somewhat obscured in some minds by the
mists of fheological spéculation. Let me cite two passages, one from
(Jardinai Xewman, another from Cardinal Manning, which witness to
this unchanging faith :
" Such a sacrifice," writes the former, in his Méditations on Christian
Doctrine, " was not to be forgotten. It was not to be — it could not be
— a mère event in the workl's history, which was to be donc and over
and was to pass away except in its obscure, unrecognized effects. If
that grcat deed was what we expect it to be, what we know it is, it niust
rcmain présent, thougii past; it must be a standing fact for ail time.
Yes, my Lord, ihough Thou hast left the world, Thou are dailv ofîered
up in the Mass " (Ed. of 1893, p. 40G). Cardinal Manning's testimony
is even more explicit and himinous: " When (Christ) said," he Avrites,
"'This is My body" and 'This is My blood,' He instituted the Holy
Sacrifice; and when He sain, 'Do this in commémoration of Me,' He
fonsecrated His Apf.stics to be Priests, to ofîer forever that same sacri-
fice of Himsr-lf. 'JMicrcfore, what the Church ofîers day by day is the
continuance of that same divine act which Jésus at that hour began. It
is nothing new, notliing distinct from it, notJiing added to it, for in it-
self it was perfect — a Divine Sacrifice admitting of no addition. The
'y. y.
H -:
tî3 tn
?c ;::
( O —
Sacrifice of thc altar is tlio saine Sacrifice adniittino: of no addition. The
Sacrifice of the altar is the sanie Sacrifice prolonged t'orever. Ile olîered
Himself then by His own hands ; He oft'ers Himself now In- the hands
of His priesthood. There is donv no shedding of blood — that was
accomplisiied once for ail on Calvary. The action of the Last Supper
looked oiiward to that action of Calvary, as the action of the Iloly Mass
looks backward upon it. As the shadow is cast by tlie rising sun towards
the West, and as the shadow is cast by setting sun towards the East, so
the Holy Mass is, I inay say, the shadow of Calvary, but it is also die
reality. That which was done in the Paschal Supper in the guest-
chamber, and that which is done on the altar in the Holy Mass, is one
and the saine act — the ofCering of Jésus Christ Himself, the, true
proper, propitiatorv and onlv Sacrifice for the sin of the world " (The
Glories of the Sacred Heart; The Last Will of the Sacred Heart.)
Let me close with an extract from what I hâve written elsewhere:
" The Blood of Christ is the Price of our Ransam. That Blood He shed
on Calvary and thereby obtained eternal rédemption. Our ransom was
then wrought, but the price was not yet paid over, so to say, and accept-
ed with ail the requisite légal formalities. This is now being done both
hère on earth and in Heaven. wliere our High Priest is ever living to
make intercession for us, where He pleads the merits of His Passion.
" Himself," says St. Ambrose, " offers Himself as Priest that He may
remit our sins ; hère in image, there in truth, where He intercèdes for
us with the Fallicr as our advocate " (De Officiis, I.I., c. 48). He en-
tered Heaven, as the Higli Priest of the' Old Law once a year entered
the Holy of Holies, to make the cérémonial ofFering of the life once laid
do\vn for us. Isaias sees Him from afar, clad in the livery of His Pas-
sion, and crie? ont, " ^^^lo is this that cometh from Edom, with dyed
garments from Bosra ; this beautiful One in His robe, walking in the
greatness of Hi> strength? And the answer is given in the person of the
beautiful One: ''I that speak justice, and am mighty to save." And
once more is ""he question asked : " ^Vlly then is Thy apparel red, and
Thv garments like theirs that tread in the wine-press? ** And in answtM-
there cornes : ' T hâve trodden the wine-press alone."
To conclude, tlien. Tn the Mass we hâve the same Sacrifice once
offered on the Cross, and now pleadod in Heaven 1)y our High Priest.
The things that are seen of sensé, the things that appear and pass away,
are, to thc eye of faith, but shadows of the one Peality — shadows that
fall athwart altars of wood and stone, and flit about eartbly tabernacles,
where hides the sun Ix'hind a veil '' till the day break and the shatlows
retire.*'
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THE PRACTICE OF ADORATION OF THE MOST
BLESSED SACRAMENT
Daily, Weekly, and MontMy.
BY
REVEREND J. J. McCOY.
THE hope ot' the Holy Father, Plus X, spoken tlie very moming of
his coronation, and far flung in his shibboleth, " Ail things back to
Christ," lias snrest warrant for realization in the call hère made to ail
the races newly to adore our Lorcl in tlie Blessed Sacrament.
Mount Eoyal tins liour lifts its head above ail the hills of earth, and
to its top, wiiere the altar stands, we bring from ail the world our best
gifts, as the Hebrews did when Moses showed them the Ark of the Cov-
enant in the old désert days.
The great need of the earth is the abiding consciousness of the pré-
sence of God. Withont this we can never grow great in the things of
the soûl; and yoiir mission, Fathers, and mine is to convince the world
of this. It is for its good, but the world does not so see it, nor does the
world seem to wish to see it. The world wants liberty, liberty even from
the hand of God. Every day we see the men and the nations striving
to throw ofï the idea of God, and the men and the nations hâve so striven
from the beginning. It is the old fight again brought down to earth
from heaven, — the great archange!, flashing and terrible in his rebel-
lious pride, stands trumpeting from the north across the arches of
heaven, ''Non serviam," and over against that coines the sweet insist-
ance of the Son of Cod : " If you love Me, keep My commandments."
The law of love, and obédience to the law of love, which is highest
liberty, calls us back to Christ. And when we are seeking Him we are
leading our people to the cool, clear heights where we learn to see the
vast material power of the âge, and how it brings war to the spirit;
there, too, the armies of spiritual conquest asking the tribute of men's
soûls; there, the merciless forces of wealth which never know the prick
of conscience; there, the seething sears of passion ; there, the whirlwinds
of désire for license; there, the hoar.se and almost universal clamor to
break control of the citv of God, whose every law does thus begin:
" Thou shalt not, saith the Lord."
But we hâve God and peace with us. And whether we kneel with the
Lord daily, or sit against His knees weekly, or go up and down with
Him, in and out the nrates but one hour in a whole month, just so often
shall we hâve foretaste of heaven in the joy surnassing understanding
which comcs into the hearts. as of old into the hearts of the two of
Emmaup, setting thom. . . "burning," while " He talks with us on the
way.'" .\h ! God, if men but knew! ITow the multitudes would gather
ai Thy dwelling place, and how would the face of earth be changed in
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a morning, if tliey wcre inade supreniely conscious o£ the abiding pré-
sence of God, the " World made fl&sli and dwelling aniong us ! '"
We can help to make this possible by striving to draw the people to
daily adoration of Christ in the Eucharist. This were eas}', if they
were taught its beauty and its benefit. They cannot désire if they do
not know, and if they do not désire, they will not do. With our good
Catholic people it is largely a matter of niind, not coldness of heart.
They hâve not been shown. Perhaps we do not go deeply enough in our
teachings to show that Christ on the alt.ar is the explanation of ail the
dealings between God and man. Hère He is the Incarnation perpe-
tuated; hcre the " Word made flesh,"' and remaining for us the fathom-
less source of divine teaching; hère we hâve Him sustaining and declar-
ing the whole révélation, and niaking, as Cardinal Manning once said,
" His présence the center and basis of an order of divine f acts and
opérations in the world." And this should be made plain to the people.
How? we may ask, and the reply may be something like this: Show
them that Christ in the Eucharist is tlie very same Christ with Whom
the Apostles walked in Judea ; that His présence in the Eucharist is the
same présence with which the disciples and the people were familiar in
the old days in Galilée.
And let them look for a miracle because of His présence n(f\y, a& they
did in the far away Israël. Is He not hère now, and for love of them,
and is He not as strong now as in the great days gone? Why should we
think of Him as working His miracles of love and grâce and mercy
only thenrThe truth is He is hère just now, and stands waiting at the
tombs of the soûl to show Himself still the Résurrection and the Life.
He is yet going up and down the land, and the people are blessed still,
when as deeply stirred by the consciousuess of His présence, as when they
hastened to Him from the lakesides, leaving their boats idle upon the
sounding shingles; or hurried down from the Judean hills, permitting
the untended flocks to stray at will; or out from the towns they came
with wide eyes full of the mystery of His words and deeds. Agcd men
were among them, whose soûls the prophcts had filJed with dreams of a
roturn of the old Hebrew glories; and young mon with brain and heart
aflame with vision of universal dominion now that the Messiah was corne;
and damsels with shy eyes lighted with a love beyond the loves of earth ;
and molhers with babes held high in arms to be blest at sight of His
passing face. — And hère a withcred arm is touhed and the new
strength lifts it to high heaven in ihankfulness ; — and there a palsicd
leg, and the lame man leaps as a hart for the waters. Just on a step or
two and His fîngers touoh drooped eyelids, and the man born blind bas
his soûl flooded suddenly with the glory of earlh and soa and sky. and
he shouts out and mafrnifics the name of God. And now wc meet a
mourning train, and Christ takes the dead man from the bearcrs and
gives him back to the cncircling arms of his mother. Oh ! the wonder
of it ail. But is it not the same thing now? Is not Christ in the
Eucharist the e.vpianation and motive of every Christian deod donc in
our day? Hère He revives ail the states of His past life, continues them
and glorifies them. Hère He inspires in His créatures répétition of His
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everv aet. Sliow tlie people tliat nothing but love of Hiiii makes men
and'majds liurry after Hiin throvigh tlie gâtes of every city of earth,
and. leaviug lioine and ail natural ties, and liabiting themselves in tlie
religiou> garb, go following Ilini up and down the world, bringing
people to His feet, — from tlie jungle, tlie plain and froni across seas, —
and wliat is each sucli séparation, but a miracle of sacrifice for Him
and lover Ton sce around you in the cities, tlie great walls of hospitals
and sehools lift theniselves to lieaven, and there is no liunian force under
the leverage — only a gentle nun over there at prayer, and the out-
stretched, liard, and nigh-to-enipty hands of the poor; yet thousands
shall be ministered to under thèse shelters, and in every sick man's face
and every child's be discovered the features of the Son of God, as we
knew Him in Judea ; and is not this miracle again of sacrifice ond love ?
And there across are the towers of an orphanage, and the little ones are
gathered into a fold, and rest there under hearts whose blood shall nour-
isli tliem, till the hearts are drained ; and is not this a miracle of
sacrifice and love? And mark ho\v the cities, as tliose of old, empty
tlieniselves to-day. lias not the swift cry run up and down that Christ
i? passing now in the lioly Mass-time ? Look out over the land. Are not
those GocFs people we see hurrying over the hillsides to the little
chapels? Is not that the sound of the sanctuary bell from a thousand
place? tolling of the Consécration? And this early morning,whose were
the countless footfalls in the streets of the world's cities, and whither
was the multitude hurrying?
There are lights in the great cathedrals, and listen ! like the voice of
océan conies the roll of the deep-throated organs, and ail the Christian
world is thrilling still with tlie rapt cry of the psalmist "King, when God
vouchsaf ed him f oresight of the Eucharist : " He hatli made a remem-
brance of his wonderful works, being a merciful and gracions Lord; he
hath given food to thera that fear Him," — " Memoriam fecit mirabi-
lium suorum misericors et miserator Dominus; escam dédit timentibus
se." Thank God ! that Christ is yet amongst us, and the people still are
glorifying His name!
And so would I prépare the people, whom I hoped to draw to adora-
tion every day. I would never let them believe, however, that mind alone
and knowledgc alone were sufficient. I would know and teach that the
best good would corne from contemplation on bended knees before the
altar, when the whole man adored, heart and soûl, and with ail the
powers of mind, and niemory, and imagination. After that I would
appeal to émotion. On the time and the place and the occasion must
dépend the character of this appeal. Wliat will serve with one priest
and one people may not hâve much efîect with another priest or another
congrégation. T know a saintlv priest who was forever saying to his
pfople: '•' lliink of the loneliness of Christ in the tabernacle; will you
not go to the church a minute every day, and Just say * how do you do,
Lord,' if no more? It will please Him, and do you great good." — And
h\< jioople did go, and God blessed him and tliem. But this man was
scJK.lnr as well fis saint, and never tired of preaching that Christ in the
Eucharist was the Light and the Life of truth as well as the Way.
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Daily Adoration.
Tlie housewives. people of leisure, the old wlio are past the tinu' uf
labor, thosc who may hâve a free hour, and the school chiltlren, Me
sliould expeet to niake a visit of adoration every day. and \ve sliould try
to train them tu tliis end. The school childfen especially ou>:ht to get
our every care. \Ve should strive to niake them feel the nearness of
Christ, that so they might ever walk and talk and work in His présence.
We shonld teach them the story and spirit of the family life at Naza-
reth, and repeat it, and varying it repeat it again, and so make eaeli of
them one of the household ; then when they shall go before the altar
they are prcpared to speak familiarily to their brother tlie Christ. Thus
they grow every day in the consciousness of Ilis présence, and tliey so
learn tlial tliev are carrving the lionor of tlie Holv Faniilv. Tliev conie
in the morning «^oing to school and tell tlieir neetls and hopes, they run
in after school to ask a helping hand or to give thanks for blessintrs
given. Their life thns becomes entwined with the idea of Christ on the
altar, and Ile is -is Hc should be the Sun that lights and warnis and suè-
tain their spiritual world.
Weekly Adoration.
Therc are thosc who. did their duties permit, would gladly coine to
adore each day, but nuist be content with the Holy Ilour once in the
week: as our teachers in the schools, or the young people who work in
counting-houses. clerks in stores, stenographers in offices, and skilletl
operatives in the shops, and thèse jndeed may be counted ainong tho
most intelligent of our congrégations.
Thèse bave peculiar needs and re<|uire a particular préparation that
the best results may follow from the hour with the I/trd. Ail dav long
they deal witlrmaterial Ihings, with comblions wlicre nothing tells of
the soûl. — where there is only hunger for place and power; where there
is but the heaven which many fînd in Ihe markct and its gold ; where
the eye hopcs ordy to sec the majestic ships. swift almost as tbe liirbt-
ning, carrying priceless silks and spices from shore to shore: wbcrc the
ear cares to hear but the breathing of tho mighty engincs, crushing tho
mountain's heart for tbe red ore within it or sweeping the sea's beil for
its pearls. AU ihis takes them from (Joil. And there are s(»me who
live ail da;« in a nutre (langerons world, — a world of mon into wbose
life God never cornes; mon who appear to be gentle and law-al>i(linir,
mon of admitteil miiid. iiit-n in every way respectai»!»- takcn bv tbe
world's mcasurements. yet meii who everv (Inv in tbe pulilic prints. tbe
journals of science, tho records of discoveries of burieil antl forgotten
civilization, are hunting with an eagorne.ss that is amazinir for some-
tbing that may seem to tbrow doubl or utter discrédit upoii tbe rdii/ion
of the centuries of Christ, or on that of the llebrews. its forcshadowinir.
Tho old vital truths. heaven. holl, sin, reward an<l punisbinent. the
immortal soul. and CJoil. tlu'y would mako the droams of man less strong
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than we, 'whose da}' thèse served whilc comiug into tlie wider light, but
such, they say, are childish now. The men in the African Jungles had
their fetish ; our God is nobler than theirs ; but still the two, theirs and
ours, they say, though far apart, are kin. The world is sick again with
the restraints of God, The world would make its own God and from
self. The world listens with lips apart to the old temptation of the first
morning : "' Why not eat of every tree in Paradise ? In what day soever
you shall eat thereof, your eyes shall be opened: and you shall be as
gods."
Such people should be taught to breathe the peace of the holy home
at Nazareth. Christ was the light and life there; He lived in gentle
days of poverty ; His bread was sweet because Himself earned it ; He was
master of the winds and waves; the swift éléments always were the
agents of His \nll; the lightnings were harnessed ever ready to leap
along the ways of His laws, wherever His hand might point; His were
the jewels on the fioors of ail the seas of earth; His ail the red gold in •
the hearts of ail the mountains of earth; His ail the flocks and herds,
the " cattle on a thousand hills ; " His princely home was the Taber-
nacle in the Sun : yet hère He toils a coinmon craf tsman ; and afterwards
when about His father's business, He will dépend for bread upon others,
and one day He shall tell v/ith infinité pathos His absolute want : " the
foxes ha^'e their holes, and the birds of the air their nests, but the Son
of man lias not whereon to lay His head." In the sweet vision of soûl
of that one hour, hère is the same Christ, and teaching the same divine
lessons. Hère is He through whom " ail is made that was made," and
hère is He, who alone can give us true values, and He is ours for the
aaking.
Montlily Adoration.
For the adoration monthly, I would try to draw aU the Church so-
cteties, sodalities, both of the young and tlie old, of the boys and of the
girls, even those who may go daily or weekly besides this, but especially
the people whose lives are lives of labor, who know family cares and dis-
tress, but most of ail the men, the strong rough men if you will, but the
manly men any way. The Holy Name organisations are material ready
made at hand ; I would hâve them come as in answer to a crusader oall
" God wills it," ail the men as an army of the Lord, and I would speak
in battle words to them in préparation. I would say, as the fathers
gay, they are cailed in défense of the sanetiiary; I would show them, as
the fathers show, that without Christ in the Sacrament, there is no re-
lior^on, no failli, no worship; I would repeat the words of the old book:
"WTiat the center is to the cirole, what the heart is to the man, what
God is in His world, that the Eucharist is in the Church of Christ."
The altar without Him is but a honse untenanted.
W})y slioiild r speak to thom a.s a people in battle army? This is a day
when men daim the ridit to think as they pleaso in everythinir, not only
in things of sfienee, things of the inind, things of government,'but even
things of the sont. It is the day of modernism, the day of sociaUsm,
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the day of the raslmess of iudividualism, tlie day of auarchism in gov-
ernment, ihe day of the dcnial again of the divine in Christ. And our
men must combat that. When other men deny that there is room in the
world for authority, they must come and kiss the hand of the Euchar-
istie Christ, and then in contemplation of His life learn the abiding
force of parental right, as they recall that He went down with Ilis par-
ents to Xàzareth, and was '' subject to them; " they will learn from
His " render unto Cœsar the things that are Ctesar's "' the rights of
Government ; they will learn too, from His " I come not to destroy the
law, but to fulfil it," that the laws are in keeping with the re?traints put
by God upon us, to dam up and hold back the flood of human passions,
whose onrush would sweep to everlasting ruin.
Once shown the dangers menacing the Church, they will be quick to
enroU themselves as lier spécial defenders. '" Judge me, 0 God, and
distinguish my cause from the nation that is not hoïy ; deliver me from
the unjust and deceitful man — Send forth Thy light and Thy truth ;
they hâve conducted me, and brought me unto Thy holy hill, and unto
Thy tabernacles. And T will go unto the altar of God : to God who
giveth joy to my youth.''
" Deduxerunt, et adduxerunt," there is the mighty marching of the
Machabees in thèse warrior words, and I love them. To me there is
marvellous power for manly inspiration in the scriptural picture of the
great Machabeus, when in the night he gathered about him on the hills
near to heaven every man of the Hebrews who " maintaineth the testa-
ment." Il was for battle in the morning, against Autiochus, and in
défense of the sanctuary ; and every man oif the heroic band had sworn
his life to the service. From the mountain top the people of God could
look into the valley below, where were the hosts of the king: horsemen
of the tribes, who rode for gold ; bowmen and spearmen of the Egyp-
tians ; the dark clouds of men from India and beyond the Ganges; the
palaestra-trained charioteers, and the burning phalaxes in brazen
annor. Up on the winds came the neighing of the horses, the trumpet-
ings of the éléphants, the call and the repeat of the sentrios, the clink
and jar of the armorers anviling, and above ail the sounds of revolry
and the songs oi war of a godless and merciless multitude. And those
on the mountain cried with a loud voice toward heaven : " Behold the
nations are come together against us to destroy us: Thou knowest Avhat
they interd against us. How shall we bo able to stand against thoir
face unlesb Thou, O God, kcep us?" And àfter this. says tho sacrod
historian, " Judas appointed captains over the people, over thousands,
and over hundreds, and over fifties, and over tens. And ho said tn
them that were building bouses, or had botrotbed wives, or were plant-
ing vinevards, or were foiirful, that they should return everv man to his
house." And Judas said to the remnant, who were ready for self-sacrifice,
who were trusty as liimself, who would not bc turnod away, who wouUl
battle for the covenant, who with soûls aflame swore to foUow him down
the death : " Gird yourselves, and be valiant men, and be ready against
the morning, that you may fight against thèse nations that are as-
■embled against us to destroy us and our sanctuary. For it is bcttcr for
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us to tlie in battk' tliau to .-^oe the evils of our nation and of the
holies: nt'vortlu>lt'!is. as it AvàW be the will oi' God in lieaven, so be it
doue." Heaven fouglit on the side of Machabeus. He routed the
niighty arniy of the king, and overthrew the power of the nations. Jéru-
salem "vvas dolivered, the glir.v of the temple restored, and the priests
once niore, " oirored sacrifice accoi'ding to tho law of holocausts the new
altar upon which tliev liad niade."
Beliokl, the very work tliat lieaven has given our nien to do. Hère is
the spirit that must energize theni. The world, " the nations," are again
arraved against the Kingdoin of God, and they are called to stand as its
defenders. And \ve nuist show the way. In our day again it must be
the voice of the priest that cries aloud : " Every man that hath zeal for
the law, and maintaineth the testament, let him follow me/' and we
must go up the niountain of the Lord, and then the noblest will follow.
Only men whose hearts are clean and whose soûls are free can right-
ly battle, and only suoh did Machabeus let lift blade in the cause he led
for the glory of the house of God : And so shall it be now : the clean of
heart will corne to our altar and be made cleaner, the free of soûl will
corne and be made freer, and the manly brave shall be called the saviours
and restorers of our sanctuary.
Récapitulation.
The teaching our people hâve been given concerning the Eucharist,
though sufficient for the faith of ail pcrhaps, and enough for the prac-
tical pietv of the million, is not enough for the new day, and for the
distinct classes now making up our people. It must be deeper, more
sympathetic with certain conditions in the lives of the worshippers, and
in large measure more particularly to meet the needs of class. Class
may dépend upon many things, âge, social condition, character of life
and employment, sex even, leisure, éducation and natural tastes, and
interests. The teaching of thèse bodies has been too gênerai for the
greatest good. Now and then a good gênerai gathering of ail classes,
where the people might go up to the Holy City singing the songs of the
Psalmist king in one grand choral, and whcn ail the hearts could be one
in îrenerai prayer in the sanctuary, would be blessing and inspiration.
But you must begin with the classes. You must hâve companies of
tens, before you hâve companies of fifties, and fifties before companies
of hundreds, and hundrcds before the multitudinous thousands will sing
of victory.
But the world is waiting. Ail the waters of carth sometimc will
readi tlic seas, and ail the hearts of men sometime will scek Christ in
the sacrament of Ilis love. They must be taught loyalty ami the need
of knowing that Ile is alwavs noar. After God Himsclf, fathers, it he-
longs t<i 11- to lii!>lfii 1iiat day.
— SSl —
THE DEVELOPMENT OF BOYS' AND MEN'S
CHOIRS.
IJY
REVEREND W. FINN, C. S. P.
THE possible spiritual values oï. a great leligious event like tins Inter-
natioual Eucliaristic Congress are incalculable. The solenin profession
of Faith by se mauy liundreds of people in the raystery of Christ's Real
rreseuce in the Sacrament of the Altar, the grandeur of the cérémonial,
aud the wide scope uf the sul)jects discussed in the interests of religion,
are features of tins event which will extend itâ helpful influence tf)
hundreds of thousands of soûls throughout the world, and particularly
to the countrymen of both allegiances on this continent.
Admittedly, the chief purpose of the Congrcss is to niake the î>weet
sacrament of Chrisfs love more loved by meu, that therebv their lives
may be guided more perfectly by the sublime ideals of conduct which He
has bequeaihed to mankind. But wliile the first concern of the Congress
is thus to intensifv love for the great central mystery of the Faith ; never-
theless, the possible results of the Congress would be greatlv lessened if
opportunity for discussing the main accessories of the Eucharistie ser-
vices were not provided, Many things that appear at a casual glance as
having but remote connection with the essentials of religion, upon more
serions considération reveal an unmistakable influence on soûls in their
appréciation of religions truths. Ail the externals of religion contribute
something, indefinable i)erhaps, if you will, to the state of mind and
heart of the worshipper. Cérémonial, architecture, paintin.T, sculpture,
and music, ail are intégral features of religions expression. And so it i>
most fitting that during thèse sessions there should be some considér-
ation of the art of sacred music.
Of ail ihe allied sacred arts, the art of music is the most subtle. The
worshipper is absolutely at the mercy of its whims and ca])rices, somc-
times irrosistibly drawuMuto the vcry '' Iloly of Ilolies " by its sweet
whispering of CJod and ITis love, and at others maddened to distraction
by the cacaphonies that not only ofl'cnd the ear, biit picrce through the
soûl to it= dopths and unmask its bitterest acrimonies.
The power and subtlety of the art of music are favorite platitudes
with the jwets and the amateurs. Let us pas? on to something practical.
Mv purpose in lliis paper is briefly to cousidcr the aesthetic as well as
the liturgical fitness of choirs of boys and men to be the vehicle of mu-
sical expression of the divine .services; to consider. then. the possibility of
maiiitaining such choirs in onr clnirc1ie>; and finallv, t<i review the par-
ticular diriicultv of the iinisiial -ituatioii n< it ciiifriint-; the av^raL'c
pastor on this continent.
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I. The Spiritual and Artistic Value
of Boys' and Men's Choirs,
The fulfilling of the reforms in church music inaugurated by His
Holiness Plus X. in the Motu Froprio of Xovember 23nd, 1903, involves
not ooly a change in the type of musie sung in our churches, but the
more radical change of putting choirs of boys and men in the places
generally occupied on this continent by choirs of women and men. The
gênerai understanding of the encyclical upon the subject is that it deals
chieliy vvith the use of the ancient plain chant. It is true that a con-
sidérable portion of the letter is devoted to the praise of this vénérable
form of ecclesiastical song, but one of its chief prescriptions is that
" whenever it is desired to employ the acute voices of trebles, the voices
of boYs must be used in accordance with the ancient usage of the
Church."
It is in this recommendation, precisely, that we expérience our chief
difficulty in complyiug witli the reform.
In spite of the loyal good will expressed on ail sides by the bishops,
priests, and Catholic musicians, there is a very évident lack of appré-
ciation of the boys' choirs as an artistic médium, and a gênerai una-
nimity that it is equivalently impossible under existing conditions to
organize and maintain this type of choir successfully, except perhaps in
cathedral churches.
On this continent it has not yet been widely enough proven that the
boy is more than an amateur instrument. In England the voice of the
boy is universally recognized as the proper and aesthetically correct ve-
hicle for the expression of the sentiments of strictly sacred music, and
agreeable to this conviction, musicians there consider the ability to train
boys to sing artistically as an indispensible qualification in the church
musician. This point of view has obtained in England for many cen-
turies; in fact, this and many of the other splendid traditions in both
Catholic and Protestant church music are the héritage of pre-reforma-
tion days. In this country there has been but meagre opportunity to
study the boys' choir at its best ; but wherever the artistic traditions and
Bcientific methods hâve been exemplified, the boys hâve won enthusiastic
protagonists. The voice of a lad of eleven or twelve years, when pro-
perly trair.ed and modulated, is irrésistible. Preeonceived ideas against
this voice uever fail to melt into enthusiastic approbation when its sweet
notes, like the whispering of angels, draw the soûl into the atmosphère
which sccms to hâve followed them from Heaven.
It is unfair to measure the values of boys' voices by the raucous sing-
ing we hâve corne to expect from them on this continent. To judge the
possible efîecti v'oness by the performance given either in church or in
the concert hall by the average American boy-.singers, is like estimating
the heanties of poetry by the verses of a child in the elementary school.
The history of music bears witness to the employment of boys by the
^eatest misic-makers of the world. The great name of Giovanni Pier-
luigi da Palostrina stand.s out prominently in this connection. It is a,
notable fa^;t, too, according to Mr. Edward Dickinson, in his " Music in
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the Histovy of tlie Western Church," that in ail the more spiritual fonns
of religion, both before and after Christ, the boy's voice has been con-
sistently the great médium of interprétation in the treble parts.
Xot uutil the eft'ect of the Kenaissance had made itself felt in niusic
as well as in letters and other arts, was there anv notaoïe tendency to
abandon the traditional art forms. The birth and development of the
modem opéra brought about the apotheosis of the female voice. The
influence of its sensuous appeal (I use the word in its more simple signi-
ficance, borrowing it from the vocabulary of Mr. Dickinson) was soon
felt by the musiciaus, and a new era of music began. I do not wish to
minimize in any measure the many charming features of the female
voice. In certain types of music the woman is suprême; the tempera-
mental cclor with which she invests every note cannot be counterfeited
in the music of the opéra, the ballad, and certain types of folk-songs.
But the very quality which gives lier supremacy in such mu^ic, makes
her voice the less perfect instrument in purely sacred music. Tlie deep
spirituality of plain chant, and the mystical character of the polyphony
of the fifteenth, sixteenth, and early seventeenth centuries, seem to de-
mand the impersonal qualifies and the mystcrious intimations of boys'
voices. In our own day this need is abundantly proven. Take, for in-
stance, the contrapuntal Masses and Motets of the Palestrinesque school
of composition : thèse cannot be performed with the same religious
effects by women as by boys. The relative inefïectiveness of music
written in this style sung by any of the great choral societies of m en
and womon, no matter how perfect their technics may be, when con-
trasted with the performance of a perfectly trained chorus of boys and
men, like the choir at the Catholic cathedral of Westminster, England,
is unmistakably évident.
Whatever be the explanation, the deepest message of sacred music
aeems to corne to the soûl through the trained voices of the boys.
Hère is another signifîcant fact : in those churches of tho United
States, where choirs of boys and men furnish the music for the liturgical
services, the attendance at High Mass and Yespers is noticeably larger
than at -other churches. In most of our churches, only a meagre hand-
ful of worsliippers attend the solemn célébration of the Eucharistie mvs-
teries, and tho office of Vesepers has become generally so unpopuïar
that in many hurches it is never sung, save perhaps on Christmas and
Easterday. If you will pardon the personal allusion, I should like to
say that I hâve made a tliorough investigation of thèse conditions
throuïhout the Tnited States, and I hâve found that boys' choirs (you
understand that I mean well trained choirs) are an immense hein to re-
ligion, and that the seating capacity of the churches where they sing are
filled to their utmost enven on the ordinary Sundays of tho yoar. Not
only are the always roliahlo fonialo dovot<'os in évidence at those services;
the men, too, become interested, and instead of remaining eatisfiod with
the shortost service which will fulfil tho obligation of hearinir Mas?, on-
couraging numbors of men assist at tlio TIis:li MiL<?s. and roturn in tho
afternoon or ovoning to Vespcrs and Roncdiction of tlio Hlcsscd Sacra-
ment. Worldlings, clubmcn, non-Catholios and even athei.sts bave
— 884 —
sueeumbtHl \o the spiritual attractiveness of thèse services. The music
of the chracli is endowed with almost divine powers of appeal, and many
a sonl, to mv own knowledfje. has foimd in it an avenue of God's grâce.
It is seaJCtly necessary to ampli t'y this subject further. No one who
has been privileged to lioar the singing of trained choirs of boys and
nieii will challenge the fitness of thèse choirs to sing the music of the
Church. The master compositions of the world revealed their heavenly
beautii's through the voices of the boys; and if there is to be any real
progress lu the art of ecclesiastical music in this country, the starting
point of the reform must be first in extending the appréciation of boys
as the instrument of expression, and then in working out a scheme by
which th(- proper methods of procédure may be extended to the niusi-
cians upo-i whom the fate of the boys' choir movement practically dé-
pends.
II. Is it possible to maiutain Artistic Choirs of Boys
and Men in Churches on tlie American Continent ?
Clergy and musicians generally hère are of the opinion that conditions
are not favorable for the best development of such choirs. The success
of the groat choirs of Europe and America is nsually ascribed to an un-
coniinon su})ply of beautiful voices, and to extraordinary financial re-
sources. I am personnally acquainted with most of the successful choir-
masters liere, and I cannot call to mind one who commands better talent
or grcater rescources than are found in the average parish of our cities
and large towns.
In tho average city parish, there are plenty of boys who are possible
ehoristers, and enough suitable and willing men to furnish an adéquate
section of ténors and bases. The beautiful voices heard in some of our
greater choirs are the product of assiduous training, and in the mapority
of cases were of but average quality when accepted. Choir-boys are
made, not born. This is an axiom among choirmasters. The rough and
ready boy, the nervous noisy rascal whose chief talent seems to be in creat-
ing mischief, the always-in-the-way lad whose only apparent excuse for
living is the fact that God croated him, and that some day in the remote
future he may become a useful man, thèse are the types of boys that
even the most successful choirmaster has to educate into the ehoristers
whom so many think are young cherubs loaned by a spécial arrangement
with ITcaven to chosen choirs.
At Icast ninety per cent, of the boys from the âges of nine to fifteen
are po.ssible ehoristers. Defective ears, laryngical troubles, and other
things whidi arc obstacles to musical development are the exception and
not the ri; le.
lyarge choirs are unnecessary. Tt is a mistake to think otherwise.
There are only a few churches on this continent where a choir of twenty
troblcs and twentv clioristers, divided properly on the three lower parts,
wonid pr<)\e inade(|iiate. The grciitest choirs of England and the Con-
tinent are relatively sniall organi/.ations.
— 885 —
Even Mr. lîicliard Terrv's l'aiiious choir at tho vast cathodral ol" \\\'ï;i-
juiiistev owns Xo a ^jersoniiel ot' oaly twenty-iive trebles aud a duzeii adult
siugers. Aud yet in this immense édifice such a small chorus is sufti-
cient to iuterpret with splendid eti'ect net only the neumes of the plain
chant, but also the trying compositions of the mediaeval masters.
The cairying power of a traiued voice is very nuich greater than that
of the untrained voice. Just as perfect acoustics in a large hall or
théâtre make audible the faintest sounds, so a well cultivated tone-
quality invests a voice with au elasticity and carrying power which give
to its mosL délicate nuances a clarity that is remarkablc.
At times musicians object to my contentions on the ground that ail
my expérience has been with great city parishes of unusual equipment.
I should îike to say that while I hâve been engaged du ring the greater
part of my active musical career in city parishe.*, I liave V.xperinieuted
even in cjuntry districts to discover the real value musically of ordinary
every-day boys. During the past season, I went at *he request of a priest
to a very f-mall town in a farming district to gather the boys of liis par-
ish into :i tentative choir. The very first examination revealed what I
expected, namely, sufficient material for a splendid choir. And fre-
quently during the last thirteen years I hâve been called upon to selec-t
the choristei's for choirs in ail types of parishes. I hâve yet to visit the
parish (of course I e.xclude unusually poor parishes, in districts where the
people aro scattered over many miles of country) that does not offer the
raw mateiial for a successful choir. Priests and musicians will find it
if they search. The material is at hand; it awaits cultivation.
The objection that boys cannot be kept interested and in good disci-
pline after the first novelty wears olî is not substantial. Exj^erience has
disprovcn it thoroughly. If a high idéal if musicship is proposod to
them and ? sensé of personal rcsponsibility is inculcated early, thoro will
be no difficulty in enlisting the enthusiastic coopération of the lads.
Xot only is an artistic choir an help in the spiritual work of a parish ;
it is also a financial asset that yields reliablc dividends, an investment
rather thr\n an expense. Solemn services previously nnattended become
popular; new parties take an active intercst in parochial aifairs; gêne-
rons contril)Utors become more gênerons, and the gross receipts of the
parish per annum are increased to an amount that not only neutralizes
the curreni expense of the choir but nets an acceptable sum to the paro-
chial exchequer. This fact is confirmcd by the expérience of many
pastors.
The chf.ir-schools of England are given most of the creilit for the
superlative excellence of the English choirs. The chief advantage of
thèse sc-hools is that the choristors aro under the constant supervision of
the direcior who in .«ome instances is also the choiriiuister. Daily re-
hearsals are attended by the boys, and a thorough-going course in vocal
culture and gênerai techni(|ue is thus given an opportunity to realize
a perfect product. Rut why may not the parochial schools of this coun-
trv serve the same purpose and accomplish the sanie results? In each
parochial school a certain course in gênerai music is providod : and if a
spécial course, incliuling daily rehearsals for the choristers of the ])arish
— 886 —
choir, wor" to be arranged and carefully followed, it is difficult to see
just wliy we may not hâve in this country as perfect choirs as in Eng-
laud or any other country.
A favorite retort of the antagonists of the bovs' choir, when con-
fronted with the -wonderful singing of the English and some European
choirs, is in eiïect that the youngsters of thèse countries are endowed by
nature with better voices and warmer musical tempérament than
Canadian and American boys. With this point in view I examined the
choristers of most of the EngUsh Cathedral choirs and of many Contin-
ental cho>s, but I returned to America and to the city of Chicago per-
fectly satisfied with the musical endowments of our American boys.
The professional musicians are beginning to examine with keener in-
terest thnn heretofore the artistic possibilities of boys as singers, and
tliis awaicening augurs well for the future of the boy-choir. During the
past season a great choral compétitive festival in Philadelphia enlisted
the interest of the leaders of the musical profession in the United States.
At the invitation of Mr. John Wanamaker, choral societies of ail kinde
were invited to compete, and splendid opportunity for displaying before
a représentative p-athering of composers, organists, and choirmasters, the
traditional methods and ideals of boys' choir work was afforded. The
effect of the festival was to demonstrate clearly the superiority of the
boys as irderpreters of strictly sacred music; and more recently the sub-
ject was given careful considération at the mammoth " National Con-
vention of Organists " at Océan Grove, ISTew-Jersey. Through the pro-
fessional leaders the correct methods will secure more rapid circulation
through the country, and it is a reason able hope that boy-choir training
may soon be an essential in the éducation of church musicians.
III. The Real Difficulty of the Churcli Music
Situation in America.
The spiritual values of a trained choir of boys and men cannot be
over-emphasized. Purthermore, the possibility of developing the fresh
young voires of the American boys into médiums of perfect artistic ex-
pression is undisputable.
But where are the compétent choirmasters to undertake the work?
Many -nriests are eager to provide their*churches with such organiza-
tions as I hâve been arguing for, but they are confronted with the su-
prême diificulty of securing compétent musicians to organize the choirs
and to train the boys.
This, ihcn, is the practical question par excellence of the musical
situation on this continent.
WTiat can be donc by the bishops and clergy of America to provide
able choirmasters?
Somo liave thought that the solution of the difficulty was to invite
musician.- from Europe to take charge of the choirs hcre, and pursuing
this conviction, liavo Ijrought a certain number to this continent. But.
the experiment failed ; for the conditions hère are radically so différent
from the conditions under which most European musicians hâve been
— 887 —
accustomcà to work, that good results were impossible. Many musicians
hâve begiin the work at the wrong end, attacking at once nuitters of re-
pertory, striving to replace immediately the accustomed figured niusic
with plain chant, and music of the most severe form, without first having
prepared the proper instrument l'or an adéquate interi)retation of this
music. The expérience of the last seven years lias abundantly proven
the nece&siiy of educating native talent for the positions in our churches.
Concerted effort on the part of those in authority is the sure and only
means by which a steady improvement of the musical features of wor-
ship can be assured. Seven years hâve elapsed since the publication of
the encyclical by His Holiness, and in spite of the good. will of ail con-
cerned, the progress of the movement has been desultory and not at ail
in proportion to the wealth of opportunity at our command.
A great central school of music pedagogy, organized and maintained
under the supervision of the hierarchy, will alone fill the need. Only
such an institution can disseminate the right principles and metliods
wideiy enough to affect the gênerai musical situation. In such a
" Schola Cantorum '' native talent can be educated to cope with ail the
difficulties of organiszing, maintaining, and scientifically training splen-
did choruses of bo3's and raen. One or two musicians, perhaps a priest
also for each diocèse, graduating from a thorough practical as well as
technical course in such an institution, would be equipped to e.xtend the
best ideais and methods throughout their respective diocèses. In the
course of a few years, the musical courses in the paroehial schools of thèse
diocèses would he seen to effect great practical results. Local musicians
would find in the graduâtes of such a school instructors who would be
able to solve their particular difficulties, and guide them with assurance
in ail the departments of music with which every successful choirmaster
must be familiar.
To foui d such a school is not a great difficultv. In a large metropolis
like Xew York City, even the first year would involve no uncertainty.
Students flock in great numbers every year to ail the musical consei^va-
tories that affect to teach Church music, and relurn to take up active
work altor.cther unequipped to meet the difficulties of the situation, and
without an understanding of the basic principles of the subject. A
" National School for Catholic Church Musicians " would appeal to a
great nuniber of talented students; and in a short tiine the bishops who
had coopcrated in the founding of such an institution would rcap the
harvest lOi their diocèses.
The Faculty of such a school would require not more tlian thrce in-
structors, and if thèse were carefully choson, and the course proposed
woll advcrtisod in tlie profcssional circles, the immetliate succe-ss of the
undcrtakirg would be assured.
After thirteen years devoted to the subject of boys' choirs and tlio
musical situation, I must say candidlv that without sonio national insti-
tution of tlie kind dcscribed, tlio possibility of a gênerai inipntvemcnl of
our Church music is not very clear. We need a gênerai movement. and
only a gênerai school will accomplish gênerai results.
i hâve given but meagre attention during this address to the praise
— 888 —
of plain chant. I l'eel thaï anv pajKT on Clnircli nuisic is incomplète
without a référence to tins sweetest of ail forms of music; but my pur-
pose in accepting the invitation of the Committee to speak upon tlie
suhjoet iî Cluirch Music was to cnipliasize the radical change necessary
bofore plain chant or any other fonn of ecclesiastical music has a ight
to be considered. Once get the correct ideals and methods of training
bovs understood and accepted by the clergy and musicians in gênerai,
and matters of repertory will be readily adjusted. The deep spiritual
content oi plain chant will then hâve adéquate opportunity for éloquent
appeal, and ail the fitting music of other types will unfold a deeper
nieaning.
HOW^ TO FACILITATE FREQUENT COMMUNION.
BY
RT. REV. MONSIGNOR J. M. S. LYNCH, D. D,
Zealous the pastor, cloquent the preacher, learned the confessor, saint-
ly the priest, to be able to do justice to this thème.
As I looK ont upon this large assemblage of priests and people, I
realize that many who are listening to me are leaders in the Eucharistie
Crusade inaugurated by our Holy Father, the Beloved Plus X. now glo-
riously reigning.
I am conscioui5 of how far I fall below the idéal of a true promoter of
this sacred cause, and I fear lest the " medice cura te ipsum " rebuke
may rise unbidden to your lips and challenge my sincerity.
And so it may happen, that however wise my counsels, they may prove
abortive because not enforced by the drawing power of example. How-
ever, it is the cause of the Eucharistie God that I plead, and I feel hon-
ored to be allowed to raise my feeble voice and do aught, be it never so
little, for our Emmanuel.
When we reflect that even canonized Saints failed at times to realize
the f ull benefits of fréquent and daily communion ; when we recall that
the Angelic Aloysius prepared for three days for lus M'eekly communion,
and spent three more days in thanksgiving for the visit of his Heavenly
Guest; we almost fear that we are guilty of irrévérence in urging sinners
1o snch familiar intercourse with our Lord in the Blessed Sacrament.
But, hère, we must keop in mind the truc évolution that is constantly
taking place in the Catholic Church : that wondcrful developuient of
doctrine by which, as the treasures contained in the Deposit of Faith are
being brought ont into clearer and clearer light, the flowers of dévotion
shoot fortb from tlie Tree of Faith to moot tho wants of each succeeding
âge. This will help us to understand that pcrhaps it was a part of the
Providence of fJod to reserve for our timo tho full understanding of the
gift of the P»U'8Sf'd Sacrament, by usine it in tho wav that Christ intended.
8Si)
A Doctrinal and Disciplinary Decree.
The distinguished C'ardiual \'annutelli, who is the spécial Legate uf
tlie Holy Father to tins Eucliaristic Cuiigress, and whu signed tlie J)cvreL'
ou Daily C'oininunion, spoke at tlie Eucharistie Cougie&s at Tournai, a
few years ago, as follows : *' This great Pontifical Act so niaturely consi-
dered and so seasonably proniulgated, is, at oue and the saine tiiue,
doctrinal and disciplinary."'
As Father Liiitelo puts it tersely : " If Inlallibility luis not spoken,
Authority has.''
Plus X. lias conimanded that ail parish priests, confossors, and preach-
ers, are frequently and with great zeal to exliort the l'aithful to the
practice of fréquent and daily communion. Therel'ore, it is not enough
simply to speak of this Decree casually, to reconmiend fréquent commu-
nion occasionally in the confessional, or simply to tolerate the practice
\ve find growing in tiie jiarish; no, we must lead in the propagation of
this dévotion, in season and out of season; we must urge the practices
constantly. The only question, then, which is open to discussion in this
matter, is how best to carry out the wishes of the Iloly Father.
Now, let us discuss some practices that are feasible, and tluiî would
make for more fréquent communion.
Obviously, there will be quite a différence between country-places and
large city parishes in regard to the practicability of what is undei-siood
by fréquent communion. But, is it not true that with a little zeal and
tact, communions miglit be easily multiplied even in counirv-])laces?
Let us take, first, those rural places where large numbers of the faithful
live at a distance from the church, where they cannot even assist at Mass
every Sunday, much less practice frocjuent communion. Again, even in
more compact parishes, where the great mass of the peo'ple live iu the
village comparatively close to the church, even hère daily Mass without
interruption is impossible, because the priest must go away sometiines,
and often there is no onc to su])ply his place. In botli the^;e cases, why
may not the people be taught to follow the recommendation of the
Council of Trent, and receive Holy Communion as often as they assist
at Mass?
I remember many years ago, in one of the Southern States, assùsting
a pastor in one of his visits to a Créole colony located on an island more
than one hundred miles from the nearest church. There were over a
hundred in that strange settlement. I found them a most devout, reli-
gious peo])le. They had a little chanel, and the Angclus was niug
regularly, and they ail assisted at morning and evening prayers and at
many other dévotions. What was remarkable was that they were so very
pious in spite of the fact that they had Mass only once or twire a year.
Whon the priest came, it was a great event in the litth' commiiuity,
even'body exoept the little children receiving Holy Communion. TIere
was an example of fre(|uent communion as far as it was practicablc If
thev could hâve had ^fass daily. I am sure tliey would havc cctnimnii-
icated daily. They complied with tho recommeiidalion of the ('((uncil
of Trent to the lettcr, receiving Holv Communion everv time thev a.-'sist-
— 890 —
ed at tlie Holy Sacrifice of tlae Mass. Yes, as far as possible in such
cases, let the entire congrégation approach the altar rails. Let facilities
be given for confession tlio evoning before, or in the morning before
Mass. It is not to be expected that every person in the parish would
avail himself of this privilège, but there is no doubt that a very consi-
dérable number would do so, if the priest would insist on this practice
and repeatedly urgc it. But, is it not a fact that some priests instead of
encouraging fréquent communion, actually oppose it? I know churches
where Mass is celebrated every Sunday; but there is a rule strictly en-
forced by the pastor that communion be administered only on the first
Sunday of the month, and eveu those who would like to be weekly com-
municats, would not dare approach the altar rails on forbidden Sundays.
Of course, such a rule would militate against fréquent communion,
and even against communion which is not fréquent, in the proper
sensé of the word. I remcmber, when a boy, being driven from the con-
fessional because 1 had the audacity to return after three weeks for an-
other communion. The good old priest believed that he was promoting
respect for the Blessed Secrament, but as a matter of fact, he was, on
account of his early training, tainted with the poison of Jensenistic
heresy. Let us hope, however, that there are few pastors so insubor-
dinate as to so dagrantly disobey the command of the Sovereign Pontiff
in so important a matter.
Again, take a parish where two places are cared for bv one priest,
who is obliged to celebrate early and late Mass alternately in either place.
Why should he not stay over night in the place where he is to say the
early Mass, and hear confessions the evening before and make an effort
to hâve gênerai communion ? And the following Sunday when the Mass
is at a later hour, why could not ail thèse same communicants receive
asrain without confession, provided, of course, that they are in a state
of grâce?
Some will object that this is impracticable, that people could not fast
so long. But is not the difîculty of f asting very much exaggerated ? How
does it happen tliat many dehcate priests are able to fast until one o'clock
on Sundays, and do a great deal of severe work meanwhile without
doing themselves any permanent harm? And yet you tell me that
strong, healthy men and women would ruin their heaîth by fasting 'till
noon once a fortnigbt? Of course, I admit that many could not really
fast, but I maintain that a large number of people in parishes of this
kind could reçoive communion at the late Mass, with little or no incon-
renience.
The Forty Hours a Continuons Prayer.
Again, why could not the dévotion of the Forty Hours open on Friday
iastoad of Sunday? Then, let ail the confessions "be heard, if possible, on
Thunsday. Tlio faithful could be urged to receive Holy Communion on
each of the three days instoad of once, as now practiced in many places.
I would then exhort the faithful to visit the Blessed Sacrament fre-
— 891 —
quently during the Triduum, and especially on Sunday, when I would
close the dévotion in the afternoon or evening. They could be taught
in this way the real meaning o£ the Forty Hours, that it is a continuous
prayer, and not simply a time for going to confession and communion.
Finally, I would urge ail who made the Forty Hours to receive again on
the foUowing Suiday, without requiring confession. The faithful
ahould be taught that the Forty Hours is not simply the annual com-
munion for the parish, but a dévotion instituted principally to honor the
Blessed Sacrament and to make réparation for the sins committed
against it, and this is best done by fréquent communion.
I know churches where the Forty Hours takes place a month.or so
after Trinity Sunday, and many of the people actually fail to make their
Easter duty, and do not f ully realize the sin they are committing in wait-
ing for the Forty Hours, which is looked upon as the annual communion
required by the Church. Why not utilize this beautiful dévotion of the
Forty Hours to help rather than to hinder the practice of fréquent
communion ?
Again, why could not the Eucharistie Triduum, which is of obligation
in Cathedral churches, but strongly recommended for ail parish
churches, be held in ail country churches, and even in out-missions, when-
ever practicable ? For it must be kept in mind that a campaign of
éducation is sadly needed before fréquent commuion can take a strong
hold upon our people. For that devout and salutary practice of daily com-
munion for ail, men, women, and children to which the Pope so strongly
urges us, though it is not new in the Church, is new to us vnth such
Eucharistie discipline as most of us priests hâve had.
Ilere is another method of spreading the practice of fréquent com-
munion. It is customary in many country-places to invite a few of the
neighboring priests, and hâve spécial confessions during the Paschal
season, to enable ail to make their Easter duty. Why not exiend this
praiseworthy custom, and hâve priests gather together in such places at
other times, say, during Advent, the Christmas season, October for the
Rosary, and June for the Sacred Heart? ^^^ly could not opportunities
like this be given to enable ail the faithful to receive Holy Communion
as often as possible during the year? Finally, I would suggcst as a
aplendid means of propagating fréquent communion, to hâve a strong
center of the Apostleship of Prayer, otherwise know as the League of
the Sacred Heart. Twenty good promoters could do wonders in this Une
among the 8cattere<l Catholics of such a parish. Let the promoters be
well instructed in their duties by the local Director, and fired with holy
zeal for the spread of fréquent and even daily communion.
I know that there are many centers established already in country-
places ; but very often the promoters are nothing but letter-carriers who
deliver indirectlv the décade leaflet to their associâtes, and do not even
give it the importance of a registered letter which requires personal de-
liverv. Of course, in such phicos the Eeague will not l)e a very great
help towards fréquent communion. But let the promoters be selected
with care and trained with diHgence. Let them be exhorted to see eaoh
one of their associâtes personally, at least once a month. Let them make
— 892 —
a complète canvass of tlie i)arish, and sec tliat every man, woman, and
child is re«-istered, at least in tlie first cleijrce; then let tlieni by constant
iniportuiiities gradually draw theni to join tlie third degree, even if they
are unwilling, a;; will liappen in niany cases, to accept thc obligations of
the second degree. As is well known, the third degree requires a weekly
or nionthly communion of réparation. Suppose twenty good promoters
sliould succcetl in getting only ten of their associâtes to practice the third
degree, that would mean two hundred weekly or monthly communions.
But even if this high idéal cannot be reached, and, perhaps, it is too
niucli to expect, is it not undeniable that a band of good promoters en-
couraged and pushed on by a zealous Director could succeed in getting
niany people to go to communion often, whom the pastor might never
reach ?
Now let us see what can be donc in large city churches comprising
often several thousands of population. In order to facilitate the prac-
tice of fréquent communion in such parishes there should be well organ-
ized sodalities for ail classes ; for the older men, for the young men, and
for marriecl and for single women, and for boys and for girls.
The Holy Name Society promotes Fréquent
Communion.
Efforts should be made to get every parishioner to join one or other
of thèse sodalities. For the men, it would seem that the Holv jSTame
Society, with senior and junior branches, would be best adapted for the
purpose. Monthly communion should be the rule in thèse societies for
men. In some cases this might be optional at first, with quarterly com-
munion obligatory. If there could be an annual Eetreat for" thèse
societies, there would be no difficulty in keeping up monthly commun-
ion. I know large parishes where this is actually donc, so the idea is
not chimerical. For the édification of the people it Avould certainly be
désirable to hâve thèse societies receive in a body ; but if this is objection-
able to any considérable number, I should be satisfied if they would bring
cards to the meeting showing that they had received.
I would hâve the sccretary of the society keep a careful record of the
delinquents, and I would hâve them followed up. There is no doubt
that if the great bulk of the men of the parish were to go to communion
monthly, a large number would begin to receive weekly and even often-
er, and thus thc désire of the Sovereign Pontiff as regards the men
would be in great measure realized.
For the married women, I would hâve the Eosary, Altar Societv, or
some otlier of the kind ; and for the young women, a Sodality of the
Blessed A'irgin. I would change at once the old rule of thèse Societies
which requires only monthly communion, and make it once a week. One
necd not be too timid, the TToly Spirit has breathed, a change has corne
over the ideas of thc faithful; the death-blow has boen given to Janse-
nisin, and clients of Mary now look upon their rule of monthlv commun-
ion as only defining the minimum of obligation, and in practice, they go
— S93 —
to comniuniou mon' t'ie(iuently. If I sliould feel tliat goin? to commun-
ion in a body, with veils and medals, was a liindrauce ratlier than lielp to
fréquent communion, 1 sliould let the sodalists receive at any Mass.
provided they received weekly. Hère is another important matter in
regard to young women, for the twentictli centui-y pastor to take into
aeoount. I admire the hasts of young women throughout the world, who,
besides going to communiou on Sundays, assist at Vespers, and after-
wards recite the office of the Blessed N'irgin, and listeu to a long in-
struction from their director at tlieir meeting. I say to ail priests, keep
up this beautiful practice if you can. Would to God that it wcre ])oss-
ible to get every young woman in the United Stateâ and Canada to show
her dévotion to our Blessed Mother inthis splendid manner ! But the
fact cannot be ignored that there are large numbers of young women.
especially in our cities, the very ones who, perhaps, need tlie Sacraments
the most, who are unwilling to give up their whole Sunday to pious
exercises, or to wear veils and medals in church, and for this reason keep
ont of sodalities and, worse, seldom approacli Holy Communion. 1
would say, then, to the zealous pastor who wants to feed not only the
good but the less good of his flock : Form another sodality from thèse
dissenters ; call it the weekly communion sodality of the Blessed Virgin.
Let this be only essential condition of a membership. Xo veils, no
medals, no office; brief meetings on a week evening, perhaps once a
month. I^et the sodalists go to communion on any day, at any Mass, in
any church, only weekly. When I had this practice ol weekly commun-
ion for married and single women's sodalities firmly established, then I
would give instructions on the Blessed Sacrament from time to time at
their meetings. I would explain to them that what is desired is not
weekly but daily communion, and I would strongly recommend com-
munion at least once or twice during the week, explaining that extra
confessions are not at ail required. To accomplish this the more surely,
I would insist on daily Mass. If weekly communicants would hear Mass
daily they would soon become daily communicantes. I am sure Ihat in
a short time they would show a great increase in the iiumber of com-
munions. I hâve said that in country-places where the pcople are scat-
tered and ofton far distant from church, the Apostleship of Prayer
could be utilized for the sprcad of freriucnt communion. T might add
that this wonderful organization might be evcn more j)rolital)ly madc use
of in large city parishes for the same purpose. WTiy not organize a Par-
ish League of the Sacred Heart, and enroll every man, woman, and
child in it with a view of leading them gradually up to the practice of
the third degree? I know city parishes that are divided into districts
like the wards of a city. A promoter in charge is put over each district.
This promoter is assisted by several others. Each takes charge of
somc certain street or streets. In this way a thorough canvass is made
and kept up constaiitly of the cntire parish. 'V\\v ju-omotcrs are e\-
horted to lead their ass(K-iatw< gradually to the practice of the third
degree, which re(|uires weekly or monthly comTiiunif)n. The voicc nf the
pastor from the pulpit may excite pious inipluse in ihc hearts of hi*
hearers, but the spécial incssege sent in his nanie to each individual ])ar-
— 894 —
ishioner, and repcated over and over again by zealous promoters with
ceaseless importunity, albeit with kindness and tactful prudence, is
bound to hâve its effect sooner or later, in bringing communicants to the
altar who frequently might never hâve heeded the gênerai invitation of
the preacher.
As to Fréquent Commuixion for Children.
Like St. Francis Xavier, who was so successful in his Apostleship
work because he began with the children, if we wish to succeed in spread-
ing the practice of fréquent communion, we must likewise begin with the
children.
This work should be commenced during their préparation for First
Communion.
And during the two or three months of immédiate préparation, t
wliich, according to the new Decree of the Holy Father, children are to
be admitted, who, with the consent of their parents or confessor hâve
already made their First Communion, why not dévote a part of this
time to explaining to the children the Decree of the Holy Father relat-
ing to the daily communion of children, disabusing them of the notion
so universally prévalent that daily communion is not for children. There
are very many good people who think that children, as a rule, are too
giddy to receive Holy Communion very often, and should only be allowed
to communicate at most once a week, and then with very careful pré-
paration, and protracted thanksgiving, lest otherwise the Sacrament
might be exposed to irrévérence. But, notwithstanding this apparentlj
strong objection, the Holy Father has absolutely decided the point other-
wise, and there is no longer room for a contrary opinion. " Ought
daily communion," was the question proposed to the Holy Father, " be
reoommended in establishments for the éducation of the young, even to
ail children whatsoever, after they hâve made their First Communion ?"
The answer is plain and unequivocal : " Yes, they ought not to be hind-
ered but on the contrary exhorted thereto, the contrary practice any-
where prevailing being condemned." Let us give up our false notions
on the matter, however reasonable they may appear to us, and not
attompt to be \viser than the Church.
In the earlv Church infants received the Precious Blood immediately
after baptism, and it is a historical fact that little children stood directly
in front of the Holy Table and received communion next after the
clerics. It was a custom, if many fragments of the Blessed Sacra-
ment remained, for the priest to call up the little children to whom
they were distrihuted. Consequently, there is no good reason why
fréquent and cvon daily communion should not be specially recommend-
ed, even in our times, to the little ones, the precious lambs of the flock.
" And this ail the more," to use the words of the Decree regarding daily
communion for voung children, "because it is absolutely necessary that
children hcf;ome uniled with Christ bcfore their passions get the start
of them, and that they may thus hâve the strength to repel vsdth greater
energy the assaults of the devil and of other internai and external foes."
— 895 —
It must be kept in mind tliat chiidren are either in asyluuis, boarding
schools, or at home with their parents. Hence the question was put to
the Holy See, first, in regard to ail chiidren whatsoever, and the answer
was identical for both classes.
Of course, it is much easier to spread the practice of fréquent and
daily communion in boarding convents for girls, and collèges for boys,
and orphan asylums, and industrial schools, than among chiidren resid-
ing at home. Chiidren in ail thèse différent kinds of establishment are
easily induced to follow a practice of tins kind, once it is understood to
be the rule, and the wisli of the Superiors. And yet, strange to eay, it
is a fact that this practice of daily communion does not obtain yet in
many establishments for the éducation of the young in the United States
and Canada. Chiidren will do what tliey are told. It needs but the
Word of authority, and the wish of the Holy Father can be inimediately
realized in ail institutes of this kind. May we not hope that this will
be one of the results of this Eucharistie Congress, assembled under such
happy auspices, that for ail chiidren after tliey hâve made their first
communion, daily communion may become an actual fact in ail estab-
lishments for the éducation of the young according to the wishes of our
Holy Father?
I am far from asserting that the neglect of this precept has been uni-
versal in institutions of this kind. There are many bright and consoling
exceptions to this strange disregard for Papal authority. I remember
visiting a couvent, a few years ago, about Christmas time. There were
over a hundred pupils, and the Sister Superior sait that they ail had
received Holy Communion every day from openin? of the school in the
preceding September.
The problem is not so easy as regards chiidren attending parochial
schools. In many of thèse schools the rule is now to receive Holy Com-
munion monthly. The first step would be to change this into weekly
communion. But weekly communion is not daily, nor is it fréquent
communion, nor will it satisfy the desires of Jésus Christ and the
Church, to use the words of the Holv Father.
It would be a great help to hâve a retreat for ail the chiidren of t)ie
parish at the opening of the schools in September. At that time the
Decree of the Holy Father regarding daily communion for chiidren
could be thoroughly explained, and the chiidren mierht receive evcrv day
during the Retreat. Even the chiidren not attending the parochial
school might be urged to make this Retreat, as far as it would be pos-
sible. As a practical means of niultiplying the communions of parochial
school chiidren, I would suggest Ihat their confessions be heard on Fri-
day throughout the year, and that they receive Holy Communion on
Saturday and Sunday, if possible, also on Monday, on tbis confession.
This would be a beginning. Once a month the confessions could be
be heard on Thursday, and tlio chiidren could receive on llie First Friday
and the following <lays, on the same confession. Beside^, communion
could be carnestly recommended for spécial feast days occurring during
the weok wilhout repeating the confession.
Much will, of course, dépend on the zeal of the paslor in carefully
— 89G —
and repeatedly instructiiig the childreu of tlie parish on tlie advantages
of fréquent aùd evon daily communion, specially l'or childreu. Hère lie
has a distinct advantage over collèges and couvents where the teachers
are not priests, because his words are more effective on such matters.
He is required to visit his school regularly and iustruct his childreu
coustautly ou how to receive the Sacrameuts. "Why caunot he train
the chiklren, whom he is moulding like wax, to look upou daily comnaun-
ion as the proper thing for good Catholic boys and girls ? Since in other
matters they are formed after his ideas, why not in this?
Daily communion for childreu is not merely an académie question.
It is intensely practical. It is by no means impossible. I hâve heard
already of some parochial schools in which it is actually practiced, and
of others where it is being gradually introduced. Doubtless in a few
years there will be many others falliug into line. Wliy not join the pro-
cession at once? Why wait until \ve are forced into it by the examples
around us? The priests who are quick to obey the Holy Father will
deserve more merit than tliose who obey only because they caunot very
well do otherwise.
In Regard to Confessors.
Xow a with regard to confessors. It is true that the work of he cou-
fessor in this Crusade caunot from the very nature of thiugs be as
effective as that of the pastor and the preacher. Obviously, he has not
time to iustruct his pénitents on the Papal Decree regarding Holy Com-
munion, and eveu if he did so his pénitents might dread to put in prac-
tice what would look to them a new departure, and as if they had been
singled out from the rest of the faithful for giving an advanced example
of piety. But, ou the other haud, the words of the confesser carry gi'eat
weight to the sincère pénitent. He is not, iudeed,the sower sowing the
seed in the heart of the multitude at large, as he who preaches the word
of God. But it is more ; he is the voice of Grod speaking to the indivi-
dual pénitent, and speaking, too, with a full kuowledge of the dangers
and the weakness and the disposition of the sinuer before him. He is
not only father, and judge, and teacher; he is, above ail, the physician
who has spécifie remédies for each particular spiritual ailment. Often
he may be able to seud back badly directod pénitents to their parishes to
become very apostles of fréquent communion, and their example, fol-
lowed by those whom they are able to influence may, at last, opeu the
eyes of the pastor to the harm he is doing in keeping soûls from the
" Fountain of Life."
.\gain, the confesser soon realizes, as he listeus to tlie sad taies of
human woe, how true it is that fréquent communion is tlie real panacea
for the relapsing sinner of every kind, especially of those addicted to the
rice of impurity.
Time will not permit me to treat of the many o])jections that are con-
itantly being made against fre^iuent communion. The answers can
ea.sily \h: foiind in dr-votional books. and especially the new ones that
— b9r —
appeared since tlie Papal Decrec. But it strikcs me that there are two
principal objections that are in your niinds, and that deserve a passing
notice. It may ^e that on account of thèse two objections, nianv of you
are inclinod to think that most of my suggestions hâve only an académie
interest, and can never be reduced to practice. Hère is the first :
If fréquent and daily communion becomes the rule for a large por-
tion of the faithful, it would be a physical impossibility to hear the con-
fessions. This objection reminds me of the man who said that he could
not make his Easter duty because he had proved by a mathematical cal-
culation that there were not priests enough in the city to hear the con-
fessions of the Catholic population. He was told that he could go to
confession and not worry about others. So I say that no matter how
many there are who désire to go to communion frequently, each person
may rest assured that he will be able to go to confession as often as
needed, and let the others take care of themselves. Besides, confession
is not a necessary condition for receiving Holy Communion. The De-
cree on fréquent communion does not even require a constant state of
grâce. It is enough to be in a state of grâce at the time of receiving
communion. St. Alphonsus teaches that a person who doubts whether
he has sinned mortally or not, may lawfully go to communion without
previous confession, whether the doubt be positive or négative. Antoni
adds that this doctrine of St. Alphonsus must be taught to the people
if it be desired that the faithful should go forward with fréquent com-
munion. " An expérience," he adds, " of mission work during thirty
years and more has convinced me that it is the fear of being in mortal
sin, and hence of making sacriligiou.s communions, which causes so many
who live habitually in the grâce of God to omit communion." If people
wish to communicate daily, and cannot conveniently go to confession ex-
cept at long intervais, let them act on this teaching without any seruple.
I hâve never heard of a priest who would hesitate to follow this theolog-
ical opinion in practice, even when celebrating out of pure dévotion.
Why should not the faithful enjoy the same privilège? Is greater purity
of soûl required for receiving Holy Communion than for celebrating
Mass?
Let fréquent communicants go to confession weekly, if possible. But
when this cannot be done, let them go to communion without confession^
and let them never omit a communion simply beciiuse of a long interval
since the last confession, save only when they are sure that thoy are in
mortal sin. The Church expesses her mind very clearly on this subject
when she allows those who receive Holy Communion at least five times
a week, to gain ail the plcnar\' indulgences that are gainahle, even
though they go to confession only once a fortnight or once a month. or
even less often, for the Decree puts no limit. As regards venial sins,
we should teach the people the doctrine of the Council of Trent. that
reniai sins can be remitted in many othor ways bcsidc* g<iing to confes-
sion, and especially by fre<|Uent communion, and insist esjKtially witli
pions people that Holy Communion is never to be omitte^l for laok of
confession, provided, of course, the person is not sure that he is in mortal
sin. You will objoct that some of the saints went to confession twioe a
29
— 898 —
dav in order to receive the grâce of the Sacrament of Penance. Yes, but
such a practice, however praisewortliy, is ol'ten morally impossible ; and,
besides, there are laany other saints who did not observe tbis practice.
But at any rate, whetber the faithful go to confession twice a day or
once a moutb, that is no reason why they sbould not practice fréquent
and daily communion. To sum up on tbis point in the words of a dis-
tingushed theologian : " Theref ore, far f rom requiring an increase in the
number of confessions on aocount of f requf^nt communion, the Holy See
supposes that the faithful who are accustomed to communicate every day
need not approaeh the confessional even once a week, or even once in two
weekfi."
The second objection is that fréquent and daily communion might
lead to a lack of préparation before, and of thanksgiving afterwards. I
answer in the first place, that thèse two most praisewortliy actions are not
conditions sine qua non for the réception of Holy Communion. Why
sbould we say to pious soûls as the Jansenists do : " that the day on which
Holy Communion bas been received must be wholly spent with our Lord
in the Garden of Olives?" Why not rather oounsel them with St.
Francis de Sales, thuswise : " I sbould never deny myself suitable ré-
création on the lay on which I bave communicated ? " The serions pré-
paration and suitable thanksgiving recommended by the Papal Decree
are not for the obtaining of the essential fruit of the Eucharist but for
producing those greater effects that dépend on the disposition of the
communicant. I sbould certainly say that a person who would make no
préparation at ail, but receive devoutly without voluntary distraction,
and would make but a few moments thanksgiving, would still do well by
receiving daily, altbougb at the loss of many grâces, if tbis lack of pré-
paration and thanksgiving were culpable. I certainly would recommend,
with moralists, careful préparation and a quarter of an hour, if possible,
for thanksgiving. But neither must be required under penalty of giv-
ing up the communion. I know pious soûls that communicate daily,
that never make more than five minutes thanksgiving, and I would not
dare drive them from the Holy Table for that reason alone. No, let us
not insist too much on tbis long préparation and longer thanksgiving
when it keeps people from the Ploly Table. The best préparation for
to-morrow's communion is to-day's, the best thanksgiving for to-day's
is to-morrow's.
My d(iar brothers in Jésus Christ, listen to the words of our Holy
Fatber Pius X., at the Eucharistie Congress held in Eome a few years
ago : " It is especially to you that I turn, priestly sons, that Jésus, the
Greatest Treasure of Paradise, the grandest of the benefits that poor
humanity bas received, sbould not be coldly and ungratefully abandon-
erl." The commander-in-chief bas spoken — le mot d'ordre bas bèen
givcn. We are the commissioned officers under our God-given Bisbops
in tbe grand army that is battling with the world, the flesb, and the
devil, for tbe salvation and tbe sanctification of tbe soûls redeemed by
Christ's pre<--ious blood. Ah! let us gladden tbe hcart of our beloved
Fatber, the Vicar of Christ, as with yearning eyes he looks toward tbis
Western Continent, tbe hope of the future for practical love of tbe
— 899 —
Eucliaristic God. Lei us pledge him our dévotion to this cause whieli
he lias so much at heart. Let us rejoice that it is our privileiîe to share
with him in so noble an undertaking. Who knows but that it was this
very practice of fréquent and daily communion that the prisoner of the
Vatican had in mind when, at the very beginning of his glorious ponti-
ficale, he announced the sublime purpose of hio reign, " To restore ail
things in Christ/'
REASONS FOR OUR RELIEF IN THE REAL
PRESENCE.
BY
REVEREND A. THOMPSON.
THE proofs of Christ's real présence in the Holy ilucharist are based,
as are the proofs of ail other dogmas, upon divine révélation. It is un-
necessary to remark hère that the channel through which such révélation
is brought home to us is tradition, either manifested to us in the Written
Word, or transmitted " Sine Scripto " from génération to génération.
It is not the purpose of the présent paper to discuss thèse principles of
theology; they are merely referred to as fundamental propositions ne-
cessarily presupposed in theological discussion.
The total déniai of thèse principles would, of course, render futile
the attempt to produce in the mind of the person rejecting them any
conviction of the reality of Christ's présence in the Holy Eucharist. We
hâve, however, frequently to deal with certain classes of Christians
who, while admitting the fact of divine révélation, confine its extent and
expression to the pages of Holy Scripture; and with thèse we hâve to
face the difficulty of agrecing upon tlie premises from which the argu-
ment is to proceed. This difficulty is increased fîrstly, — by the prin-
ciple of private judgment, which with them is fundamental, and affords
innumerable opportunities for evading the natural and obvions infer-
ences which the words of Holy Scripture warrant; and sccondly, — by
the vague and limited sensé in which divine révélation lias corne to be
understood within récent years.
Tlie purpose of thèse preiiminary remarks is to call your attention
to the différent lines of argument which the exponent of Catholic truth
may find it expédient to adopt according to the différent intcUertual
make-up of his audience; for the efficacy or utility of an argument in
producing mental conviction dépends not only ujion the strength or
cogency of the proof as viewo<l in itself, but also upon its adaptability to
the mental attitude of the persons whom it is intcndod to convincf.
Hence it is that of two arguments resulting in the same logitimate con-
clusion, one may bc more convincing tlian the othor with a certain dass
— 900 —
of pooplo. either because it proceeds from principles which they easily
uuderstaiid ami admit wiLliout hésitation, or because the Une of reason-
ing adopted is more in accordance with their intellectual bent. .
To anvbodv wlio admits the voice of a teaching Church as the auth-
entic médium of God's révélation, the ail sufficient proof of a doctrine
is tliat the Church has declared it to be of faith. This, of course, is
true not only of the Holy Eucharist, but also of ail other doctrines pro-
posed for our aoceptance. In giving his consent to the doctrines
propoundcd for his acceptance, the ordinary Catholic is concerned with
no other motive than the fact of the Church's teaching. With him the
chain of inference consists of but two links, for example, " I believe in
the Divine Incarnation, because God has revealed it." " I know that God
has revealed it because the Church so teaches." While this disposition
of the intellect and the will is applicable to ail the truths which are in-
cluded in the deposit of divine révélation, there are nevertheless certain
dogmas of faith, which, by reason of their prééminence and their in-
timate association with his spiritual life, produce in his mind a certain
disposition which may be called a quasi-instinct. This disposition
towards the supernatural has its analogy in the mental attitude which
the mind acquires towards certain objects in the natural order. Not
only do we not question the reality or existence of thèse objects with
which we corne in daily contact; we do not even stop to analyse the
motives or criteria on which our certainty is based: the child does not
inquire if the bread which his mother hands is really bread, or why.
Even when it increases in âge and expérience, any such inquisition would
be, not of a practical, but of a purely spéculative character. In the
domain of faith the truths which possess this prominent note or charac-
teristic are the principal mysteries of religion and others which hâve
become familiarizod by daily contact, or assimilated by use from child-
hood up.
The invocation of the Holy Trinity in the sign of the cross, which
Catholic parents with such deep and fervent piety teach their lisping
babes, together with the fréquent répétition of the same holy Symbol,
has served as a means to impress indelibly on the soûls of Christians
the principal mysteries of religion. The Holy Eucharist also exercises
this prédominant influence upon the Catholic soûl,
Ilaving boen at ail timcs the very center of public worship and private
dévotion, it could hardly be otherwise. It would indeed be strange if
the Bread of Life could be viewed only in a dim light, with outlines
vaguely dofined, by those to whom it has become flesh of their flesh and
bone of their bone.
The Holy Eucharist, therefore, having entered into the very woof and
warp of Christian life and teaching, its élimination would, to the ordi-
narv Catholic, mcan the destruction and utter rejection of Christianity
it.self.
I find a striking similarity betwecn the mental attitude of the Christ-
ian towards the real présence of Christ in the Holy Eucharist, and that
of the people of Israël towards the existence of ' God. The prophets
and writers of old refer continually to the divine attributes, the holiness
— 901 —
of God, His justice, His omnipotence. He is the Creator and Sovereigu
Lord, the guardian of His people, the avenger of wrong, the defender et'
right, and its everlasting reward. To inipress upon the people a just
conception of God's holiness, to convince them of His justice, His prov-
idence, His almighty power, every manner of persuasion was brought
into réquisition.
But His existence was never, with them, a thesis for démonstration;
it never occurred to them to analyze the natural belief in God, or to in-
quire into the motives by which such belief is prompted. The one who
doubted in his heart the existence of God was in the language of Scrip-
ture " a fool," and therefore, not to be taken seriously. Wliile this
mental attitude of Christians, both of the eastern and western Churches,
towards Christ's présence in the Holy Eucharist is a séquence to their
faith in Christ himself and in his teaching. in which respect it agrées
with ail the other dogmas and beliefs which form a necessary part of
révélation and are inseparably bound up in the deposit of faith ; never-
theless, it difîers from the rest in this, that both its nature and the
place whijch it occupies in Christian worship and spiritual life, render
it far more prominent and cause it to engross attention in a degree sur-
passing that which is given to other truths, excepting the fundamental
mysteries of the Trinity, Incarnation, and Atoncment. And indoed,
of thèse same fundamental truths, it may bc remarked that the deep
faith and révérence with which the Christian a<îcepts them is intensified,
and their never ceasing remembrance most effectively secured, by the
Eucharistie Sacrifice.
Since ail argument has for its scope to produce a state of certitude in
the liuman mind, and since in this matter we hâve to deal not merelj
with the hunran mind in the abstract, but with individual intelligences
as well, prudence suggests that in selecting our line of reasoning we
adopt that which is best suited to the mental condition of those whom
we address. To bring conviction to the mind of one who rejects our
proposition as false or absurd, to replace doubt with certainty in the
mind which is wavering between the affirmative and négative, to
strengthen and buttress the solid con^^ction of those who bave always
agreed with u.-;, thèse surely are not identical problems; and the mode of
argument adoptod for the solution of one might not be, so far as the
others are concerned, productive of liappy results. Viewing the vastly
différent mental conditions of believers, doubtcrs, and scoffers, nor losing
sight of the one essential purpose of ail (lisputation, the exponent of
Catholic truth is called upon to exercise no small amount of discrétion
in setting forth the proofs of Christ's real présence in the Holy
Eucharist.
Let us take the ordinary Catholic, who has learned his catechism. but
whose state of life imposes no ol)ligation to make a spécial study of any
dogma. On Sundays he is an attentive listener to the religions instruc-
tion given in the pari^h church. which constitutes for him that amount
of Christian teaching which is nwessary and ought to be sufficient to
ensure an intelligent knowlodge of liis lioly religion. It will be admit-
ted that our main concern is with ihis class of people. What line of
— 903 —
argument, if anv, should we adopt with thèse? I give it as my opinion,
that the preael^r, wlicn addressing tins audience on fundamental sub-
jects such as the existence of God, the Trinity, the Incarnation, the
Keal Présence in the Eucharist, should never adopt the controversial
style. The proofs if stated, should be so presented as to eliminate from
the discourse every semblance of polemical treatment, for this latter
treatment niay often hâve the elïect of modifying the intellectual bear-
ing of tlie hearers tow.ards tlie particular truth thus treated; a change
which in many instances might be injurions rather than bénéficiai.
What is the normal attitude of the Catholic layman's mind to the dogma
of the l\eal Présence? It is one of firni conviction; a conviction, more-
over, which, as I hâve endeavoured to point out, takes upon itself the
fomi of an instinct attaining its object as a matter of fact, independ-
ently of ail mental analysis. Now, when a statement of any truth is
subjected to formai polemical or controversial treatment, the ordinary,
untrained intellect is apt to perceive it in a guise under which it perhaps
never appeared to him before, namely, as a debatable subiect. It is dif-
ficult for us to make such a class of people fully realize that even truths
which are dignified with the highest degree of certainty mày be the
legitimate subject of argumentative treatment, with reasons alleged
pro and contra. Their mental equipment is not sufficient to enable
them to distinguish as readily as their teachers eau. But, while avoid-
ing ail semblance of debate in treating of such august mysteries, the
teacher or instructor of the ordinary Christian should consider it one
of his most sacred duties to bring to bear npon thèse sublime truths
whatever tends to accentuate their beauty, their majesty, their harmony
with ail truths; whether thèse occasions be taken directly from the Holy
Scriptures, from the writings of the Fathers, or from any other source
Jiistorical, liturgical, or archeological.
^^^lat partlcular line of reasoning then, can the teacher adopt with
the best efïect in expounding to his Cathalic bearers the sublime mystery
of Christ's real présence in the Holy Eucharist? There may be a
legitimate différence of opinion as to the relative effectiveness of several
arguments with the class of hearers to whom I refer; I can, therefore,
only attest my own conviction.. I thing I may be pardoned, if I add
that my conviction on this point is so strong that it would be difficult
for me to exaggerate myestimate of the results which follow from ex-
nlaining to our hearers the arguments de convenientia, set forth by St.
Thomas in the paîs tertia of the Summa Theologica.
^^^lile the limited space at my disposai precludes anything like détail,
I shall, nevertheless, crave your indulgence to state briefly my reasons
for attaching so much importance to the reasoning of the Angelic
Doctor. We hâve in the Holy Eucharist thèse four points to consider;
first, the institution of a rite by Christ; second, the exact nature or sig-
nificance of the rite thus in.stituted; third, its possibility; fourth, what
ja called its convenientia. This congruity results from a variety of its
relations to God's attributes, to the mystery of the Incarnation, to the
plan of rédemption and sanctification: it is, in a word, its harmonious
— 903 —
adjustment to tlie whole schenie of revealed religion as set forth in the
Olcl and Xew Testaments.
C'oncerning the first point, no doiibt lias ever existed. The seconn
has been called into question, the undivided concensus of both the East-
ern and \Yestern Churches standing for the full, perfeet, literal inter-
prétation of the words of Christ, " this is My Body," " this is My
Blood." From this universal belief the reformers of the sixteenth cent-
ury broke away, substituting varions ideas and interprétations ail agree-
ing in this, that the words are not to be taken in their literal sensé.
Regarding the third, namely, the possibility of the Eeal Présence, tliere
can be no question among those who bclieve in the divinity of Christ.
Those, therefore, who reject the Catholic teaching cannot consistently
do so upon the ground of impossibility. And if our expérience with sucîi
people has been sufficient to enable us to analyze their state of mind, we
find that their objection rests mainly upon the fact that they regard as
an incongruity what is as a matter of fact most conformable to the whole
.scheme of divine révélation, and what, if explained to them, they would
soon actnowledge to be the crowning glorv and perfection of the religion
of Christ.
St. Thomas refers first of ail to the perfection of the Xew Law, the law
of substance and reality, which has supplanted that of figure and shad-
ow. The deliverance of God's chosen people from Egyptian bondage,
the saving blood of the paschal lamb, the passage through the Bed Sca,
the wanderings in the désert, and the attainment of the promiscd land,
were types of the spiritual life and destiny of a far more highly fav-
oured people, for whoni were reserved gifts and blessings so far sur-
j)assing those lavished upon the children of Israël as the spiritual
transcends the temporal, the supernatural, the natural. The ]\ranna that
fell from on high to nourish from day to day the bodies of the wand-
erers in the désert was a marvellous instance of Gwl's loving solicitude
for their welfare. Our Blessed Lord made use of this vory in.<tanco in
order to illustrate the transcendant dignity of the new dispensation : '' I
am the bread of life. Your fathers did eat Manna in the désert and are
dead. If any man eat of this bread, he shall live forever; and the bread
that I will give is my flcsh for the life of the world."'
The devolopmcnt of this analogy will show that the Christian dispen-
sation would be lacking an essential clément of its perfection over the
old were the bread " wliich endureth unto life everlasting " not the very
flesh of Christ, " my flesh for the life of the world."
St. Thomas rominds us that the TJoal Présence of Christ in the Iloly
Eucharist is in conformity with his cliarity, "ex qua pro salutr nostrn
corpus verum n-ostrae naturae sumpsit." It is strange that those who
perceive an incongruity in the Poal Présence of Christ in the Tîoly
Eucharist can accept with equaniiuity the doctrine of the Incarnation,
which is the outcome of the same infinité charity of God. As tlie Holy
Doctor points ont, "maxime propriiim nmiritiae est convivere nmicùt."
It is strange, I say, hat any Christian who adores Gnd Incarnate should
objoct to wliat niay l)o called the n.Uural oulcdme of the sniiif love which
j)romptod the Incarnation.
— 904 —
St. Thomas views in tlie Iloly Eueharist an object for the perfecting
of OUI- l'aith. The verv foundation of Christianity is faith. ISTever,
perhaps, has the disintegration of religious Systems been se marked as
in our days. Beliefs which were sacred and inviolable for centuries
hâve been discarded one by one; until now we hâve in nearly every body
of Christians a large and influential élément with whom revealed and
supernatural religion has given way to mère natural religion. For the
déplorable condition' prevaihng on ail sides, want of faith is responsible.
Xor is there auy other remedy for the ills that afflict Christianity to-
day than faith.
It is a striking fact that every Christian dénomination which has re-
jected belief of Christ's real présence in the Holy Eucharist, has drifted
on the rocks of unbelief. If Christ commended the faith of those who
believed in his hidden Godliead, he has surely rewarded those who be-
lieve in his human nature also hidden beneath the sacramental veils ; for
theirs is the héritage of faith not only in his Eucharistie présence;
they are the heirs also, with title indisputable, of faith in his Incarna-
tion. The sincerity of that faith has never been questioned. Its
manifestation is visible to ail ; and I might add that on no other occasion
is it more évident than in thèse Eucharistie Congresses. To the intel-
ligent unbeliever this is a phenomenon impressive but ail inexplicable;
To the Christian it is the natural outcome of his faith in Christ, the
same Christ who, walking and conversing with men in Judea and
Galilée, asserted his Godhead, and who to-day in Jérusalem, in London,
in Cologne, in Montréal, proclaims to believers and unbelievers his real
présence in the Eucharist.
Speaking of the objections which are raised by unbelievers to the real
présence, it should never be lost sight of that many of the incongruities
urged against it by such people are due to a misconception of the doc-
trine of transubstantiation. For the Eeal Présence of Christ, as the
Catholic Church teaches, is through transubstantiation. Indeed, with-
out the changing of the substance of bread into the body of the Lord,
there would be in the Holy Sacrament no truly real présence. The
teaching that has been transmitted from apostolic times is that the bread
itself is changed into the body of Christ. The very word transubstan-
tiation (or its équivalent) goes back to the beginning of Christianity.
Now, is it the duty of every teacher of Catholic truth who undertakes
to discuss the mystories of our faith to be prepared for meeting objec-
tions and solving difficulties which either perplex the mind, or serve as
a stumbling block to the ready acceptance of the truths which he pro-
pounds. Since, then, the real présence of Christ in the Holy Eucharist
is cffected by transubstantiation, the Catholic teacher should hâve a
sufficient knowledge of wliat the varions schools of Catholic theology
hâve heM with regard to the exact meaning of the term. For, while
agreeing in a!) that is e.ssential, they differ widely in their methods of
fxplaining the nianner in whicli tlie real présence of the Lord is effected.
While no scliooj of tlieological teaching has ever pretended to explain
away the mystery of the dogma, nevertheless their several methods of
exposition aim at removing difficulties which woukî otherwise présent
I?
Révérend Pcondon.csc.
Révérend FDOyle S.j.
i
■i J.BROPHY
T'Pcverend M.REIdT|À
1j:s SKCKl'iTArKKs m: i..\ Smtion Ax(;i.aisk.
The Skchktakiks uk tiik Kn(,i.isii Skctiox.
— 905 —
themselves as insiiparable, or tending to involve the mystery itself in
évident contradictions.
While this is no fitting occasion for discussing the relative merits of
the varions schools of thought regarding the précise nature of transub-
stantiation, nobody will object to my niaking use of the liberty which
the Church accords to ail her theologians, of holding and expressing
their own views and honest convictions, when such can be donc without
riolating the rules of faith or charity. I am, therefore, permitted to
State my opinion that the teaching of the ancicnt school is not only more
in accordance with the authoritative déclarations of councils, than are
the various théories of more récent schools of thought; but that it is also
better calculated to facilitate the acceptance of the doctrine of the Real
Présence by those who difîer from us; and to remove occasions of per-
plexity which may présent themselves to those who hâve never doubted.
the truth of this august mystery. At the same time, if, in dealing with
any particular person, it were évident that his difficulties or perplexities
could be more easily removed by adopting such an exposition of the
doctrine, as is taught in schools of later periods, I should gladly avail
myself of them in order to facilitate his acceptance of the doctrine; re-
membering that they not only hâve been recognized by ail Catholic
theologians, but hâve had, moreover, for their champions some of the
greatest lights that hâve ever adorned the Church of God.
The teaching of the ancient school that transubstantiation induces no
change whatever in the body of the Lord, but that its action is exercised
on the substance of the bread, " suhsta7itia partis in Christi corpus prae-
existens et immutatum convertitur," removes difficulties and objections
which to many minds seem insuperable. It is not rare to meet with
people to whom the investing of the body of the Lord with a multiplicity
of " ubi's " can never be made to appear other than a contradiction.
Thcre are others to whom the théories of actio productiva, or actio ad-
ductiva appear better calculated to solve the mental difficulties which
may arise in connection with this holy mystery. In any case, the ex-
ponent of Catholic truth should be careful not to impose as of faith the
teaching of any particular school; for the incongruities which some
people might attach to such teaching would be fastened upon the dogma
itself to the incalculable injury of the soûl. The rubric in the Anglican
Prayer Book wou'd seem to indicate that the theory of actio productiva,
or adductiva, was regarded by its compilera as the authoritative teaching
of the Catholic Church. For us it is enough to know the essentiel
truth, that the substance of bread is converted into the body of Cbrist,
that his présence in the Eucharist is truc and real and substantial. The"
tnilh of his Godhead was impugned in the beginning by some, cvon those
who called themselves Christians. But the Church has triumphed over
Arianism, which, powerful though it once had been, soon ceased to be
a dominant factor in the Christian wnrld ; nay, it has evon lost its claim
to the title of Ciiristian.
The realitv of Christ's présence in the Sacrament of his love ha.s also
been impugned, under circumstances, too. not unlike those which her-
alded the advent of AiianisTu. The dav appear? 1o be not far distant
— 906 —
when tlie relidous svstems that hâve depavtecl froin tlie ancient teaching
will liave beeonie a "thino- of the past, and when the rank and title of
Christian will be regarded as the exclusive property of those who, believ-
ins that Christ is the Son of God, not merely by adoption and grâce,
but consubstantial with the Father, confess aiso that the bread which He
has given for he life of the world is His flesh, not merely in figure or
effect, but in very truth and substance.
ASSISTANCE AT THE SUNDAY MASS.
BY
REVEREND P. J. HARTIGAN,
IN the order of idea?, a product of natural Justice, as well as an
adjunct thereof, is the moral virtue of Keligion. For while Justice is
the cardinal virtue that, abiding in the rational appetite, invests the
human will with a constant and lasting disposition to give every one his
due; its kindred virtue that disposes man to render to God the things
that are God's, is called Keligion. Thus is Justice the parent of Eeli-
gion. Stem and branch, they are ever joined in kinship since human
reason spoke the primai dictate governing man's relation to his Maker.
Reason's dictate, pointing the right way, enjoins upon the rational
créature the duty of eliciting the activity that expresses and perfects a
congénital habit of Religion, which makes it easy for man to révère God,
as his first Beginning and last End. In the matter hère unâer consid-
ération, the inborn habit finds expression and perfection in religions
worship, inwardly and outwardly uttering obédience and homage of
heart and mind to God.
Always and everywhere men hâve yielded to the compelling sensé of
their duty to worship the Suprême Being. Not unfrequently hâve they
looked the wrong way. Yet, is is the affirmation of mankind in ail the
centuries that the Deity is to be adored. " If you travel the world over,"
says Piutarch, (Adv. Col. Epie.) "you may find cities without ramparts
.... but a people without God, without prayers. . . . without religions
rites, without sacrifices, is nowhere to be seen." " Man always worships
something," writes Carlyle, (Essays : Goethe's Works) " always he sees
Ihe Infinité shadowod forth in something finite; and, indeed, can and
must so sec it in any finite thing, once tempt him well to fix his eyes
thereon." It is reason's light now clear, now dim, intimating ever and
anon that fundamental and immutable relation of man to God wherein
is seatod tlie suprême norm of sovereign duty. For God is man's owner,
being the Creator, Upholder, Governor, and absolute Lord of ail that He
bas made.
— 907 —
Wlierefore, let man"s spiritual nature inwardly pay suprême homage-
to the Sovereign Lord whose own are ail that créature lias and is, ia
whom we live, and move, and hâve our being. Let everv nian spirit
honour God by adoring Hini, by trusting in Hini, by fearing Hini, by
loving Hini above ail, for Ilis Majesty, His Might, His Infinité Good-
ness.
But human nature is not spirit only; and man is a composite and
manifold créature. His soûl witli its faculties, the seat and principle
ot' his cognitions, affections, émotions, and impulses, is substantially
united Avith a body through whose sensitive organism the immatorial
spirit is lifted up to a knowledge of things intangible and invisible;
and in its turn, with eyes or hands uprased, Avith quicknened heart-beats
and endless modes of speech, the bodv becomes tlio minister and mes-
senger of inward awe and love, of gratitude and supplication, of joy, and
grief, and hatred. And when in reason's seat is high enthroned a con-
viction of God's supremacy and man's dependence, crelong the neck
must bow, the knee must bend. For while the body of flesh is the spirit's
instrument and servant, the earthly, perishablc, and inferior complé-
ment, soûl and body together are human nature. " What a pièce of
work is man ! " exclaims the Dramatist, " how noble in reason ! how in-
finité in faculty ! in form and moving, how express and admirable ! in
action, how like an angel ! in appréhension, how like a god î the beaiity
of the world ! the paragon of animais ! And yet to me what is this
quintessence of dust? " The "pièce of work " is God's own making for
Himself. Hence man's duty to employ body and soûl in exterior as well
as interior worship and service of God; to pay tithe to the Sovereign
Proprietor for the complex human nature, and for ail the accompany-
ing gifts that He bas bestowed and continues to bestow, and which Avould
stop short unless He continued to bestow.
It is indeed easy to conceive true inward religions worship, and mul-
tiform religious activity in heart and mind, away from exterior func-
tioning. But, for most men, worship wholly of the silent sort inevitably
drifts into drowsy, aimless, empty rêverie. If the inward émotions and
aspirations toward high heaven's Kinof are to be r-uickened and sustain-
ed, we will build the temple and bow and kneel therein ; and by SATnbolic
rite represent to the Lord of the temple our sonso of sinfulness, our need
of Him, our dependence on Him. for body and sonl. for life and for
death. ^loreover, ont of the worldly possessions which our hands hâve
frarnered, we wi^' make oblation to the Lord of hosts who says: "The
silver is mine and the gold." (Afjrj. 2.0.) Xot that He needs thèse
things. ail or any of them. or anything that we can do: but bccause He
is worthv of them ail : " Tliou art worthy, 0 Lord, our God. to receive
glory, honor and power: because Thou hast created ail things. and for
Thv will they were and hâve been created."
Thèse ethical principles, originating in nature, are further ohuidated
in God's explicit révélation of His will. " In Thv light we shall sce
light."
At sundry times and in divers manners God's will bas been manifest-
et. He has respect to Abel's sacrifice; Ile comniands that of Jacob; by
— 908 —
onliiianoo divino tlic priesthood of Aaron is created for oblation of holo-
caust and peace-oiVeriiig and sin-ofïering, to bodv forth suprême homage,
impetratiou, thanksgiving, and atonement. To the end that the people
of Israël mav adore, supplicate and thank the Almighty, and, through
faith in a lîèdocmcr to corne, may appease their God, His law enjoins
ritual sacrifice. The matter hereof is prescribed; the several methods
and forms, the place, the times, the seasons, ail are clearly defined
and determined; for they concern the integrating élément of worship ;
tliey embody the first ancï most necessary act of religion. But of divine
appointnient though they were, this priesthood and ail the sacred func-
tions pertaining to it were overlaid with the intrinsic instability and
infirmitv of a dispensation purposely figurative and temporary. That
Old Law held but the shadow of the good things to corne; wherefore it
must give place to the dispensation that shall hold the very substance of
the New and Eternal Covenant. The blood of oxen and of goats, and
the ashes of a heifer sprinkled availed in their time to the sanctification
of the flesh ; but when Christ is corne, a High Priest for evermore, the
Father of the new world, of a race reborn, the Lamb that taketh away
their sins; nothing less than the Blood of the Divine Victim offering
Himself unspotted unto God, can profit our soûls and cleanse our con-
science from dead works, to serve the Living God. Onward from the
day of Calvary, there is a setting aside of the former conmmandment
because of the weakness and unprofitableness thereof. Those ancient
rites prefigured the new order ; they hâve donc their work : and now, by
one oblation of His Blood sufficient for our sins, we hâve the promise of
eternal inheritance through Him who is our Mediator, our Priest, our
Sacrifice, even Jésus Christ, yesterday, to-day, and the same unto ever-
lasting.
Among the people of Israël, the rite and sacrifice found acceptance
before God because of the worthy dispositions accompanying the use of
them, and because they were types of the good things to come through
Christ our Lord. Want of faith or want of dévotion, on the contrary,
frequently made thèse religions rites distasteful to the God whose abode
was in Sion ; because, in themselves, of no value in His sight. " Shall
I eat the flesh of bullocks," said He, " or drink the blood of goats ? "
(Ps. 49; 13.) "I hâve no pleasure in you, saith the Lord of Hosts, and
I will not receive a gift from your hands." {Mal. 1: IQ.) Moreover,
singly they were incapable of answering the ends of sacrifice. Behold,
the day is at lensrth come when from the rising of the sun even to the
going down, Jehovah's name is great among the nations, and in every
place there is sacrifice and there is ofîered to His name a Clean Oblation.
It is our Holy Mass, " which was f oreshadowed," say the Fathers of
Trent, (Sess. XXII, c. I.) " by the olden oblations of varions symbolic
import, whother under the Mosaic Law or before it, since ail the benefits
that were betoken in them are gathered up and completed and perfected
in this oblation." And this truth is again set forth in a liturgical prayer
proper to the seventh Sunday after Pentecost : " 0 God, who by the per-
fection of one Sacrifice hast made yet more sacred the diversity of obla-
tions aforetime enjoincd, receive the Sacrifice from Thy devoted eer-
— 909 —
vants, and bless it even as Thou didst bless AbeFs offering." Thus tlie
grâce of the Kedeemer lias perfected nature ; tbus one jot or title ©f the
law passes not away; thus the light of conscience in the erring races of
men is made ever clearer to us whom God hath called frora darkness into
His own marvellous light. " The Sacrifice we olîer/' says St. C}'prian,
'• is tlie Passion of the Lord."' It is an oblation of infinité value and
diguity, and manifestly the only one worthy of God; because Christ is
the Victim, and Christ is the Priest. It is the only Sacrifice that is at
once adoration, thanksgiving, atonement, impetration. It is the Sacri-
fice that under form of Holy Thursday's bread and wine was instituted ;
that by Good Friday"s Victim bleeding and dying was consummated,
when Christ, our Pasch, was slain, when Aaron's priesthood ceased for
ever; it is the selfsame Victim unbleeding and undying that henceforth
is offered from dawn till dark by Him who is a priest for evermore
according to the order of Melchisedec.
In heathendom itself, by nature's leading, men consecrated certain
days to religions worship. The God of Israël commanded the sanctifica-
tion of His Sabbath. And the same God, through the Churoh. in whose
mouth His word ever abides, requires us to observe the Suuday. IIow
otherwise than by assistance at the Sunday Mass?
Our adoption of the word " assistance " in the title assigned to this
paper and in the course of our treatment of the subject, because apply-
ing the term in a spécial and unusual sensé, is not to pass unnoticed.
Better perhaps than any other, this word, in the présent context, is cap-
able of denoting not only the intention and attention commanded us for
fulfilment of the holy precept, but it implies also the positive coopér-
ation that is inhérent in the action of worshipping God through the
Mass. For by assisting at the Holy Sacrifice Ave are not merely wit-
nesses of a sacred rite, nor simply bystanders at a priestly function, but
we become ofFerers conjointly with him whose hands touch the Hallowcd
Host and Chalice witliin the sanctuary. Clergy and laity. we are a
holv nation, a kingly priesthood, chieflv in virtue of our Mass. It be-
longs to the pious worshipper on the uttermost fringe of the throng that
flll? the vast ba«ilica. and it bolongs to the chasublod ministor officiating
at the high altar. " Pray, brethren," lie says, "that your Sacrifice and
mine may be acceptable to God, the Father Almighty.*' And in the
august cérémonial enactcd there, every détail of movement or of utter-
ancp, exerx posture, every gosture, every audible word, every wliisper
betokens, and is designed by Holy Church, to quicken and sustaiu our
individual as well as collective participation in the awful mysteries un-
derlying the sacerdotal action of sacrifice.
Once and for ave the Sacrifice of our lîansom was consummated. Br-
hold, the crucifix liftod liicli above mystic Bread and Winc preaches to
eager faith the message that this marvel of mysteries is Calvary, not
repeated, but enduring until sin shall perish from the oarth. and is set-
ting forth the Saviour's doath until He come. "In every Alass," writes
the Angelic Doctor, Thomas Aquina.>;, " is foiind the wliole ctTectiveness
of wliat Christ wrought on the cross. Whatcver is the fruit of the
Lord's Passion, is the fruit of this Sacrifice: for it contains Christ, the
— 910 —
Victim that suffered.'" No new sacrificial action, this, of the great High
Pricst that enters once and only once into the Holy of Holies. In no
work so holy as this, we maintain witli the Council of Trent, (Sess.
XXIL, decr. Quanta Cura), in none so divine, can it fall to the lot of
Christ's faithful to be engaged. According to the Saint and Sage of
Jarrow, (Beda, de sacrif. miss.) it is glory to the Tri-une God, joy to the
Angels, pardon to the sinners, help to the righteous. ïïence, worship it
is, indeed, meet and suffîcient for the sanctification of the Lord's Day.
It is the only worship that places on our altar the Divine Victim as a
holocaust of praise and homage to the Adorable Trinity. If the whole
universe is as nothino- in the sight of God the Most Holy and Most High,
not even God's Majesty is greater than the Christ that hère immolâtes
Himself for us, an oblation and victim of sweet odour. It is the wor-
ship that offers tlie Victim capable of nothinp- for our sins of yesterday
and to-day, by applying to you and me the efficacious atonement
achieved by Him Who is is a propitiation for our ofîences. It is the wor-
ship in which the precious life-stream flows as fresh as when the Sacred
Heart tirst outpoured the Blood of Jésus Christ that cleanseth us from
ail sins. " Give to the Most High according to what He hath given to
thee." (Eccîi. 35 : 12.) And what shall I give that is commensurate
with His bounty, and befits the holy Sabhath ? " Thine, 0 Lord, is mag-
nificence and power and glory. . . for ail that is in heaven and in earth,
is tliine: thine i? ■'he kingdom, 0 Lord, and Thou art above ail princes.
Thine are riches, and thine is glory, thou hast dominion over ail." (Par.
1:29:11, 12.) For ever blessed be the name of the Lord Who, eut of
the riches of His mercy, will make return for me on the Lord's Day. Ye
are no longer poor, no longer bankrupt, as ye kneel before the Altar of
Infinité Thanksgiving. In ail things ye are made rich in Him whose
Blood is glowing in the Chalice of Salvation that is lifted up, so that
nothing is wanting to you. Once more as in the Cénacle, raising His
eyes to heaven, He is giving thanks for vou. It is the only worship that
is plenary thanksgiving. Yea, more, it is the abounding source of every
spiritual grâce and blessing. Hère on the altar we hâve an Advocate
with the Father, Jésus Christ the Just, that He may appear now in the
présence of God for us. Frora earth to heaven His Blood is crying for
mercy on the guilty. As in the days of His mortal life, with strong cry
and tears, He is ofïering up prayer and supplication for sinful men, and
is heard for Ilis révérence. As when fastened to the rood, His out-
stretched palms, still bearing the cruel nail-prints, are hère pleading for
ufl, that we may repent of our sins, be strong in temptation, persévère to
the last; in fine, that where sin abounded, grâce may abound the more.
Hère, in truth, is Calvary over again. For while Calvary was the con-
summation of nierit, the mystic death of the Victim on our altar, with-
out diffusion of blood, is the copions bestowal of that treasured consum-
mation.
Yea, Calvary enduring, with Calvary's triumphs and Calvary's failures.
For, with Mary, and John, and Magdalen, there were standing there
ihone for whom the Life Blood of the Crucified was poured out in vain;
<^•en ao, first and last, there are those to whom the Sunday Mass brings
— 911 —
no blessiug. Inlinite though its intrinsic efficacv, its fruit in our souls
is for ever dépendent on ourselves. Oh ! what purity of heart should we
not bring on the Lord's Day into tlie holy place, where the dread Sacri-
fice of our lîansom is brought down so near ! What dévotion should not
enthral us, what love should not thrill, what révérence subdue us bodv
and spirit, in the présence of Him Who, being consumniated, becomes to
ail that obey Him the cause of eternal salvation ! ,
Sinless Adam was endued with incorruption, and to the end that the
first man might préserve his immortality, God l)rought forth of the
ground a Tree of Life in the midst of Paradise. But when man had re-
belled and was driven from his abode of earthly bliss, he knew the Tree
of Life no more. An enclosed garden, a terrestrial Eden, is the Church
of God. The Mass is tlie Tree of Life that stands therein, its branches
ever burdened with clustering fruitage that mankind may hâve life and
hâve it more abundantly, the perishable life of grâce, the immortal life
of glory. And it is to the Holv Mass we are bidden on Sunday if we
would not forfeit the condition of our life hereafter in imperishable
bliss.
To the jeopardy of this immortality does a man expose himself by
disregarding the Church's precept relative to tlie Sunday Mass. Pastors
of soûls in Canada, as a rule, hâve indeed little reason to complain of
the conduct of their flocks in regard of assistance at the Sunday Mass.
Blessed is the nation whose God is the Lord. Many a priest ministering
in a scattered mission could relate instances of unconscious heroism
that, Sunday after Sunday, évidence the resolute courage, splendid self-
denial and ever ardent zeal of Canadian Catholics in giving God his due
on the Lord's Day. Yet, it behooves us ail to enhance our wholesome
dread of the sin of missing Mass on Sunday.
In the Christian life, Sunday Mass opérâtes like every action of God's
gracions Providence over the créature. It is the condition of life and
death. What food and air and rest and shelter and the génial offices
of earth and sky are to us ail, that we may not cease to live, that the
Sundav ^lasi? is to our soul's estate. Withdraw that vital Ixion, and
erelong the life of faith and grâce must perish ; and once again the world
is void and empty, and darkness is on the face of the deep, as before the
dawn of création ère first the Spirit of God moved over chaos. What
the prérogative of Christ's Vicar. as the principle of nnity and the safc-
guard of divine Faith, is to the Christian comnionwealth, that the Sun-
day Mass practicallv becomes to the individual Catholie. Where Peter
is, there is tho Church : those who are not with Peter are arrayed against
Christ. Similarly, those who persévère in the ob.servance of the Sunday
obligation to hear ^ra=p. persévère also with joy and neace in believinc:
they retain the root of justification, — Eonian, Papal faith. Tt is God's
answer to tlie prayer which the priest not infr('(|nently ofTers Ix'fnre the
Altar: " We be-eech Thee, () Lord, gracioiisly bestow on Thy Church the
gifts of peace and unity, whereof the éléments of our oblation are the
mystic symbols.'' On the other hand, observe the man wlio divorces
himself from tho schenie of hunian rédemption l)y culpable neglect of
the Sunday Mass. Is not his sin the very badge that heralds ap<^stasy
— 912 —
in liimself or in liis chiklren, whom by liis balei'ul example lie defrauds
of their birthright ? Is it not to be said that such an eviî results by way
of inexorable destiny, or that the subséquent recreancy is related to the
antécédent unl'aitlifulness as unchangeablv as effect to its cause? Yes,
common expérience tells a sad and instructive story.
Xo man may trace the mysterious processes of God's réprobation
whereby He casts off the individual or the nation. But as with the in-
dividual, even so assuredly with the people : abandonment of Holy Mass
is ever the coefficient, and cognisancc, and seal of heresy. Contrast the
case of England with that of Ireland. In the one country the tyrant
fails to wrest their holiest heirloom from a martyred race ; in the other,
his law robs the people of their héritage. In the one nation, when Mass
is by law abolished, it is the mamj that gather aroumd the Mass-rock on
mountain and moor; in the other, it is the faithful few that huddle
under the roof in country mansion, or within secret chapel of lord and
lady, to assist at the Holy Hystéries. Antiochus shall hâve indignation
against the covenant of the sanctuary, and he shall succeed {cf. Dan. 11 :
28) in the land of St. Augustin ; among the children of St. Patrick, the
spoiler shall défile the sanctuary of strength, but he shall not take away
from them the continuai sacrifice (cf. 31, ih.). In Ireland, a nation kept
the Mass and keeps the faith : in England, a nation discarded the Un-
bloodv Sacrifice of man's Rédemption, and England is catholic no more.
And while God's angels shall record the deeds of men, and until the
heavens shall be rolled together as a parchment written over {cf. Is.,
34 :4), the unfolding years will not cease to demonstrate that the Sun-
day Mass is an immédiate principle of unity in Christ's mystical Body ;
that those who cling to the Mass are those who cling to their baptismel
faith, even as it is told of the first Christians: "They. . . received. . .
I Peter's] word and were baptised. . . . and they were persevering in the
doctrine of the apostles, and in the communication of the breaking of
bread, and in prayers." {Acis 2:41, 42.)
To sum up the whole subject. In the hearts of Christian people may
there abide a lively horror of the sin of missing Mass, so heinous in it-
self, so hurtful in its results. Possessed by this temper of mind, and
eultivating this genuinely Catholic instinct, they feel that assistance at
the Sunday Mass is the first and largest concern of Christian duty on
the Sabbath of the Lord — that it is the Mass that matters ahove ail.
"The man that has missed Mass on Sunday," said O'Connell, "is no
man for me." Undeniably, this old-fashioned dread of the evil is to-
day less in évidence than one could wit it. Let us re-awaken it if need
be, and quicken it into activity. I. Let workingmen be dissuaded from
retaining or seeking such employment as will exclude them from the
Snnday Mass. Very frequently they hâve but to claim the right that
God ha.s givon lliem, and which no power on earth is permitted arbitra-
rily or selfishly to ignore. A primordial endowment of the moral nature
this is. which the same Lord of ail forbids each holder hereof cravenly
to ahdicate, sincc it directly involves that relation of créature to Creat-
or which is the foiindation of human dignity. I am not aware that
the wage-earner is now and then confronted bv a condition at once in-
— 913 —
superable and iinassailable. Xone the less, I am persuaded that God'e
sovereign tlaims are too ofteii presumptuously and nnrifrhteously waived
in the weak-kneed surrender oi' man's indei'easible riglits. II. Clearly un-
lawfut and wholly nnjustifiable is the Sunday excursion that takes the
Christian on pleasure trips away from Holy Mass on the Lord's Day.
For the more effectuai removal of such a flagrant evil, we ought to advo-
cate and welconie the enactnient and enforcement of civil législation
that will meet the danger at every point, and will punish ail real desec-
ration of the Sundav. III. Lastly, an evil to be dreaded, a snare to be
shunned, résides in the laxity incidental to vacation days on mountain-
slope and lakeside, at watering place and sunimer camp. The church
is no longer within fifteen' minutes'walk or a half-hour's drive. Public
feeling, which at home favours and peradventure stimulâtes religions
observance, is hère placidly indiffèrent to the most unscruDulous aban-
donment of duty, or is hostile to the intrusions of conscience. On the
streniious pursuit of pleasure from Monday morning till Saturday night
ensues the vacuous and torpid lassitude accounted proper to the weekly
day of rest; a systematic hedonism environs and ovennasters for a
season, and the friend^hip of God is buoyantly bartered oway. Let the
parent thus undutiful take good heed that, being himself the living la\T
and lesson that his offspring Icarn as they learn no other, bis crime is
ail the blacker treason against their Ileavenly Father. becausc hereby
they are robbed of their richest héritage — they and their children —
quite as effectually as through ravening Tudor's edict génération after
génération has been cheated of the Eucharistie Sacrifice.
THE HOLY EUCHARIST IN EARLY CANADA.
BY
REVEREND THOMAS J. CAMPBELL, S. J.
THE first chapter of the history of the Blessed Eucharist in our part
of the world would, of course, be an account of the efforts of the Bishops
of Greenland to establish a Christian colony in America one thousand
years ago. Unfortunately, however, we cannot fix with any degree of
certainty even the location of tho famous Vinland ; but as we know that
not only priests, but also bishops, crossed the intorvening .«sea to look
after their flocks, we are safe in concluding that the Holy Sacrifice was
offered on thèse coasts with ail the pomp and solemnity which the ritual
requires when prelates officiate at the altar.
We obtain more delinite information as we approach nearer to modem
times, when England was still Catholic. lîut was sent ont. in ir)27, to
explore the northern parts of the Continent. lïis ship was the " Mary
of Guilford," and the chaplain of the expédition is described nf> a
^914 —
•• eauon of 8t. l'aurs iu Loiulou, a verv learued man and mathemati-
cian." The ports of Xewl'oundland, Cape Breton, and Xorembega were
Tisited, and meu were sent asliore to examine the coimtry. It is incon-
ceivable that the " learned man and mathematieian ■' should hâve re-
mained on board the ship ou such occasions, and especially that in his
capacity as priest he should not hâve availed liimself of the opportunity
of eelebrating Mass somewhere on the coast, so as to take possession of
the land for Christ. The présence of this London canon ou the " Mary
of Guilford " also brings out the interesting fact that the Gospel must
hâve been tirst preached hère in the English tongue.
The journal of Jacques Cartier, in 1536. furnishes un vrith much val-
uable information about the subject with which we are now concerned.
We hâve, for instance, the following entry : " Before setting out, by com-
mand of the captaiu " — namelv, himself — '" and witli the perfect good
will of the men. each one of the crew went to confession; and on Pente-
cost Sunday, May 6, 1535, we ail received our Creator in the Cathedra!
of St. Maio, and were afterwards admitted to the choir where the
Bishop in his robes gave us his bénédiction."
Such was Cartier's prélude to his discoveries. He took with him two
Bénédictine monks as chaplains, Dom Guillaume le Breton, and Dom
Antoine ; and he is caref ul to note the varions places where he had them
go ashore to celebrate Mass. The ugly Esquimaux, whom nobody
thought of, were the tirst to be so honored, for Ferland tells us (p. 18)
that Cartier entered the port of Ilettes, now called Brador, and then the
harbor of Brest or Yieuxpont. The Journal also notes that " Mass was
said there on St. Barnabas's Day (June 11), for ail the crew:" i. e., no
one was left on board the ship; but it does not tells us if any of the
natives gathered around wonderinçr at the solemn ceremonv.
Of course Mass was offered on shipboard whenever the weather per-
mitted, and it is very probable that when " the vessel was driven for
shelter into a beautiful and great bay full of islands, and with easy
access and protection from the sea," the two monks did not fail to ascend
the altar. It was then August lOth, the feast of St. Lawrence, in com-
mémoration of which Cartier named the Bay. According to Ferland,
that harbor was probablv St. Geneviève, nine miles from Esquimaux
Point.
Cartier ascended the St. Lawrence, and one is tempted to ask whether
when he climbed the hill which he called Mount Eoyal, he ordered the
célébration of Mass, thus anticipationg Maisonneuve by a hundred
years. There is no record of his having done so, but the man who would
go aâhore among the Esquimaux for the the first solemn prise de posses-
sion, might be counted on to do the same when the Sault barred his fur-
ther progress up the river, especially as he had decided that it was the
best place to establish a city.
His dévotion to the Holy Eucharist is very touchingly told in his
dfsrnption of the terrible winter whicli he was compelled to pass at the
foot of the Koc'k of Québec. Out of 110 of his men. 100 were down with
the scurvy. " I therefore," he says, " placed an image of the Blessed
Virgin on a tree about a musket shot from the fort, and ordered that on
— 'Ji5 —
the following Sunday, ail, both sick and well, wlio were able to go over
the snow and ice, should make a pilgrimage tliither, singing ilie seven
psalms of David and the litany, to implore the Blessed Virgin that she
would deign to ask her dear Son to hâve pity on us, When the Mass
was said and sung before the said image, I constituted myself Master
Pilgrim to Our Lady who is prayed to at lîocamadour (qui se fait prier),
promising to go thither if God would grant us the grâce to return to
France."
That scène of the perishing crew and scurvy-stricken sailors kneeling
on the ice during both High and Low Mass, with tlio l)lasts of the T^aur-
entides sweeping down upon them during their long prayers, ought to
be portrayed on canvas by sorae great artist and given a prominent place
in the basilica of historié Québec.
Though Henry Hudson was not of the household of the faith, it may
not be out of place to notice hère, that before venturing on lus expédi-
tion to discover the North-west passage, in 1609, he went, with his crew,
in solemn procession, to the church of St. Ethelburga, off Bishopsgate
Street, London, where they received Communion îind implorcd God's
help in their perilous undertaking; and ten years later, the devout and
heroic Danish explorer, Jens Munck, who nearly perished amid the hor-
rors of Hudson Bay, had as cliaplain " a priest," who celebrated ail the
festivals of tlie Cliurch and regularly made " the offertory " for the crew.
Of course, valid orders had not preserved in England and Danemark
when Hudson received " communion,'' nor were the " olfertories " of
Munck's priest-chaplain, the Mass. But both of thèse instances illustrate
how the Eucharistie traditions still lingered in both England and Den-
mark. It is cousoling to see them connected witli thèse lirst American
explorations.
Then comes a gap of seventy years, and the first priests who appear
in this part of tlie world were the two who went with de Monts to
Acadia ; one the Abbé Aubry, who nearly lost his life in the woods, and
ghortly after returnod to France; and another, who died almost as soon
as he landed. After tliem comes the Abbé Fleschc, who was dccoratcd
with the singular baptismal name of Joshua, and who for the prodig-
ality of his baptisms was recalled to France. Finally, on May 22, 1611,
the Jesuits, Biard and Massé arrived.
Ail of tliese priests celebrated Mass frorjuently, if not regularly, but
the conditions were hard and at timcs impossible. There are two or
three occasions' which, on account of their picturcsoue surroundings call
for spécial notice.
The Commandant Potrincnurt had quarreled with one of his officers.
Du Pont, who had takcn flight and was living among the Indians. .\s
it was morally a very dangerous situation for the fuiritive, Father Biard
interceded till the Commandant relentcd and agreed to go in search of
him. Thev found him on the other sidc of the Bay of Fundy, and after
reconciliation with the Commandant, Du Pont went to confession on
the beach, tho Indians standing at a distance and wondering why he was
ao long kneeling at the feet of tho black-robe. Wlion tho poor wretoh
was shriven, an nltar was oreotod on tho shoro. and Ma>> was said, nt
— 916 —
which Du Pont received his Easter Communion. The place was known
as Jja Pierre Blanche, evidently Whitehead Point, on the Grand Menan,
off the coast of Maine.
There was another célébration of Mass under still more peculiar con-
ditions. The younger Potrineourt had heard that there was a band of
poachers plyin^r their trade some distance up the St. John's Kiver, and
lie started out to find them. He arrived at night, saluted the fort,' and
was saluted in return, and invited to land. Next morning he went
ashore, and Father Biard celebrated Mass on the beach; the poachers,
who were ail Frenchmen, coming out of their défenses to assist at it like
good Christians. When ail was over, Potrineourt, to the disgust and
amazement of everyone, suddenly announced tliat the men who had been
kneeling around the altar with him, their hearts no doubt filled with
brotlierly love, were his prisoners. Wild disorder, of course, ensued,
which came nearly ending in bloodshed, but after a night and a day
peace was restored, and the captain sailed away with the priest to ex-
plore the coast of Maine.
On the 28th of October, 1611, the little ship entered the Kennebec
and ventured up the river. How far thcy went is not said. The
Indians were suspected at first, and were kept at a distance, but were at
last allowed to board the vessels for trade. Profiting by the opportunity,
Father Biard took a boy with him, and went ashore to celebrate Mass.
Meantime the red men became so riotous on the ship, that Potrineourt
was several times on the point of ordering a gênerai massacre. The
thought of the priest at the altar in the woods was the only thing that
prevented his action. Fianlly, the chiefs called off the braves, and
Father Biard climbed up ehe ship's side only to learn how near he had
come to being killed, with the chalice in his hands. It is to be regretted
that it is impossible to identify the place.
As the troubles increased at Port Eoyal, the Jesuits abandoned it, and
settled at Mount Désert, in the présent State of Maine. There, says
Bancrof t, " in front of a cross in the centre of a village, Mass was said,
and the Roman Churchi entered into possession of the soil of Maine." But
there were not many Masses said there. The English soon descended
upon the colony and gave it over to the fiâmes, taking aAvay the priests
to hang them in Virginia; a project which a merciful Providence pre-
vented. The name St. Sauveur, which was given to the settlement, still
remains, and has even been appropriated by the Episcopalian chapel of
the place.
It is somewhat surprising that, when Champlain brought over the Ee-
collets in 1615, the first Mass which was offercd was not at Québec, but
further up the river, namely, on the Island of Montréal, on June 24.
Champlain himself tells us that "the Holy Sacrifice of the Mass was
sung on the shore of the Rivière des Prairies with great dévotion by
Fathers Denis and Joseph, in présence of ail the people, who admired
the vestments, whioh were more beautiful than anything those people
had ever seen, for this was the first time Mass was evor celebrated there."
It appcars that Father Joseph LeCaron was very anxious to see the
Hurons, and hence as soon as he left the ship, he hurried up to the
— 917 —
Sault beyond Montréal. Cliamplain had followed liim, and when Father
LeCaron was on his way back they met at a place wliere the Eivière des
Prairies empties into the St. Lawrence. There they waited until sorae-
one was sent down to Québec for the vestments and chalice. Unfor-
tunately, the exact site where the important event took place has never
been identified.
It is, of course, quite incorrect to say that this was the first Mass ever
offered in Xew France, for twelve years previous to the advent of the
Recollets, the priests who had corne over with De Mont* had officiated
in Acadia ; and Cartier's chaplains had said Mass at Québec during the
whole winter of 1536.
■On June 26th, 1615, Father Dolbeau offered the Holy Sacrifice at
Québec; Father LeCaron at Three Kivers, on July 26th ; and Dolbeau at
Tadousac, in the early part of the same year. On none of thèse occa-
sions is there mention of any particular solemnity; but when Father
Paul arrived at Tadousac two years later, after a perilous voyage, the
sailors hurried ashore to build a chapel, which tliey decorated as well as
they could. While they were at Mass some remained on the ship, and
after the élévation, the cannon boomed over the waters of the St. Law-
rence and up the deep gorge of the Saguenay. Father Le Jeune was the
first priest to celebrate Mass on the Isle Jésus. The Governor, Mont-
magny, was with him at the time.
There is a curions conflict of authorities about the first Mass that was
said at Québec after the return of the French, in 1632. The '' Abrégé
Chronologique et Historique de tous les Prêtres du Canada '' prétends
that a priest of the Missions Etrangères named Benoit Duplein, who
could speak English, had remained in the city, and had continued to
say Mass during ail the time of the occupation. Unfortunatelv for this
claim, the Society of the Missions Etrangères was not established nntil
forty years later. The year 1632 was evidently mistaken for 1672, for,
at the later date, there was a Benoit Duplein of the Missions Etrangères,
in Québec. Possibly, also, the writer was misled by the officiai register
of Québec in which it is said that a daughter of Couillard was baptized
in 1632. She was indeed baptized, but the officiating clorg^Tiian was
the Protestant minister who had corne to the city with Kirke, in 1629.
The Couillard family probably thought it was the best thing they could
do, especially as they saw that the parson was boing brutally treatcd by
Kirke, for having protested against the liquor traffic, and also for at-
tempting to prevent the exécution of some Iroquois ca])tivcs. Ho was
kept a prisoner for six months in the dilapidated Kecollct couvent, on
the charge of fomenting rcbollion among the soldiors. Xo doulit ho was
glad to see the French return to their possession. As for tlic Mass,
Father TjG Jeune in the " Relation " of 1632, di.stinctly says that there
were no priests in Québec during the occupation, and that tho Fronch
who remained had not hoard Mass for throe years. It was ho liimsolf
who said the first Mass; and it was celebrated in Couillanrs houso on
the 13th or 14th of July. The house had to be used, for the English
had buriK'd tbe oliapol in tho basse-ville.
After Cliamplain rotnrnod, pioty roignod in Quol^oo. and Fatlior T.c
— 91S —
Jeune writos tliat tlio scènes at Mass almost iiiade liini tliink he Avas
home agùin in Old France. The church was crowded at ail the services,
the cérémonies were earried ont with ail possible solemnity, and the
fervor of the colonists resembled that of the first Christians. It shoiild
be noted, however, that it was a pénal offence to be absent from Mass.
It is sometimes asked whether the old missionaries always celebrated
Mass on their apostolic journeys throiigh the forests. Sometimes they
did, but ofteu it was absolutely out of the question. Thus Father Jogues
never olïered the Holy Sacrifice during ail the time he was in Xew York.
It was impossible, of course, when he Avas earried thither as a prisoner,
with his body slashed and his hands crippled and mangled. ISTor could
he do so on his second visit, for he was warned to hâve nothing sacer-
dotal, even in his appearance; and he went there as an envoy of the
Government, in the garb of a layman; and on his last and fatal journe}',
he took neither vestments nor chalice with him ; for he only intended to
remain with the Mohawks during winter, " for penance, he said, and
without Mass or the sacraments," He Avas captured at Lake George,
and Avas killed almost as soon as he arrived at the Ossernenon. The fam-
ous box which excited the Indians contained only a few necessary things.
According to Governor Kieft, they Avere the priest's clothes.
Wlien Father Druillettes made his Avonderful journey in a canoë from
Québec to Boston, he AA-as cordially received by the old Puritans, and he
tells us that he was the guest of Major Gibbons, avIio gave him a key to
his room where he might say his prayers Avithout fear of being disturbed.
Wliether he availed himself of that seclusion to offer up the Holy Sacri-
fice he does not say. But as our only source of information is a public
document in which he had to restrict himself to an account of the officiai
work Avhich he was sent to perform, Ave cannot expect to hâve any in-
formation on the matter of his private dévotions. It might hâve com-
promised Gibbons.
It was evidently impossible for de Brébeuf and Chaumonot to hâve
said Mass even once during their terrible winter journey of four months
from Lake Huron to Xiagara, and from there to Avhere Détroit noAv
stands, and then back to the place Avhence they had started. Almost
every Avigwam either barred its doors against them, or drove them out
into the snow. Millet, in his five years' captivity at Oneida, neA^er said
Mass. •
In Marquette's exploration of the Mississippi, there is no mention, as
far as Ave are aAvare, of his ever landing for that purpose ; but there is a
valuable bit of Eucharistie information in his account of his journey to
the Illinois in the following year. His tAA-o men, Pierre and Jacques,
Avent to confession and received Holy Communion tAvice a Aveek. They
were antedating considerably the practice of the présent day.
There is another notable example of frequency of Communion in the
acf-ount of the last terrible days of Father Ménard's life out on the
ehores of Lake Superior. The chronicle thus présents it:' —
"In the second Avinter, an attempt was made to fish, and it was
pitiable to see thèse poor Frenchmen in a canoë amid rain and snoAv,
— 919 —
driven liither and tliitlier by thc wliirlwinds of thèse great lake?. Tliey
frequently had their liands and feet frozen, and sometinies were overtaken
by snow so thiek that the man steering the canoë could not see his com-
panion in tlie bow. But while destitute of bodily comfort they were
strençrthenod by heavenly favors. As long as the Father was alive, they
had Holy Mass every day, and confessed and received Holy Communion
about once a week." The men succeeded in getting back to Québec, but
Father Ménard died further on in the wilderness.
Of course, when circumstances permitted it, thèse great missionaries
did not allow the opportunity to pass of saying Mass, no matter wliat
intense suiîering it caused them. Thus Albanel tells us that for
four successive days on the Saguenay, while the tempest was howling in
the bay, the lire was extinguished in the wigwam so as to prevent the
priest from being stifled by the smoke in which he would otherwise be
obliged to stand, and then, in the almost insufferable cold which result-
ed, the Indians knelt around the rude altar until the priest had finished,
and the fire was again lighted.
Father Buteux, the apostle of Tliree Eivers, bas left us some very
graphie descriptions of thèse cérémonies in the wilderness. Thus, for
instance, at the end of Mardi, 1651, he started with a band of Indians
for the whitefish country. At night they slept in an excavation of snow.
Some soldiers who had made that first day's journey with them, said it
was like going into a sepulchre, and they turned back next day to Three
Rivers, "While Buteux and his Indians proceeded Xorth. They liad little
or no provisions, and were in constant dread of the Iroquois. " On the
fourth day, writes Buteux, " I said Mass on a little island. It was the
first tirae the adorable Sacrifice was offered in thèse parts. There was
a discharge of musketry at the Elévation, and after Mass a feast of In-
dian corn and eels.
" On the seventh day we walked from three o'clock in the morning till
one o'clock in the afternoon, in order to reach an island where I wanted
to say Mass, for it was Palm Sunday. I succeeded, but I had a share
in the sufferings of the Passion of Our Good Master. My thirst made
my tongue adhère to my palate. The extra burdcn I had to carry when
my man left me, aggravated my pains. The Indians saw my weakness
during ^lass and afterwards gave me some sagamite made especially for
me, which consisted of dough boiled in water, and with it half of a dricd
eel.
" The thirteenth day was the hardest of ail. We started out at three
in the morning, by horrible roads, through underljrush so thick it wa?
impossible to find place for our feet or our raquettes. I got lost several
times, because I could not follow the trail. We then reached some
lakes where the ice was very slippery, yet impossible to walk on without
raquettes, for there was danger of going through the ice; and, on the
otlior hand, the snow and melting ice made our feet very heavy. .\t
mid-day we stopped, find I had the happiness of saying ^fass, which
was my only consolation. Thore I founcl strength in my weariness. To
revive mo. for I was cxhaustod, they olTered me a pièce of l)eaver which
had been left ovcr from the day before. I did not tako it, but ofTcrcd
it to our Lord, for I liad not tasted méat from the beginning of Tjcnt.
— 920 —
'• The foiirteenth Jay was Easter Sunday, the ninth of April, and I
was very mucli consoled at the piety displayed by the Indians. Our little
chapel, biiilt of cedar and pine branches, was extraordinarily decorated,
that is to say, each one had brought whatever pietures and new stuffs
he had, and hung tliem hère and there on the walls. After I had blessed
the congrégation with holy water, and distributed the pain bénit, which
was a pièce of bread I had kept for that purpose, the chief made a speech
to excite tlie dévotion of his people. When Communion and thanks-
giving were over, and the beads recited, they came to offer me some little
présents; one gave me a pièce of fat elk-meat, another a partridge, and
so on. They deprived themselves of thèse things to give them to me, in
spite of the hunger that was gnawing their vitals as well as mine."
There are many more heroic acts of homage to the Blessed Sacrament
through the north woods during the wonderful career of Father Buteux.
The incidents just related occurred at the end of his life. He was killed
in those same forests and his body was thrown into the rapids.
In Father de Crespieul's " Eelation " we hâve a description of a Ke-
pository of the Blessed Sacrament in the forests beyond the Saguenay,
which is worth reproducing hère. " Our journey ended," he says, " at
the Lake of the Cross, so called from its shape. It was Holy "Week, and
the locality suggested that more than the usual dévotion should be dis-
played in the adoration of the Holy Cross ; and though it may excite
astonishment that for the proper célébration of the most august mys-
teries of our religion, we were unable to find room in our poor cabin for
■everything that conformity with the Church requires during Holy Week,
yet we accomplished it, in order to brinsf our winter to a happy end, and
to consecrate those rocks and mountains by ail we possess of what is
holiest and most worthy of vénération. Thursday, Friday and Saturday
of Holy Week converted our forests into a chapel and our cabin into a
repository, where very few of the cérémonies, observed at the time by
Christians, were omitted by our Indians. Above ail they showed pro-
found respect, and maintained religions silence in the oabin in which
the Blessed Sacrament was placed during the night between Thursday
and Friday ; thus in the depth of that désert this august mystery was
honored without ceasing, by continuai prayer, which suffered no inter-
ruption in the darkness of the night. Easter Sunday crowned it ail by,
a général Communion."
'l'Iio .Assouapmoucliouan, wliich empties into the Saguenay, had been
called the River of the Blessed Sacrament by Dablon, in 1660. Jogues
had so called Lake George, in 1646. The question naturally arises how
did they pro(*ure wine for Mass in thèse solitudes. Of course, they had
to carry it wiih thcm on journeys svich as we hâve been describing. But
in their ordinary places of abode they made it ont of wild grape. We
read in Sagard (v. 1, 228) that " when our little barrel of wine gave out,
as it soon did, for it held only two pots full, we made wine from the wild
grape. Our wine prcss was a mortar, and our strainer one of the altar
linens. We could only make a limited amount, for our tub was only a
Bmall bucket made of bark. The pressed grapes were mixed with sugar
and made into a confection to eat on récréation days, or to give to any
— 921 —
of our compatriots who miglit visit us. Tliey could take a little of it
ou the point of a knife."
There are uot maiiy instances rocorded of the seizure of the priest's
vestments by the savages. The chalice and vestments of the lîecoUet
Viel, who was drowned at Sault au Eécollet, were taken, but recovered;
the latter were, however, in rags, the Indians having used them for décora-
tions. When M. Le Maître, the Sulpician, was behcaded near Montréal,
a Savage was seen shortly after clothed in the priest's vestments strut-
ting defiantly before the Prench palisade. The chalice of Father Cha-
banel, who was murdered on the Xottawasaga Eiver, was taken by the
assassin and given to his mother, but as a great many misfortunes im-
mediately befell the family, she threw it in the river. Doubtless the In-
dians who killed Fathers de Brébeuf and Lalemant carried off the sacred
vessels, though nothing is said of it in the " Relations." But we know
that everything that could be found in Kasle's chapel was seized by the
English and brought to Boston. His crucifix and the '' strong box." in
which he probably kept his chalice are now in the muséum of Portland,
Maine. Finally, some where at the bottom of the Ottawa River, there is,
if it has not been rotted to pièces meantime, a box full of altar furniture.
The canoë in which it had been put was upset, and though the heroic
young Indian Armand, who was in charge of it, clung to it as long as he
could at the risk of his own life, it was torn from his grasp by the tor-
rent, and disappeared.
We do not know if the nuns of Québec made any of the vestments, but
we hâve a record of one devoted sister of the Hôtel-Dieu of that city,
who supplied chalice-palls for the mission for the space of forty-one
years; from 1717 to 1759. In each pall she would insert a prayer and
an invocation such as " justifica nos, dealba nos, vivifica nos." It.is
also said that her labor was so constant that she had made them even
during dinner. How she could contrive to do the two thiners simul-
taneously is hard to conceive; except that she was a confirmcd invalid
and ate very little.
There is a very interesting fact with regard to the Holy Eudiarist in
Canada, which is not gcnerally known, viz. : that the first book written
by an American missionary, in tins part of the world, was on the Blessed
Sacrament. It was by Father Charles Lalemant, the first Jesuit Sup-
erior of Québec, and is entitled " La Vie Cachée de N". S. Jésus-Christ
en l'Eucharistie." It was published in 1060 in France, and during the
author's lifetime went through three éditions.
On the voyage across the océan, which sometimes lasted two or three
months, the priests never qmitted to say Mass when the weather ])er-
mitted. Sometimes, indced, tho ritual was carried out witli great ponip
and solemnity. Thus, in the life of Father Ménard we havc a descrij)-
tion of a Corpus Christi procession on shipboard, that is worth quoting:
"Great picty," he says, " reignod among the crew, but the dévotion
was most conspicuous on the feast of the Blessed Sacrament. A magni-
ficent altar was proparod in tlio cabin of the .\dniiral, ihe crew crtHicil
another at the prow df the ship, and our Lord, dcsirous to 1«' adorcd
upon the unstablc élément, gave us a calm so perfect ibat we could
— 922 —
imagine ourselves Hoating on a pond. We fornied a really solemn pro-
cession. Everyone took part in it, and their piety and dévotion prompt-
ed them to mardi in excellent ordor arouud tlie deck. Our Brotlier
Dominique Sc-ott, wearing a surplice, carried the cross; on either side of
him were two children each holding a lighted torch; the nuns followed
in angelic modesty with their white tapers; after the priest, who carried
the Blessed Sacrament, walked the Admirai of the fleet, and then came
the wliole crew. The cannons made the air and waves resound with
thunder, and the angels took pleasure in hearing the praises that our
hearts and lips gave to their Prince and to our Sovereign Iving."
The priests froquently went as chaplains in the wars against both red.
and white enemies. Indeed, Champlain lays it down as a captain's
tirst duty to hâve a priest on board his ship on every voyage. Fathers
Kaflei.x and Albanel were in the Mohaw^k raids, in 1666, under de Tracy
and Courcelles; and probably celebrated Mass at the place of Jogues'
martyrdonm;Enjarlan was seriously wounded in de Denonville's attack
on tlie Senecas; Easle was sometiraes with the Abenakis in their fights
with the English ; Silvy, Dalmas and Marest acconipanied Iberville, both
on his snow-shoe journey to Hudson Bay and his attacks by sea.
One of thèse priests was exhausted by his laobr and recalled; another
was murdered, and the third was carried to England as a prisoner. It
is of interest to know that in Iberville's splendid fight in the Straits,
where with a single ship, he sunk one English vessel, captured a second,
and put the third to flight, his chaplain was Father Edward Fitzmorris,
of Kerry, a Jacobite priest, about whom, however, no further informa-
tion is forthcoming, except that the Fitzmorrises were Earls of Kerry.
Perhaps the most splendid deed of heroism that lias illustrated the
history of Montréal is that of Dollard and his seventeen companions in
16G0, who by the sacrifice of their lives saved the entire country from
destruction. Their self-immolation has an intimate connection with the
Holy Eucharist; far before going out to battle, they made their wills,
bade farewell to their friends, and received Holy Communion. It was
their Viaticum. Thus strengthened, they set out joyfully against two
hundred Iroquois who were descending the Ottawa. The fight took place
at Carillon Kapids : the Frenchmen, behind a battered stockade which
they found there, the Iroquois swarming up from their canoës in the
river. Day after day, and night after night, the struggle continued;
the defenders always falling on their knees to thank God after each re-
puJse of the enemy. Dead savages w'ere piled higli on each other outside
the fort, until at last a reinforcement of five hundred more Indians came
up tho river. Then the slaughter began, so that when the conquerors
entered the palisades there were only five Frenchmen alive, and they, ail
mangled and bloody, were led away to a horrible death. But the victory
was won. The Iroquois abandoned their plan of destroying simultan-
eouslv the colonies of Montréal, Three Pivers, and Québec; and sullenly
witlidrew to their own county,, astounded at the résistance of thèse war-
riors who had consecrated them.çelves to death in the blood of Jésus
Christ.
It was the spirit of Montréal in those days, wliicli began ils life with
— 923 —
the mémorable first Mass on the river bank at Place Eoyale. That his-
torié scène in 1642 has been depicted in glowing canvas on the walls of
the Cathedral and on the imperishable bronze statue of Maisonneuve.
But for a visitor to this city, the usual sordid condition of the Place
Royale are not at ail in keeping with the sacredness of the memory it
evokes, and the mean and meagre and half-hearted inscription on the
façade of the Custom House announcing that " after a religions cere-
mony " Maisonneuve established the city, is almost a shock for one who
knows how that event of the Sacrifice of the Mass was essential to the
first throbs of life that pulsed through the heart of the city that was then
being established.
However, the Sacred Host was that day elevated above the island, as
it had been at Québec, 106 years before. From thèse two sanctuaries it
was carried aloft l)y heroic missionaries over the mighty rivers and
lakes of the vast country, through almost impénétrable forests, and across
ice-clad mountains, proclaiming, as it passed, the message of Christian-
ity and civilization, until to-day it is exposed on the altars that stretch
from the Atlantic to the Pacific. When the old Jesuit missionary
erected the cross at the cataract of Niagara, he wrote upon it Christus
vincit, régnât, imperat. That déclaration sees its fulfilment to-day in
Canada, and it has been brought about by what is Christ's chief instru-
ment, the Adorable Sacrament of the Eucharist, by which He conquers,
reigns, and governs.
COMMUNION AMONG THE AVORKING CLASSES.
BY
REV. EDWARD S. FITZGERALD.
WHEN Our Lord promised the Holy Eucharist, He made it clear that
He was to prépare a gift for ail men.
For He found the hunian race in a land of exile, with the poison of
the first sin in its veins, and threatening it with spiritual destruction.
With the compassion that filled His heart when a gênerons but improv-
ident multitude followed Him into the désert, Ile contenii)lated man
wandering about in the dry and barren fields of this life, not linding
proper nourishment for the soul's sustenance. Hence His promise:
"And the bread which I will givc, is My flesh for the life of the world."
The Holy Eucharist i?, tlierefore, for ail men, the commou inhorit-
ance of every cliild of Adam bearing the stigma of his fall. Aiul con-
sidering the almost endless number of needs created by timc and place
and disposition, and the otlier varying circumstanoe:^ that surround the
— 924 —
life of man, we caunot but be struck bv the wonderful adaptability of
the Holy Eucharist to thèse conditions, and are forced to admit that
this is not the least of the wonders connected with the Blessed Sacra-
ment.
While, therefore, it is true that the Holy Eucharist is for ail men, we
will, within the brief scope of this paper, consider it merely in relation
to one class, and then only under one aspect ; viz. in its réception or
union with soûls in Holy Communion.
We may divide ail Christians into two classes. Those who by their
condition are not obliged to labor, and hâve, or may hâve, therefore,
ample tinie at their disposai not only for the fulfilment of ail their reli-
gions obligations, but also for such additional works of piety as it may
please them to perform.
The other and larger class is made up of that great army of the sons
of toil who are actually forced to labor ail or most of the time in order
to procure for themselves and those dépendent on them the necessaries
of life ; who hâve little time for rest or récréation, and sometimes find it
necessary to make considérable sacrifices in order to be able to comply
with the strict duties of a Christian life. It is with this latter class
that we are to deal in relation to Holy Communion.
And that this relation between Holy Communion and the working
classes may be brought out more clearly, we will consider their spécial
needs. For while it is true that there are needs common to ail men, it
is also true that there are some peculiar to certain classes, brought about
by the ever varying circumstances arising from race or éducation, from
spécial dangers in the work, harsh dealings by governments or indivi-
duals, or a multitude of other causes that difîer with time and place.
And this is especially true of the working class.
If, therefore, we study the conditions that bring about thèse needs
among the working classes, we will be the better able to understand the
real nature of them, and, in conséquence, the remedy that should be
applied.
What then, are the conditions, along gênerai Unes, that surround the
daily life of the working classes? «
For convenience we will divide the daily life of the working man into
three periods, viz. the time spent at his work, at home, and in récréation.
1. At work. Ever since that malédiction, "... Cursed is the earth in
thy work; with labor and toil shalt thou eat thereof ail the days of thy
life," (Gen. III-17,) was pronounced by an offended Father, has labor
been the lot of man. He has always felt the punishment of it, and
liuman nature rebels against it.
.\nd even though labor may sometimes seem to be a pleasure lightened
as it may be by some siipernatural help, or sweetened by some base mo-
tive, it still retains a sting, and the great majority of men bound to that
condition, maybc for life, be that condition made as agreeable as pos- '
sible, kff-nly fecl the weight of it, nover being able to escape entirely the
hardship of that sentence: " In the sweat of thy face shalt thou eat thy
bread."
— 925 —
And now, add to this condition, alreadv hard by its nature, the trying
circumstances tliat not unfrequently surrouud tîie life of the working
classes wliile engaged in their daily avocations, niaking it sonietimes
almost intolérable. And while there are hère and there some honorable
exceptions, are we not forced to admit that cruel greed not unfrequently
actuates the individual employer or the corporation, impelling them to
look for the greatest possible returns from the least possible recompense,
with little or no regard to safety of life or limb of the employée?
The great manufacturing and mining centers of the world will fur-
nish conspicuous examples of thèse hard conditions that sap the life
blood from the great hosts that gather about them, being in many cases
obliged to choose between them and starvation.
To be sure, there are many among the working classes who encounter
only certain phases of thèse conditions; but among ail, enough is found
to justify the judgment that their lot on the score of labor is, by its very
nature, hard for mankind to bear.
II. The home. And of what homes of the working class? Reason as
well as observations will show that ordinarily the home cannot hâve
many of those comforts that we ail like to enjoy wlien the day is done.
If necessity compels a man to labor, his own wants or the wants of
those dépendent on him will be so exacting, that he cannot hâve much
of his income left for the proper equipment and adornment of his home.
He may hâve enough to eat and wear, but beyond this, few of the law-
ful comports that seera to give a little sweetness to life are his to enjoy.
Small quarters, disagreeable neighbors, little light, poor ventilation, and
the hundred and one other possible contingencies, are some of the élé-
ments that enter into the home of the working class.
III. Récréation. The rest and relaxation so essential to his physical
and spiritual well being must, by the very nature of the case, be rather
limited Work is his portion, and what a multitude of toilers find it con-
fronting them at almost every moment of their existence, for with them
it is : —
Work — work — work !
From weary chime to chime !
Work — work — work !
As prisoners work for crime !
At best only the very simplest and most inexpensive fornis of récréation
are within their reach, and not a fcw are deprivcd of every kind of
innocent enjoyment. Perhaps at night the weary worker may sit for a
little whîle on the door-step or the curb, or walk about the crowded
streets, or, in the lonoly rural districts, sit in tlie solitude during tho
little space given him for rest.
With conditions like thèse surrounding tlio working classes, not to
«peak of the numberless other circunistaïue?;, like loss nf hoalth. dissi-
pation of parents, ingratitude of childrcn, and the like. that may enter
— 926 —
into tlie situation, it is cvitlent tliat influences more or less energetic
niust be at work upon the soûl, produeing eiïects analogous to tliose
appearing in the body, making the spiritual burden like the physical one,
difticult to bear. -^ . ^, .
For the working man, naturally, will uot view the prosperity ot the lew
and the apparent slaverv of the niany with equanimity. He may fail to
understand what seems"^to hini the strange inequality of the distribution
of God's benefits. He will compare his own misfortunes, real or ap-
parent, with the success of his neighbors, and will wonder at the
extravagance of the rich and the misery of the poor, and so easily fail-
ing to understand the true philosophy of life, what is to prevent him
from gravitating into that rebellious state of soûl which may mean loss
of faith and hope? Why may he not easilv turn to those forms of dis-
sipation within his reach, that he may, for a time at least, forget the
weight of woe that oppresses him?
The working class, under thèse conditions, présents to us, within the
wide range of its necessities, a peculiar state of affairs revealing needs
of a spirftual kind that call for urgent help in order that it may bear
its burden without failure.
The condition is, indeed, a complex one. The warring éléments of
fallen nature, helped on in their rébellion by the aggravating circum-
stances that surround the working classes may easily beget indifférence,
or rébellion, or despair.
Ilonest men hâve thought it ail over with the greatest care, and hâve
earnestly labored to relieve the situation. Badly instructed or conceited
men hâve ventured to offer as a solution some wild scheme that looked
plausible, but in reality had little or no relief to give because based ou
unsound principles.
Christ alone can solve the problem. His mission was to bring relief
to every kind of distress. And so to Him we turn for that assistance
which the working class must hâve that it may carry its burden success-
fully, even when it is not very heavy, and to save it from being crushed
when that burden weighs it to the earth.
To Him, then, shall we go, for was it not He who' said: " Come to me,
ail ye wîio labor and are burdened, and I will refresh you ? "
And with the greatest confidence will we approach Him, since we
know that He lias not only the power to help, but the will to do so. For,
was not His whole life spent in sympathetic union with the working
class, of which He was'truly a member? By birth, and family, and occu-
pation, as well as by the pathetic interest He always manifested in be-
lialf of the laborer, He clearly shows that His heart is with the poor and
lowly, who must ever eat théir bread in the sweat of their brow.
So to Him we go for a solution of the great problem: Wliat shall be
donc for the working man, that in the trials of his ])eculiar state of life
lie inay be sustained so as to persévère to the end?
His answer is hère: "As the livinff Father hath sent Me and I live
by the Father, so he that eateth Me, the same also shall live by Me."
TTnion with God in this life is an cssential condition for salvation. It
begins with Baptisni, and is ospocially strongthened l)y the Holy Eucha-
— 92: —
rist, for as Christ is God and orives Himself in the Iloly lùicharist to be
our spiritual nourishment, so do we tliereby live with and by Him.
And while it is triie that He desires this union with ail inen, and
Works the wonders of His grâce in ail soûls that conie to Him ; may we
not truly say that for the working clas?, considering its own peculiar
needs, this union with Christ in the Holy Eucharist is adapted in a
very spécial manner, making it a blessed boon filled with such lavish
gifts that each one finds the help he needs, and finds it in a way that he
will scarcely find elsewhere?
We hâve considered the working man encompassed by circumstances
more or less trying, from which he finds it difficult and sometimes even
impossible to escape. Ail of which has a depressing effect on the soûl,
and in soine degrce nnfits him for his work. And how many a one of
this class, contemplating the little world in which he lives, and the little
comfort that he seems to get out of life, is weighed down in spirit, be-
coming like his Master sorrowful even unto death, yet unlike Him in
seemiug to hâve no helping hand to liold him np.
But in Holy Communion he realizes a union with the source of ail
power, and spiritual comfort and direction. Did not Christ say : " I am
the light of the world "? How much man needs that light now while his
ej'es are dazzled by the glare of so many false théories about life and
its duties, to be able to see that the présent time does not afford him an
abiding home but another must be sought, and to understand that what
the world esteems ble^sings are not always such, nor are our trials
always misfortunes. How can Our Lord enter into soûls without thus
illuminatiug them according to their needs and capacities, and enable
tliem thus illumined to more quickly and effectively submit to the un-
changeable decree that has placed them just where they are? And so
this sunlight of heaven illumines, and this breath of Our Lord refreshes
the soûl of the weary toiler.
While sunlight and fresh air are essential for the laborer's physical
well-being, he must also hâve wholesome food to ropair and préserve the
wasting tissues. So, too, the soûl worn out by the battle so depressing
and incessant, sick perhaps ^vith disappointment and sin and relapse, has
urgent need of a food that will build up again its wasting tissues, and fiU
it with tlie strength so necdful to command its rebollious servant, tlie
body, to take uj) anew the weary burdcn of daily labor.
Has he not this food in Holy Communion? In partaking of it can
he not truly say, as St. Paul did: " I live, no, not I, but Christ liveth
in me''? And whon Christ livclh in the soûl, we hâve His assurance
that we can do ail tliings within the sphère of our obligations.
Encouragement, too, has an important part in the success of soûls as
it has in our temporal advancement. The kindly word, the little sign
of approval, the gentle urging has helped many a soûl to try again and
to kecp on trying till the journey is ended.
But wlio can say tho kindly word, who can and does urgo us on, whon
weary and footsorc with the hard work and tho rougli ways that fall to
our lot, botter than He Who in Holy Communion becomes so intimately
unite<l with us as to make us forgot that tho ways arc rough and the
— 928 —
burden lieavv, because absorbing His strength by re'ason of that blessed
contact, wo are encouraged to rise up and go on till we reach the mount-
ain of the Lord.
Perhaps an e.xample or two will more clearly illustrate our meaning,
We will take the father of a family, in some large manufocturing, or
rniniug center. Ilard and constant labor is his portion.
After the long and monotonous day, he hurries with the crowd to his
humble home. Sometimes thèse homes are very untidy. Sick and hun-
gry children, and niany of them, await his coming. Perhaps an un-
thrifty wife who is very fond of much talk and little work does not add
to the comfoi-t of that home. Yet he needs the very best in the way of
nourishment, and a little quiet and rest. But how many homes furnish
neither? He must go out to escape the depressing effects of such sur-
roundings, only to run into the face of many temptations.
The saloon, wiih. ail its vile associations and debasing influences, one
of the worst enemies and soul-destroying agencies known to the working
class, meets him at every corner.
He easily yields to the invitation of companions, or neighbors, who
urge him drown his sorrow in drink. They hâve already ridiculed his
lack of worldly wisdom in allowing his life to be burdened by a large
and dépendent family. They hâve pointed out to him that the Church
and State are against him, and that God has not the poor man in His
plan at ail. Self-appointed teachers and crafty politicians help on thèse
sentiments by the written and the spoken word.
How bewildered must he not be, and how hard for him to retain his
trust in God and yet live on in his unhappy state. Is there no relief?
What can the Holy Euchraist do in such a case? Let us see. A mis-
sion, or the Forty Hours, or some great festival of the Church, brings
him to the altar. At last his soûl finds rest and peace. Why? Because
he expériences a meeting with a real friend, one intensely interested in
him. The poor man has many woes, but His Friend has had greater.
He has a misérable home, but his Friend many a time had not a stone
whereon to lay His head. So they sit and talk, while the teaching of his
youth cornes back, to remind him that the great and good Friend who is
yisiting him has always been the Friend of the poor, and even if He has
not always dealt out much happiness to him in this life, patience and,
persévérance for a little while will bring him peace that no man can take
away.
And so with tlie kindly word and the new encouragement, he goes back
to the wretched home and the slavish work, with a lighter heart and a
determined mind to submit to the will of God to the end. Perhaps he,
may not hold out long against the terrible odds that are against him;
but if he repeats the visit before he has come entirely corrupt or hard-
ftned, he will receive another impetus to struggle on, and will be helped
to pay less attention to the evils of life, and more to the affairs of
eternity.
Or, shall we suppose it to be the mother of the family? She may be a
widovf with small children, or the wife of a shiftless or drunken hus-
band. To liv and keep the little ones alive she must go out to work.
— 929 —
Almost any home will afford the ordinary housewife ample opportunity
to spend ail her time usefully in that home. But necessity, which re-
spects no law forces lier to leave home and children to shift for them-
selves, while she seeks emplo}TTient outside, and that, perhaps, with little
rémunération. And the children growing up may not be very helpful.
Should we expect them to be so? Disobedient, uugratetu], learning ail
the evils of their elass, they add to the mother's sorrows and burdens.
Is there any relief for her? The First Friday dévotion nsed to be dear
to her ! So she hurries to the church. Her poor and scanty raiment
attracts no attention at the early week-day Mass; and so, she, too, is a
guest at the banquet to which ail are invited.
But when within the Sacred Edifice she beholds her wretchedness,
she is confounded as was Elizabeth on the visit of Mary. However, she
is reassured by the consoling call : " Corne to Me." Ànd that meeting
. . . who shall describe it, who shall adequately portray the Master and
the soûl in that Eucharistie union which is but a foretaste of that othec
union which shall bring them together in eternity?
Her prayers are few and short. Mavbe ail she can say in the anguish
of her soûl, is, " 0 God, help me ! " But what a volume of praise and
thanksgiving, of repentance and pétition there is in those few simple
words ! — And God deos help her. For a moment the storm within her
soûl is stilled; for an instant she tastes the sweetnesse of heaven, and a
little ray of light pénétrâtes her soûl, reviving hope and enabling her to
see with His vision the true side of life as compared with eternity.
Her faithful return to the Holy Table enables her to plod along, in
spite of the fact that there may be little improvement in her temporal,
affairs. But she will keep at it, till death at last, brings her a final
relief.
For the young man and young woman whose lives are cast among
the working classes, there can scarcely be a doubt regarding the neces-
sity and efficacy of Holy Communion to keep them in the ways of God.
Those who hâve corne in contact with them and their associations for
any considérable length of time, marvel that any escape the contagion
that threatens the moral life of the young. But they marvel still more
at the extraordinary lives of virtue which many of the young people
lead, in spite of wordly destractions and temptations, in spite of their
meagre instructions and poor home influence, in spite ovcn of niany a
plot to allure them from the path of irtue.
N"or can there be any doubt but that Holy Communion hiu^ had a
large part in so preserving them ; while its absence from the lives of
others, has left their soûls open to the fatal attack from which they may
not escape.
It may bc argued that wo hâve beon dealing with extrême cases, and
in such a way as not to be able to draw conclusions for u wholo rla.^s.
Extrême, indeed, as they may seem, thev are not so much so but that the
principles involved are the same for ail.
The condition of the working class, we will remembor. is one ciroum-
Bcribed by many limitations, subjecting it to many trials and tempta-
30
— 930 —
lion^;., some oi' wiiicii are pecuiiar to thaï state, while otliers are of a kind,
it cannot easily escape.
Therefore, in reviewing tlie situation and considering the almost end-
less variety of conditions tliat surround the worldng class, from the
thrifty and fairly conii'ortable members of it to the verv extrême cases,
presentiug examples of destitution and ahnost every other form of
human misery, we tind : —
1. That the working classes, bound to a life of labor, hâve in it a
burdeu to bear, the whole of whieh, in any event, cannot be put aside;
2. That, by reason of sucli a condition, dangers for the soûl arise
from which it is difficult or impossible to escape, and which sometimes
threaten spiritual ruin to multitudes;
3. That there is, in conséquence, great need of some spiritual help
adapting itself to this very complex condition, of easy access to ail, and
resourceful for every contingency;
4. That, in the Holy Eucharist we find the help which in its récep-
tion brings to the soûls of the working class the very strength it needs,
and must hâve to persévère, and which it can hardly find elsewhere, jusi;
because of its cireumscribed condition ;
5. That, because of the excellence of the gift, and its actual and poss-
ible effects, the fréquent réception of Holy Communion for the working
classes should be insisted on, in season and out of season.
May that great mlltitudc of Christian laborers, who make up so large
a portion of the working classes of the world. find in Holy Communion,
that precious gift offered to peasant and to king, the strength, the
sola^e, and the joy that will enable them to travel on suocessfully over
life's pathvvay, sometimes so very dark, and dreary, and rough; for Christ
Himself is there, and His sustaining hand will lighten the burden, and
the light of His divine countenance will illumine the way, and guide
them safely on till they reach their eternal home.
FREQUENT AND DAILY COMMUNION.
BY
AJÎCHBISHOP M. F. HOWLEY.
WHEX Cardinal Sarto, now our Holy Father, was elected by the Col-
lège of Cardinals to the sublime dignitv of Pope and Vicar of Christ,
lie assumed the narne and title of Pius"X. It was noted by those who
hke to invostigate historioal and traditional coïncidences that, in the
list of mystic and prophétie titles conferred on the Popes in the quaint
propliecies attribuled to St. Malaehy, the one given to the Pope who
sucreed ]a'o XIII. was that of " Ignis Ardens." Whatever amount of
eredence is to be placed in those prophecies, it is certain that, at least
— 931 —
in modem times, tliere has beeii discovered a verv remarkable corres-
pondence between the prophétie titles and the livep, characteriptics.. his-
torical events, or religions developmenis. of the individual Pontitf;; to
whom they were a[)plied. As soon then as Cardinal Sarto, Patriarch of
Venice, was elected Pope, curiously minded people began to stndy his
lite and actions in order to discovcr in wliat manner he would begin ti
justify his tlaim to the title of '•' Burning Fire." It was not long before
it was seen that the title might admirably be verified by the highly re-
ligions mind and the ardent zeal of the new Pontiff for the spiritual
exaltation of the Children of the Clmrcli ail over the world. In his
ver>^ first allocution he set forth as Motto and inspiration that should
guide his Pontificate the glowing words of St. Paul to the Ephesians
(1-10) " Instaurare omnia in Chrisio," " to reëstablish al! things in
Christ."
From the very commencement of his Pontificate he began to put this
intention into action, and like earnest workers, and in imitation of th'î
Divine Master TTimself, he began by showing in his own life and ac-
tions a living example of vvhat ho demanded in others. He began with
great and deep reaching reforms in the outward management of Church
governgient and discipline, cérémonies, music, liturg}- and business rou-
tine, commencing with his own household of the Vatican.
Rut, while thus restoring the outward government of the Church to
its normal and regular condition, he did not forget the interior and
spiritual life of Cliristian soûls; indeed, this was the principal and
paramount object of his desires, the moving spirit of ail his actions.
Shortly after his accession to the throne of Peter he issued that sublime
and beautiful Derree of Dec. lîtli, 1905, on the
Fréquent and Daily réception of the Blessed Eucliaristic.
That Decree, on fire as it were with ineffable Love and glowing Faith,
shows the intense depth of his great soûl and proves him worthy of the
title of
Ignis Ardens.
That Decree, which is destined to mark a new cycle in the Church's
Eucharistie life, and which was sent eut to the uttemiost bounds of the
Christian fold, is a véritable " Cross of Fire," to arouse tho soûls of the
faith fui flock, to '•ally them round the .Mtar and the Tabernacle, and to
shed a new hah» of glorv aboiit the imprisonod Saviour in the Sacred
Host: and to lili with a life-sprins; of love and grâce, the pure and
yearning hearts of the new bands of
Daily Communicants.
This wonderoiis Document hegins by rccalling the anh-nt dtsire of the
Church, as expressed in the Couneil of Trcnt. Se?;?. XXTI. cli. Ci, that
the faithfiil should approach frciiuently the ITolv Tablo aiul feed their
soûls on the flcsh of tlic Laml). whi<li is the "Dailv Bnad" and liff-
giving food f)f the soûl. .Mthough Our Blessed Lord in the excess of
— 932 —
His Divine Love has instituted this great Sacrament in such a form as
to be capable ot' beiug reserved in the Tabernacle, and to be at ail hours
tlie objeet of oiir Love and adoration; to be the source of fervour and
consolation to the weajy pilgrim when, stepping aside for a while from
the toils and worries of daily business, he retires within the ever open
portai of the nearest Church and there rests for a few moments in peace-
ful prayer, gathering new strength for the continuance of daily toil; or
again to the holy virgin of the Cloisters, who, worn out and beaten down
almost to the brink of despondency by trials and temptations, will fly
to this Holy Tabernacle and there in the silence of the Sanctuary drinl:
in deep and cooling draughts of spiritual refreshment at this perennial
fount of Grâce. But ail thèse thoughts, sweet and consoling as they
are, and full of heavenly joy, are not, says Our Holy Father, " the sole
nor even the principal objeet of the Institution of the Blessed Eucha-
ristie." No ! ail this is but what is called a Spiritual Communion, a
uniting of the soûl to God, by prayer and adoration and love. But the
chief and main objeet of Our Lord and the désire of the Church is,
real actual communion, the material réception of the Holy Eucharistie
into our bodies, and the transformation as it were of our whole beings
into " other Christs." In a word, that the faithful " should daily ap-
proach the Sacred Banquet. . . that being united to God we should de-
rive ail strength and spiritual grâces to resist sensual temptations and
passions, cleanse ourselves from sin and daily faults, so the Blessed
Sacrament is ordained to be " our daily bread." And so it was under-
gtood in the early Church : we learn from the " Acts of the Apostles "
(11. 48) that the Christians "were persevering in the Doctrine of the
Apostles, and in the communication of the breaking of Bread."
In the course of centuries the sweet simplicity and childlike confi-
dence of the faithful, their holy familiarity with this great and august
mystery began to fail, and its place was occupied sometimes by a care-
less and cold indifférence ; sometimes by timid and cowardly awe, keep-
ing people away from the Sacrament ; and finally degenerating into a
fatal and blighting rigorism, until at length the " plague of Jansenism "
struck at the vitals of religion, and the practice of fréquent Communion
was discountenanced, until at length it was deemed too fréquent to ap-
proach the Holy Table, once a month, once a year; indeed some went
80 far as to say that onlv on the death-bed should one dare to receive
this life-giving "Bread of Heaven." The faithful were thus spirituall?
starved. Under this severe and rigorous teaching many classes, such as
those engafred in trade.s, and evon tlio?e Hvinîî in the state of matrimony,
" were excliuled altogether from the Holv Communion."
In the XVII. CentuiT (1679), Pope Innocent VI. condemned thèse
errors and restored the primitive discipline. In the year 1218, the IV.
Connfil of Latcran had already found it necessary to command as a
minimum, for ail claiming to be members of the Church, the obligation
of reroiving T'ommimion at least once a year, and that at Easter time.
Thi? is callf'fl the Papchal or Easter Duty. In more récent times there
has been a revival of fervour and a retum towards the primitive practice.
Still, a strong school of ascetic theologians seemed inclined to tend tow-
ards rigorism. They demanded as a necessary disposition for fréquent
— 933 —
Communion " a perfectlv pure love of God, without any admixture of
defect." This theory propounded by Baius was condenmed by Tope
Alexander YIII.
As the dissention of opinion continued, and created différent schools
of thought among the theologians which lasted up to our day, and caused
much pain and difficulty to teachers of theology and spiritual instruc-
tors, the whole matter was submitted for an authoritative décision to
our présent beloved. Pontiiî. The outcome of this pétition was the
Decree of which I am writing, dated 16th Dec. 1905. This almost in-
spired doctrine set at rest for ever the disputes of theologians, and estab-
lished a sublime rule of practice which completely upset the System
heretofore in vogue, and introduced a new-and more libéral and gêner-
ons interprétation of the mind of Christ and of the Church on this grave
and important subject.
According to this Decree, ail classes of Christians, '' Ail the Faithful
of whatever rank and condition of life," are to be adraitted to " fréquent
and daily Communion." Onlv two conditions are required:
1. To be in a state of grâce.
2. To hâve a riglit and devout intention.
The ïïoly Father then goes on to explain in what a right intention
consists :
a) It must not be done through routine or vainglory, but to please
God and bring ourselves into more intimate union with Him :
b) Though it is to be desired that the soûl should be free from venial
sin, and from affection thereto, this however is not absolutely necessary.
It is enough that it be free from mortal sin.
Confessors are gravely admonished that they mnst not dare to dissuada
any one from fréquent and daily Communion, provided he is in a state
of grâce and approaches with a right intention.
Preachers, professors, and confessors are dirocted, ^frequently and
with great zeal to expound to the people thèse principles, and to exhort
the faithful to this salutarv practice. The practice of fréquent and
daily Communion is particularly enjoined on ail Religions Communities,
Seminaries and Collèges, and the Decree is to be read f requently at public
lecture in ail such Communities.
Finally, " ail Ecclesiastical writers " are soleninly charged " to cease
from contentions controversies concerning tlie dispositions requisite for
fréquent and daily Communion." I hâve thus given a synopsis of this
sublime Decree. It has already been put in practice for the past few
years, and its effects are plainly visible. A great flood of dévotion has
inundated the hearts of the faithful, and a great increase of daily Com-
munions has followed. The practical lesson to be drawn from the above
considérations is that none should feel thcmselves restrained from ap-
proaching dailv Communion on account of house-liold duties and cares,
or wordlv distractions; that no staïc or position in life should be made
an obstacle to fréquent Communion. At the same time it would not be
in accordance witli tho mind of tho Pope and of tho Church, for any
one to noglcct houschold duties in ordor to go to Communion.
Moreover, the practice of dailv lloly Communion ought to prwluce
some visible effect on the life of the récipients, ^^^lilo not being able to
— 93i —
avoid ail venial sins, they should shov. in their conduct a dislike to ail
idle, useless and unc-liaritable discourses. or interférences in the afïairs
of others. TJie daily connnunicant should be known by the seriousness,
or ail events, the habituai absence of triviality in conduct, and by an
almost visible and sensible halo of sanctity surrounding him ; by sending
forth froin hini a radiance of peace and holiness, which should haye a
visible eiïect upon the whole home and family circle, and ail who corne
in contact with hini, participating to them some share of his own in-
ward peace and grâce, and making them feel the nearness of the Divine
Présence, even amidst the ordinary cares and occupations of every day
life, and the turmoil of wordly distractions.
Since the subject of this paper was selected for me by the Eucharistie
Committe, another Decree has been issued by Our Holy Father through
the S. Cong. on Discipline and Sacraments, showing a still further proof
of his buruiiig love for the little ones of the fold and his profound and,
I may almost say, his bold faith and éager confidence in the efficiency
of the "Bread of Life'' The Daily Bread of the Holy Communion, in the
Eucharistie Sacrament. This Decree, called from its first words Quam
Singulari. was issued on August lOth, 1910 It is as it were the Cliil-
dren's Decree, for it is oocupied chiefly with instructions as to the re-
ceiving of Holy Communion by the little ones of Christ's fold. It
breathes throughout ail the intense love of the saintly heart of Plus
towards the children whom he cherishes with a fondness like unto that
of the Master Himself. The Pope shows the great love of Christ for
the children; how He yearned to hâve them around Him, and rebuked
those who would try to turn them away from Him. The Holy Father
reminds us that from the earliest days the Church was accustomed lo
give the Holy Communion even to infants and sucklings. This custom
ffraduallv ceased in the Latin Church, and none were allowed to receive
Communion who had not arrived at the âge of reason, and had been
sufficiently instructed to make their first Confession. This discipline was
confirmed and sanctioned by the IV. Couneil of Lateran. The Council
of Trent, aiso, while leaving untouched the subject of infantile Com-
munion, reiterated the Decree of Lateran concerning Easter Communion.
Tbe Holy Father then goes on to point out the difflculty of fixing
any determined âge, as that to which the use of reason may be assigned,
and tho conséquent différence of practice, and the confusion of disci-
pline on this head.
It is to reme.'ly thèse abuses by laying down in clear and authoritative
tones the practice to be followed in dealing with the young that this
Decree is published.
The gênerai trend of ihe Decree is towards the admission of children
to Holy Communion at a more tender âge, than that now permitted
by the more rigorous discipline which has crept into the Church, whence
, " the innocence of childhood, torn away from the embraces of Christ,
" was deprived of the sap of interior life, so that youth, destitute of this
"?-troni: helj), surrounded by so many shares, having lost its candeur,
" fell into vice before ever tasting of the Sacred Mysteries.''
In order then that " children of tender vears mav become attached to
— 935 —
Jésus, live llis lile, and obtain assistance against the dangers of cornip-
tion, He lays down certain rules, ol which I hère subjoin a synopsis :
I. The âge of discrétion required for Confession and Communion is
about seven years : and the Pope adds that f rom this time the obligation
of satisfying the precept begins l)Oth for Confession and Communion.
II. Complète and perfect knowledge of Christian Doctrine is not ne-
cessary. But the child must be taught the whole Catechism by degrees
III. The knowledge necessaiT is to'understand, according to their ca-
pacity, the mysteries of faith, and to distinguish between common bread
and the Eucharist, and approach the Sacred Table with dévotion.
IV. The obligation of preparing the child for the Sacraments falls
upon the parents, Confessors, teachers, and the Pastor.
V. Pastors shall take care to distribute Communion several times a
year to the children, and to instruct them.
VI. Children are to approach often, even daily, if possible.
VII. The custoni of not admitting children to Confession or of not
absolving them is ahsoluteh/ condenined.
VIII. To refuse the viaticum and absolution to children having at-
tained the use of reason, is declared to be an idterhj détestable abuse;
and ordinaries are to proceed severely against pastors who persist in this
practice.
Thèse Résolutions are approved of by the Pope; and His Holiness
commands that the présent Decree shall be made known, not only to
tlie pastors and clergy, but also to the people to whom it shall be read,
yearly, at Easter time, in the vernacular language.
REPLIES TO SOME OBJECTIONS AGAINST THE
REAL PRESENCE.
BY
Rev. L. A. LAMBERT. Scottsville. N Y.
THE oi)jections urged against Ihe doctrine of the Real Présence and
transubstantiation hâve been thoroughly discussed since the time of
Luther — over 400 years ago. Able Protestant writers hâve raised ail
possible objections and presented them in their strongest light. an.l
equally able Catholic theologians havo met and refuted them. Tboro
is, therefore, nothing new to l)e said, no originality required in replying
to those objections at this late day. As the time and space assigned to
me prevents a thorongh examination of ail the objections, \ve must sélect
a few of tliem. Let us then proceed:
1. Objector — "The doctrine of the Real Présence contradicts mv
sensés; it therefore cannot be true."
— 936 —
You are wrong. The doctrine does not contradict the sensés, nor do
the sensés contradict the doctrine. The doctrine and the sensés do not
and cannot chish. It is not a function or faculty of the sensés to affirm
or deny an3'thing about anything.
2. Ôbjector — " What ! Do you deny the évidence of the sensés ? ^'
Xo. We deny simply that the sensés give any évidence l'or or against
the Keal Présence.
3. Objecter — " "What ! Do not my sensés tell me that the object be-
fore me on the table is bread and not something else ? "
Iso, they do not. The l'act that we do not know the " how " of this,
is no valid reason to deny it; and the same with the Eeal Présence as
you are to tell us of the how of your knowledge.
Your notion that the sensés contradict the Eeal Présence or can con-
tradict anything is a delusion arising from your erroneous notion about
the function of the sensés, and from the misapprehension of the doctrine
of the Eeal Présence.
9. Objector — " But after ail I corne to a judgment somehow, whether
through my sensés or intellect, or both combined, that the object before
m& is what it seems to me to be, and I hâve a right to accept that judg-
ment, as it is the best my mind can give to itself."
That may be true, your judgment may be true or false, but whether
true or false, you hâve no right, as you claim to hâve, to attribute that
judgment to your sensés, and consequently you cannot say that the Eeal
Présence, or any other reality or non-reality contradicts your sensés.
That is the point we insist upon. Your right to judge of the présence
or absence of that which falls not under the sensés is like the right of
the blind man who claims the right to judge of colors. His sensés fail-
ing to report anything, leaves him only the privilège of guessing. That
is the only right you hâve in attempting to judge of the présence or
absence of anything that falls not under your sensés. The Eeal Présence
affirmed by the Catholic doctrine of the Eucharistie is a présence thaï
fall not under your sensés, and consequently there can be no contra-
diction between the doctrine and the sensés. There is no contradiction
between the color and the sight, or the non-sight, of the blind man.
10. Objector — " The doctrine of the Eeal Présence involves the
impoBsibilitv oi' being in two places at the same time — in as many places
as there are consecrated particles on many altars at the same time. There-
fore the doctrine cannot be true." '
Your statement is mère assumption. It may or may not be true in
the order of extended existences, but it does not follow that bilocation
is impossible in the order of non-extended existences. As this order
falls not under your sensés you hâve no ground to deny the possibility
of bilocation, and consequently you cannot rest an objection on your
assumption.
Tlie use of the word " place " makes it necessary to investigate the
meaning of the term. What is "place" ? In its last analysis place
is a relation between extended things. It is not a real substantial thing.
It is only the condition of things in the order of extension. It is the
" whereness " of an extended thing in relation to other extended things
and cannot be supplied to non-extended existences, beings of the spirit-
o
o
m
te
o —
— 937 —
ual, non extended order. By extension I mean length, breath and depth,
in things of three dimensions.
A spiritual, non-extended substance does not occupy '' place," although
it may be loosely associated with things of extension, as the humau soûl
is. The soûl is said to be in place because associated or united with an
extended body, but considered in itself it is not in place, and in this
sensé it may be in one of many places at the same time.
Of what size is "place?" How large can it be without being twD
places? It cannot be a mathematical point, for that lias no dimension
or extension, and is consequently no place. Place may be covered by a
pinhead or it may include the whole world, which is only a very small
place considered as a part of the universe.
Place is like the value of X in an incomplète algebraic opération. It
is an unknown quantity. As you cannot define what " place '' is, whai
do you mean by saying that a thing is in two or more places at the
same time !
But aside from ail thèse considérations, a familiar illustration from
expérience will show not only the possibility of a being existing in what
you would call two or more places at the same time, but it shows the
fact that a being does so exist. The human soûl is a real substantial
being, an individual and indivisible unit having no parts and no ex-
tension, \\lien the soûl acts, it acts with whole self, not by a part her3
and a part there, for it has no parts.
You will admit that your foot is in one place and your head in an-
otlier place. Xow suppose a wound is made in your foot : the pain is
felt by your soûl, by ail of it, since it has no parts. It is therefore Ihere
in that place, in ail its entirety. Suppose, further, that a wound is at
the same time made in your forehead, the soûl feels the pain and is there
in ail its being. It is at the same time in your foot and in your head —
in two places at the same time. This is a fact of which you are con-
scious and which you must admit, though your sensés or imagination
give you no hint as to the " how " of it. Your objection, therefore, musn
be dismissed as having no foundation in reality.
11. Objector — " The Peal Présence is répugnant to reason."
The term " reason '' is obscure, and like the temi place, needs to be
defined, that we mav know what is meant bv it. There is a vast amount
of hidden sophistry in the use of words. Reason sometimes means tho
mind itself. Again, it may mean the motive that induced the mind to
form a judgment.
Again, it may mean our rational power of thinking in gênerai. Again.
it may mean according to Kant and other metapliysicians, the faculty or
act of inference, or the mind passing from known premises to a vou-
clusion. It is in this latter sensé that some metaphysicians use it. The
meaning, therefore, of your objection is this: The Real Présence is ré-
pugnant to the mind's faculty or act of inference.
The mind in reasoning compares two judgments, true or false, and
affirms their agreement or disngreement ; hence, judgment, true or false,
cannot be répugnant to reason.
— 93S —
Reason, as au act of inferenco, beinu- indiffèrent to the trutli or fal-
lacv of the prcniises, does not contradict any proposition, and conse-
quently does not contradict the proposition affimiing the Real Présence.
12. Objecter — • " If roason cannot détermine what a thinfr is, what
motive hâve we to believe the Real Présence ? "
Reason can détermine what a thing- is if it hâve true premises to
work upon. The motive of belief in the Real Présence is divine ver-
acity.
13. Objector — "I do not see or know how one snbstance can be
changed into another without a corvesponding change in the accidents
or appearanccs, or ho.v the accidents can remain after their substance
is gone."
"\Aliat you do not see and what yon do not know is the same to yoii
as that which is not. You hâve no right to raise an objection on what
you do not see or know. It is an unreasonable act when based on ac-
icnowledged ignorance.
Your inabilitv to know "how" a thing takes place is no évidence
airainst the fact that the thing takes place. If you reject anything yoa
do not know the " how " of, you will l)elieve nothing, not even your own
existence and consciousness, or even that you think.
14. Objector — " The words of our Lord, " This is my body " are to
be taken in a metaphorical or figurative sensé, meaning this brcad " re-
presents My body."'
This is a gratuitous assumption, not justified by the text, or by the
circumstanees when the words were uttered. At the last supper our
Lord gave to his disciples what He promised to give them, as recorded
in the sixth chapter of St. John's gospel. He there promised to give
them Ilis real flesh and blood. In that chapter He said : " I am the
living bread which came down from heaven. If any man shall eat of this
bread he shall live forever; and the bread that I will give is My flesh,
for the life of the world." The Jews thereforo stvove among them-
selves, saying: How can this man give us His flesh to eat ? Then Jésus
said to them: " Yerily, verily, I say unto you: Except you eat the flesh
of the Son of man, and drink His blood, von shall not bave life in you.
He that eateth Mv flesh and drinketh My blood hath everla^ting life
and I v.ill raise him up on the last day. For My flesh is méat indeed,
and My blood is drink indeed. He that eateth My flesh and drinketh
^fy blood, abidith in Me and I in him. . ." Many therefore of His dis-
ciples hearing this, said: This saying is hard, and who can hear it .■'
After this manv of His disciples went back and walked no more with
him." St. John', Chap. 6. To those that still remained He said: "Will
you also go away ? " Then Simon Peter answered Him : " Lord, to
whom shall we go ? Thou hast the words of eternal life."
Hère we hâve an acconnt of the awe-inspiring promise. What is
promised in our Lord's real flesh and blood. The repeated asseverations
of this fact exclude ail figurative sensé.
Xow what was hère promised was a reality; and it was realized at the
last supper, when our Lord took bread and blessed and broke it and
— 939 —
said to His apostles: " This is Mv bcdv ". aiid of the wine: " Thi? is Mv
blood."
Xow, if thèse ^vo^ds are to be taken in a figurative sensé, it wtuld
follow that Christ did not fulfil His promise to give His real liesh and
blood. A figure of a thing is not the thing. Those who believe in the
Divinit}' of Christ cannot afl'ord to l)elieve He failed in His promise, and
gave His apostles a figure for a reality, To fulfil the promise, our Lord's
words must be taken in their literal, plain sensé, as those in His présence
understood them.
15. Objector — '•' When our Lord said: "This is My body " he useJ
the verb " is " in place of the word " represents "' because there is no
Word in the Syro-Ch aidai c, the language he spoke, that means, to re-
present.'"'
The first to niake this statement was Dr. Adam Clarke, who had a
réputation as an Orientalist. Thèse are his wurds : " la the Hebrew
Chaldee-Syriac languaczes, there is no terni which ex))rcsses to mean,
signify, or dénote ; though both the Greek and Latin abound with them.
Hence the Hebrev.s use a iigurc and say " It is,"' for "" it signifies." '"
Yes, Dr Adam Clarke, reputcd an Orientalist. staked his réputation
on the truth of the above statement. So did Dr Hartweil Horne in his
work on the scriptures. On the authority of thèse writers, the Btate-
ment of Dr Clarke is commonly believed by non-Catholics.
But the statement is not true. This Cardinal Wiseman demon<trated
by quoting from authors \\ho wrote in the Syro-Chaldaic language. In
his book on the Real Présence, page 261, he shows that there are no
less than forty-five words in the Syro-Chaldaic language that mean " to
signify," "to represent."
If our Lord, in the language he spoke, had wished to say, " this re-
presents My body " He could hâve used any one of thcsc forty-five words
to say it in. He used none of them. He said : " This is My body."'
16. Objector — ''Did not our Lord explain His words when he said:
" It is the spirit that quickcneth : the flesh profiteth notliing ? " May
we not then take his words in a spiritual sensé ?
What do you mean by a spiritual sensé ? A spiritual présence is a
real présence, not as you seem to think a figurative or mctaphorical pré-
sence. Tho.=e présent when Ho spoke thought He meant that they were
to eat His flesh eut from His body or from His corpse. It was this er-
roneous idca that shocked and horrified them. To remove this error
our Lord said, " It is the spirit that quickcneth: the flesh pmfiteth
nothing." In other words, dead flesh, unanimated. unquickencd by His
spirit, would profit nothing; but His living bodv animated by His spirit
is the body He referred to when lie said: " Verily, verily, I say unto you:
Except you eat of the flesh of the Son of Man and drink His blood, vou
shall not bave life in you. He that eatcth ^ly flesh and drinketh My
blool abideth in me, and I in him." The flesh pre>ent in tht' sacra-
ment is the bodv of Christ, quickened by His spirit. Of it He said :
" 11iis is My body."
17. Objector — " Tf T were to admit the truth of thf do<triii»' of the
— 940 —
Eeal Présence it would not l'ollow that the présence is by transubstan-
tiation."
You are wrong; it follows necessarily because in no other manner
could the words of Christ be true, except by transubstantiation — a
change of substance. His words are : " This is My body." Ile did not
say : "' I ani in this bread or with this bread." Thus impanation and
companation are excluded ; they contradict our Lord's words : " This is
Uy body." Thèse words can be true only by transubstantiation. They
are true.
THE BLESSED EUCHARIST AS A CONVERT
MAKER.
BY
Rev. A. P. DOYLE, C. S. P.
SOME time ago, in conversation with a highly cultivated Presbyterian
minister, 1 suggested that in God's all-consuming and resourceful love
for the children of men, He could hâve not hâve devised a more charac-
teristic way of presenting ïïimself to them than under the semblance of
bread and wine — the staple nourishment for ail the world, through ail
time. His reply showed that he was a man who had a high appréciation
of spiritual things, as well as a keen sensé of the secrets of the human
heart. He said, " In order that man's heart might love intensely, there
must be a visible object to draw its love. This is the great reason why
the Son of God became man and dwelt amongst us. The same prin-
ciples hold equally true of His abiding présence on the earth in visible
form. The tendrils of man's heart cannot entwine about a metaphy-
sical entity. Just in this far I am with j^ou in the présentation of
your doctrine of the Eeal Présence. If it be true, you hâve in it the most
compelling argument in favor oE your Church, as well as the most power-
ful magnet to draw men unto God." The well-balanced judgment of
this minister présents to you the best argument for the convert-making
power of the Blessed Sacrament.
Perfect religion is the possession of God. The greatest drawback to
the perfection of religion is the intangibility of God. Our intercourse
with God in this life is more or less laborious and difficult. We see Him
by faith in a darksome manner. Our conversation with Him is ail one-
sided. The voice, the look, the personality, the answer to our question-
ings, — ail thèse are wanting. Yet we know he is there when our faith
js aroused, as close as the priest is in the confessional, but in the ardor
of our dévotion wc would reach out to Him through the veil. "We would
demand a défini te answer to the pleadings of our heart, and a solution
— 911 —
of our perplexities. But the God who is not a Eucharistie God, but
who is everywhere, in space, but not in place; a hidden God, but not
visible to our eye nor tangible to our sensés : He has no particular
drawing power to the slow hearts of the children of men. But, give us
a God like the God who walked with Adam in the cool of the evening,
like the God who spoke out from the burning bush to Moses, who walked
with the children of men, sat by the well and captivated the heart of
the Samaritan woman, the God of the Blessed Sacrament whom we take
into our hands, receive into our hearts; such a God becomes a divine
Magnet, luring sinners away from the paths of iniquity, inflaming the
tepid hearts of the wordly, and lifting the devout into the closest union
with divine Xature.
We who live in the soft glow of the Eucharistie Présence which tinges
ail our thoughts and warms up our devotional life, hâve little realizatiou
of the coldness and sterility of religion in the outer world of heresy. The
Rev. Charles Edward Stowe, a Congregationalist minister, and nephew
of the famous Henry Ward Beecher, wrote recently: '"Our Puritan
Fathers never could hâve made the break that they did vnih Catholie
Christianity could they hâve foreseen as the resuit thereof the Christless,
moribund, frigid, fruitless Protestantism that can contribute neither
warmth, life, inspiration nor power to lift us above the weight and
weariness of sin. It is only too true that the heavenly city which our
Puritan Fathers yearned for and sought with prayers and tears, has
become to niany of their Christless descendants a frigid city of icy pa-
laces, luilt of pale négations, cold, cheerless, and shining in a pale winter
Sun, with an evanescent glitter of a doubtful and substantial intellec-
tual worth. The full, rich, glorious Christ of a Catholie Christianity
has been dragged from His throne by the advanced thinkers and reduoed
to beggary. A pale, bloodless, emaciated, Syrian Ghost, He still dimly
haunts the corridors of this twentieth century Protestantism, from which
the doom of His final exclusion has been alrcady spoken."
" Then, in their boundless arrogance and self-assertion, they turn upon
us, who still cry with Thomas before the Eisen One, " My Lord ani
mv God," and tell us there is no middle ground between their own vague
and stérile rationalism and the Roman Catholie Church."
" If this be so, then for me, most gratofully and lovingly, I turn to
the Church of Rome, as a homeless, houselcss wanderev to a home in a
continuing city."
"We are hungry for God; yea, for the Living God, and hence, are o
restless and dissatistied."
This pleading, yearning, and most pathetic cry from one of the finer
spirits among our separated brethren is typical of the dumb and silent
moan that goes up from the heart of the throngs who hâve never known
our Eucharistie Lord. For many of theni, the husks of lifo's fruit are
crrowincr thicker and its méat thinnor and drior everv dav ; and there is
nothing that can satisfy them but tho full and complote possession of
God whom they can tlirow their arms about and press to their shriveled
hearts, whom they can receive into their hungry snuls and bo filled with
ail sweetness. It is this vague reaching out for the possession of a
— 9i2 —
visible God that has givcn to so inany latter day forms of religion, in
wliich tliere is a curions iutermingling of the uatural and the super-
natuval. the Jiunian and the divine. To tins yearning for things of God,
Sjnritisni owes its wonderful ]n'evalence, and Christian Science lias re-
ceived its remarkable vogue. People with a deep religions sensé want
God. They want Him badly. They want Him in a tangible way. They
want Him visible as He is given to us in the Blessed Sacranient. So it
has been said over and over again that if our separated brethren could
only know, realize, and believe in our Eucharistie Lord as we do, they
would give their veriest heart blood to possess Him,
With this idea in view, there hâve been inaugurated by some of the
Diocesan xVpostolates in the United States a séries of Eucharistie Mis-
sions, in wluch the principal thème is the Blessed Sacrament, and this
idea lias the resuit of concentrating attention on the fact that God dwells
amongst ns, and it has l)een blessed with quite remarkable results. The
immédiate fruit of one of thèse missions was 22 con verts, and a largo
number left undcr instruction. Thèse missions are fitly closed by the
Forty Hours' Dévotion, and they infuse into this great devotional prayer
a wonderful fcrvor.
Did the tinie allow, it would be easy to show how thèse Eucharistie
missions are framed up. The Eucharistie is the sum of the Christian
religion. It is the synthesis of ail religions energy. It is the focus of
ail devotional fcrvor. It is the mémorial of divine Love. Thèse com-
pelling truths, iilling the minds of the non-Catholics, are calculated to
melt away ail the minor difficulties that seem to be their stumbling
blocks, and bring the soûl face to face with the divine présence. If a
non-Catholic can be persuaded that Christ, the Lord, is personally prés-
ent in the ("atliolic Cliurch, why, lie will want to get into that Church.
He will Mant to get into it right ofï, and nothing in heaven or on earth
can keep him eut of it.
The really dense ignorance of the non-Catholic is his ignorance of the
l'oal Présence. With hi-^ matorial mind he cannot grasp it. "This saying
is hard, and who can hear it ? " When he first hears the explicit
enunciation of the dogma that the sacred wafer is the living Christ, it
staggers him. When he hears it again. it gets a meagre lodgment in
his heart. He savs, why not ? When he hears it again, it seems very
natnral, after al). It is not any barder for him to believe that God
is in that sacred wafer than it is for him to believe that He was in the
Babe of Bethlehoni. or in the forlorn Prisoner who stood in the midst
of His infK'kers in i'ilate's Court. When lie hears it again, he believes
it with ail liis heart. Ile has squared liimt;elf to the tremendous truth,
and ail his former l)itterness against the Catholic Church has disap-
peared like llie fog in tlie morning, ])ecaiise God is there. Ail his prev-
ious roligi'UH difficulties bave been solved, ])ecause the great central sun
of dogniiitic Iriiib has Ihrown a flool of liglit into the dark places, and
ail is cloar to him as the daylight paths.
Tt is interesting to study the psychology of heresy. In its first vir-
nlont cipiKisition 1o tbe ("buroli it reserved for its spécial target the altar
and tbe pnesthood. The altars were dragged from the churches, and
— 043 —
in their place was substituted an ordinary table. They divested thc
priest of his sacerdotal vestments because they were synibolic of the
Eucharistie sacrifice. They drag^red down the Crucifix of Mount Cal-
vary ami put in its place au ordinary cross; but as they swing back
again and learn something cl the doctrine of the Blessed >acriinient, they
replace the altar, they adopt thc vestments of the sacrificial act. They
put the crucifix again in the old ])lace, and they adopt the name of
Catholic. Any form of Christian religion which claims an altar and a
sacrifice acquires a sensé of solidarity, begins to despise the intlividuality
of private judgrnent, ceases to live on opposition, is ashamcd of being
Protestant, and yearns for the great Brotherhood. In other words, the
central attraction of the great sacrifice overcomes the centrifugal forces
and intensifies the centripetal, so that gradually the divergent éléments
coalesce into the Body of Christ. Can there then be any more powerful
convert n'aker than tbe Eucharistie idca as pre^^entcd to ns by the
Church ?
How little in reality has been made of it in our missionary efforts !
Hâve we not often been content to leave it in the background, thinking
that, like the Jews of old. if it were presented in its baldness the modem
Pharisee would turn on his heel and go his way ? The disciplina-arcani
prevailed in the early âges for spécial reasons. But our modem world
is hungering for God. It is surfeited witli materialism and commer-
cialism, and, like a caged liird, it is flapping ils wings against its brass-
i)Ound prison, and it yearns for the larger and fuller possession of God
that will give it greater liberty.
I venture to say that in every missionary's notebook there are m any
wonderful examples of the drawing power of the Blessed Sacrament.
Said a devout convert to me: " The first thing that gave me"a sensé of
révérence in the Catholic Church was the husbed silence that came over
a Catholic congrégation at the moment of bénédiction. * * * It led me
to inquire into the doctrine of thc Blessed Sacrament, and when I un-
derstood it ail mv difficultics melted awav, and I came deman !ing en-
tranco into tbe Church," Another — and she was a dauditer of Briff-
ham Young — told me that as a girl she stole away and used to enjov
the n'iiet solitude of the little Caiholio Cliurch in Sait T.akc City. She
never could explain the stninge fecling that came over her when, as a
growing girl. she sat for hours alone in the présence of the Blessed
Sacrament. Thèse are but a few beads of a long rosary of converts who
hâve licen irresistibly drawn bv the divine Magnet of soûls.
T.et me. then, plend for more abundant pie.iching of the central dogmi
of our religion, and less controversy with Protestants. The last three
centuries hâve been filled with polemics until the world is satiated with
them. T ani rersiiaded that if tlic îittractivene-s and beauty of the doc-
trine of our Kinmanuel were fairly ])resented to tbe non-Catholic people,
their opposition would Ite disarmed, and thev would be drawn in a most
powerful way to the acceptation of ail the doctrines of the Church. As
our TIolv KatlH'r, in bis Icttcr commetulinir tbe work of the Apostolic
Mission llcuisc. says : "For great is thc |Mnver of Tiiitb. and nnthing
more is required to make men love it than to know it intimately."
— 944 —
REAL PRESENCE OR NO CHRISTIANITY.
BY
DR. J. K. FORAN.
LAST week, an eminent and learned non-Catholic, conversing with.
me about tlie Eucharistie Congress, informed me that while he believed
firmly in the Création, the immortality of the Soûl, and the Eedemption,
he could not accept the dogma of the Eeal Présence. His principal
objections were that he could not understand it, that it was répugnant
to our sensés, and that there was no proof of its truth.
In the very limited time at my disposai, I will attempt to convey to
this audience the answers I made to each of the objections, and I may
State at the outset, that the gentleman in question was, if not convinced,
at least, seriously impressed, and he assured me that he would follow the
various phases of the Eucharistie Congress with a différent spirit.
He believed in the Création. Therefore, he believed that God, in His
Omnipotence, drew the entire uni verse ont of XOTHIXG. If there
could be any degrees in mysteries, I would ask : " which is the more easy
to believe, the more reasonable, the easier to perf orm : God taking NO-
THIXG, and therefrom creating a world, or God (for Christ is God)
taking an already created substance, called bread, and changing it into
another substance ? "'
He believed in the immortality of the soûl. Yet he could not see the
soûl, nor taste it, nor smell it, nor recognize it by any of the sensés, any
more than we can recognize the Eeal Présence in the Eucharist by means
of our human sensés.
He believed in the Eedemption, consequently in the Divinity of
Christ; but declined to admit the attributes of God in the Person of
Christ.
My friend claimed the Bible as the basis of Christianity, and stated
that vs-ithout the Scriptures there could be no certainty of the Truth.
The Evangelist tells us, in very plain terms, that, at the Last Supper,
Christ took bread, broke it, and giving it to His Disciples, said : " This
is My Body." Three différent accounts, each from a spécial standpoinfc,
of the scène at the Last Supper, are given by St. Matthew, St. Mark,
and St. Luke. Yet, ail three agrée perfectly as to the words used by
Christ — " This is My Body," Xow, of ail the expressions of Christ re-
corded in the Gospels from His first to His last public utterance, not one
hasi ever been more bitterly questioned by any dénomination of Christ-
ianity, than the words: "This is My Body."
Did Christ say that, or did He not? If He did not, the Gospel is
false, the Bible vanishes, and Christianitv is a myth. If Christ did use
those words, did He mean what Ile said ? If He meant something else,
Me was not God, He deceived His hearers, and Christianity is a myth.
If Ilf- rncant hit He said, had He the Will and the Power to accom-
— 945 —
plish what He stated? If not, He was not God, and Christianity is a
myth. Therefore, without the Eeal Présence, there can be no Christ-
ianity. Either the Eeal Présence is true, or Christ was not Omnipotent,-
or was not the Truth, or else the Gospels are false. In anv one of which
cases the entire fabric of Christianity must corne down with a crash.
On the evening of the battle of Austerlitz, Xapoleon, at the zénith of
his power, sat in his Impérial tent. An officer of the army, who had
been giiilty of a ishonorable act, was brought before him. With indig-
nation the Emperor said to him : '* You are an officer, I am ashamed of
you, you are degraded." Xext moment, they brought in a private
eoldier, ail tattereJ and wounded, begrimed with the dust of the field, and
they informed Xapoleon of this mau"s wondcrful feats of heroisni. The
Emperor, looking \\ ith pride on the ragged man, said : You are a crédit
to France ; you are an officer." Mark well the words î In the first in-
stance, he merelv used them to emphasize the fact that the man was an
officer, therefore deserving of dégradation; in the second case, he wished
to raise the man to the rank of an officer. And from that moment, the
eoldier became an officer of the French army. Ile had neither epaulets,
nor spurs, nor any external insignia to indicate the change, but he was
an officer by virtue of the words of the Emperor, of the will of the
Emperor, and of the power of the Emperor.
WTien Christ took bread and broke it, had Ile said : '* Friends, this is
a pièce of bread," (as the Emperor said to the officer " you are an
officer"'), His Disciples might hâve answered: " Yes, Lord, we see that
is the case." But when He said:." This is My Body " (even as the case
of. the private soldier), that bread became His Body, by virtue of His
words, by virtue of His will, and by virtue of His power to so change it
— although, to the ordinary human sensés there was no external sign to
show the transformation tliat had taken place.
The night of paganism obscured the nations, when in the far ofT East,
at the appointed time, the Star of Salvation twinklcd at Bethlehem, and
the gorgeous Sun of Rédemption flashed on Calvary. The ra\-s of that
Sun of Truth penetrated the groves where the Druids had taught the
mysticism of the stars ; they tipped with splendor the monimients of
âges, and crowned those storied works of a buried time with the radiance
of heaven; they fell on the harper's soûl and wedded his song to truth;
they descended into the Calacombs, and tiience, burst forth to illuniinatc
the cross above St. Peters. Through ail the changes and vicissitudes of
the centuries, safe in the custody of the successors of the First Vicar of
Christ, tho-î^e ravs bave come down to us, ever sproading ont ovcr now
lands, and bathing the rims of new horizons. To-day, in this City of
Montréal, we behold their splendor leaving an impress upon unnum-
bered soûls. And henceforth, shall they go on. ever increasing in their
brilliancy and power, until the last hour rings from the clock of Time.
This assurance is based on an infaillible promise; Iwentv centurie? ago,
on the round summit of Golgotha, with a nail through His hand for a
pen, and with crimson blood ff»r ink. tho Son of (Jod wrote that promise
on every page of human history, from the dawn of Rédemption to tha
sun-set of Time.
— 9-iG —
Likc a torch passed from up-lifted hand to hand, above tlie heads of
the générations, this Truth has been transmitted from sucessor to suc-
cessor of St. Peter. Xo matter what the individuality of tlie Pope or
the stru«gles he eneountered, there has been no interruption. Call him
Clément, or Urban, or Sextus, Gregory or Léo, or Pius, he is and has
been the infalUble guardian of the dogniatic truth of Christ's Church.
He niay liave been an exile at Avignon, or a fugitive at Ceta; he may
hâve felt his throne rock under the tempest of religions rébellion, or seen
his possessions usurped by the robber hand of infidelity; he may hâve
found his home a dungeon, or, as he is at this hour, himself a prisoner
witliin his own palace. Ail that does net signify one feather's weight
in the balance against the promise of Christ, that Ile would be with His
Church unto the consummation of the world.
If, in the midst of this magnificent concourse of the niitred hierarchy
and vénérable clcrgy. from ail corners of the earth, the humble voice
of a lowly layman might réach the foot-stool of Omnipotence, I would
ask the Providence that watches over the destinies of the nations, that
whets the sword of Justice, nerves the arm of Patriotism, and o^uides the
Prophet's pen, to look down on our land, to ordain that this glorious
Congress should stamp its effects on the soûls of ail who hâve assembled
to honor and adore the Eeal Présence in the Holy Eucharist; and when
ail is over, and the curtain has fallen upon the niost sublime séries of
events that our countrv has ever beheld, mav He raise up a mighty Bard.
cleanse his lips as He did those of Isaias, fill his bosom with inspiration
like unto that which thrilled in the breast of the Royal Prophet, give him
the vigor, the culture, and the hamiony required, that while he is re-
cording in stately verse the suprême triumph of the Eucharistie Christ,
he may worthily chant that deathless anthem of gratitude —
" Te Deum laudaimis;
Te Dominum confiteîmir."
RETREATS FOR LAYMEN.
BY
T. J. SHEALY, S. J.
RIvTliE.VT work is of very spécial interest to the mind and heart of
tho Church. It was begun with the Apostolic blossing and it grows and
flourishes under the Apostolic guidance and encouragement. The words
of our présent Holy Father and of his illustrions predecessor are ''s
clear and urgent as they are paternal and inspiring. In 1904, Pope
Pius wrote commending thèse Petreats: "One cannot conceive a better
method for saving tlie workingmen, exposed at the présent time to so
— 94: —
many dangers. Since our élévation to the Papal Tlirone, We see still
more the importance of thèse Eetreats for the end we hâve in viéw, to
restore ail things in Christ." And the late Pope Léo is no less direct
and emphalic. In 1900, he wrote: '' There is no doubt that thèse Re-
treats, penetrated with méditation upon the celestial truths, procure not
only the sanctification of individiials, but the gênerai utility of society. .
we hâve learned with the most lively joy of the création of this new
work, and of its fruits, already so abundanl . . . we désire to see this
work, so happily begun in France and Bclgiuni, spread with erjual success
among other nations." The scope and character of the Retreat Move-
ment are herein definitely laid down, and the earnest désire of the Holy
See leaves no room for misgiving or indifférence.
Ketreats for laynien are not something new; they hâve been for
centuries a great instrument in the wise strategy of the Church for the
conquest of soûls and the establishing of the rèign of Christ. Owing,
however, to the great dangers whicli thnaten the Cluircli and society
in our time, and to the urgent necessity of fortilying tho layman against
the many assaults, as varied as they are insidious, to which he is exposed,
the retreat work has been taken up with fresh ardor, and applied with
renewed zeal and efficiency to the business and working classer, for the
last twenty-five years. A devoted French priest, Père Henry, was the
pioneer in this grand revival. In 1882, he gave himself to the task of
instituting " Eetreats for Workinen," and within a short time his zeal
was so blessed with success, that houses devoted to the same apostolate
were soon founded ail over Europe. Thèse houses hâve now grown into
mighty centres of spiritual life to which thousands of men bave annual
recourse, and from which they come forth renewed in strength, and
equipped in principle and motive to fight more manfully the battle of
life.
In Belgium alone over 90,000 of the laboring classes, and about 20,00.)
professional and business men hâve made the retreat since 1890. Bel-
gium, indeed, stands out prominent in this movement; but France, and
Germany, and Holland, and otlier Europcan statcs, bave also extendod
the work vnth most gratifying results. In one bouse in France, " Notre
Dame du Haut-Mont," more than 30,500 men hâve made the retreat
witliin a quarter of a century. England and Ireland are at prosent
zealously occupied with Retreat organisation ; and doubtless Romiley in
England, and Dublin in Ireland, will soon compete in numbers and
fervor with the great centres on the continent.
The Movement has at lengtb stretohed its mighty arms to America. It
is taking root in a kindly soil, and bids fair " to proceed prosperously and
reign amongst us." The gênerons response in New York, ("icvcbind.
Montréal, 8t. Mar\''s, Kansas, Prairie du Chien, Santa Clara, and other
places, give every promise that tho Retreat movement is destincd to
grow, and multiply, and boar fruit a hundred fold in America In New
York, within a fow months from its incoption, liiindrods nf mon havo
tumed aside from tho wild rush of business interests. which fairly absorb
the life of a great commercial city. to considor in a wrck-ond rotroat.
the interests of thoir immortal soûls. The number of suoh men is on
— 948 —
the increase, and gives évidence of a depth of Catliolic life and an earn-
estness of character not to be surpassed by any which other lands can
offer for our stiidy, or for our émulation. We are therefore not too
sanguine in looking forward to the near future, when houses of Ketreat
will be founded, unto the greater glory of God, a'iid unto the greater
strength and vitality of the Church and of the State, in every large city
of the eountry.
To any one wlio reflects and studies the trend of our modem life,
the advantages and the necessity of the Eetreat movement are manifest
and appealing.
" There never was a time," said His Grâce the Archbishop of New
York, in giving liis unqualified and hearty approval to the Ketreat Move-
ment, " when retreats for la}TTien were so necessary as in this our day.
Material success is becoming the absorbing interest of life, and men are
apt to push aside the things of the spirit." Thèse words point directly
to the disease, and to the remedy which is effective in meeting it. The
conditions under which the layman has to work and struggle make it
imperative on him, f rom time to time, to go back to first principles and
recover his foothold. He must retum upon himself and think. The
fever of désire, the cares of sensé pursuit, the din of the superficial and
the natural, the vaudeville of pleasure and distraction, are everywhero
pressing upon life, weakening its moral fibre and dulling its spiritual
discernment. The layman cannot escape thèse influences, for they form
the atmosphère which he breathes and invade the sanctuary of his home.
He is more and more drawn out of himself to a purely objective exist-
ence: out of breath in the stress and strain of business, out of mind
in the varying field of impressions, out of the supernatural, and out of
God, in the beggarly things that make for death. There is little time
or room for serions though; yet strong faith and character are imposs-
ible without it. Hence he moves in a world of half-truths and half-
virtues, where men think half- thoughts and lead half-livee. In the
passions for doing, he can easily grow bankrupt in soûl, for he can do
himself to death not only to the death of muscle and brain, but also of
heart and spirit, It is not easy to rise above environment, or to run with
the world and not think with it. If there is a danger for the priest
and the religions, and if they need the annual toning up of the retreat,
how much more the layman! He is in immédiate contact with the
world, and unless the principles of Faith are a real living power to him,
unless his perspectives are kept clear and his ideals high, he will be
gradually assimilated to his surroundings, and allow his soûl to starve
where the body is the " all-man."
Moreover, the strange clash and rivalry of ideas, so characteristic of
our time, and the conceits and petty knowledges which rise up against
the évidences of God, are ever forced on his attention, not only by the
agency of books and newspapers, but by the conversation of his fellows.
However little he thinks in the heart, he thinks much with the eye and
ear, and there is a worship of type against which even the catholic lay-
man is not altogether proof. The lust of the flesh is as forceful against
faith to-day as ever ; but the lust of mind is not less dangerous. Moral
— 949 —
and religious ruin works its way froni above and from below, and both
the will and intellect of man hâve to be fortified if he is to stand securs
and faithful.
It is obvions therefore that the Retreat Movement meets a definite and
pressing need. We must save the layman, we must fortify him in faith
and reli^on ; we must arm him against the influence of irrévérence and
materialism which surroung him on every side; we must prépare him
to flight the valiant battle of the Church in the club and in the office,
in the factory and in the workshop. And it looks as if it were in thèse
latter places that the great battle of the future is to be fought.
The workingman is in spécial danger, and he is, in a large measure,
to détermine the issue of the struggle. ïhe religious problem is insep-
arably and passionately interested and engaged. And such is the per-
verse fashion of the time, that the démocratie awakening of the masses
and their power at the ballot box lead to an unhealthy independence
in the domain of religious authority, and an alarming freedom of
thought and action. The relations between the worker and the master
nave become mechanical and impersonal, and the tendency is to create
similar relations between the worker and the church. At any rate the
attitude of the worker towards the priest, in our great centres of indus-
try, is not what it used to be and we hâve to face conditions as we find
them.
How, then, in spite of ail thèse forces that estrange and pull down,
is the church to keep lier hold upon the workingman and enable him
to counteract the dangers which beset him. He, indeed, is largely a
victim of his surroundings — for his humble lot renders him more help-
less and more exposed. The forces of Socialism and irreligion are using
every form of argument and appeal to win his allegiance, while ever-
reacliing compétition and a cut-throat economy are crushing him to the
earth .
What can hold his arm against passion and keep his heart right
against the subtle schemes of error, or the specious promises of theory '.'
The light of the Catechism can grow dim, and the effects of the most
successful mission can be very temporary. Xo doubt missions are a
wondrous power for good. But the object and effect of a mission are
not the same as those of a retreat, and the spécial exigencies of the time
demand every resource of the Church for saving and uplifting. Assur-
(îdly the poor struggling worker needs ail the strength the Church can
give him. His soûl needs from time to time a spiritual recasting; it
needs a new background to life, or rather the old background restored
to life, with the ideals of faith and the eternal hopes ; it needs the one-
ness and wholeness of impression and conviction which a retreat is
manifestly calculated to impart.
" The mission is not a retreat," repeated His Grâce the Archbishop
of New York. " A mission is filled with many distractions and its work
is scattered. The truths nien hear in a mission are not so deeply etched
on their soûls as if they were entirely secluded. In a retreat you are
free from distractions, you hâve every advantagc for tho concentration
of vour faciilties, vou hâve a wholo séries of instructions and exercices
— 950 —
knitted toiiether iu logical séquence, vou are made to think, and to judge
things at tehir true value." From'such a vantage ground, ail things
readilv assume tlieir due place and proportion. Man is made to face
himself si|uarelv holore tlie tribunal of conscience and nieasure lus duty
aud respousibilitv in thc liglit of God. He is alone witli his own lieart
and sees the trutli wiih open eyes. A man who has made even ono
retreat well, howsoever weak human nature may prove, can never again
lose the power of recovcry. Xor is this the least of its many inestimable
blessings.
'' AU is saved " said a great Prince of the church, Cardinal Guibert,
" if Christian meu v.ill dévote three days each year exclusively to médi-
tation on ilie eternal truths." ïhat saintly Prelate realized the power
of the Ketreat and saw in it the saving of the individual and of society,
What the retreat is doing and has donc as a saving power in Belgium
and othor lands, is beyond question or calculation. The bishops and
clergy of Europe bear ample testimony to the marvelous good wrought
by those bodies of m en who from year to year repair to the Houses of
Ketreats» for strength and rénovation. They become a leaven in the
parish and in the hamlet, leadmg their fellow-workers back to Christ
by their inlluence and example. " Since my twenty-five workmen mads
their retreat,"' writes the Dean of Malines," Malines counts tv. enty-five
more apostles." Such is the expérience wherever the retreat exerts an
influence.
The answers given to a few direct questions by two priests of Munster,
who happen to be présidents of workingmen's clubs, are authoritativc
and convincing:
Q. W'iiat is tlie impression made upon you by the men on their re-
turn from a retreat ?
A. They are liappy and delighted and are determined to go again.
Q. Do you notice any bénéficiai results in their lives ?
.\. We çan testify emphatically to the good results. The men show
chanvcter, especially in the fulfihnent of their religions duties.
Q. Do they show zeal in supporting their Catholic club or guild ?
A, They make the best members; they are full of zeal.
Q. In how many cases do you observe lasting results ?
A. There is no doubt that the results will be lasting. Hère there
is certainly no sign of falling ofï.
Q. What is vour l^everence's opinion of those Retreats ?
.\. We fonsidcr thcin an extraordinary means of promoting vigor
and life in our Catholic men's associations, and we wish that many more
could make them.
You w-ill observe how thèse questions and answers emphasize thc social
value of tho rcd^rcat. Indocd, this is one of the main features of the work
it aims U> accomplish. " The Social Question " in the words of the late
illuHtrious PontifT. IV.pe Léo X., " deserves to bave ail Catholic forces
apphed to it with the greatest energy and constancy." The Church
cannot remain indiiïcrcnt, for ail her interests are solved, and the pooi-
dcmand fier guidancf aod protection. But she must reach the working-
man Ihrough the workingman, and she must guide and save him through
— 951 —
organization. If she is not ready to lead him, he will find other leader-
ship. One of the most vital probleins of our times is the marshalling
of our Catholic laymen under the direction of the bishops and clergy.
This century promises to be in a largest measure the layinan"s century
in every social direction, and the Catholic layman is the one great
buïwark of defence and security. We want the apostolate of the lay-
man, we want Catholic organization, and Catholic leadership : this. too,
in every field of business and industry, and in the workshop perhaps
more urgently than in the office. The forces arranged against the
Church are vast and terrifie, and every agency of evil is pressed into
service. There is much fighting to be donc on every side, both défensive
and aggressive. Who are to do it ? The priest and the religions will ever
be faithful to their trust and will be found on the battlement and in
the breach enduring unto death. But they cannot fight the battle alone,
the layman has a glorious part to take in this struggle. He, too, has an
apostolate of work; he, too, belongs to a Militant Church, he is his
"brother's keeper,"' he has a suprême responsibility ; he has a great
message to deliver to his fellow-man. To shirk his duty is treason.
But how is he to be prepared and disciplined for this fight ? How are
the soldiers and the apcstles to be formed and organized ? How are we
to raise up an élite of royal, brave Christian men to défend the right
and the truth, the cause of Eeligion and Christ ?
Boundless indeed are the resources of the Church in power and or-
ganization ; each parish has its splendid equipment. Every âge, however,
has its own conditions and its own needs, and the Church is ever ready
with means and concerted action to meet them. Her wisdom is com-
mensurate with lier zeal, and her courage as large as her sacrifice. She
realizes the pov.er of the layman and appeals with confidence to his
whole-hearted coopération. In the présent dangers which confront her,
she turns to the Retreat House in prayer and blessing, for the strength-
ening of her arm and the weapons for her warfare. It is to form and
equip a vast army of triie sons of the Church, a strong body of loyal
Catholic lay-captains and soldiers. that the spiritual forces of the Ee-
treat work are principally directed. In thèse hours of prayer and méd-
itation, of thought in the heart and grâce from on high, the armor
is burnished, the prowess of the soldier is renewed and quickened, " the
shield of faith " and " the breastplate of Justice " are tightly buckled
on, and the personal love and allegiance to the great Master and King,
Christ Jésus, are heightened to the enthusiasism of service, and sacrifice.
" Where, I ask," said Count de Mun, addressing the Congre.'? at T^in-
demeau, " where is the spirit of catholic union, this fire of manly loyalty
and enthusiasism kindled, where but in our annual retreats ? There
during three days, before God, under the direction of a master in the
spiritual iife, we corne together, we pray, we meditato, we wrestlo witli
our difficulties, we root out the weeds of passion. There we exchange
views, our fears and our hopes, we discuss the results «ecured and the
obstacles surmounted. There we give peace to our hearts, we fortify
our soûls, we renew our allegiance to Jésus Christ, and we départ iuar'>
brave, more joyous, more resolute, and truer to one another.'"
— 952 —
It is not onough, liowever, tlius to order life, and quicken zeal and
spiritual energv, by tlie discipline of three days' prayei and méditation.
The retreat to become elTective nmst produce permanent results ; it must
bring forth fruit and its fruit must remain. If the spirit of soldier be
renewed in strongth and fervor, the battleground of the world is not
changed, and human nature has its weakness and its forgetfulness even
when fortified by the strongest resolutions. The retreat is for service
and eharacter, and man is called upon not only to make it, but to love it.
Heuee the exercises of the retreat hâve to be an abiding consciousness
and inspiration in his every day work.
For this end it is indispensable to form the exercitants into some
societies of their own, or attach theni to the parish societies already
established, wherein they become the most devoted members. In this way
their impressions of the retreat are refreshed from time to time, and
their good dispositions sustained.
Such societies as the " League of Eetreats," the " Fréquent and Daily
Communion league," " The Monthly Eecollection League," already grow-
ing into magnificent proportions in Belgium and France, hâve been won-
derfully productive of good. The men are brought together, their union
is invigorating, they hear a short instruction, the promises of the retreat
are recalled, they receive the Bread of Life and they return to their
homes and their work with fresh courage and spiritual force.
Thèse societies foster in a spécial manner the practice of fréquent Com-
munion, according to the mind and insistent exhortation of . the great
Pastor of soûls our beloved Iloly Fatlier Pope Plus. The fréquent and
increasing présence of men at the altar, wherever the influence of the
retreat has penetrated, is at once its highest testimony and its surest
guarantee.
In some places the change wrought in this respect has been most
remarkable. " In my parish," writs a good Cure, " the increase in maie
communicants within six months was more than 900 and I ascribe this
to the good effected by the retreat." " Is it not " said the éloquent
Count de Poncheville to the gênerai assembly of Catholics in Paris,
1885, "is it not in the living springs of the retreat that the societies of
Catholic workers are renewed each year in vigor and membership ? Is
is not at the foot of the altar of Athis and Clamart that the mind in en-
lightened, the will strengthened, the supernatu^al more deeply realized?"
There too the prodigal returns to the banquet table of His Father's
home, and the elder brother, without a word of complaint, is made the
happier and the richer Ijy his return."
"The perseverinnf in the doctrine of the Apostles, and the Communi-
cation in the breaking of bread " constitute to-day as ever, the very sub-
stance of Christian life and the necessary conditions of Christian char-
acier. , '[
In the grave périls which threaten the faitli and morals of our men,
the allurements to pleasure, the absorbing interests of industry, the
f ' -ous conceits of error, the insinuating appeals of social theory,
1 but one suprême safeguard, one infallible remedy. The Divine
1 in Ilimself bas prescribed it. It is the Sacrament of His Love;
— 953 —
it is Himself Emmanuel God with us. "Unless you eat the flesh of
the Son of Man, you cannot hâve life in you." There is no other secure
way to wrestle with passion than by the protecting armor of the body
and blood of Christ. It is in the retreat house espeeially that man is
brought close to Christ in His Tabernacle.
Therefore, under whatever aspect we consider it, the Eetreat Move-
ment for laymen ^is an immense power for good, not only in the reli-
gions, but also in the social and civic life of the Community. It surely
merits the heartiest goodwill and support of ail who would extend the
reign of Christ and solve the problenis which confront the churcli in
our day ,
The success of this movement, however, must principally dépend upon
the devoted coopération of the Bishops and pastors. The désire of the
great Apostolic heart of our Holy Father, is to be, as he lovingly ex-
presses it himself, " the Pope of Eetreats for Laymen." We can ail
help him, in our own measure, to realize this désire.
The direction <nd management of Houses of Retreat belong exclus-
ively to no one body of clergy or religious. Ail are able, and ail are
summoned, according to their means, to share in this grand Apostolate.
The layman will be found to respond generously when the aim and
character of the retreats are put before them. And if they once take
part in the exercises, they will do their own recruiting. The expérience
of those who hâve charge of retreats is highly encouraging. Alreadv
the Knights of Columbus, the C entrai- Verein, the St. Vincent de Paul
Society, the Holy Xame Society, and other Catholic organizations, hâve
grasped the retreat idea with magnificent sympathy and good-will.
We hâve, indeed, a great field open to retreat work in America, and
surely this Country, if any otber, needs to pause and look within and
think in the heart. America will be the great battleground of the
future. The Catholic layman must do the fighting, and we cannot arm
him too early or too well to insure the victory of the Kingdom of Christ.
To sum up what we hâve said :
1. — The Retreat for laymen lias the warmest blessing and God-speed
of our Holy Father, and of ail the bishops and pastors under whose
jurisdiction and favor it has been instituted.
2. — It is a wondrous instrument of Divine Providence for the saving
of the Catholic lajonan, amid the grave and peculiar dangers which beset
our modem life.
3. — It is a great social force directly leading to Catholic union and
organization, in an âge of serious and threatening social problems.
4. — It is a great spiritual power-house, f rom which the parish and
its various societies and clubs draw new strength and vitality. and the
altar is made the founlain of life by the fréquentation of the Sacra-
ments.
5. — It is, in fine, a splendid field for our zeal and generostity, in
working according to the mind and heart of our Holy Father " to restore
ail things in Christ."
— 954 —
SCHOOL CHILDREN AND DAILY MASS.
BY
REV. HUGH J. CANNING, B. A.
WE, who enjov thc privilège of Catholic schools, are wont to tliank
God for sueh a blessiug; and riglitly so, l'or the cliild whose' religious
instruction lias been iguorcd, liumanly speaking, can iiever niake up for
the past. But, for many years, I liave wondered if our teachers really
understood wliat is meant by a Catholic priniary éducation. It always
seemed to me that just as the teachers of former years wasted much
energy in teaching children to learn by heart the dry formula of re-
ligion, w-ithout caring whether they really understood anything of their
meaning; so, most of our teachers of the présent day spend hour after
hour in explaining the différent kinds of sin that fall under the heading
of the différent commandments of God and His Church, but neglect to
instil a hatred of sin. Generally speaking, the child knows when some-
thing is sinful, Just as we do. For instance, it is not so important that
tlie child should be made learn by heart the différent ways in which he
can break the seventh commandment, as it is to impress on his mind
directly and indirectly that he is not to steal. This must be the final
object of Catholic moral éducation — to get things done.
The sanie reasoning applies even more forcibly to the teaching of the
Holy Sacrifice of the Mass. I hâve known teachers spending weeks in
the chapters of the catcchism dealing with this object. I am not find-
ing fault with this; but I am finding fault vi'ith the fact that they never
thoroughly put their teaching into practice — they didn't succeed in
getting things done. Wliat I mean is that while much time was spent
in pointing out the nature and importance of the Sacrifice, little or no
timc was devoted to bringiiig home to the minds of the children wliat
the Mass meant for them in the matter of their salvation ; that Christ
would hâve not left among men such an astounding Sacrifice were it
not that He intended them to make use of it; that it is the great central
act of worship for ws; that it is specially a means of grâce; that if they
do not avail themselves of it, it matters little whether they understand
it or not, or whether it exists at ail or not; that they are like the patient
who admittod that the physician's medicine was good, but refused to
use it. Granting, therefore, that he who teaches the moral part of
catechism has failed in his work if he did not succeed in getting things
done; we can casily see that the most important part of a child's edu-
ration on the subject of Mass is to train him to take advantage of the
Sacrifice, i. e. to attend at Mass.
I need not stop hère to point out the immédiate benefits to children
arising from daily attendance at Mass: they are the same as those
obtained by adults. Witliout then going into the question of thèse
spiritual riches, we shall endeavour to deal with the practical side of
the question by di.scussing the means whereby children may be brought
^'Jôô —
to dail}' Mass, so as to acquire thèse riches ; but especially the means
whereby they may be so drawn that they will praotice going, when pos-
sible, in more mature years. For al'ter ail, if thc child's good habits do
not continue in adult years, his early éducation lias been little less than
a failure.
^\^lat means shall we use to get the child to daily Mass? Some
teachers advocate compulsion; but there is a danger of the child's get-
ting a surl'eit of 't; not that anyone can get too much of a good thing,
but he may think he is getting too much, and when, in after years he is
free, may refuse to takc even what is necessary. Others bave a practice
of giving prizes for attendance at May or October Masses, or of setting
the boys to compete with the girls for the highest aggregate attendance
during the month. This is not to be condemned off hand, for, although
the motive on the part of the child may not be supernatural, yet we can
easily suppose that much grâce will come from it.
'•' The impulse of the earth was given,
But bent him in the ways of heaven."
Besides, it bas the value of accustoming them to daily Mass without
compelling them. And this is much.
But, at best, such means of securing attendance, that is, compulsion
or émulation, will be productive of .lasting results only in rare cases,
and any means that does not make for a continuation in after life is a
comparative failure. Then, again, when we remember that few aoquire
the habit of going to daily Mass in adult years, but continue to be satis-
fied with their ordinary morning prayers, unless they bave been taught
as children about the " one great morning prayer," the necessity of in-
stilling the habit of attendance at daily Mass into the minds of our
children becomes ail the more urgent. " Bring a child up in the way he
should go, and when he is old, he will not départ from it.'"' How shall
we so bring him to daily Mass that when he is old he will not départ
from it? The expérience of zealous priests who hâve labored for this
end seems to be that there is only one way which bas met with any ap-
préciable succès. And that one way is for the priest to make attend-
ance at daily Mass a specialty. What I mean is that he must talk about
it in season and out of season. He must not compel attendance, but he
must show the children that he considéra it of the first importance. This
is more easily said tban done ; for it is not accomplished by dropping
into the school three or four times a year, and giving a talk on daily
Mass. But it means a never ending direct talk on its importance. Child-
ren, and even adults, begin to tbing that what the priest considère im-
portant must be important. I believe that the chief reason why men
are not so frequently found at Iloly Communion as women, is that
priests bave not preached the importance of monthly Communion to
them ; and the men took it for granted that they were not expected to
go more than once or twice a year. I know a priest who bas four-fifths
of his men going to Communion once a month; l)ut lie did not accom-
plish this by spoaking to them once a year about it. Tlioy went on thc
— 956 —
second Sundav ; but fif teen minutes of the preceding Sunday was givea
up everv niouth to a talk on the subject, while an equal time was takeu
on the Communion Sunday itself. It meant energy, it meant persévér-
ance, it meant hibor, but i't worked out rightly. I know another pnest
who never has a school child miss his monthly Communion during the
summer vacation. He accomplished this important work by frequently
impressing on them that they did not go to Communion for the sake of
the teacher, or parents, or priests, but for the sake of God and for the
good of their soûls. They were likewise taught to make a thanksgiving
for the same reason, when no sister or priest was présent. Then, a few
days before vacation, the priest went to the school with Communion
cards, on which were printed:
" I hereby promise, on my word of honor, that I shall go to Holy Com-
munion at least once a rnonth during vacation." After the boys and
girls siçrned this card, they were told to keep it until school re-opened,
when, if the had kept their promise, they were to return the card to the
priest ; if not, they were to retain it as a reminder of their broken prom-
ise. The plan worked out most successfuUy. Did you ever notice how
few cliildron continue after their school-days to make their monthly
Communion, and how few adults make anything like an adéquate
thanksgiving after receiving the Holy Eucharist? I honestly believe
tliat it is greatly due to the fact that they were herded together and
driven ofT to confession and Communion, with a priest or sister to read
the thanksgiving prayers for them. Much better résulta would hâve
been produced by talking, in season and out of season, about the im-
portance of a bov's doing thèse three acts for the sake of God, and on
his own initiative.
I believe that if the same energy and persévérance were adopted, re-
sults equally good could be obtained in the matter of daily Mass. But,
as I said before, results will not be obtained by an occasional talk on,
the matter. The priest must inculcate it at every opportunity; but he
must be full of resources, so as not to tire the children. Concrète ques-
tions with regard to the Mass itself will play an important part, because
they arouse interest. I honestly believe that 50 per cent, of our people
do not know exactly when the Consécration takes place. If you doubt
thLs, choose two men of average intelligence, and put them on as col-
lectors : you will find that in most cases they pay no attention to the Con-
sécration bel], but continue their collecting. The children, then, hâve
to be pliedwith ail kinds of concrète questions: What kind of vestments
did the priest wear, and why? What prayer was he saying when he
bent ovcr at the foot of the altar? Why do the people stand up at the
(iosfu'i ? How do you tell when the priest is changing the bread and
winc? Wliat should you do? What do you call the changing? For
what does the bell ring the last time? What should you then do? It
is really surprising how their interest is arousod by such questions.
Tn a few pascs, where there were two priests attached to a church, I
hâve known excellent results to bave been obtained in the way of inter-
eatinp the children, by having them supplied with a simple uniform
prayer-book. Thèse books were distributed at the beginning of the Mass
— 957 —
and collected at the end. Wliile one priest offered the Sacrifice, the
other stood among the children, and as the Mass went on, he quietly
told them at what part the célébrant was, and what he was reading. I
know the Church forbids a priest to explain the Mass from the pulpit
while another célébrâtes, but I scarcely think that this would cover the
case of the pastor telling the little children where and what to read in
their prayer-books as the Mass proceeds. Then, afterwards, at school,
when teaching catechism, a few ^questions like the following should never
be neglected : What prayers did you say this morning ? Is that the best
morning prayer? Why is it the best? Who should go? How many
were there this morning? How many used a prayer-book? How
many the beads? How many knew when the Consécration took place?
At the Consécration, what did you do? How many just bowed their
heads without praying? How many eould tell when the priest wag
going to Communion ? "What did you do when he was receiving ? Con-
crète questions of this kind are of the utmost importance; the child's
interest is aroused; he begins to unedrstand and to realize what would
be to him something dry and meaningless. But, again, I repeat that
such questions should be asked more than once a year. The priest, or
the teacher, must be a skilful, untiring specialist; he must get the chil-
dren to Mass, using as little compulsion and émulation as possible. I
believe he can succeed along the lines indicated, and I am convinced,
moreover, that when he does succeed along such lines, he has not only
taught the child, but also the man, to take advantage of the Great Daily
Sacrifice.
THE EUCHARISTIC PROPAGANDA.
BY
REV. FRANCIS T. McCARTHY, S. J.
NO sooner liad our présent most fatherly Holy Father mounted the
throne of the Fisherman, than, divinely inspired, he set himself, with
sustained energy, " instaurare omnia in Christo." Looking over the acts
of his reign, one cannot fail to note how many of them, directly or in-
directly, hâve référence to the Eucharistie Sacrifice and Sacrament and
connected priesthood. His régulation of Ecclesiastical Seminaries: the
course of studies to be followed therein; the length of time to be spent
in them ; the care to be had as to the learning, piety, soundness of doc-
trine of the Prof essors; the exclusion of the unfit form the ranks of the
Clergy, regular and secular; ail intended to provide that only the inno-
cent of hands and tho clean of heart go up to the mountain of God, to
offer the Eucharistie Sacrifice, and distribute the Eucharistie Sacrament.
Seeing how soûls are weak, languishing, starAàng for lack of spiritual
— 958 —
nourislinient, lie bids them eat often, daily, of the Eucharistie Banquet,
in whieli Christ, the loving Pélican, feeds His children, lives in them,
makes them live in and hy Him, thus enabling them to overcome the
triple alliance of the world, the flesh and the devil, and giving to them.
a pledge of glorious happy unending life. Our Holy Father makes it
clear that fréquent Communion is not merely a reward for being good,
but the most efficacious means of becoming ever better. He removes
ail obstacles that stand in the way of its use. He teaches that the only
essential dispositions therefor are: 1° freodom from mortal sin, and,
2° the earnest désire to please God — to be more closely united to Him,
and in Him to find the remedy for ail weaknesses and defects. He
warns Confessors, the only compétent judges in the premises, not to keep
from even daily Communion those possessed of the above-named dispos-
itions. To them confined by illness for a month, and without prospect
of soon being able to visit the Church, he allows, before Communion,
some liquid food. He urges to fréquent daily Communion, not only
children who, at the âge of twelve or fourteen, hâve, for the first time
received that Sacrament, but, reviving the législation of the Fourth
Lateran and the Tridentine Councils, also ail who hâve reached the âge
of reason (ordinarily about seven), and, indeed, teaches that even for
those of such tender years, there exists the ohligation of yearly confes-
sion and Paschal Communion. As they are capable of mortal sin, their
spiritual life is to be nourished and strengthened against temptation
ère the passions awake, and when there is so httle to impede the hollow-
ing work of the Holy Ghost. The decree dated August, 1910, recalls the
primitive usage of communicating babes and sucklings under the species
of wine. In conséquence of its législation, how many organizations
hâve sprung into being, or more energetic activity !
A\liat an impulse has been given to Eucharistie Leagues for Priests
and People; to Eucharistie Congresses, such as that one now in session
— the twenty-first — whieh bids fair to outsliine ail its brilliant prede-
cessors !
May I be allowed hère to speak of another organization, a génération
old, but named and approved only within the past décade, viz. the
huchanstic Propaganda " ? Its name proclaims its aim. Its birth-
place was the hearts of a few whose master-passion is love for the Sac-
ramented Jésus, to vyhose feet they strive to bring ail whom they can
influence; inducing them to fréquent, or daily Communion, Sacramental
when po.-siblo, and spiritual when tbo aciual Sacramental is morally im-
possible Its mcthnds are the establishment of centres, whence are dis-
tnbuted, 1 Blossed Sacrament beads and materials for making the
same; 2- Em-hanst.r- literature and picture« - books for such aJ will
rend them, booklets for those who will not read books ; pictures and
pnn H to instruct touoh and persuade those disinclined to pious reading.
Of thèse the follow.ng distributions hâve been made: 4,000 copies
rrhH.fly o pru-Ht,, rel.g,ous and the devout amongst the educated laity)
15,000 copies of the " Euclian.stic Triduum " bv Père Lintpin «^ T
K„Kli.h.l hy Falh,.r Zalucta, „f ,ho sa^e Society'; wtehattding'o
— 909 —
Vincenzo Cardinal Vanniitelli, in oiir Iloly Father's name, presiding
this Congress, " most faithfully refiects the mind and wishes of the
Author of the Sacra Tridentina Synodus. It hfis also distributed gratis
.s:)<S,UU() leaflets and pictures ; 310,000 Blessed Sacrament beads or
material for the same; thousands of copies of the Fourth Book of the
Imitation; 736 Adoration boxes, bearing the legend " Could'st thou not
watch one hour with me,"' haviug been placed in churches, chapels,
schools, so that adults and children whose piety is not equal to keeping
the Holy fîour, may be brought to spend half, or quarter that time, or
even five minutes in adoration, and thus tasting and seeing how sweetly
the time passes in company with the Prisoner of Love, they may be
induced for longer and more fruitful periods to relieve this loneliness
in the Tabernacle, barder to bear, perhaps, than was that of Gethsemani.
Into thèse boxes, the visit ended, is dropped a card, on which is marked
the time spent in it; and, monthly, the total time of thèse visits is sent
to the centre of the Eucharistie Propoganda. The largest monthly total
so far is 307,721 hours, few of which would hâve been thus spent, were
it not for this encouragement given. The rcsults show that just as
little by little piety decays, so little by little its growth is fostered.
The Eucharistie Propaganda has spent thousands of dollars in fur-
nishing poor churches, chiefiy with Chalices, C'iboriums, Monstrances,
Communion-patens, vestments, large and small altar linens; in re-plat-
ing sacred vessels, lining tabernacles, etc. It has established Perpétuai
Adoration in Yermont, Virginia, Michigan, South Carolina, Florida,
together with schools and chapels ; and, in the hcart of Asia, at Manilla,
has erected a throne for the Eucharistie God, before which, night and
day, virginal hearts keep watch and ward, and " with uplifted hands and
voices " strive to atone for the neglect, by so many, of due adoration.
Some of the elders in this assembly may remember such a shrine in an
ancient city of the Old World, which was sacrilegiously levelled with the
ground by a C'atholic ( ?) king, in order to hâve ampler space for the
réception of a Protestant King, and thus the home and throne of the
Eucliaristic King disappeared; and the hoinage thero paid ilim was
made to cease. This impious dùspossession was especially poignant to
them, who, in years long gone, were wont to listen with rapt attention
to the devout chant of the cloistered adorers, and almost fancied Ihat
the voice of prayer and adoration came not from the loggia above, but
from Ileaven itself. The nuns driven thence, sought elsewhere a home
for their God, wherein ceaselessly and in the siiirit of atonement to adore
Him. They found it; and please God will hold it forever — thanks to
its being taken over by the Eucharistie Propaganda.
It may be asked: Is this an approved good work? In answer, Jet it
be said tliat it has the approbation of His Eminence James Cardinal
Gibbons; of His Excellency Mgr Diomede Falconio, Apostolic Delegate
to the United States; of Ilis Excellency Mgr Donato Shai-ctli. Aj)nstolic
Delegate to Canada ; of their Grâces of Montréal, Québec, New York,
Cincinnati; of Bishops Colton, of BufTalo; I^faas, of Covington, and of
other?. Last and best, by letter of Cardinal Merrv del ^'al. bearing
date of Mav -Ith, of this year, wa^ received the foUowing: '' Ilis Iloliness
— 960 —
cordially be^tows His Apostolic Blessing on ail ttie Members of the
Eucharistie Propaganda, vvith the hope that it may be to ail a source of
great consolation."'
Wherefore, tlie Eucharistie Propaganda joyfully joins in the chorus
o£ praise that will resound from pôle to pôle: " Laudetur in aeternum
Sanciissimuin Sacranientum ■" ! Let this be not only our voice of
praiso, but our battle-cry, even as " God wills it " was that of the Cru-
sa<lor. Those who opposèd Jésus when in the flesh, relentlessly persecut-
ed and liounded llim to death, still live in the inheritors of their anti-
Christian spirit. They war on His Mystic Body, the Churoh, and on
His Eucharistie Body, too, as many sacriligous outrages bear witness.
The modem PhariscHi and his Masonic sects band together to conspire
against Him and attack, now openly, now covertly ; but their union does
not resuit in unity, sinœ hâte, which animâtes them, disrupts and dis-
integrates. To their dividing hâte we oppose unifying love — received
ihrough the fréquent eating of the Divine Banquet, called by St. Aug-
ustin, " Signum unitatis, Sacramentum pietatis, vinculum caritatis."
That we shall conquer, \ve hâve the Divine assurance : " I hâve con-
quered the world, and I shall give to you to conquer it," and it will be
by unity through charity. Thus pérorâtes Lacordaire, the honor of the
Dominican Order and the glory of the Christian pulpit:"In an oasis in
an Arabian désert a lamb grazed. A lion, impelled by hunger, came up
out of the désert. He saw the defenceless animal, and was about to
àpring upon and devour it; when lo ! another lion impelled by a like
hunger appears. The lions glare at one another, measure one another,
rend one another, whilst the lamb continues to graze in safety. The
Uons are the world, the lamb is the Church. The world is divided, the
Ihurch is One."
PARTICIPATION OF THE FAITHFUL IN
LITURGICAL SINGING.
BY
DUDLY BAXTER, B. A.
JNFORTUNA'J'ELY, at the previous Eucharistie Congress little
attention seems to hâve been paid to the very important question of con-
gregational singing at Mass; yet, there ean be slight doubt that its sol-
ution in a practical affirmative would produce results of inestimable
raluc to the inmost eoul of Eucharistie dévotion.
Moreover, this great reform is now advocated by the Sovereign Pon-
tifF himself, and bas already beon started in several places, with effects
that augur well for the future. TJnhappily, except in faithful Brittany,
or througlioiit the romantic lîhineland, it still seems quite the excep-
— 961 —
tion for an average congrégation ever to utter a word at Holy Mass —
that jewel which is the centre of ail our Jcvotional treasurv, but whieli
is now, on the part of us laity, usually a silent worsliip, dcvoid of its
proper joyful expressions.
This is surely a very grievous abuse, much aggravated since that dis-
astrous sixteenth century, which has produced lamentable conséquences;
indeed, this repression of a natural instinct, with its attendant oppor-
tunities for various distractions, may partly account for the widespread
neglect of Sunday Mass, especially by men in the romance countries, such
as France or Italy. The practical substitution of prayer for praise is
more suitable for women, and unless the music be verv^ ornate, only
attracts those devout by nature; many in reality enjoy Bénédiction more
than Mass, because they can sing sometimes. The Holy-day of obligation
often becomes a perfunctory méditation, and is fulfilled by a low mass;
occasionally in large towns, the modem innovation so cruel to our pa-
tient priests, of a midday obligation.
In fact, the principle offering of the Eucharistie Sacrifice on Sundays
or Holy-days has largely developed into a " choral performance,"' a sac-
red concert, at which the people are only listeners or speetators. while
an oligarchical choir monopolizes everything. Moreover, although the
rubric orders Mass to be said so that those around can hear ail, except
the " secret " portion (which should be pronounnced so that the célé-
brant alone can hear it), it is nowadays often almost inaudible ; and we
may be said to see Low Mass; or silently hear Missa Solemnis! Happily,
the days of a very " mixed "' organ-gallery, with its fréquent indecorum
and semi-operatic solos, or the inclusion of hired Protestant vocalists,
hâve nearly ended: but, after the choir? hâve been thorougldy reformed,
will come the people"s part, as already heralded by Eome itself.
\Vlien Pope Plus X., just before the thirteenth centenary of his mus-
ical predecessor, St. Gregory the Great, and upon the appropriate feast
of St. Cecilia, in the very first year of his Pontificate (1903), published
that immortal Motu Proprio on sacred music, we could not fail to dis-
cern its inspiration from on high.
In his prefatory letter to the Cardinal-A'ioar of Kome, Ilis Holiness
specially enjoined a reform in the Italian abuse of " Concert " Vespers,
whereby meritricious prolonged rendering of the psalnis had rcplaced
"the pious chanting of the clerg}', in which the faithi'ul too could take
part.'"' This passage alone plainly shows that Our Holy Father wishes
the laity to join in singing the ])lain-chant as of old at Vespci-s ; the
same remark would, of course, apply to Compline, which is more suitable
for an evening service, and more easily learned by any congrégation, as
it changes little throughout the year. On the Furopcan Continent, Ves-
pers are sung in the afternoon : but, excepting the choir and sometimes
the school children, comparatively few either attend or take any verbal
part at présent. The people should also sing tlie hymns. tlie Magnificat
or N'unc Dimittis, etc., in pari.<h clnirches.
The Motu Proprio itself contains the followinsr momontons passatro.
the importance of which cannot bo cxaggerated : ""'especially should this
chant be restorod to the use ol' the peopk-, so that they mav take a more
31
— 962 —
active nart in the services, as they did in former times."' Nothing could
be more emphatic or more encouragincr tlian thèse pregnant words of
the Pope himself : for, when the pLiin-song has been widely restored, we
may anticipate a more further reformation as regards its proper parti-
cipants.
Moreover, His Holiness concluded by providing the due means for thie
désirable consummation, as regards parish churches , by the following
admirable directions. " Care must be taken to restore, at least in con-
nection with the more important churches, the ancient school-choirs,
which hâve already been introduced again with very good results in
many places. Indeed, it would not be difficult for zealous priests to
establish such school-choirs, even in small parishes, and in the country,
and they would form an easy means of gathering together both children
and grown-up people, to their own profit, and édification of ail the par-
ish.'"' The decree also advocates a restoration of classical nuisic or poly-
phony in our principal churches, during the Liturgy, as so admirably
rendered at Westminster Cathedra.
Now, hère, we hâve a gênerai scheme enjoined bv our Sovereign Pon-
tifF, as his instruction " Moiu Proprio et ex certa scie^itia," and his
désire " uith ail the authority of Our Apostolic Office that it hâve the
force of law as a canonical code concerning sacred music, and we impose
upon ail by Our own signature the duty of most exact obédience to it."
Painful to relate, the decree's injunctions are nevertheless still often
disobeyed and its advice iguored; unapproved musie, omission of the
proper, mixed choirs, and- such are not yet entirely banished, Indeed,
our benevolent Pontiff has since been persuaded bv American Catholics
to tolerate tlie admission of women in small choirs, provided that they
be separatod from the maie singers; yet even this stipulation is not al-
ways obeyed, and moreover is strained to include quite large churches.
Catholic newspapers are sometimes filled with acrimonious diseussions
about the composition of choirs, frec|uently seeking to élude obédience to
tiie Papal mandate and episcopal injunctions; seldom is any mention
raade of the true solution of this difficulty concerning female voices, and
that is, congregational singing at Mass. Insufficient practical atten-
tion has so far been paid to the Pope's unsurpassable suggestion about
parochial choir-srhoolsj perhaps it would be wcU if an universal Assoc-
iation were founded for this crucial object, as co-operation is evidently
advisable. In England, the excellent society of St. Cecilia has, for years
past, worked thus in the Catholic missions of Birmingham diocèse, hold-
ing periodical practices before or after the evening service with each
congrégation.
However, there has been a world-wide reform of liturgical music, and
the rcsult will r-ome in time — festina lente!, Already, in some coun-
trios, congregational singing is being introduced upon an organizcd
scale, and everywhere its extension to the Mass itself is sur le tapis. In
Bf-lginni, the Cardinal Primate is an ardent supporter of this reform;
vhile in Italy tho new society of St. Cecilia is working important pro-
gress under the influential aegis of Cardinal Pampolla.
When Hi.s Rmincnce consented to be its " Protector in Curia," he re-
— 963 —
affirmed the Pope's express désire for a universal restoration of cougre-
gational singing, and also enjoined a careful study of the best means for
promoting an active participation of the faithful by their chanting the
liturgical responses at Mass, the psalnis at A^espers, etc.
Moreover, quite recently, after this central meeting, members of tliis
Socety were received in audience by Pope Pins X. who thanked them
for the consolation they had given him by their propagation of his
2Iotu Proprio. His Holiness alluded with confidence to the hopeful
certainty that " obédience will be rendered to the exhortations, councils,
and prayers of the Pope " concerning révèrent music, especially the
Church's traditîonal chant.
Above ail, our Holy Father described to them how in the province of
Venetia the people themselves take part in the singing of Yespers and
of " the fixed parts of the Mass ;" His Holiness nrired those présent to
do ail they could to promote thie " excellent praetice " in the churches
of Eome, once again the highest commendation of this papers object.
Now, it is to our Bishops and priests that any practical initiative in
this niatter properly belongs, as well as the prime responsibility for
obédience for the Papal decree. Xaturally, as they are otherwise occu-
pied at the altar, clerics do not often realize how ail this aft'ects the laity,
nor do they appear to perceive the great opportunities for stimulating
dévotion in this désirable reform.
In the first place, it would be a great help if congrégations were re-
quested to adopt the proper attitude at ail sung Masses; printed explaii-
atory leaflets could be obtained for distribution in church. When the
surpliced choir and the clergy enter, everybody should stand instead of
kneel, as is at présent customary; they should also stand while the célé-
brant recites the Introït, J\i/rie, Gloria in E.rcclsi<i. the Coilectf! (oxcopt
in Advent or Lent), Gospel, Creed, Offertory, at their Incensation, dur-
ing the Responses, and throughout the Préface, the Postcommunion
prayers, and return procession to the sacristy.
In fact, the laity should adopt much the saine postures as a chancel
choir, and altliough this is usually done at Yespers, for some occult
reason it is not the rule at Mass; moreover, we generally sit down when
feeblv singing hynms, and while on the Continent people often rcniaiii
seated even during the Creed and until the pre-Consecration bell. For-
tunately, our new Metropolical Cathedra! of Westminster lias from the
first set an admirable example in this respect; it is of real importance,
as the Congrégation are thus led to follow the Mass in a liturgical
spirit, and 't will pave the way for their further development into using
voices too.
Secondlv, a commencement towards the latter flesiderntnm might be
madc bv training the faithful to sing the Xicene Creed to the old Greg-
orian chant. It is said that the Pope himself was greatly impressed by
the French Pilgrims' rendering of it en masse in St. Peter'?, at tlie
béatification of their wondrons Afaid. The people shonld be also rc-
fiuested to join in rendering the Amens and the varions responses. which
wonld auginent their zeal : how grand to hear the Snrsiim Corda an-
swered bv the whole congrégation standing, instead of their sitting down
apparently in mute oblivion. evcii dnring the angelic Pn'ta<(' of praisc.
— 964 —
Thus, by degrees, the laity luight eventuallv be trained to sing the
entire '' Corninon " of the Mass, the Kyrie, Gloria in excelsis, Credo,
Sanctus, and Agnus Dei; moauwhile, the choir alone would still chant
or monotone its variable " Proper,"' viz. the Introit, Tract and Graduai,
Offertory and Communion, as well as some approved motet. No doubt,
at tirst, it would often be difficult to make people sino- and some lay-
folks even seem to imagine that it is wrong for them to use their voices
at Ma^s ; as Pius X. states, '* liturgical singing belongs properly to a
choir ol" clerics,"' but, of course, this is an impossibility nowadays, except
in cathedral, oollegiate, or eonventual churches.
If the children were taught to chant the "Common" iu church, led
by the choir, by degrees raany adults would begin to sing too; in fact,
there need not then by any choir at ail in small churches. Moreover,
when thèse children themselves grow up, they would be able to continue
the cuîïtom, and thus ail difliculty would hâve vanished. Once again,
it is an enlarged choral-school that must be started, with iveekly par-
ocliial practices; already, in Belgium, the children are beginning to be
thus happily employed at Mass.
Some niay object that music would become monotonous ; but there are
several plain-chant, or approved " Masses," and let them only hear
(once) an entire congrégation thus sing to Grod; their objections would
soon be exchanged for enthusiastic admiration. This, indeed, is true
wor>;hip fully developed, and its efîect is soul-stirring, with an innate
inspiring power of increasing popular dévotion. JSTot long ago a cele-
lirated Englisl) couvert described sueh a Mass sung, probably by Bre-
tons, outside the grotto at Lourdes, during the national pilgrimage, in
ternis of glowing admiration. The writer could never forset the ]'eni
Creator, or the Te Deum, led by Pope Léo XIII. in St. Peter's itself,
and chanted by the assembled thousands at a canonization, with Pent-
ecostal effet : or an Eastern morn at Notre-Dame, when the late Cardinal
Arfhbisliop of Paris passed ro'.md in procession before the High Mass,
witli choir and congrégation alternately singing the stately " 0 Filii et
filiae," accompanied by the great organ, and the jov-l)el]s gaily pealing.
Throughout most Catholic parts of Germany, the singing of hymns
during a Low Mass is almost uni versai, and this brings us to another
alternative for parish cliun;hes. 'Jlie Moîu Pronrio expressly forbids
any usage of the vernacukr at High Mass, or any translated version of
the liturgy at a Missa Solemnis; therefore in order to obviate the Latin
hindranco. this *' IVoplo's Mass" might well 1)o introducod more widely
in r)thfr Jamls.
The chorals or hymns should be clioson appropriately, and perhaps
nothing conid be more suitablc for small Missions, especially in a Prot-
estant eountry. non-Catholics cannot understand our silent worship on
Snnday mornings, nor dors it attract them much, while couverts often
lament their inability to sing at Mass. The fervour of Catholic Ger-
many, as compared witli the appalling state of Franco, is stron$r évidence
jn favour of this " Poople's Mass:'" it is now bcing organized through-
out tlie dif)ce.^es of Stra«biirg and Metz, while another German custom
of Bometimea .«inging chorals during Missa Cantata is being exchanged
— 965 —
for the Latin. In Germany, too, on week-days, the cliildren sing hymns,
accompanied by the organ, at their " School-Mass." This must make
the little ones much enjoy their morning dévotion, and might also be
further adapted in other countries. The writer recalls with émotion
one Easter day at Cologne Cathedra!, when that most beautiful ot' Gothic
fanes was erowded, mainly by men, and filled with their deep vigorous
melody, the Allehiias of their Paschal horals producing, indeed, sublime
effect.
Yet another aspect of this question is afforded by oiir présent lad- of
praise. The complète Divine Office lias become a clérical monopoly;
Vespers or Compline are too often but a choral pdeformance; even our
private dévotions are now mainly adoration, or intercession. At Holy
Mass itself, designated in the very Canon " Sacrificium Laudis '" HOW
FEW PEAISE GOD! this is not natural, it is not really Catholic, but
an abuse dating from debased daj's, when faith was décadent.
Just as false scruples had arisen broadcast concerning fréquent Com-
munion, so has an erroneous custom dc^privcd us, laity, from taking our
due part at the Festal Sacrificial Oblation. This suppression of the nat-
ural séquence to real faith mav account for much apathy in catliolic
lands, as well as for our comparatively slow advance among the Anglo-
Saxon race. We must hope that practical injunctions will soon be issued
in many more diocèses, and it is for our spiritual rules to décide which
method be adopted, a congregational Missa Caniata, or a People's Mass.
Then, Eucharistie dévotion Avill again becomo a more rational joy. a
less méditative homage; then, stimulated by greater personal zeal, we
shall hâve the tme music of worship, instead of the prévalent worship
of music. A mighty force lies dormant hère, only awaiting utilization,
the key that may unlock our Petrine threshold, for thousands groping
Romewards — fiât!
From the î^ew Testament, we know that Christ Himself sung hymns
with His disciples. In Apostolic days, the Holy Mysteries were celeb-
rated amid " psalm and hyms. and spiritual canticles,'' while the faith-
ful sang and made melody in their hearts to tlie Lord. During the âges
of Faith, ail joined in this plain-song now being restored by Eome for
this very purpose ; moreover, it requires a volume of sound, or else be-
comes too suggestive of a Requiem!
Until doubt or division played their respective liavoc, ail Catholics, to
wliom God had given voices, knew the joy of singing to Him, instead of
only listening to a choral exhibition. A lively faith, an excellent hope,
wants to rejoice always ; a grateful " charity " longs to chant its lovc^ for
h bon Dieu, Who is Love. Sursum Corda! fov it is a foretaste of Heav-
en itself; gratias agomus! and we shall sing its hallowed response: thus
would the Catholic laity take their legitimate place, as of old, in the
sacred song of Holy Mother Church in every land.
The angust PontifT, (who may be entilled " Tlic Pope of tbe Holy
Eucharist,"' after his immortal decrees on Daily Communion.^ lias, in-
deed, by his Motu Provrio inaugurated a reform that is probably de-
stined to be this twentieth ccntury's great gift to the Catholic world.
Reip^igorated and refreshed thereby. our vénérable Sancta Mater Ec-
— 9GG —
clesia will regain niudi slie lias lost iu the Old World, and make further
aiiiazing conquest in the New. Once again, shall Catholics more fully
realize the true expressive joy of liturgical worship, of which they alone
know the Eucliaristic inner shrine, — " Go, ye, into His gâtes with,
praise, and into llis courts with hjinns, and give Glory to Him; praise
ve His Name, for the Lord is sweet." Alléluia !
PRIESTS MEETINGS.
Thursday, September 8th, the Legate attended the first meeting of
priests at the Sacred Heart Couvent and delivered au éloquent address
in Latin as follows :
'■ The pleasure we hâve derived from the Montréal Congress has been
adtled to by the large numbers in which you liave gathered, and has
induced us to address you at this gênerai meeting iu this place that has
been assigned to you.
We hâve been delighted with your emulous piety, which has been con-
spicuous in your faces ; we hâve been refreshed by your remarkable dévo-
tion to tlie AiK)stolic See, which has led you to welcome us so courteouly.
Xor is youi' courtesy less pleasing to us because you were looking, not
to our individual person, but to him whom we represent at this Congress.
For what could be more ])leasing to us than évidence of readiness to obey
the Pontitr, especially as it tends to the honor of God, our Préserver.
What could we wish more fervently than to be able to carry back to the
Vicar of Christ assurance of the affection you bear him, of the enthus-
iasin wliich you havo manifested in this JEucharistic Congress, of the
fruits you hâve deri\ed from it, and of the bright hopes for the future
whioli your zeal has aroused.
Had wo not been thoroughly acquainted with your piety, we should
probal)ly hâve shown at sonie length that priests can maintain the Chris-
tian standard of humanity through the cuit of the Eucharistie by noth-
ing more effectively than by having inscribed in their mind the great-
ncss and sanclify of their office. Nevertheless, because even religions
Jiearts cannot but be defiled by earthly dust, let us record it in our minds
on this occasion that of ail the gifts of which we are sharers and assistera
the most august is that by which we make and distribute the mystery
of the P>ody and l'.lood of Christ. And so, to use the words of Gregory
the Great: — " Let us weigli our undertaking, let us weigh the burdeâ
we hâve aasumed." The i?sue is the life of the world, for which the
Flesh of Christ was given, to be handled by our hands; the issue is the
•■ ' ■>'» «'J'ich is, as it were, the life of the Church to which the fulness
'.f the saceivlotal grâce by varions grades of orders is directed, the
— 967 —
issue is the true and wonderfu], though bloodless, institution of the sacri-
fice once offered b}- Clirist, of \vhich the infinité virtue, expiatory or im-
pctrative. He has wished to be permanent in the Holy Eucharist. With
what faith, therefore, and révérence we should approach Him whose
Person we wear in the célébration of the Holy Hystéries, that we may
look forward to our salvation; how carefully and gravely should we per-
form those sacred rites, lest perchance we be a stumbling block, rather
than a help, to the piety of our flock.
If the life of Je«us bo manifested in us, drawn from that fire which
Jesu5 came to send to earth, that is, from the Eucharist, by which, as
John Chrysostom says. the mouth is freshened by spiritual fire, then
strength will l)e so supplied to carry forward the dévotion to the Blessed
Sacrament in the manner so strongly recommended by the Suprême
Ruler of the Church, Pius X.
That manner is twofold, and both especially connected with priestly
action : the one depending on Eucharistie preaching, and the other on fré-
quent participation in the heavenly banquet. You are, of course, aware,
vénérable priests, that the great battle fought from the bogiiming in
heaven in conséquence of the envy of the rebellions angels against man
whose nature the Word was to assume, was renewed long ago ; nor will it
ever cease while Ile Himself will remain on the earth, hidden in the
mystic bread. Against this sign "the hosts of hell bent their bow to
wound secretly with arrows the Immaculate." Thence sprang that an-
cient stain of polytheism, that is the kingdom of Satan ; and for Christ
warring this down the Cross was made heavy. Then the madness of the
nations was poured forth in bloodshed, and the bosom of the Church
was rent by monstruous errors, and thero were horrible révolutions,
and insatiable hatred against the name of Christ, and unspeakable sacri-
lèges were stirred up in murky meeting places against the most Holy
Host. "WTio of us in the midst of this power of darkness would not
bring some light, mindful of the words of our Lord: '•' Ye are the light
of the world." Therefore by peu and action, and in your meetings, let
it be your spécial purpose to explore thoroughly the designs of the im-
pious, and to awake faith and piety to the glors- by vindicating and bring-
ing forward the cuit of the Eucharist, and by persuading men that the
hisfliest intcrests both of religion and humanitv dépend on this centre
of life.
N'ow, Christ will reign among us if there be increased the number of
those who. froed from gross sin and witb a right purpose of will, partake
of Him, by frequency of communion. Wherefore, as each and everv
man is poor in counsel, weak in strength, exposed to périls, liable to fail-
ings, let there be exhortation to seek refuge in Him Who is the perennial
fount of light, fortitude, constaney and holiness. It must never be
heard among you that thèse very fertile veins of salvntion are intercepled
for the faithful by your carelessness, and more especially not for thoso
little children reaching the âge of discrétion who, amid the insidious
temptations of that pcriod, lack that mystic aid to an innocent life. T.ct
your charity be extende:! to the tears of ])enitents and cure their wounds;
let air not be lacking, lest you be fit subjects for the roproach of Jere-
— 96S —
miah. as lie gazed at the opcn scars of tlie daughters of Zion : " Is there
no baliu in Gilead, and is there no pliysician ? " In short, let ail your
earnestness be devoted to this aim, that, both for yoimg and mature,
there be revival fréquent resort to the Eucharist, and, as it were, a new
arniy be formed, the stronger for fighting the battles of the Lord for
being eonjoined to Him.
Be it sufficient to hâve touched at this subject, lest perchance my add-
ress grow tedious to those wlio know. Now, to one who will soon be
sayiug farewell, you must graut the indulgence, vénérable priests, of
deelaring what the Church expects from your ardent studies. Worthily
sustaining the honor of the priesthood received from Him who said :
" My tiesli is for the life of the world,"' by your example, conversation,
and actions you must bring it about that the life of Jésus be manifested
among ail, and the words of the Master Himself be approved : " He that
eateth Me liveth becanse of Me." It will be l)y your endeavors that will
corne the brightest évidence of the benetits derived from the Eucharistie
Congress in Montréal. Carrying about with you the fervor inspired by
the congress, you Avill renew the face of the earth. Fostering and ^Ulett-
ing tbc enthusiasm of the people for this admirable pledge of love, you
will merit the praise of Ijeing called the apostles of the Eucharist.
Through you tliese prospérons régions of America, flourishing to the
great hope of the Church, will be a testimony to the remainder of the
nations that the nation is safe that honors God, a nation whicli citizens
and strangers will admire, saying : " How beautiful are thy tabernacles,
0 Jacob, and thy tents, 0 Israël." The Lord hath done it, and may
He prosper you in your holy purpose, make you more eager day by day,
and let His fullest blessings follow vou."'
THE HOLY HOUR.
MANNER OF MAKING IT ATTRACTIVE.
REVEREND JAMES COYLE.
TO keep alive an ever active interest in the dévotion of the Holy Hour
is a probleni to every priest charged with the care of soûls. In'practi-
cally every instance, its establishment in a parish was greeted by throngs
of adorers, and men and wonien, from every walk of life, participated
in the exercises, with results that gladdened and consoled innumerable
prustlv hearts. In niany places crowds still watch the "One Hour"
with The Emmanuel; in others, the hymns of praise lack volume, the
pews are mainly untenanted, and the " Come to Me " of the Eucharistie
X J
o
1» y.
CD 4-
•'i 'i
— 969 —
Lord is unlieard and unheeded. Tliis, I dare assert, lias l)een the expér-
ience of not a few amongst us.
Why the falling ofï, and is the défection wholly due to apathy on the
part of our parishioners ? Personally, I believe the minimized attend-
ance may be directly traced to the sameness, lack of variety, in the exer-
cises of the Holy Hour itself .
Father Lercari, S. J., in his " Mensis Eueharisticus " well says : " Tôt
praeparationes, aspirationes et gratiarum actiones damiis quot singulis
cujusvis mensis diebus siofficiant, ut varietas ipsa devotionem semper
instauret."
The self-made, unvarying formula of dévotions, year in and year out,
must eventually grow wearisonie, and finally cease to convey anything
stimulatiug to uiind or heart ; hence the lack of interest, the lessened
attendance, and the conséquent discouragement of those to whom God's
honor is dearer than life. With our glorious liturgy, the limitless treas-
ures at our disposai, the Holy Hour could, I feel sanguine, be made
a function to which our peopic would look forward with an intense
affection. What has been donc, is now being done, and can be repeated,
if \ve but put our hearts into the work, and learn from the expérience of
others.
I was faniiliarly acquainted, some years ago, with a dear old priest,
now in Heaven J trust — a nian who had gi'own clear-visioned, through
countless hours passod beforc tho Blessed Sacrament, and, judged by
results, he certainly knew how to niake the Holy Hour attractive. He
had no empty pews, no listless adorers, and the years but added to the
attendance, the enthusiasme. He preached the Holy Hour in his school,
to his sodalities and confraternities, as well as from his pulpit, and
enjoined the sisters in charge of the little ones. to keep the day and the
hour of the dévotion ever printed on the blackboards in the class-rooms.
The Holy Hour was, to use his own expression, the gênerai muster of
the parish, and the impossible only could fully excuse absentées. Jésus,
the King of king;;. he announceci, would give public audience at such
a time. and ail, who owed Him love and fealty, would assuredly be
présent. He was infinitely rich, infinitely condoscending, and disbursed
His gift< Avith prodigal bounty. Xo one would be ignored, no one ex-
cluded, and no pétition unheard. '' Come to me ail you that labor and
are heavily burdened, and I will refresh you." — " Ask and you shall
receive " ran the King's proclamation. While each, he continued, might
ask for particular gifts, spécial grâces; ail, priests and people together,
would plead with the gracions God. during the coming Holy Hour, for
the ''sick and infirm " in the parish, for those "in affliction," for "the
intemperato," for " work and means," for any one of the many inten-
tions so familiar to members of the Apostleship of Frayer. Thèse spécial
intentions never failed to attract the many whose heart-crios the good
old man was voicing, whose longings he was making his own.
" Don't forget 7.30, Friclay evening," he would whisper to the con-
ductor on the car.", the patrolman on the street corner, the merchant at
his desk, and those, thus addresserl, smiled and remembored.
— 9:û —
In tho aiulionce cliaiuber, at tlie liouv appointée!, every sodality, con-
fraternity, and society of the parisli was in its assigned place, under its
port'ect or président, and in l'ullest nuniber. Tlie altar, even in mid-
winter, was radiant witli flowers; wliile colored lights and candies in-
niunerable paid silent tribute to the Divine Guest. Froni the pulpit
the aged pastor recited the opening prayer — an act of faitli and ador-
ation," and of pétition for helps and grâces so needed by him and his.
After a few moments of silent prayer, tlie strains of a litnrgical hymn
were taken up by the sanctnary choir, the sodalities, the congrégation,
till the entire édifice was flooded with melody. Silent commune fol-
lowed, then the kneeling figure in the pulpit read with évident feeling
a sélection f rom the sacred page. ISTow it was the story of the " Three
Days' Loss," now the " Parable of the Prodigal Son," " the banquet in
thehouse of the Leper," " the raising of Lazarus," " the Good Shepherd,"
" the widow of Naïm " — anv one of the marvels of our dear Lord's
earthlv career, A moment or two of recollection, and the voice of God's
aged servant was again heard. Sentences, aflame with sorrow, love,
adoration, and thanksgiving, fell, at brief intervais, from his lips. He
spoke not to the people, though the people heard and were thrilled. He
spoke tp the white-robed Christ, to Him who was " the same yesterday,
to-day, and forever,'' and pleaded for a répétition of the marvels of
those times when He had walked amongst men. Nor, I may safely say,
were his pleadings unansvvered. How many glorious ones, now bend-
ing before the throne of God, owe a blissful everlasting to the grâce, the
strength that was theirs for the asking during those never forgotten
Holy Hours ! How many Magdalenes and prodigals, tlirousfh the soul-
ful application of those parablos, resolved to arise from the grave of a
dead past, and be reconciled to Him who nourished the bruised reed,
fanned the smoking flax !
The second half of the Holy Hour differed but little from the first,
yet nothing savored, even remotely, of répétition. The hymn was, as
always, liturgical, and sung by the entire congrégation. " The manna,"
" the hearth cake of Elias," or a verse, from the sixth chapter of Saint
John, afforded the pastor a thème that enthralled and instructed. " We
starve, Dear Lord," he would exclaim, " we starve in the midst of
plenty, because we bave closed our ears to Thy blessed invitation!
Pardon, 0 Saviour and God, the criminal négligence of the ]iast, and
give us the grâce to receive Thee henceforth fvdquently and worthily in
the great Sacrament of Thy love ! "
With exercises, always varied, always appropriate, always redolent of
faitli and affection, the Holv Hour in that unpretentious Church was
looked forward to with eagerness and enthusiasm. Father X.'s was,
indeed, a Eucharistie pari.sh, where the sentinel lamp rarely kept love's
watch alone — where the toiling masses thronged the altar railing Sun-
day after Sunday, where, above ail, the summons to the public audiences
of the King was lieard and heeded, by practically the entire congré-
gation.
I liave spoken of the above method at sonie length, because of the
effeclB produce<l by thèse méditations ; but other subjects could be
— 971 —
chosen kindred to the Blessed Eucharist, such. as the " Sacred Hearts o£
Jésus and Mary," the " Man of Sorrovvs," the Mater Dolorosa," the
Angels, Eucharistie Saints, etc. The hyinns "«ère, niany of them, from
the translation of the Breviary, for instance, the " Fange Lingua,"
" Sacris Solemniis," " Verhum Supevnum," " Tihi Christe Splendor Pa-
iris," while the prayers, expressive of adoration, thanksgiving, pétition,
atonement, were mainly derived from the same source.
1. To conchide then, let me say that the first essential of a successful
Holy Hour is that the people be fully imbued with its meaning. Father
X. preached it in season and ont of season, and time but added to the
interest, the attendance. The announcement on the school blackboards
may appear trivial, but the old adage, '' Spes messis in semine/' is still
pregnant with meaning.
2. The assignment of soldalities and other Church organizations, as
guards of honor, to spécifie places in the sacred édifice, durine the aug-
ust funetion, guarantees an audience.
3. The décoration of the altar is a powerful factor, and one that can-
not be disregarded. Undue economy hère is anything but commendable,
and may led to having our sincerity questioned.
4. Variety and warmth in the exercises are essentials. The liturgical
prayers and hymns should be carefully selected, and well said and well
sung. Yividness and appropriateness should mark the subjects offered
for méditation. The abstruse appeals but to the few.
5. Were the priests, within a given radius, to announce and be pré-
sent at the Holy Hour in each other's churches, the attendance would,
I feel assured, be ail the heart eould désire. " Ubi sacerdotes, ibi populi."
In following, even remotely, the methods of Father X., I hâve î'ound
the Works of Coleridge, S.J., Faber, Xewman, Lasance, Gilbert, Millet,
and O'Eourke, S.J., exceedingly helpful.
TilE UPBUILDING OF A PARISH
BY FREQUENT COMMUNION.
BY
THE RIGHT REVEREND MONSIGNOR JOHN O'BRIEN.
" The Upbuilding of a Parish by Fréquent Communion '" is tlie sub-
ject given to me on wliich to write, upon this glorious occasion of the
Twenty-first Annual Eucharistie Congress, held, this year. in the City
of Montréal, " the Rome of America. ''
The best proof I can give that fréquent Communion helps to upbuild
a parish is the Decree of the Sacred Congrégation of the Coumil on
Eeceiving Daily the Most Holy Eucharist, a Decree which our Holy
Father, Pope Plus X, ratified and confirmcd, and ordered to be pub-
— 972 —
liëhed, Deconiber 20, 1905. This Decree deals so clearly with the teach-
ing of Jésus Clirist regarding the Holy Eucharist, tliat I append it to
my paper.
Thèse words of the Decree are especially to the point : —
"■ Since it is plain that by tlie fréquent or daily réception of the Holy
Eucharist union with Christ is fostered, the spiritual life more abund-
antlv su5tained, the soûl more richly endowed with virtues, and an even
surer pledge of everlasting happiness bestowed on the récipient, there-
fore parish priests, confessors, and preachers — in aocordance with the
approved teaching of the Eoman Catechism (Part II, Cap. 4, u. 60) —
are frequently, and with great zeal, tp exhort the faithful to this devout
and ealutary practice."
If ever the Holv Ghost directed Christ's Vicar in his teaching of the
faithful, it was, or so it seems to me, in this stupendous work. In a
way. it is an amazing and as far-reaching in its beneficent effects as was
the work of the first Pope, St. Peter, when he opened the gâtes of the
Cliurcli to the Gentile world. For, by this Decree, no Catholic who has
eoiuo to the âge of reason is excluded from the Lord's banquet-table, so
long as he or she is in the state of grâce and has a right intention. The
child. the '-outh, the grown man, the busy wife and mother, trades-
people, day-laborers, may receive as often as the cloistered nun, the an-
ointed priest, the holiest saint of God. Christ Himself taught us to
pray : '' Give us this day our daily bread : " and the Eathers teach that
a chief meaning of " our daily bread " is the supersubstantial Bread of
the Holy Eucharist. In aocordance with this prayer, then, has the
Vicar of Christ idden us ail to corne daily and eat.
Pope Pius X announced at the beginning of his pontificate that his
rhief end and aim was to restore ail things in Christ ; and by one extra-
ordinary act on his part, he has gone straight back to the first Christian
era, when the disciples gathered around Peter at the table of the Loi*d.
He has restored this spécial thing in Christ, inviting each of us to do
like the Chriîitians of those first times in their primai and heaven-
enkindled zeal. and to partake daily of Holy Communion.
The upbuilding of our parishes is truly hère. For we face a world
lying in darkness akin to the old pagan darkness that the early
rhri>tians faced. and we need parishes filled with men made strong by
the Broad of Life, " men breathing forth fire " (as St. John Chrysostorn
said), because they hâve fed upon that Bread which made the early
martyrs laugh at the fangs of the wild beast, and bravely and gladly
meet atror-ious tortures, the very thought of which causes us to shudder.
We need dauntless men, men proud of their faith, but whollv distrust-
fiil of self, except as they trust in Christ. We need men who are
Christ's soldiers and the Pope's soldiers, saving to their enemv, of what-
pver .sort he he, " We ought to obey God rather than men."
We hâve labored too long under the baleful after-effects of that arch-
heresy called Janseni.sm, of which Pope ."'us speaks in his Decree. He
8ay.s : —
" In later limes, piety grew cold, and more especially under the in-
fluencf of Jansenism, disputes began to arise concerning tho disposition
— 973 —
with which it was propcr to receive Comnuinion frequently or daily : and
writers vied with one another in imposing more and iiiorc striiigent con-
ditions as necessary to be fulfiJled. The resuit of which disputes was
that very few were considered worthy to communicate daily and to dérive
from this most healing Sacrament its more abundant fruits, tlie rest
bcing content to partake of it once a year or once a month or at the
utmost weekly. Nay, to such a pitch was this rigorism carried that
whole classes of people were excUided from a fréquent approach to tlie
Holy Table; for instance, those who were engaged in trade, or eveu
those who were living in the state of matrimony."
But now the Pope, with one Decree, sweeps away thèse false notions,
by permitting every one, who is free from niortal sin, to go daily to the
table of the Lord. With what immense force does this Decree présent
to our wondering and grateful hearts the intimate relationship whieh
exists between the power that Peter exercises over the Eeal Body of
Jésus Christ in the Eucharist and the nower that he exercises over His
Mvstical Bodv, the Church. It brings vividlv to mind that momentous
day when our Saviour, having loved His own who were in the world,
proved His love for them unto the end by two pronounced acts — the
institution of the Holy Eucharist and the bestowing upon Peter of the
gift of Infaillibility. We read : —
" \NTiiIst they were at supper, Jésus took bread, and blessed and brake,
and gave to His disciples, and said : * Take ye and eat : This is My body.
Do this for a commémoration of Me."
And again He said : —
" Simon, Simon, behold Satan hath desired to hâve you (ail the
apostles), that he may sift you as wheat : But I liave prayed for Ihce,
that thy faith fail not:and thou being once converted, confinn thy
hrethren."
On that first Holy Thursday evening, Jésus Christ gave us Himself
to be the food of our soûls in the Holy Eucharist, and He gave us the
Pope, the Custodian of the Holy Eucharist. He gave us Himself in
the Holy Eucharist, the fountain of love, the source of that divine
unity which must ever distinguisli His Church. He gave us the Pope
as the visible centre and earthly guardian of that unity. Unity is tbe
fruit of charity, and charity cornes from Jésus Christ in the Eucharist.
Jésus Christ, in that sublime prayer comprising the seventeenth chapter
of St. John's Gospel, prays His heavenly Father, in the following verses,
to bestow on His disciples, by meansof the Holy Eucharist, thèse two
gifts, — unity and charity.
"Holy Father, keep them in Thy name, whom Thon hast given Me:
that they may be one, as We aho are.
And not for them only do I pray, but for those also who thruugli
their word shall believe in !Me:
That they ail may be one, as Thou. Father. in Me. and I in Thee^
that they also may be one in Us: that the world may believe thaï Tlioir
hast sent Me.
— 974 —
And the glon wliieli Thou hast given Me, I hâve given to them; that
thev inav be ono, a* We also are one.
ï in them, and Tliou in Me; that they may be made perfect in one;
and that the world may know that Thou hast sent Me, and hast loved
them, as Thou liast also loved Me."
'*' That they may be one, as We also are," is a prayer indieating the
union which the Blessed Eucharist will produce. The Eucharist works
in us the unity of faith and the unity of charity. " The glory which
Thou hast given Me " by uniting in Me the Divine and human natures,
I liave given to them (My disciples), in the Holy Eucharist, by uniting
My Body and Blood and Divinity with them, " I in them, and Thou
in Me," is a vivid description of the intimate union effected between us
and our Saviour by Holy Communion. It is also a description of the
close tie of brotherhood created by the Holy Eucharist between ail who
partake of the Bodv and Blood of our Lord, according to St. Paul (I
Cor.,x):-
'• The Cluilice of Bénédiction which we bless, is it not the Communion
of the Blood of Christ? And the bread which we break, is it not the
Body of the Lord? For Ave, boing many, are one Bread, one Body, ail
that partake of one Bread."
And again (Eph. v., 30) : • —
" We are members of His Body, of His Elesh, and of His bones."
^Vho lias ever sounded the depths of thèse extraordinary words ? Eead,
however, by the light of the first Holy Thursday's priceless gifts, — Jhe
Holy Eucharist and the Papal Infaillibility, — we get some insight into
their wonderful abysses; we begin to see how love and unity must indeed
be distinguishing marks of the true Church of Christ; we begin to un-
derstand what daily Communion and fréquent Communion mean, and to
recognize also that in the hands of Christ's Vicar lies the right to break
to the faithful, as often as he will, the Bread that endureth unto ever-
lasting life. That Bread is the food, the manna, the sustenance, of our
pilgrimagc on life's weary road,
Tlie great sixtli chapter of St. John's Gospel brings out for us the
intention of our Divine Lord in instituting this Blessed and Life-giving
SacraTucnt.
" I am the living bread which came down from heaven.
Tf any man eat of the bread, he shall live for ever; and the bread
wluch I will give, is My flesh for the life of the world.
Tho Jcws, therefore, debaled aniong themsclves, saying: PIow can
this man give tis his flesh to eat?
Then Jésus said to them: Amen, amen, I say unto you: TJnless you
eat the flesh of the Son of man, and drink His blood, you shall not hâve
life in you.
He that eateth My flesh and drinketh My blood, hath everlasting
life: and 1 will raise him up at the last day.
For My flesh is mcat indeed: and Mv blood is drink indeed.
Ho that eateth Mv flesh, and drinketh Mv blood, abideth in Me, and
I in birn.
— 975 —
As the living Father hatli sent Me, and 1 live bv the Father; so lie
that eateth Me, the same also shall live by Me.
This is the bread that came down from heaven. Xot as your fathers
did eat nianna, and died. He that eateth this bread shall live for ever."
Holy Communion is our Divine Saviour Hiniself. He comes in the
form of food to le as near as possible to us in our daily needs and to
give us Divine strengtli and sustenance on our road to heaven. For the
love that prompted tlie Incarnation would not end there ; it was, it is,
an everlasting love. It perpetuated itself in the Holy Eucharist; the
Word is still made tlesh and dwells among us. The love, the unfathom-
able, boundless love, that willed to clothe itself in liuman flesh, that
willed to leave heaven and to be made man, despising not the Virgins's
womb, and tlien humbling itself still more to a criminal"s death upon
the shameful Cross, — that love would not be going much beyond those
lowly depths in inventing the Holy Eucharist, the food of sinful men.
This Decree on Holy Communion must be brought home to our Cath-
olic men with spécial force. Let them prove their faith in the Holy
Eucharist and their ardent love for it by their daily or fréquent récep-
tion thereof, and then shall the outside world begin to porceive the
significance of Thomas Babington Macaulay's words regarding the Eeal
Présence and Sir Thomas More:' —
" When we reflect that Sir Thomas More was ready to die for the doc-
trine of Transubstantiation, we can not but feel some doubt w-hether the
doctrine of Transubstantion may not triumph over ail opposition. More
was a man of eminent talents. He had ail the information on the sub-
ject that we hâve, or that, while the world lasts, any human being will
hâve. The text " This is My body,"' was in his N"ew Testament as it is
in ours. The absurdity of the literal translation was as groat and as
obvions in the si.xteenth century as it is now. Xo progrcss that science
has made, or will make, can add to what seems to us the overwhelming
force of the argument against the Iveal Présence. Wc are, therefore,
unable to understand why wtiat Sir Thomas More bolieved respecting
Transubstantiation may not be ])elieved to the end of time bv men equal
in abilities and honesty to Sir Thomas More. But Sir Thomas More
is one of the choice spécimens of human wisdom and virtue ; and the
doctrine of Transubstantiation is a kind of proof charge. A faith
which stands that test will stand any test."
Sir Thomas More, — Blessed Thomas More, as is now his loftier
title, — is a magnificent example for 1hc layman of our day. He "was
a génial, loving, wise husband and father; lie was a scholar, a humorist,
mirthful even in dying: lie was a famous layer, an eminent .iurist, and
lord high chancellor of England ; and in ail thèse positions he practised
his religion whole-heartedly in the open light of day. There came a
time when he must choose betwoon ol)edionce to the Pop(> in a matter of
doctrine, and obédience to a wicked King who unrightfully claimed
supremacy in spiritual things. Sir Thomas ^lore choscn to lose every-
thing except lionor; he chose to obcy the Pope even at the cost of his
life; he met a niartyr's death, and he won the martyr's crown.
Hardlv is there an hour iii the day when this opportnnity of choosing
— 976 —
a^ Sir Thomas More chose does not lie before our Catholic men. They
are eut in the world and in an unholy world ; a world of sophistry, dis-
honestv, doubt and infidelity, that prétends to ignore God and despises
His Churoh. Our conscience is bewildered; our sensé of responsibihtv
to God is too often deadened; our duty seems not plain. Where shall
we go except to Him Who is the Way, the Trutli, the Life ; and how
shalî we know Him better, and see Him nearer, than in " the Breakmg
of Bread*'?
This is preciselv the \ie\v that Blessed Thomas More took of the
matter. Wlien he\vas lord chancellor of England he went to Holy Com-
munion everv dav, and some persons said that such a man, surrounded
bv the dissipation of life at Court, and so engrossingly occupied witli
State affairs, ought not to communicate so frequently. But what was
his noble answer? He said: —
" Those are just the reasons that make it necessary for me to receive
Communion daily. My distractions are numerous, and Communion
helps me to be recollected. My temptations are fréquent, and Commun-
ion strengthens me to withstand them. I need light to govern the State,
and I implore it of God in Communion."
Men of this stamp will raise our parishes to the highest standard.
We add to this emphatic déclaration, so remarkable in its implied
teaching for our laymen to-day, the foUowing prayer of Sir Thomas
More as fitted for their spécial use : —
" O sweet Saviour Christ, by the divers torments of Thy most bitter
passion, take from me, good Lord, this luke-warm fashion or rather key-
cold manner of méditation, and this dullness in praying to Thee. Aiid
give me Thy grâce to long for Thy holy sacraments, and especially to
rejoiee in the Présence of Thy blessed Body, sweet Saviour Christ, in
the Holy Sacrament of the altar, and duly to thank Thee for Thy gra-
cions Visitation thcrewith, and at that high mémorial with tender com-
passion to remember and consider Thy most bitter passion. Make tis,
good Lord, participant of that Holy Sacrament this day, and every dav
make us ail lively members, sweet Saviour Christ, of Thine liolv mystic-
al body, Thy Catholic Cliurch."'
Sir Thomas More was put to death, not for his failli in the Eucharist
as Macaulay may seem to imply, but 'for his faith in Peter's divinelv
conferred office. It was from the Eucharist, however, he derived his
heroic courage, liis manly loyalty to conscience, his willingness to give
up liis life rather than refuse due obédience to the Pope. Similar heroic
loyalty of whole nations readily occurs to us. Individual examples, how-
ever, like this of Sir Tlioma.s More, are sometimes more impressive. A
case m point, although a fomiliar one, struck me with peculiar force the
other day, on tlic Octave of the Feast of St. Lawrence, as I was rearling
my office. St. Augustine, in the Lessons of the Second Nocturn, dwelïs
on the stii[.r-ridous power which Ihe Eucharist gave St. Lawrence to
endure, not only witli piiticrue but with jov. tlic barbarous tortures in-
— 977 —
flioted on him. St. Lawrence, as every one knows, was slowly roasted
to <leath on a red-hot gridiron. According to St. Augustine, St. T^aw-
rence, strengthened by the Body and Blood of our Lord, " felt not the
torture." St. Augustine's description draws out the prolonged torture,
the slow death, the Eucharist-given patience, in thèse words :
" He abode in Christ, even in savage torture ; he was not elain quickly,
but tortured in the lire: he was allowed to remain long alive, and yet
not allowed to remain long alive, but slowly put to death. During that
long death, in ail that agony, since he had well eaten and well drunk,
filled witli that Food, and strengthened Avith that Cup, he felt not the
torture."
Anarchy and socialism are to-day invading the nations and endanger-
ing the Christian liome. When, througli fréquent or daily réception
of the Holy Eucharist, our Catholic men shall become more eompletely
true soldiers and servants of Jésus Christ, more and more thoroughly
shall be exemplified among us honesty, integrity, tempérance, purity,
révérence for law, and suprême loyalty to our Holy Mother Church. Our
men will be ever ready in her défense, against every attack, whether
modemistic, socialistic, masonic or infidel, under whatever guise. Not
ours, to-day, is the call to lay down life in martvrdom for Christ; yet
we need, to-day, the martyr's strengthening Bread. For it is our mar-
tyrdom to dwell in an irréligions, worldly, indiffèrent, or worse than
indiffèrent, atmosphère, and to strive to keep ourselves and our children
from being dragged down to the low level of the world around us. We
need, — God only knows how much we need, — this active measure, this
arousing and awakening and vivifving Decree on dailv Communion.
The late Léo XIII wrote : — "
" At the présent time and in the actual condition of things, eyerj
right and pious mind sees with grief how the ardor of faith and the
ancient purity of morals are disappearing in a large portion of mankind.
If one inquires into the cause of the evil, he finds it to be chiefly in the
fact that love and use of the Eucharistie Banquet are languishing in
most men, and in many hâve ceased altogether. Ile alone is able to ful-
111 the destiny of a Christian life who has put on Christ, and Christ is
not put on exoept by fréquentation of the Eucharistie table. For thus
does Christ dwell in us and we in Him."'
Society will never be at rest until it becomes truly Christian, and it
can become Christian only through the Holy Eucharist which is Jésus
Christ Himself. By the Holy Eucharist our doubts and difficulties will
be met and solved, and our eyes will be enlightcnod ; we shall know Jésus
Christ even as the disciples at Einmaus knew Him, when " it came to
pass, while He wa.-< at table with them, He took Bread. and brake. and
gave to them. And their eyes were opened : and thev know Him."
A second Decree. dated September 15, 1908, déclare.';: —
" That fréquent réception of Communion, in accordance with Article
I of the Decree (i. c. on Daily Communion) is re<onimended oven to
children. who, when once admitted to the Holy 'l'ahle according to the
rules laid down in the Koman Catechism, Chapter I\', n. O:?, ought not
— 978 —
to bc liindored, but, on the eontvarv, exhorted thereto, the contrary
practice aiiywhere prevailing beiug condenmed . . . .
There is no reason why this fréquent and even daily Communion
should not be specially recommended to children in our own times. And
this ail the more, because it is absolutely necessary that children should
become imbued with Christ bel'ore their passions get the start of them,
and that they may hâve the strengtli to repel with greater energy the
assaults of the devil,the flesh, and of other internai and external foes
Only in tliis Avav can that word of our Lord obtain f ulfilment : " Suffer
little cliildren to corne unto Me, for of such is the kingdom of heaven."
The kingdom of heaven on earth is no other than the Eucharist, which
was instituted for the préservation and increase of the spiritual life."
We may question whether we do not sometimes treat children too
much like automatons. Would it not be wiser, and more in accordance
with the présent Decree, not to restrict their Confession and Commun-
ion to certain compulsory days, and in Sodalities only, in ]ona:, set lines
of boys and girls : but rather to attract them to go individually, —
simply and lovingly, — when their parents, or their OAvn hearts, shall
invite them to meet their Lord ? They must learn to use their own con-
science, their own love for Him Who was once a child like them. Let
us teach them, then, to know their Lord in the " Breaking of Bread."
If He stood hère before us, visibly, instead of being hidden as He is
truly beneath the Eucharistie veils, — if He stood hère, and we saw Him
with His wounded liands outspread, His pierced Heart open, His eyes
of infinité love fastened upon us, His sweet voice saying, " Come ! "
would we not ail, and the children first of ail, make haste to answer
Him, to come to Him? And He is hère, hère to enlighten the mind, to
strengthen the will, to give power to resist our passions and to increase
in grâce. He is hère, our Jésus, and that means, Everything. What is
ail this but the emphatic teaching with which the Decree of Decemher
20, 190."), opens: —
" The Council of Trent, having in view the unspeakable treasures of
grâce which are offered to the faithful who receive the Most Holy
Eucharist, makes the following déclaration: "The Holy Svnod would
désire that at everv Mass the faithful who are présent should commun-
icate, not only spiritually, but sacraimentally, by the actual réception of
the Eucharist (Sese. XXII, Câv. 6), which words déclare plainly enough
the wish of the Church that ail Christians should be daily nourished bv
this heavenly banquet, and should dérive therefrom abnndant fruit for
their sanctification/'
But more important still, the ability to curl) our passions and to keep
them in subiection to reason and conscience comes from Jésus Christ in
the Blcssed Eucharist, as the same Decree lucidly teaches as follows : —
" The désire of Jrsus Christ and of the Church that ail the faithful
should daily approach the sacred banquet, is directed chiefly to this end,
that the faithful being united to God by the means of this Sacrament,
may thfiico dcM'ive stremrth 1o jx-sist their sonsual passions, to cleanse
themsflvfs fn.in fl-o stains of daily faults, and to avoid those
— 979 —
to which humau frailty is liable. . . . Tins désire on the part of God was
so well understood by the iirst Christians that they daily flocked to the
Holy Table as to a source of life aud strength . . . Ànd that this practice
was continued into tlie later âges, not without great fruit of lioliuess and
perfection, the holy Fathers and ecclesiastical writers bear witness."
The practise of daily Communion will not be formed in the Church in a
day; it will be wrought, probably, quite slowly; but a wonderful change
will be efîected eventually. It will not corne so much by private appeals
through the individual confessor, as by public preaching and teaching
to the entire congrégation, or to sodalities, Holy Xanie Societies and the
like. In this way, the people in gênerai will corne to understand that
fréquent or daily Communion is the normal act for the nomial Christ-
ian; and those persons who go regularly to daily Communion will not
be looked upon as anything extraordinary, or as called to an extraordin-
ary sanctity or way of life, thereby. Daily food, daily bread, strength
against daily and ordinary temptations, strength to endure daily trials,
ail this is, as the people will find, what daily Communion means. It is
the sustenance of the life of grâce; it gives strength to grow in true
spirituality, in the science of the saints, and in closest union with God.
But no high degree of sanctity is required for this daily Communion
which will, however, lead us to sanctity. As the manna was given to
the Jews for their daily sustenance on their journey through the wilder-
ness, so is the Blessed Eucharist given to us for our daily, ordinary,
usual food on life's journey. Hère is the ordinarily appointed means of
grâce to-dav.
At first, we must expect to hear from many well-meaning, earnest,
Christian people the strenuous objection, " I am not worthy to go bo
of ten to Holy Communion ; " and we must caref ully explain to them that
while none of us is really worthy or ever shall be worthy, the Pope has
nevertheless, met this objection explicitly; lie lias not only donc so by
this providential Decree on Daily Communion, but by referring therein
to the example of the early Christians, and to the testimony of the
Fathers, ecclesiastical writers, and the Council of Trent, which called
the Eucharist " the antidote whereby we are delivered from daily faults
and preserved from deadly sins."
We must eradicate in every way the after-effects of " the poison of
Jansenism." The people must recognize the fact. the consoling fact,
taught to them by no less an aulhority than the Vicar of Christ himself,
that so long as we do not fall from the state of grâce through the ter-
rible misfortune of committing mortal sin, we are free to conie humbly,
and daily, despite our fre(iuent venial sins and faults and daily imper-
fections, to Jcsus Christ in the Eucharist. We are free to come, with
childlike, trusting, contrite hearts, to daily Communion, to gain therc-
from the healing for our defects, and the strength to overcome our faults,
and our temptations to more grievous sins.
When a parish thu.-? seos, fref|uently or daily, at th(> Eucharistie board,
men, women, and children, that parish must, wo tliink, expérience an
unlifting, due to daily Communion ; a grâce, a holiness, that shall recall
— 980 —
thc early davs wlien tlie people " were persevering in the doctrine of the
apt)stlcs", and in the communication of the breaking of bread, and in
prayer." (Acts ii., 42).
Now, let us consider the influence of such fréquent Communions, and
tirst in the domestic circle, — in our Catholic homes and households.
Will it build up the domestic virtues there? It surely will. The father
will become more kind, more loving, more exemplary; peace, harmony,
will prevail ; for is not He hère in the midst of us, the Man-God,
Jésus Christ, the Great Example for the worker, earning in ail humility
His dailv sustenance and the household support? He is hère to give
whatever is needed, and to heal whatever is defective in our Catholic
men.
In the mother of thc household the domestic virtues will increase by
lier fréquent réception of the Holy Eucharist. More and more will she
practise brave patience, forbearance, meekness, wisdom, so that her
children will indeed rise up and call her blessed. The young people,
also, need the light and strength that cornes from Him Who is in our
midst to keep and strengthen us. " I will dve them life more abund-
antly " — and what is that but the more abundant grâce and virtue that
eome from the Holy Eucharist? Happy households where such love
and peace and harmony réside ; where respect is shown for the aged,
tidelitv to the marriage tie is practised, tempérance and holy purity
reign suprême ; where the young people hâve filial ambition' to help their
parents found a lasting home, and where ail contribute to the family
prosperity and joy ! Such families not only make for the honor and
upbuilding of a parish, but they make for good citizenship as well. As
the home is the nucleus of the parish, so it is of the State. Christian
virtues foster civic virtues ; and no man loves country more truly than
the man who loves his God above ail things.
And are there not other virtues that can be built on such foundations
as thèse home-virtues, and that will be increased and strengthened by the
Rame celestial food, — such virtues, for instance, as self-denial, gener-
osity, zeal for the salvation of soûls and the spread of Christ's King-
dom on oarth? Take the case of a priest who has been commissioned
to build a church, a couvent, a school, a house, — it is precisely the
members of such Christian families as thèse that he needs to help him
in his work, poople with faith and loyalty enough to give liberally, and
in the spirit of self-sacrifice, for the Lord's sake. That Lord will never
fail to give crédit for every good act they do for Him. If this good
work be not donc for His sake, we do not want it donc at ail. But it
is for Him. and He is hère in the midst of us, strengthening us for
whatever lliat work jriay be.
It may be some charity to be aided, like the work of the Conférences
of St. Vincent de Paul and of our hospitals and asylums; — or mis-
sionary work, like the Propagation of the Faith in foreign lands or in
our own country, among our colored people, our Indians, and our non-
Catholic white neigbbors also; — or it may be some parish organization,
like thc Iloly Xame Society or the Tempérance Society, to be formed
and fosterwl, and to bf animatfMl with Christ's Spirit. Will daily or
— 981 —
fréquent Communion assist us hère ? Emphatically, yes ! For, Holy
Communion is the very furnaoe and the constant source of charity and
union, of life, of light, and love ; and daily or fréquent Communion
inust help in ail such cases, because it causes every virtue to increase in
the eoul.
How, indeed, oan a parish fail to be upbuilt by fréquent or daily Com-
munion, since this Divine Sacrament is the source of brolherhood and
unity, as St. Paul says in his first epistle to the Corinthians, x. 17 : —
" For we being manv are one Bread, one Body, ail that partake of one
Bread."
By this union with Jésus Christ the people are drawn doser to their
pastors, who feed them daily with this heavenly food; they are drawn
doser to one another, for the reason that they ail become one witli
Christ by this fréquent or daily Communion. Ordinary home life and
business life must, indeed, become sanctified and upbuilt by such fré-
quent Communion with Him Who is given for our daily Bread, our daily
strength. So shall we become like the saints of God, being, in deed and
in truth, members of the same great household in the Communion of
the Saints.
To quote again the words of that immortal Decree of Deceml)er 20,
1905 : —
" It is plain that, by the fréquent or daily réception of the Holy
Eucharist, union with Christ is fostered, the spiritual life more abund-
antly sustained, the soûl more richly endowed witli viiiues, and an even
surer pledge of everlasting happiness bestowed on the récipient."'
Not preaching, reading, teaching, though ail thèse are good, but " the
Breaking of Bread,'" is the chief means appointed to show us the Christ,
Who is the Way, the Truth, and the Life.
Daily Communion, however, is rather a Divine Counsel th«(n a Div-
ine Command; and it is dépendent on circumstances, such as hcalth,
distance from church, daily duties, etc. Even fréquent Communion, as
we now understand the term, was impossible to our forefathers in Ire-
land in the pénal times, or to our hard-working men on railroads and
the like, in our earlier days hcre, and even now. But the grâces that
they then received in their unavoidably infrequent Communions must
bave been équivalent, it seems to me, to those which we receive; our
Divine Saviour would not deprive His servants of that grâce ; and, no
doubt, He gave those good people the merits and tlie grâces of fréquent
Communion, although they were very seldom ablo to receive.
Holy Communion, besides being the food of our soûls, and strength
against ail kinds of temptation, is intended by Jésus Christ to he a com-
mémoration, a constant reminder of His Passion and death. No people
could be more lovai than the Irish bave been to tliis intention of Jésus
Christ. Hence their extraordinary dévotion to the Mass wherein tlie sad
scène of the Calvary is constant ly rcnewed. This dévotion to the Pas-
sion and death of Christ they hâve always bdieved to be the best pré-
paration for a holy death. Thev had beautiful jirayers expressive of
their faith and dévotion, whidi ihey memorized and iTcilt'd at the con-
— 982 —
socration wlicn Jesiis Christ becanie présent on tlie altar. Often thèse
prayers, lo liolp the memory wcve in the forai of rhyme. The following
is an example which lias been handed down by tradition from Pre-Ee-
formation ihiys : —
Hail to Thee, 0 Bodv of Christ ;
Ilail to Thee, 0 King of Hosts;
Hail to Thee, 0 gracions Godhead;
Hail to Thee, 0 true manhood.
As Thon wert pleased, 0 Christ, to corne
Under the cover of bread, Thy whole Body
Ileal my soûl from every evil
That is upon me now.
Hail to Thee, Blood and Flesh;
Hail to Thee, Food of Grâce.
Wash mv sins in the Blood of Thy Grâce.
Hail to Thee, both God and man !
Guard me from him that goeth about.
May I receive Thee at the liour of my death !
0 Trinity without end, without beginning,
Xeither let Thy anger be upon me.
Hail to Thee, true Body born of Mary Virgin.
By Thy being pierced, shedding waves of Blood,
Holy Trinity, grant ns Thy Sacraments,
To-day and at our death -hour. Amen.
It is a remarkable fact that the Irish people, who so freouently and
fervently were accnstomed, in their dévotions, to recall Christ's suffer-
ings and death endured for them, and who so often invoked His Pré-
sence in the Holy Eucharist to be their Viaticum at the hour of their
death, seldom died without the sacraments. Moreover, to the soothing
effect of thîs great Sacrament upon the minds of the dying, eminent
physicians hâve borne witness unwittingly, as when the well-known Bos-
tonian, Dr. Oliver Wendell Holmes, declared that in his expérience
Catholifs understood how to die bctter than uon-Catholics did; and he
commcntod on "the composure " with which they met the common and
ultirnate lot of ail men.
We must nevcr forget the heroic proof our forefathers gave of their
Faith in the Real Présence, of their dévotion to the Mass and to the
priest of tlie Ma.'^s, and their staunch loyalty to the Pope, Peter's suc-
cessor. Insoparably entwinod around their hearts were Faith in the
Eucharist and Faith in Peter's divinely conferred office. Even before
lie had rweived the full powers of this office. Peter had distinguished
himself among tlio apostles by being the first to make public and formai
acta of P'aith in the T)ivinity of Jésus Christ, bolh in His human and
Eucharistie forms. For, although the Eucharist had not yet been in-
ptituted, PcifT did know that his Divine Master promisod to give us His
Body and Blood to be oiir nourishment. TIow our Saviour could do this,
— 983 —
Peter did not iinderstand any better than the disciples wlio querulously
objected : " How can this man give us his flesh to eat? " and who " walk-
ed no more with Him."' But, when Our Lord turned to His apostles,
and asked: " Will you also go away?" it was Peter, who, enlightened
by Divine grâce, made that niagniticent profession of faith: *' Ix)r(l, to
whom shall we go? Thou hast the words of etemal life. And Ave hâve
known, and hâve believed that Thou art Christ the Son of God.'" So,
again, iu the sixteenth chapter of St. Matthew's Gospel, Peter, enlight-
ened froni abovc, proclaimed, in the face of contradictory théories, the
true faith — that Jésus was " the Christ, the Son of God." Instinct-
ively we turn to this Peter, and ask him to obtain for us perfect faith
in the Eucharist, and perfect obédience to his successor in our use of
this " Sacramcnt of Life.''
We to-day can easily go much oftener to Holy Communion than our
forefathers could go. But if many of us are unable to receive Holy
Communion daily, let us respond with loyal and ready hearts to the wish
of Chrisfs Sacred Heart and to the will of Christ's Vicar, in so far as
we can, and as often as we can, by making it our practise to receive reg-
ularly on every Sunday, or every fortnight, or at least, every month.
The late Pope Léo XIII, in his Encyclical upon the Holy Eucharist,
addressing the entire Church, and recalling the traditional reasons in
favor of fréquent Communion, déclares "that a revival of Communion
as practised in the early centuries of the Church, must be procured in
préférence to every other manifestation of Eucharistie worship. Above
ail, we must strive to revive a fréquent réception of the Eucharist, and
entirely do away with opposing préjudices, vain fears, and specious pre-
texts, causing people to abstain from it."
That supeniatural love, that love enkindled by the Holy Ghost in a
Catholic parish y means of the Holy Eucharist, will cause a correspond-
ing Joy. Thus shall the people, becoming engrosscd with a deep, true
happincss that is invisible, spiritual, and all-sufficing, lose thcir extra-
vagant cravings for this world's matorial and visible deliLdits. Pools
that we are, to think that anything else can ever content the hungry
hearts of men !
A divine peace and daily happiness shall, indeed, be their portion,
who, coniing dail- to Jésus in the l^h^ssed Sacramont. shnll lind rcst to
their soûls, and sliall be to the Church its strong défense in this worhVs
evil day. By the grâce of God, constantly dwellinîr within them
through the fréquent or daily use of Holy Communion, they shall be en-
abled to cry with St. Paul : —
"Who then shall soparate us from the love of Christ? Shall tribul-
ation? or distress? or famine? or nakedness? or danger? or persécution?
or the sword ? "
"In ail thèse things we overcome, hecause of Him that loved us."
For the great divine fact of the Holy Eucharist is this, — that herc
Christ truly is. Hère He is, Who, while we were sinncrs, died for us
on the Cross. Hère He is, hid under the lowly forms of bread and
wine, to remind us of ail that He bas donc and suiïered for us, and of
ail that in His boundlcss love He is still doing for us. Hore Uo is to
— 98i —
feod aiul siisuun us in lii'o's long daily struggle; to help and to console
us wheu \ve are siek ; to bc our Viaticum in death, loving us, helpmg us,
saviug us, even thougli we should bave neglected Him ail our days.
Holy Communion means ail tins to us.
Not only through obédience to tlie Pope's Decree should we corne
gladly to Jésus Christ in daily or fréquent Communion; but out of the
love and gratitude of our saved and ransomed soûls should we come,
constantly recalling, at Mass and Holy Communion, that word of Christ
when He" instituted the Blessed Sacrament : " Do tliis for a commémor-
ation of Me." Our Divine Lord longs to be rememhered by us. In the
Holy Eucharist, He yearns over us, with a matchless love that many
waters cannot quench, nor length of years can tire, Nay, more; it is
His own loving Self that He imparts to us in Holy Communion, and
even to sucli a degree that we can make St. Paul's strong words our own :
" I live, now not I ; but Christ liveth in me.''
What immense gain shall it be for the entire Church when the mem-
bers of the individual parishes thus learn to value the priceless blessings
of daily or fréquent Communion. It seems to me that the Holy Euch-
arist and the Vicar of Christ are to become more and more the rallying
points for the entire Christian world to-day. The présent condition of
unrest shows the tremendous need of united action everywhere. But
how shall this great work be best accomplished ? We may try the grand
method of systematized organization, we may use the splendid power of
the press and of the lecture platform, we may multiply our admirable
parish work of chai'itable and missionary effort, and our noble parish
societies; ail thèse things are good. But to my mind the first and best
plan, and the one most sure of ultimate success is the local adoption of
that practise urged upon us by our Ploly Father the Pope, the Vicar of
Christ, — namely, the upbuilding of our parishes by daily Communion.
Gigantic forces seem to be banding together for terrifie outbursts in
Europe if not throughout the world; iniquity holds awful sway over the
liearts and wills of many bitter enemies of our Holy Mother Church;
our wrestling is indeed, " against principalities and powers, against the
rulers of the world of this darkness, against the spirits of wickedness in
the high places." Xo active work, no weapon forged by man, no organ-
ization planned by any or ail of us Catholics, can effect a real and
lasting victory, except by that spécial help which we must seek from
heaven. As the Psaknist says : —
" Unless rhe Lord build the house, they labor in vain that build it.
Uniesg the Lord keep the city, he watchcth in vain that keepeth it."
So our Divine Lord déclares : —
" Unless you eat the flesh of the Son of man, and drink His blood,
yen shall not hâve life in you.""
l'ope Pius X is the Vicar of Christ and the mouthpiece of the Holy
Ghost: he is the custodian of the Eucharist, and the head on earth of the
Church that must save the nations. Ile lias lookod from the watch-
tower whence he «-ees ail needs, and whence he makes known to us God's
choson remédies for those needs, and he has bidden us corne frequently
to the Eucharist to food upon Jésus Christ, without WTiose aid we can
985 —
do nothing, and bv Whose life alone we live. To quote once more
Christ's words in St. John's Gospel : —
" He that eateth My flesh, and drinketh My blood, abideth in Me, and
I in liini."
THE CONFRATERNITY OF CHRISTIAN DOCTRINE
AND CATECHISM CLASSES.
BY
RT. REV. MGR. FRS. H. WALL, D. D.
THE subjeot niatter of the paper I hâve been requested to submit to
your considération, is admittedly one of the highest importance. On
the proper organization and development of catechism classe? dépend
the future spiritual welfare of the Catholic child, and the progress and
stability of the Catholic Faith.
The extraordinary activity manifested of late in the catechetical in-
struction of the young is something calling for serions and respectful
considération. Able and good men, both from the pulpit and tlirough
the press, are constantly calling attention to the suprême need of the
hour, the better trainig of the hearts and minds of the young, in the
principles of the Catholic Faith. In my estimation, we can approach
the considération of our subject in no better way than by calling your
attention to the Confraternity of Christian Doctrine in its influence
and bearing on the matter under discussion. It is esî)ecially appro-
priate at this particular time, when the Catholic world is preparing to
celebrate the Tercentenary of the canonization of St. Charles Borromeo,
the founder of the Confraternity. That great saint appeared on the
spiritual battlefield of Europe during the disastrous period of the great
revolt of the sixteer,th century, just at the verj- time when the Church
of God had need of a man of dauntless courage and prééminent lioliness
to stand up and do battle against the immoralitv and unbelief of the
times. Only a man of iron will, coupled with genuine fathcrly tender-
ness of heart, could lune aehicved rcform under the ai)palling tircum-
stances surrounding him. He was the inspiring j^pirit of the great
Council of Trent, and under his masterly leadership, and uncon<|uerable
energy, its délibérations, after eighteen years, were brought to a happy
and suecessful conclusion. Under his direction aiid cnristam super-
vision, the greatest of ail catechisms, the catechism of the Couiuil of
Trent, came into existence..
When he came to Milan, as its archbishop, he foiind overvthing in llie
most déplorable condition. Owinor to the ignorance and worse faults of
many of the clerev, the people had forgotten the very fnndamental ])rin-
ciples of Christianity. With a zeal l)orn of love for (!nd and for the
salvation of soûls, he set about the task of real refonnation. He wcnt
— 9S6 —
from txîwn to town, from hainlet to liamlet o£ his great diocèse, as the
apostles of old, knocking at the doors oî the homes of his people to
preiich Christ, and Hiin crucified, to those who had not even heard His
Holy Name. Ho hegan to enlist in the work of reform learned lay
people, nien and wonien, and he formed them into the Confraternity fo
Christian Doctrine. " His object was to give practical life and form to
tliat Decree of the Council of Trent, which required part of the Sunday
to be devoted to tlie teacliing of Christian doctrine, and which, there-
fore, suggested the founding of the Sunday schooL In a short time, St.
Cliarles^had planted Sunday schools through the whole of his vast dio-
cèse. His plan was to enlist the active coopération of the laity, both
men and women, and he gave them, in the Fraternity of Christian Doc-
trine, a rulc of life and abundant scope and employment for their zeal
and talents."
What wonder, then, that our beloved Pius X. like another St. Charles,
studying existing conditions, saw also the need of using the laity for
every good work withiu tlieir power. What wonder, then, tliat he should
send forth his apostolic letter, stating " In each parish the Confrater- "
nity of Christian Doctrine is to be canonically erected. Through the
Confraternity, the parish priest, especially where there is a scarcity of
priests, will find valuable helpers for catechetical instruction in pious
lay persons, who will lend their aid to this holy and salutary work, both
from a zeal for the glory of God, and as a means of gaining gênerons
indulgencies granted by the Sovereign Pontiffs." St. Charles Borromeo
made it distinetiy understood that the Confraternity was not confined
exclusively to Sunday-schools. Every father and mother in the land
may becouie a moinber. and enjoy ail its spiritual blessings, by simply
faithfully promising to teach their children. Where the Confraternity
has been established, a practical method has been introdnced to insure a
proper knowledge of the lesson. A part of the Friday evening is set
apart in every home, and called the catcchism hour, and it is made a
condition for the child to l)e allowed to play on Saturday, that he know
thoroughly and intelligently his lesson for the Sunday. This method
has produced abundantly good results wherever properly carried out. It
is useless to look for good results in the Sunday school, unless the teach-
ers themselves are properly instructed and oquipped in a thorough
knowledge of the Faith. The solemn faot stares us in the face at the
beginning of this century, that never perhaps has the Church of God
been called upon to face more serions problems than she is to-day. An-
archy, sor-ialism, and countless othcr isms run rampant over the land.
Well mcaning individuals are being carried away by false teachers. There
ifl, most assure<llv, an antagonism in the minds of the masses towards
religion and churches, an antagonism, most scandalously fostored by
socialistif; teachers. And the only way to supplant this spirit is to make
it manifest that the Gaspel of Christ, as taught by the Catholic Church,
is the go.spel of social reorganization and betterment. Is it not an un-
deniable faot that the sooialistic propaganda is oxtonding its branches
among ail classes of society, and making spécial efforts to poison the
minds of the laboring classes? We cannot walk through 1ho streets of
our great cities (I speak of New York), without encounterino- on almost
— 9S7 —
every coruer, crowds assembled, listening to demaprogues preaching its
doctrines, and throwing dust in the eyes of the unthinking public, and
falsely asserting that they alone can supply a panacea for ail the ills af-
flicting Society to-day.
The De\àl is up and doing, and his agents prowl about, like the lion
mentioned in the Scriptures, seeking whom they niay devour. Are the
Catholic men and wornen of our land alive to the danger ? Is it ijossible
that we cannot enlist the sympathy and support of devoted lay people,
who will help the Church of God to do battle for the faith of our fathers,
by beginning with the Sunday school, assistiug the priests of God, al-
ready harrassed with many cares, to properly train and instruct the
minds and hearts of the young ?
A solution of this question has, in a great part, been found in the
archdiocese of Xew York, in establishing, under the auspices of the Con-
fraternity of Christian Doctrine, the Xormal School for Catechists,
where hundreds of our young men and women attend a two years' courge
of study in Dogma, Church History, Sacred Scripture?, and in methods
of teachiug scientifically and well the doctrines of Iloly Church. In
the archdiocese of New York, there are at présent seven centres, from
which hâve gone forth, during the past years, numerous graduâtes who
are in différent parts of the diocèse teaching the catechism. With the aid
of his trained corps of teachers, the organization of the classes begin.
A System of Kindergarten has been introduced, by means of which child-
ren of six, seven, and eight years of âge hâve a good knowledge of the
mysteries and elementary principles of the Faith brought home to their
young minds and fonder hearts. In one of the Sunday schools of the
diocèse, I was, on one occasion, an interested witness of a lesson taught
by a good, élever young woman. The lesson was the story of the Nativ-
ity, by means of charts and pictures. This young woman brought the
children, step by step, over the journey, from Nazareth to Bethlehem,
narrating, as she went along, ail that transpired during the journey. It
was a most beautiful and instructive lesson.
The children were ail absorbed in it, and the most surprising feature
of ail was, when a bright little lad, by the aid of a pointer, went over the
same ground as his teacher, proving that the lesson had fallen on good
ground. We place the most intelligent of the catechists in charge of the
Kindergarten classes, therelDy laying a good foundation in the hearts of
the children. Step by step, this System advanccs, the classes being grad-
ed as in one of the day schools, until the final -year is reached. The ro-
sults of this method, when introduced, hâve been a largely increased
attendance and a most absorbing interost manifested in the doctrines of
the Church. Another bénéficiai rcsult has been brought about, namely,
the keeping of the children in the Sunday school for at least four years
after the réception of the sacrament of Holy Eucharist and Confirm-
ation. But the very best System in the world will bc unavailing, unlo«s
means be found to bring the children under the inlliionce of the trainod
catechists. One of the great evils to be deplored, is the utter indifTcr-
ence manifested bv some Catholic parents in the religious training of
their children. manv of whom never give a thouorht to thcir spiritual
— 988 —
welfare, aiul allou" thoni to irrow up in absolute ignorance of the ess-
eutials of tlie tlie Catliolic faith. How to reach thèse people, and to bring
them and their children to a better condition of life is one of the prob-
lems we are called upon to solve. St. Charles Borromeo was confronted
with the same difficiilty, but as a faithful nastor of soûls, he set about
solving it in a nractical manner. Many persons of both sexes, at his
instigation, devoted themselves to tins pious M-ork; sonie of the most
zealous he sent into différent towns and villages of his diocèse. The
kindness and affection with which he treated the catechists were such as
fully to reconcile them to ail the difficulties and contradictions they had
to encounter.
Particular notice should be given to the Fishers, members of the Con-
fraternity, as they were called, who derived this name, as it is almost
unnecessary to observe, from their office of fishing for souIs. They went
about from house to house, finding out neglected children, and bringing
them to the cateehism classes. Enormous was the good accomplished.
At the death of St. Charles, there were no less than 740 schools, over
4,000 catechists, and 40,000 scholars. Such was the development that
this pious work obtained under the fostering care of this indefatigable
pastor, who, in a brief space of time, accomplished a most remarkable
religions and social reconstruction.
In a measure, the Church of God to-day is confronted Avith some of
the difficulties which had beset the path of St. Charles Borromeo. One
of the dominant features of the présent âge is its efforts at social better-
ment. The mood of the hour is one of fraternal sympathy, and it be-
hooves the Church of God, not only to harness thèse warm, strong,
widely diffused feelings to useful lines of thought, but for the priests of
God to become at once the leaders, each in his own sphère, in the on-
ward march towards the social, économie betterment of his people. For
if our Holy Faith is to be made deeply effective in thèse days, and be
able to neutralize the baneful effects of socialistic doctrine, it is imper-
ative tliat this absorbing social interest should be recognized, utilized,
and brought within proper bounds. One of the suprême needs of the
liour is for Catholic men and women, who hâve zeal and love for theii;
faith, to be up and doing, and helping to bring a knowledge of the truths
of faith into tho darkened cheerless homes of many of their co-religion-
ists. If you will take the trouble to go through the sections of some of
the great cities where the laboring classes are housed, and see with your
own eyes the actual conditions of their lives ; if you will stand by as they
take their so-called pleasures, and witness their poverty, not only in
iliings material, but even in the finer feelings of life — you will need no
commentary to tell you the meaning of the words of Sacred Scriptures
as to unresponsiveness of certain hearts, because of the conditions of
tb'-ir. Tlie spiritual tragedy which stands ugly and bare, in whole
--lions of the workers' world, is the most awful aspect of it. Hère,
again, I say, thèse people may, and can be reached, if we go about it in
a prartical, zealous manner. The Confraternitv of Christian Doctrine
can be utilized in this great work, and it was made use of bv St. Charles
Borromeo. One of the mfjst important features of it, as I hâve said
— 989 —
above, is the Fisliers, whose duty is to assist ihe pastor in tins Clirist-
like work of bringing soûls back "to God, by interesting themselves in
their temporal and material interests. According to the provisions of
the Confraternity, every parisli niay be divided into as many districts
as is deemed necessary, and a Fislier assigned to every district, who, in
a short space of time, will become acquainted with every Catholic family,
whether good, bad or indiffèrent, and zealously and prudently interest-
ing themselves in their family affairs, will soon succeed in bringing
back to the fold many a stray sheep. 2s o one can be insensible of the
enormous good that can be accomplished by thèse methods, if intelli-
gently and conscientiously followed ont. Must we not acknowledge to
our shame the work being done outside the Chiirch, by those not of the
Faith, in their so-called settlements, wdiere in numberless cases, making
use of the most dishonorable means, they succeed, imhappily too often,
in robbing our children of their faith? From a brief expérience in
dealing with this subject, I am in a position to state positively, that
wherever a branch of the Confraternity of the Christian Doctrine has
been established, and intelligently, diïigently and zealously directed,
proselytism has been practically stamped ou t.
The difficulty in many cases is to get the priestâ of God out of the
rut into which they hâve allowed themselves to fall. The old method
of waiting for the people to come to us will no longer avail. We must
go down to them, we must visit their homes, we must become a part
and parcel of their lives. Priests of God are sent to be fishers of men.
But where they use exclusively old-fashioned methods, which lay the sole
or even the main emphasis upon individual régénération, quite apart
from the guidance and inspiration of the Church, I think you will bear
me out that in thèse latter days they do not land the fish to any consid-
érable extent,, and, in certain classes of society, they do not land them at
ail. It is easy to lay the blâme for this failure on others. It is easy
to say that such methods hâve been blessed by God, they worked at once,
and would work now, were it not for the hard and uncircumcised hcarts
of thèse twentieth century fish. It has always been easier to call names
than to win men to higher deeds. It is easy to denounce soundly the
pleasure seekers, and the socialistic leaders, who, in their différent ways,
hâve done much to draw the attention of thousands of pooplc from the
Christian faith. It is especially easy to do this from the j)iil])it, be-
cause the people denounced are not usually there to hear. But none of
thèse excuses for the failure of the priest to gain a hearing for, and the
accomplishment of, his message ever satisfies the heart of a man wlio is
hungry to win other men to Christ.
What, then, should we, as priests of God, do in order to reach thèse
children who are negleeted, and to bring to them and to their parents
a knowledge of Christ and of Ilis toachings? TIavo we not kopt our-
selves apart too much from the daily life and interests ol" our i)eoj)k';'
Is it not a fact, in looking back on the history of the Churdi in years
gone by, that she has ever been the solace and the happiness and support
of the poor and wretchod in ail the différent phases of lier existciu'o?
We must not, in thèse latter time.>, allow lier to lu» deprived of tlie hon-
— 990 —
or whioh is justlv hers, and if modem démagogues are slandering her,
and tlirovvinçr dust in the eyes oi' Ihe people, we, as loyal leaders of the
armv of the^Lord, must be up and doing. We prieste, must, by ail the
means in our power, influence Catholie men and women of tlie nation to
corne down from the lofty pedestal on which their self-sufficient pride
and complacency hâve placed them, and make them go down with us
into the modern^slum, and bring Christ's message of peace, and hope, and
love into the darkened homes oî those seemingly abandoned ones. " The
awakening of the individual conscience takes time," and the maiority of
the individual Catholies hâve yet to learn the duty of " the individual
Catholie to the body Catholie."
The cry has hitherto been: what is it to me if others starve for the
bread of life? Am I my brother's keeper? Eemember it was Gain, the
first murderer, who hurled this défiance in the face of an angry God,
We are our brother's keeper; and the just God above will hold us re-
sponsible for the discharge of our duty in this respect. On thèse and
similar questions the great Pontifï, Léo XIII. of happy memory, gives
an answer in one of his encyclicals. " The path of improvement is
better assured and more quicldy traversed, the more we hâve the coopér-
ation of leading men with their wide opportunity of effective aid. We
would bave them to consider that they are not free to choose whether
they will take up the cause of the poor or not — it is a matter of simple
duty. What the weight of our obligations is, we may discern from the
proportionate superabundance of the good things we hâve received. He
who neglects to take up the cause of the poor, acts without regard to his
Personal interests, as well as that of his country. It is for Catholies to
take the initiative in ail true social problems, to show themselves the
steadfast defenders and enlightened counsellors of the weak, and de-
termined to be champions of the elevated principles of justice and Christ-
ian civilization." Surely, hère, there is an évident duty, and how are
the Catholie laity of our great cities diseharging it? In every parish
where the Confraternity is esiablished, the laity can be aroused to a,
sensé of personal responsibility, and an ai-my of zealous men and women
raised, who will assist God's pricsts to do battle for the faith that is in
them. By the means of this Confraternity the laity can be interested
in one of the greatest movements of the country, a movement destined
under Providence, to reform the System of catechetical instruction, and
impart to the rising génération, not only a more intelligent conception
of the Faith, but a greater and more abidino- love for it, and at the same
time to make of themselves véritable missionaries, to go among the
people, and préserve them from the dangerous and dishonorable tactics
of proselytizerg and false teachers.
Is not this the time to begin the work? Outside the Church ail is
hopf'less chaos and confusion on doctrinal matters : no one speaking with
anthority, everv man his own teacher, his own apologist, prophet and
guide, a véritable Babel of confusion being the unhappy, but inévitable
conserjuence.
Thoiightfiil men of the household of Faith are of the opinion that the
Catholie Church has a larger fîeld open to her to^day than ever before.
— 991 —
On the one hand, we hâve the inspiration proeeeding from ihe mastcrly,
matchless leadership of the ^reat and holy Pontilî who sitô in Peter'ij
chair, and whose sole object has been from the bepinning of his pontifi-
cate to restore ail things in Christ. On the other hand, the modem
spirit, with its déniai of ail things supernatural, is claiming more and
more attention until soon there will be nothing left outside the Church
but indifferentism and irrelisrion.
This will be the Church *s opportunity to bring back to men's minds
a true kuowledge oi the teachings of Christ, and to show them that Hi^
doctrines alone can supply the remedy for healing the ills of the nations.
In conclusion, it is most respectfullv suggested that a thorough exam-
ination be made of the workings of the Confraternity. Our Holv Father
lias honored the memory of its great founder St. Charles Borromeo, on
the three hundredth anniversary of his canonization, with an encyclical
letter, in which he characterizes him as a reformer in the true and
Catholic sensé of the term. This saint brought order ont of seeming
hopless chaos by this Confraternity, inspired zeal for soûls, not only in
the hearts of the clergy, but of the laity, and showed the world what
could be donc by those who hunger to save soûls for Christ.
The day of the Lay Apostolate has corne to stay in thèse modem
times, and what was donc by the great Archbishop of Milan can be at
least partially donc in thèse days of wider opportunities and more sub-
stantial resources. I repeat what was said above in this paper, that
where a ])ranch of the Confraternity is established, wisely, and prud-
ently, and intelligently, directed, not only are the chiklren more prop-
erly and scrupuously instmcted in the Faith. but real reform is effected
in the homes and lives of both children and parents.
ADVANTAGES OF THE PRIESTS' EUCHARISTIC
LEAGUE.
BY
Rev. E. POIRIER, S. S. S.
Its présent status.
BEFOTÎE presenting thi? paper to this distingnished audience, I wish
to state that it was planned at first to présent twn papers on this subject.
In order not to encroach on the time allotted to other papers only one
could be read. Both are embodied in the présent one. The author of
the first paper, or the fîrst part of this paper, is the Ifevercnd Selinger,
D.D., of JefTerson City, Mo.
In this paper on the advantages of the Priests' Eucharistie I>eague,
I désire to answer two questions: First, is there any guarantee for ad-
— 993 —
vantaires of siu-li a Leagiie in tlie historv of the Blessed Eucharist? Sec-
oud, what pec-uliar advaiitages can tliere be in tliis league at the présent
time?
The sacrifice and sacrament of the altar, distinct indeed in themselves,
though the hitter dépends on the former for its being, — were both given
in charge of His priests by the Lord at the hist supper.
" Do this in commémoration of me " is the pledge of His nnbounded
confidence in His priests. And how they ought to cherish that trust !
Xow it woukl seem that the Eucharistie League of priests thus formed
by the Master Himself needed no further help.
Yet the same who sat with Him at Table, left Him a few hours later
when He gave Himself into the hands of His enemies. " Let no man
take it amiss " writes St. John Chrysostom, " when we say the Apostles
were so imperfect; for the mystery of the cross was not yet consumm-
ated, neither had the grâce of the Spirit entered into their hearts." (66th
Homily ou Matthew). We learn that after Pentecost they persevered
in the breaking of bread. (Acts 2, 46).
But St. Paul found it necessary forcibly to remind the Corinthians
that the feast of love is the partaking of the Body and Blood of the
Lord. (1 Cor. 11, 27), St. Ignatius, martyr-'bishop, warned the christ-
ians of Smyrna that " some should not abstain from Eucharist and
prayer."'
The discipline of secrecy, which was observed in obédience to the
words of Christ : " Give not that which is holy to the dogs ; neither cast
ye your pearls before swine." (Matth. 7, 6.), withheld the Holy of
holies from unclean minds and carnal appetites for centuries, until the
V. century, when clergy and laity enjoyed freedom of worship, then did
the study of Christ in sacrifice and sacrament become matter of public
instruction.
Now, although there was no explicit attack on the Keal Présence by
heretics and schismatics in the early âges of the church, yet the Eathers
abundantly witness to the truth of it in their defence oî dogmas of the
Trinity, of Christ's nature and person, of the authoritv in the Church.
The relation of nriest and faithful to the Blessed Eucharist is that of
the body to the heart, according to the Fathers.
The Church never permitted thoughtless handhng of the Blessed
Eucharist: neither did she allow that central object of worship to sufïer
any détriment; it became necessary, however, at' times to lend fresh im-
pulse to the study and dévotion for it. The Doctors of the Church,
closely following the teac-hing of the Fathers, gradually ordered that
wonderful system of trutli regarding the Blessed Eucharist which we find
particularly in the Sunima of the Angel of the Schools.
The mystery of the altar, by the consummate skill of the Fathers and
of the Doctors of the Church, seemed thus safeguarded against doubt
and dispute in the future. Alas ! défection from suprême authority m
the church in the sixteenth century appearcd to make ail former labor in
vain. The words of our I^rd at the last supper : " This is my Body ''
and " This is niy Blood " were made spiritless.
In the sad train of that mis-formation those words were shadows
— DDo —
without substance, figures witliout life. Then came tlic Fathers in the
Council of Trent. Tliey suninioned the past to witness to the truth of
the Real Présence. Admirably concentrating the trutli, they formulated
the dognias («1' the Hlessed Kucharist. Faith in the sacred inystery, the
discipline of the sacrifice and sacrament of the altar were put beyond
cavih
The history of the Blcssed Eucharist does not warrant that dévotion
to it was kecnost when dispute about it was hottest, but it does assure
us that the faith fui resort ed to it when priests werc most zealons in
explaining and administering il. Xever was it more noticeably a foun-
tain of life and grâce, nor more truly a fulfillment of the Savior's pro-
mise: "Corne to Me ail ye thaï labor and arc burdened. and I will re-
fresh you/' (Matt. 11. 28). than when the pcople had their minds and
hearts directed to it by priests who were enlightened and devoted in its
purposes. St. John Chrysostoni justly insistcd on tlu' great care those
should havc Avho handlcd the vessels of the Lord. St. Thomas of Aquinas
places their love above the fear they should hâve for it ; " from love,"
he says, " arises the désire to receive the mystery ; from fear however
arises huniility of révérence for it.'' (IIT P. ^. 80, a. 10, ad 3).
The knowledge of the doctrine of the Mass and of the holy Commun-
ion was not notably wanting among the clergy of the early and later
middle âges ; yet at times and in some places the celehration of the sacri-
fice and the administration of the sacrament snffered by himian frailty.
When déniai and rejection of the Mass and of holy communion by those
who revolted against Mother Church in the sixteenth century became
alarniing, the priests were vividly impressed vrith their duty to guard
the Bodv and Blood of the Lord and to urge more fréquent approach
to the holy table. The doctrine of the Blessed Eucharist was made pré-
cise enough by the Council of Trent: yet the rigors of Jansenism res-
tricted the use of the sacrament. Fear, not love, was made to predom-
inate. Xow, however, fear i? superseded by love and désire for the Sa-
crament. thanks to T.eo XITT. of blessed memory, particularly to our
présent Holy Fatlier, Pi us X.
Thus the Priests' Eucharistie Eeague founded by the Blaster Himself
at the last supper, was, from time to tinu', prompted ])y fresh ins))ira-
tions. Such impulses may be safely ascribed to the lloly Spirit, since
it is nis mission to suggcst ail thiiigs whatsoever the Master had com-
manded. (S. John 14. 20 and 16, 13).
Can \ve claiiii auy such advaiitage for the Priests' Eucharistie League
founded in our time by tlie labors and zeal of Vénérable Père Eymard ?
I shall try to answer that question and meet an oljjection commonly
made against the league of priests inaugurated by him.
The objection mav be thus l)riefly stated : First, the tradilional method
prescribcd by the Church, for .the training of her ClergA- in the semin-
aries. ought to be quile sufficient to impart knowledge and zeal proper
to tliose who hâve the care of the Blessed Eucharist.
As a gênerai answer let it be noted that the api)roval and repeated
encouragement of Léo XTTI. and of our IToly Falher Pius X. of tl^e
Priests' Eucharistie League remove ail suspicion of variance with the
32
— 994 —
spirit ol" the Cliurch. There can be no undue refiection on traditioual
methods of study and piety fostered by the church in the training of
her clerg}', when so many bishops and priests think it profitable to Join
the Loague. Its aims are not exclusive, neither does it tend to make its
members exclusive. It does peculiarly foster dévotion to the Blessed
Eucharist. It urges its members to spécial study and care for every-
thing pertaining to the Blessed Sacrament.
Spécifie answer:
The priesthood of Christ shaJl never fail. The inexhaustible source
of love and dévotion for the real Body and Blood of Christ is contained
in the very character of the piiest. He impersonates Christ never more
than in the sacrifîcial act of mass, and when he administers the Sacra-
ment to the flock. An association of priests, however, whose purpose il
is to intensify and extend knovt^ledge of the hidden Lord, to effectuate
His désire to be food and life for starving multitudes, is certainly a help
to priestly energv which easily wanes in the struggles of modem life.
For, what is the end of the Priests' Eucharistie League ?
Ist. It is, as you know, to respond to the désire of the Eucharistie
Heart, by drawing doser to the same the heart of the priest, by means
of prolonged weekly visits, and more fréquent daily visits. Thus the
priest is brought into doser relation with the Source of the priesthood,
the Author of his Sacerdotal grâces. Not the least among thèse grâces
are the deepor knowledge lie acquires of his Master, the more fervent
affections of his heart, and the more solid purposes of his will thus en-
gendered.
2nd. The faithful member of the P. E. L. will not only be a better
adorer when he adores ex officio at Mass and while administering the
Sacramonts ; but he will be ail the more active and successful in im-
parting knowledge and love of Christ to the people in his care. Through
him they will draw more abundant grâces, as he does himself, from
the ever efficient Source of ail virtue and holienss, the Holy Eucharist.
When he preaches, hears confessions, and converses, his intense sacer-
dotal spirit will show in his words and countenance.
.'{rd. To maintain and devdop in the priest the spirit of prayer is an
advantage issuing from tbe l.eague that we must not overlook. " Mental
prayer is to the priest what the wings are to the bird," said Pope Pius X.
to the students of the American Collège in Eome. The Vénérable Father
Eymard conveyed a similar idea when he said equivalently that a plant
droops down when it lacks moisturo, amd so does the priest when mental
prayer is lacking in his daily life. Of what help, then, will not be to
the member of the P.E.L. his hour of adoration, which brings him for
a whole hour at the feet of, and on the heart, and under the immédiate
influence of, his sacramental Lord and sanctifier.
I
Oiigin and présent status of the P. E. L.
That tlic <';iergy at large has appreciated the Priests' Eucharistie
U-ague and has Bought to reap the spiritual advantages it offers, is
— 995 —
évident from the figures given by tlie Central Direction. At présent,
there are 97,000 members enrolled in the P. E. L. aniong the variou^
nations of the whole world. This inchules 12 Cardinals and 240 Arch-
bishops and Bishops. Wliat a giorious army ! " Oh ! tlie adoration niade
by the priests, how great is this work ! " said the holy Jean Marie Vian-
ney, the Cure d'Ars, when he congratulated Père EvTiiard on its insti-
tution, and gave his name to be one ol' its first nicnd^ers.
How was the Priests' Eucharistie League appreciated in the United
States of North America ? The answer is given in the following lig-
ures: There are at this tinie 8,015 members enrolled l'rom the American
clergy, several hundreds of whom are Eeligious. In spite of the many
exercises of piety to whicli they are bound by Kule, they wish to joiu
with their brethren of the Secular clergy in the watch before the Pris-
oner of Love. In Canada there are 2450 P. E. L. members.
The first Bishops of the United States who gave their nanies to the
Association were Mgr Goesbriand, of Burlington, and Mgr Neraz, oL'
San Antonio. Owing to their influence and to that of the Sulpician
Fathers, of Baltimore, there were recorded, after a while, 54 Americaai
members, and through devcted priests like the Eeverend Fathers Didier^
of Baltimore, Bachman, of Louisville, Brinkmeyer, of Cincinnati,-
Rainer, of Milwaukee, Brockmeier, of New Orléans, Meckel, of Alton,
111., Vaillant, of Green Bay, and Lowney, of Providence; and soon after
the League began to spread in the diocèse of Louisville. In was in.
the year 1891 that the attention of the Bénédictines of St. Meinrad was-
called to the Association, and the Rev. Bede Maler, 0. S. B., by request
of the Central Division at Paris, assumed the gênerai direction for the
United States.
In order to extend the influence of the Priests' Eucharistie League
over the whole body of the American clergy, it was resolved to imitate
the example of the European unions, and to organize a Eucharistie
Congress which would call public attention to the existence of the asso-
ciation, and arouse a common interest in its work. As a preliminary
to the proposed Congress, it was deemed necessary to hold a convention
of the active members, so in response to the invitations sent ont by
the Kt. Rev. Camillus P. Maes, Bisliop of Covington, on February 2,
1894, to a number of Bishojis and priests, the following assembled at
the bishop's house, Covington, Kentucky, on the feast of St. Thomas
Aquinas, Bishop Maes presiding:
Most Rev. W. H. Elder, I). 1)., Arc-hbishop of Cincinnati.
Very Rev. W. Cluse, V.G., Belleville, Illinois.
Rev. Jos. A. Blenke, Covington, Kentucky.
Rev. Bede Maler, O. S. B., St. Meinrad's, Tndiana.
Rev. Henry Brinkmeyer, Cedar Point, Ohio.
Upon the assurance given by Rev. B. Maler, O. S. M., that the Very
Rev. Provincial of the Fathers of the Holy Cros.'^ woidd gladly ]H'rniit
the said convention to be liold at Notre Dame Univorsity. it was rosolvrs]
to hold the convention at Notre Dame, Indiana, on Tuesday and Wed-
nesday, the 7th and 8th days of Augxist, 1894. The minutes of thi
preliminary meeting, together with an invitation to the convention, were
sent to ail the associâtes.
s
— 99G —
Tlio convention was o|)enc(l on tlie appointed <lay. Six bisliops and
175 secnlar and roijular clci'gy, representing many archbishops and
bisliops, werc prosent. Solenin cérémonies were held, practical and in-
terosting papers were read. It was deti'rniined to hold a Eucharistie
Consires's in 189:), and the Et. Rev. Caniillus P. Maes was elected Per-
manent Président of Encbaristic Congresses and Conventions.
Througli the oencrositv of tbo L'ev. H. Heuser, Editor of the Ameri-
can Ecclesiastical Keview, a Eucharistie îs^umber was issued in Nov-
ember, 1891, and contribnted hirgely to the success of the first Congress
that wa* held in Washington, m 1895, and paved tlie way for the
appearance of the Emmanuel, the Officiai Organ of the Priests' Euch-
aristie League, edited by the Rx. Rev. Protector of the League, the
Bishop of C'ovington.
Verv favorable, indeed, to the growth and steady progress of the
Priests' Eucharistie League was the officiai récognition of the Most
Révérend and \'ery Révérend members of the Hierarchy.
The 2nd convention A\as held in Notre Dame, in 1897. Diocesan
Directors were appointed in the course oF time. There were ah-eady
()2 appointed at the time of the 3rd convention in Philadelphia, in 1899.
Directors were appointed also for the various Religions Orders. The
Révérend directors, both religions and secular, hâve ever been a great
factor in increasing the membership and the strength of the League.
They are now 113 in numbcr.
The Diocesan Conférences, which are often connected with the annual
clérical retreats, bave also proved to be a very powerfui means to renew
and maintain the life and spirit of the League. Sixty-six Diocesan Con-
férences bave been held u]) to the présent date. They are held annually
in (ireen Bay, Sacramonto, Pittsbnrg, Albany (Oreg.), Détroit, London,
(Ont.. Can.) ; and from time to time in Louisville, Los Angeles, San
Francisco. Harrisburg. and Xew Rork had also a conférence.
The 2inl gênerai Congress took place in St. Louis, in Oct., 1901. The
Rev. Father Kede Maler, 0. S. B., and the Rev. Fr. Vincent Wagner,
O. S. B., the '2nd Director General, lent to its préparation their intelli-
gent and untiriiig labor. The ;5rd one was held in New York, in 1904,
and the 4th one in Pittsbnrg, in 190G.
The 4th convention was held in Notre Dame again m 1908. In ail
thoBe circnmstances the League benefited by the watchful and devoted
supervision of our Rt. Rev. Protector.
The Eiiglish-speaking members of Canada now correspond with the
New York Center. Wc reckon among them 255 subscribers to the Em-
manuel. I<i9 copies of the Enimanual are mailed to Treland, England
and Scotland every iTionth. Through the Rt. Rev. P. V. D^vyer, Bishop
of New South Wales. the League luis been started in Australia with a
membership of 52. 13 copies are mailod to the Republic of Mexico, and
a few members scattered in far distant lands such as Asia, Africa, and
Ocoîinia. 18 in number, still wish to remain in touch with the American
Itranch. Apart froin al! thèse, there are siill under the shadow of the
Stan» nnd St ripes 8035 members, as we said in the beginning, which
c-onstitutcs a membership almost erjual to that of France, the land of
the birtli of the Sacerdotal Confraternity. It bas always been deemed
— O'j: —
désirable that priests sliould join tlie League and begiu to coinply witln
its requiremeuts froin the tiiiie of their foniiatioii in tlie Seniinarv.
Aeordingly notices liave been sent, invitations bave been extended, and
the League lias been fonnally organized in 9 seniinaries of the U. S.
But can we say that the League in the United States is yielding its
fuluess of glory to the Euebaristit- Lord and of spiritual help to the
Heverend Associates y (an \ve assert in triitli that tiiere are as niany
hours spent each week before the Most Holy as there nw numbers on
the Koll ? It is the duty of the lîeverend Menibers to reimit to the
General Direction on this inatter, and tins is considered of vital import-
ance to the weli'are of the League. Many nieinbers bave (onfessed \vith
edifying bumility that they are guilty of omissions, and bave promised
not to fail in the future. A goodly number invite their ])eople to join
"with them in the weekiy hour, and of this due notice is taken at the
office of the General Director. As to the rest wbo do not return lihelli,
or Write on this subject at least once a year, we are conipelled to remind
them fraternally, and inquire of them how matters stand. Lately 3000
reminder notices had to l)e sent. May the spirit of Eucharistie piety
prevailing at this time inspires them with renewed fervor if they bave
been faithful, and with good resolutions if they bave failed.
Priests' Commiinioii League.
During July, lOuCi, a iiew Association of l'ricsts, called in ordinary
English, " The Priests' Communion League," was established by Cardinal
Kespighi, in the church of Santo Claudio, at lîtmie, and was immediately
raised by Pope Plus X. to the dignity of AiH-bconfraternity, (Archias-
sociatio, Priniaria), privilèges giving a ])lcnary Induulgence to pénitents.
The object of the League is to spread the practice of fréquent and
daily Communion in confonniiy with the Decree of December 20, 1905,
on daily Communion, by the apostolate of prayer. of preacbinir. and
of tbe Press.
The Priests' Eucharistie League lias been entrusted with the Cîire of
recruiting members for this new Sacerdotal Confraiernity, and fostering
its interests through its already existing nionthly bulletins.
In spite of invitations and exhdrtations sent to tlu- Clergy at large,
it has not yet spread in the majority of the Diocèses as it was oxpected.
Some scem to tbink that a nuMuber of the P. E. L. may bc considered
as being ipso facto a mcmber of the P. C. Ti. The Poman Congrégation
requires that for even* Archconfraternity one should expresse bis désire
in order to be admitted into it.
We, the members of the P. E. Ta, ought to consider ourselves lionnd
to give pur Iieloved Sovereign Pont i fi' the consolation of a large member-
phip in the Priests' Communion league. Of tbe 40,000 eiuolled in the
Avholc world, the American Hranch has only L209 members. We beg to
urge ail our Peverend Associates to express their intention in this regard
to tbe General Dirci-tion, and increase the memlx-rsliip to sevi'ral more
thousands before anotber year ha-s ela|)sed. A new fleld for our zeal
has just been openod by tbe Decree on the âge for first Communion.
— 998 —
Let us put aside our former ideas on tins, niatter, aud accept in ail cheer-
fulness tlie conimand and the guidance of our illustrious Sovereign
PontiflP. It is duo lo our glorious past that as our nunubers grow in the
Sacerdotal Loague l'or adoration, so they grow in the League for the
Apostolate of fréquent and daily Communion.
Total numhor of memhors enrolled in New York Contre 9593
Secular Triosts 'î'775
Religious ''8'i
Foreign membors 489
Deoeased monihoi-s 168
Cancelled memliers 376
9592
Présent number of members 8.997
Xumber of members residing in the United States 8,015
Number of Dioccsan Directors 113
Number of Seminaries where League is organized. ... 9
Number of Archbishops and Bishops 49
Number of General Congresses 4
Number of General Conventions '. . 4
Number of Conférences 66
Number of members in Priests' Communion League 1 209
Foreign members (Détail). Eeligious memhors (Détail).
British India 1 C. M 30
Xow Zealand 1 C. P 10
India 1 C. PP. S 77
•^pain ] C. S. B 6
•lapan 3 C. S. C 113
«bina 3 C. S. SP 45
fîuha 3 C. S. S. E 12
Africa -î 0. C. C 4
Irobinil 11 0. P. M. . . . 187
V.ngVam] 87 0. M. C " ' " 38
ScotlamI 1 0. P 64
f'^nada 255 0. S. A .13
.Vij.^tralia 53 O. S. B '.69
5
12
S. V. D 6
^c^ico 13 S. J
Tliih'ppini- Isbinds ;?. S. S
438
669
— 999 —
FOSTERING VOCATIONS FOR THE PRIESTHOOD.
BT
REVEREND R. NEAGLE.
IT is scarcely necessary to eniphasize the importance of the subject
proposed for our considération.
In the divine plan of rédemption, the very life of Christ's Church is
made dépendent on the ministry of His priests. The care of the real
body of Christ, the Eucharist, and of His mystical body, the Church, is
left in the hands of the anointed and consécrated " dispensers of the
mysteries of God.'"' Without a sacrificing priesthood, no Eucharist Pré-
sence on earth, no Emmanuel ; without messengers to " go forth and,
teach ail nations," God's message to men could never reach their minds
and hearts. For, "how shall they believe unless tliey hear?'"'
The priesthood, then, is necessary to the fulfilment of Christ's mis-
sion for the salvation of mankind. Now, God in His wisdom always
provides the means to the end; as in the beginning of Christianity He
chose and called ministers to do His work, so, now and always, must He
provide vocations to His holy prieshood. On God's part, therefore, there
can be no dearth or defect of vocations ; but on the part of those f avored
by the Divine call, there may be, and alas there is often, and in many
parts of the world, a neglect to respond to the voicc calling them to a
life of sacrifice in God's service. For a vocation to the priesthood, is not
a compelling grâce. Very few are summoned miraculously, like St.
Paul. Men may and do turn a deaf ear to the voice, and shut their
eyes to the Vision; and hence, it remain? true, now as of old, that " tho
harvest, indeed, is ripe, but the laborers are few," and that we must stilL
" pray the Lord of the harvest."
In some countries, and at some times, there may hâve been no diffi-
cultv in finding abundant vocations to tho priesthood, Ijecause the world-
ly attractions and absence of hardship prosentod the sacrcd ministry as
a career of honor and émolument. Under such conditions, those re-
sponsible for filling the ranks of the priesthood must hâve folt their
duty was rather a sifting than a fostering of vocations, to disoem the
true from the false, and keop the wolf in sheep's clothing out of the fold.
But under normal conditions, there seems to be nearly always and
everywhere a scarcity of priests for the work of the Church, and a dearth
of vocations for the sacred ministry. Tins is naturally the riile in our
new world, and in missionary régions of the earth; but even in the old
Catholic countries, where now "the people devise vain things, and the
princes meet together against the Lord and again.<;| Tlis Christ," ovcn
in those lands which havo l)oen enlightened bv tlic sliining example of
myriads of holy priests and bishops for more than a thousand years, yet
where now the Church of Christ is denied her ri<rhts and hampered in
the fulfilment of her divine mission, it will not be strange if the lessen-
— 1 000 —
eil prestige ot" tlie clérical order, and tlie liardslii|)s of the priest's lifq
make it im-reasiiiirly difficiilt to recruit the ranks ol" tlie ininistry.
Hv the divine constitution of the Church, the responsihility of pro-,
vidiiiir priests for the holy ministry is incumbent on the bisliop; to him
alone'is given by Christ the power of propagating, of per])etiiating the
levitical line : and it niiist always be liis first and chief care and solici-
tude to fultil this apostolic duty, to provide worthy niinisters of Christ's
rfacranients for the flock over Avhich the Holy Gliost lias placed hini to
rule. For tins reason, popes and councils hâve been raost insistent that
hisliops niake provision for the projjer éducation and training of can-
didates for the sacred ministry. The decrees of Trent are well known,
and they are repeated and einphasized by Sovereign Pontiffs and by
lix-al councils the wide world over.
But, while the Church places on the l)isho])iS the responsibility and
duty of providino- for the éducation and training of candidates for the
ministry, they hâve a right to the coopération of priests, especially in
tlie sélection and early guidance of proniising youth. Priests engaged,
in parish work, or in schools and collèges, corne into close and more
intiniate touch \vith bo.ys and tlieir parents, and tlve Church looks to
them to discover the early signs of a holy vocation. The Council of Bal-
timore says, in substance, that as it is of the highest importance thaï;
the future ministry of the Church be formed to piety and learning with
spécial care, even from their earlicst years : therefore, \ve exhoii;, and
earnestly entreat pastors and otlier priests to be ever on the watch for
priestly vocations among the boys of their charge. If any such are
found, of good natural (pialitics, inclined to study and piety, givinghope
that tliey will hear and lieed a call to dévote their lives to the service of
God in the salvation of soûls ; lot the priest f oster their youthful aspir-
ations, cultivate diligently thèse proeious seeds of a vocation, and with
paternal interest direct the boys in their early studies, and in the prac-
tices of piety. Parents also should be advised by the priest, that as it
is an ujispeakable favor from heaveii for a cliild of theirs to be called to
the high and holv dignity of God's priesthood, they should try to guide
the boy, by word and example, to the fui filment of his holy désire, and,
be willing to make even great sacrifices to this end. But if, as some-
times happens, good parents fi'oni oitlior a ])ioiis or a worldly motive, are
ambitions to urgo fonvard to the ju-iesthood a boy who lias no'sig-ns of a
vocation, then it l)ecomes the priest's duty, hovvever nni])leasant the task;
may be, to point out with tact and firmness, the mistake the parents are
making.
The priest, then, is ordinarily the messenffer who is sent by God to
suggest ihe Divine call to Ilis cbosen ones. liow many of ns, révérend
fathers, can look back to our Ijoyhood days, and bless the memory of
«rmie good priest who was Christ's spécial amhassador, bearing the ]ness-
age wliich siinimr)n('d us to take the Lord for our inheritance. Our
hearis Icaped with joy, yet wore alniost friabtenod ai the tbought that
po.s.sibly the vagiu; aspirations and day-dreams of cbildbood miglit be-
rome a reality; tliat we niight some day aseend the bolv mountain, and
Htand Ht the altar of flod. Siin-lv, wïiilc lifc lasts and we are ahle to
00.
o
— lUOJ —
offer the Holy Sacrifice, we can ncvor l'ail to iiiako a mcinenlo of suck
a friend of oiir soiil. Xow, l'or wliat sonie gooil |)ricst niay liave dono
for us long ago, we can make tlic best requital, if now in our turn \\c do
for others what lias been donc for ns.
And liow shall we set about ^ In the first place, onr people, the par-
ents of our possible candidates for the niinislrv, nced instruction as tq
the meaning and signs of a vocation, ami the necessity of guarding it
from being lost amid the allurenientâ of the workl. For we cannot shut
our eyes to the fact that ours is an âge of self-indulgi-nco, rather than of
sacrifice; aud that parents, as weil as children, are apt to be carried away
with the spirit of the world, which is not the spirit of Christ. The
home is the first " little seminary,"* and the parents are the teachérs,
who must answer to God for tlie sacred trust imposed upon theni. \\nu'n
the pastor or other priest discovers marks of a vwation in a l)oy, a few
words to the parents may awaken in them a pious désire to hâve their
son a priest, and hearten them to meet the obligations con.se(|uent on
such a heavenly blessing in the family. Brothers and sistcrs may be
fired with a générons enthiisiasm to coopei'ate in the good work. Sonu'-
tinies it may be necessary to admonish tlie father or mother not to put
obstacles in the wav of their child's vocation, warning tliem of the risk
to their own salvation. if thoy siiifidly stand in tho way of what apjH'ars
to be a call from God; reminding them of the incalculable good a priest
may do the world as God's instrument for the conversion and salvatior^
of thousands of soûls which, but for His ministry, niight hâve been lost
forever. The zealous priest will find many ingénions ways of convin-
cing parents of their duty beforo (iod, and of ])ei-siiading them to the
f ni filment thereof.
Then, ihc l)ov himsolf should be keyed up to a pitch of enthusiasni
for his sacred calling. enoouraged in his studies and ])ious iiractices, and.
watched over with ])atenuil care and affection, as. perhaps, a '' vessel o£
élection," throiigh whom wondcrful things may be wrought ])y the Al-
mightv. A boy witli a real vocation should possess, at least, the germs
of those (jualities re(|uisite in a priest: for. "the boy is the father to the
man,"' and the grâce of ordination does not change the natnral (|ual-
ities. We do not look for perfection — far from it. priests are men,
not angels ■ — l)nt the boy witli a vocation .«hould be candid. sincère,
open-hearted. There is. or shonld be. no room in the priesthood for men
who are insincere, deceitfnl. untrnthful. The candidate for tlic ])riest-
hood should l)e a vouth who bas not the spirit of avarice, of greed. whiek
manifests its^elf sometimes even in small <hildren. For we want no
priests who love what the Aposth- calls fihhy Incre. whose heart is in
money and the thinss that money stands l'or. " Yon cannot serve God
and mammon,"' is doubly true of a priest. for tlie love and, quost of
money dries up the very spirit of the priesthood, the zeal for tlie salva-
tion of pouls.
Tlie ])0v is untnrallv a li(M'o-worshii)i)cr. Let us test him witl» storu'S
of the heroic missionaries who watcred tins very land with their sweat
and blood, and of the thousamls of brave priests who hâve left lionie
and countrv. and ail that men hold dear in Ibis world. wh<. take their
— 1003 —
lives in tlu'ir liaiids and go fortli to the utteniinst bounds of the eartli,.
not in soaivli of gold or diamonds, but to gain soûls for Christ. We
ought to luive missionary vocations among our boys ; but even if a lad
who has a vocation be not called to carry the Gospel to the heathen, he
niust, at least, hâve the aiiissionary spirit, the zeal for soûls. I would,
uot give mucli for the vocation of a boy whose blood does not tingle, and
whose eye does not flash with youthful enthusiasm, as he reads or listens
to the story of the heroes and martyrs of Holy Faith.
It is the teaching of expérience that vocations are most common among
the poor. Xow, as among the first Christians, there are " not many rieh."
But this same fact brings us face to face with the very practical quest-
ion : " How shall the poor boy, who wishes to be a nriest, be enabled to
meet the expense of a long course of study ? " Far more could be said
on this point than we hâve time for to-day. Brieflv, if the boy or young
raan feels that he has a religions, as well as a priestly vocation, he will
hâve little or no diffioulty, as the religions orders and congrégations are
commonly willing and glad to provide preparatory, as well as higher
éducation for promising candidates. Those who aspire to the ranks of
the diocesan clerg\', however, hâve a more serions problem to solve.
Ordinarily, the burden of their preparatory training must fall on them-
selves or friends. If a priest has any nieans at his command, what
better use could he make of it than in just such aid to worthy poor stud-
ents ? And among the good people of every parish, there are some who
will cheerfully contribute to a fund, to aid poor stu dents. ■ Such a cause
will appeal to thcm, as does the work of the Societv for the Propagation
of the Faith. But, it is unquestionably advisable that such aid be by
loan, not by gift. Again, Catholics of means would be encouraged to
establish burses or scholarships for the benefit of students for the priest-
hood, not only in the seminary, but in preparatory schools. And hère,
let me say that, until we hâve preparatory seminaries for the early
training of candidates for the priesthood, as called for by the Church,
we filiall continue to lose countless precious vocations on their way
through the mixed or secular high schools and collèges.
Those of us who live in prospérons diocèses, well provided with priests,
may be tempted to forget the needs of less favored parts of the world,
where priants are few and vocations wanting. Let us look abroad, to
where the field is ripe for the harvest, and there are not laborers to
gather it. Four-fifths of the human family are still outside the truq
foid, and tliey are God's children, our brothers, for whom the Precious
Blood was shed on Calvary. There is work for an armv of priests, to
go forth and conquer the world to Christ.
To Bum up : A vocation to the priesthood is a divine call — " You
bave not chosen Me, but I hâve chosen you," — and God surely calls
men to do the work of ITis ministry. But not ail who are called respond
to the invitation, and there is consequently a constant and nrgent neces-
fiity of fo.stering vocations to the priesthood. The responsibility of fill-
ing the ranks of the diocesan clergy devolves on the bishop, but he has
a nglit to expeet the aid and coopération of priest and peojde. Priests
engaged in pari.sli and school work bave the ])est opportunities of dis-
— 1003 —
covering promising vocations, and their zeal will prompt theni to
encourage and foster the gift ot' God. Occasional sermons on the priest-
hood, at the time of the gênerai ordinations, or the collection for the
seminary, or at the first Mass of a new priest; instructions on Yocationt>
to sodalities and the older pupils at schools, paternal interest, and, pcr-
haps, financial assistance for the collège hoys and seminarians, — thèse
and other wavs of fostering vacations, will suggest theraselves to the
zealous priest.
But, may I say in conclusion, that the surcst, best. most effective
power to discover, develop, and foster vocations among the youth of our
flocks, is, the example which may be set before them. If we are ail that
we ought to be, zealous, charitable in though, word, and deed, disinter-
ested, with an eye single to God's glory and the salvation of soûls ; if our
light so shine before men, that they see in us the spirit of the Apostles,
nay, more, of the Lord Himself, making us, " other Christ's," ah ! then,
there can be no lack of vocations ; our generous youth will rush to aid us
in our work, and carry it on when we must perforée lay down our arms
and rest from our labors in the peace of God.
MEN'S SOCIETIES AND THE MOST BLESSED
SACRAMENT.
REVEREND M. J. O'BRIEN, D. D.
THE subject of this paper is '• Men's Societies and the Most lloly
Eucharist," and its purpose is to set forth what may be donc by organ-
izations to further the dévotion of our men to the Blessed Sacrament
of the iVltar.
There is a trite, but respected saying, that a country can never rise
above the level of its women. Undoubtedly, there is much truth in this,
but I think it equally certain that a people cannot long remain virtuou^
if its men are vicions; and that practical religion is as much the orna-
ment of man as it is the adornnient of woman. I shall vcnture further,.
and say that men, especially the young men, should be the object of the
very greatest solicitude and of tender care on the part of Pastors of
soûls. By destinv, men are leaders and rulers; they niould public opin-
ion, shape the poïicy, and détermine the future of every nation. Strong
by nature, they leave their impress upon every page of historv; their in-
fluence prédominâtes in the family, in the neigliborhood, and in the
country. Thev may constitute thomselves tlio valiant defenders of
Church and State, or they may become the implacable encmies of ail
religion and civilization. "Witiiess the struggles of the Church in past,
âges. Is it not a fact that in almost every case, it lias been men thai
— lOÛi —
arvayod Ihoiiisclvc?; ajyaiust revealed tnitli? Consider, too, tlie Pefend-
crs ôf Faith and :\lorals. Apart froni tlu; âge of tlie niartyrs, has it not
boeii our mon wlio slood in tho foremost ranks, as the intrepid eliam-
pions of Christianity? In our own days too, who are at once the de-
terniincd assailants "of tho libirty of ("liureli and its cnnraoooiis defend-
ers. wlio tlie ononùes of virtuc and the proniotcrs of justice and peace ;
who, in a word, liave tlieir hands raised to smite the Great God and His
Churoh, and on the otlier sido are defending tJiese with nnrelenting
cnorgv? The answer, in one case and the other, mnst imiqnestionably
be, the men of to-day — men, sinful or virtuous; men, slaves to vice and
Satan, or men ac-tuated, strengthened and encoiiraged by Divine Grâce.
Sinoe such is the part of men in the drama of life, since their influence
is so great and far reaehing, since their power, by word and example, is
so effective, does it not follow tliat Pastors of Soûls should bend every
energy to lead thcm to God? Should they not look to tlieir men, I
M-ouhl 8?k. liefore every other interest and endeavor to estahlish inthem,
suroly and solidly, the foundations of religion and virtue. And yet do
M-e iind tbis done in practice? Do we iind spécial efforts put forward
in every parish on behalf of our men, young and old? Must we not
rather confess that while nearly every parish has its young ladies' Sod-
ality, its Married AVomen's Guild and Circles, the men's societies and
organizations are frequently overlooked?
I am not speaking of benevolent or social institutions which, while
they may hâve praiseworthy objects, hâve no religions end in particular
view as reason for being. Xeither do I refer to Societies which hâve
for their spécial objcct dévotion to the Holy Eucharist; but I speak of
parish organizations which hâve some religious purpose in view, such as
a Holy Xame Society, a Total Abstinence Society, or some such organ-
ization having for its immédiate object the practice of some particular
virtue. Thèse I claim should flourish in every parish, and thèse, I am
certain, will increase dévotion and piety among men, will awaken and
foster a greater love for the Chureh among them, and Mdll be a most
powerful means of drawing men to the adoration and the more fréquent
réception of tlie Blessed Sacrament.
And, in truth, this must be the case, for, as I hâve said, I am dealing
with Societies which hâve, for their immédiate object, the practise of
ponie particular virtue — hence, a supernatural end, and, therefore,
Hupernatiiral means must be employed, the greatest of which is the ré-
ception of tlie Holy Eucharist.
Jjet the priest who is organizing a Society keep this well in mind, and
let him imprcss this tnitli upon the members. Other means, invaluable,
it is true, may be used; but, compared with Holy Communion ,in fur-
theringthe desired end, they must be regarded assecondary. In this way,
the ohaplain of tlie Society will be more assured of the accomplishment
of the object of the organization, and will become an apostle of Fré-
quent C'oniiiiunion for men.
The f|iH'j*tion wliidi naturaljy suggests itself is, liow often should
tliefie men receive Holy Communion? The answer, undoubtedly, must
he " that tlH' dailv froquentation of the Sacraments is a thing most des-
_ lOÛ.") —
irable " for our men, as for every one else. '" I ought to be ahvays
receiving, since I am always sinning/" says St. Ambrose, and surely, tho
men of to-day are more exposed to sin and temptation than any otJior
part of God's Chureli. Moreover, Christ mado no distinction wlien Hc
uttered thèse sacred words : " He that eateth My flesh and drinketh My
bk)od abideth in Me, and I in hiin."" Ile that eateth Me, the saine shall
live by Me."'
There may be parishes so blesâed, that ail who \\i9h may receive daily
the Bread of Angels. However, I know of none so singularly circum-
stanced. In most cases, and I speak especially of Ontario, our men must
be to work at an hour in the morning which i)rcvents them rweiving
Holy Communion every day.Tlie professional class and the men of leis-
ure are generally a small minority in the average parish. Except in
rare cases, tlierefore, it would seem that the majority of men cannot re-
ceive Holy Communion every day. Can they every Aveek? The majority
could; but I feel safe in saying that, for the présent at any rate, they
will not. Will they go every month? This much, at least, is to be desir-
ed and worked for, and in the furtherance of this end lies, I daim, the
great usef'ulness of our Catholic Societies. Left to themselvt's. or ap-
pealed to from the pul})it, or preached to upon the glorios of tlic Blessed
Sacrameut, the vast majority of men will not approach this heavenly
Banquet once a month. United, however, into a compact body, per-
suaded of the necessity of Holy Communion for tlie advancement of their
cause, men will be led surely and cerlainly to a more frecpient réception
of the Sacraments. Tlierefore, hâve I said, should an active men"s Soc-
iety exist in every parish.
How is this to be aooomplished? It must be dono gi-adually. ilcn
are not easily moved from habits which bave beconic traditions. The
Communion once a year, at Easter time, or at most, another at Chrismas
tide, has become too widespread a custom, especially among older men,
to ])e suddenlv clianged into a monthly rwejition of the Sacraments. I
am not unmindful of tlie excellent work donc by tbe Leaguc of the
Sacred Ileart; neither do I wish to discount the success attained by it
in the matter of monthly communion : but I must nevertheless hold that
the monthly communion, for the great majority of our men, is. to-day,
a thing to be dcsired, and not yet an accomplished fact.
The skillful Director of a men's Society, in insisting upon the neces-
sity of the Sacraments, will résolve, for a beginning, to hâve his men go
to Holy Communion in a body three or four tiines a year: in fa<t. ho
mav make quarterly communion a condition of achnission into the organ-
ization. The dates for this should be incorporated into the rules of the
Society, so that each member may know far in advance his duties on a
given day. At the regular meetings the Chaplain will insist upon tlie
help and grâce to be derived from the réception of the llolv Encharist,
and as the time for the regular Communion approaches, he will exhort
every member to be présent on the appointed day.
Arrangements should be made to hâve the day, presumably Saturday,
preceding Communion conserrated to hearing men's confessions oïdy,
and to p'rovide a sufficient numbcr of confessors, in order to avoid ted-
— lÛÛG —
ious delavs. Au excellent practice, especially in parislies where there is
onlv oue'priest, is to invite some outside confessors to assist, under th^
pretext of avoidina delays, wliereas in roality an extraordinary confessoï
is providcd — a convenience wliicli a goodly number may possibly ap-
prooiate. ^ , ^ , j! ±1.
It may bc opportune to suggest tliat the penance be short ±or the
average man; lie will be sure to say it, and encouraged by a kmd récep-
tion is niado a couvert to the usual Society Communion.
The Communion on the morrow should be a corporate one, if I may
use the expression. That is, places should be reserved in the church for
the members who will corne in a body, receive Holy CommunioA
together, and retire in procession to their hall, where, with their chap-
lain, they will say some prayers of thanksgiving, and renew their pledges
or promises made on joining the Society. Almost every organization
bas some distinctive badge or pin. Thèse should be worn on such
occasions.
In suggesting tliis, I am not advocating an empty and ostentations
démonstration; but I contend that it is a proclamation of faith and
loyalty to the Holy Eucharist, which will hâve far reaching efîects for
tlie betterment of the members themselves, and for a spiritual awaken-
ing in the hearts of thosc who witness such manifestations of piety frora
time to time.
That the members are assisted and benefitted will be readily admitted
by every pric.st who bas tried the experiment, and will be attested to by
every man taking part on such occasions. The yearly, or half-yearly
communion will give way very shortly to the communion with the Soc-
iety. None of the objections so often raised by mcn against approach-
ing communion more than once or twice a year will be heard ; and in a
short time the men themselves will look forward to communion day as
one of grâces and blessings. And, indeed, hâve we not Christ's own
assurance of the favors He will bestow upon two or three gathered to-
gether in His Xame? What \n\] not be the blessings upon a large body
of raen assonibled, not only in ITis Namc, but to partake of the Ban-
quet He has prepared for them.
Granting that a certain number of men receive communion in this
manner quartcrly, thèse démonstrations will certainly be member get-
iers for the society, and convert-makers to more fréquent communion.
The influence of example obtains hère, as in other things, and expér-
ience proves that a meeting of a society on the day of Holy Communion
will always witness a good influx of now membens. In a word, I would
say that a parish having a good live Society, approaching in a body Holy
Communion regularly, is singularly blessed. Go to any Community
where such a custom has provailod and scores, aye, hundreds are to be
found rcgular communicants who were heretofore absolutely careless, or
at hcst, approachcd the Holy Table once or twice a year.
I hâve Bcen in the short space of eight years, men's quarterly com-
munion increasod from about fifty members to six or seven hundreds.
This wa.H duo, of course to incrcaso in membcrehiD of the organization
roferrcd to, but rociprocally the incrca.se in membership was due in large
— lûo: —
measure, to thèse demonstrationâ of Faitli and Dévotion to the Holy
Eiieharist.
Having established iirmly and solidly the praetice of quarterly com-
munion among the members, the director of the Society will, conform-
able to the désire of the Holy Father, set himself about "the task of hav-
ing his men approach more frequently, even monthly, tlie Blessed
Eucharist. What a blessed sight to see scores, possibly hundreds of men
receiving Holy Communion once a month ! Gathered from every corner
of the parish, busy in many différent occupations, of various grades in
the social and financial world, there must be joy in Heaven at the sight
of them, kneeling on the sauie levé], and partakiug of the same Heaven-
ly Banquet Christ has prepared for them. Blessed is the priest who
propagates such dévotion; blessed, too, the parish which possesses him!
Oh ! if every priest engaged in parish work would girt himself about, and
with strong resolution and persevering fortitude constitute himself the
apostle and promoter of monthly communion among men; what a re-
newal there would be upon the face of the earth ! It may take time —
it certainly will take time and prayer and work; but the task is not
impossible, and to my mind, no priest is as well oquipped and circum-
stanced to bring this about as the chaplain of a men's society. At the
meetings,he has his men by themselves in ail their unassumed piety, in
their rugged simplicity, and childlike endearment to the priest they see
exerting himself on their behalf. The ""houghtless unresponsive man is
there, it is true, not yet awakened to his own opportunities; but whero
will you find such spontaneous entliusiasms and determined endeavor as
on the part of good meaning and God-fearing Catholic menV The priest
who endears himself to his mon, to the members of his society, has a
wonderful opportunity for good. When he proves himself a sincère and
earnest worker on their behalf ; when men sees that nothing is too great
or too small for him to do for them; when they find their suggestions
heeded, or at least listened to; when they realize that their chaplain is
not one of the " haven't got time " or " very busy " men, there is nothing
he cannot do with them. He will find the majority of them ready to
carry ont his every wish, they will respect his every désire, they will
hang upon him his vory words and generously endeavor to carry his good
advice into pi'actice.
Herein lies the great assistance the men's .society can render the
cause of fréquent communion, and herein lies the strength of its spirit-
ual director.
At the meetings of his society. the chaplain will advocate monthly
communion, he will tell of the fervor and piety of the lirst Cliristians,
who were nourished daily by this Bread from Heaven ; he will show the
intent and purpose of the Holy Father regarding fréquent communion :
he will explain the dispositions required for even daily communion, and,
will promise spécial prayer.»;, and particuhirly his Mass for tlieir inten-
tions, on the day fixed for the men's monthlv communion. The results
will come. thcv will be almost a révélation. Tt may take time, as T hâve
said, but wliat good cause did not? I liad almost said, what conversion
did not? One thing is certain, that results will justify the efforts, in
— lOOS —
fact, they will be bevond ail proportion aiul oxpectation. Is this some-
Xhing new, is it soiiietliino- untried? Certainly not. In some places^^
inonHilv ooninuinion. even in a body, for nien lias been suceessful ; in
other lilaoes it is being tried; in ail cases it is doing good. If even
one num receiving lioly Communion nionthly were the resuit of ail tins
effort, one more "drawn to the Blessed Sacrament, therein to love and
adore' ou r Divine Lord, would it not be Avell wortli tlie uork?
Another etïect of an active nien's society in a parisli, will be the more
regular attendancc at Mass on Sundays and Holy days. This will be
another means to furthering the spiritual end of the organization. Men
will be shown the patent contradiction in being professedly Holy Name
men, or members of a Total Abstinence Society, and at the same time
careless and indilïerent in regard to more sacred duties. In fact, the
fréquentation of the Sacraments brought about by the Society will be a
great factor in promoting regular attendance at Mass.
Let me mention one more benefît of an active and fiourishing men's
society. What I am about to suggest might not be practicable every-
wliere; in some places, however, I know it is suceessful.
Throughout the year, there are niany secular holidays, commemor-
ating some event of national or civic importance. Why not invite our
men, vvho, but seldom hâve an opportunity of going to the week-day
Mass, to begin thèse holidays by assisting at the Holy Sacrifice? It is
true, a great many seek a change of air and environment for such days,
and, lience, leave on early trains or boats. It, however, remains that
many more stay at home, and thèse might be exhortcd to assist at Mass
on such mornings. In Canada, a number of our légal holidays are held
on Monday. Why not announce confessions for Sunday evenings, parti-
cularly for men, who will come to the morning Mass, and receive Holy
Communion? I know a city in which this has been tried this year, and
the last holiday observed in that particular parish, which is of about
three hundred familles, more than one hundred and fifty received Holy
Communion, a great many of whom were men.
Finally, men organized into an active society frequently used in con-
nection with Church matters, will become more interested in the cause
of Catholicity, and will be drawn nearer the Church. The fervent will
become more fervent, the hitherto oareless and indiffèrent will be aroused
to be(if)niing zcal and dévotion, the traditional grumbler and eritic will
be softened by mor(; frequently meeting and conversing with the chap-
lain of the organization; ail of which means more loyalty and dévotion
U) the Church of God, greater zeal in the cause of Religion, a better un-
derstanding of one's own spiritual obligations and privilèges, and in
fine, by an aliiiost natural cliniax, a more fréquent and regular receptioi;
of the Saeraments. May God bless our Catholic Men's Societies, and
ble»8 ail who are interested in their development, especially the priest
having diargo of tliem. as he can be a véritable fisher of men.
— 1009 —
SOCIETIES FOR YOUNG PEOPLE LEAVING
SCHOOL.
BV
REVEREND J. E. QUINN, S. J.
THE présent paper overlooks endeavor in beliali' of Juniors of the
gentlei- sex, in order to give uudivided attention to the Avelfare of their
brothers.
This course, it is hoped, will be sauctioned both because of the spécial
difficulties found in organizing boys, and because of the relatively sup-
erior importance of the boys theniselves — the future heads of faniilies.
Wc hâve only to glance at conditions in other parts of the world for
warning of what may happen wlicre the faith, be it regarded ever so
loyaliy by the majority of the womeu, is viewed witli indifférence by the
majority of the men.
The aim of the writer is to niake sonie contribution in favor of the
Junior Holy Xame, junior ;?odalitie:*, tempérance cadet societies, and,
kindred l)odies, by suggesting a doser adaptation of ail such undertak-
ings to the nceds and shortcomings, likes and dislikes of boy-nature.
Attention, then, is directed first of ail to the considération that young
peoplc leaving school need spécial priestly care until the end of their
boyhood; that, in fact, the fifteenth, sixteenth and seventeenth years are
the crucial ones of early life. For is it not during the period named
that the boy, forced to deal witli newly awakcned passions, and with a
now thoroughly aroused spirit of independence, conimonly takes a per-
manent stand in spiritual affairs, be that stand devout, lukewarm, or
openly vicious !
Now, the most efficacious means towards holding young ])eople until
the end of the seventeenth year is had by denying enrolnieut to lads who
appear so youthful as to be unwelcome to their elders nearing eighteen.
Consenuently, there is need, at the very outset, of invoking the law re-
garding the juvénile age-line that juvénile nature, itself, has made. This
law is easily read. As a rule, our junior brethren do not associate
optionally in the field of organization with mortals more than five years
vounger than theniselves. Ilence, if wc would rctain boys commonly
until the end of their teens, we must spare them the indurating and un-
endurable trial of membership with social upstarts who seem to hâve
less than thirteen years to their crédit.
This conclusion, if accepted, will enforce a radical change in the
metho<l now much followtwl, by which little chai)s ol" twelve, eleven and
even ten, having made their First Communion, bcconie eligible for the
juvénile soeiety of the parish. For the sake of an immense increase in
rich results, teenle,^^.^ bcginncrs in lifc (who, of course, can rcceive other
spiritual attentions while waiting), must be excluded from the ranks.
— 1010 —
No doubt. nicasuroment of stature, as an admission test for young-
sters claiining thii-teon yeai-s, seems incougruouis at tirst thought; never-
theless, with reflcetion, that criterion may find favor.
It is certainly as uatural to the boys, as it is helpful to their adult
leader, bv providing against the mistakes and déceptions thàt would
surely occur were candidates accepted on simple déclaration of âge. After
twenty years' expérience in Judging spiritual fitness by the heisrht of the
àours earthlv teuenient, the writer testifies that the measuring process,
aidcd by auo'ther expédient to be mentioned further on, retains niembers,
not only until the âge of eighteen, but often until twenty, and even
twenty-one, and in some instances lias barely missed leading the Boys'
Sodality to include married men.
This method, foundod directly on a demand of Juvénile nature and
seen to make willing captives of juvéniles, until the end of their boy-
hood, should strongly interest persons who hâve noted that many of our
younger brethren o-o no further in the field of Church societies than
thoy are carried l)y the junior organization ; and never pass at ail into
the parochial young men's union. And the arrangement claims further
approval because, by keeping the boys as long as they are boys in their
place, it préserves the young men's society from a most serious drawback.
For the adult fraternity, when invaded by lads of less than eighteen,
suirers au ultra youthful shading, intolérable to its intended beneficiaries.
It must be admitted that the suggestions, so far presented, do not
reach the phase of boy-saving endeavor that is most vital. • The point
chiefly in need of attention is that many priests, in position for the work,
believe themselves unable to gather boys at ail, and must be given con-
fidence hitherto wanting if they are to begin, or continue with any heart.
And unfortunately, this fceling of unfitness is fed by discouraging
object-lessons. Indeed, it must be regretfuUy granted that the annual
career of the average juvénile society reminds us of the religions doings
of certain distant flocks which, as is said, show signs of spiritual life
only in connection with baptisms, marriages, and funerals. Thus, the
youngsters of the parish fraternity are on hand in satisfactorv numbers
for their opening or, so to speak, baptismal gathering ; then, they re-ap-
pear in force, sat superque, for the well-advertised otuinff. entertainment
or other f|iiasi marriage-feast of union between themselves and the man-
agement ; but, apart from thcse occasions, the young scamps, by their
outspoken indifférence to the organization, and by their well-sustained
boycott of its exercises, are practioally occupied laying their member-
ship in its grave.
The imprf^ssion genorally drawn from this sad situation may be dis-
pelled, to sonif p.vtent, through further insistance on the ail important,
gains to be had l)v adapting our apostolate more fully to certain tastes
and weakm-ssf's of juvénile nature. By this insistance, the writer would
open to his brethren rjf the sanctuary the very encouraging view that
ttiK-ccM can be liarl throuirh methodical proceedings, which everybody is
freo to adopt; and is not, as many suppose, restricted to workers giifted
with rare pcrsonal magnetism for the young.
Mfîanwhile, let it no be fancied that coming suggestions will include
— 1011 —
a recommendation of the indoor amusement-centre, known a? the " Boys"
Club."' On the contrary, the clérical director, alive to youthful ways,
should think twice before making trial of that feature. The very idea
of the club reminds us that, amono^st the giddy amusement-«eekers in
their early teens, many soou tire oi' the récréation quarters and, from
then on, prefer to destroy things rather than legitimately enjoy them.
As this anarchical spirit nécessitâtes firm répressive action, friction in-
evitably results. Hence, the club becomes a very critical place for the
priestly worker, robbing him of the prestige and opi>ortunitie.s of liis
calling in proportion as it forces him to play the policeman's part.
Accordingly, it is encouraging to feel that, from the sacerdotal ^^ow-
point, the récréation rendez-vous is, usually at least, feuperfluous. No
doubt, such a base of opérations is needed in the irréligions district —
though, even there, it would seem to call rather for lay control — but
in localities that are fairly well off spiritually, the priest, gifted with
marvelous hold on the respect, affection, and confidence of both young
people and their parents, seems abundantly able to succeed with other
and far less burdensome material supports.
Since the organized mortals, with whom we are now concerned, must
be brought together by some means or other, rejection of the club at once
draws attention to another gathering. It is the one commonlv rated the
most difficult part of our work : the society's regular religions evening
meeting, which, in the opinion of the writer, should always be held be-
fore the tabernacle. Xeedless to say, this form of assembly will now be
2orLsidered as the first has been, in the light of the juvénile make-up.
That light, to begin with, seems to reveal the serions oft-occurring
mistake of holding too many evening sessions. Thèse, obviously, should
never be multiplied in disregard of the fickleness, forgetfulness, and
irreligiosity of the prospective congrégation. Apparently, from twelve
to twenly such gatlierings a year are as many as are authorized by the
modem boy's church-going turn. And if thèse meetings, nominally of
weekly occurrence, are held in groups, say, of three or more, separated
by periods of much needed rest, they strike a responsive chord of the
youthful heart by their intimate association with that most delightful
Word of the juvénile lexicon — " vacation."
Nor is it to be feared that the sessions thus reduced will fail to exert
strong spiritual influence. First, as regards the results of religions
instruction and appeal, more, assuredly, is gained through fewer, but
well attended assemblies, than through a greater number spoiled, how-
ever, by vacant pews. And this considération grows in view of the fact
that the director, engaged with a score or less of annnal assemblies, can
dévote increased attention to the préparation of bis instructions, as well
as to the other matters involved, and, indeed, is in position to make each
of his gatherings a finished, telling event.
And, then, it is not to be thought that the only spiritual wants of boys
arise from ignorance of revealed truth, and a feeble hold on virtue, Ci\]\-
ing for continuons weekly instalments of religions teaching and exhort-
ation. Our young friends lack, also, an easy, confidence-inspiring foot-
ing with the'priesthood; this footing they obtain through a mcdium of
— 1012 —
respoctfiil fainiliarity witli oiie of GocVs iiiinistere, the soeiety's moder-
ator. Again, the youngsters lack home-fcelinof for the material temple
of religion ; this nèedecf home-feeling will be acquired in the pions union
whieh,"even for comparatively fevv occasions, leads juvénile vestibule-
loungers — the innior detaclinient of what lias been called the Pope's
standing anny — away froni the street-doors of the édifice to its front
pews.
^reanwhile, accommodation of the evening meetings to the tempér-
ament of our Christian undergrowth involves more than their mère
réduction in number. It means, besides, that the occasions will be re-
lieved by an all-pervading tone of cheerf ulness ; for, the liglit setting of
a gatliering is mucli more to youthful participants than even it is to old-
or ones.
Ilowever, the sunny atmosphère now demanded does not consist of
merriment. 'This, once escited in a boy audience, easily leaps beyond
bounds. Xeither is it a synonym for génial expansiveness on the part
of tlie director. True, the latter must be immaculately free from peev-
ishness, loquacity, and polysylables, but, even though wholly unmagnetic
in the présent department, just as in every other, still he can color his
gatherings with abundant cheerf ulness through plain, business-like
expédients.
To this end let him, firsi of ail, shorten the meetings by the rule that
fortj'-five minutes are as much as one's spiritual sons can pass in pious
re.^traint, without breaking the peace. Let him often drop into brief,
eagerly welcomcd, heart-ito-heart confidences eoncerning whatever mater-
ial attractions are coming. And, then, the boys' leader can accomplish
wonders in the desired direction, by so enriching his instructions with
suitable ilhistrative matter, as to hâve them followed with interest and
ploasure.
But the moderator acts more radically in favor of cheerfulness by
simple, painstaking care to forestall breaches of discipline, thereby
obviating ail need of recourse to the remonstrances, threats, and correc-
tions that would inevitably fill proccedings with gloom. The iiuport-
ance of this care will be seen in a contrast between two directors, engaged
with the elementary tasks of seating their boys for evening service, and
of ascertaining " who's who " in the matter of attendance.
The first of tliese workers, not trouhling himself to discriminate be-
tween the-dynamic human nature of early youth, and the quiescent
human nature of vénérable âge, bas provided for the church visits of his
rollifking cliarge,s just as he might for an equal num1)er of old ladies.
The members hâve been told to seat themselves where they like, and are
expected to imlicate their i)resence by answering to roll-call. The offi-
cere drawn from the gênerai body, mostly out of mère déférence to the
cuptom of socicties, hardly make tliemselves felt. Kothing whatever has
been attempted towards (h;veloping the restraining influence thèse youths
might exert over their fellovv members.
It fihould not hxî found surprising that this crude way of doing, adopt-
ed with uttor disrcgard of boyish habits, créâtes an impossible situation.
Unre»tricted freedoni in tlic choic^e of .seats, by crowding ail the members
— 1013 —
of the varions " ^augs *■ totretlier, lias established tlioso onerirotit; alli-
ances in readiness for mischief-making, the true summum bonum of the
gang's existence. On the other hand, no steps having l)een takcn to\var(ls
stimulating and ntilizing tlie conservation of tlie more staid oleniont.
the assembly is practically devoid of self-controlling spirit, and leaves to
the unaided director the entire biirden of holding disorder in check.
Under the circumstances the opening event, the roU-call, takes its
chances of degenerating into something suggestive of a multitudinous
cat-call, and, at any rate, surely signais to the moderator to assume for
the rest of the evening the joyleSvS, repellent attitude of a disciplinarian
much overworked. Xo wonder that the short-sighted endeavorer, de-
ceived by a false vision of old heads on young shoulders, finds his dark-
ened cheerlcss meetings deserted.
Eefreshingly at variance with this unfortunate is our second leader.
Utterly powerless as he is to exercise any personal spell, this more
thoughtful traîner of the " young idea *" proceeds to govern tlie bovs bv
simple continuancc of that watchful attention to their inclinations by
which he lias already attracted the boys to his si de.
(Eealizing that any time spent in dry verbal groping for the names of
those présent will surely overtax the slender resources for sedateness that
juvéniles command, the new moderator provides books giving the names
of the members, and prepared for attendance marks to be placed by the
officers. At the same time, mindful that the markers mu&t be enabled
to easily locate their subjects, and that the "gangs" (ahvays crippled
when scattered), must be temporarily shorn of industrial strength, he.
covers ])oth thèse neods by a law, that every memlicr is to liave j^lace in
a fixed pew.
The dira-tor, perceiving that, through a couple of side expédients, lie
can securc perfect fidelity to this rule, gocs further in the same direction.
While it would be impracticable to assign each niember to a definite place
on the member's bench, there is a weak spot in church-seated human
nature ; wherefore he consults good order by providing a designated occu-
pant for, at least, the end of eveiy bench.
Hère the moderator's plan is siniply a practical a])]ilication of the
mysterious fact of pastoral economy, that worshippers of the less devout
sex are never at ease in any part of a pew, save at the extremity, and
next to the aisle. Tn récognition of this phenomenon. and making i\
virtue of the masculine neccssity, our good man apj)oint.-^ a set of sub-
ordinate officers who, taking the name "and bovs,"' wiliiiigly become
responsible for the conduct of their companions of the same sitting.
It is readilv conceded that this very modest promotion does not impart
any wondorfùl sensé of dignity to the young peoj)le conccrned ; m-vcr-
thèless, it is prized as being a forctaste of better " lifts *' to come, and
has the désirable effect of attaching the incum1)ents more dosely to their
pious union. Xor is it as.sertcd that tliese minor caretakers ])estir thom-
selves greatlv toward checking mischief on tbe ])iU't of tbe olliers; none-
theless, however, they, the one-sixlh part or moro of tbe entire body. arc
led to openlv assume an attitude of loyalty to the management: and this
attitude, preserved before youngsters wlio do not niiub cxamini' tbiiigs
— 1014 —
below tho <urfaoo. is sure to bo ol" considérable restrainiug efïect. Besides
our pettv diirnitaries are at least pledged, tacitly and ex officio, to behave
thtMuselves. ^ Ail in ail, then, their présence as a conservative force is of
no small value.
Meanwhile, let it not be thouo-ht that the systematic society bnilder
rests content with tliis sniall amount of " government of the people by
the people." He sees that the situation calls for a superior grade of
thoroughlv reliable officers to do real work and, fuUy aware that élec-
tions for iiigh positions are amongst the suprême joys of présent places,
dependentlv on the suffrages of their fellow-memibers. In fact, the cir-
cumspect captain of the ship of state gladly Avelcomes the ballot which,
clearly, will sei-ve as an excellent and inexpensive attraction.
Knowing, however, that the elders of the ship's company, by reason of
fuUy tested fidelity and of âge, are the ones to use authority with effect,
the captain so arranges that none but his elders shall bc elected. The
intended resuit is obtained by providing ballots bearing only the names
of the seniors by âge, perhap's, or, better still, by priority of enrollment.
Thèse names, then, and no others, are submitted to the voters for marks
by which each votcr's choice will be exprcssed.
But further législation is found necessary in order that the benevolent
dietator may obviate the sore administrative inconvenience that would
arise, were an entire set of expériences assistants to be abruptly re-
placed with an entire set of newly ehosen, " green " ones ; further légis-
lation is again needful, in order that the dietator may retain freedom to
give each fresh helper whatever particular position the hclper ought to
hold. Hence, a decree that the ballot box does not raise any of the can-
didates at once to office, but simply establishes the precedence of ail of
the candidate for the governing circle, which they will enter successively,
as officiai vacancies occur, and in which they are to take the varions
posts, as the director shall assign. So, with the system in opération, the
vétérans, having endured the gauntlet of a politioal campaign, stand in
the order of the votes respectively received, eagerly ready to join the
board of magnâtes at call.
Of course, in thus creating a sure prospect of office-holding as a re-
ward of senioritv, the boys' patron lias donc much for the plan men-
tioned at the beginning of this paper of retaining merabers, for their
individual benefît, until early manhood has been reached. And, mean-
while, tbc important purpose of safeguarding discipline, and of thereby
perfe(,-ting the tone ot' meetings, is also snlendidly accomplished.
It is pubmitted that the two directors hère considered hâve well illust-
rated the difTerence between proceeding without and with attention to
the guidance juvénile nature .supplies. The worker who has shown in-
difTeronoe to this guidance opons his meetings only to scold tliem to
death. But tlie other worker, having tactfully enlisted the support of
the most mature, and, consecjuently, of the most tried and influential of
hi.s following, is rarely, if ever, forced to chilling action against disorder/
an immunity tliat constitutcs the first essential for the necessary cheer-
fulness of the gathcrings.
— 1015 —
And if thèse révérend worthies could be folio wed further in their un-
dertaking, results would be the same. The first endeavorer, most likely
lamenting his lack of supposedly needful personal magnetism, would be
seen sinking deeper and deeper into the waters of faihiro : while the
other, though really as little magnetic as his assotiate, would be found
rejoicing that, with ail of its features shaped to suit the boys, his boys'
Society had scored complète success.
Possibly it is found strange that this papor is now on the last strrtoli
of allotted time-space, without having considered its subject in the light
of the présent, great, sacred occasion; that is, without having dealt with
the supremely important question of attaching young people to the prac-
tice of receiving Holy Communion. ITowevcr, one can answer that thi?
phase of the subject lias been dealt with. For, in reality, the boys"
monthly visit in common to the Holy Table forms a single issue with
Their evening meeting. Success for the latter gathering is a sure harb-
inger of success for the more sacred one.
Hère we meet with a fact most iiii^piring for laborors in the juvénile
corner of the vineyard, occupied with the task of filling, controUing, and
enlivening evening assemblies. Every part of this endeavor, even when
merely of a secular tum, makes for the very richest of spiritual rosults.
Catholics in their teens are usually free from such attachment to vice as
withholds from the sacraments; so, while numerous exceptional young-
sters must be coaxed along, the boys as a body, if only they hâve given
themselves to the fraternity meetings enough for the acquirement of a
sensé of genuine membership, will instinctively follow the fraternity "s
trend to the altar.
There still remains, to be sure, the necessity of cultivai ing recollw-
tion and fervor at Holy Communion ; there remains, also, the great work
of leading one's following to perfect the excellent beginTiing mado
monthly in common, and receive individually, every week, and every day.
But thèse undertakings again refer us to the evening sessions, where
counsels for the proper and frejucnt performance of tlic most sacred of
acts are williiiglv received from the lips of the priestly guide.
Some proof has now been given, it is hopod, that the knottiest problem
of the apostolate, the regular meeting, finds solution at the hands of the
organizer who has care to confonn himself to the natural likes, dislikes,
and shortconiings of juvéniles.
AVere it possible, the writer would be pleased to consider this con-
formity as applied to the other departments of boy-saving work. Plead-
ing for the doser adaption of ways and mciins to juvénile nature, he
would gladly treat of such matters as the utilization of gaines, bailges.
and other attractions; the maintenance of a waiting list: collections of
dues; attendance marks; treatment of delinquents ; the choral feature,
and especiallv the instriutional feature of the meetings, and the like;
but much, assurcnlly, is accomplished if what has been writlen makos his
gênerai thesis seem plausible and worthy of further thouirht.
jSTowadavs, with humanity's drift to urban life, crowding junior hum-
anity more and more within the reach of the priestly organizer, the juv-
énile harvest is indecd "great;" and if the laborers soem '" fi-w.'' tliey,
— 1016 —
as tlie writer believes, can increase inarvelloii^^ly, both in niunbor and
effii-ieney, tlirougli doser attention to that polar star of our endeavor,
the tiiue honorée! sayiug, " boys will be boys.''
THE EUCHARISTIC I.IFE THE ANTIDOTE FOR
MODERN LIFE.
BY
FATHER BERNARD VAUGHAN, S. J.
IF a ('atholic- were to seek the Bible throuph for some passage in it
which niighi put bei'ore the workl his estiniate of the Chiirch, what
it is in itsclf, and what it is to him, he eould, I think, iind nothing more
appropriate, nothing mure nearly 'expressing his thought, feeling, and
appreeiation of C'iirist's Bride, than the following inspired passage from
the "th Chapter ot the Book of \\ isdom :
" I preferred lu-r l)efore Kingdoms and Thrones, and esteemed riches
'• nothing in coiiiijarison of lier. Xeither did I compare nnto her any
•• prec-ious stone: for ail gold in comparison of her, is a little sand, and
" .silver in respect of her shall be eounted as clay. I loved her ahove
'• health and beauty, and chose to hâve her instead of light : for her
" light cannot be put out. Xow ail good things came to me together
" wiih her. and innunierable riches through her hands. . . . She is an in-
"■ finite trensure to men."
Helioll hère, enshriiird in thèse words of biirning éloquence, is epit-
nniizod wliav the f'athoiic Clmi-cb means, and what it is to a rightly
iiiiiided Caiiiolic.
" Religion,'' sings the poet, " is ail or nothing." About other religions
I do net profess to know mnch ; but about the religion of which you and
T are nioinbcrs T know this, that compared with her, ail others, no matter
wheiice tliey spring, are " as a little sand," as " a handful of clay," as
nothinfî; wliereas she is "before kingdoms and thrones," '" above health
and beauty." For in a word she, our mother, is, is she not, " an infinité
troasure to nicn "?
Hear in niind that the religion founded by Jésus Christ is îlot merelv
a svHtoîn of divinity, a code of moralitv, or the shrine of an iniposing
htiirgy; it is, I grant you, ail this, but besides, it is a service, it is a
practir-o. Xay, it is even more: it is a life, a spiritual life, a divine life
a deified Iifc — the life liidden with Chri«t in God. '
_ For a moment pause, and trv to realizc what acluallv ]ni])pens when
in the waterg of Baptism a child is initiated and received into the re-
lijrion «f Jenns Christ, the Catholic Church. We are assured by the
Holy Hpint that it) tins sacred mysterv, the babe, ail helpless and list-
— lui: —
less, is dowered with a new life. To borrow the language ol" inspiralion,
at the baptismal font, " nian horn of wonian '* is " renewed," " rejrener-
ated,*' '• horn again," is ''" born ot God.""
When tlien, the priest, c-lad in surplice and stole, receives a néophyte
into the Church, ponring the saving waters over hini, that néophyte,
whether young or ohl. rich or poor, fair or dark, l)<)ndsnian or freo, be-
comes thereby a " partaker of tho divine nature"" itsclf, beiiig made by
grâce what Christ is by nature, son of God.
How difficult, how utterly impossible, is this for us in any due meas-
ure to grasp. Our eyes seeni to be liekl lest wo sliould bo" Ijjinded by
the sight open to the vision of angels. Xow we see but dinily, througji
a gla^s, in a dark manner: in a word, by faith. But, be patient, for
before so very long, the curtains of night shall be torn asunder, when
Grâce, standing in the full blaze of light from the Great White Throne.
sliall cliange into Glory, faith yielding to sight, life in exile l)eing then
exchanged for life in patria — for Home. Well, may the text enlisted
for niy pui^Dose proclaim : " I chose to hâve lier instead of light, for her
light cannot be put out " !
The modem scientist tells us of marvellous healing properties hidden
away in the golden rays of sunshine. The sun-bath is a very store-
house of health. Xot only do the light and heat of the sun make the
material world live and dance to the rhythm of its fine pulsations, but
with its délicate hand the great luminary paints the lily, the violet, and
the rose; it gilds the cornfield, and glints the river; it throws light and
shade across the landscape, na}-, whatever thing it deigns to fling its
golden beams upon it transforms, vitalizing the whole world about us
with untold strength, dowering it with unutterable beauty. What the
sun's healing opérations are in the human frame we are only now begin-
ning to understand; but this we know, that in its light and heat myr-
iads of microbes, that would othcrwise seize u]ion and devour human
life, are tamed of thcir fiercencss, and robbed of their destructive force.
But what, let me ask you, is ail this wondrous output of the solar
System compared with the niarvels wrought in a human soûl by the trans-
forming powers of sanctifying grâce, which not only disarms the soul's
spiritual foes, l)ut moreovcr so fortifies its life, that in due season it ])uts
forth the rare Ijloom of supernatural virtues, and the fruit of good works
meritorious of etemal recompense. As we contem])late thèse malchless
marvels born of ffrace in the soûl, may I say. of a shoeless, ragged, home-
less littlc child, we begin more fully to understand that grâce is in very
deed what it is said to be: "an infinité treasure to men.""
In what has been hitherto said, I hâve attemptcd to bring home to
you this great and central fact, that our religion — the religion insti-
tuted by Jésus Christ, — is a life. a divine life, " vita deificata.'" It
was this supernatural life whicli Our I.ord came from heaven to bestow
upon us, and to give us as Himself dedared, in no stinted measure,
but '' abundantly." This is the divine life which you and I hâve so
to support, to nourish, to strengthen that its divine énergies may at
lengtli come to ])enetrate and pernieate the whole range of (Uir tli«»uglit
and work during our mission time hère on eartli.
— 1018 —
This briugs us face to face with a question beariug with vital im-
portauoe upou our pre^eut subject ; the question is this : Upon what f ood
niust this divine life of thc soiil be fed that it may net starve to death in
us, but ou the oontrary, juay grow in health, and streugth, and wisdom.
before God and man ?
Observe, there is no kind of life but requires for its support some
kind of i'ood. Is not the organie marked oiî from the inorganic world
precisely by tliis, tliat whereas the former needs for its health and growth
some spécial kind of nutriment/ the latter is capable of none ? The
crystal, if you will, grows from without. but tlie organism grows from
within — not by the addition of nuiterial which it puts on and uses,
but by the absorption of matter which it takes in and changes. X
might go on to show how life, as we find it in the ascending scale of
being, from the amoeba to man, requires for its vigour, development,
and perfection its own spécial kind of foodstufîs. But I must pass on
to answer the question about the character of food needed for the support
of the soul's divine life. Wivàt is that banquet at which this divine
guest nuLst sit, and feed with appetite, relish, and profits, in this inst-
ance not vitalizing his food, but on the contrary, his food vitalizing
him ?
You tell me that for material life is required material food; and Our
Lord tells us that for divine life there is needed divine food. On an
occasion, when ])ointing to the lilies of the field springing up like stars
of earth in ail the land about Him, Jésus said to his followers : " See
the lilies how they grow ; '' and He continned : " Never was Solomon
arrayed in glory sucli as they." Solomon's gloiy was borrowed from
without, whereas the beauty of the lily is developed from within. The
lilies grow by what they feed upon. And so does the divine life of the
soûl grow upon what it feeds, — the " Bread of the strong," and the
" Wine which brings forth virgins."
In that most wonderful and pathetic discourse treating of the soul's
banquet which we read in the 6th Chapter of St. John's Gospel, Our
blessed Lord refers to the soul's suprême need of this divine food. He
insists that the " Bread from Heaven " is the soul's one and only true
support and nourishment; so that to neglect feeding at this table is not
only to forfeit grâce, but, what is still worse, is to induce a fast which
needs must end in the soul's spiritual starvation unto death. EecaU
His Ycry words: " Except you eat the Flesh of the Son of Man and
drink His Blood, you shall hâve no life in you," in other words you
will starve to death. On the contrary: " He that eateth my Flesh, and
drinketh My Blood, hath everlasting life",.. " My Flesh is méat in-
•leed: and .My Blood is drink indeed." "This is the Bread which
cometh down from Ileaven, that if any man eat of it, he may not die.
I might continue, but thèse quotations from our Lord's sermon at
Caphornauin will suffice to bring home to you the vital truth that the
llojy Kucharist is set up in our midst to be "our daily bread" — the
regular, proper. and only suitable divine support and nourishment of
that life wilh which we were dowered in Baptism, the Christ-life. Speak-
infr of the exquisito properties of this " Bread corne down from Heaven,"
7>
— 1019 —
the Angelical Doctor breaks f orth into raptuous éloquence : " Oh ! sacred
banquet," he exclaims, " whereiu Christ is received, the meraory o£ His
Passion is renewed, the soûl is filled with grâce, and the piedge of future
glory is given us.'"
At no time in the story of ïïis sojourn on eartli can mau a£Eord to
neglect His Christ-life. To support this life, to nourish, devlop, and
perfect it is the ^vork ^nth which each one of us hère présent, both priest
and layman, is charged; it is the mission to which each one is first of
ail called. There is no need for any one of us to cast about in order
to discover upon what he must feast his sonl that he may keep it in
health, and beauty, and strength before God. Has not the divine Host
Himself invited each and everv oao of us to his table proclaiming :
" The banquet is ready." Most wonderful to narratc, He longs more
fervently to corne to us than we to go to Him. Dearer far to Jésus
Christ than any jewelled tabernacle made with human hands, is the
simple casket of a child's pure heart made by God Himself to be His own
dwelling place. He seeks union ^vith the poorest sluni child through
the Eucharist:
" Out beyond the shiniug
Of the furthest star,
He is ever stretching
Infinitely far.
Yet the hearts of children
Hold what worlds cannot;
And the God of wonders
Loves the lowly spot."
Must I ask: Whv is it that we in our day hâve so far forgotten to
eat our bread, and to wax strong upon the banquet prepared for us, that
we need must be warned by Christ's Vicar, our présent beloved Apostle-
like Pope, Plus X. to renew our fervour, to whet our appetite, and to
yearn like Christians of old for this *' Sacramentum mirabile," contain-
ing in itself whatever is delightful and is delicious, " onine delectamen-
tum "? Be renewed in Christ, our Holy Fathcr seems to say to us, met
hère in this vast assembly to-day, and forget not the exhortation of the
Tridentine Fathers to fréquent Holy Communion as you fréquent Holy
Mass — daily.
God knows that at no period in the history of Christ's Church has
there been greater need than thero is to-day of this note of warning
from our Father in God to ail his children throughout Christendom.
We are living in a day of hoad-lines, snapshots, taxicabs, and music-
halls ; in a dav when the scramblc for the prizes of life has become a
mad passion. It is a day of fover, fret and fumo ; wlicn compétition for
earthen toys is so keen, and the iiiargin of profit in commerce has become
so fine, that the one cry beating through tlie air is "hurry up." No one
seems to bave time for pause till, worn out in the pursuit of gewgaws
and vanities, a rest cure bec;onies imperative, the cl(x;k is stopped, and
— 1020 —
ail ai-tion, monal as pliysical, niust be prcscribed as proliibitive for an
eightli part of a ye&v.
We arc liviii<r in a dav when the hiiih idcals of old ave ±ast yieldmg
to tho pressure "of créature couiforts ; when principal is being excliangedj
l'or expedienov; iu a dav when self^sacrilicing Catholicism is beingbar-
tered for self-centred materialism ; when the Christian sensé of sin is
hoins: rei^arded as a bve-gone superstition ; in a day when it matters not
wharvoii believe, but only what you do; and wlien you niay do wliat yon
H ko, ])rovi(led you are not found ont; in a day when the relations bet-
weeu the sexes takes one back to pagan tinies; while the garbage on
which man and women feed is as foui and loathsonie as the stuff over
whioh thev gloat and chatter; in a day when niarriage bas become so
debased and defiled, tluit not even the pledged troth ean niake it long,
endurable without change of prospective partners in a life of legalized
vice; in a dav when thero is no empty place but in the cradle, and no
room in which to move but in the Cliurches. Well niight a leading
l^arisian physician suni up the situation in the woi'd : " C'est une pour-
riture! '"
()l)sene that the cleavage to-day, as in no previous time since the
dawn of Christianily, is between God and Maninion ; or shall I say in
language more definite still: between Catholicism and iVgnosticism, if
not evolutionary Materialism itself. For confirmation of my strong
assertions, read the story of present-day life, as it is reflected in Society,
as it is juirrored l'orth on the stage, as it is shown uj) in the law courts,
as it is writ large on our book stalls; or if you will, as il is publishedj
in Society journals, in the monthly magazine, in the weekly pictorial and
in the daily press.
Witli Mamnion, thcn, asscrting itself, as it does amid ail sections of
the conimunity in this twentieth century, with home-life gone, with
social life demoralized, with hi-produets of materialism everywhere ramp-
ant, with our marts of industry like gambling hells, and the very streets
likc a nightniarc, what T ask is to lift up and proclaim the interests of
God against this devasting plague of frivolity, folly, and riot ?
Before this tidal wave of paganism, stretching from sea to sea, and
river to river, everything is going under, with one exception, and that
is our Holy lîeligion. The Church of Christ, indissolubly one, infallibly
true, indestruetibly good, is the one and only institution that is holding
her own and is " semper eadem ", unchanged and unchangeable, amid,
ail this wrockagc and min litteriug the spaces of the world. Like Christ,
the Church too reuiains " yesterday, to-day, and the same for ever." Her
contre of gravity never shifts.
A few days ago, one prominent before the world as a great artist said
to me: " I liave unbouiuled admiration for your religion; it is the only
one rtîally wortli having ; hut, alas," he continuod with a deep sigh,
" I cannot gct hold of it." Grasping him bv the hand I replied: "Let
it get hohl of you : it matters little that the babe cannot rcach up to its
rnother, ubon tlie inother ean stoo)) down to her babe."
This bririgs nie to my central point in this paper; it is this: If you
and 1 in tliis world of change and havoc, of false philosophy and worse
— 1021 —
morals are to liold onv own as Catholics, vigorous, energetic ami ontlius-
iastic, we must let Christ get hold of us, we luust bring oursolves to
feel the pressure of this kind hand, we must lean with ail our weight
upon His strong arm, and must draw with ail delight from His Sacral
Heart, findiiig in Hiiii, as the infant does in its mother, our source of
nourishnient, oomfort, and strength. Nay, we shall tind Him a union
much more intimate than that whieh we knew when we were fed in a
mother's arm. She fed us on milk holding in solution every élément
that vvas needed to biiild up our franu' physical ; Ile feeds us on His
own Precious Blood, whieh serves not only tu nourish and strengthen,
but also to complète and perfect our life spiritual, the Christ life. " My
Flesh is méat indeed: and My Blood is drink indeed." Xothing but
clinging Peter-like to Christ can save us.
If, as twentieth century Catholics, we are to ])e a real crédit to the
Church, an inspiring example to the world, and a mission to our country,
we must become so closely united to Christ that. in a very strict and
literal sensé, ours will be the Christ-thought, the Christ-word. the Clirist-
deed; ours the Christ-life, ours the Christ-character. Believe me, the
imperative necd of to-dav is character, whilc the only character worth
building, and the only character worth holding, is the Christ character.
Make it your business then to build up the divine characteristics of
Christ in your soûls ; and then not to St. Paul alone, but to each one
of us also, it shall l)ecome true to say : " I live now, yet not I, but Christ
liveth in me." " For me to live is Christ.'' Pesolve then first of ail
regularly to feed your divine life on this divine food, this " Bread come
down from Ileaven ; " continue your efforts in building the Christ
character, till at length grown strong and virile on the '■ Bread of the
Strong" you may with the great Apostle be readv to throw down to
the whole widc world the glorious challenge: '^"' '\^'^l() shall sei)arate us
from the love of Christ? shall tribulation? or distress? or famine? or
nakedness? or danger? or ])ersecution? or the sword?. . . I am sure that
neither deatli, nor life, nor angels, nor principalities, nor powers, nor
the things présent, nor things to come. noi- might. nor heiglit. nor deiith,
nor anv other créature shall be a])le to separate us from the love of Ood,
which is in Christ Jésus, Our Lord. (Epistle of St. Paul to the Eomans,
Chap. YIIT. 35).
In conclusion let me remind you : how it bas come to pass that ?o in-
telligent, quick-witted, and briïliant a people as the Irish bave never
been caught aiul ca])tured by the glare of pscudo-theology, or the glamour
of false philosophies ? Yes, let me tell you why it is that this fascinatinir
Celtic race, naturally so easily won, bas never w(>lcoined to its schools.
or even effered cold shelter to .Tansenism or Kantianism, nr ^larxianism,
or Xietzscheism ; let me further tell you why it is that no form of Mo-
dernism bas ever succeeded in finding foot-hold on Krin's sacred soil.
The reason is not far to seek. If Trcland to-dav is the most Catholic
land in the civilized world: and if Dublin, of ail Catholic capitals. in
Christendom, is the most intensely Catholic. the secret of this. her irlor-
ious ])rivilege, is an easy matter to reveal. Ireland to-day is what sho is
because her sons and daughters say their prayers and go to the Sacra-
— 1022 —
monts. Let us go forth, resolved to do like^\'ise, and we too, like them,
will reinain iinspoilt by moderiiity, " unspotted from the world." The
antidote for modem, up-to-date life is the Eucharist.
FREQUENT COMMUNION AND YOUNG GIRIiS IN
LARGE CITIES.
BT
REVEREND J. L. HAND.
THE old contre versy anent the fréquent réception of Holy Commun-
ion has been set at rest by His Holiness Pius X. By a decree of the
Sacred Congresration of the Council dated 20th of Dec, 1905, the mind
of the Church on the subject was clearly and explicitly set forth in the
following terms : " Fréquent and daily Communion as a thing most
earnestly desired by Christ, our Lord, and by the Catholic Church, should
be open to ail the faithful, of whatever rank or condition of. life, so that
no one who is in the state of grâce, and approaches the Holy Table with
the right and devout intention can lawfully be hindered therefrom."
The statement of the case by the Congrégation is clear and comprehen-
sive ; it applies to ail ranks and conditions of those who are in a state of
grâce, and are actuated by a right intention. On the occasion of the
promulgation of this decree on fréquent Communion, among the many
questions mooted, as deserving of spécial considération, and, perhaps,
of exception from its wide application, was that of children who had
just made their First Communion. Some theologians were doubtful of
the propriety of admitting children under such circumstances to daily
communion. The following question was, thercforo, ])roiK)sed to the
Sacred Congrégation for solution : " Should ail the students of Catholic
Collèges, even those children who hâve received their First Communion,
be encouraged to approach the Holy Table every day?" The answer
was : that " fréquent réception of Holy Communion is recommended,
according to the decree of 20th of Dec, 1905, even to children who hâve
been once admitted to the Holy Table, conformably to the directions con-
tained in the Roman Cathechism, i. e. that they must not be prevented
from receiving it frequently, but, on the contrary, must be cxhorted to
do 80, the contrary practice obtaining in some places l)eing hcreby con-
demned." The answer is positive that children are to be encouraged
and cxhorted to receive Holy Communion each day. It would be useless
lo urge that the re.spon^c of the Congrégation does not apply to ail child-
ren who bave made their First Communion, but to those only, who are
boarding in Catholic Collèges anrl institutions, and are consequently
much removed from the sinful influences of the world and surrounded
— 1023 —
by an atmospliere of virtue and ganctity, wliicli niake the sanctifying
grâce and riglit intention, the dispositions required by the decree of 20th
Dec, 1905, an easy matter of acquirement and préservation. The
pronouncement is gênerai, not limited to the boarders in Catholic Col-
lèges and schools. It applies to yoiing girls in large cities. just as it
does to the tender maiden withiu tlic haÙowed walls of the couvent.
The large citv, it is triie, is not the idéal place for the cultivation of
virtue and practice of religion in the young. It laeks many of the fav-
orable opportunities of the Catholic" countryside for the training of
young girls in the virtues of niodesty, humility, and obédience. In the
large cities, the parental control is much dimiiiished; conditions of fam-
ily life do not help to purify the mind and clevate the soûl. In many
of the homes, the présence of father and mother is not continuous with
, the children ; narental control is relaxed, and tbe atmosphère of the
home becomes impregnated with the germs of worldliness. In the large
city teraptation to sin for the voung is multitudinous; occasions stand
out before the poor vacillating girl in the théâtre, the amusement hall,
the summer resort, and more particularly in her relation with the other
sex, which should be a prop to her virtue, and a support against her
weakness. Society is frequently shocked by the scandais, which appear
in print, of the corruption of young girls by old wealthy profligates, who
spend their time and money in the gratification of their lustful passions.
The nature of girlhood complicates the considération of the subject in,
the light of the many obstacles on the path of the young maiden. Phys-i
iological development is not without its efîect on the mind and heart.
There is a feverishness generated in the young girl that seeks for grat-
ification in sensual excitement and pleasure. There are forces oper-
ating in her, of which she is unconscious. Notions of a compulsory
nature and tendencies almost irrésistible, the unhappy resuit of Eve's
transgression, the concupiscence of the flesh, of which fallen nature
cannot divest itself, prédispose young girls to a life of spiritual combat
and constant warfare in large cities. Their frail nature amid the lab-
yrinth of snares and temptations is sorely in need of divine support.
The positive wickedness of the world, and the inhérent weakness of girl-
hood make the fréquent réception of Holy Communion almost imper-
ative for persévérance in a virtuous life.
The Catechism of the Council of Trent ex7)laining the effects of Holy
Communion pays that " The Holy Communion in an antidote against
the contagion of sin and a shield against the easy a{)proa(h of violent
and deadly infection.'' St. Cyprian records that when, in the early âges
of the ChuiX'h, Christians were hurried in multitudes by tyrants to torm-
ents and death, they roceivcd from the hands of tlie bishops, the Sacra-
ment of the body and blood of our Ix)rd, lest perhaps ()verc(Miie by excess
of torments, thev should fail in the saving conflict. "The Holv Ench-
arist," says e Catec-hism of Trent, " represses the licentious dei^ires of
the flesh, and keeps tliem in due subjection to the spirit. In proportion
as it inflames the soûl witb tlie fire of charity, in (ho samc proportion
does it necessarilv extinguish the fire of concupiscence."
Ideals of sanctity are set before the minds of young girls. The ex-
— 1024 —
amples ot' the lioly women of the Gospel, wlio, with loving tenderness,
eared for the boily of the Lord, and wlio, during His life on earth be-
stowod upon Ilis sacred person the deep affection of devoted he.arts,
attrai-t youug girls towards the tabernacle. The lives of the great saints
of their sex, such as Agnes, Cecilia, Magdalen de Pazzi, Theresa, Eose;
of Lima, and many others devoted to the Blessed Sacrament, fire the
yoiing gênerons hearts of girls with love for our Lord. They aspire to
a life of holiness which can be attained by the i^ractice of virtue and the
fréquent réception of Holy Communion.
If large cities abound with places of temptation and occasions of sin,
they are not unprovided with the means of combating evil and overcom-
ing vice. Churches, convents, and schools in full opération, year in and
year ont, work with imtiring zeal for the spiritual advancement of our
youug girls. O]»)ortunities are many, and are frcely availed of, for the
fréquent réception of the Sacraments and the practice of a holy life.
The means by which young girls arç lead to fréquent Communion are
manifold. The fragrance of virtue and the light of good example by
the mother of the family, as she goes frequently to Communion, inust
hâve its effect on the young daughter. It is i-elated of St. Magdalen de
Pazzi, that when she was yet young, and before she had made her First
Communion, she would draw close to her mother the day on which she
was accustomed to receive Communion, that .she might hâve the liap-
])inoss in breathing near her the holy odor of the présence of Jésus
Christ. There is no object lesson so powerful as the example of the
mother on the daughter. The mother who gives the example of fré-
quent Communion to her children, who makes her daily visit to our Lord
in the Blessed Sacrament, will be rewarded in time by seeing her girls
follow in her footsteps to the Holy Table. Where a love of the Blessed
Sacrament is cherished and fostered in lier home, there Avill be a holy
appetitc amongst the members of the family for fréquent réception oî
the hread of angels, which produces in their soûls the rich fruits of
eternal life.
The Catholic schools, particularly those in charge of religions teach-
ers, where religious instruction is imparted and the fires of love for the
Rh'ssed Sacrament are kindled in the hearts of the little ones, accom-
plish much (,n tiie way to fréquent Communion amongst the young girls
in our large cities. The fréquent instruction of the priest upon the
sacraments, an.l particularly upon that of the Blessed Eucharist, and his
explanation of the Divine Food, give the little ones an insight into the
tr<-asu_n-s, which (iod bestows upon them in the Sacrament of His Love.
Our.^ 18 an âge of the cheap novel and the exciting love story. If fré-
quent communicants are to be trained, thèse novels and promiscuous
etories should U' kept from the girls during their tender years. There
shouhi Ih; a wholesonie ('atholic library in every large parish, which
wouh] h-i^l the mmd that craves for knowledge, and the tlie heart that
pine.s for love. Catholic litcratnre will help the pure soûls of our girls
to appreciate the frerpicnt présence of our divine Lord with them. The
little oncH, if jt IS at ai! convenien.t, should be trained to assist at daily
Ma., dunng their sdiool days. They will there, be pentrated, as no-
— 1025 —
where else, with a yearning love for companionship with the victim cl"
the altar and the prisoner of the Tabernacle. The day of their First
Communion will be to them a paradise on earth, where their loving
Lord not only converses with them in joyous sentiments of bliss, but
where He finds a place in their hearts whereon to lay His head.
In the school, among the girls are formed Angels' sodalities, junior
leagues of the Sacred Heart, and other religious organizations, that hâve
for their object the promotion of sanctity in the soûls of the children
by the exercise of fervent prayer, and the fréquent réception of the
sacraments. Just as the young are tauglit in school to read, and write,
and think, so are they taught in the Catholic schools to love our Lord
and do His holy will, which is their sanctification. Just as the know-
ledge that they gleaned in their school days remains as a source of use-
ful power to them in the daily occupations of life, so the lessons of rel-
igion and the habit of fréquent confession and communion will stay with
them in ail the trials and mishaps of after life.
In the large cities and towns of North America, eight per cent, of our
girls quit school at, or before, the âge of fourteen. They should still be
retained in the Sunday school, if possible, for a course of Bible Histor)'
and higher religious instruction. The League of the Sacred Heart and
the Sodality of the Children of Mary should receive them about this âge.
Membership in thèse excellent societies will be a lasting help to the
young girls deprived of the guiding hand of the teacher and the support
of the rules and companionship of the school. Eeleased from school,
girls, as a rule, start work about the âge of fourteen. Some enter shops
to learn trades, such as millinery, dress-making, tailoring, etc., at which
they spend three or four years as apprentices ; others start work in f ac-
tories or at any employment, suitable to their âge and strength, which
will bring in money to help pay the rent and meet tlic expenses of the
family. The practical working out of fréquent or daily communion for
the bulk of sùch girls is not an easy matter. There are some considér-
able obstacles in the way. They are obliged to begin work at an early
hour in the morning, most of them at seven o'clock. They are obliged
to rise early to attend to their simple toilet, get breakfast, and travel to
their place of emplo}-ment. There is little opportunity to go to church,
or chapel, or assist at Holy Mass, and receive Communion. They hâve
either to forego breakfast, or get up at such an hour tliat their lime of
rest is greatly curtailed. The best that can be done for the majority of
such girls is weekly communion. There are, of course, some devout
chosen soûls, who, unaffected by the fuss and excitement which occur
around the homes of our working people on week mornings, will make
their way to the couvent, the House of Charity, or church, wliere there
is a Mass at 5.30 or 6 A.M., and there partake of the Holy Eucharist.
They are the sait of oiir young poople : they lay dccp down tbo fnund-
ation of a holy life, and gcnerally finish up by becoming members of a
relisrious Community.
The girl of to-day will be the woman of to-morrow. ITpon her prar-
tice of virtue in the morning of life dépends the serenity of the day and
the calm twilight of evening. The Church and society will rcap the
reward of the piety and virtue of our young girls. ^ ^^
— 1026
It is diflicult to get reliable statistics on the subject of fréquent Com-
munion aniongst voung girls in large cities. It has, however, been assert-
ed bv well-informed missionaries, that fréquent Communion has m-
creased a huudred per cent, amongst our young people withm the last
five years. This must be a pleasant fact to the Divine Master, and con-
joHiig to liis devoted servant, Pius X.
ALTAR SOCIETIES.
MISS ANNA T. SADLIER.
TRACES of altar service, so full of ideality, of poetic symbolism, are
to be found even in the sybils, those priestesses of antiquity, and the
restais, who kept alive the sacred lires. In Jewish times, it was the chief
occupation of the Almae or consecrated maidens of the Temple, of whom
Our Blessed Lady was one, and devout widows, who dwelt in the Court
of the Women. The Book of Exodus relates, how Mosés commanded
that ail to whom the Lord gave suffieient wisdom and understanding
should labor to make " the things necessary, for the service of the Lord."
They were to do " carpentry, embroidery, tapestry, in blue, purple, and
pcarlet twice dyed, and fine linen, to weave ail things and invent ail
things new."
" AU with ready hearts " made ofîerings to the Lord, and skilful
women gave such things as they had spun, violet, purple, scarlet, and
fine linen." By whieh may be seen, that in that altar society, the same
use was made of the symbolism of color, as following the ritual of the
Church, is made to-day, and according to the learned author, the fashion
of the vestments was almost the same.
The Jewish sanctuary found many and gênerons benefactors, "men
and women giving bracelets and earrings, rings and tablets, and every
vessel of gold was set aside for the use of the tabernacle. Gold, silver,
.>il for lights and to make ointments, were offered," while princes gave
" onyx and precions stones." Ail men and women of devout minds,
roncliules the narrative, " ofFered gifts." Were such the case now what
marvellous results would follow. Yet, the Jews had but the shadow,
and we possess the sub.stance.
When the light, shining from the TToly One of Israël came over the
mountain-tops to the nations sitting in darkness; when Christianity
Bpread through the vastness of the Roman Empire to the barbarous out-
Ivintr people, this service of the Altar sprung into favor. It was prac-
tised by those Christian women, who, in the Rome of Emperors, elicited
— 1027 —
the admiration even oi' tlie pagans, and, throughout the Middle Ages,
was the favorite activity of royal and noble women, as well as of the
" cloistered ladies," A high born woman of those times speut a portion
of each day in spinning, tapestry, or embroidery, which was often for
churches or abbeys, the while, as Dante describes, she listened to " Old
taies of Troy, Fiesole and Eome."'" Enunieration woiild be tedious, but
a few women for the sake of emphasis : —
Bertha, the wife of Charlemagne, and her daughters, notably, the
accomplished Gisela, who as the spouse of St. Stephen, King ofHun-
gary, enlarged this sphère of activity ; St. Cunegoude, Empress of Ger-
many; Good Queen Maud, of Britain; Isabella, of Castille, who, it is
related, devoted her leisure to the embroidering of rich vestments, and
in other work' for the altar. Most of the Queens of France were conspic-
uous in this direction, and one of them in particular, Anne of Austria.
Much that was then done, has survived. Those women wrouglit for
immortality. The sacred legend, the inspiring bit of Church history, the
sublime story of the Passion, the picturesque and dramatic passages of
Holy Writ, were reproduced in their work, wliich was further eulivened
by allegorical or poetical imagery. They threw into their labor the same
spirit that the mason, the architect, the carver put into their poems of
stone, Dante into his Divine Trilogy, Angelo and Fra Angelico into their
canvasses, and Calderon into his Autos Sacramentals. For the life of
the people was pemieated with the supernatural. Dévotion to the Bless-
ed Sacrament ran like a golden thread through the daily existence of
that united Christendom. It is touching to read of the révérence paid by
mailed knight and powerful baron to the Hidden Ix)rd; while even the
humblest had then a familiarity with the scriptures and the liturgy of
the Church which would be surprising in the educated of oiir own day.
Ail this was made manifest in the work for the altar. The altar vessels
were frequently adorned with precious gems, emeralds fresh eut, peark
of priée, rubies and sardons, with " refulgent gold and silver thrice re-
fined."
The vestments were of the costliest materials. Ail that was of the
genius of C'hristianity.
On thèse Canadian shores, there has been always the same eagcrn<?ss
for the beauty of the Lord's house, from that time when the Franciscau
Dolbeau said the first mass on the rocky heights of Québec, and Chara-
plain built his Chapel of Notre-Dame de la lîecouvrance, hard by the
Fort. It is seen in the historié Basilica of Québec, which the pioncer
women of Xew France decorated for the ever recurring festivals, nation-
al and religious; it reached to the shores of Lake Simcoe, whcre the
flower of the knisrhthood of God, the Jesuit Missionaries, laid down tlieir
lives. There, as is touchingly related in the Jesuit Relations : '^ the Huron
neophvtes brought their ofTerings, and the women, after their simple
fashion, worked hard to decorate their primitive Chapel." It is found in
the cloistral peace of the TJrsuline monastery, and the other religions
institutes, where the holy women, who hâve illustrated Canadian His-
tory, exhausted themselves in efforts to beautify the temple of God'ei
glory.
— 1028 —
On the very birthday of Montréal, the three women who accompanied
that crroiip (first) of colonists, the Duchesse de la Peltrie,, Jeanne Mance,
and tlieir servant Charlotte Barré, decorated the hastily improvised altar
at which the Jesuit Superior, Vimont, said Mass, preached his proph-
étie sermon, and exposed the Blessed Sacramen-t. Nor was that ail.
■' As the at'ternoon waned and died," says Parkman, " and the sun sank
behind the western forest and twilight came on, fireflies were twmkhng
over the darkening meadows. They caiight them, and tied them with
threads in shining festoons, and hung them before the altar, where the
Host remained exposed."
Jeanne Mance continued that service, even when she was serving al-
most single handed the Hospital which she has founded the first by the
way in North America-decking with her own hands the chapel of her
Hôtel-Dieu, which was used as a repository during the procession of the
Blessed Sacrament from the Church to the Fort. Marguerite Bour-
geoys, too, whose gentle yet strong figure appears so often in that " rom-.
ance of Christian chivalry," the foundation of Montréal, not only built
the first stone church on the island of Montréal, that of Bonsecours, but
tended its sanctuary, and that of the Parish church, the original Notre-
Dame, where the sons of Olier, who had played a providential part in
the colonization of Ville-Marie, gave their devoted service. They fol-
lowed upon the Jesuits, Montreal's first pastors. This dévotion to the
work of the Tabernacles has remained traditional in the great Canadian
Order of the Congrégation, founded by Sister Bourgeoys. Their church
of Notre-I^ame de Pitié, mainly built through her benefactions, is for-
ever associated with the mystical story of Jeanne Le Ber, who may be
considered as the Patroness of Altar work in Canada. The daughter
of a rich merchant, she stipulated for a cell behind the Sanctuary, where,
with the rites of the Holy Church, she was immured, communicating
thence parts with the outer world only by a wicket. She there em-
ployed most of her time in work for the Altar, much of which is pre-
served, and gave besides donations of sacred vessels.
To turn to that perpétuation of the splendid traditions of the past as
evidenced in our own day, we find that altar societies are either par-
ochial, or hâve more extended application, in making beautiful " the
places of the wilderness " by ministering to the poor churches and mis-
sions. Also, there is in Montréal the Work of Eucharistie Weeks, where-
in,hy registration at the Church of the Blessed Sacrament, and the pay-
ment f an annual fce, any one may cnjoy the privilège of adorning with
lights and flowers the altar of the Perpétuai Adoration, for the space of
one week in each year. The offerings may, if desired, be made in the
name of the dead.
Parochial altar societios exist commonly in the cities of the United
States, where many of the churches are equippod with a band of willing
workers laboring to embellish that place where dwells " The Prince of
Light behind the veil's white curtain."
In Tx)wer Canada, they are scarccly to be found; probably hecause of
the many communitics who charge thomselvos with the service. But
they exist, in many places, in the North-West, in Ontario, or the Mar-
— 1029 —
itime Province. Since their practical activities are everywhere alike,
it will suffice, hère, to give a few t}'pical instances.
In St. Mary's church, Winnipeg, an Altar Society, during the last five
years, has realized some thirteen hundred dollars from membersliip
fées and entertainments given. It has a Président and other officers,
meets monthly for the Eosary, Bénédiction, and the transaction of bus-
iness. It has already made many valuable purchases, such as vestments,
Sanctuary carpet, black draperies, communion and altar cloths, cassocks
for the altar boys, etc.
Another satisfactory organization, at Guelph, Ont., under the pastor-
ate of Rev. J. J. Connolly, S.J., was developed with a spécifie object in
view. This was the procuring of a handsome marble altar and statue
of the Immaculate Conception, a marble railing and tiles floor, to cost
seven thousand dollars, and to be paid for in two years, a resuit which
was happily accomplished. Members of the Congrégation were also
inspired to bestow such munificent gifts as a thousand dollar clotli, brass
gâtes for the railing, and the hand-worked altar cloth. The procéd-
ure was to enlist fifty collectors, each of whom for the prescribed
time gave twenty-five cents a month, and obtained ten more subscribers.
Ail became members, and their names were engraved in gold on the
tabernacle door. The fee was later reduced to ten cents a month, which
is sufficient for the maintenance of the sanctuarv belonging to one of
the most beautiful and artistic churches in Canada.
St. Michael's Cathedral, Toronto, has 579 members, each of whom
pay ten cents a month; and thirty-eight promoters, who visit ami keep
faithful the members. A monthly meeting is presided over by the
Rector, Eev. M. D. Wlielan, to whose untiring zeal, as the secretai7
reports, much of the Society's success is due. The expenditure for the
altar and sanctuary furnishings, linens, vestments and ornaments, has
been considérable. Electric lights hâve been installed on the varions
altars, at a cost of about a thousand dollars, and large sums hâve been
contributed for extraordinary parochial improvements.
At St. Peter's church, in the same city, the Altar Society, though of
récent origin, is on a thoroughly business-like basis. The parish is
divided into twenty districts, each provided with a coUector, who enrols,
if possible, evey family in that district. Neglect of two meetings means
the appointment of a new collector, and the collectors change districts
every year. The membership is about 350, and the fee, ten cents a
month. In addition to the ordinary expenditure, some eight hundred
dollars has been devoted to altar fittings. In the words of the Pastor,
Father Minehan, who is its efficient director, '' a brief comprehensive
System and a regular order of business, contributes much to good re-
sults." Similar associations oxist, in a flourishing condition, at St.
Basil's, Toronto, in charge of the Basilian Fathers; at the Jesuit church,
Sandwich, Ont.; at Orillia; at the Cathedral in Halifax, and at the
Franciscan church, Chatham, N.B. ,
Such Societies hâve a touching beauty of their own, grouped arouud
the home altar, whcro cluster memories so tender and so sacred. Surely,
their members must hâve an intimate share in prayer and sacrifice until
— 1030 —
the night of earthlv labor has corne; and before the altar, folded, pale
aud cold, are the hands, filled with precioiis gifts to ofîer at the bar of
divine justice.
Tho Work of the Tabernacle for poor churches had its inception, in
1S41, in Paris, when a religions of the Sacred Heart suggested it to
her graduâtes. It may hère be observed,. that it is a work ever dear to
the daughters of Mother Barat, and has been established in the externe
sodalities of the Children of Mary, attached to their convents. The seed
thus sown, fructitied, when one of the graduâtes, Mlle de Moeiis, found-
ed, some yeare later, in Brussels, at the expiatory Church of St. Gudule,
an association, for which a few simple rules were drawn up by Father
Boone, S.J., and which was approved by the Belgian hierarchy. It
spread into sixty-five cities, aud seven hundred and fiftey villages of that
langdom, reaching thence into the principal countries of the world. Its
headquarters were transferred to Eome, under Léo XIII. who expressed
a w'ish that a branch should exist in every diocèse of the Universal
Church. It had, meantime, became amalgamated with the Work of
Perpétuai Adoration, and turned into a religious Order, the Sisters of
the Perpétuai Adoration, who forni the centre and Connecting link for
the whole world, froni the Convent in the Via Nomentana, near the
church of Corpus Domini.
This Tabernacle Society has been established in many cities in the
United States, but its oldest and probably most extensive branch is that
at the Convent of Notre-Dame, Philadelphia, which is now. over forty
years in existence. It began with five members. It has now over two
thousand. Its aims are to make Jésus Christ better known, loved, and
adored in the Blessed Sacrament, to expiate the outrages committed
against Ilim, and to supply poor churches and missions, with the requis-
ites for Divine Worship. With the coopération of the Sisters of Notre-
Dame, a Council of secular women, including the most prominent Cath-
olics of the metropolis, under the spiritual direction of a priest, for
some years past, Mgr. Turner, carry on the affairs of the society. They
meet monthly for business, and with the other active members, assemble
three times a week at the work-room in the Convent, for the making of
vestments and tbe préparation of altar linens. Quarterly exhibitions
of the work donc are held, and a yearly report published. Poor churh-
68, in every corner of the United States, and in foreign missions, hâve
been matorially aided by its work, and numberless branches hâve been
founded. In fact, it is customary in giving donations, to stipulate that
a l)rancb bo formed in iho parish Ijonefitted. This is simple enough,
since the pastor merely invites the faithful to make an hour of adoration
monthly. In small places, this is done in common, and ail enroU them-
selves as members of the association. Corporate bodies may also obtain
mcmbership, by contributing a yoarly fee.
Women and men become members, by causing their names to be reg-
i-sterwl at the Convent, and making an hour of dévotion, monthly pré-
férable, hofore tlie Blessed Sacrament exposed, and giving the annual
alms of one dollar. Those who give two, or upwards, become benefac-
tore; and life membere give tyenty-five dollars at one time.
— 1031 —
Other means of assisting tliis great work, which sends ont yearly well
on to four thousand dollars worth of altar requisites, benefitting over
a hundred poor cliurchcs, are by donations of materials for work, jew-
elry, or objects of silver or gold. It bas also becomc a pious and beauti-
ful custom to donate some altar vessel, such as a ch.alice, or a mémorial
to the beloved dead. The subscription to the Annals. twenty-five cents
a year, also helps, and the readers of those touching chronieles will feel
impelled to do a great deal more.
In Canada, there are several branches of this work. At the Basilica
of Québec, under the direction of Mgr Henri Têtu, it has, in its quarter
century of work, distributed about forty-eight thousand dollars worth
of altar fittings to poor churches, mainly in the archdiocese and in Kim-
ouski. It has branches at Levis, and Chicoutimi. Its resources include
the membership fee, fifty cents a year, and small donations from the
fabrique and Government of Québec. Its membership is considérable.
A quite independent, and equally flourishing organization, e.xists at
the Congrégation of St. Eoch's, Québec, and, also, at that of the Fran-
ciscan ilissionaries of Mary, who are officially charged with the work of
Perpétuai Adoration for the archdiocese.
In Montréal, there is the oldest, and perhaps the most important Tab-
ernacle Society, for poor churches, and for the Perpétuai Adoration ; for
that aim, as in the Philadelphia Association, is insistently kept before
the minds of the members. Its origin was in 1695, under Jeanne Le
Ber; its présent effective organization, however, dates from 18G6, under
the.episcopate of the saintly Ignace Bourget, bishop of Montréal. Its
membership, last vear, was 1576, its fee being fifty cents a year. It is
affiliated with the Arch-association in Rome and the Catholic Asso-
ciation of St. Francis de Sales, and enjoys the numberless indulgences
and spiritual benefits of both.
It sends forth thousands of altar requisites yearly. which may be seen
at the annual exhibition, and which speak volumes for the industry.
taste, and skill of its active members. Between three or four thousand
dollars are spent every year in the service of the sanctuary ; its constitu-
tion is similar to that already described. Its active memlDers, under the
spiritual direction of the Priests of St. Sulpice, meet at the Môther
House of the Congrégation de Xotre-Dame, where they hâve the val-
uable coopération and guidance of the Sisters. They, too, make the
regular hour of adoration. There are, also, the Associate members, men.
women, or children, who register their names and pay their fee of fifty
cents.
The dead may be enroUed in the same manner. Educational estab-
lishments, parishes, or societies may enjoy the privilèges of membership,
by paying the yearly sum of ten dollars. Donations of materials for
work or oher objects.^ as in Philadelphia, are eargorly sought, and priests
may serve thèse associations by sendin? partly worn vestmentj:, or other
altar necssaries, which can be renovated for. the missiom:.
The brief mention here possible conveys but little of the moral and
spiritual boautv of this organized ofTort to honor Je*5u? Christ in tho
Sacrament of His Love. It is certain that thèse associations hâve,
— 1032 —
moreover, a broadening, an uplifting, and a ritualizing effect uipon their
members, which cannot be over-estimated. They are perforée familiar-
ized with the liturgy of the Church, with the cycle of its yearly fest-
ivals, with ecclesiastical history, and even church architecture and art, as
they relate to the service of the sanctuary. Above ail, they infuse into
the 80ul a more fervent love for the Hidden Lord, since they contain
the note of personal ministration to Him, the combined service of
Martha and Mary.
They bring home, likewise, with compelling force, the truth that not
only in remote missions of the Old World, but on our own continent,
amid almost boundless luxury, missionaries are deprived of ail save the
barest necessaries of life, and our Lord upon the altar is similarly de-
nuded. Through the magnificent efforts of the Church Extension Soc-
iety of the United States and Canada, which, by the way, should engage
gênerai attention, almost incredible façts in this direction hâve been
made known, and some realization made possible of what is being en-
dured, up in the great white silences of the north, or far in the buming
beats of the South, by those who preach the gospel of peace. Scarcely
can they procure the means with which to offer the Holy Sacrifice. And
hère is a field for the activities of such associations as those we hâve been
confidering.
It would he impossible to conclude this cursory glance at so far reach-
ing and important a subject, without a word of what has been donc
since last February, in this beautiful Marianopolis, to prépare for that
great imposing pageant which has been so unparalleled an hour for this
continent and for Canada. Montréal was transformed, as far as its Cath-
olic women were concemed, into one vast altar society. Meeetings were
held at private houses, and at convents, notably that of the Sacred
Heart, St. Alexander St., and the greatest zeal and enthusiasm prevail-
ed. It was soon determined that the altar linen and other requisites
for the great event should be donated by the Catholic women, who gave
their time and skill to the work. Under the able presidency of Miss
Guerin, sister of His Worship the Mayor, and of Madame Auguste Cho-
quette, they achieved those results which were manifest at the présent-
ation of His Grâce, the Archbishop, and at the exhibition held in St.
James Cathedral, in July. On the part of the French Canadian women,
Madame Choquette presented two thousand dollars in money, and a
splendid collection of altar linens, each variety running up into the
hundreds. From the English-speaking women, Miss Guerin offered
five hundred dollars, and one hundred and fifty handsome silk cushions,
refjuired for the episcopal visitors. Work of varions kinds was under-
taken by women and men of St. Patrick's parish, under the efficient
leadership of Kev. Gerald McShane; and in St. Anthony's, through the
initiative of its pastor, Fatber Donnelly, an altar society, the first, it is
«aid, in Montréal, was founded and promises to be flourishin^. Father
Devine, S. .T., in the Messenger of the Sacred Heart, suggested the send-
ing from ail parts of the Dominion, of flowere, some of which hâve been
pla^ed in the hands of Lady Kingston, another active worker in the
great campaign.
— 1033 —
The utility of thèse organizations which we hâve been consideriag,
their wonderful achievements for the cause of religion, and their bénéfi-
ciai effects upon those engaged therein, may be surmised in this extract
froin the life of Mlle de Moeiis : • —
" How many lives hâve been thereby rendered meritorious, that would
otherwise hâve been empty ; hours gained for heaven that would other-
wise hâve been lost ; talents consecrated for the Master, that would hâve
served vanity; thoughts directed to a noble end, that would hâve been
fixed up frivolous objects; hearts given to the Love of God, that would
hâve centered up their affections on earthly créatures. How many
better appointed Holy Sacrifices offered ; how many priests consoled,
cold hearts warmed, tepid ones reanimated, fervent ones inflamed."
This is the century of strenuous effort on the part of the laity; it is
the century of the Eucharist, heralded by Papal Encyclicals, and by the
crusade to establish the Eucharistie reign of Jésus Christ, inaugurated
by Father E}Tnard and his devoted sons. For us, Catholic women, a
field, white wdth the fair blossoms of love and sacrifice is outstretehed,
in altar work. As has been seen, it is in harmony with the glorious
past; it has been blessed by successive popes and warmly enouraged by
the hierarchy everywhere; it is an actual apostolate, glowing with that
missionary spirit with which the air is charged; it is instinct wjth the
beauty, the mystery and the poetry of our faith ; it is a féminine move-
ment, indeed, but one which retains our sex upon the exalted plane
where chivalry and the Church hâve placed it.
May it not, then, be hoped that a practical fruit of the Congress of
1910, and of the more ardent Eucharistie spirit which it has evoked
will be the multiplication of new associations for the service of the
sanctuary, and the doubling and trebling of membership in those whih
already exist.
THE TRIBUTE OF A GREAT CENTURY TO
THE EUCHARIST.
BY
JAMES J. WALSH, M. D., LL. D.
THE most interesting monuments of the past that our civilization has
preserved are doubtless the Great Gothic Cathedrals. Tn every country
in Europe thèse magnificent édifices, the indexes of tho faith and of the
wonderful artistic feeling of the peoples of the oldcn lime, romain as
the best évidence of the high culture of a génération which unlil a few
— 1034 —
years ago wo were iucliued to think of as very backward and lacking in
culture. Anyone wlio has studied thèse fine old édifices lovingly cannot
lielp but ask hiniself the question, What was the state of éducation of the
people wlio built tliem? The answer to that question is a révélation.
\n connection with thèse Cathedrals, Cathedral schools were founded
which fonned the basis of our modem universities. Before the end of
the great Cathedral Century, the Thirteenth, there were more students
at the universities in proportion to the population than there are in the
universities of the modem time. Before the end of the century, the art
awakened and artists, whose works are studied yet for the sake of their
wonderful power of expression, came in to prominence.
As might well be expected. this was a century of supremely great
literature. In every country in Europe, there was published at least
one great work of literature that became one of the national monuments
of the language, and that maintains its interest for the world of édu-
cation down to the présent day. The Cid in Spain, the Arthur Legends
in England, the Niebelungen, with the Meistersingers and the Minne-
singers in Germany, the Eomance of the Eose, with the Trouvères and
Troubadours in France, and in JSTorthem Italy with Dante at the end of
the century, represent a surpassing period of "literary accomplishment.
This literature itself and especially the growth of a proper appréciat-
ion of it amoug the people was due as directly to the Church authorities.
With the rise of the magnificent fanes, in which for the first time wor-
ship seemed to be worthy of the Creator as far as man could make it,
there came the demand for hymns to be used in the cérémonial of thèse
great édifices that could be worthy of the environment. Tlie answer to
tliat denuind was the great Latin hymns, the origin of which can be
traced in their more perfect form to just about the time the end of the
twelfth century, when the Cathedrals were beginning to assume their
linest proportions and prépare for that beauty of finish and détails that
was to corne in the early thirteenth century.
The great hymn writers Adam of St. Victor, St. Bernard of Moriaix,
came at the end of the twelfth century. Thomas of Celano, Jacopone
da Todi, 8t. Bonaventure, and St. Thomas Aquinas came during the
Thirteenth. There were many others, but thèse are the great sacred
poetB of the time. There must bave been a very brilliant harvest of
sacred poetry to enable the sélection to bc made that has been made : for
the Tiatin Hymns of this time, the Dies Irne, the Stal)at Mater, the Laus
Patrtae Celesiis C Jérusalem The Golden), the Christum Dulcem, the
Pange Lmgua, the Lauda Sion are among the greatest contributions to
poetry tba bave ever been given. Of some of thèse Latin Hymns, men
whose faculty of critiseism is unquestioned and whose knowledge is broad
and deep, men like Saintsbury of Edinburgh, hâve not hesitated to say
that after them " no poet, could say that anv effect of poetry was as far
as Sound goes unattaii^abJe, though few could hope to equal it and per-
haps no one except Lante and Shakespeare has fullv donc so." Some of
our greatest poets of the modem time, Drvden, and Goethe, and Scott,
( rarhaw and Lnimmond, bave translated them; and such men as the
— 103,-) —
Schlegels, Archbishop Trench, Jérôme Taylor, Herder, Fichte and Mac-
aulay hâve attempted translations of them, and the great musicians
hâve thought it a labor to make music for them.
It was just at this suprême period that the Feast of the Blessed Sa-
crament was established. Urban IV. in 1264, decreed the célébration of
the Festival of Corpus Christi which had however been celebrated in a
number of diocèses before, in accordance with old traditions. St. Thomas
Aquinas, who was looked upon as probably the greatest scholar in the
Church at the time, and who was known for his dévotion to the Blessed'
Sacrament, was asked by the Pope to write the office for the Feast. It
might be expected that this great philosopher, theologian, and university
professor would be content with writing the prose parts or the office.
St. Thomas, however, set himself the further task of writing the h}Tnns
for the Feast, and in so doing gave us a new light upon his wonderful
intellectual faculty. One of the most exact of thinkers that ever lived,
possessed of one of the broadest of minds, full of information, a niind
which had devoted itself to setting forth with wonderful success the
meaning of the universe and the relations of the Creator and creatm-e,
it might hâve been expected that St. Thomas would hâve very little :f
any of the poetical faculty. There are three of his hymns to the BlesseJ
Sacrament, however, the Pange Lingua, the Lauda Sion, and Adore Te
Dévote Latens Deitas, that are worthy to be placed beside even the great
Latin Hymns of the end of the twelfth and the beginning of the thir-
teent century. The Pange Lingua must undoubtedly be placed, in the
opinion of eminent critics, among the seven greatest hymns ever written.
Neale says of it : " This hymn contests the second place among the
hymns of the Western Church with the Vexilla Régis, the Stabat Mater,
the Jesu Duïcis Memoria, the Ad Regias Agni Dapes, the Ad Supcrnam,
and one or two others, leaving the Dies Irae in its unapproachable glory."
The opinion thus expressed is almost universally accepted ; and there are
those who sonsider that the Pange Lingua Gloriosi, the Stabat Mater
and the Dies Irae represent three phases of Christian feeling and piety
that are unapproached in their marvellous beauty of thought, their won-
derful appropriateness of expression, the music of their verse, and the
poetic genius they mirror. It is only the différence in their subjects
that make the distinction between them, for they are each suprême ex-
pressions of human feeling with regard to the prol'oundest religious
subjects that we hâve.
How few of us there are who realize ail the wondrous poetic beauty
of the simple wonderfully comprssed sacred poem in which, with so
few words that it seems almost impossible that he should hâve done it.
St. Thomas expresses ail the dogmatic and tho mystical theoUigv and the
f ount of dévotion there is in the Blessed Sacrament. As a resuit of lack
of appréciation, the hymns we use are often so common-place, sometime.*
indeed so unworthy of the sublinio mystcrics and boautiful coromnnial of
the Church, that even the great hymns do not appeal to us with ail the
power they really possess. Most of us hâve heard the Pange Lingua so
often that is is "easy to forget the higli place that has been assignod to
it, not only in ecclesiastical but in world literaturo. Tt« bcautiful words
— 1036 —
ueed ouly be repeated to make us appreciate, however, what a precious
héritage of the genins of tlie angelic doctor that it is.
Pange, lingua, gloriosi
Corporis mysterium,
Sanguinisqiie pretiosi,
Quem in mimdi pretium
Fructus ventris generosi
Eex efïudit gentium.
ISTobis datus, nobis natus
Ex intacta virgine,
Et in mundo conversatus,
Sparso verbi semine,
Sui moras incolatus
Miro clausit ordine.
In supremae nocte coenae
Eeciunbens cum fratribus,
Observata lege plene
Cibis in legalibus,
Cibum turbae duodenae
Se dat suis manibus."
lîol)crt Campbell lias translated it, keeping the double rhymes of the
original and making what is probably one of the most close équivalents
to the Tjatin that we hâve.
Hail, the body bright and glorious,
Myster}^ of love divine;
Hail, the blood that fiows victorious
From the true, the living vine;
Hail, OUI- ransom meritorious,
Flower and root of David's line.
Given for us, for us assuming
Purest flesh in Mary's womb;
Earth with heavenly light illuming,
Scattering seeds of heavenly bloom ;
More and more with love consuming,
As he hastens to the tomb.
Love to raan his breast o'erflowing,
Soe him froin the table rise,
Ancient symbols overthrowing —
Mystery of mysteries —
With his hands himself bestowing,
Food of life that never dies."
In my volume on the Thirteenth Century, I called attention to ene
of St. Thomas' great hvmns to the Blessed Sacrament that is not so
familiar n& the others, the Panrje Lingua and the Lauda Sion, and yet
— 1037 —
deserves a place among the great sacred poems even of that surpaseing
time. This is the Adoro Te Dévote Latens Deitas. Its first two stan^at
with their perfect double rhymes furnisli an excellent idea of Thomas"
command over the technique of tlie art of rythniic rhjTning verse making
in Latin. I venture to repeat hère thèse two stanzas :
Adoro te dévote, latens Deitas,
Quae sub his figuris vere latitas.
Tibi se cor meum totum subjicit.
Quia te contemplans totum déficit.
Visus, tactus, gustus, in te fallitur,
Sed auditu solo tuto creditur :
Credo quidquid di.xit Dei filius :
Mhil hoc veritatis verbo verius.
Justice O'Hagan's fine translation renders the sensé and sound of St.
Thomas' great poetry into English as adequately perhaps as is possible.
The Justice translated many of the older Latin hymns beautifully, but
none more so than this.
Hidden God, devoutly I adore thee.
Truly présent undemeath thèse veils :
Ail my heart subdues itself before thee,
Since it ail before thee faints and fails.
Not to sight, or taste, or toueh, be crédit;
Hearing only do we trust secure :
I helieve, for God the Son hath said it ^
Word of truth that ever shall endure."
I would not hâve you think, however, that St. Thomas' Hymns to the
Blessed Sacrament represent the first tributes of Catholic poetry to this
wonderful and touching mystery. Among the earliest hymns that we
hâve from early times, is the "Ad Regias Agni Dapes," a hymn to the
Blessed Sacrament, sometimes attributed to St. Ambrose, probably com-
ing from some slightly latcr hand. It must not be forgotten that the
central ceremony of Christianity, the Holy Sacrifice of the Mass, was
itself a wonderful poetic symbol, a sacred drama, arranged so as to recall
the sacrifice of Calvary, and yet to bring out particularly ail the polemn
beauty of the wonderful provision which the Saviour had made for re-
maining with his people, even after his departure from them, by leaving
His body and blood with them. When I add, that out of this symbolic
sacred tragedy there doveloped in the after time our modem drama,
this pointing out of the poetic dramatic qualities of the mass will not
seem far fetched. It was because this central ceremony of Christianity
occupied so much attention, and was held in such high révérence, doubt-
less, that poets scarcely dared to look to this for the subject of their
— 1038 —
poetry, since the expression of siiblimest thoughts witli regard to it were
already onibodied iu the Mass.
In the l'ullness of time, however, there came that explicit expression of
the implicit faith and worship of the Church, and gradually we hâve,
with tlie great outburst of poetic genius in sacred song in the 12th or
loth centuries, hymns tliat bring us close to the Blessed Sacrament.
Bernard of Clairvaux's Jesu Dulcis Memoriae is one of thèse that ush-
ers in the outburst of sacred songs, with regard to the Blessed Sacra-
ment, tliat was to come in the next century. There is probably no hynin
that shows to what perfection the art of hymn writing in Latin had
reached early in the twelfth century; yet one might well say that no
music of language, or faculty of poetic expression, or power of song was
lacking in this beautiful hymn. The first three stanzas give a very good
idea of it.
I.
Jesu, dulcis memoria,
Dans vera cordis gaudia,
Sed super mel et omnia
Eius dulcis praesentia.
II.
Nil canitur suavius,
Auditur nil jucundius,
Nil cogitatur dulcius,
Quam Jésus, Dei filius.
III.
Jesu, spes poenitentibus,
Quam pins es petentibus,
Quam bonus te quaerentibus,
Sed quid invenientibus ?
There are subséquent stanzas that show at one the power of the poet
over lii.s médium, and the wonderful success of his effort at expressing
aome of the deepest of religious feelings.
Jesu, decus angelicum,
In aure dulce canticum.
In ore mel mirificum.
In corde nectar coelicum.
The last stanzas might very well serve as the sum of our homage and
the trumpet rail of invitation to the world beyond this, when after the
conclusion of the cérémonies of this precious week, Christ may be con-
— 1039 —
sidered for poetic purposes, at least as returning in triiunph to his
Heavenly abode.
Jesuin sequamur laudibus,
Votis, hymnis et precibus,
Ut nos donet coelestibus
Secum perfrui sedibus.
Coeli cives ! occurrite,
Portas vestras attoUite,
Triumphatori dicite :
Ave Jesu, rex inclyte !
About the end of the century anotlier great liymn writer was to give
us a hymn almost as great as any of those of St. Thomas. The
0 esca viatorum,
0 panis angelorum,
0 manna coelicum,
is beautifully devotional, and Avhile it lacks, perhaps, somctliing of the
wonderful theological quality, it has ahvays been looked upon as one of
the beautiful hymns of the Church. One finds translations of it in
many Protestant H}TTinals, and, indeed, Sehaff's translation is very well
known.
0 Bread of Life, from heaven
To saints and angels given,
0 Manna from above !
The soûls that hunger feed Thou,
The hearts that seek Thee lead Thou,
With Thy sweet tender love.
The last stanza in the original Latin is one of those wonderful com-
préhensions of sensé and sound, which shows how in short lincd verses,
scarcely more than three words in length, the dear old latin was able to
express, with wonderful dignity and musical quality, great religions
thouiïhts.
■a'
0 Jesu, tuum vultum,
Quem colimus occultum
Sub panis specie,
Fac, ut, rcmoto vélo,
Aperta nos in coclo
Cernamus facie."
For the English translation, I once more tum to Sohafï with ail the
more readiness, because he has almost succeeded, in a language much less
— 1040 —
suitable ilum Latin for such effects, in reproducing tlie happiest qualities
of the original :
Jesu, this feast receiving,
Thy Word of truth believing,
We Thee, unseen adore;
Grant, when the veil is rended,
That we, to heaven ascended,
May see Thee evermore.
When one reads the tributes of literary critics who often hâve very
little sympathy with the ideas expressed in thèse old hymns, yet are so
enthusiastic in their praise, a deep sence of regret for our own lack of
enthusiasm for them is likely to corne over us. We hâve heard them
sung only too often in translations so inadéquate that it is a shame to
think that they should be selected for church services ; often with music
so suitable that it utterly ruins their sublimity, that we are prone to
think less of them than we should. Above ail, familiarity bas bred not
conterapt, for that would be impossible, but a certain lessened admir-
ation. That word familiarity derived from familia indicates very well
just what has happened. Thèse hymns like mère members of the fam-
ily are very dear to us, and yet somehow do not appeal to our enthus-
iasmg. We like them very much, yet somehow we fail to think as much
of them, or at least show our respect for them externally, as much as for
many another bit of poetry not at ail worthy of comparison with them.
Our attitude of mind in their regard has sometimes seemed to me to
recall the story of the finding of diamonds in South Africa. A pedlar
with collar buttons and ribbons, and other necessities of that complex
bundle of needs we call modem civilization, was wandering on the velt
plying his trade, when, on day, he noticed some Boer children playing
jackstones with objects that had shining brilliant objects in them. The
children liked them because of the play of colors in them, when the sun
shone on them. The pedlar wondered what they were, and succeeded
in bartering some of the trifles in his pack for a handful of them.
When he got back to Capetown, and asked a jeweler to tell him what
they were, the jeweler asked him where Jie got them. The pedlar said
that_ what he wanted to know was what they were worth. The jeweler
replied, probably thousands of pounds. The glistening objects were
diamond"). The peddler went back to make his fortune in the diamond
fieid.", and thon to fînd that money beyond the richest dreams of his
avarice, when he was a wandering merchant, did not satisfy the human
Bpirit, and ao he went unbidden into the other world. When one reads
the brilliant appréciations of thèse old hvmns by some of the literary
geniusfis for whom the world has the most "respect, it is apt to come home
to UB that we too bave ail unknowing been handling diamonds glisten-
ing with beauties, an/3 that others must come to tell us how precious are
thf gems of poptry that the Church has accumulated from old âges, to
place in the beautiful setting of her cérémonial.
— 1041 —
It is rather interesting to trace the origin of Hymn Writing in the
Cliurch. Khymed hymns, or at least sacred poems in which there were
récurrent similarities of sounds with musical efïect, came very early in
the history. Ont of assonances in which only vowel sounds were similar,
there came the first hints of rhyme, in which the répétitions of eimilar
consonant and vowel values gave fuU satisfaction of the ear. While ail
the other modes of poetry, mètre and rhytm, with the appropriate use
of quantities, come to us from the distant East, rh}Tne came to Europe
from its most distant ^Yest. It probably originated among the Gaels in
Ireland, and the first great poet to use rhyme effectively, very much as
we do now, was Sedulius, whose Irish name was Shiel, or Shealy. From
his time, in the fif th century — he was prominent under Theodosius the
Great, in Itah', having left his native country for the love of learning, —
it is rather easy to trace the graduai perfection of Latin writing. Thèse
Latin hymns used to be spoken of a little contemp;tuously as only rhymed
Latin, but in the last century a proper appréciation of them has come
to be the rule.
Critics hâve even gone so far as to say that thèse Latin hymns were
the only genuine outburst of the genius of the Latin language. The
classic poets were occupied in imitating the Greeks, and the Latin lan-
guage itself did not hâve the opportunity for its native expression. That
came, however, with what March calls " the true Latin folk poems," the
Great Latin Hj-mus. They were much more than mère folk poems,
however, they were the favorite songs of the people for many centuries,
and it is not surprising that they should hâve been called " The Bible of
The People." The cultivation of rhyme in Latin let to the introduc-
tion of the same mode of poetry into ail the modem languages. If the
modem languages, and particularly the tongues derived from the Latin,
hâve a wonderful musical quality for poetry, it is largely because during
the plastic formative period of thèse languages, the people who were
using them were listening day in and day out to the majestic harmony.
to the charming music, the wonderfully satisfying sound similaritiee, of
the Latin Hymns. They are the model of ail that is best in modem
poetry, and probably there is no greater benefit conferred by the ChuTxih
on any department of aesthetics than that which she thus accomplished
for literature. We know how much she did for art and for éducation,
for architecture, for sculpture and for the arts and crafts, and yet her
contribution to literature is quite as great.
— 1042 —
OUR LADY OF THE BLESSED SACRAMENT.
REVEREND H. REGINALD BUCKLER, 0. P.
Till^ wondrous plan of the Incarnation in the Divine mind from the
beginning vvas to bring our Lord God into the midst of His créatures
— not as Ile ever is in the natural world, by His présence and secret
workings, " upholding ail things by the word of His power," (Heb. I. 3)
'■ reaching from end to end niightily, and ordering ail things sweetly,"
(Wisd. VIII. I.); but by His real, personal présence, face to face, yet
veiled, liidden, and sàcramental: for such is the Divine law in dealing
with niau hère below, in view to the homage of the créature to the
Creator, that " we walk by faith, and not by sight," (2 Cor. V. 7.) thus
giving to our Lord God the homage at once of mind and heart, by believ-
ing without seeing, as our Lord said to St. Thomas, " blessed are they
who hâve not seen, but hâve believed," (St. John XX. 29.) and being
drawn more and more to the love of God above ail, by means of this
raystery of Divine condescension.
As God is the God at once of nature and grâce, it is to be expected
that as He gives Ilimself to us so lavishly in ail the beauties of nature,
so He would delight in giving Himself to us generously and handsomely
in the realm of grâce. And do we not see it from the beginning ? By
the ministry of augels God spoke to His people. Then with Moses, face
to face. And in the old law by signs and tokens, and wondrous mani-
festations and locations, He declared His présence, and spoke His Will.
Thus to Moses — " Speak to the children of Israël, and they shall build
me a Sanctuary, and I will dwcll in the midst of them." (Èxod. 25.8.)
" And the cloud covered the Tabernacle, and the glory of the Lord filled
it. . . the majesty of the Lord shining." (Ibid. 40.32.) And " the eher-
ubims sijread forth thcir Avings over the ark, and covered it." (Ibid. 37.9)
.Vfterwards, Solomon made "figures of cherubims on the walls and doors
of the temple." (3 Kings 8.7.) Now, " if the ministration of death was
glonouâ, how shall not the ministration of the spirit be in glory? For,
if that which wa.s donc away was glorious, much more that which re-
inainetli is in glory. (2 Cor. 3, 7, 11.)
The old law was the shadow of the things to come. If in the im-
porfect dispensation God gave so many and such marvellous déclarations
»{ Ihii présence among His chosen people, and if He willed the cher-
ubim to over.sbadow the Tabernacle of old, and to be shown on the walls
and doors of the temple, was it not ail meant to show forth the realities
of the now order under Christ our Lord, the reality of His Divine
Présence, and the roality of the Angelic choirs surrounding Him ? Thus,
"you arc come to Mount Zion, to the city of the living God, and to the
Company of many thou.sand8 of Angels, and to the Church of the first-
born. and to God tho judge of ail, and to the spirits of the just made
— 1043 —
perfect, and to Jésus, the Mediator of the Xew Testament, and to the
sprinkling of blood, whieh speaketh better than that of Abel." (Heb,
12.22.)
Ail this désire of God to be wdtli nis créatures seems, indeed, to be
wonderful, and yet if we may say it, not to be wondered at, considering
man's destiny. For, is he not made for the everlasting enjo3'inent of the
Divine présence in heaven, with the Angelic choirs, and the spirits of
the just made perfect? This being so, it would seem to be fitting that
his training on earth should be such as to put him in close relation with
the unseen world. But the unseen world a round us hère is a reflection
of the world above, as the Apostle says, " I saw the holy city, the New
Jérusalem, cominq down out of heaven; and I heard a voice saying, Be-
hold the Tabernacle of God with men, and He will dwell with them ;
and they shall be His people — and God Himself with them shall be
their God." (Apot. 21.2.)
Thus it is that the life of the Church triumphant in heaven descends
to the Church militant on earth — the présence of God surrounded \\\\h.
the Angels and Saints. " You are come to the city of the living God,
and to the company of many thousands of Angels, and to the spirits of
the just made perfect."
Another reason would seem to move our Lord to institute His Sacra-
mental life, — hidden as from the beginning, for " Yerily thou art a
hidden God," (Isaias 45.15), and associated therein with the Angels
and Saints — and that is, in view of counteracting the sins of the
world. Alas ! how unceasingly the sins of men rise up from earth to
heaven. How would the All-Holy God endure it ail, were it not for the
balance on the other side — the infinitely sweet homage of the well-
beloved Son, with tlie bright Angels around Him, yea, and so many lov-
ing soûls of hearth, in the great expanse of the Church militant hère
below? If God was Avdlling to spare the city for the sake of ten just
men, how much more will He spare the world for the sake of His be-
loved Son, in union with so many pure spirits of heaven and earth !
Now when we think of ail thèse wonderful mysteries and workings of
the Son Incarnate in His Sacramental life, which is the continuai
prolongation and extension of the Incarnation, whereby our Lord, hav-
ing given Himself to our nature, now gives Himself to us one by one —
nohis datas, nobis natus, ex iniacta Virqinc — We remember the Divine
scheme for the rédemption of the world, viz. : that God willed to lift
our human nature to the closest relation with Himself, both in its man-
hood, and its womanhood : that, as it had fallen both in man and woman,
in the first Adam and Eve, so it might be restorod to its full dignity in
the second Adam and the second Eve — and that thus ail mankind
might hâve a perfect and a model man, and a perfect and model woman.
The dignity to which woman has been raised by the Divine ^Nfaternity
of Mary is altogether unique, whether we look at God's c-roaturcs in
heaven or on earth. What can compare with it? Xeither l'atriarchp.
nor Prophets, nor Apostlos, nor Martyrs, nor Angels, nor Archangels,
nor Cherubim and Serapliim, can be found in any ways approaching it.
" For, to which of the Angels said He at any time, Thou art my Son "?
— 1044 —
(Heb. 1.5.) And to which of the Angels said He at any time, " Thou
art my Mother " ? " Are they not ail ministering spirits, sent to mm-
ister for them who shall receive the inheritance of salvation?" (Ibid.
1 . 14.) But w-hen we say that " The Word was made flesh, and dwelt
amongst us," and that the flesh of His Sacred Humanity, whieh made
the afl-perfeot hnnian form of the God-Man, was taken from the flesh
of lîis Virgin-Mother, and made and formed from her substance, we
begin to see something of her supereminent position in the Divine
Economy. Thus the Mother of our Redeemer — " ail hearts are
touched and softened at her name,"— takes, by God's Will, the first place
ainoui,' ail Ilis pure, beautiful créatures, whether in heaven or on earth,
and this on account of Her closeness to God, and her relationship to eacb
person of the Holy Trinity, seeing that the nearer anything is to its
source, the brighter and the purer it must be.
We are now to remember that the Blessed Sacrament is the contin-
uation of the Incarnation. And Mary's relationship to her Divine Son
once established, endures for ever. As in the natural order,God wills
to hâve His créatures associated with Himself, giving us life through
our parents, light and warmth through the sun, breath through the air,
food through the birds, and animais, and fruits of the earth, éducation
through our teachers, and ail the needs of life through the hands of
others ; so, in the order of grâce, He gives Himself to us through Hia
Mother, truth through the Church, grâce through the Sacraments, and
His Bweet Sacramental présence through the hands of His Priests. He
livea again in our midst in His Sacramental and Sacrificial life. See
how He continues herein His active life for the salvation of soûls. Con-
sider the thousands of living Ciboriums throughout the world, wherefrom
our hîdden Ix)rd makes His entrance into soûls, and works therein the
marvels of His grâce. See Him go to them one by one, as they surround
His altar-rails — then forth from the Church to the sick and dying,
night and day — see Him in the hands of His faithful Priests, travelling
along the country, or in the busy ways of crowded cities, and the long
corridors of hospital and prison. See Him, the Priest forever according
to the order of Melchisedec, offering Himself, from the rising of the sun
to the going down of the same, for God's own great ends, and the vast
nee<l8 of soûls. It is our Lord's active life perpetuated among the souIs
of men ; drawing, healing, cleansing them ; purifying, illuminating, per-
fecting them.
And as in nature, so in grâce ; God delights in having the co-operation
of Hi3 créatures. He loves their union and association with Himself;
above ail, that of His most pure, faithful, and loving Mother; then, that
of the Angels, Saints, and loving soûls on earth. While He is the source;
of ail grâce, He makes them the channels of His grâce.
Tîow condescending and loving of the Creator, thus to wish to hâve
His créatures with Himself in the accomplLshment of His works; as
though He dfîlighted in pouring over them a share of His Divine life and
power, that they, as well as He Himself might be known, loved, praised,
and glorified both in heaven and on earth. And thus He says, "You
are gods, and al) sons of thn Most High." (Ps. 81. G.) Truly, indeed,
— 1045 —
we must ever remember that the Creator is ever}i;hing, and the créature
nothing. This is fundamental Christian truth. It ever stands. No
other teaching ever displaces it. As Our Lord said, " Xone is good but
God alone." (St. Luke, 18.19.) The créature is the récipient of God's
goodness; and its greatness is in its humanity and its subjection to the
Creator.
Ail this premised, God wills to work both in nature and grâce, with
and through His Créatures, as we hâve seen : and the nearer they are to
Him, the better they are fitted for the carrying out of His behests. Thus
we conceive of the hierarchy of grâce : The eternal God, the beauteous
Primai cause of ail, from everlasting tb everlasting ; The Incarnate Son,
the source of ail our grâce; His chosen and Most Blessed Mother, the
first and nearest to Him of ail pure créatures — He Himself, with ail His
grâces, in His life on earth, and in the Blessed Sacrament, coming to
this world through her. He need not hâve done it — but He willed it —
and He did it. He was made man through her, and of her, God so
ordaining. Therefore, our Lord, as man, is hers. The relationship of
Mother to the Word Incarnate is hers for ever. The glory of the Son
is on the Mother, and of the Mother on the Son. And as"^ she was the
Mother of the babe of Bethlehem, so she is the Mother of our Sacra-
mental Lord — and our Lord's workings in His life on earth are re-
flected on her, and she on Him — and the workings of His Sacramental
life are reflected on her, and she on Him. Thus as He came through
her, so His grâces come through her, according to the opérations of Him
who worketh ail in ail. Then, after her, in the hierarchy of grâce and
glory, we hâve the bright Angelic Choirs; and grâces come through them
also upon the soûls of men — how many do we not receive through our
dear angels guardian ? Then the patriarchs, prophets, apostles, martyrs,
confessors, virgius, and ail the saints, and the spirits of the just made
perfect — and the grâces that God gives to the Church and world
through them.
ISTow, from the triumphant to the militant Church. And who shall be
able to recount the grâces ever pouring on the soûls of men through the
consecrated hands of the priests of the Church ! Our Ix)rd Himself,
who came through His mother, now comes to us through His priests. 0
sweet, divine Economy of the Eternal Wisdom and Love ! It is as though
God will not work alone — will not give us Himself but through the
hands of His créatures. Doubtless, because He wants us to love Him-
self above ail, and then one another for His sake. Is there not thus a
wondrous analogy between the position of our Blessed Lady and the
priesthood of the Church ; and does not she become the spécial patroness
and pattern of the priest ? The Word was Incarnate. She had the care
and keeping of Him in His life on earth, and the Priest bas the caro
and keeping of Him in His Sacramental life. He and she lived to-
gether. He and the priest, yea, and ail the faithful, are in closest con-
tact in Holy Communion. She offered Him in the Sacrifice of the
Cross. The priest and the faithful offer Him in tho Sacrifice of the
Mass. Thus our Blessed Ix)rd, and His mother, the Church, the priest-
hood, and ail the faithful in grâce, live and work together — and the
— 1046 —
precious blood which He received froni Mary cleanses us from ail sins,
and gives lis access to the Father.
Oui- Lady af the Blessed Sacrament, pray for us!
FIRST COMMUNION.
BY
REVEREND MOTHER LOYOLA.
I. Are We Doing Oui* TJtmost for Our First
Communicants ?
A THOUGHT that must strike many of us when there is a question
of First Communion, is this — much is expected and rightiy expected of
clîildren at this momentous period of their lives, much during the time
of préparation, much in after fruits. Does the help we provide for them
bear any proportion to our expectations? We know, of course, that the
Sacrament works by its own efficacy, but this in no way dispenses with
the utmost careful préparation of mind and heart. Are we doing ail we
can to secure such préparation?
II. The Work Before Us.
Our work is to lead the child up to our Blessed Lord that it may see,
and hear, and touch Him ; that His influence may pour in upon its soûl
through every avenue; that it may come to the altar-rails — not with a
few dry dogmas as its sole provision, but with the eager désire that can
say, " I know in whom I hâve believed."
III. Its Difficulties.
The bulk of our children can do little by themselves. Even when
dealing with objecta that appeal to eye and car and hand, we must hâve
rw:oursc to ail manner of expef]ients to arrest their attention and gain
their coopération. How much more is this the case when the subject-
mattfr is beyond the reach of sensé, and when concentration of mind
a„,i ,.fT,,rt of will are claimcd at times for matters distasteful to the best
How can we bring within the range of their imagination and intelli-
gfînce, and hoart and will, the truths we want them to grasp with a grip
that will loAt through life? Only by realizing that we must appeal to
fvery one of the.so faculties and make a distinct study of the road to each.
— 1047 —
IV. We Must Appeal to the Imagination and the
Intelligence .
Imagination and intelligence we may take together. Through the
first we shall reach the second. " Truth," says Cardinal Xewman, " is
poured into the mind of the scholar by his eyes and ears, through his
affections, imagination and reason, and is sealed up there in perpetuity."
Aids : (i.) Bright Instruction on our Iiord's I.ife.
To enable the life and actions, the words and personality of our Loi-d
to impress themselves upon the imagination of the children, we may take
them to the cottage of Nazareth, to the Temple, through the streets of
Jérusalem, or to the stormy lake or grassy plain, letting them see Him
among the poor and the sick and the little ones, feeding the multitude,
seated at table with the Twelve. We can paint ail this in vivid colors,
so that there shall not be a wandering cye or a careless listener before
us. Children are not flatterers. If we bore them they will let us kuow
it. Watch the telltale faces. Thèse, and their questions and answers,
are our best guide as to what appeals to them. Our talks with them
should be short and bright, lit up by plenty of anecdotes, ended perhapi*
by a h}'mn.
(ii.) Hymns.
Will anyone provide us with a few hymns, every idea of which shall
be easily grasped by ail in a First Communion class? There are none,
I think, which will approve themselves as wholly suitable to those accus-
tomed to deal with children. Yet much might be donc in this way.
Children love Inonns and learn them easily.
Their own resources after Communion are soon exhausted. How
helpful some very simple rhymed Acts of Faith, Hope, Charity, Con-
trition, and Désire, before Communion: of Adoration, Thanksgiving,
Love, Pétition, and Oblation after Communion, might prove.
(iii.) Lantern Slides.
Another help would be lantern slides representing scènes from the
life of Our Lord, those especially having référence to the Blessed Sacra-
ment. Xothing so engages the interest and attention of a child as tlio
sight of our Blessed Lord's gentleness, tenderness, and compassion, as
shown in the Gospel story. And this we can represent with a vividne^s
which will make a life-long impression on mind and lioart. A soloction
of slides from the life of Chri.st could readily be made, and supplement-
ed by suitable subjects from the lives of the Saints, aiul of tlio infant
lovers of Jésus in the Blessed Sacrament our own days hâve secn.
Perhaps we might venture still farther. and by moan^ of the cine-
matograph represent to tho eves of our little folk, not the form only but
the movement whicli will make the Gospel scènes live before them.
— lû-iS —
Tliink o£ tlieir delight could they see the Jewisli children not only
erowding around our Lord, but being actually taken up into His arms
and embraced, and blessed, and nestling on his breast ! Would not this
bring home to them the Eucharistie embrace for which they are prepar-
ing? Or they niight watch the Blessed Mother la}'ing her Divine Babe
in tlie arms of a httle child, and so realize something of the trust to be
confîded to theraselves. In the same way, they might make acquaint-
ance with the peasant child of six in converse with St. Alphonsus, who
allows her the privilège of niaking lier First Communion at an early âge.
Ail this would involve labor and some expense to obtain satisfactory
reaults. But will considérations of this kind weigh with us when there
is question of presenting the little ones to our Lord, as happy and as
eager as we can? We must be ingénions, resourceful, enterprising. We
must try one schemo after another, interchanging ideas, comparing re-
sults. If one suggestion should be found impracticable, let us cast about
for something better.
But ail this is préparation only for the real work of making ready the
heart and will. First Communion is the great epoch in a child's life,
haring its influence on the whole career. It is the time when its con-
science is trained, its will braced, its principles of action formed. If we
take so much pains to fix the attention and to arouse interest, it is that
we may ensure lasting results in the life and conduct. Let us be definite
hère and practical. We must show the children that the chief part of
préparation must be their own doing. It does not consist merely in com-
ing to instructions and learning their catechism, but in setting earnestly
to work to correct the faults which they know our Lord will not like to
find in their hearts when He cornes. Put before them now in very
simple language the child life of Him who — a child like themselves — is
coming to them to help them to be like Him. Show Him to them in
His home life, at His prayers, at His play, at His lessons, in His
troubles; and tell them they will will best please Him and make ready
for His coming by trying to be like Him. Teach them how to meet
temptation; to rise promptly and without discouragement after a fall;
to offer their daily actions to God, and to turn to Him at once in time
of trouble. Teach them the necessity of prayer and of persévérance in
it to the end. Familiarize them with the thought of the Présence of
Grod as a safeguard in temptation and a help in every need. Thèse things
are not spiritual luxuries for the favored few. We ail need them to
keep out of sin and to store our lives with the merit that lies in our
dailj path.
And now ia our chance with the children. Never again sliall we hâve
a right to claim them so entirely for a course of instruction. Never
again will their hearts be so fresh, so teachable, so eager. Oh, let us do
ail we can for them now! Let us impress upon them the duty of morn-
ing and night prayers, and examination of conscience, of attendance at
Sundav Mass, of regular approach to the Sacraments. Let us see that
the prayers they use for Mass and préparation for the Sacraments are
suited to their âge and capacity. In a word, let us get them to look
upon fidelity to the practices of a Christian life as the real préparation
— 1049 —
our Lord asks of them, and to expect from His présence with them great
strength and help in the battle with self for which they must one and
ail be prepared. • _
Aids — (i.) The Co-operation of Mothers.
And hère expérience shows lis that next to the grâce of God, those who
hâve the instruction of First Communicants at heart must look to the
mothers. Efforts may be made by others to reacli the child's intelli-
gence, heart, and Avill, but it will be to a great extent ineffectuai if the
home influence does not tell in the same direction. It has been found
that much may be donc towards securing the coopération of mothers, if
on the formation of a First Communion class they can hâve their re-
sponsibilities and povrer for good brought home to them in a familier
talk.
Tell the mothers, then, that préparation for First Communion is not
simply a time for implanting a certain number of doctrinal facts in the
child's mind. It is the préparation of the young heart for our Lord'i
coming by the exercise of those Christian virtues and the formation of
those Christian habits which must be its stay through life. For tbis, th«
proper sphère is the home. Routine may influence it in school. There
it goes with the crowd. It is at home that individual effort is called eut
and that good habits are formed. Tell them that in the instructiouB to
be given, the home life of the Holy Child will be set before the children
as a model of what a Christian home should be, and that they will be
urged to imitate His révérence at prayer, obédience, helpfulness, etc.
Show them how much a mother's intelligent coopération may do hère.
The child's will is weak. Watchful and loving care is needed to guide
and second its efforts. Prudence, too, and patience. We must not ex-
pect miracles at this time, or suppose that the prospects of the Great
Day will so fill the volatile childish mind as to bring about the correction
of every fault. Good will is about ail we must expect. The child should
know we look for this. But it would be a fatal mistake to make ite
faults at this time matter for spécial surprise and reproach. With little
in the way of interférence the mother wil be moulding the chiUrs con-
duct and encouraging every effort. Prayer, morning and night, con-
fession, more fréquent, probably, during this time ol' pre])aration,
punctuality at instructions — ail thèse the mother should make her con-
cern, and forward as far as may be. Could we put thèse points before
mothers, with the earnestness born of deep conviction, could we bring
them to look upon it as a privilège to help us hère, what lasting fruits a
First Communion might bring, not to the child alone, but to the home.
(ii.) Family Prayers.
With a view to the home influence exercised at this time, will it be
considered irrelevant if a plea is made for the restoration amongst ub of
that reunion of the family at night, which was at one time a gênerai
practice in Catholic households?,In days when the sanctity of the home
— 1050 —
■is aasailed m so mauy ways, and its safety and happiness need strouger
defeuoc than in tlie past,"should we not do well to meet at nightfall to
secure a blessing and protection that will follow the children when they
leave its shelter and enter on the battle of life?
Expérience shows that few impressions are earlier and more lasting
than this, of seeing father, mother, brothers, and sisters, kneeling to-
gether as the day closes, in united prayer. A young mother recently
found her babe of three kneeling in a corner, the eyes closed, the little
liands joined. To the question: " What are you doing, pet? " came the
reply: " l'se sapng my prayers." "You see," explained the mother,
'"she has seen from her crib Jack and me saying our prayers together
when he cornes at night." Jack is a guard on the railway. Has he not
had his reward already in the impression made where it will probably
nerer be etïaced?
WHien the habit of family prayer has been lost, effort, no doubt, is
needed to recover it. But mothers are generous ând ready to use their
influence hère as far as prudence will allow. The habit of morning and
evening prayer is absolutelv essential to persévérance in a Christian life.
Would not God bless the détermination to meet together for five minutes
each evening before the children go to bed, and thus let each member of
the family help to train thèse little ones in the way they should go?
(iii.) A Retreat.
If a short retreat is possible, well planned, interspersed, perhaps, with
interesting reading, singing, or lantern slides, mothers will help greatly
by falling in lieartily with whatever arrangements are made in thè child-
ren'g behalf.
V. The Eve.
On the eve, let them see that the children get to bed in good time, and
that ail is ready for the morrow. The dress should be festive if possible,
but simple, devoid of display and of anything that could distract either
themaelvos or others.
VI. The Great Day.
The First Communicants should be in church a quarter of an liour
before the Mass begins. Happy those who come accompanied by father
and mother. and bave them kneeling by them at the rails! Let the
children fool themsnlvcs tlie object of révèrent affection, and let ail at
home lielp to make the Créât Day as bright as possible. Care should be
taken that the pleasures, présents, etc., be not over-excitirig. Should
there be Bénédiction in the evening, ail should attend.
VII. After.
A great help towank keeping the fruit of First Communion is the
jrathering togfther of a First Communion group, before certain great
— 1051 —
feasts, for a gênerai Communion which might be preceded by a short
instruction, tending to revive the good dispositions and résolves witli
which they approached the altar to reçoive our Lord for the first tinie.
Xow more than ever is the mother's care and influence indispensable
to préserve in the heart of her child the happy fruits of its union with
God. She must watch over its reading, its companions, its amusements,
ascertain how often confession and Communion are advised by the con-
fessor, and do what she can to see that its religions duties are faithfullv
fulfilled.
How often has it happened that in her zeal to promote the child's
welfare, a mother finds her own fervor quickened: that she begins to
accompany the little one to the altar, and that the praetice of fréquent
communion thus gradually makes its way into a household !
Reviewing, then, the ground over which we hâve travelled, we see that
préparation for First Communion should bring our Lord vividly before
the children's minds in order to win their hearts to Him ; and that bright
descriptions of Gospel scènes, with lantern slides or cinematograph, and
simple rhymes embodjdng the Acts before and after Communion, would
prove very helpful to this end.
Secondly, that we should get the children to look upon their imitation
of the virtues they see in our Blessed Lord, and fidelity to their reli.gious
and home duties, as the préparation for His coming, which He desires
to find. We must teach them now the necessity and the praetice of
pra)-er, obédience and self-denial; the duty of the morning and night
prayer with examinaton of conscience and of attendance at Sunday
Mass ; how to meet temptation ; to offer daily actions to God, and
the like. A powerful help and one we should make every effort to sec-
ure is : T., the coopération of mothers, which may often l)e won by a
familiar talk with them on the formation of a First Communion class,
and IL, the praetice of family prayer at night.
After First Communion, mothers should continue their watchful care
over their children's companions, amusements, and reading, and do what
they can to ensure their religions' duties being faithfully fulfilled.
Means should also be taken to keep fresh the fruits of First Communion.
Such might be a General Communion preceded by an instruction before
great feasts.
_ 105-2 —
THE EUCHARIST AND DEVOTION TO THE
SACRED HEART.
BY
REVEREND LEWIS DRUMMOND, S. J.
THE very title of this paper, chosen by the Committee, implies that
there la a différence between dévotion to the Blessed Sacrament and -
deTotion to the Sacred ïïeart; else the title would be needlessly pleo-
nastie. Moreover it implies that the two are intimately connected, else
thej would not be proposed as a subject of joint study in a congresg
devoted to the Blessed Eucharist. This différence and connection or in-
terrelation will form the thème of this essay.
When first the dévotion to the Sacred Heart of Jésus was introduced in
the seventeenth century, a favorite objection of its opponents was, that
there was no real différence between dévotion to the Blessed Sacrament
and dévotion to the Sacred Heart, and that consequently the latter should
be rejected as only adding a new name to a very old dévotion. The an-
swer to this objection is that the two dévotions differ in their objects
and in the motives for honoring thèse objects.
The object of dévotion to the Blessed Sacrament is the entire body of
the Lord Jésus Christ under the sacramental species, without any spécial
référence to his Heart, whereas the object of the other dévotion is the
Heart of Jésus Christ, without any référence to the rest of His adorable
Bodj. We Catholics, and many of our separated brethren, sucli as the
schisraatic Greeks, Russians and Orientais, the Lutherans, and a large
number of Anglicans, believe that the flesh of Jésus Christ is an object
infinitely worthy of the dévotion of the faithful, on account of its union
with the Eternal Word, on account of ail it suffered for the glory of God
and the salvalion of man, and on account of its being in the Eucharist
the food of our soûls and the source of grâce, according to the explicit
testimony of Jésus Christ Himself when He promised this great gift:
" The bread that I will give is my flesh for the life of the world. If
anj man eat of this bread, he shall live for ever. . . , Except you eat the
Kleeh of the Son of Man and drink His Blood, you shall not hâve life
in you. He that eateth my Flesh, and drinketh my Blood hath ever-
lasting life. . . .For my Flesh is méat indeed, and my Blood is drink in-
deed As the living Father hath sent Me, and I live by the Father,
80 he that eateth Me, the same also shall live by Me." (St. John VI., 52,
54, 56, 58.) Thèse inspired words make this deified Flesh, that " lives
by the Father," infinitely worthy of the deepest adoration and the most
temîer love. To bear public testimony to this truth the Chucrh has es-
tablished a solemn feast spécial ly consecrated to the worship of this div-
ine body. .\nd that the faithful may not be misled as to the real object
of this aolemnity, she has decreed that it shall bear a name which marks
— 1053 —
•
its true character, and, therefore, she calls it the feast of Corpus Christi,
that is, of the Body of Christ. It is thus clear — though perhaps, in
countries, where the popular name of the feast emphasizes the Divinity
or the Majesty of our Sacramental King, as in the French " Fête-Dieu,"
or the Spanish " Su Divina Majestad," sufficient attention may not be
paid to the central dogma — that the spécial and particular object of
dévotion to the Blessed Sacrament is the ver}' Flesh of Christ. It is not
to His Soûl or His Divinity, or His Divine Person, that the feast is fonn-
ally dedicated; ail thèse are involved in it only indirectly, or, as we say
in technical language, by concomitance. Its direct and immédiate object
is the Flesh of Christ in the Blessed Sacrament.
The dévotion to the Sacred Heart, like ail dévotions not immediately
concerned vsdth the entire Sacred Humanity of Christ, has a double ob-
ject,' one sensible, the other spiritual. A parallel instance is the dévo-
tion to the Five Wounds, of which the sensible object is the Wounds
themselves, while the spiritual object is the suffering that thèse Wounds
infiicted on Christ and the love with which He Isore them. So, the
sensible object of the dévotion to the Sacred Heart is the Heart of Flesh
in the adorable body of Christ ; in other words, the Heart of Christ un-
derstood, not metaphorically, but in its natural and obvious meaning.
This is proved by the well known words of Our Lord Himself to Blessed
Margaret Mary, words which we may safely quote, not as a révélation
declared by the Church to be truly and infallibly Divine, for no such
déclaration has ever been made, but as a document carefully examined
by the Church and recognized by her as conforming to the deposit of
faith, and as furnishing an historical basis for the dévotion. Now,
Blessed Margaret Mary says Our Lord uncovercd His Heart and spoke
of the physical Heart which He uncovered and exposed, "Behold this
Heart," and it is this Heart which He wishes to be honored by a fest-
ival. Moreover, whenever she mentions this dévotion she always speaks
of the Heart of Jésus in its natural sensé. So much for the sensible
object of the dévotion. As to the spiritual object, it is clearly pointed
out in the following words : " Behold this Heart which has so loved men
that it has withheld nothing, even exhausting and consuming itself to
prove to them its love. And in return I receive for the most part only
ingratitude, contempt, irrévérence, sacrilège, and the indifférence which
they show me in this sacrament of love." Therefore, the spiritual, and
I may add from. the context, the principal object of the dévotion i.«!
Christ's love despised and wounded by the ingratitude of men. This
constitutes an essential différence between dévotion to the Blessed Euch-
arist and dévotion to the Sacred Heart. The former would be binding
on ail the faithful, even if there never had been any indifTerence con-
tempt or sacrilège ; the latter is a réparation for neglect and insuit.
Thèse considérations show the différence between tbe motives of the
two dévotions. In the Blessed Eucharist the motive for honoring the
Body of Jésus Christ is the infinité dignity of this adorable Flesh and
Christ's boundless love manifested therein, and calling for responsive
love. In the Sacred Heart dévotion the ep.=;ential motive is sympathy
with the Heart of Christ, wounded by ingratitude, and the désire of re-
— 1054 —
paration to that Tleart wliicb, alone ol ail tho parts of tlie Divine Body,
has been tlie seat of thèse bitter pangs. This is admirably expressed in
the antiphon for the Magnificat in the first Vespers of the Feast of the
Sacred Heart : " My Heart hath expected reproach and misery ; and I
looked for one that would comfort me, and I found none." (Ps.
LXV1II.31, 22.) And tlie double objeet, sensible and spiritual, is clear-
ly manifest in the following stanza from the hymn for lauds :
Te vulneratum caritas
Ictu patenti voluit,
Amoris invisibilis
Ut veneremur vulnera;
which may be freely rendered :
Thy Heart's full immolation
The open Wound reveals,
And to our réparation
Thine unseen love appeals.
And yet, after ail thèse explanations, the fact remaius that the différ-
ences between thèse two dévotions, albeit undoubtedly real, are not so
striking as their points of contact. Mark, in the first place, how Christ
reveals His Heart in the Blessed Sacrament: What is called the Great
Apparition — from which I bave qnoted Our Lord's own words — oc-
ourred in the présence of the Blessed Sacrament exposed on the altar
during the octave of Corpus Christi. Thus Christ chose, for this sol-
emn manifestation of His Heart — a manifestation which wa;S the
climax of a great number of previous appritions leading np to it as
their culmination — the octave consecrated to the Blessed Eucharist
and the time during which His glorified Body under the sacramental
veils was exposed to the spécial adoration of the faithful. On this appar-
ition Father Tesnière comments as follows : " ' Behold His Heart ! ' He
shows it there under the veils of the Eucharist, which he has miraculous-
ly ^^^thdrawn in order to appear to the Blessed Sister. He shows His
Heart living and throbbing in his open breast, the source of the Blood
that flows in His veins, the motor of the life that animâtes Him. He
shows it loving, the organ of the affections of His soûl, the sensible sym-
bol of His spiritual love of God and man, grieved at the coldness of men
and-yearning to be loved. It is truly the Heart of Jésus, inséparable
from the Humanity of which it is one of the most vital organs, insépa-
rable from the Person of the Word who déifies it substantially, in-
séparable frorn the Sacrament in which alone the Christ of glory can
romain hère Itelow. Let us adore its real and abiding présence in the
Kur-haristic Christ. May our adoration and homage, the profession of
our faith and love, pour themselves out at the foot of the altar, before
the tabernacle which has guarded that Heart since the evening of the
La.st piipper, and which will guard it till the last evening of the world."
(The Eufharifîtic Heart of Jésus, p. 3.)
Moreovor, the practices of dévotion recommended by Our Lord to '
Ble«ped Margarct Mary are ail intimately connected with the Blessed
Eudiarist. In the first révélation on the feast of St. John the Evan-
gelist, He presented to Her His Heart, encircled by a ciowu of thorus,
and surmounted by a cross, with fiâmes and rays ail round it, more
brilliant than the sun, and transparent as crystal, and then He said : " I
ardently thirst to be loved and honored by men in the Blessed Sacra-
ment." He afterwards made His desires more spécifie and transformed
them into formai demands akin to commandment^ : — "' First, thou shah
receive Me in the Most Blessed Sacrament as often as obédience will
permit, whatever mortification and humiliation it may bring upon thee."
N"ow that daily communion is so highly recommended by the Sovereign
Pontiff, an order like this to a pious nun would seem unnecessary; but
we must remember how, in the second half of the seventeenth century,
when thèse apparitions took place, Jansenism, with its h}-pocritical aver-
sion to fréquent and still more to daily communion, had penetrated even
into the most fervent religions communities, and thus really did bring
upon Blessed Margaret Mary great mortification and humiliation. " Sec-
ondly," Our Lord continues, " thou shalt communicate the first Friday
of every month. Thirdly, every night between Thursday and Friday,
thou shalt rise between eleven and twelve to keep me company in the
prayer which I then ofFered to Mv Father," and this holy hour was to
be spent in présence of the Blessed Sacrament. " Fourthly, I demand
of thee that the first Friday after the octave of Corpus Christi be dedi-
cated as a spécial feast in honor of My Heart, by communicating on the
day, and making an act of réparation to repair the indignities It has
received during the time It was exposed on the altars." Thus, private
adoration and réparation, public honors, more prolonged attendance
near the Tabernacle, ail thèse characteristic praceices of the dévotion to
the Sacred Heart are to find their centre of worship in the Blessed
Eucharist.
And how wonderfully thèse holy practices bave spread throughout the
Church. The promises made by Christ Himself to Blessed Margaret
Mary in favor of those who are devout to His Sacred Ileart, cspecially
the twelfth, promising the grâce of final pénitence to those who receive
Holy Communion on the first Friday of nine consécutive months, hâve
marvellously encouraged this dévotion of the First Friday. Few, if
any, other dévotions bave so taken hold of Catholics in gênerai as this
practice of receiving Holy Communion on the first Friday of every
month. Grown men and women are continually performing almost
heroic acts of self-denial in order not to miss their first Friday. Some
years ago I read of a street-car conductor, who, being on dufy one first
Friday from six ''n the morning till five in the evening, with ihe un-
remitting strain of mind which his charge reciuired, remaine<l fasting
from midnight — sovonteen bours — and then hurried to Church to re-
ceive His Lord in the Eucharist. During the past fKtv years, wbon the
last remains of Jansenistic préjudice? were dying hard, the first Friday
dévotions bave not only made montbly communion popular, but bave
accustomed the Catbolic laitv to freciuent communion. Peonlc who re-
ceived on the first Fridav of a month in which the followinu: Sunday
was an important feast, were also encouraged to receive on that Sunday.
and gradually acquired the habit of weekly communion. In this manner
— 1056 —
the dévotion to the Sacred Heart has been a potent factor in the ever
advauciug movement towards daily communion. Long before the Holy
Father had settled once ond for ail the discussions among Catholic
ilieologiaus on the requisite dispositions for the daily réception of the
Eucharist, the most insistent advooates of this dailv réception were, gen-
erally speaking, the most ardent propagators of dévotion to the Heart
of Jésus. They ahvays maintained that, excellent as was the solemn
outward profession of belief in the Real Présence, the best and most
practical act of obédience to the injunction of Christ, " Except ye eat
the flesh of the Son of Man, ye shall not hâve life in you," was to make
this divine sacrament the daily food of their soûls just as we make bread
the daily food of our bodies. And now that the Vicar of Christ has
pronounced so clearly on the opportuneness and desirability of daily
communion for ail who are in the state of grâce and hâve a right in-
tention, the devotees of the Sacred Heart rejoice in their increased facil-
ities for loving réparation.
To sum up the purpose of this paper, what I hâve been trying to prove
is, on the one hand, the distinction between dévotion to the Blessed
Eucharist and dévotion to the Sacred Heart, and on the other, the intim-
ate union between thèse two dévotions. Jésus, viewed in His wounded
Heart, adds to the worship of the Eeal Présence and the eating of His
Flesh, the élément of réparation for indifférence and insults. Ail the
practices of the Sacred Heart dévotion centre in the Blessed Eucharist,
and thèse practices bave greatly promoted and continue to promote de-
Totion to our Sacramental King.
INFLUENCE OF RELIGIOUS HOME TRAINING.
DR. THOMAS O'HAGAN.
THE Church, the Home, and the School — thèse are the trinity that
mould our lives, fasliion our cliaracter, and fit us for tlie Knighthood of
hearen and the Knighthood of earth. Each of this trinity bas its great
work to do.
The Church pours upon the new-born the regenerating M^aters of
Baptism, and makes it a child of God, and heir to the Kingdom of
Heaven ; the Home, represented in the father and mother, keeps watch
orer the seedlings of grâce implanted at baptism in the garden of the
infant heart, and nourishcs those seedlings; while the School trains will,
and heart, and inind to follow the precepts of truth, and hearken to the
voice and admonitions of God.
Now, the nearest représentative of God in regard to the child is the
Church ; but the Church du ring the first years of the child cannot exert
her VATH (hu:,X\y over it, so that the life of grâce implanted through
— ior>: —
baptism, iniist reniain without noursislinient, unless the parents un-
less fatlier and mother, watcliing over tlie seedlings of grâce iiiiplanted
bv holy baptisni in the heart of thc cbild — foster bv piety, precept and
prayer the tender l}iids of faith and love that hiter\nll bear beaut;eoiis
blossoms in tlie full suinmertide of the garden of life.
Father Beeker, tlie well-known Jesuit author. in hi? admirable work
'• Christian p:ducation,"' likens the soid of a ch'ild after baptisni to the
bud of a sunflower, and he asks what is necssarv tliat this hud be devel-
oped to the full splendor of blossom? Xothing^ Father Recker answers,
except that parents, especially the mother, direct this bud again and'
again to the light and warmtïi of religion. If she does not understand
this, or if she fails to do this, then the tender bud, the soûl, the heart
of the cliild,. will waste away and die.
It is, as you ail no doubt know, the opinion of soiue of the greatest
adepts in pédagogies, that as the child is in its sixth or seventh vear so
it will reniain. Indeed, we hâve proof of this set before us in the lives
of the saints. From very tenderest childhood tbese holy meii and
women were directed by pious niothers, who instilled in their liearts a
love of prayer, a dévotion to Jésus and Mary, a ])ractice of the sweet
duties of religion. Susanna and Tobias are examples in the Ohl Test-
ament: and in the Christian era we bave a St. Louis of France, a St.
Aloysius and a St. Stanislaus. Yes, assuredly, as the child is in its
sixth and seventh years through the care of parents, so it will remain.
Is it not true that we hear to-day complaints on every side of the
alarming increase of crime oommitted in early childhood and vouth,
crimes of every description, down to dastardly 5uici<le. We boast of our
civilization, of our progress, of our intellectual advancement, but whence
cornes that friglitful increase in the number of juvénile criminals? lias
the influence of religious home training ceased ? .\re our mothers ceas-
ing to be mothers!-' Are tlie altars of oui- homes adorued with naïKjht
but Dead Sea fruit?
Philanthropists, who study and note this alarming increase of cnme
aniong the youth of our land. attribute it to a lack of éducation during
early childhood. They hold that greater pains sliould lie taken with the
éducation of children, while they are small and that more attention
sliould be given to the kindergarten training, chiiming — and in this
they are right — that a more lasting impi'cssion can be madc on the
character of every man before lie bas reached the .-;ixtli year of bis life,
than ail in subse(|uent years together.
Tlie kindergarten is imlced verv good. pi'oxidcd. as Fatbcr Hcckcr
says, it be jiervaded with the light and warmth of tlie one tnic ivligion
whit'h the Divine Lover of children bas instituled. lUit. after ail. is not
the j>arental borne the best kindergarten; and is not a pious mother in
this garden the best gardener? Who will watch more oarefully the bud-
ding flower of virtue in the heart of the child than the mother? Who
will tend so assidiioiwlv this tlower, breatbing inlo its pctals the warmtl»
of piety and faith and' niirturing it with the sunsbine of praver as the
mother? Oli ! mv friends, let us not be mistakcii. It is from the mother
that radiâtes ail. or wcll nigh ail. the influence of religious hr)m(' traiii-
34
— 1058 —
ing From the father the ehild indeed acqiiires wisdom, and that
streuf'th of miud aud discipline of the will wliicli conie from ready and
clieoiîul obédience; but it is on the mother's lap, in the mother's arni,
that the child receives that moral impress which fashions its life for
time, and acconipanies it even into eternity.
î^o matter what your priests niay do, says the éloquent Bishop
Gordon, of Leeds, England; no matter how zealous the sisters and the
teachers may be, parents hâve a duty to their little ones, which no one
else can discharge. They must always remain the finst teachers and
instructors of tlieir olfspring. This is the law of nature, the law of
religion, the order of Divine Providence, the will of God. It is, con-
tinues the Bishop of Leeds, on the mother's lap that the little child
should learn to lisp its first prayer to praise God its maker, to bless God
its Saviour, to love Jésus of the M'anger, Jésus of Calvary, Jésus of the
Tabernacle.
It is from a father's lips it must learn its first lessons of wisdom.
Thèse lessons will never be forgotten. This primary duty of parents is
such that unie&s it be observed, priest, and nuns, and teachers will labor
in vain. Unless parents cooperate with them, it is not possible to give
children a proper training. What is built up in school or in Church,
if not supported or strengthened by home teaching sooner or later must
fall to ruin. Hence the duty of parents is to provide their children
with a Christian home.
And now, let me ask what is a Christian home ? It is a f ortress built
by the hand of God, founded and instituted at His command, sanctified
by Ilis Divine love. It is, as the good Bishop of Leeds says, a home, in
which religioif holds the first place, in which the name of Our Lord is a
familiar sound, and where the parents govern themselves, and rule their
children, by the principles of a Cliristian life. The Christian home is
easily discovered. The very walls of the house will tell you at a glance
who it is that holds the first place in the minds and hearts of the in-
matee. If, on looking around, the eye rests on emblems of our holy
faith ; if you find in every room the Crucifix, or the image of Our Lady,
or a religious picture; if you see the holy water stoup well replenished,
along with other tokens of faith, then the very appearance of the house
will afford presumptive évidence that Our Divine Lord holds His right-
ful place in the bosom of the family dwelling there.
What is a Christian home? Is it not one modelled on the Holy Home
at Nazareth, where dwelt Jésus and Mar\^, and Joseph; where holiness
reigned throughout, and where flourished every domestic and social
virtue? In this Ilojy Home at Nazareth, Christ, Our Divine Lord and
Saviour, chose to live for thirty years. He spent His childhood, His
bovhood, and His youth, subjeet to His Blessed Mother and His foster
father Joseph. In His wisdom, Our Divine Lord willed to appear among
us as a little child. Ho bcgan life as we begin it, and passed through
every stage of it. This Holy Home at Nazareth is our model — the
mode! for you, parents, of a Christian home. If, indeed, your homes be
modellefl on the Homo at Nazareth, little fear will there be that your
children will lack religions home training; for your lives will, likethat
— 1059 —
of Mary and Joseph, be a daily lesson in piety and prayer, and vour
children, subject to you, will grow tlirough fond obédience, as did'Our
Divine Lord, in every virtue and grâce.
You remember that our late Holy Father Pope Léo XIIL, of blessed
memory, in his Encyclical on the Pious Association of the Holv
Family, sets forth clearly liow how tlie Holy Familv of Nazareth
is a model for every Christian family of to-da}-. " In Saint Joseph."'
says the late Holy Pontifî, " the father of a "family lia^ a wondrous
example of parental solicitude and care; in the Most Holy Virgin
Mother of God, mothers find a perfect model of love, of modesty, of rés-
ignation, and of perfect faith; and in Jésus, \Yho ' was subject to them,'
children hâve a divine pattern of obédience for their admiration, their
dévotion, and their imitation. Those who are highly born will learn
from this family of royal blood, how to be modest in prosperity, and
dignified in adversity. The rich will be taught how virtue must be pre-
ferred to riches. Those who are engaged in labor, and ail who, espe-
cially in our times, are so strongly tempted to dissatisfaction and
impatience by straitened circnnistances, and the hardships which thev
and theirs hâve to sull'er, need only cast their eyes upon thèse lioly mem-
bers of a holy household, and they will find reasons rather for rèjoicing
than for murmuring at the lot which bas fallen to them. Like the Holv
Family they labor : like the Holy Family they bave to provide for their
daily bread; like Joseph, they must live by what they earn : and, if they
work with their own hands, so also did Jésus before them.
But let me clearly understood hère. The very centre of the radiating
influence of religious home training is the mother. She is the spiritual
sun of the household, giving light and warmth to its every nook and
corner, filling it Avith an atmosphère of love and joy, and the eternal
sunshine of heaven.
But you will ask who and what is a Christian mother ? Let me answer
you in the words of Pov. Bertrand L. Conway, the Paulist Father : " A
Christian mother is onc who makes of maternity a priesthood, and pours
the faith of Christ into the very veins of her child as she nurses him at
her breast. One who teaches his little hands to join in prayer, and his
little lips to lisp the sweet name of Jésus and Mary. She is the motlier
who knows how to carcss and liow to punish, how to be self-sacriflcing
and to resist her child's whims. She is the woman who, later on, will
be glad to sacrifice the claims of vanity and the désire for pleasurc, to
give her whole time and attention to her growing childron : wlio will
prefer the voluntary slavery of home duties to the ca})ricious liberty of
the world. Such a mother will be well able to instill into her daugliter
modesty and dévotion, and to teach her son the manly virtues and tlu»
noble passion of duty."
Such, my friends, is the portrait of the good Christian mother, liinne<l
for us bv Father Conway, in his interesting work, "The Christian Fam-
ily." Both Father Conway and Father Bocker. it will bo observed, em-
phasize for us the work of tho Christian inothor. Wliy ? Bc^-au.^o, nftcr
ail, it is to our mothers we owe our chief gift^ — indeed, our wbole htij»-
piness, intellectual and moral. Il is they who create the moral atnio-
_10G0 —
snluMv .I- tlu> ho.no, fix its .kvalogue, tr.ul the flaïue upon its spiritual
-, fir and load us bv tlie liand along Uto ])ath wlncli dnty bas maiked
fo ouHool'tops. TluM-e is not one in Uns Imll to-day that does not
realize in lus lifo tho in«uem-e of a good niother. There is not one m
tins liall to-dav wliose meniory does not reach back m childhood to a
cood nu.ther, pcvhaps now dwollino- witb tl)e Saints of God To me, next
U) the sarran'ents of (iod's Chureh, and the teaclung ot lier divinely
appoiuted pastors, T owe more to the meniory of a good and P^o^^s mother
in keeping my stunibling foot^teps along tlie path of hght and dnty, than
to anv otlier influence. , , . n i • +i,^^
Throu-di tlie niists of vears, T see now tins good and pions mother
crathering lier little familv around her, in lier humble abode m sweet
converse witli God in evening prayer. Hers was the simple faith of a
child :
'' N'ot learned, save in gracions honsebold ways ;
\oi ])errect, nay l)ut full of tender wants ;
No angel, but a dearer being ail dipt
Tn angel instincts brentliing Paradise,
Interpréter lietween the gods and nien,
AMio lookM ail native to her place, and yet
On tiptoe seeniM io tonch npon a sphère
Too gross to tread, and ail maie niinds perforée
Sway'd to her froin their orbits as they mov'd,
And girdled her with mnsic. ITappy be
With sucli a mother! faitb in womankind
Beats with bis blood and trust in ail tbings bigb,
Coiues easy to bini, and tho' bc trip and fall.
Ile shall not blind bis soûl with clay."
T ani sure, then, tliat il is évident to every one of us tbat in the home,
the niother is the very altar dispensing from tapers of purity, faitb,
dévotion, and truth, the light wbicli illumines eacb Ohristian honsebold.
Xay, lier sweet soûl is the lily on the altar, symbolizing the Lily Maid
of Israël clad with blue niantle — the Mother of our Divine Lord.
If. iheii. \ve would bave religions home influences safeguarding the
livcs of our children, we niust, first of ail, bave good motbers. You
know fui! well that wbat children see niakes a far deeper impression on
thcm than wliat they bear. Wbat will it avait parents, I ask, if they en-
join upon their children to attend Mass on Sundays, and say their morn-
ing and evening prayers, if they fail in thèse duties tbemselves? Tbere
(•an be no Christian home unless parents practice wbat they preacb ; for
it is tlie careful observance of religions duties, and the constant remem-
brance of God's présence, tbat gives the bonie its Clwistian cbaracter. We
arc careful to guard tbeiii against the germs of disease. Are we as care-
ful to guard tbeni against the germs of sin? Are diseases of the soûl
)e«s flangenms, less fatal, than diseases of the body? We Rend our child-
ren to whool. tbat they may become learned in the wisdom of tbis world,
but we often forget to instruct tbeni in Ihe wisdom of God. They are
ricb in ail languatrcs but the language of the soûl. They sbine with ail
lijfht. cave tho liglit of God.
— lOfil —
1 feel tertaiii tlial nianv of tlie losses to the Churcli may be traced
to the lack of relierions liome tiaining. We are not bereft of our faitii
in a moment. It is iisiially a process of many years. Tlie parents who
fail to discharge their duties to tlieir cliildren a.s practical C'atholies; wlio
do not safe guard their tender and innocent soûls; who do not instruct
them in our holy faith ; who yield to hunum res])eot, and l)t)w down hc-
fore the fashions and frivolitios of life, are uuikin^r ))ossibh' and |)i-obable
thèse losses to our holy failli.
Are we not, my good friends, living in an âge most (langerons to the
praetice of Catholic faith? and if so, should we not, in a spécial manner,
safeguard the little ones in our homes, instruct them in tlie truths of
holy Cliurch, and, if possible, ])reserve unsullied their l)a])tisinal robes?
But, let me repeat again, this is largely the divine work of the mother.
The spiritual care of the child in tlie home is assuredly her task. and
blessed is the task if she fulfils it well. In a monthly ])ublication there
recently appeared tliose beautiful words: "■ Tlie child tliat learns the Our
Father on the lap of its mother; that learns froni tlie lijis of its mother
the stories of the ])atriarchs, and tlie lovable narrations about the little
Christ-Child, possesses a living source of reliiiious faith in its soûl, which
cannot be wholly efPaced, neither by the scoixhing suii, nor by the stonns
of life. The profound and sweet impressions instilled by a mother re-
main still fresh and green, Avhen every other recollVcti(Ui withers and
dries up; yea, the death agony itself cannot destroy them."
Dur convents are doing a great work to fashion Christian women to
tend tbo altar of home, but our convents cannot do everything. The
tyi'annical exactions of society and the false ideals of home, which s<)
largely chtain to-day, well nigli nuUify the counsels and prec-epts of the
good religions in our cwuvents and, as a eonserpience, the influence of
religions lioine training is often a negligible nuantity in many of the
Catholic honu's of our land. The tires of faith arc allowed to burn down :
and young cliildren, wliose hearts .^hould bc nouri.shed wilh the glow and
ardor of jiiety and dévotion, grow up indillerent, careless, and even
wicked. Furthennore, my goo<l friends, is not the habit or custom of
faniilv praver going ont? TTow many Catholic familles are thcrc who
never gather at eveiilide to recite the IJosary, or tliank God for Ilis gilts
and favors of the day. In the midst of our strenuous life. as we retire
in the evening a ('ter the smoke of battle, do we not forget that in ibc
words of Teniivson. more tliings arc wrouglit bv prayer tltnn tins worM
drcanis of :
" For what are men better than slieep or goats,
That nourish a blind within the brain.
If knowing Çod they lift not hands of prayer
Both for theniselves and tliosc who call them friend ?
For so, the whole round earth is every way
Bound by gold cliains about tbc foot of God.''
I fear, too. that oft our ideals are of clav and brass. Wallcd in bv
the matcrial things of life, we forget the sublime life of the sonl. Wc
— 1063 —
are no longer chiklren of faith. "We hâve lost the sweet visions of child-
liood. Trust in God lias gone ont from us. The world has touched our
beauteous baptismal robe, and virtue has gone out from it. Oh, could
we but return and kneel again at the altar of our childhood! Exchange
our false ideals for the simple faith of cliildhood :
Hearts oft bow before strange idols,
Strength of power and breath of famé;
And forgetful of life's morning
Dream of noontide's gilded name;
But the idol that I cherish
Xnows no glory e'en in part:
'Tis the simple faith of childhood
Long grown strong within my heart.
In the darkest hour of trial
When eaeh star has veiled its face,
Turn I fondly to my idol
FuU of heaveuly light and grâce;
Then my step grows firm and steady
Down the mystic path of night ;
For the simple faith of choldhood
Guides me, leads me, ever right.
This is the faith, my fricnds, that overcometh the world. "It is the
faith that has hrouglit tliis magnificent Congress to our city. It is the
faith whioh makes of each Christian home a treasury of grâce. It is the
faith which links heaven and earth in the Sacrament of the altar, where
Christ, our divine Lord, is tabernacled as our Guest, inviting, entreat-
ing the fathers, and mothers, and children of our homes to share in His
Divino Ranquet of Love.
— 1063 —
KAPITEL V.
DIE DEUTSCHE SEKTION.
Ein Teilnehmer am Kon^ïress schreibt uns :
Entsprechend den Sprachverliiiltnissen Kanada? liatte sich auf dem
Ivongress ausser der franzosisclicn iiiid englischen Sektion uur nocli eine
deutsche gebildet. Franzosisch ist die Sprache der grossen Mehrzalil
der Katholiken in der Provinz Québec, zu welcher Montréal gehort. Die
Sprachenfrage und was damit zusamnienhiingt bringt nicbt geringe
Schwierigkeiten mit sich, die sich bis in den Kongress hinein bemerk-
bar machten. Deutsche finden sich in grosserer Zahl im Bezirk von
Xew Germany, dann in Winnipeg und im Westen. Ausser von diesen
Gegenden waren aus den Vereinigten Staaten manche Deutsche zum
Kongress heriibcrgekommen. Sie aile freuten sich, Deutsche aus Deutsch-
land wieder einmal deutsch reden zu hôren, \ne umgekehrt es dem
Deutschen aus Deut?chland zu Herzen geht, liier Deutsche zu finden.
die das Heimatland ihrer Viiter nie gesehen, besondcrs wenn man zufiil-
lig in der Lage ist, ilmen aus der Heimat und Vorwandtscliaft ^littei-
lung machen zu konnen. In Montréal und IJmgebung sind die Deut-
schen schwach vortreten. Dort konnten daher keine Vorbereitungen fiir
den Kongress getrofïen werden, sie fielen viclmehr den von Europa
Kommenden zu. Erst auf dem Meere wurden mit dem von Montréal
heriibergekommenen Yertreter des dortigen Lokalkomitees, Msgr. Gau-
thier, Zeit und Ort der Sektion bcsprochen und nach Ankunft in Mont-
réal durch Anschlag und Zeitung (Montréal Star) soweit als moglioh
bekannt gemacht.
Unter solchen Umstanden war es ein gewisser Erfolg. dass am Freitag,
den 9. Septembor, nachmittags 3 ITir, sich im unteren Saale dor T^aval
University eine gute Anzahl Deutscher versammclte. von dcnen sich fol-
gende als anwesend cinzeichneten : Bischof Koppcs von Luxemburg,
Bischof Tîichter (Grand Rapids, U.S.), Weihbischof Koiidelka (riove-
land, Ohio, U.S.), Generalvikar Dr. Krcntzwald (Koln), Genoralvikar
Rainer (Milwaukee, T'.S.), (Jencralvikar Schrembs (Grand Rapid.-J,
U.S.), Priilat Zavoral, Abt des Pramonstratenserstiftes (Prag), Priilat
Holiner. Al)t tlo^: rranion?trateiiserstiftos Tezl ( Oestcrreieh ) und ilesseu
St'kivtiir. Prof. Willoms (Trier), Kommerzienrat ('ahensly (Limiburg),
({. von dcr Elsen (Berne. Holland), L. Pnffer (St. Louis, Mo., U.S.),
l»uis Herliertli (Rome, Kentucky, I^S.), J. Seltmann, 0. M. J.
(Sprin^rlake, Alberta. Kanada), G. Fischer, Bénéficiât, (Mùnclien), Eev.
Aujr. SuH'a (He.aina, Kanada), Rev. Jos. Kroba (Malvin, Wis.), B. H.
Pennings (De Père, Wis.), E. xou den Berg (Berne), Mieh. Wallratli
(C'alusa. Saeraniento. Kalif.), Jos:.Wciss (Mlinchen), Yiktor Hruby,
Strafanstaltsplarrer (Gross-Strehlitz), Eev. M. llalni (St Glement,
Ont.), lîev. X. Hengers, S. M. (Eichwood, W. Va., U.S.), Francis L.
Hultgen (Tiffin, ()hio),Pev. P. Winkelmann (Albanv, X.K.), Eev. St.
Foerster (Xew (Jcnn'any. Ont.), Eev. A. Walter (Hamilton, Ont.), Eev.
Ileinricli \'elte ( Beave Dam, Wis.), Eev. J. Schrits ( Duniont, Minn.),
Rev. Bruno Dorfler, O-.S.B. (Miinster, Sask., Ka^nada), l^ev. Maurus
Ferdinand, O.S.B. (Cold Spring, Minn.), Eev P. Hilland; O.M.J.
(Winnipeg. Man.), E'ev. J. Kowalski, O.M.J. (Winnipeg, Man.), Eev.
P. Kngel, O.S.B., Abt der St. Jobannes-Abtei (Minn.), Mrs. und Misses
Lubbe, St. Bonifatius (Quinvey, III., U.S.), Eev. Ch. Broekemeier (New
Orléans, La.. U.S.), Pt'arrer Millier (Koln). TTeinncli Jost, Jos.
Sclinerk, Karl Wan.^ (Winnipcg, Man.).
Dcr IL'. Biscliof von Luxemburg, Kop])es, erofïnetc die Sitzung mit
Gebet und bemerkte, dass er als A''ertreter des kleinsten deutsclien Lan-
des den Vorsitz dieser einzigartigen Versannnlung gern iibernelmie, nm
den Deutsclien aller Liinder Xeutralitat, aber niehr noeb seine Liebe von
ganzeni Ilerzen entgegenzidiringen. Kommerzienrat rabensly bericb-
tete sodann iiber die segen.sreiche Tatigkeit des St-Eapbael-A"ereins liin-
sicbtlicli des Emplanges der h. Kommunion seitens der Auswanderer.
Der St. lîa|)baelsverein zuni Scliutz katboliscber Auswandei'ei- bat
vielfaclie Beziebungen zur bl. Eucharistie.
Mehr wie -il/, Millionen Katholikcn liahen in den letzten 10 Jahren
ihre angestainmte Heimat, Italien, Oesterreich-T^ngarn, ]?ussland, Ir-
land, Deutscbland, Frankreich, Portugal, Belgien, Xiederlande, Spanien
verlas.-^en und sind nacb den A'ereinigten Staaten von X^ordamerika iind
Kanada au.^gewandcrt uml bahen .^ic-h dauernd daselbst niedergelassen.
Vi<de von ibncn babcii. nacbdem sic Uab und Gut versilbert, in der Hei-
niat durcb den Eiiiiifang der bl. Sakramente der Busse und des Altars
fiich auf die bescbwerlicbc, mit Gefabren aller Art verbundene Eeise
vorbereitct. Falls sic in dcr neinial kcinc Zeit gefunden baben, so tritt
der geistlicbc A'ci'traucnsmann des L'apbaclsvereins im TTafenplatz mit
der Anfrordcning an sic lieran, sicb vor dcr Einscbiiïung mit dcm eucba-
ri.sti«-lien biminliscbcn Brote zu starken. Am Tage toi- dcr Al)fabrt
eine.s joden AuswandererscbifiFes fiiidct iiamlicb in Bremen, Handmrg,
Antwerpen, l{r)ttcnlam, TTavre, Tries! und Fiumc cin besondercr Got-
tesdicnsl fiir die .\uswandercr .statt, in wulcbem die Auswanderer in
ihrcr Mutter.spraclie aul'gcrordcrt vverden, in sicb zu geben und die bl.
Sakranir-nte der Biii^c und des .Vltars zu empfangen. Die Zalil derer,
die ini vergaiigciHMi Jabrc in den erst génannten 5 TTafenplatzcn die lil.
Sakranient.s cniptin-icn, bclaiil'l sicb auf 'M 190 und seit Hcginn unserer
Tatigkeit In'tragt dieselbe 290 :U2. Xicmànd kann erniessen, wie vîel
Guto.H Jiierdunh gewirkt worden ist.
— 10G5 —
Der Auswanderer, losgelost von der Heiniat, ^ielit sicli am Hafenplatz
gATïz ncnien Verhaltnisseii iind cineiii rreiiiden ]'rie<ti'r frejrcniiUor. (itînet
ilim sein Herz, legt ofters eino Lehuiisheichte alj iind <(.liatlt Iult ilen
Grand zn einem Leben jcnseits des Ozeans. Der St. Kaphaelsverein
(lolint seine zartliclie Fiirpor<re l'iir die Eniifrranten auch aut' die Seereise
selbst ans. Aiif der (ieneral-Versaniniliniir der Katliolikeii Deutï^dilands
in Essen iiu Au*i:iist 190G wurde l'olgeudc liesohilion augenoiniuen :
"Die 5;5. General-Versaininluno- der Katholikeii Deutsclilands liait
es fur drin^rènd gel)oten, dass aul' den Seescliiffen deii katliolischen
Priestern wahrend ihrer Seereise ein passender Eaiini ziir Feier der hl.
Messe nnd zur Abhaltim<; des Gottesdienstes l'iir die katboliscben Aus-
wanderer und ]*assa<riere zur Verfii^ung gestellt werde."
Der Vorstand des St. Ka])liaelsvcreins liât sicli dii-serhalb au die
hauptsîiehliclisten Dauipfsthifr-lîhodereien gewendet, a1)er nur l)ei eini-
gen derselben eine giiu>:ti,ire Aufnahuie gefunden. Baliubrecliend in
dicser Bezielning sind die Heuiiihuugen des nngarisclieu Pialatcu ^Is.ur.
Graf Yay de Vaya orewesen. Fiir einen von Fiume (T'ngarn), abfah-
renden Steauier der C'unard-Liuie batte er sicb freiwillig erboten, 2400
Arbeiter als Seelsorger auf ihrer langen Fabrt naoli Ainerika zu betrlei-
ten, da er luirte, wie gross die Xot an geistlidier Hille uud uioralisclier
Unterstiitzunor auf Auswandererscbifîen sei. A'on den 2400 Louten. die
er auf ilirer l^eise von 20 Tagen begleitete. sind uiindesteus IK^O zur
lil . Kouiniunion nrekomiuen, und die schwere, traurige Wanderuns: ist
zu einer wabren, freudeerregenden Mission geworden. Fern von wwli-
selnden Eindriieken, inniitten des AVeltnieeres, haben so vielc zuiu or-
sten ]\rak' Gelegenbeit. iibei- die Ycrganglicbkcit ailes Irdisclien nacb-
zudeuken und in sitb einzukeliren. Da sie <ranz und gar auf sieli an-
gewiesen sind, l)efinden sie sicb in einer Stiiuiuung, die sie geeignet
maclit, das "Wort Gottes aufnierksam zu lioren und sicb dem lil. Sakra-
mente der Busse und des Altar>; zu iiabern. Seitdeiu bat ^rsirr. (iraf
Yay wiederliolt ungariscbc Auswanderer von Fiuine nacli Malta und
Gibraltar begleitet. ibnen an Bord religiiisen Beistand zu leil werden
lassen und fiir sie das bl. ^lessopfer dargebracbt.
Der A])ostel der italiciiiscben Fiiiigranten in Anicrika. ^Isi:r. Scala-
brina, Biscbof von. Fiaccnza, wckbcr ini .labiv lSs7 das Institut Cliri-
stopb C'oluiiibus zur lleraiibiblung italieniscbcr Missionspriester ins Lv-
Ix'U lief. war es zuerst, <ler der italieniscben Auswandererscbaft cinen
ibrer Priester fiir die wocbenlange Seefabrt zur T)arbrinirung ^V'^ bl.
Dpfers initgegebcn bat. Neucrdings bat aul' X'eranlassung iinscrcs bl.
Yaters, Pi us X, ifsgr. Cocolo dièse wicbtige Mission iibornoiiniifii. Si-iiic
Missionare sind aul" allen Scbiffen des Xorddentscben Tjloyd und des
TJovd l>('baiidy zu liiidcn. Wcnn iiiini in Erwaguiig ziclit. dass niaïube dic-
ser Scliide 2000 — :j(Hi() .Vuswiuidcrcr an Bord babcn, so liisst siib cnnes-
sen, welcb ein Scircn fiir die .\uswandcrer die ^fissionare sind. Scit
Jabren bat aucb der Xorddciitsclie Elovd in Brcuit-n (i Mcsskolfi'r fiir
seine ScbifTc Brcmcii — \c\v York zur Feicr der bl. Messe wiibrend der
Seefabrl angescbairt und es isl zu bolTen. dnss aucb die andereii Linieu
dieseni ]k'isj)iele folgen werden.
— 1066 —
Wir Passagicre der " Empress of Ireland "' hatten das grosse Gliick
imd den Trost, wiihrend der Eeise von Liverpool bis Québec das hl. Sa-
krament verohren zu diirfeu imd am Sonntage einer feierlichen lil. Messe
iiebst Predigt beiwohnen zii konnen. Moge die Zeit nicht ferne sein,
dass die verschiedenen Dampfer- Koinpagnien ihre Sorge nicbt blos dem
leibliolien Woldbefinden ihrer Passagiere zuwenden, sondern auch da-
rauf Bedacht nehmon, dass denselben geistlicher Beistand zn teil werde
und sie die notigen Yorkehrungen trefïen, damit wenigstens an Sonn —
und Feiertagen wiihrend der Peise die lil. Messe an Bord der Schiffe ge-
feiert werdeu kann.
An den Vortrag schloss sich eine eingehende Besprechung, worin he-
tont wurde, dass die einzelnen Priester, die eine transatlantisclie Eeise
zu machen beabsichtigen, friilizeitig wegen des Messkoffers und ander-
weitiger Vorbereitungen an die Schiffalirtskompagnie sich wenden, sowie
fiir die Fakultiit. Hosticn imd Wein selbst sorgen miissten. Dann nahm
die Sektiou cinstinimig folgende Eesolution an:
"Der 21. Eucharistische Kongress in Montréal erachtet es fiir drin-
gend geboten, dass wiilircnd der Seereise den katholischen Priestern ein
passender Eaum zur Feier der lil. Messe nnd zur Abhaltung des Gottes-
dienstes fiir die kathol. Aiiswanderer und Passagiere zur Verfiigung
gestellt werde."
REDE, GEITALTEN IX der DEUTSCHEN SEKTION DES
EUCHARISTISCHEN KO^^GRESSES ZU MONTREAL, VON
HERRN PFARRER MUELLER (KOELN).
Einige Worte liber Ivoln und den vorjàhrigen Eucharistischen Kon-
gress diirften fiir die auf dem Kongress zu Montréal versammelten Pil-
ger von Interesse sein.
Zuerst jedoc'h sei es mir gestattet, die herzlichsten Griisse und Gliick-
wiinsclio dor Kathoh'ken Kiilns, und ieh darf wohl sagen, aller Katholi-
kcn Klicinlaiid.s und Dcutschlands, ihren hier in Montréal zum Inter-
nationalen Eucharistischen Kongress der Neuen Welt versammelten
Briidom auszusprechen.
Xa^^-h dem piinktiich vor Woihnachten verofifentlichten Bericht iiber
den Kongress zu KiJln wurden bei demselben, ausser in Latein, noch in
sieben anderen Spraclien Versammlungen abgehalten, und zwar in
Dciitscli, Franzosisdi, Englisch, Ttalieniseh, Spanisch, Hollândisch und
1 olnisch. Es waron al)er woit inelir als sieben Nationen vertreten, da
sowohl Deutsche, Oestorreicher und Schweizcr in einer Sektion vereinigt
waren, als auch weiterhin Franzosen, Belgier, Kanadier und endlich
hnglandcr, frlfitidcr und Anierikaner nur je eine Sektion bildeten.
Dir-sc 'l'at.sache allein zeigt schon den uirklich intornationalen Cha-
raktf-r iinseror Kongresse, die so vicie Nationen in so vielen Zungen in
einem Gei.ste voroinen zum Lobe unseres Herrn und ITeilandes in der
liPiligcn Encharislic.
pie anitlichc Milglicdcrliste, ein sehr interessanter Tcil des Berichtes,
weist iiber 4000 Mitglieder des Kongresses auf. Ausser diesen waren
— lonr —
jeden Tag eine nocli gv'ôsséve Zahl Pilirer mit Tageskarteii zugegen, so-
dass im ganzen liber 20,000 Karten verausgabt wurcleii.
Kolr, gegriindet zur Zeit von Christi Geburt als eine romische Kolonie
— woher es seinen Xamen triigt — ist Jetzt eine Stadt mit einer halben
Million Einwohner, von denen vier Fiinftel Katholiken sind. Es ist die
Ilaupthandelsstadt des westlichen Deutsclilands und die Métropole der
Kirchenprovinz von Eheinland und Westfalen.
Die Stadt hat manche Yorziige, welclie sie ali Versammlungsort fiir
einen Eucharistischen Kongress be^onders geeignet machen. Hier
wurde, wie die Tradition sagt, der katholisclie Glaiibe sclion von den
Sclmlern der Apostel gepredigt, welche auch in Koln and Trier, welch
letzteres zur chrislichen Zeit bekanntlich eine Eesidenzstadt der ro-
misclien Kaiser war, Bischofsitze erricliteten. Zu Koln starben fiir den
heiligen Glauben in romischer Zeit die heiligen Miiityrer Gereon mit
seinen thebaisclien, und Gregor mit seinen mauretanisehen Soldaten,
sowie die hl. Ursula mit ihren Gefahrtinnen. Hier pflanzten heilige Erz-
bischofe das Wort Gottes so tief in das Herz des Volkes, dass weder Ro-
formation noch Kevolution es zu ersticken vemiochten. Gott sei Dank,
dass der katholische Glaube auch niemals aus seinen Mauern geschwun-
den. Mit berechtigtem Stolz nanntc sich daher Koln von jeher die all-
zeit getreuc Tochter Roms, und wurde Koln vielfach die heilige Stadt
genannt, sowohl wegen seiner vielen grossen und herrliehen Kirchen und
seiner einzigartigen Kathedrale, als auch wegen seiner kostbaren und
hochverehrten Reliquien.
Fiigon wir noch hinzu, dass in der Stadt und Erzdiozese Koln die
Verehrung des heiligsten Altaresakramentes von jeher sehr tiefe Wur-
zeln geschlagen hat. Auf dem letzten Kongress wurde darauf hinge-
wiesen, wie aus der grossen Liebe zu unserem Eucharistischen Heiland,
die im 13. Jahrhundert ganz besonders auch in Koln und seiner Um-
gebung herrschte, das herrliche Fronleichnamsfest 1246 in T^iittich, das
damais zur Kolner Kirchenprovinz gehorte, entsprang und ebenso in
denselben Jahren (1248) der Grundstein zu tinserm Dom gelegt wurde,
dass die hl. Juliana, um fiir ilir grosses Werk der Einfiihrung des Fron-
leichnamsfestes den Segen Gottes zu erflehen, nach Koln zu den Schrei-
nen der hl. Miirtyrer wallfahrtete, und hier zu gleicher Zeit sololi grosse
heilige Manner wie Albert der Grosse und Thomas von Aquin die Ge-
heimisse des Altars in tiefer Frommigkeit betrachteten und mit einer
staunenswerten Gelehrsamkeit verkiindeten, und wiederum in Kiiln eine
Schule der Malerei bliihte, welche solche Meisterwerke der Kunst und
gerade mit Bezug auf das Geheimniss der heiligen Eucharistie hervor-
brachte, wie sie heute noch die Fenster von St. Kunibert in Koln
schmiicken.
Dieser ununterbrochenen katholisohen Tradition von Koln von alters
her bis auf unsere Zeit muss in einem hohen Grade das kriiftige katho-
lische Leben der Gegenwart sowohl in religioser, als nuoh in politischcr
Hinsicht zugeschrieben werden. Erwiihnt zu werden aber verdient auch
der Umstand, dass die hiiufigen grossen katholisohen Versammlungen
zu Koln, namentlich der Generalversammlnng der Deutsclien Katlioli-
ken, Kiiln mit einom Stab vorziiglicher Organisatorcn vpp'^clifii liabeii.
— 10G8 — .
(loin r> iiiinioiitlioli zu vcrclankoii ist, dass cin so grossi-s \\vv\< \\\v die
Prozi'ssioii ani Sdiluss des Eiu-haristisehen Kongresses mit ilbcr 40,000
'IVilnolimoni und iiber 200,000 Zusdiauoni iii vollkommenster Oi-dtning
von station gohon konnte. Freilidi niuss aiicli zugegeben wenlen, dass
dioso Prozossion die Knifte des Lokalkomitees bis ziun aussersten in
Ansprnfli gonomnien liât.
l'utcr solchen I^nistiinden konnte man wolil erwarten, dass ein In-
tornationalev Kongress 7A\ Eliren des lieil. Altarssakramentes, eiiigelei-
tot duroli die Ankunft des riipstliclien Legaten von llom, der iintor deni
.lubel dor Stadte und Dorfev, der Burgen und Kloster aiif beiden Seiten
und don Insein unseres herrliclien Elieinstromes, von Mainz nacli Koln
hinabsegolto, ail don Entlmsiasnius hervorrief, dossen ein tief roligioses
A'olk, wie die Ivhoinlander sind, liiliig ist.
Keiu weiteres Wort braueht daher iiber don Knipi'ang des Ivardinal-
Logaten durch die Stadt Koln, oder iiber die A^ersammlungen und (îot-
tesdienste ini Doni und in don iibrigen Kirclien gesagt zu werden, nocli
anoli iiber die wiindorvolle Prozession. Ailes das Avaren Kundgebungen,
nur in gnissereni ]\Iasstabe, von dem tiefen Glauben, der unser Yolk
durehdringt, Kundgel)ungen, die ihin ziir teuren (lowolmlieit geworden
sind.
Dor liol'or n;u-lidi'id\ondo P>ool)aolitor des Kongresses liât dalier der
Frage uiehr Bedeutnng beigelegt, dureli welche Mittel dieser lebendige
Glaulje und dièse eifrige Liebe zur hl. Eucharistie ini Yolke erhalten
bliob und genalirt wurde. Vm die.se Frage kurz zu beantworten, so ist
wohl der erste Grand dieser Andaelit zuni lieiligen Sakramente in dem
zahlreichen Besucli und dem frommen A^erlialten bei der lil. Messe und
bei dor bl. Komniunion zu finden. Fiirwahr, der fromme Gebraucli, die
lil. Messe niiigliobst taglieh zu besuelien ist eines der kostbarsten Erb-
Ptiicke der giiton alten Zeit. Fnscr gutes katliolisehes Volk, sowohl in
der Stadt, als lutniontlioh au F dem Lande, gelit gern so oft als mogiieh
an Wochentagen zur lil. Messe. Fremde, woldie in manchen unserer
Kin-bon zu gevvissen Stnnden den Besucli der hl. Messe beobachten,
glaubon wold, dass sie zufallig einen Feiertag angetroffen hiitten. In
Pfanvion mit vielen Priestern Averden heilige Messen gelesen von 5%
oder () rbr al) bis 9 Ilhr, in einzelnen Kirchen noch um 10 und 11 Uhr"
Boi den friilien lieiligen Messen finden sieh meistens die Dienstboten
und Ari)oitor oin, nm TVi <»bn- <Si/4 kommon die Kinder der Elementar-
scliulcn und ^rittolscbulen wenigstens zweimal in der Woche zur lil.
^ffsso, zu spaterer Stnndo findet man dio froior iind besser gestellten
Kbisson in der Kirelie.
Dor tagliobo Besucb der hl. Mes.se isi von einom englisclien Eedner
anf dem vorigjahrigcn Kongress mit Peelit eine Briioke, ein Steg zur
ofteren Id. Kommnnion genannt worden. Die Wahrheit dieser Bemer-
knng gcbt ans doi- fiir Kiihi mit Bozug auf die hoiligen Kommunionen
dor lotzten .Tahro anrgostollton Statistik klar hervor.
Dio bl. Kommunionen .sind in der Stadt Kiiln von 1,1(50,000 im Jahre
1!'0«;, auf 1,<;2Î>,000 im .labre 1900 gestiegen, was einen Zuwachs von
l(;9.oor) ,n droi Jabron ausmacht, eine Tatsaehe, welche einén schiinen
Ki-folg dos piipstjiobon Dokrots iiber die oftore hl. Kommuuion bedcutet,
— 10G9 —
der aber siclier nitlit erreiclit wordeu •wiire, wenii nicht Jer tiigliclit' Jx-
such der Id. Mes^e deii We^ fur die ottere Id. Koniiminion silion lani:>l
bereitet luitte. Zu Ijenierken ist dabei aueh, dass dièse Ziinalinu- von
iiber 42 % allinahlitli ^ekoinmcii ist. noch andauert und durch den vor-
jalirigen Ivongress wold not-li sliirker /jfewordon ist. suwie aiuh, da.ss eiu
àlmliclier, ja bisweilen nocli gnisserer Fortschritt sieli in der weiten Erz-
diozese zeigt, was ailes zu den schonsten Hotînungen liir die Zukunft
berechtigt.
Ein anderer und selir wielitiger Beweis fiir die tiefe Verehrung des
lil. Sakranientes sind die verschiedenen Arteu der Anbetungstage, wel-
che vor mehr als 50 Jahren durch unsern grossen Erzbischof Kardinal
von Geissel in jede Pfarrei der Erzdi()zese eingefiihrt wurden. l)a ist
zuerst zu nenncn das -lO-stiindige (Jobet. welches mit Oenelunigung des
hl. Stiddes auf drei aufeinander l'olgende Tage verteiit ist uiul f^elir
liàufig in A'erbindung mit Ostern, Pfingsten oder eiuem liohen Feste
gelialten wird, das die Gliiubigen olinehin selion zur Kirclie und zur h\.
Konimunion hinzielit. Sodann bat jede TM'arrei iliren I)es()nderen Tag
des ewigen (îebetes au einém l'estgesetzten "l'âge des .labres. l'ud da es
mehr als 950 Pfarreien in dem meist katholisehen Uebiet der P^rzdio-
zese giiit, so folgt, dass dièse leierliche Anbetung an jedem Tage des
Jahres an 2 oder 3 Platzen gleiehzeitig gehalten wird. Dieser Tag des
Ewigen Gebetes, der vom \'olke aus freiem Antriebe fast wie ein Èeier-
tag beobachtet wird, beginnt uiorgens \im G Vhv mit der hl. Messe und
Aussetzung des AlJerlu'iligsten'und dauert den ganzen Tag uiul die l'ol-
geude Xaebt hindureh bis zum niichsten Morgen um G T'iir, wo es in der
einen Kirebe gesohlossen wird, um in der niiebsten Kirehe zur selben
Stunde aufgenoiumen und fortgesetzt zu werden, und so geht es weiter
durch die ganze Erzdiiizese das ganze Jahr hindureh. Diesc Tage und
Xiichte dUentlichen Gebetes vor unserem Ilerrn ini heiligsten Sakrameu-
le bilden in der Tat eine ewige Anbetung obne l'uterbrechung. Sic
werden, Gott sei Dank, allgemein mil solchem Eifer und mit solcher
Feierlicbkeit vom Volk und den (ieistlichen, die sicb bei dieser (Jelegen-
heit moglichst aushelfen und untorstiitzen, gehalten, dass die schonsten
Friichtc aus ibnen erspriessen. Da kann man auf dem Lande zur Som-
merzeit die l^ute auf's Feld gehen seben, um die unaufschiebl)aren \v-
beiten in den friihesten Stunden des Tages zu verricliten. uni dann >\u\-
ter der hl. Messe, sowie den festgesetzten Anbetungsstunden beiwohiicn
zu konnen. Um einen guten Besuch zu allen Zeiten des Tages und
der Nacht zu erreichen, werden die verschiedenen Stunden unter die
verschiedenen Klassen der Beviilkerung verteiit. Wo dii- ^laiinci- wiih-
rend de.s Tages nicht anwesend sein konnen, bleil)cn dièse Stunden fiir
die Kinder, Madchen und Frauen. Die Xachtstunden von zehn Flir al»
sind den Mlinnern allein vorbehalten. Es ist ein iiberaus riibrender uiul
triistlicher .Vnblick. um ^rittcrnacht oder spiiter, eine Kinhc l»eini Ewi-
gen (îebet zu besuchen und zu (inden, wie d(U-t cint» Zahl voii Miinncrn,
je nach l'ni.-stiinden und nach der Grosse der Pfarrei von 5 bis 50 und
mehr, abwech.selnd mit laiitem Gebet und mit Gesang unserm ÎTerrn
au!' dem Tabernakel ihre T.obpreisungen (hirltringen. Die verscbiedeiu-n
Stunden <h'r N'acbt werden den verschiedenen Vereincn und Bruder-
— 1070 —
sthaften tlor Miinner zugewiesen, oder es wird aucli die Pfarrei in ver-
si-liiedene Bezirke eingeteilt, vou denen ein jeder die Anbeter fiir eine
oiler zwei Stuuden zu stelleu liât. In grosseu Pfarreien werden oft am
Sountag vor deni Gebotstage an der Kirchtlire oder auch durch die Pfar-
rei Zettel verteilt, nm die Aufinerksamkeit der Gliiubigen auf das Gebet
und die Verteilung der verseliiedenen Stuuden zu lenken. Ausser die-
sein Ewigen Gebetstag und dem 40-stiindigen Gebet gibt es in jeder
Pfarrei der Erzdiozese Koln wenigstens noch eine Anbetiing von 13
Stunden vor dem ausgesetzton hochM-iirdigsten Gut. Um gute Ord-
niins: zu lialten und die Teilnahme des Yolkes an dem Gebet zu erleich-
tern, werden die Andachten bei den Gebetsstunden nach der hl. Messe
nacli Anleitung des Diozesan-Gebetbuehes gehalten, sodass aile sich dem
Gebet und dem Gesang anschliessen konnen, wàhrend jedoch bisweilen
Brudei-schaften und Chore melirstimmige Lieder zur Hebung der An-
dacht beitragen. Der allgemeine andàchtige Besuch dieser verschiede-
nen Anbetungs-Tage, wo manche Glàubige Stunde auf Stunde in eifri-
gem Gebet vcrharren, ist sowohl ein starker Beweis der Liebe unseres
Volke5 zum lieiligsten Altars-Sakrament, als auch eines der sichersten
Mittel, um dièse Liebe zum lil. Sakramente imd zugleich das Verlangen
nach der hl. Kommunion noch zu vermehren.
Ein Wort sei mir noch gestattet iiber die andern Andachten zum hei-
ligsten Sakrament und liber den Segen mit dem Allerheiligsten. In fast
allen Kirchen der Erzdiozese werden wiihrend der drei Monate Mai, Juni
und Oktober Segensandachten gehalten und ausserdem noch" an jedem
Samstag Abend des Jahres. In vielen Kirchen kommen zu diesen allge-
meinen Andachten noch besondere hinzu, besonders an den Donnerstags
— aber auch an anderen Abenden, oft in Folge von f rommen Stiftungen
Jius alter Zeit. In manchen Kirchen gibt es Stiftungen von hl. Messen
und Andacbten mit Segen aus so alter Zeit, ein Bew^eis fiir die innige
V(,Tehrung des heiligsten Sakramentes in friiheren Jahrhunderten, dass
iliie gegenwiirtigen Einkiinfte nur mehr sehr gering sind und sie des-
halb mit Genehmigung des hl. Stuhles reduziert werden mussten.
Zuletzt haben wir noch die sakramentalen Prozessionen zu erwàhnen.
Sie sind uljcr das ganze Land hin von alter Zeit her im Gebrauch, und
wo sie nicht herkommlich waren, wurden sie im Kulturkampf durch
eine Polizei-Verfiigung unterdriickt. Ausser der Prozession am Fron-
leichnamsfeste gibt es wenigstons noch eine zweite eucharistische Pro-
zession in jeder Pfarrei, die bisweilen in besonderen Umstanden ihren
Grund hat. Man erzàhlt z. B., dass in einer Anzahl Pfarreien um Diis-
seldorf zur Zeit der sogenannten Reformation, Priester und Volk eine
jiiliriiche feierliche sakramcntale Prozession gelobten, um den Schutz
(Jottf's fiir seine Kirche und zur Bewahrung des Glaubens an das hei-
ligste Sakrament zu erflehon. In der Tat ist denn auch der hl. Glaube
in diesen Kirchen und Pfarreien unversehrt geblieben bis auf unsere
Tage.
Auf dem Lande nehmen dièse Prozessionen ihren Weg durch die
Felder und Weingiirten, durch Wald und Wiese, iiber Berg und Tal. In
einem Falie wird sie auf Booten iiber die Fluten des Eheines gehalten.
In manchen Landpfarreien findet man die jungen Mànner, welche im
— ion —
Heere gedient haben, sich in Vereinen oder Bruderschaften ziisainmen-
scharen, uni dem Herrn der Ileerscliaren in niilitarischer Fonn ihre
Elirenbezeugungen darzubringen. Yielerorts besteht noch der Gebrauch,
an allen Sonntagen in der Zeit zwischen Ostern und Pfingsten vor dem
Hochamt eine eucharistische Prozession inn die Kirche zu halten. Ueber-
haupt war die Freude unseres Yolkes an den sakramentalen Prozessionen
von Anfang an so gross, dass Bischol'e und Konzilien nicht selten ihre
Zahl beschrànken mussten.
Halten wir aile dièse Mittel und Wege, durcli welche Priester und Volk
von jeher in der Belorderung der Anbetung unseres gottlichen Heilan-
des im heiligsten Sakramente gegenseitig wetteiferten, im Geiste uns
vor, so konnen ^vi^ wohl verstehen, warum kein Teil unserer hl. Religion
den Geist und das Gemiit unseres katholischen A'olkes so ergreii't und
so mit Freuden erfiillt, als die Festlichkeiten zu Ehren des heiligsten
iSakram entes.
Dass aber dièses hocliheilige Geheimniss auch die Herzen derer an
sich zieht, die ausserhalb der Kirche sich einen demiitigen Glauben be-
wahrt haben, ist schon ofters, und auch auf unscrn Kongressen ausge-
sprochen worden. Uni einen weiteren Beweis t'iir die Wahrheit dieser
Bemerkung ans der Gegenwart zu geben, mochte ieh mit den Worten
schliessen, welche einer unserer neuesten Konvertiten, Herr Albert von
Ruville, Professor der Geschichte an der UniversitJit in Halle, in dem
Kapitel, iiber die hl. Eucharistie in seineni Bûche " Zuriick zur hl.
Kirche '"' schreibt. Dort heisst es : Gerade die hervorragendsten Geister
des Judentums, der griechischen und rimiischen Kulturwelt haben das
Wunder der hl. Eucharistie mit voiler Hingabe ergrifï'en und ihm An-
hiinger, gliiubige Empfànger zu werben gesucht. Schwerlich wiire es
ihnen gelungen, die stolze Burg des Heidentums in wenigen Jahrzehn-
ten zu zertriimmem, wenn sie nicht der Masse des Yolkes eine solche
herrliche, beseligende Gabe hJitten darzubieten vermocht. Erst dem 16.
Jahrhundert blieb es vorbehaiten, das hochste Gnadengeschenk des
Christentums zu verschleudern, unter dem Yorgeben, darait im Sinne
der Apostel und Kirchenvater zu handeln. Was wiirden dièse gesagt
haben, wenn man ilinen ihr kostlichstes Kleinod hiitte entreissen wollen !
Gebe Gott, dass sich die wahrhaft Glàubigen nicht von verniini'telnden
Beratern zuriicklialten lassen, die eucharistische Linie zu ûbcrschreiten,
um an dem heiligen, herrlichen Mahle Christi teilzunehmen, das auch
ibnen bereitet ist.
Ich schliesse mit dem innigsten Wunsche, dass dieser Kongress in der
neuen Welt eben^o wie der letztjiilirige in Koln, mit dazu beitragen
moge, die Liebe und den Glauben zum heiligsten Sakrament in den
gliiubigen Herzen zu vertiefen iind in der Welt zti verbreiten, und da?s
namentlich unsere deutschen Briider in diesem Lande, eingodenk tler
innigen Yerehning des hl. Sakramentes, welche sie auch als ein kostbares
Erbstiick aus dem katholischen Deutschland in die neue Welt hiniiber-
genommen haben, sich dieser herrlichen Aulgabe stets bewusst l)leiben
mogen. Dann wird sich in diesem Tvande der grossen Huirmingen, un-
ter Gottes Gnade, auch die grosse Hoffnung dor Katholiken um so eher
venvirklichen, dass auch unsere getrennten Briider sich mit uns an dem
— 1073 —
lierrlidion Malile beteiligen, das der Herr fiir aile, l'ur \ms und sie, be-
loitet hat.
Priilat Helnier (Topl) Avollte trotz der kiirzon Zeit dei- Vorbcreitiuig
einen A'orti-ag niclit ablelmen, scbon ans dem Orunde, daiiiit auch ein
Oosterreieher bel dioser Versaïunihuiji- das Wort ergreil'e. Iiu Mittel-
piinkt dor Weltgesehichte, dem Draina auf (Joluatha, ini OptVr C'hristi,
veroinision sioli die von der Schopfung iind Suiuleufall zwischen Him-
mol iind Erde herreiclienden Ketten menschliclier Yersundigung und
gottlieher Erbannung. Der Glaiibe an die Qottheit Cliristi ist daher
die nrundlago der l?eligioii. Die Fortsetzung des Werkes Cliristi ge-
.«ebieht niystiseli durcli die Kirclie, real dureli das lieiligste Altarssakra-
iiR'nt. Der C'bristusglanbe liât niclit iiunier dieselbe Pflege gefunden.
1 dealer Aut'scbwung wird abgelost diireli betrlibendste Lauheit. In
iiiiserer Zeit ist vieles zu tadeln, aber die earitativen Bestrebungcn erin-
nerii an die besten Zeiten, nnd ein Beweis fiir die Glaubeiistiefe sind
unsere herrlichen eueliaristischen Kongresse. Unser gei'alirliclister
Feind ist niclit die otFepe \'erfolgung, welehe die. Kraft des Gnten weckt,
sondern die leider stets Avaclisende Gleieligiiltigkeit. Aucli fiir den
Priester seien. die Gefaliren zu iiberwinden. Das walire und wolil ein-
zige. Heilniittel ist das allerlieiligste Altarssakrament, die kriiftigste
Xahrung fiir Kranke und Gesunde, fiir Priester und aile Cliristen. vSie
gibt der ganzen Kirclie Kraft zur Erfiillung ilirer Lel)ensaufgabe.
l)urcli Bctiirderung der Yerehruug und des liiiiifigen Enipfanges des
allerheiligsten Sakramentes erweisen wir der gesaniten Mcnscliheit den
grossten Dienst, scliiitzen ihr walires Gliick auf Erdeii und ilire Zuver-
siclit fiir das ewige Leben.
Hr. Generalvikar Dr. Kreutzwald (Koln) iiberbraclite (iriisse voni
Hrn. Kardinal Erzbischof Fisclier und entseliuldigte die Abwesenheit
des Msgr. Prinz Groy, der beabsiclitigte, der Versammlung bc-izuwolinen,
allein durcli seine Pflicliten ])eim Kardinal-Legaten zu dieser Stunde
verlimdert war zu ersclieinen. Er zog sodann eine Parallèle zwischen
dein Eucharistisclien Kongress zu Montréal und dem zu Koln. Sowohl
da.s ainerikanische als das deutsclie Rom seien fiir die Veranstaltung
einer solclicii internationalen eueliaristischen Taguiig vorziiglieh geeig-
net. Heifle Kont.n-(sse jeilodi wie aile iibrigen trugen ihr eigenes Ge-
phige und sel daher ein Vergleich scliwer durchfiihrbar. Jeder' Kongress
sei von do.rselben erhal)enen Idée beseelt, den Glaubeii an das allcrhei-
ligste Altarssakrament in offentlichster und feierlichstcr Weise zu be-
kennen und die gnadenreiche A'erehrung desselben insbesondere durch
den Enii)fang der h. Kommimion zu verinehren. Ihn habe nanientlich
«la.s warnie, gbiiilxMisfrohe Aul'treten der eretcn Mànner des Landes, der
Provjnz und der Stadt bei dem Kongress aufs tiefste ergriffen. Jeden-
fall.«j werde allen Eiiropaern, die dem Kongress beizuwohnen das (Jliick
liatten, die ErinnciMing an da.s frische, in vollstor Freilieit sicli entfal-
l.;nde knvhliflie Ecbcn der Katholiken Kanadas, das besonders in der
Mnnigr-n \ereliruiig des heiiigst.-n Sakramentes sich kundgebe, ein teu-
res iirul unauBJoscIdiclies Andenken sein.
(;f'm.raIvikHr S<-lirend>s (Grand Papids), sprach noeh einmal mit
^a(•hdnK•k liber die wiHitige Frage der Erhaltung des Glaubens und
— iu:3 —
des Enii)fanges dor h. Sakramente unter den Kinwandercrii. Die Tii-
tigkeit des St. Kapliaelsvereius sei nieht seiuig zu lohen. Ahcr e;; koninio
vor, dass die li. Koinimmioii der Auswaudeier iin HalCn odi-r auf di'iii
Schiffe aiuli die Ictzte ilires Lebeiis sei. Es felile die ret-lite W'rltin-
diiiiir zwistlien liiihen nnd driiben. die Katlioliken iniissten iiui.irlielist
aïK-li iii katliolisclie (legenden aiisuandcrn. Ki- wolle nit'iiiaïKk'ii zimi
Auswamlern raton, denn die Schwierigkeiten, ziiin erliofCtoii Wolilstand
zu gelangen, seien grosser als man meistens giaube. Es erfordere ein
Xapital von 1000 Dollar, uni ein Stiick Land (Sektion) zu kaufen nnd
dann noch einige Tausende, uni die ersten Ansclialfun.iien zu niaclien
und die Kosten der ersten Jahre zu bestreiten. Dann \ind mit grosser
personiiclier Anstrengung sei allerdings eine selbstjindige gliiekliehe
Zukunft zu erwarten. Wer nun einnial dièse SelbstJindigkcit sich erwer-
ben wolle, moge doeh aiuli dorthin zieben, wo fiir IJeligion. Ki relie und
Scliule gesorgt sei oder doeh gesorgt werde, nielit aber in (Jegenden, wo
fast nur protestantisehe Ansiedler wobnten und l'iir den Bau einer ka-
tliolisc'lien Kirelie keine Hoiïnung sei. Man iiiiige sich auf die A'ers]>re-
chungen der Agenten, Fann mit Wohnung ])illig zu ver.sehatîen. nieht
leicht einlassen, da zu oft eine Tiiuschung vorliege und vollstiindiger
Kuin den nngliieklichen Ansiedler verfolge. In der Diiizese (Jrand
lîapids sei dalier ein Auskunftsburcau eingerichtet worden. das bri Ka-
tlioliken und Protestanten grossen Beilall geriinden habe. llr. Bis<^h()t"
Eichtor (Grand Bapids), bes])rach dièse Einrichtung eingehender und
bemerkte, dass das Land im Siiden vergrifîen sei, mehr nordlich seien
noch Soktionen zu haben und liiei- wiirdcn auch katholiselie Settlements
zu griinden sein. Hr. Weilibisliof Koudelka (C'ieveland), Trente sieh.
liesonders Landsleute ans Oesterreieh begriissen zu konnen und spendete
den deutschen Katholiken grosses Lob. Sie seien das Salz der Erde und
liatten sieh durch ilire Pfarrsehulen grosse Verdiensto uni die Ki relie
und das ganze Land erworben.
Aueh Generalvikar Rainer ( ]\Iihvaiikce) driiekte seine Freude iibiT
die Anwesenheit so vieler Deutschen aus allen Liindern ans. Zu ein-
zelnen Fragen orgrifFen ferner das Wort : Abt Bruno, Beneliziat Fischer,
Pfarrcr Brockenieier und Prol'essor Willeuis'. Noch manche aiidere
Angelegenheit wurde kurz erwahnt, allein die fiir die A'ersamnilung mit
Biicksielit auf andere Pflicliten festge.setzte y^'it war zu Ende. llr.
Bischof Koppes schloss daber die deiikwiirdige Sitzung mit dem Aus-
druck seiner lebbaften (Jenugluung, dass die A'ersaiiinilung bei der kur-
zen und ungeniiirenden Ankiindigung noch so zahlreichen Besuch g<'-
funden habe und schloss mit (Jebet, damit der Segen Cottes die Bera-
tungen zu gliicklichen Erfolgen fiihren niiige.
APPENDICE
appp^ndicp:
DOCUMENTS ET NOTES
Lettre pastorale clc ifor Paul Rnicliési, Arehevêque de Montréal, annon-
çant le Coiifrri'S Èurliaristiquc de 1010 :
Nos très cliers frères,
Dieu (lui veille avee un soin jaloux sur sou Eglise, ne uian(|ue pa^^ 'Ii' lui t-n-
voyer à riieure ()i)j)<>rtnne les seeours dont elle a besoin. A chaque «''pocpie. cette
Eglise a été eu hutte aux assauts de l'iinpiélé, uiais toujours lui reinèile sauveur
est veuu ])aralyser les iufhieuces perverses de ses ennemis. Or. tous ceux qui
oh.serveut la marche de notre société contemporaine reconnaissent qu'un doul>le
fléau la ui(>iiace. D'une |)art. la raison orgueill«>use rejette l'autorité et les
saintes données de la foi : de l'autre, un sensiutlisnu^ sans frein fait ]>erdre de
vue aux âmes les réalités surnaturelles, et les entraîne ])ar luie |)entc fatale :"^ la
recherche des satisfactions terrestres.
Contre ces deux grands maux, l'intervention i>rovidentielle s'est manifestée
dans le monde chrétien ])ar un renouveau de jdété et j)ar un élan plus vigoureiux
vers l'auguste Sacrement de nos autels.
Un des grands instruments de ce mouvement ndigieux. a été. sans contredit.
Ici Conf/rès Eucharistiques.
Ces Cougi'ès sont, vous le savez, de solennelles asseml)lées en l'honneur d>i Très
Saint-SacrenuMit. lis sont composés d'é\ê(|ues. de prêtres, de fidèles, mmuis des
contrées les plus diverses jiour offiir en commini leurs honnuayes au l)i«ii caché
de l'Hostie.
Ils ont une douhle signification, et comme inie douhle mission à ninplir. Ils
sont d'ahord une ceuvre de glorification de désus-Christ présent ])armi nous. Ils
font aussi contre|)()ids :\ r<»rgueillense ]irétention des incrédules, qui voudraient
supprimer Dieu, ou du moins le tenir éloigné de la vie sociale. Or. la foi nous
l'enseigne. Dieu est dans l'Hostie consacrée. C'est pourcpioi le Congrès la révèle,
la produit an grand jour, l'ace lame et la p<irte en triompiie. Tout ce que l'Eglise
a de i)lu5 illustre et la société de plus honorahle. les honunes les plus distiuL'tiés
par leur science et leur vertu. s'occui)eiit alors de l'Eucharistie, et cherchent «l'un
conunun effort les ])lus ])uissants moyens de la glorifier et d'étendre ))artout sa
ilivine influence. Les manifestations grandioses qui coiiroiuient chaque CoUirrès.
sont véritalilement une marclie triomidiale du Christ A travers le monde. Elles
annoncent et préjjarent au sein de l'hinnanité le règne puhlic de Celui «pii a reçu
toutes les nations en héritage. Telle est la jiremière mission des Congrès ; et
les résultats ohfeinis jusqu'ici ont dépassé toutes les espéraiwes.
T'ne autre raison les justifie pleinement et en démontre l'opporf imité. Ils font
œuvre de légénératiitn sociale, en montrant lians l'Einliaristie le princi|»e et la
— 107S —
source do toute vie chrétieiuie. le grand remède aux maux dont souffre aujour-
d'hui notre société.
Depuis un (juart de siècle, on remarque vni mouvement accentué des Ames vers
les Tabernacles. Le soleil de l'Eucharistie a dissipé peu à peu les brumes gla-
ciales de l'indifférence, et les unies, au contact de ses rayons, se eont ouvertes
plus largement aux vertus évangéliques.
Cette magnitique efflorescence de la piété dans le vieux monde est due, assu-
rément i)our luie bonne part, aux assemblées dans lesquelles on discute les
moyens les ])lus efficaces pour rai)procher les peuples de l'Eucharistie.
Cet accroissement de dévotion étend son influence sur la société tout entière,
car, avec lui on voit se multiplier et fleurir de plus en plus les œuvres de zèle.
C'est pourquoi le Simverain l'ontife Léon XIII consacra les derniers effoits de
sa glorieuse vieillesse il encourager les congrès eucharistiques et ù stimuler le
zèle de leurs promoteurs. Sa Sainteté Pie X, dès le début de son pontiflcat, s'ap-
pliqua aussi a les favoriser de tout son pouvoir. Il y a quatre ans, sur son
désir expiés, le congrès a dû se tenir à Rome même. C'est que notre illustre
pontife voit dans cette institution un des gages les plus assurés de la restaura-
tion de toutes choses en Jésus-Christ.
Chaque année, les évêques du monde catholique sont invités à un congrès inter-
national. Jusqu'ici ces solennelles assises ont été tenues en France, en Belgique,
en Suisse, en Italie, en Allemagne, en Angleterre et jusqu'à Jérusaiem.
Il nous a été donné d'assister l'année dernière au congrès célébré avec tant de
magnificence dans la capitale de l'Empire Britannique. Ce fut un des spectacles
les plus grandioses et les plus émouvants que nous ayions vus. Jamais nous
n'oublierons les élans de conviction religieuse et les manifestations d'enthou-
siasme provoqués par ces imposantes démonstrations.
Lorsque du balcon de la cathédrale de Westminster, le représentant du pape,
le cardinal Vannutelli, élevait l'Hostie sainte au-dessus de Londres, il nous sem-
blait que le Christ reprenait possession du royaume d'où il avait été jadis banni;
que de son Cœur tombaient abondantes sur des millions d'âmes des grâces de
lumière et de foi; que le ciel s'ouvrait tout grand sur l'ancienne île des saints,
et que le précepte donné au Thabor retentissait de nouveau: "Celui-ci est mon
Fils bien-aimé, écoutez-le."
Oui, ce furent pour l'Angleterre d'incomparables jours et quelles douces espé-
rances emportèrent dans leur âme ceux qui en avaient été les témoins privilégiés!
Après Londres, Cologne vient d'avoir elle aussi ses grandes fêtes eucliaris-
tiques, et bien que les dépêches d'outre-iner semblent avoir systématiquement
fait silence sur elles, nous savons aujourd'hui qu'elles ont été aussi remarquables
par la pompe des cérémonies sacrées, l'éloquence des orateurs qui s'y sont fait
entendre et le concours immense du peuple que par la piété manifestée pendant
toute leur durée. Dans la merveilleuse cathédrale, chef-d'œuvre du treizième
siècle, et dans les autres églises, la foule se pressait recueillie pour s'approcher
de la Table Sainte et se nourrir du pain des forts; dans leurs assemblées d'étude,
le» théologiens et les pasteurs d'âmes cherchaient avec un zèle admirable les
moyens d'augmenter encore dans le monde la piété envers FEucharistie ; et dans
les rues décorées comme aux plus grands jours de fête nationale, des princes de
l'Eglise, des prélats en grand nombre, revêtus de leurs ornements pontificaux,
des milliers de prêtres, des milliers et des milliers d'hommes, de femmes et d'en-
fants faisaif-nt cortège au divin triornj)hateur caché sous l'hostie.
Eh bien, nos très chers frères, ces .scènes grandioses qui se sont successivement
déroulées sur les bords de la Tamise et sur les bords du Rhin, nous les contem-
plerons a notre tour au milieu de nous, sur les rives de notre majestueux Saint-
I>aurent.
L'anné<. j.rochaine. en eflt-t, aura lieu â Montréal le vingt-et-unième cono'rès
fuchanstique international. C'est a Londres que cet insigne honneur nous'^fut
offert. Comment aurions-nous pu le rtîfuser ?
mjâ, nous le savons, l'idée d'un congrès au Canada avait préoccupé l)ien des
e«prit«. Dans notre pays, grAce a Dieu, le culte de la sainte Eucharistie fut de
V' en grand honneur: mais il y fait depuis quelques années des pro-rès
no' e<,n-,l;.ntH. I/adoration perpétuelle qui se pratique dans la phii)art
— 1070 —
de nos diocèses avec une si grande solennité; la communion réparatrice du pre-
mier vendredi de chaque mois: l'Heure sainte, les Confréries du Très Saint-
Sacrement érigées en tant de paroisses; le nombre sans cesse croissant de com-
munions ; tout cela prouve que le Canada terre de liberté est en même temps
une terre de foi préparée pour la tenue d'un congrès solennel.
Du reste, si florissante que soit parmi nous la dévotion que nous venons de
dire, il reste des progrès ft faire. N'y a-t-il pas encore de trop nombreuses hésita-
tions dans l'application ])ratique du décret sur la communion fréipiente et quo-
tidienne ? Combien de lidèles sont jusqu'ici restés sourds au.x pressants appels
de leurs pasteurs les conviant il la Table Sainte ? Un Congrès, semblait-il. était
le plus puissant moyen de mettre plus complètement en pratique les enseigne-
ments de notre bien aimé Pontife Pie X, fidèle interprète des désirs de Jésus-
Christ.
De plus,~ce Congrès ne serait-il pas une puissante entrave aux sourdes menées
de 1 impiété pour ruiner la foi de notre jeunesse ? Les grands maux qui affligent
la société européenne ne menacent-ils pas de contaminer notre i)euple ? Il pa-
raissait donc bon de saisir cette force puissante d'un Congrès, pour étouffer les
premiers germes du mal et prévenir toute contagion désastreuse ?
Ne serait-ce pas aussi pour quelques îlmes sincères, étrangères A nos croyances,
l'occasion d'un heureux retour il la foi catholique ? Ce qu'elles verraient' et en-
tendraient alors ne serait-il pas la réponse au besoin d'unité, de direction sflre.
de vérité intégrale qui les tourmente ? N'y a-t-il pas en-deliors de l'Eglise de
Rome bien des cœurs affamés d'un aliment divin qu'ils ignorent, et qui peut-être
leur apparaîtrait sourain dans l'Hostie de nos ostensoirs ?
Toutes ces raisons nous ont déterminé, nos très diers frères. îl nous rendre aux
désirs qui nous étaient exprimés d'une manière si touchante, et A accueillir en
notre ville archiépiscopale le congrès international de 1010.
Nous n'ignorions i)as les labeurs et les lourdes charges qui <'n résulteraient
pour nous ; mais la certitude de trouver dans le zèle de tout le clergé canadien
et dans la piété de nos populations un appoint considérable a linalement dissipé
nos craintes.
L'éminent évêque de Namur, Mgr Heylen, le président du comité permanent,
daigna nous écrire. " Le comité permanent des congrès eucharistiques désirait
" de voir tenir un congrès international au Canada, (irfu-e A votre acceptation,
" il verra bientôt son désir réalisé. Aussi je m'em])resse d'exprimer A Votre
" Grandeur toute ma reconnaissance pour la générosité avec la(juelle elle a ac-
" cueilli ma demande, malgré les difficultés d'une pareille entreprise. Le comité
" permanent vous aidera (le tout son pouvoir ; il esj)ère que le congrès eucharis-
" tique de Montréal ne le cédera pas A ses devanciers et qu'il sera connue ceux-
" ci un triomphe éclatant du Dieu de l'Eucharistie."
En même temps les encouragoments les plus sym|)athiques nous sont parvenus
de l'épiscopat du Canada, de l'Angleterre et de la France. Nos vénérés collègues
des Etats-Unis — nous le savons par ce que ])lusieurs d'entre eux ont bien voulu
nous dire — seront ])articulièrement heureux d'unir leurs efforts aux n«">tres,
pour donner tout l'éclat possible au premier congrès tenu sur notre continent.
Ce sera ainsi la jeune Eglise d'Amérique tout entière qui affirmera aux yeux de
l'univers la vitalité de sa foi. PInfin. le Souverain-Pontife lui même a <laigné
nous promettre de se faire représenter i)ar un cardinal-légat. 11 nous est donc
permis d'augurer dès A présent le plus consolant succès.
Mais ce succès, nos très chers frères, nous devons avant tout l'attendre de Dieu.
Aussi, le demanderons-nous d'abor<l dans de ferventes prières. Ertor<.-ons nous
d'assister plus ([ue jamais aux offices de l'Eglise (pii se célèlircnt en l'honneur «le
l'Eucharistie : la sainte messe, les adorations et les saints du Très Saint-Sacre-
ment. Multiplions nos visites auprès des autels : approchons-nous surtout plus
fréquemment de la Sainte Table, nous pénétrant ainsi du plus ardent amour
pour la divine Eucharistie.
Nous avons l'assiirance (\uo tous, clergé et fidèles. ap|)orteront leur concours
effectif dans la mesure oi1 il leur sera <lemandé. et rivaliseront de zèle et d'ini-
tiative pour préparer A notre <livin Sauveur un triomphe «ligne de sji majesté.
— 1080 —
L'Hrhn de l'a ris
•• X'ous vons rap|)elez coitaiiuMiuMit les étouiiantcs iiiaiiifostations ciiii. il y a
deux ans. «lans \uw i-irooiistance analogue, remplirent la ville de Londres et
•^branlèn-nl toute l'Aujrloterro. Ce jour-là. au C(Pur niêuie de la nation anglicane,
le dogme eui-haristique fut solennellement acclanu» par nue foule immense. L'au-
ne dernière, ce fut A Cologne, ofl le Cardinal-Légat, descentlant le Rhin sur un
navire pavoisé, avec une escorte de bateaux cotivcrts de iieurs et d'oriflammes,
fit. au milieu d'acchunalions. une entrée triomidiale, accueilli par nn télégramme
de l'empereur luthérien, salué ])ar tout nn ])euple et ])ar les représentants des
Ktats de rAllenmgne. Maintenant c'est le Xouveau-Monde qui oflfre à l'ancien
le ni^ine spectacle, rendu j)lus merveilleux encore par le cadre magnifique où il
se déroule. L'arrivée du Légat de Pic X, venant de Québec par le Saint-Laurent,
entouré d'évêcpu-s de toutes les nations, ])assant lentement entre les berges du
fleuve couvertes d'une nniltitude enthousiaste, reçu au ntnii de la cité par le
maire de .Montréal. i)uis au nom du gouverneur par le président du Conseilon-
touré de .ses collègues, qui. l'un et l'autre, envoient jusqu'à Kome l'hommage de
leur fidélité envers le Pa|)e. aussitôt sanctionné par les vivats de 100.000 poi-
trines. i|uelle scène et aussi (]uelle leçon! Toute cette pom])e officielle, tcmte
cette joie poi)ulaire. tout cet élan d'amour, c'est pour glorifier le Dieu de l'P^u-
eharistie ! Arrêtez tm ))eu votre pensée sur ce grand fait historique, accompli
•levant l'univers entier. Chaque jour, les incroyants primaires ou supérieurs,
nous fatiguent les oreilles avec les redites séculaires sur la fin des religions, sur
la ruine de l'Kglise romaine, des dogmes et des mystères du catholicisme, sur la
pr<K-lie disparition de la Pajjauté, abandonnée par les peu])les ! Et voici que le
XXe siècle connnence. dans les deux mondes, au milieu des éclatantes affirmations
de la foi catholique, de la foi dans le plus auguste de ses dogmes, dans le pins
profond de ses mystères, de l'indéfectible fidélité envers le Chef de l'Eglise !
l'otir les libres-penseurs. (■a|)ables encore de penser librement, quel sujet d'hum-
bles niéditatif>ns !
Aiiiiiilr.s tie rAssoci^lioii des l'rrlres-Adoraieiirs. Sept.-Oct. 1910 :
Le Coiigrès de Montréal est donc un fait açcomi)li. Tl appartient maintenant
A l'histoire, et l'Eglise l'insérera avec hoiuieur (huis les fastes de son culte sécu-
hiin- envers la Sainte Kucharistie. 11 a fait mieux que réaliser nos espérances,
il a dépassé toutes nos attentes. Le Canada vient d'écrire la plus belle page de
^^oii histoire natioiuile: quant à celle qu'il vient d'ajouter au livre d'or des Con-
grès eucharistiques, elle est la plus belle, la plus brillante; tout le monde s'ac-
cirde A le dire. Ce Congrès, en elTet, a surpassé tous ceux qui l'ont ])récédé par la
inuguiticenee de ses démonstrations, le spectacle imposant de ses grandes assem-
blages, la muiiiticenee et l'écdat de ses décorations, ])ar les spectacles grandioses
qu'il a olFerts à notre admiration.
«/uant A la partie pour ainsi .lire pratique du Congrès, celle des séances de
travail, elle ne l'a en rien c"dé à la jjartie démonstrative et au côté extérieur.
U-s ( oiigrès d,. Lourdes, de Tournai et de Metz avaient déjà été remarquables à
ee point <ie vu.-. A Londres .4 A Cologne les séances de travail avaient un peu
H(- «ac-rili.-.-H. .-t avan-nt tr.q) cédé le pas aux démonstrations. A IVIontréal, le
travail d étude a été. on peut le .lire, intense, et les réunions des sectitms extrê-
iiM-ment él„boré^-s ef suivies. D.-s travaux de i)remière valeur o^t d'un caractère
très pratique y ont été présent.'^, surtout dans les séances sacerdotales, et à la
H#ance iȎdag<igi<)ue.
I^ m-ule rrilique .pic Pon pourrait lor.nuler. c'est que le progrannne était trop
vhMK^ i'i qiioii n'a pas laissé assez ,|,. i,.,n,,s à la lecture et à la discussion des
rnpiforti.
Mais la clios». H-..xpli.pi..ra si l'on ti..i,t compte .le cette remarque fondamentale.
\A- ( oiigrèH ,1e M.Hitréal étant h- premier Congrès eucharistique en Améiifuje,
*>l la plupart .les .•..iigreHMiHf..s .p,i .{.-vaient y assister n'axant encore pris part
,1 aiieun .les C.mgrès précr.,ients. il convenait que le i.rogranune formât un grand
— 1081 —
tout et embrassât un peu tous les grands sujets de la doctrine et de l'aiiostcdat
eucliaristi(ivies. Un caractère trop restreint et trop étroit ne convenait i)as aux
travaux d'un Congrès qui i)roinettait d'être le plus international et. ])our ain-^i
dire, le plus cosnu)polite de tous les Congrès tenus jusque-là.
Ajoutons qu'un Congrès ne travaille pas seulement ])our le hénétice de ceux
qui y assistent, mais aussi ])our l'avantage plus étendu de tous ceux (pii. «mi
divers pays, en liront et étudieront le compte-rendu.
A ce point de vue, on peut dire (pie le Congrès de Montréal a été l'occa.sicin
d'un grand travail intellectuel, ])réparé de longue haleine, et qui aura des résul-
tats étendus et durables. Il a été un (inind Congrès, à tous les ])oints de \ uc
M. le Chanoine Ermau. Le Lormin, Metz :
"Les séances sacerdotales ont été véritablement les grandes séances ilu Con-
grès. A Montréal, les séances de prêtres ])rennent enfin, après une assez longue
évolution, le premier rang comme importance (buis un Congrès Knciiarist i(|ue.
Ces séances se tiennent dans l'église des Pères du Saint-Sacrement. d(''c(ir(''e avec
une profusion de Heurs et de lumières dont rien ne donne tuie idée.
" C'est au milieu d'une foule pressée dans l'Avenue que l.ôOU prêtres, au bas
mot, se dirigent vers le lieu de la réunion. Le iirograiiimc annoiuait (pie la ]>re-
mière séance serait consacrén» à l'apostolat de la conimuiiioii: de fait, (die a eu
une très grande importance; sous ce rapport. Montréal sera le coiniiiiiicincnt de
l'œuvre du Congrès de iletz.
"Nous pouvons donner à ce Congrès l'éloge décerné jadis à c(diii de Mci/ par
le Légat: "Il est l'écho lidèlc. docile et sans réserve de la par(d(' (bi l'aiic" lîien
des conseils pratiques, des directions autorisées,, furent donnés, sur IcsinnU nous
pourrons revenir ailleurs.
" L'audition était i)icn à l'tinisson : on le vit aux applaudissements qui accueil-
lirent la j)roi)ositioii faite au Congrès de Montréal de reprendre et de reiiduvtder
le vœu du Ccjiigrès de Metz, demandant aux ])asteurs des âmes, coiiliaiits (biiis la
parole du Pape, d'orienter résolument leur ministère vers la réalisation du Décret
de 1905. Toute cette partie des séances, par la netteté de la doctrine, l'ampleur
de la discussion et le souci de conformer la prati(pie à la théorie, fut trf-s im
pressioniiante."
lîev. J. C. Biophy, D.l)., in Smred Heurt Revietr, Oetoher Stli, 1!>1(>:
TIli: I)i;( OUATIONS
When i)re])aratioiis for tlie Kncharistic Congress were slarted, <>iie of the dé-
tails that commaiided paranutunt attention was the décoration of tiie city.
Montréal is a modem city. and like ail modem cities does not lend itself to the
best aesthetic eirecls. Arciiiteclnre. hère as (dsewhere, is suliordiiiatc lo utility.
except in a few instances. Tlie iiaiid of tinie lias not laiii long eiiough mi ita
walls to imprint tlie veiieral)le stamp of âge. Citizeiis of tliis new world are
too unfamiliar with true art to liave ac(|uired that relinement of tasle that in
stinctiv(dy chooses what is best in line and color. and exécutes becomingly what
bas beeii 'hoseii. Il was f(dt thaï précaution liccame neiessary in an cVfiit of
tins ciiaracter and importance, and. instead of leaving the décorations to )»ri\ate
initiative and' pers(mal préférence, it was decided t(» ]dace the matter in the
hands of a spécial committee. Arcliitects and artists cooperaled in constiltalion
and (hdilicration. and formd a jdan of décoration for the Coiiiiress. Necessarily.
tbis was restricteil to tlie route inteinh-d for the procession at the dose of 1 lie
Congress. The route liaving lieeii (h'temiiiie<l. the commission s(de(ted one of the
jiians subinitted. modilied it in parts, and reaclied a tinal conclusion. The ques-
tion of expense held a seconda ry jdace oiily. and in fact did not enter iiito con-
sidération uiitil tiie plan had I n ebiborate<|. ."ri.lU.dUO were refpiested to carry
it ont. and tbis siiiii was immeilialtdy voled by the linance committee.
— 1082 —
THE ALTAK OF REPOSE.
The chief object of solicitude. and upon which Avas lavished untold care and
attention, was the Altar of Repose. Loeated at the extremity of the Park, on
tlie sloping side of Mount Royal, witli the niountain for background towering
above it, ana encircled by grovès of elms and maples that clustered about it and
eiif.dde.l' it in the manv shades of a still tonder green. while before it lay the
ininien.-îo amphithéâtre fornied by the park, an expanse of ground capable of hold-
ing the population of nianv a city, it rose like a throne, the throne of a king !
Siu-ely not anv earthly king; no'earthly king would présume to claim the rule
tliat such a throne implies. It is and can only be the throne of One more than
inaii.
Four exquisite Corinthian columns supported the beautiful dôme high in the
air. Sunnounting the dôme were the tigiires of four angels in sweeping gar-
nuMits and with poised wings. They faced the four quarters of the world, and
with outstretched arms held to their lips trumpets that called to the four corners,
of the earth, that sent their notes across the nniverse on the four winds of
heaven, to ail the homes of men, to the cities, and to the hamlets, to the mount-
ains, and to the valleys, to the cold north and to the sunny southland, summon-
ing equally those who attended and those who did not, to lift their hearts in
])raise and their soûls in prayer, to join in the act of homage and adoration and
thanksgiving to the King Who reigns. The Altar of Repose was surely one of
the grandest inspirations of architecture that has been conceived in the New
World. Pity it is that it could not be permanent, that it must disappear. It
was the objective point of ail eyes ; it called forth cries of admiration from
every lip, and was a thing of beauty to see and a joy to contemplate. At niglit
time" rows and circles of electric lights revealed its détails in perfect distinct-
ness, and it stood there on the great silent niountain side like the vision of a
dream.
THE ARCH OF WHEAT.
An essentially Catholic inspiration, one emanating only from faith and love,
suggested the beautiful and touching idea of an arch of wheat. French Can-
adian farmers in far-avvay Albcrta province, near the Rocky Mountains, con-
ceived the thought of offering to the Congress some of the product of their dist-
ant plains, and pro[)osed the gift of wheat to be made into an arch. The fur-
ther wish wa.s expressed that the wheat be used afterwards for altar bread. The
pious and generous oflfer was at once accepted and the wheat, eut and bound by
French Canadian hands, so far from the old province of Québec, was shipped to
ilontreal and becanie one of the most admired arches in the route of the proces-
sion.
THE MONSTRANCE CARRIED RY THE LEGATE.
ThoHe who were favored with an inspection of the grand monstrance, to be
usod for thf first time in the Congress Procession, and carried bv the Legate,
were impressed with its richness and artistic workmanship. Behind it lies an-
other Catholic inspiration. At the invitation of Miss Guerin, Ladv Mayoress
of Montréal, several thousand ounces of silver were donated by M. J..T. O'Brien,
of P.-nil,rf)ke, Ont., for a spécial monstrance to serve for the carrying of the
IfoHt in the Congress Procession. It was therefore made of virgin silver, new
from the bowel.s of the earth, and consecrated to the divine worship of our Lord
in the Bleased Sacrament. This recalls the other consécration of the first fruits
of the new wf)rld. 'Hie first gold brought from America to Europe was used to
gild the feiling of tiie Lady Chapel in St. Mary Major's Church in Rome. It is
Ktill wH-n. in ail itH virginal purity, and is an object of perpétuai interest to
viHitorH, and of éducation to religions, Christian soûls. This Congress mon-
Ntrance will Hervé on other solemn ocasions. such as the Fête-Dieu jjrocessions of
th»" future.
— 1083 —
THE CHURCH'S ESSEXTIAL rXITY.
In the Eucharistie Congiess at Montréal, in its sessions, in its open air ser-
vices and those within the many churches, in the glorious and never to be for-
gotten procession, in the manifold arrangements and préparations, extraordinary
in their fulness of détail and their magnificence of conception, one thing stands
out preeminently, and that is, the wonderful unity displayed around our Euchar-
istie King. It was a vital unity, of God-given strength and love. It was a two-
fold unity, manifested by perfect oneness of faith, adoration, dévotion and pas-
sionate love for Jésus Christ in the Blessed Eucharist, and by complète loyalty.
submission and enthusiastic dévotion to the Vicar of Jésus Christ, the Pope of
Rome.
Ail believed alike. When the Blessed Eucharist was borne through the crowd-
ed thoroughfares of Montréal. It was welcomed in révèrent adoration, by Can-
adians and Europeans, by Frenehmen and Belgians, and by men from the Xorth
and South, and East and West, of thèse United States. Tlie llosannas weut up
alike from the lips of the Ruthenian, and the Lithuanian, the Italian and the
Spaniard, the German and the Portugese, the Syrian and the Chinese, and those
first owners of our American soil. the dusky Indians. to whom the Church was
brought by !Maisonneuve nearly 300 years ago. Ail thèse men alike believed in,
welcomed, acclaimed, adored, and would liave died for Jésus Christ, the Euchar-
istie King, borne through their midst in the hands of him who represented
Christ's Vicar watching far away in Rome the triumphal procession, and bless-
ing it from his very heart of hearts.
Oh, answered prayer of Jésus Christ ! Verily. and indeed, His Catholic Church
is one, one, with a unity given- by Himself alone, — a unitj' that it has never
lost, can never lose, for it is a distinguishing, unalterable and inaliénable mark
or sign of the one true Church of the one true God ! ilen may sever themselves
from that unity, but the unity itself no man can sever. It dépends not on
numbers, nor indiv...uals, nor thrones. nor on any thought or will of man. It
is the prieeless and unfading crown witli which Jésus Christ has adorned His
spotless bride, the Church.
La Semaine Religieuse de Nantes :
Les circonstances dans lesquelles, il y a deu.v ans, sous l'inspiration de l'ar-
chevêque de Westminster, le Comité permanent des Congrès eucharistiques fixa si
Montréal le XXIe Congrès International, doublaient le prix d'un choix toujours
envié ; une douloureuse déception venait d'anéantir, la veille de sa réalisation, le
rêve séculaire des catholiques anglais et rejetait dans un lointain avenir la
marche triomphale, à travers les rues de Londres, du divin Proscrit: il fallait
ménager au Ciirist, en pays britannique, une splendide revanche, et prouver au
inonde qu'en dépit des ])rétpntions d'un fanatisme étroit, les lois de rEmjjire ga-
rantissaient pleinement la liberté religieuse. Mais c'était une tâche redoutable
de fournir cette preuve et de préparer cette revanche. Mgr Bruchési, au nom du
Canada français, l'accepta sans hésiter ; il comptait sur le secours de Dieu et
connaissait la foi de son peuple. '" La terre canadienne est encore une terre
chrétienne et catholique dans toute la force du mot: c'est qu'elle est une terre
eucharistique. Je prédis un immense triomphe :\ notre bien-aimé Sauveur sur
les bords du Saint-Laurent."
Cette prédiction s'est merveilleusement réalisée, et les heureux témoins du
Congrès de Montréal ont redit A tous l(>s échos du monde calholiquc, après l'Emi-
nentissime Cardinal-Légat Vannutelli, le pèlerin illustre de Cologne, de Londres,
de Metz, " le Congrès de Montréal a été le plus beau des Congrès Eucharistiipies:
c'est l'événement le plus important dans l'histoire de l'Eglise au Canada, et j)eut-
être dans celle do l'Eglise cathiili(|ue par toute la terre." VoilA pouniuoi, ce
matin, le vieil In-mne des jours de gloire s'échai)pait de nos poitrines en accents
si triomphants, et portait vers le ciel une si enthousiaste reconnaissance.
Il y a, ce soir, cinq semaines qji'ont pris fin ces journées inoubliables, dont le
cardinal écrivait hier, en (luitlniit le continent américain : " J'ai vécu A Mont-
— 1084 —
réal dos j..urnéos do ,nuadi..- ^lais non, les jc.urnée. de paradis sont éternelles,
et nos belles jonrnées eneliaristiques ont passé bien vite.
11 pouvait déjA sembler an.bitieux de préten.lre égaler les merveilles de Metz
de liulres. de Cologne, et pourtant les babitués des Congrès internationaux ^sont
•esqu-unanimes à ?roela,ner qu'a Montréal ce fut plus beau encore que partou.
fa it maintenant recborcber en quoi le C.n.grès de Montréal a ete le plus beau.
r \ulle pan ensemble aussi imposant de cérémonies grandioses ne se déroula
dans un cadre aussi immense, dans des circonstances aussi émouvantes, devant
«les foules aussi recueillies ;
2°. Nulle part, une afflueiice aussi empressée de races aussi diverses, unies par
les liens (rune même foi et d'un même amour, ne rétléta avec autant d'éclat la
latliolicité de l'Eglise ;
3°. Nulle part, ruiianimité des citoyens d'un grand pays et la participation
spontanée de toutes les autorités municipales, provinciales, fédérales, ne don-
nèrent n une manifestation en l'honneur de l'Eucharistie le caractère d'un hom-
maye aussi entièrement, aussi ofliciollenient national.
Avouons-le simplement : ce ne sont pas les séances d'études, quel qu'en ait été
l'intérêt, qui ont fait du Congrès de Montréal le plus beau des Congrès. Les
l>rofoiide.-5 spéculations des théologiens, les laborieuses recherches des archéo-
logues, les subtiles discussions des exégètes n'y ont tenu qu'une étroite place. Aux
pays nouveaux oii la ])opnlatioii s'accroît avec luw invraisemblable rapidité, les
exigences du ministère abs()rl)ent les activités et suppriment les loisirs ; le haut
enseignement théologique se développera plus tard. Pour le moment il faut être
pratique : en consé(|uence. A l'étude ap])r()f()ndie d'un petit nombre de questions
d'un intérêt un peu spécial, on a géiiéialenient préféré la lecture d'un grand
nombre île rapports de courte durée, véritable revue des œuvres et des initiatives
eoncernant la Sainte Eucharistie. Jieaucoup y ont trouvé la révélation d'indus-
tries fécondes : plusieurs ont regretté que la surcharge des programmes ait
rontraint d'abréger des coiiddeiices instructives et des discussions. 11 fallait bien,
pui>que ces inoubliables journées n'étaient encore que les plus belles fêtes de la
terre, rencontrer de temps en temps l'imperfection inséparable de toute entre-
prise humaine, et tant de fois au cours de cette semaine, désormais historique,
ort la terre canadienne, tressaillant d'allégresse, vit pour la première fois passer
le divin l^oi porté par un légat ])a])al, et escorté ])ar les rejirésentants de tout le
inonde chiétien. on vécut des minutes d'émotions intenses, de bonheur complet
qu'on pouvait croire des instants de ])aradis »
En quel cadre grandiose se dé))loierait la ])omi)e des manifestations vraiment
générales : la messe solennelle et la bénédiction iinale V Au pied du Mont
Hoyal qu'entoure la ville, s'étend nn(> immense esplanade, où les joueurs de ballon
en été, les amateurs de glissades en hiver se livrent, sans contrainte, à le\irs
»p<»rts favoris : au dernier plan, se déroule la masse imposante du Mont Royal,
que l'été a j)aré de frondaisons épaisses où se mêlent la' pourpre et l'or des au-
tomnes. Sur ce fon<l de verdure, un gigantestpie reposoir dresse l'éclatante blan-
rheiir de ses f|uatre colonnes et de son bahhupiin ; de clnujue côté, on a élevé deux
larges estrades où ont pris ])lace, il droite de l'autel, la foule colorée des prélats
en manteau violet, des chanoines en camail bigarré, des prêtres en blanc surplis,
den religieux aux costumes variés ; à gauclie, un chœur d'un millier d'exécutants,
dont les voix, soutenues par un i)uissaiit orcliestre, portent au loin la majes-
tnens«> ampleur ries chants de Dninont ; une assistance que l'évaluation la plus
mofleHte porte à cent vingt mille |»ersonnes, debout sur le gazon, admirable de
recueillement, écoute la messe solennelle dont les cérémonies se déroulent tl
l'autel moniiinental dans les nuages de l'encens et le scintillement des ors. Un
ra4lieiix soli-il. dans une matinée idéale, baigne- de sa lumière l'incomparable
««•^ne. prélude de l'apothéose <lu lendemain (pie d'avance le légat proclame " le
pliiH beau jour de sa vie."
Knfin, le jour si attendu se lève : le temps est splendide : dans Tavant-midi,
cent traiiiH supplémentaires ont apporté cent mille jièlerins nouveaux ; dès onze
lioiire», dann les tuph et sur les places avoisinaiit Notre-Dame, les groupes se
forment aux points de rallir-ment fixés «l'avance : à midi et demi, l'ordre de dé-
— lUb5 —
part est donné, et l'avaiit-garde de riiiteiiniiiable cortège débouche sur la l'iace
d'Armes, située devant Notre-Dame : pendant trois iieures. par rangs de six.
société après société, paroisse après paroisse, diocèse après diocèse, bannières au
vent, chapelets en mains, tant.jt au bruit des chants et des fanfares, tantôt dans
un impressionnant silence, cinquante mille hommes vont passer : :1 leur suite,
les nombreuses fraternités du Tiers-Ordre, la longue file des religieux, la théorie
multicolore des enfants de chœur, des milliers de prêtres en surplis ou en cha-
suble, cent vingt évêipies en chape et en mitre encadrés de deux assistant>.
Quatre heures ont sonné (juand le Saint Sacrement, porté par le légat, paraît au
seuil de la métropole ; derrière le dais, la ])rocession continue ; les deux car-
dinaux de Baltimore et d'Armagh. Cardinal (Jilibons et Cardinal Logue. les pro-
tonotairos et les prélats, l'administrateur général du Canada, le gouverneur amé-
ricain (lu Ivhode-lslaiid, le lieutenant-gouverneur de la province et leurs états-
majors ; les ministres, sénateurs et députés catholiques, le maire et les échevins;
la Magistrature, le Barreau, l'Université en toges, les corporations ouvrières
et les confréries du Saint-Sacrement ; et, de Notre-Dame au Mont Royal, sur
une longueur de cincj kilomètres, par les rues jonchées de Heurs, sous les arcs de
triomphe, entre les maisons pavoisées et tendues de la base au faîte, :\ travers
une multitude iimombrable qui remplit les trottoirs, couvre les perrons, s'écrase
aux balcons, envahit les estrades érigées sur tous les terrains vides, gagne les
toits, escalade arbres et poteaux, au chant des hymnes liturgi(jues (|u"exécutent
des chœurs échelonnés le long du parcours, le triomphal cortège s'avance avec
lenteur. Le recueillement est parfait, le respect incline toutes les têtes, l'émotion
met des larmes sur beaucoup de visages, l'atlmiration, impuissante il se maîtriser,
éclate en ap])lau(lissements. Un sentiment religieux. ])rof()nd. plus fort que la
curiosité, lient en sus])ens la multitude, et. malgré raflluence. malgié la faibh-sse
de la police, aucune Ixmsculade, aucun désordre ne se produit. 11 est sept heures,
et l'ombre tombe lorsque le Saint-Sacrement parvient au reposoir ; la foule
massée sur r(>s])lanadc n'est guère inférieure à ini demi-million : c'est :1 perte de
vue, une mer de têtes, d'où émergent des étendard». Le salut commence. Ue
Tantum ergo s'élance, poussé par des milliers de poitrines : enlin l'Hostie s'élève
au-dessus du peuple prosterné, bénissant la cité, le pays, le monde ! La minute
est inexprinnil)le.
Il fait maintenant tout A fait nuit ; la lune brille doucement au-dessus <le
l'autel ; la foule a fait silence ; au loin les cloches cariMonnent. Et l'on vou-
drait nxer cet instant unique, retenir le Maître qui pas.se : on répète tout bas
la prière des discij)les d'Emniaiis: " Manr uohi.icuin. Domine, (junninin iiflrrspc-
rdscit." llélas! l'heure de le ])()sséder n'est pas encore venue. 11 s'en va ; les
acclamations retentissent, ré])ercutées ])ar tous les échos de la montagne. " Loué
soit Jésus-Christ! A vous nos familles. A voiis nos enfants, à vous nos vies! " Le
clergé accompagne le Saint-Sacrement si la chapelle toute proche de l'Jlôtel-Dieu:
la multitude en délire se disperse : les chants de joie se croisent dans l'air : la
ville s'illumine. C'est fini ; mais l'impression demeure profonde. incU'at'able.
Quelle puissance au monde pourrait mobiliser pareille armée ? (^uel souverain
oserait rêver semblable triomphe ? L'Eglise, qu'on dit moribonde, est donc i>Ius
vivante (pie jamais; le Christ, dont on se rit, uarde donc intact son irrésistible
emj)ire et sait encore s'enii)arer des cœurs! Ah ; quand les peuples voudront se
livrer A cette force, (piel idéal trop ambitieux ne saurait dépasser les csp.iirs de
l'humanité !
Cette impression d'indeslructible vitalité et d'invincible puis'^ance se fortifiait
singulièrement en considérant le caractère cosmo|>olite. mondial, pour tout dire.
catholi(pie. des foules rassemblées. C'était mieux que l'iiommace unanime d'une
nation ou d'une race : c'était une Epiphanie nouvelle. Epij)hanie eucharisti(|iie.
qui, des extrémités de la terre, rappelait les Tuitions et les races ])our adorer le
A'erbe faji chair : Montréal, en ces jours bénis, aiijiaraissait A tous cdinme une
autre B('llilt''em. une autre Maison du Pain ; et les visions d'Isaïe siMMblait-nl
vraiment se réaliser dans ces arrivages continmds de délégations lointHines <>t de
])rélats exotiques, accourant par toutes les routes ; dans cette affluence pidyglotte
circulant en tlots pressés A travers la ville, dans cette mull i|»licité de section»
distinctes: fram.'aise, anglaise, allemande, siégeant séparément cluujue nuit in.
— 10S6 —
exécutant chacune sa partie du grandiose concert dans ces mémorables assem-
blées du soir, a Notre-Dame, oïl des orateurs venus d'Italie et de Belgique, d Ir-
lande et de Grande-Bretagne, de France et des Etats-Unis, mêlaient leurs voix
aux voix canadiennes et faisaient alterner pour la même louange la langue de
Wolfe et la langue de Montcalm.
Et cela se i)assait en terre américaine, sur ce sol où s agitent tant d activités
fiévreuses; ou combattent tant d'intérêts ardents, où luttent tant de nationalités
rivale»! où les biens de la terre se disputent si âprement, où parfois s affiche si
naïvement la supériorité d'un peuple pratique sur les vieux pays idéalistes.
("était un ma.niitique et saisissant spectacle de voir, pour un instant, a 1 appel de
TE-lise devant l'Eucharistie, les appétits faire trêve, les hostilités s'apaiser, les
rac«s se fondre, les regards se fixer sur une réalité céleste, les descendants des
émicrrés fraterniser avec les cousins venus d'outre-mer, les deux mondes, le nou-
veau et 1-ancien. collaborer i\ un triomphe sans précédent et fêter ensemble le
Sauveur nu Î^Ionde. On eut même l'illusion d'une chrétienté refaite, du rappro-
chement tant rêvé des communions si fâcheusement divisées par la Réforme.
Sans doute, quelques prêches firent entendre de curieuses diatribes, et dénon-
cèrent une fois de plus l'agression pontificale ; mais ces notes discordantes si-
gnalèrent seulement l'importance de la manifestation catholique et demeuraient
sans écho dans la niasse protestante.
Nos frères séparés participèrent abondamment par de généreuses souscriptions
aux dépenses du Congrès ; plusieurs mirent leur demeure à la disposition de
l'archevêque pour y loger ses hôtes ; ils firent dans leurs journaux une large
place aux comptes rendus des cérémonies ; ils tinrent a honneur de décorer leurs
maisons sur le passage du Saint-Sacrement ; ils assistèrent nombreux à la pro-
cession et a la bénédiction finale, et leur attitude fut celle du respect et de la
sympathie toujours, de l'admiration et de l'émotion souvent ; beaucoup remer-
ciaii'ut Dieu de cette fête où plus d'un a senti se dissiper des préjugés et s'éveiller
des doutes. Et lorsque, â la dernière minute de l'inoubliable scène,, la bénédic-
tion donnée, des milliers de voix, conduites par la voix claire et vibrante de
l'archevêque, montèrent en une clameur immense vers l'Hostie déposée sur
l'autel triomphal rayonnant dans la nuit, et appelèrent l'une après l'autre toutes
les nations et toutes les races pour les recommander ensemble au Roi-Jésus,
c'était " l'Eglise qui dressait, au milieu de notre âge de conflits et de discordes,
en face de l'internationale haineuse et violente qui voudrait abolir les patries et
démolir les sociétés, l'internationale pacifiqu« et illuminatrice qui aspire à
rendre les patries meilleures et les sociétés plus heureuses en les faisant commu-
nier toutes dans l'amour et le culte du Maître, dont la doctrine est une loi de
paix."
La grande nouveauté du Congrès de Montréal ne fut pourtant ni la magnifi-
cence grandiose des cérémonies, ni le caractère véritablement œcuménique de
l'assistance — ces deux notes, moins accentuées toutefois, s'étaient rencontrées
ailleurs — mais l'union intime, absolue des pouvoirs civils et religieux, le respect
des membres du gouvernement pour l'Eglise catholique, leur participation effec-
tive au Congrès.
L'attitude des autorités publiques dans un pays qui a hérité de l'Angleterre
ses meilleures tra<litions de gouvernement constitutionnel, et emprunté à la Ré-
publique voisine sa conception la jiliis autorisée de la démocratie, peut être utile-
ment méditée chez nous, depuis que, ynmr justifier leur grossier sectarisme, nos
législateurs ont osé invoquer la dignité du pouvoir civil menacé d'empiétements
par la s^>ciété religieuse, et les exigences d'un Etat démocratique condamné,
diwnt-'l», il ignorer le Pontife romain
Le Jiègne de Jésus par Marie, 15 novembre 1910 :
I^ vingt-et-unième Congrès Eucharistique, tenu a Montréal, Canada, dans les
premiers jours de septembre, promettait beaucoup ; le succès a dépassé les espé-
rances. ]j-H grands quotidiens vous ont déjà fait connaître les démonstrations
qui ont marqué coh solennelles assises. Nous devrons, dans les étroites limites
d'un article, nfius contenter de les esquisser a larges traits et d'en dégager la
physionomie d'ensfrmble.
— 108". —
Montréal, on le sait, est la ville la plus populeuse du Canada. Avec ses lian-
lieues, elle ne compte pas moins de sept cent mille habitants, en très forte ma-
jorité canadiens-français et catholiques pratiquants. Elle est d'accès facile,
étant sur le passage de plusieurs grandes voies ferrées, et les vaisseaux océani-
ques venant mouiller jusque dans son port. Métropole industrielle du pays et
placée dans la catholique province de Québec, elle offrait à la tenue d'un conjurés
religieux des éléments de succès qu'il serait peut-être difticile de trouver réunis
ailleurs.
Le Congrès n'a pas seulement été canadien ; il a été aussi le Congrès de toute
l'Amérique du Nord. Les quatre-vingts diocèses des Etats-Unis étaient tous re-
présentés par leurs chefs venus se ranger autour des trente évêques de l'Eglise
du Canada. Le Congrès mérite aussi son titre d'international, toutes les parties
du monde y étaient représentées par quelques hauts dignitaires ecclésiastiques
ou autres distingués visiteurs. Cent vingt-cinq évêques formaient cortège aux
trois cardinaux : Logue, d'Armagh; Gibbons, de Baltimore; Vincent Vannutelli,
représentant le Saint-Père. On a évalué à six mille le nombre des prélats, pro-
tonotaires, chanoines, prêtres ayant pris part A ces fêtes.
Jusqu'ici les Congrès Eucharistiques, si l'on excepte celui de Jérusalem,
s'étaient tenus dans un rayon assez restreint. Montréal est venue élargir leur
horizon, ayant la première cet honneur sur le continent américain, honneur bien
mérité par trois siècles de généreuse fidélité. Ce Congrès présente peut-être,
d'autre part, une certaine variété avec les précédents ; il a eu une saveur de
terroir, une saveur d'Amérique où les choses ne se passent pas entièrement comme
de l'autre côté de l'eau.
Le Congrès proprement dit a duré quatre jours. Le temps était partagé en
réunions d'études et en manifestations religieuses en l'honneur de Jesus-Eucha-
ristie.
Les rapports, français et anglais, s'adressaient il différentes catégories : aux
prêtres, aux hommes, aux jeunes gens, aux dames, et ont été très suivis. Les
travaux, en général, bien étudiés visaient surtout un point de vue pratique.
Publiés prochainement, ils formeront un fort et intéressant répertoire: l'en-
semble convergeait à promouvoir ce qui, de près ou de loin, favorise le culte
envers l'Eucharistie et la réception fréquente et fructueuse de la sainte Com-
munion.
Les réunions sacerdotales, entre toutes, furent intéressantes. I^ne séance qu'il
convient aussi de signaler fut celle de la jeunesse catholique; elle réunit, assure-,
ton, dans la salle de l'Aréna, trente mille jeunes gens, blonde marée dont les
flots généreux se soulevaient fièrement pour acclamer non seulement ses gloires
et ses espérances, mais aussi ses devoirs religieux et patriotiques.
La manifestation la plus grandiose fut la procession de clôture. Le par-
cours mesurait près d'une lieue. Setils les hommes étaient admis dans le
cortège. De soixante-quinze :1 cent mille hommes prirent part au défilé (pii dura
depuis une heure de l'après-midi jusqu'il la nuit. Des représentants de la plu-
part des paroisses du diocèse étaient lil autour de leurs bannières, suivies de
beaucoup d'autres délégations de diocèses étrangers. Les sociétés cath()li<iues,
les religieux de différents costumes marchaient en corps, ainsi q>ie les régiments
réguliers ou indépendants en uniformes. Plusieurs nations formaient aussi des
groupes distincts: ainsi on a remarqué les colonies italienne, polonaise, lithua-
nienne, syrienne, chinoise, et des descendants des tribus sauvages portant le cos-
tume traditionnel et la chevelure ornée de plumes l>rillantes. Deux mille ]>rêtres
en surplis, dalmatiques, chapes, chasubles, précédaient les chanKines. camériers,
protonotaires, abbés mitres, évêques aux chapes et mitres étincelantes. acconi
pagnes de leurs chapelains. Des centaines d'enfants répandaient des fleurs et
ime nombreuse escorte liturgique entouraient le Car<linal-Légat portant le Saint
Sacrement et suivi de ses familiers et des associés de la mission ]i<>n(ificale.
Fermaient la marche les cardinaux et leur suite. rarchevê<iue de Montréal avec
ses chapelains, les ordres pontificaiix, le comité permanent des Congrès eucharis-
tiques ; l'administrateur général du Canada, le gouverneur du Rhodelsland, le
lieutenant-gouverneur et leurs états-majors ; le maire et les échevins <le M<>nt
réal. la magistrature et le barreau, les facultés universitaires Laval, les corps
professionnels, enfin les confréries de l'Adoration Nocturne et autres du Très
Saint-Sacrement.
— 1088 —
Des fai.faros s-éc-helonnaieiit dans les rangs de la procession, unissant leurs
notes puissante, aux elice.us pla.és s^.r le parcours ou alternant avec les pneres.
U a In.r.is des rues par lesquelles passait le crtège étaient envahis ; les bal^
cons les fenêtres, les estrades, les arbres, les toits uiême étaient garnis Le
défilé sonil.lait le eoiirs d'un fleuve s'écoulaut entre deux hautes rives vivantes
•e ueuple .,n\.n estime A sept ou huit cent mille, s'agenouillait respectueusement
au pasia.-e du Tr*^s Saint -Sacrement. Tout le parc.urs était décoré de nombreux
arcsde triomphe, gigantesques eonstructions en plâtre ornées de statues de
lieurs d-inserii)tious. d'emblèmes eucharistiques et profusement enguirlandées
.lanumules électriques aux c(mleurs et aux dessins variés. Un de ces arcs tran-
chiil sur les autres : c'était celui dn Manitoba. orné tout entier de siiperbes epis
de blé apportés des plaines ,1e l'Ouest fana.lien. Les arcs étaient reliés par des
pylône's. des culmines soutenant des anges adorateurs, des mâts vénitiens arbo-
rant de riches bannières. .,,.41
l'eux <iui ont vu cette procession, ont admiré le bon goût et la munihcence des
préparatifs, rimineiise concours de peuple, l'ordre parfait et le recueillement qui
î.'o.it cessé de régner. La temi.érature. pluvieuse aux premiers jours du Con-
grès, fut pour la processum ce qu'on pouvait la souhaiter. Aussi les heureux
Témoins de ce triomphe de Jésus-Hostie sont unanimes à déclarer qu ils ne re-
verront rien de semblable et ils se demandent si l'on peut, en ce genre, mieux
ima-iner Tout le Congrès, au surplus, s'est accompli avec une tenue, un éclat
et u'ie dignité, dont même, les moins prévenus en notre faveur, ont été impres-
si.ninés feci fait grand honneur à :\lonseigneur l'archevêque de Montréal,
rr.nje (ie cette entreprise, et aux difterents comités qui l'ont secondé dans sa
lâche.
Mgr ToiK-het, Le ('orrespondaid. 10 octobre 11)10:
Montréal était d'ailleurs admirableiiieiit choisi jtour tiiie assemblée de ce genre.
I.,a ville est grande et belle : ee qui est utile à tout. Quand on la considère
du liaut de ee mont (|ue Cartier appela Royal, pour la magniticence de son ho-
rizon, elle se niontr»! comme étalée sous tme forêt qui la couronne d'un incompa-
rable dôme de verdure. I^e Saint-Laurent, qui se divise en deux bras à la Pointe
aux 'l'remldes et reprend son cours uui(]ue à Sainte-Anne, l'assied dans une île
triangulaire, à rives ])lates, entre lescpiellcs ont été dessinées de larges et longues
rues droites, eoupées en damier, disposées miraculeusement pour quelque gigan-
tesrpie pompe religieuse.
( ependiint. nous marchons depuis trois heures : nous approchons du reposoir
dernier. Ia' jour baisse, h; soleil descend sans un nuage (jui le voile, dans vm
ciel d'or. lA-yi étr)iles s'allument l'une après l'autre. La lune accourt au rendez-
vous. Des phares électricpies jettent de longs rayons. Toutes les cloches
«'ébranlent. I^es canons tonnent; à chaqtie coup, un léger nuage blanc s'élève,
poussé bientôt an large, oft il .se dissipe j)ar le vent d'est. Des clairons se ren-
voifiit des appels. Des maisons s'embrasent de mille feux. Les Mcifinificat et
les 7'« Jtiiiiii s'envolent. Cent, cent cin()uante mille, deux cent mille hommes se
press<'ni autour du trône on le Légat vient de (lé])oser l'ostensoir. Un Tantum
rrtfo forinilable retentit. Mgr l'Archevêque reprend : Vive le Canada. Vive
r.Angleterre! la multitude reprend: Vive l'Anglelerre ! Vive la France! la mul-
titude reprend: Vive la France! \ive rAméri(|ue! la multitude reprend: Vive
r.Arnérique! \'ive la Melglcjne! la multitude re|)ren(l : Vive la Belgique! et le
reste.
\je Cardinal-I>gat se relève. Le voilà seul debout, l'immense multitude est à
genoux ; A genoux â perte de vue, A genoux dans le parc Manco, à genoux dans
les rues, A genoux aux balcons. A genoux aux fenêtres. 11 lève lentement l'Hostie
et liénit. aux ipiatre coins de l'Kspace. les mondes nouveaux et les nudides an-
rienH. Puis il s'agenouille lui niênii-. Et celte fois, de cette foule immense, plus
[KTHonne n'est debout.
('ep«'n(lant, nous étions abimés dans ce spectacle d'indicible grandeur, nous
•llHionH au Christ .Jésus: '• Regardez, ;Maître et Sauveur, du côté de l'Fst. Re-
ffardez deux points surtout: Rome et la France, liénissez-y le l'aj)e. Rénisse/-
y nos frèren. Nos frères vous les discernerez derrière un nuage de poussière.
— 1US9 —
Ce n'est pas pour choquer vos regards, ô roi Jésus. Les rois aiment, de spéciale
dilection, les régiments qui se battent. Nous sommes, nos frères et nous, le ré-
giment qui se bat. Bénissez-nous, nous et notre chef visible."
Or tandis que nous pensions ainsi, nous entendîmes la voix de Mgr l'Arche-
vêque de Montréal qui s'élevait une dernière fois et disait avec un accent où
vibrait beaucoup de gratitude et quelque fierté légitime: "Le Congrès est fini.
Gloire i\ Dieu! "
Nous regardfimes. . . . Sous le dais blanc, le Cardinal-Légat avait redressé sa
haute taille; il avait repris le doux et divin fardeau qu'il portait depuis quatre
heures sans Héehir; il s'acheminait à pas fermes vers l'Hôtel-Dieu où l'Hostie
allait passer la nuit, adorée par des malades et des pauvres. La nuit nous parut
plus sombre: et nous sentîmes un sanglot nous monter du cœur aux lèvres. Ce
sanglot était l'adieu à l'ineffable minute que nous venions de vivre. Oui! le
Congrès de Montréal était fini.
Lette pastorale de Mgr l'Archevêque de Montréal:
Nos très chers frères,
Les occupations multiples de notre charge pastorale ne nous ont pas permis
de vous entretenir plus tôt, comme nous le désirions, de notre Congrès Eucha-
ristique.
Ce Congrès, objet de nos vœux et de nos prières pendant si longtemps, est
maintenant une chose du passé. Mais nous en vivons encore, et n'est-il pas vrai
de dire que tous ceux qui y ont pris part en garderont à jamais le doux et ré-
confortant souvenir ? Il ne cesse pas de faire l'objet de nos entretiens comme
de nos pensées. Le peuple, on le sent, a été remué dans le plus intime de son
être. Un mot est sur toutes les lèvres: '' Nous avons assisté il une fête du ciel! "
Le triomphe que nous rêvions pour Jésus-Hostie a dépassé toutes nos espérances.
On nous a dit qu'aucun pays ne lui en avait encore décerné un d'une égale ma-
gnificence, et notre âme a surabondé de joie.
Les journairx et le télégraphe ont porté ;1 lu connaissance du monde entier le
récit des événements qui ont fait des premiers jours de septembre 1910 les jours
les plus heureux et les plus beaux de notre histoire. Ils ont parlé des impo-
santes cérémonies de notre cathédrale; de ces nombreuses séances d'études eucha-
ristiques, si fidèlement suivies par les prêtres, les religieux, les religieuses, les
hommes et les femmes du inonde, sous la présidence d'éniinents prélats; de ce
touchant défilé de trente mille enfants de nos écoles, acclamant le Christ, le pape
et celui qui le représentait si noblement parmi nous; de cette incomparable messe
du Parc élance, au flanc de notre montagne qui nous apparaissait comme un
nouveau ihabor où il eût fait si bon de dresser sa tente auprès du Christ trans-
figuré; de cette autre célébrée iV minuit, il Notre-Dame, toute étincelante de lu-
mières, et où les hommes s'approchèrent par milliers de la table sainte; de ces
réunions solennelles, le soir, sous les voûtes du même temple, où de brillants
orateurs ecclésiastiques et laïques des Deux-Mondes faisaient entendre leur élo-
quente parole; et, enfin, de cotte procession du 11 septembre, dans une tempéra-
ture idéale préparée, nous semblait-il, par les anges de Dieu eux-mêmes, où cent
mille hommes de toutes les classes de la société, de l'Eglise et de l'Etat, unis dans
un même sentiment de foi, faisaient escorte au Christ eucharistique porté par le
légat du pape dans les rues décorées comme une église, embaumées du parfum
des fleurs et de l'encens, ornées d'arcs de triomphe aux emblèmes les plus irra-
cieux, et bordées tout le long d'une multitude évaluée il cinq cent mille, tous,
spectateurs recueillis, émus, ([Ui croyaient avoir sous les yeux comme une vision
céleste. Ils ont essayé de décrire cet instant mémorable entre tous où le car-
dinal élevant l'Hostie, bénissait Montréal, le pays et le monde. A la tombée de
la nuit, sous un ciel qui semblait s'abaisser vers nous, il la douce lumière de la
lune, qu'on eut dit la lampe gracieuse, mystérieusement siispi-ndiie au-<l<'ssu8 do
notre autel, pendant que les cloches et les clairons retentissaient au loin. Ils
ont redit fidèlement les acclamations de la foule, et la consécration solennelle,
irrévocable, de tout un peuple A Jésus-Christ, roi immortel des siècles. "O
Christ, a vous nos familles, a vous nos diocèses, a vous nos enfanta, a vous nos
35
— lUDO —
malades, A vous nos morts. Amen, amen, amen I " Les cœurs battaient, les
yeiL\ étaient pleins île larmes. Que la religion catholique paraissait grande et
sublime, et conune elle se réalisait bien alors la parole du divin Maître: " Lors-
que j'aurai été élevé de terre, j'attirerai tout à moi! "
Mais, nos très chers frères, en outre de ces majestueux spectacles, que de choses
éditiantes et consolantes ont illustré notre congrès eucharistique! Que d'actes
d'amour généreux, de pénitence, d'immolation, de ferveur dont Dieu garde le
secret: De quelle piété notre peuple u'a-l-il pas donné la preuve! Des milliers
de messes ont été célébrées chaque jour. Partout, les églises et les chapelles
étaient remplies; et pendant cette semaine sainte, c'est par centaines de mille
qu'il faudrait compter les communions. Il ne s'est pas produit le plus léger
liésordre. Chez nos frères séparés nous remarquions le respect, l'admiration
souvent, toujours la sympathie sincère. Il n'y avait pas d'étrangers parmi nous,
mais uniquement des frères; et c'est comme des frères qu'ont été accueillis tous
ceux qui sont venus de près ou de loin assister à nos fêtes. Les familles, invitées
il recevoir un évêque, ont su faire princièrement les honneurs de leur maison.
Les communautés religieuses ont rivalisé, pourrions-nous dire, de dévouement et
de générosité. En ce fameux et unique dimanche du 11 septembre, notre ville
était en quelque sorte transformée. Les maisons, décorées partout avec tant d'é-
légance et de richesse, devaient le soir resplendir d'éclatantes lumières; une
atmosphère de joie sereine nous enveloppait; il nous semblait respirer un air
inaccoutumé. Le recueillement était partout comme dans le lieu saint, et en
réalité, pendant plusieurs heures, la métropole si active semblait être devenue
une cathédrale immense oil dans la liberté la plus absolue et la foi la plus
ardente se déployaient les cérémonies augustes du culte catholique. Oui cette
fois, sur les rives du Saint-Laurent, Jésus est venu parmi les siens, et les siens
l'ont reçu avec tout l'amour de leur cœur.
Ce nous est, nos très chers frères, un doux devoir de remercier ici tous ceux
qui, pour l'organisation et la célébration de notre Congrès, nous ont prêté leur
précieux concours: comités divers formés par nous; j)rêtres et laïques, commu-
nautés religieuses, autorités civiles, fédérale, provinciale et municipale ; com-
pagnies de chemins de fer et de navigation, journalistes catholiques et non ca-
tholiques, bataillons de nos volontaires catholiques, hommes de police, jeunes
gens du monde et jeunes séminaristes, artistes, arcliitectes, ouvriers, musiciens
et chantres; mais n'est-ce pas tout le monde qu'il conviendrait de remercier, car
est-ce que chacun n'a pas fait sa part, n'a pas offert son obole selon ses moyens
et selon les circonstances ?
Aux ûmes pieuses qui dans les cloîtres ont prié avec tant de ferveur et à qui
nous n'en doutons pas, nous sommes redevables de bien des grâces obtenues, notre
plus sincère gratitude.
Une fois encore nous tenons a dire combien les procédés si dignes et si délicats
de ceux qui ne partagent pas nos croyances nous ont touché; lîous ne les oublie-
rons jamais.
Mais :\ l'Eminentissime cardinal Vannutelli, légat du Souverain-Pontife, l'hom-
mage tout particulier de notre reconnaissance comme de celle de tout notre
f>euple. Dans sa personne c'est bien la suave bonté du Sauveur lui-même qui est
apparue sur notre terre. Quelle splendeur il a jetée sur chacune de nos pieuses
cérémonies! Avec quelle tendresse il s'est incliné vers les jietits enfants' A l'ex-
emple du Maître quel regard doux et aimant il a jeté sur les vin^t mille jeunes
gen» réunis un jour devant lui. et quand il leur a parlé, quelles pa'roles vibrantes
f»ont sorties de son ilme! Quels encouragements et quels paternels conseils n'a-
t-il pas donnés aux milliers d'ouvriers et d'ouvrières accourus a Notre-Dame pour
célébrer selon leur pieuse coutume au pied des autels la fête du travail chrétien'
:>e dVi, haut a-t-elle dér-iiplé ses forcr-s pour lui permettre de s'acquitter
.1 la fait de ses multiples et laborieuses fonctions? Tout le monde l'a
IH,n»4. (ar il a été vraiment, pendant la grande semaine, d'une endurance a
toute épreuve. Il na refusé aucun travail. Il n'a redouté aucune fati-me II
"w r^/T^ T *""": ^'*"' y^'\1 ''""''''^'« l'""t approché comme les grands et les
rhefH dEtat. Lui-même est allé vers les liumbles et les pauvres II a trouvé
le temps de visiter toutes nos principales institutions relii.neuses, et a pu ainsi
•e rendre compte de notre vie chrétienne et catholique, des œuvres qui s'accom-
— 1091 —
plissent chez nous pour le bien des Tunes et il l'honneur de la sainte Eglise. Par
tout on se souviendra de son bienveillant sourire et des mots consolants tombés
de ses lèvres. Les prisonniers eux-mêmes l'ont vu dans leur prison. Il a célébré
la messe dans leur modeste chapelle. Il les a appelés ses " frères très chers en
•Jésus-Christ." Il les a bénis. Et ces pauvres détenus ont pleuré d'émotion, et
leurs gardiens ont pleuré avec eux. Ah ! oui il est passé parmi nous en faisant
il- bien, et quel souvenir nous «Tarderons de sa précieuse visite! Il emporte à
Rome notre vénération et notre amour, et pour nous nous nous rappellerons avec
bonheur ces mots qu'il nous écrivait naguère de la République voisine où il était
entouré de tant d'iiommages: "J'ai passé il Montréal des journées de paradis."
Maintenant que le Congrès est fini, nos très chers frères, il faut qu'il produise
dans les âmes, dans nos familles, dans nos paroisses, dans la société tout entière
les fruits heureux que nous en attendions.
Nou aurons tous pour Notre-Seigneur dans son auguste sacrement un amour
plus tendre. Nous le visiterons plus fréquemment dans les tabernacles où son
infinie charité le retient captif. Nous assisterons plus souvent et avec une fer-
veur plus grande au sacrifice de la messe, et surtout nous mettrons notre bon-
heur a le recevoir plusieurs fois chaque semaine, tous les jours, si nous le pou
vons, dans la sainte communion. Nous vivrons de Lui, avec Lui, en Lui. Notre
vie sera une vie chrétienne dans toute l'acception de ce grand mot, parce qu'elle
sera une vie eucharistique, et ce sera l'avant-goût de la vie éternelle qui est une
communion sans fin t\ l'essence de Dieu.
Un décret important du Saint-Père vient de fixer â l'âge de discrétion, c'est-
à-dire généralement à la septième année, la première communion des enfants.
Ce décret, promulgué en séance solennelle de notre Congrès, par l'Eminentissime
Cardinal-Légat, éloquemment commenté par lui. a été, vous le savez, accueilli avec
enthousiasme par le clergé et par les fidèles. Nous l'exécuterons sans retard. Il
nous apparaît comme un présent du ciel dans les tem])s difficiles que nous tra-
versons, et comme le gage le plus assuré de la régénération sociale. Pour cette
nouvelle lumière, pour cette faveur insigne, merci au Souverain-Pontife, merci
au nom de nos prêtres et de nos fidèles, merci surtout au nom de nos petits
enfants dont nous pourrons faire désormais de si bonne heure les ciboires vivants
de Jésus-Christ.
Divin Sauveur, comment notre ville et notre pays pourront-ils vous remercier
assez des bienfaits dont vous les avez comblés durant les beaux et grands jours
que nous venons de vivre! Plus que jamais, nous avons le droit de nous appli-
quer la parole de votre prophète: "Toutes les nations n'ont pa* été, traitées
comme la nôtre." Nous vous étions consacrés dès notre berceau; nous vous
appartenons maintenant â un nouveau titre: la cité de votre Mère sera en même
temps et tout spécialement la cité de votre Eucharistie. Ah! si cela était en
notre pouvoir, nous érigerions, â cet endroit désormais immortel de notre Mont-
Royal que votre présence et vos bénédictions ont consacré, un monimient splen
dide qui rappellera aux générations futures le triomphe incomparable dont votre
Eucharistie y a été l'objet. Au moins vivrez-vous â jamais dans tous les cœurs.
Pour vous préparer cette fête, nous n'avons épargné tous ensemble, vous le
savez, ni notre temps, ni notre argent, ni notre santé. Travailler pour vous,
Seigneur, était si juste et si bon ! Que l'on ne vienne pas aujourd'hui noua fé-
liciter de nos succès. Non, non, il ne faut parler i\\u' de votre gloire. Vous êtes
tout, ô Dieu, et nous ne sommes que des humbles instruments dont votre infinie
bonté a daigné se servir. Si vous êtes content, cela suffit, nos ambitions sont
comblées. Et si, poussant la charité plus loin encore, votis nous demandiez
comme autrefois au pieux docteur de votre Eucharistie quelle récompense nous
atteiulons, nous vous répondrions tout comme lui et du fond du cœur: "Pas
d'autre récompense que vous-même, Seigneur." Oui, vous seul, ici-bas possédé
. et goûté dans votre sacrement adorable, lâ-haut contemplé face A face, dans la
gloire pour toute l'éternité."
Dimanche prochain. (5 octol»re, on chantera un Te Urttm d'action «le irrAies, !\
l'issue de la messe principale, dans toutes les églises et chapelles du (iiucêse.
Pour répondre au pieux désir qui nous a été exprimé, nous autorisons tous les
dimanches, jusqu'à la fin de la présente année, l'exposition du Saint Sacreraenl
— 1092 —
♦ .Mlf. oue nous lavons permise depuis le mois de janvier, comme préparation au
ul.t;iT Nous ne saudons jamais trop dire notre reconnaissance au Dieu qui
nous a tant aimés et si généreusement bénis.
Lettre autographe de Sa Sainteté Pie X, à Mgr l'Archevêque de Mont-
réal :
Venerabili Fratri
Paulo, Archiepiscopo Marianopolitano,
Marianopolim.
Plus PP. X
Venerabilis Frater,
Salutem et apostolicam benedictionem.
•
Canadensium catholicorum Conventum ad cultum sacrosanctse
Eucharistiae provehendum haud ita pridem Marianopoli habitum tua
tuorunique providentia ita perfectum fuisse lœtamur ut tibi, Venerabilis
Frater, atque illis voluntate omni gratulemur. Mirandum sane fidei
pietatisque popularis spectaculum per eos dies licuit istic intueri : idem-
que eo christiano sensu, ea animorum concordia ac propensione editum,
ut magnum religioni publicœ theatrum mœnia prgebuisse visa sint urbis
maxima popularium atque advenarum crebritate negotiorunique mole
sestiiantis. Memoria vix excident unquam quœ tune tempons publica
ad Xos fama pertulit: peregrinorum, dicimus, frequentiam; supplican-
îium multitudinem instruçto agmine prodeuntem ; sacras sedes locaque
urbis celebriora divinis laudibus personantia; Purpuratos Patres, Sa-
crorum Antistites bene multos, innumeros Sacerdotes, viros denique ac
mulieres ad plura centena millia, ex omni fere terra accitos, insigni
pompa ac solemni ritu, Dominicum Corpus per vias perque fora, vene-
rabunda multitudine refertissima, transvehuntes célébrantes. Lœtabilia
ista quidem ac plena solatii ! Sed lœtabiliora etiam quum hœ prœclaras
externi cultus signifieationes fiant in oslensione spiritus ac virtutis, ita
sane ut a solidis interioris christianœ vitas incrementis et ab geternœ sa-
lutis fructibus minime sejungantur. Ilanc quippe laudem a catholicis
congressionibus déesse minime fas est ; addimus, primam esse oportere
ac potissimam, ut oris confessio fiât ad salutem. At vero ne huiusmodi
quidem ornamentum in Marianopolitano Conventu defuisse accepimus.
Innumeri quippe fuerunt qui Angelorum Pane refecti ac Christo coag-
mentati, eucbaristica frui vita, eo tempore, valuerunt, divinœ participes
ronsortesque naturœ. Et id etiam tuœ tribuendum navitati quod non
instanti solum tempori inservieris, sed ea etiam cura complexus fueris
quac alendœ fidelium pietati forent in posterum profutura. Hue enim,
eapienti consilio, pertinuerunt quœ delecti quique tum e clericis tum e
laicis viri, consilia habuere frequentia, Episcoporum ductu atque aus-^
picio: média Rcilicet excogitare ac staltili ratione providere quibus exci-
tata in Eucbaristicum Sacramentum studia neudquaquam fugacia la-
bantnr, sed mensura consistant. Optima haec sane, atque apprime digna
f|uœ in catbolicis cœtibus ab Epi.scopis prœcipua quadam cura excolan-
— 1093 —
tur. Hsec omnia quae iam pridein commentaria ad Nos ex longiuqua
detulerant America, quseque litteris primum, et postea, coram referens,
verbo tenus exornavit qui nomine et auctoritate Xostra conventui pne-
fuit, Venerabilis Frater Xoster Vincentius Vannutelli, Praenestinorum
Episcopus, libuit nuper ex litteris quas ad Xos dedisti iterum accepisse,
iterumque Isetasse. Spem bonam fovemus fore ut ex celebratis solem-
nibus Canadensis Ecelesia haud exiguum capiat incrementum. Hoc sane
votorum Xostrorum est maximum ; illudque divinae benignitati tuoeque
navitati vehementer commendamus. Tibi demum, Venerabilis Frater,
tuse diœcesis clero populoque, nec non iis omnibus qui Marianopolitano
Conventui interfuerunt, auspicom divinorum munerum Xostni^que tes-
tem benevolentiae, Apostolicam Benedictionem peramanter impertimus.
Datum Romae apud Sanctum Petrum die III Xovembris anno
MCMX, Pontificatus Nostri octavo.
(traduction)
A Notre Vénérable Frère
Paul, archevêque de Montréal,
îl ^Montréal,
PIE X, PAPE.
Vénérable Frère,
Salut et bénédiction apostolique.
Le Congrès que les Catholiques du Canada viennent de tenir A ^lontréal, afin
d'accroître le culte de la très sainte Eucharistie, a si parfaitement réussi, grflce
il vos soins et i\ ceux de vos fidèles, que dans Notre joie Nous vous en adressons
a vous, Vénérable Frère, ainsi qu'à eux. Nos plus cordiales félicitations.
Quel admirable spectacle de foi et de piété populaire vous avez donné au
monde durant ces jours! Et il s'est produit avec tant de sens chrétien, tant de
concorde et tant d'élan que votre cité, il la(|uellc sa nombreuse population, l'im-
mense affluence des étrangers et l'abondante multiplicité des affaires doimaient
une si grande animation, n'en a pas moins servi do grandiose théAtre A l'exercice
du culte public. Pourrat-on jamais oublier ces choses dont la renommée Nous
apportait chaque jour le récit ? Nous voulons dire: ce grand concours de pè-
lerins, ces multitudes de fidèles priant et défilant dans un ordre* parfait, ces
églises et les plus vastes salles de réunion de votre ville qui retentissaient des
louanges de Dieu, ces cardinau.x, ces nombreux évê(iues, cette interminable suite
de prêtres, ces centaines de mille hommes et de femmes venus de presque tous
les points de la terre qui, avec toute la pompe des cérémonies religieuses, firent,
au milieu d'un concert de louanges, un cortège triomphal au Corps du Seigneur,
il travers les rues et les places publiques toutes pleines d'une foule saisie de
respect.
Certes, de tels faits sont propres il réjotiir et il remplir de consolation: mais
quel plus digne sujet de joie encore, quand ces remarquables démonstrations du
culte extérieur sont inspirées par un puissant esprit de foi. de telle sorte qu'un
solide accroissement de vie chrétienne et des fruits de salut éternel en soient la
conséquence inséparable! Assurément tous les congrès eucharistiques doivent mé-
riter cette louange. Nous ajouterons que leur premier et principal effet doit
être que la confession de la hourhc tourne en fruits de salut.
Or. ainsi que nous l'avons appris, tel est bien l'heureux caractère qui a marqué
le Congrès de Montréal. Incalculable, en effet, fut le noml>re de ceux (|ui, sus-
— 1094 —
tentés du Pain des Anges et unis étroitement au Christ, ont pu jouir, pendant ce
temps, de la vie eucharistique et se rendre ainsi participants de la nature divine.
Et il faut reconjiaître encore que vos soins ne se sont pas bornés au présent,
mais que votre zèle s'est également occupé de tout ce qui serait propre à ali-
menter la piété des fidèles dans l'avenir. C'est pour atteindre cette tin que, par
un sage conseil, une élite d'ecclésiastiques et de laïques ont tenu, sous la prési-
dence et la haute direction des évêques, de fréquentes réunions, au cours des-
quelles ils se sont ingéniés à trouver les moyens et à découvrir les méthodes les
plus propres a exciter envers le sacrement de l'Eucharistie une ferveur non point
passagère mais durable. Préoccupations excellentes, assurément, et tout à fait
dignes de la particulière sollicitude des évêques, dans les assemblées de catho-
liques.
Toutes ces choses que Nous connaissions déjà par les rapports qui Nous en
étaient venus de la lointaine Amérique, que Nous ont confirmées hautement les
lettres d'abord, puis la relation oiale de celui qui présida le Congrès en Notre
Nom et par Notre Autorité. Notre Vénérable Frère, Vincent Vannutelli, évêque
de Palestrina, Nous avons été heureux de les apprendre tout récemment encore
par vos propres lettres et d'y trouver un nouveau sujet de joie.
Nous nourrissons le bon espoir que ces fêtes solennelles contribueront gran-
dement au progrès de l'Eglise du Canada. C'est là le plus ardent de nos souhaits.
Nous en recommandons instamment l'accomplissement à la bonté divine et aux
industries de votre zèle.
A Vous enfin. Vénérable Frère, au clergé et au peuple de votre diocèse, de même
qu'à tous ceux qui assistèrent au Congrès de Montréal, comme gage des faveurs
divines et en témoignage de Notre bienveillance. Nous accordons très afifectueu-
seinent la bénédiction apostolique.
Donné à lîome, près Saint-Pierre, le 3 novembre 1910, la huitième année de
Notre Pontificat.
PIE X, PAPE.
(teanslation)
Tu Our Veneraljle Brother,
l'.Mi-, Archbishop of Montréal,
Montréal.
Plus X, POPE.
Vénérable Brother,
Health and Apostolic Bénédiction.
Tlie Congress recently held in Montréal by the Catholics of Canada for the
promoting of the worship of the Most Blessed Sacrament bas been, through your
•■trorts and those of your llock, so crowned with success that in Our feelings of
joy \\e mu.st express to you, Vénérable Brother, and to your faithful Our heart-
lelt congratulations.
Wonderful. indeed, was that spectacle of a people's faith and piety that you
gave to the eyes of the world during those days. And with such Christian spirit,
HMch hannony and coneerted energy was it carried out that public worship found
a splendid Bett.ng even in the city which its own teeming population and a vast
roncouriie of visitors and the stress of business seemed to overtax.
I u."" "!"■••'>■.«''«" t'"'»fi l'aj.penings be forgotten of which world-wide reports
brought l.H t.dingH during tiiat time. We mean the immense gathering of pil-
gT.n.H the conntless multitude of the faitnful whose praverful ranks defiled in
.-rfect array; f1.c churches and most spacious halls of the citv resounding with
InHirrfr" "' \^^ K'^^ \\^''- «^'ar^Hnals, the truly great assemblv of bishops, the
endlew l,neH „f pneHt«; the n>en anrl women by hundreds of thousands comé to-
— 1095 —
gether from almost every quarter of the eartli, who with singular pomp and sol-
emnity and amid paeans ac acclamations, forniod a glorious escort far the Body
of Christ in Mis passage through the streets and public places overllowing with
dense throngs in reverential awe.
Gladdening indeed this is and deeply consoling; but more gladdening still
when those reniarkable démonstrations of external worsliip are donc in sheicinij
of the Spirit and power, so that a steadfast increase of sincerely Christian life
and the fruits of etcrnal salvation be their certain accompaniment. This is ne-
cessarily the praise that ail Catholic congresses should deserve; We add: their
first and greatest must be that confession of the mouth beget works of salvation.
Xow, such assuredly are, as We hâve learned, the gratifying features of Ihe
Congress held in Montréal. Past numbering were they who fed upon the Bread
of Angola and were intimately united to Christ to live during those days the
Eucharistie life and become partakers in and sharers of the divine nature.
An it is also to be ascribed to your solicitude that your concern was not con-
fined to tlie présent only, but that in your zeal you looked forward to the sus-
taining of the piety of the faithful in the future. To further this end it was
wisely decided to convoke the more eminent of the clergy and the laity in nu-
merous meetings under the presidency and direction of bishops, to devise means
and détermine enduring measures for the fostering of dévotion to the Sacra-
ment of the Eucharist that would produce not passing but lasting results. So
excellent and important a matter is most certainly worthy of the very particular
attention of bishops in every Catholic convention.
Ail this already reported to Us from far-ofF America, and which by letters
first and then later in personal audience We learned in détail from Our Vénér-
able Brother Vincent Vannutelli, Bishop of Palcstrina, who presided over the
Montréal ( ongress in Our name and by Our authority, is related again in récent
welcome letters from yourself, and renews the joys of Our Heart.
We cherîsh the firm hope tliat thèse solcmn festivities will contribute largely
to the advancement of the Church in Canada. This is Our most ardent wish.
and We confide it to the goodness of God and intrust it to your solicitude.
Lastly, to you, Vénérable Brother, to the clergy and the faithful of your dio-
cèse, as well as to ail who were présent at the Montréal Congress. in pledge of
the divine favour and in testimony of Our affection, We grant from Our heart
the Apostolic Bénédiction.
Given at Rome, at St. Peter's, the 3rd day of November, 1910, in the eighth
year of Our Pontificate.
Plus X, POPE.
TABLE DES .MATIÈRES
Pages
Avant-propos 7
Adhésions <)
Dignitaires ecclésiastiques présents au Congrès 16
Organisation GÉNÉRALE ET Comités 23
CHAPITRE pr. DEMONSTRATIONS RELIGIEUSES ET CIVILES.
Arrivée du Cardinal-Légat à. Montréal.
Adresse du Maire de Montréal au Cardinal-Légat 30
Réponse du Cardinal-Légat 31
Ouverture officielle du Congrès à la Cathédrale 34
Discours du Cardin al -Légat 30
Discours de Mgr Bruchési 41
Déjeuner offert au Cardinal-Légat par le gouvernement de la Province de
Québec 45
Discours du Cardinal-Légat Hl
Discours de Sir Lomer Gouin 47
Messe de minuit il Notre-Dame 4!)
Discours de ilgr Roy, évoque auxiliaire de Québec. . 50
blesse des Communautés religieuses:
Discours de Mgr Heylen 53
Discours de Mgr Bruchési 50
Discours du Cardinal-Légat 60
Messe en plein air Gl
Sermon of the Rt. Rev. Mgr O'Connell, Archbishop of Boston 62
Sermon du Rév. P. Hage, O . P 68
Célébration at St. Patrick's :
Sermon of the Rt. Rev. Mgr Glennon. Archbisliop of St. Louis 71
Clôture du Congrès ù la Cathédrale. ^^
Sermon of His Em. Cardinal Gibbons. . S'O
Sermon de Mgr Touchet, évoque d'Orléans >*7
La Procession ... ''5
— 1098 —
CHAPITRE IL LES SEANCES GENERALES DU SOIR.
Vendredi soir : — -a „ „
Pages
Discours de Mgr Heylen 101
Speech of His Em. Cardinal Logue 105
Communication du T. R. P. Bailh': Le décret " Quam sinyalari." . . .. 109
Discours de Sir Wilfrid Laurier 114
Speech of the Rt. Rev. Mgr Irelaïul, Arclibishop of St. Paul 118
Discours de Sir Lomer Gouin 122
Discours de Mgr Touchet, évêque d'Orléans 124
Samedi soir: —
Communication du R. P. Lémius: Fête et Mois du Sacré-Cœur.. .. 134
Discours de Mgr Rumeau, évêque d'Angers 135
Speech of Mr. C. J. Doherty 142
Discours de M. Tellier 146
Speech of the Rt. Rev. Mgr Bourne, Arclibishop of Westminster 150
Discours de l'Honorable M. Chapais 154
Discours de M. Henri Bourassa 161
Discours de M. Gerlier 167
CHAPITRE III. LA SECTION FRANÇAISE.
Séances générales d'étude.
Jje Canon primitif de la Messe. Doni Souben, 0. S. B 171
Aperc.u sur l'histoire de l'Eucharistie au Canada, M. L'abbé Gosselin.
Recteur de l'Université Laval, Québec 180
I>a dévotion au Très Saint-Sacrement dans le diocèse de Québec. Mgr
C. O. Gagnon , 191
De l'induence eucharistique sur l'apostolat des premiers missionnaires
au Canada. Mgr Emard, évêque de Valleyfield 203
Les Psaumes eucharistiques chez les ilicmacs. R. P. Pacifique, O.lNl.I. 216
l^B œuvres eucharistiques du diocèse de Chicoutimi. Mgr Lapointe. . 219
De la dévotion du peuple espngnol au Très Saint-Sacrement. M. le
Chanoine Munaz Reyna 228
Etat de la piété pucharisti(|ue au Manitoba. M. l'abbé Prud'homme. . 237
L'association de l'.Xdoration Perpétuelle et l'œuvre des églises pauvres
à Rome. Mgr Laurenti 241
l^H symboles eucharistiques d'après les monvunents de Carthage. R. P.
Delattre [ 244
Mouvement eucharistique dans le monde et au Canada. R. V. (ialtier.
8. S. 8 256
L'Eucharistie, centre du dogme. M. l'abbé Curotte 266
Marie et l'Eucharistie. R. I». Lépicier 267
IjS. mort apparente i-f la mort réelle en rapport avec railiniiiisf ration
de» SacremenlH. .M. le Dr Desroches 295
— 1099 —
Pages
La dévotion au Cœur eucharistique de Jésus. R. P. (hiilldl, t . SS. i;. :{uô
Les miracles eucharistiques de Lourdes. M. le Dr Boissarie 314
L'adoration du Très Saint-Sacrement dans les maisons d'éducation se-
condaire. M. l'abbé Papineau 321
La communion dans les collèges classiques de la Province de Québec.
M. l'abbé Halle :iH>
La confession, la communion et la liberté de c liscitme «1; n> li's jifii-
sionnats des Frères. M. l'abbé Brosseau ."ÎSS
La communion dans les pensionnats de jeunes tilles. M. le Clian. Roy. 344
La persévérance après la sortie de collège et la communion. M. l'abbé
Groul.x 351
La communion des enfants pendant les vacances. M. l'abbé Camirand. 358
L'éducation eucharistique des sourdes-muettes. M. l'abbé Deschamps.. 373
La formation des enfants de chœur. R. P. Badel. C. S. V 377
La dévotion envers la Sainte Eucharistie dans les maisons d'éducation
en France. R. P. Lambert 3S3
De l'éducation eucharistique des enfants dans la famille, à l'école, au
catéchisme. Mgr Baril ^^7
L'assistance à la Sainte Messe et la Communion. M. l'abbé Simard. . 400
La communion et le 1er vendredi du mois. R. P. Hudon. S.J 4J0
Etude pratique sur le décret de Pie X. M. l'abbé Jobin 42.')
Les iliHuences sociales de l'Eucliaristie. R. P. Rondot, UT 427
La dernière Cène. M. l'abbé Many, P . S . S 43S
La prière eucharistique pour le retour de nos frères séparés. Mjrr Znni
de Bulach 4.")S
Les confréries du Très Saint-Sacremenl. R. P. Rouleau, 0 V 4(i4
L'apostolat de la Prière et l'Eucharistie. R. P. Boubée, S..T 471
I^s Tiers-Ordres et la Communion. R. P. Ange-Marie. O. IVM 4^2
Les œuvres eucharistiques du Vénérable P. Evmard. R. 1*. l.etellier.
S. S. S : ' 4X7
Les œuvres de réparation eucharistique. ^I. l'abbé Bouquerel 40.)
L'œuvre de l'Adoration Nocturne il Montréal. M. L. A. Derome. . ."il<t
L'apostolat eucharistique. M. le comte d'Vanville ôU>
La Presse eucharistique. M. l'abbé Auclair _ ">27
La musique religieuse. R. P. Lefebvre, S.J '»33
Le chant collectif dans le culte eucharistique. R. P. Raymond. O.F.M -i'.W
L'architecture religieuse. R. P. Daly, C. SS. R •''«••
Les œuvres de Montmartre A Paris. R. l*. Léinius, 0..M I •'>•'> 1
SEANCE DES DAMES.
Vie eucharistique et vie mondaine. R. P. Hage. O.P. . •'•»•'»
L'apostolat eucharistique de la femme au foyer. Mme Héïque ô.îî*
Première communion. Sérieux et mondanité. M. l'abbé Lamarclic. . .">02
Allocution de Mme Faustin, déléguée de la Ligue patriotii|ue des Fran-
çaises 500
— 1100 —
Pages
L'œuvre de préservation de la jeune fille. Mgr Miiller-Simonis 671
Allocution de Mme Gérin-Lajoie o75
La communion dans la vie d'apostolat de la femme. M. l'abbé Dupuis. 578
La Ligue des Femmes Françaises. Mme de Kersabiec 584
Le rôle de la communion dans les œuvres et les associations de jeunes
filles et de femmes chrétiennes. R. P. Loiseau, S . J 585
Allocution de M. l'abbé Thellier de Poncheville. 590
SEANCES SACERDOTALES.
Discours de Mgr Archambault au Cardinal-Légat 596
Discours du Cardinal-Légat 597
Allocution de Mgr Bruchési 600
Discours de Mgr Archambault aux prêtres 601
La communion et ses divers degrés. R. P. Gonthier, S.J 603
L'apostolat pratique du prêtre. R. P. Foucher, C.S.V 620
Portée doctrinale et pratique du décret " Sacra Tridentina Synodus."
R. P. Galtier, S.S.S G30
La communion des malades. M. l'abbé Gariépy 641
L'éducation eucharistique du peuple. R. P. Marchai, C.SS.R 655
L'Eucharistie considérée comme remède social. ]M. le Chan. Cabanel . 658
Allocution de Mgr Touchet, évêque d'Orléans 666
La célébration de la Sainte Messe en voyage. R. P. Colomban, O.F. . 670
La Prédication eucharistique. R. P. Galtier, S. S. S 677
Les Triduums eucharistiques. R. P. Lintelo, S.J 684
L'œuvre des prêtres adorateurs et la Ligue sacerdotale de la commvi-
nion. R. P. Lault, S.S.S '. 698
L'heure d'adoration hebdomadaire faite par le prêtre avec .es fidèles.
^L le Chan. Campeau 707
L'archiconfrérie du Saint-Sacrement. M. le Chan. Lamérand 714
Allocution de Mgr Hejien 725
Allocution de M. l'abbé Thellier de Poncheville 726
Adoration solennelle, prêchée par Mgr Rumeau, évêque d'Angers.. .. 729
Le recrutement des vocations ecclésiastiques. M. l'abbé Lecoq 738
Les œuvres post-scolaires. M. l'abbé Perrier 738
Les congrès eucharistiques régionaux. M. le Chan. Lamérand 747
L'action sacerdotale et eucharistique dans la lutte contre l'alcoolisme.
M. le Chan. Sylvain 758
Orientation des œuvres paroi.ssiales vers le Saint-Sacrement. M. l'abbé
Morissette 764
L'œuvre des catéchismes. M. l'abbé Corbeil 771
L'apostolat eucharistique du prêtre auprès de la jeunesse. ^I. l'abbé
LainlK?rt 777
I>> «oin de« sacristies et des oVjjets du culte. M. l'abbé Rochon 783
Une œuvre d'adoration diurne ft domicile. R. P. Dagnaud 784
— 1101 —
Pages
SEANCE DES JEUNES GENS.
Allocution de Mgr Bruchési 786
Discours du Cardinal-Légat 787
Allocution de Mgr Langevin 789
Discours de M. Henri Bourassa 781
Discours de M. Gerlier 794
Allocution de Mgr Touchet 795
La communion fréquente pour les jeunes. M. Beaupré 796
L'activité religieuse de l'Université de Louvain. M. le baron de Xivry. 802
Les œuvres post-scolaires. M. le Dr Baril 805
Discours de M. A. Rivard 811
SEANCE DES HOMMES.
La classe dirigeante et la pratique de la communion. Mgr Mathieu. . .815
La Ligue et les œuvres d'hommes par l'Eucharistie. R. P. Bonconi-
pain, S. J 824
Tempérance et communion. R. P. Ladislas, O.F.^I .*^28
Discours de if. l'abbé Thellier de Poncbeville 830
L'Eucharistie, aliment de la vie surnaturelle. M. le juge Routhier.. 841
Discours du R. P. Lémius .S50
Allocution du Cardinal-Légat S.^d
Discours de Mgr Bruchési s.')7
La communion dans la classe ouvrière 859
Les retraites fermées. R. P. J. Dugas, S. J S6.'î
CHAPTER IV. ENGLISH SECTION.
GENERAL MEETINGS.
The lloly Eucharist and Modem Unbelief. Rt. Rev.. ;M<.'r McDonald.
bishop of Victoria, B. C S(i7
The Practice of Adoration of the îlost Blessed Sacrament. Rev.
J. J. McCoy ^74
The Development of Boys' and Men's Choirs. Rev. \V. Kinn. C.S.P. 881
How to facilitate Fréquent Communion. R(. Rev. Monsignor Lynch. 88S
Reasons for our belief in the Real Présence. Rev. A. Thompson . . 809
Assistance at the Sunday Mass. Rev. P. J. llartigan 90(»
The Holy Eucharist in Early Canada. Rev. T. Canipbcll. S. .7 913
Communion among the Working Classes. Rev. E. S. Fit/.gerald 923
Fréquent and Dailv Communion. Rt. Rev. ^Igr Howlov. St. .Tolm's.
Newfoundland . . ' ''.-Jd
Replies to some objections against the iCcal Prcsciicc. Ucv.- i.
Lambert '3.'»
Tlie Blessed Eucharist as a Convert Maker. Rc\ . A. 1'. Dovlf. C.S.P. 940
Real Présence or no Christianitv. J. K. Foran . . 944
— 1102 —
Pages
Retreats for I.aymen. Rev. S. J. Shealy, S.J 946
School Chiliiren aiid Daily Mass. Rev. H. tanning 954
The Eucharistie Propaganda. Rev. F. McCarthy, S.J 957
Participation of the faithful in Liturgical Singing. .Mr. Dudley
Ba.xtor 960
l'KIESTS" MEETINGS.
Speech of His Em. Cardinal Vannutelli 966
The Holy Hour : Manner of niaking it attractive. Rev. J. Coyle. . . 968
The L'pbuilding of a Parish by Fréquent Communion. Ut. Rev. Mon-
signor J. O'Brien 971
The Confraternity of Christian Doctrine and Catechisni Classes. Et.
Rev. Monsignor FF. n. Wall 985
Advantages of the Priests' Eucharistie League. Rev. E. Poirier, S.S.S. 991
Fostering vocations for the Priesthood. Rev. R. Neagle 999
Men's Societies and the Most Blessed Sacrament. Rev. M. J. O'Brien. 1003
Societies for young people leaving School. Rev. J. E. Quinn, S.J.. 1009
LADIES' MEETINGS.
The Eucharistie Life the antidote for Modem Life. Rev. B.
Vaughan, S.J 1016
Fréquent Communion and young girls in large cities. Rev. J. L.
Hand __ 1022
Altar Societies. Miss A. T. Sadlier 1026
The Tribute of a great century to the Eucharist. Mr. J. J. Walsh. . . 1033
Our Lady of the Blessed Sacrament. Rev. H. R. Buckler 1042
First Communion. Rev. Mother Loyola 1046
The Eucharist and the dévotion to the Sacred Heart. Rev. L. Drum-
m""'l. S.J 1052
Inlluence of Religions ITomc Training. Dr. T. O'Hagan 1056
KAPITEL V.
Die Deut-sche Sektion IO63
APPENDICE jQ^y
CATALOGUE
DES
Publications Canadiennes
FT
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Ll
■ "rr#i°J."tS J;
LL 1
^■l'ninM
i^kl
79f nie St-Jacques, Montréal.
Beaubien (l'abbé Chs-P.) — Le Sault-au-RécoUet, ses rapports avec
les premiers temps de la colonie. — Mission — Paroisse. Montréal,
1898. 1 vol., in-8 $1.00
Il est peu de paroisses canadiennes dont l'histoire primitive remonte aussi
loin et se rattache aussi étroitement à la touchante origine de la domination
française. Le nom de Ahuntsic, ce type de néophyte qui symbolise toute une
époque de dévouement et de courage, est immortel dans les annales du Canada.
Il a rendu fameux le Sault-au-Récollet. dont M. le curé Beaubien a écrit l'his-
toire avec un luxe d'informations, qui lui donne un grand prix et en font
un des documents les plus précieux pour l'histoire de l'Ile de Montréal.
Benoît (Dom). — Vie de Mgr Taché, archevêque de Saint-Boniface
2 vol. in-8 illustrés, formant 1,500 pages $3.00
Ceux qui. en Mgr Taché, ont aimé et admiré l'homme public, comme ceux
qui ont partagé ses labeurs et ses idées dans son œuvre de civilisation, aime-
ront a lire le bel ouvrage de Dom Benoît, qui met si bien en lumière la per-
sonnalité et l'œuvre du grand Canadien de l'Ouest. A la fidélité du tableau,
à l'exactitude du dessin, l'auteur a su joindre la couleur et la vie. Son style
est simple et sTbre. conforme à la gravité du module qu'il avait à peindre,
animé cependant par une juste admiration des grands traits de cette noble
figure. Sacrifiant résolument la panégyrique à l'histoire, se refusant le droit
de dépasser la vérité comme celui de la taire, il a su rendre hommage aux
qualités éminentes de son héros, sans se laisser entraîner ni à la flatterie, ni
à une polémique inutile contre ceux qui n'ont pas partagé ses vues. Cet ou-
vrage apportera une inappréciable contribution à l'historien qui voudra raconter
les œuvres et les luttes de la population catholique de l'Ouest Canadien du-
rant sa période de formation.
Bonin (A.). — Le Manuel-formulaire pratique. .Aide-Mémoire îl l'usaj^
des ingéniours, mécaniciens, électriciens, industriels, etc. — Divi-
sions de l'ouvrage : Tablo« numériques. — ^Mécanique. — Organes
des machines. — Hydraulique. — Machines ft vapeur. — Electri-
cité. — Ventilation et chauffage. — Machines-outils. — Recuit,
trempe, alliage, soudure. — Calculs usuels — Questionnaire ft
l'usage des mécaniciens. — Premiers soins iV donner en ca.s d'acci-
dents. — Vocabulaire anglais-français. 1 beau volume de .37S
pages, avec nombreu.ses figures. Reliure toile.. .. .. $2 00
Boucherville (Geo. de). — Une de perdue, deux de trouvées. Kn deu.T
volumes d'environ 3fi.5 pages chacun. Les deux volumes. $1 00
Aussi palpitant d'intérrt que dans les premiers temps d<> sa publication,
" Une de perdue, deux de trouvées " est un roman qui fait encore len <l*-
Ilces des amateurs de bonne littérature.
LITTÉRATURE CANADlIiN>; JS
L'auteur n'a pas ménagé l'action et la vie dans tous ses personnages, dont
plusieurs sont canadiens, d'autres anglais, louisianais ou cubains.
L'action se passe à la Nouvelle-Orléans, vers l'an 1836. Le sieur Alphonse
Meunier, riche négociant de cet endroit, meurt sans enfant, ni parents, léguant'
une partie de sa fortune au capitaine Pierre de St-Luc. Capitaine du voilier
le " Zéphyr ", M. de St-Luc n'avait jamais connu son père ni sa mère. Il était
né dans une seigneurie de St-Ours, au Canada, et fut amené à la Nouvelle-
Orléans a l'âge de six ans, par Alphonse Meunier ; Pierre ne connaissait de
son pays natal que le nom et quoiqu'il eût plus d'une fois questionné le père
Meunier sur sa famille et sa patrie, celui-ci avait toujours évité de lui répondre
directement. Tout ce qu'il en avait pu savoir, c'est qu'un jour, il lui fourni-
rait les moyens de découvrir ses parents, que, pour le moment, de puissantes
raisons le forçaient de tenir ignorés.
Le capitaine Pierre de St-Luc. héritier de la plus brillante fortune de la
Nouvelle-Orléans, robuste marin de 27 ans. fut un objet d'envie pour quelques
traîtres qui employèrent toutes sortes de moyens pour le priver de la succes-
sion Meunier.
" Une de perdue, deux de trouvées " est semé d'actes dramatiques, de traits
d'amour et d'héroïsme qui en font une œuvre intéressante.
Casgrain (l'abbé H. R.). — Œuvres complètes, en quatre volumes :
TOME I. Légendes canadiennes et variétés. Montréal, 1 vol. in-8 de
580 pages $1 . 50
Comme son titre l'indique, cet ouvrage contient des légendes, des poésies,
des récits de voyages, des études littéraires, historiques et scientifiques. C'est
le recueil soigné des pages de jeunesse de l'auteur. Ces pages sont remplies
de verve et de descriptions saisissantes, et aucun Canadien-Français ne de-
vrait les ignorer.
TOME II. Biographies canadiennes. Montréal. 1 vol. in-8 de 542 p. $1.50
Neuf biographies d'un intérêt extraordinaire pour tous, car dans ce volume
l'auteur fait revivre — c'est bien le mot — Falardeau. le peintre distingué ;
Aubry, le professeur de droit ; Garneau, l'historien national : Faribault. le
bibliophile canadien ; la noble famille de Sales Laterriêre ; de Gaspé, l'im-
mortel peintre des mœurs d'autrefois ; Parkman, l'éminent historien amé-
ricain ; Crémazie, notre premier grand poète, et Gérin-Lajoie, le publiciste et
surtout le romancier populaire. Sous le pinceau habile du brillant écrivain,
chacune de ces grandes figures acquiert un éclat et un attrait qui fascinent.
Aussi, plusieurs critiques sont-ils d'opinion que ces biographies sont des mo-
dèles du genre.
TOME III. Histoire de la vénérable mère Marie de l'Incarnation, pre-
mière supérieure des Ursulines de la Nouvelle-France, précédée
d'une esquisse sur l'histoire religieuse des premiers temps de cette
colonie. Montréal. 1 vol. in-8 de 594 pages $1.50
Superbe éloge d'une héroïque femme qui a été surnommée la Thérèse de la
Nouvfllf-France, voilà le jugement qu'on a porté sur cet ouvrage, l'un des plus
rf-marquables qui aient été écrits au Canada. Le style en est châtié, l'intérêt
bien soutenu, et il renferme, dans l'ensemble, une teinte de poésie mystique
qui a beaucoup de charme. Lors de son apparition, cette histoire valut à son
auteur une médaille du Saint-Père, et plus tard il fut traduit en allemand.
Rares sont les œuvres de nos littérateurs qui ont obtenu de si beaux honv
magru.
Casgrain (H.-R.): —
TOMK IV. Histoire de l'Hôtel-Dieu de Québec. Montréal. 1 vol. in-8
de 592 pages $1.50
C<» livre rut lo pendant du précédent puisqu'on y trouve le récit de la vie
't «!' > Mère Catherine de Saint-Augustin, la gloire la plus pure
*''"" ' de la vieille capitale. L'ouvrage est cependant d'une con-
; il touche à plus d'événements concurrents, et il embrasse
;coup phiB étendue, car l'auteur nous tient au courant de
' ipant l'histoire de l'Institution qui fait l'objet de
I de l'écrivain est parfaite ; quant à son style,
'" "•■'■ '■-..■■.i.ii <i<; la premlèro! à la dernière page. C'est un vo-
lume pré'".<-:x, aux point» de vue religieux, historique et littéraire.
LIBRAIRIE BEAUCHEMIN Limitée, 79, rue St-Jacques, MontréaL
Chauveau (P. J. 0.)- — Charles Guérin, roman de nupurs canadiennes
illustré par J.-B. Lagaeé, 1 vol. in-8 de plus de 1,000 pages $1.00
■ — Le même ouvrage, pleine reliure toile $1 .50
François-Xavier Gameau, sa vie et ses œuvres. Montréal, 1883.
1 vol. in-8 avec portrait. v ; . ..
DaDs ces pages vibrantes, M. Chauveau nous raconte en détail la vie de
l'historien Gameau, vie entièrement consacrée à l'édification de ce superbe
monument, l'Histoire du Canada, qui est devenu l'orgueil de tous les Cana-
diens-Français.
Chauveau, fils (Pierre). — Frédéric Ozanam, sa vie et ses œuvres.
Montréal, 1887. 1 vol. in-8, XX-603 pages $1(0
Frédéric Ozanam, le grand chrétien était lié de relations très intimes avec
le père de l'auteur, ancien ministre de l'instruction publique de la province de
Québec, et c'est une œuvre de piété filiale qui a été accomplie par M. Pierre
Chauveau en racontant cette vie exemplaire. L'ouvrage est rempli de rensei-
gnements intéressants. C'est une excellente biographie.
Clapin (Sylva). — Dictionnaire canadien-français. 1 vol. XL. — 388
pages, 9x6 pouces $1 50
Dans la préface de ce dictionnaire, véritable travail de bénédictin. M.
Sylva Clapin proteste avec verve contre la rage destructive de certains puris-
tes, qui, s'ils étaient écoutés, enlèveraient à notre langue quantité de mots et
d'expressions qui lui donnent une originalité et un cachet tout particuliers.
Notre langue, à proprement parler canadienne-française, provient, d'après M.
Clapin, soit du " vieux français ", des formes particulières à celles des pro-
vinces de France qui ont autrefois fourni les plus forts contingents de colons
pour le Canada ; de mots absolument français, auxquels nous donnons une ac-
ception différente ; de mots créés de toutes pièces au Canada ; de termes an-
glais ou sauvages, écrits et prononcés tels que dans les langues originelles :
enfin, de termes anglais ou sauvages, plus ou moins francisés. C'est à consul-
ter ce dictionnaire que nous constaterons que nous avons nos richesses lin-
guistiques, et il importe à tous de les connaître. — CAM.
Histoire des Etats-Unis, depuis les premiers établissements jus-
qvf:\ nos jours. Un beau volume cartonné, de plus de 200 pages,
avec questionnaire, résumés et tableaux analytiques, et orné de
nombreuses gravures, dont un portrait hors texte de Washington.
7i X 5, 218 pages $0.40
L'extrême intérêt manifesté depuis quelques années au Canada, pour tout
ce qui touche à. la République voisine, nous a décidé à entreprendre la publi-
cation d'une Histoire des Etats-Unis pour l'usage des élèves de nos principaux
établissements d'éducation. L'auteur de celte histoire est M. Sylva Clapin.
qu'un long séiour aux Etats-Unis, où il s'est consacré au journali'^me. rendrlt
tout particulièrement apte à c genre de travail et nous avons le ferme «spoir
que le public enseignant lui fera Uon accueil.
Conan (Laure). — Elisabeth Seton. Biographie (1774-1821). 1 vol.
() X '.) p , 125 i)p., orné d'un portrait .*0.50
Conan (Laure). — L'Oublié. Préface de Af. l'abbé Bourassa. Illus-
trations de M. Antigna. l'n beau volume, rouvcrtiirc i!!ii'itré<».
7% X 5, 238 pages. . ; -^0.75
L'auteur de ce roman historique est une Canadienne, Mlle Félicité Angers.
de la Malbale. , . , _^^
Appréciant V " Oublié " dans 1" " Univers " de Paris, M. Joseph Lavcrgne
" Mlle Laure Conan ne possède pas seulement le style des bons écrivain"
d'autrefois, elle a aussi le don d'émotion rommMnl< itlvc Elle raconte en peu
de mots, et ces mots rendent a l'esprit l'Imago \lv:\r't. de la réalité."
l.ITTERATUKE CANADIENNE
Conaa (.Laurel Une Immortelle 0.15
L"Imniortelle. c'est ici la vénérable Marguerite Bourgeoys, fondatrice de la
Congrégation de N'otreDame. et dont l'issue du procès de béatification n'est
plus maintenant douteuse. En attendant que le Canada ait bientôt la joie
d'élever des autels à cette insigne bienfaitrice de la patrie, Laure Conan a
voulu nous redire en quelques lignes émues ce que fut cette noble femme. Ce
qui fait surtout le charme de ce récit, et lui donnera un grand prix auprès de
tous ceux que passionnent les études historiques, c'est, à part l'art tout per-
sonnel de l'auteur, le soin prit à rendre cette biographie encore plus atta-
chante en l'agrémentant de détails inédits et tout particulièrement intéressants.
Jeanne LeBer '^' ^5
Crémazie (Octave). — Œuvres complètes. In-8, 9x6. 543 pages. $1.50
Crémazie est le grand poète du Canada. Il aimait la France avec idolâ-
trie, et ce fut le patriotisme qui le sacra poète. Ses vers sont animés des
plus beaux sentiments, avec une inspiration essentiellement française.
Dandurand (Madame). — Nos Travers. 1 vol., 232 pages. Format
lYî s. 5 pouces $0 . 30
Se faire dire ses défauts n'est pas agréable, mais cela peut être bien utile
si Ton a la sagesse de ne pas se fâcher quand on nous les indique.
Ce volume est tout rempli de petits tableaux cruels — pour l'un et l'autre
sexe — mais malheureusement bien vrais. Ayons cependant le courage de le
lire et de le lire jusqu'au bout. Nous nous y verrons parfois sous des traits
peu flatteurs, mais sincères, et la leçon nous sera suffisamment dure, pour
nous être profitable. Et si ce n'est pas pour nous y connaître que nous le
lisons, lisons-le pour reconnaître nos amis. — CAM.
David IL. 0.). — Mes Contemporains. 1 vol., 8 x 5, 288 pages. $1.00
Les deux Papineau. 1 vol.. S à 5, 120 pages 0.50
Les Patriotes de 1837-38. 1 vol.. 0.50
L'Union des deux Canadas. 1 vol., 9 x 6, XI-332 pages. 1.50
Histoire du Canada depuis la Confédération. 1867 à 1887. 1
vol., relié 2.50
DeCelles (A.-D.). — Lafontaine et son temps, et Cartier et son temps.
1 vol. illustré, 10 X 6è pouces, 208-195 pages.. ........ $2.00
Deux grandes et nobles figures de notre histoire sont étudiées dans ce
volume, œuvre de patiente et consciencieuse érudition. Leur vie est si inti-
mement liée à notre vie nationale, aux heures les plus angoissantes quelle
ait connues, et leur œuvre a été si merveilleusement féconde en résultats
utiles a la race canadienne-française et au développement de notre beau pays
qu I est de notre devoir de la connaître. Nous devons à ces hommes, qui ont
été les Inlas.sables et énergiques défenseurs de nos droits et de la vérité l'una-
nime témoignage de notre reconnaissance. Etudions-les, apprenons les luttes
cruf-Iifs qu'ils ont soutenues et les magnifiques victoires qu'ils ont remportées.
L* livre de M. DeCelles, écrit en une langue sobre et claire, est une contribu-
tion précieuse à l'histoire politique de notre pays, histoire que nous ne con-
DaiBHODs malheureusement pas assez.
DeCelles (A.-D.). — Papineau, (1786-1881). 1 vol illustré, in-8. $1.75
p-rf^'Lî^^ »"^ ."""k V^;>l>r^ à faire vibrer les cœurs de tous les Canadiens-
Krançals. à faire bondir notre patriotisme, c'est bien celui de Papineau, qui
«ymbollse toute une carrière de talent et d'éloquence, de dévouement et de sa-
crlBceH.
i,*^!.i?^'''i l^"",'!''*-"'' '" P'"« puissant portrait intellectuel et politique qui
f„L.^-^ . "î . '"''^•':^"^*'■"'"°■ ï-'auleur nous y montre, dégagée de l'en-
tourage deH Incidents hlstorlqucK qui eussent pu en ob.scurcir les fortes teintes
l« ngupe vrrilmont héroïque de cet indomptable meneur d'hommes. De ses
*. " . / ""■"■ " '^^''"'^ '^"'^ appréciations politiques de haute logique
PI BU««I d . iite Hlnf.^rité.
LIBRAIRIE BEAUCHEMIN Limitée, 79, rue St-Jacques, Montréal.
Delahaye (Victor). — Dictionnaire de la Prononciation Moderne de la
Langue Française. 1 volume cartonné, 6-708 pages, 6i^ x 4i^
pouces $0 . 50
Que de fois l'on se trouve embarrassé au sujet de la prononciation d'un
mot quelconque, sans savoir où se renseigner. Le présent dictionnaire de M.
Victor Delahaye comble donc une lacune importante et nul doute qu'il sera
hautement apprécié par quiconque a le souci du parler français. Il renferme
tous les mots de la langue, avec leur prononciation figurée. Il est d'un format
commode et portatif. C'est un livre indispensable.
Desrosiers et Fonraet < Les abbés i. — La Race française en Âmériqne.
Tréface de M. l'abbô Terrier. Ouvrage vvnv de 34 dessins de
Henri Julien, 1 vol. 8J x5i, 295 pages $0.50
Une leçon d'histoire de France est une leçon d'espérance, disait quelque Jour
Ernest Le^ouvé Messieurs le>i abbés D.-srnsiers et Fournct ont repris au compte
du Canada fr<»nçais ou plutôt do la Race française en .\tnériqu<', le mot de
l'illustre acadéniieien; ils ont voulu il la fois nous instruire et nous stimuler;
iNont donné à leurs compatriotes une leçon de laits qui est une l-^çon d'énergie.
-Abbé Camillk Roy
Doucet (Louis-Joseph). — Contes du Vieux Temps. Çil et la. 1 vol.
61/4 -x 91/4 p-, 144 pp. (1911) $0.75
Douville (Mgr J. A. Ir.). — Histoire du Collège-Séminaire de Nicolet.
2 volumes.. ■• •• $3.00
En 1903, Mgr J.-A.-Ir. Douville, P. R., alors supérieur du Séminaire de
Nicolet, livrait au public les deux volumes qui renferment l'histoire des cent
ans de vie de cette institution. L'ouvrage a reçu de tous les élèves de Nicolet.
et du public canadien l'accueil qu'il méritait.
Grâce à cette lucidité et à cette sobriété que donne à l'esprit un contact pro-
longé avec les sciences, l'auteur a réussi à donner à la littérature canadienne
un livre intéressant pour la forme correcte et châtiée du récit, autant que par
la quantité et la valeur des renseignements fournis. Les documents cités sont
du plus haut intérêt, et ils ont l'avantage de ne pas surcharger le récit, dis-
posés comme ils le sont, en appendice, à la fin des chapitres.
Dugas (l'abbé G.). — Le Mouvement des Métis, des faits qui ont
préparé le Mouvement des Métis, a la Rivière-Rouge, en lSf)9. 1
vol., 228 pages, 8x0 pouces $0 . 50
Rien de plus émouvant que le récit par un témoin oculaire. M. rabl)é
G. Dugas, des troubles dont fut le théâtre le territoire de la Rivière Rouge, en
1869. S'appuyant sur des documents d'une indiscutable authenticité. M. Dugas
établit que le rôle joué par Rlel et les Métis français de ce territoire, fut un
rôle absolument honorable et qui eut pour résultat de faire reconnaître par la
constitution les droits des minorités. A peine âgé de 21 ans. Rlel se révéla
profond politique, tacticien habile et patriote ardent. Il ne fut pas la dur"-
des politiciens haineux qui, â cette époque, voulaient l'anéantissement de l'é-
lément français au Nord-Ouest. Il sut lutter vaillamment et faire respecter
ses droits. — CAM.
Dugas (l'abbé G.). — Un Voyageur des Pays d'en Haut. 1 vol., in-S,
142 pages $0.50
Les légendes* du Nord-Ouest, les aventures de voyageurs, les Incidents in-
nombrables de la vie de l'Ouest ont toujours une saveur Incomparable. L'abbé
Dugas, qui a vécu longtemps parmi ces populations et dans ces parages, qui a
été le témoin de bien des événements et le confident de bien des histoires, n
composé de ses souvenirs ou de ses études plusieurs ouvrages pleins de vie et
bourrés de faits. La sincérité des descriptions et des narrations en est très
visible et en fait le grand prix. Ces livres sont très populaires parmi la Jeu-
nesse que hante toujours l'irrésistible attraction du Far West.
Histoire de l'Ouest Canadien de 1822 à 1869. Fpoqtio de« trou-
bles. I vol. 7 X lOi.j p., 154 pp *0 50
LITTERATUKE CANADIENNE
Fléchette (Louis.)- — Œuvres poétiques:
La Légende d'un peuple. Poésies Canadiennes. Avec une pré-
face de Jules Claretie. 1 vol. in-8, illustré par Henri Julioii. $1.50
Feuilles volantes et Oiseaux de neige. Poésies. 1 vol. in-S. $3.75
Epaves poétiques, poésies, Véronica, pièce en vers. 1 vol.
in-8 $3.75
Fréchette i Louis). — La Noël au Canada. 10 Contes et Récits. 23
illiKstrations par Frédéric Simpson v chinn. 1 vol. 5^4 x 8 p., re-
liure toile riche avec ornements dorés, tête dorée, 288 pp. . $2.00
Originaux et Détraqués. 1 beau vol. 7^2 x 5, 362 pages. $0.50
Fréchette, c'est la trompette sonore, qui a proclamé au vieux monde l'exis-
tence d'une France littéraire et poétique sur les bords du Saint-Laurent. Le
jour où l'Académie française couronna ses Fleurs boréales, un chaînon était
•soudé de nouveau dans le lien sentimental qui nous unit à la vieille mère-pa-
trie. L'inspiration patriotique qui souffle comme un fougueux aquilon dans
les beaux vers du Lauréat fait gonfler les poitrines de notre jeunesse frémis-
sante. Fréchette, c'est le barde de la jeune nation canadienne. Il nous a
donné une âme et des chants. Son beau talent se mûrit avec l'âge ; la gra-
dation est charmante à voir, elle est empoignante à constater. La série de ses
dation est charmante à voir.
Gagnon (Ernest). — Chansons populaires du Canada, avec annota-
tions. 1 vol. in-S, XVII-350 pages $1.00
Cp livre est une œuvre vraiment nationale. Toutes les vieilles chansons
de France que le Canada a adoptées et souvent transformées sont indiquées
avec les variantes et aussi avec le texte original français. Les airs sont notés,
et des observations concises précèdent chaque chanson et expliquent la trans-
formation subie. C'est un des documents les plus curieux que l'on puisse se
procurer sur l'évolution du Canada français.
Le Fort et le Château Saint-Louis, étude archéologique et his-
torique. 1 vol. in-S ........ $1.00
!>> fort Saint-Louis, de Québec, construit, puis successivement reconstruit,
restauré et agrandi par Champlain, Montmagny, Frontenac et Craig, a été le
centre de l'autorité royale, française et anglaise, pendant plus de deux siècles.
C'est donc l'histoire des origines du Canada au'a écrite l'auteur de cette at-
trayante monographie. Gouverneurs et gouvernants, hommes d'armes mis-
sionnaires et fondatrices d'établissements religieux défilent en portraits vivants,
et l'on entend comme l'écho de batailles lointaines.... Cet ouvrage marque
dignement le troisième centenaire de la fondation de Québec.
Gameau (Alfred). — Poésies. 1 vol., 7x5 pces, 220 pages, avec por-
trait do l'auteur $1.00
Jamais un livre ne fut accueilli avec autant d'éloges — et d'éloges plus mé-
rités— que les Poésies d'Alfred Garneau. publiées par son fils, Hector Gar-
neau. Il s'y révêle doué d'une nature très poétique, fervent et puissant admi-
rateur des lettres françaises ; d'un caractère fier, ennemi de la réclame
bruyante. Il n'avait pas voulu publier ses poésies, et sans l'initiative hexi-
reu'f de son fils, notre littérature aurait été privée d'une œuvre qui lui fait
hornneur. C'est un livre que l'on aimera à lire et à relire parce qu'il s'en
dégage une philosophie sereine et apaisante. — CAM.
Gaipé (Philippe-Aubert de). — Les Anciens Canadiens. OVl x 614.
271 pages.. $1 00
Dp tou» les auteurs canadiens. M. PhIlippe-Aubert de Gaspé est, sans con-
"""'" "' ' ■■'■'"■ a transmis les détails les plus complets et les plus au-
les mfeurs ft les co\itumes de nos pères après les jours
r, -, r A,...,i,.t,,rre Conteur infatigable, doué d'un rare
et des événements, il nous a transmis, suf
. 1 "•, des renseignements oui éclairent dun iour
de nos pères pour le maintien de l'idée et de la vie fran-
r6c\tH. faits sur un ton facile et gai, sont de vrais documents
lil..t,jrlf|ucs (ju 11 n'est pas permis à un bon Canadien d'ignorer.
LIBRAIRIE BEAUCHEMIN Limitée, 79, nxe St-Jacques, MontréaL
Guay (Mgr Charles). — Lettres sur l'île d'Anticosti a l'honorable
Marc-Aurèle Plamondon, juge de la Cour Supérieure, en retraite,
a Arthabaskaville. 1 volume in-8, orné de nombreuses gravures.
7 X 101^. 320 pages $100
Voulez-vous un livre qui vous apporte la lumière sur lîle mystérieuse ?
Achetez celui-ci. C'est une étude intéressante, historique à la fois et scienti-
fique: l'auteur y déroule sous nos yeux le passé et le présent de l'Ile, sa géo-
graphie, sa formation géologique, sa flore et sa faune, sa colonisation enfin et
les remarquables travaux d'exploitation déjà accomplis par son propriétaire
le richissime M. Ménier. De magnifiques et nombreuses illustrations dont
l'auteur a su enrichir ces pages, nous y font vivre le présent Anticosti '; pay-
sages, hommes et choses sont comme en relief.
Huston (J.). — Le Répertoire national ou recueil de littérature
canadienne, 2e édition, précédée d'une introduction par M. le juge
Routhier, et illustrée de 50 portraits. 4 vol., 9x6, 1530 pages,
broché $8.00
Le même ouvrage, relié demi-chagrin $10.00
On trouve dans ce recueil des pièces en prose et en vers des pionniers de
notre littérature : F. R. Angers. — N. Aubin — .T. G. Barthe, — Michel
Bibaud, — Isidore Bédard, - — Georges de Boucherville, — Georges - Etienne
Cartier, — Joseph Cauchon — P. J. O. Chauveau, — Ch. Daoust, —7 F. M.
Derome, — Joseph Doutre, — Garneau. — P. A. de Gaspé, — Gérin-Lajoie —
P. Lacombe, — J. J. Lartigue — Eug. L'Ecuyer. — Joseph Lenoir, — T. J.
J. Loranger. — Chevalier de Lorimier. — J. B. Meilleur, — Ch. Mondelet. —
A. N. Morin, — Etienne Parent — P. Petitclair, — L. Plamondon, — J. S.
Raymond, — E. P. Taché, — U. J. Tessier, — J. E. Turcotte, — D. B.
Viger — Jacques Viger, etc.
Jette (Madame). — Vie de la Vénérable Mère d'Youville, fondatrice
des Sœurs de la Charité de Montréal, suivie d'un historique de son
Institut. Montréal, 1900, 1 vol. in-8, avec portrait et quelques
illustrations, X-IV-445 pages. . . . . $1 .00
La Mère d'Youville fut la fondatrice, à Montréal, des Sœurs de la Charité,
ordre immense qui s'est étendu sur toute l'Amérique, et dont les services sont
incalculables. Destinée au monde, aprè.s un mariage malheureux précédé d'un
désappointement de cœur, Marie de la Jammerais se consacra aux pauvres tt
aux malades, et institua cette magnifique maison sainte qui envoie des sœurs
jusque dans les solitudes glacées du bassin de l'Athabaska-Mackenzie.
Larousse (P.). — Dictionnaire Larousse complet. Dictionnaire de la
langue française, 5,000 articles concernant le Canada, 35 tableaux
encyclopédiques, 2,000 gravures, Gj^ x 4V2, 1,200 pages. • $0.75
Le dictionnaire complet de Larousse réalise jusqu'ici le type le plus par-
fait du Dictionnaire-Manuel.
L'illustration est des plus complètes et des plus soignées. Outre les vi-
gnettes répandues à profusion dans le texte, 25 tableaux synthétiques, très
étudiés, groupent méthodiquement les mots et les choses, dispersés à l'ordre
alphabétique.
La partie historique et géographique, corrigée avec grand soin, et aug-
mentée de .■'.00 noms, contient 2G0 jolis portraits — partie neuve — 25 cartes
géographiques, cartes particulières pour le Canada gravées spécialement pour
l'ouvrage et coloriées ; une large part est faite aux hommes et aux choses du
Canada. Tous les articles d'histoire et de géographie sont mis à. jour, et les
populations sont données d'après les derniers recensements officiels de chaque
pays.
Lanrier'Sir Wilfridi. Discours, précédés d'une notice hiographiqiic.
1 volume grand in-S de plus de 500 pages, imprimé sur beau papit-r.
et orné d'un portrait en simili-gravure J.'i.Od
Cet ouvrage fait suit»- iV ' LAUKiKit a i,a Tkiiiitnk.", rer-ui-ll il'- dlsocdirH com-
pilés par M. U. Burthf, publir- en IsO». et contlfnt tous les ill.^oourc li-s plus
importants prononcés par le grand homme d'Etat di-puls qu'il usl & la tète du
gouvcnii-ini-nt A Ottawa.
Citons entre .-uitres: Kiscours eu AnKleterre, m Franco ot aux EfaïK-rnl»;
Eloe;i'S lie la rein- Victoria «-t de Ola Isione; hlsi-oiiis jinr la L'U'-rro ilii Trun»-
vaal, le (;ratiil Tronc Paciiicine, la création îles province.-, il" \ iii rr.i ei île
Saskatchewan, la défense Impériale, etc, etc.
LITTERATURE CANADIENNE
Laverdière et Casgrain (les abbés). — Le Journal des Jésuites. Pu-
blié d'après !e manuscrit original conservé aux archives du Sémi-
naire de Québec. Deuxième édition (1893), conforme à la première
(1871). 1 vol. in-4 $2. 00
Cet ouvrage comprend les calendriers des années 1645 à 1668, et 403 pages
de journal dont les détails se rapportent aux menus faits de la colonie. C'est
l'histoire ordinaire, et par le menu, de la naissance d'un peuple.
Le Canada Ecclésiastique. — Almanach-annuaire du Clergé Canadien,
loiulf en 1SS7. fl iliiiui' dej>uis cette époque, par M. L.-J.-A. De-
rome. rirn' année). 1 vol. 5V. x 8\i p., 644 pages, orné de nom-
breuses illustrations; relié toile rouge .$1.50
Voici ce qu'écrivait S. G. Mgr rArchevêquf de Québec au sujet de l'Edition
de 1911. qui marque la 2,Te année du CaiKuhi Et- lesiastUjuc : 'Votre Canada
Ecclésiastique est de plus en plus complet, exact, bien fait à tous égards.
Mgr Battandier. qui publie '" l'.Aniiuaire Ect lésiastique," à Rome, me disait.
l'année dernière, que votre Canada Eccléniastlque est la plus belle publication
de ce genre qui existe au monde." Et Notre Très S. P. le Pape Pie X a dai-
gBé lui adresser ses encouragements et ses félicitations " pour l'utile service "
(lu'il apporte à l'Eglise du Canada. C'est que le Canada Ecclésiafitiqiie est
vraiment le Livre d'Or du clergé canadien : ses renseignements si précis et si
nombreux sur la vie ecclésiastique et son mouvement annuel ; ses informations
de diverse nature sur tant de sujets intéressants ; ses éphémérides qui rap-
pellentjles événements les plus mémorables de notre histoire; ses vues et ses
vignettes si réussies, tout rend celte publication pratique et vivante. Depuis
1909 vient s'ajouter au texte un document d'un intérêt historique capital et
qui décuple la valeur de l'ouvrage : c'est la liste des Anciens Curés. Quel plus
beau tableau, en effet, que celui où figurent les prêtres qui ont été en charge
d-f nos missions et de nos cures, depuis le 1er Jésuite et le 1er Récollet venus
en Nouvelle-France se livrer au saint ministère, jusqu'aux derniers curés de
chacune de nos paroisses existantes? Ces petits chapitres ne sont-ils pas au-
tant de lettres de noblesse qui attestent la vivacité et l'efficacité de cet esprit
de foi que Champlain et Maisonneuve apportèrent jadis sur les rives du St-
I^aurent? Bref, le Canada Ecclésiastique est un glorieux monument, embelli
chaque année, qui affirme fièrement l'admiration des Canadiens pour le passé
de leur race, comme leur foi en son avenir, et il reste ce que nous avons de
plus noble dans nos archives nationales.
Leclaire • Alphonse K — Le Saint-Laurent historique, légendaire et topo-
grapliique, de :Montréal à Pictou et à Cliicoiitimi sur le Saguenay.
2e Kdit. eoiisidéral)leinent augmentée. Ouvrage illustré de 2éo
gravures, d'une carte du lleuve et d'une autre du golfe. O^ x IO14
p.. 304 pp., broché: $0.75 '. ..relié: $1.00
Lespérance (John). — Les Bastonnais. 1 vol. in-8, illustré. 9^4 x
6 V4, 272 pages $0 50
Le titre de cet ouvrage indique immédiatement qu'il s'agit d'un des événe-
ments les plus intéressants de notre histoire, l'invasion des Américains de
Montgomery et de Arnold, que le peuple avait appelés Bastonnais, par corrup-
tion de Boston, lieu de départ de l'armée envahissante. Le roman de M.
John lespérance. l'écrivain bien connu de la "Gazette", de Montréal, a été
prlmltivemont écrit en anglais, l'édition que met en vente la Librairie Beau-
chemin, Limitée, est une excellente traduction française agrémentée de nom-
bnus.-s Illustrations qui ajoutent encore au charme de la lecture. En dehors
des faits historiques, toutes les mœurs, les idées, la coutume, la psychologie
de cette époque curleu.se sont mises en relief d'une façon puissante. C'est
iep'.q.ie où I opinion canarli.nno n'e-t pas encore fixée et où notre peuple
cherche sa vole. La conquête vient de s'achever. L'état d'âme de la popula-
tion français., .-st particulièrement bien indiqué par des faits et des incidents
om r.L-rf-mcntent le récit. Aucun livre ne peut fournir sur cette époque une
■ n plus attrayante et plus indemne de préjugé national, politique ou
Li.sbois 'A. C. de). — Autour d'une Auberge. 5e mille. 1 vol. 5x7
p. 1^5 pp. (1000) ^ $0.25
Lorrain (Léon). - Fleurs poétiques, ISOO. 1 volume in-12, XII-182
P-'^^'-^ $0.50
.i^rTr'J!.?,"''' "r. '^^'\"'^" '»" enfourche Pégase et qui abandonne les Pan-
dort.>« pour rourtUer la muse. Ses poésies fraîches et sans prétention ont
^hr:7éK;a''^'"'™* ^* contiennes beaucoup de sentiment. L'impression "s
LIBRAIRIE BEAUCHEMIN Limitée, 79, rue St-Jacques, MontréaL
Marchand (F. G.)- — Mélanges poétiques et littéraires. 1 vol., 9V4
X 6'/4, 380 pages, orné de plusieurs gravures hors texte. .. $150
Ce volume se compose, pour la plus large part, de comédies où l'auteur
raille agréablement plusieurs petits travers des Canadiens, entre autres —
comme dans les " Faux Brillants " — celui qui les porte à se laisser prendre
au ramage du premier bel étranger venu. Toutes ces scènes de mœurs se dis-
tinguent par une facture irréprochable et par une sûreté de main qui ferait
honneur à plus d'un maître contemporain de la scène parisienne.
Marmette (Jos.). — François de Bienville. Scènes de la vie canadienne
au XVIIe siècle. Montréal, 1882. 1 vol. in-8 .. .... $0.50
M. Joseph Marmette porte, au Canada, le titre glorieux de Walter Scott
canadien ; personne mieux que lui n'a saisi l'art du grand romancier histori-
que d'Ecosse et n'a mieux adapté sa façon à l'histoire du Canada. Sur une
trame menue qui n'altère et n'entrave en rien la réalité historique, il a tracé
les grandes pages des annales grandioses de la colonie. Les romans qui ont
pour titre : " Le Chevalier de Mornac ". " François de Bienville ". " l'Inten-
dant Bigot " '■ La fiancée du rebelle ". sont une peinture exacte et charmante
à la fois, touchante et attrayante de hauts faits historiques. Ils se lisent avec
facilité et empoignent les cœurs français. Les peintures de mœurs y sont
d'une précision extrême, et c'est la meilleure leçon d'histoire du Canada sous
la domination française que l'on puisse trou*er et étudier. Joseph Marmette
a d'ailleurs puisé ses renseignements aux meilleures sources, car il a com-
pulsé, pour ses ouvrages, les archives du Canada et de Paris.
Massicotte (E. Z.). — Cent fleurs de mon herbier, études sur le monde
végétal, à la portée de tous, suivies d"un calendrier de la flore de la
province de Québec. Nombreuses illustrations. 1 volume de 220
pages. Format 6 X 9 pouces . . $0.75
M. Massicotte, dans cet ouvrage, nous permet de connaître les plantes de
son pays, et il les étudie non seulement en professionnel, mais surtout en ar-
tiste et en poète — -Charles ab der Halden, dans la Revue d'Europe.
" Cent fleurs de mon herbier " est un livre intéressant et utile pour les
professeurs et tous ceux qui s'occupent de la botanique. — - Camille, dans la
" Patrie ".
C'est un livre qui manquait dans nos bibliothèques.
Le " Passe-Temps ".
Cet ouvrage est instructif sans offrir la moindre aspérité ; les mots rébar-
batifs et de sens fermé en sont exclus ; c'est, à la fois, la genèse scientifique
et le roman romanesque des fleurs et des plantes.
Pierre Voyer, dans le " Samedi ".
Conteurs Canadiens-Français du XIXe Siècle, avec préface, no-
tices et vocabulaires ; portraits dessinés par Edmond J. Massicotte».
1 volume de 330 pages. Format 6x9 pouces $0.50
M. Massicotte a eu l'heureuse inspiration de publier avec une notice sur
chaque auteur, un choix de contes canadiens-français. — Bulletin du Parler
Français.
L'ouvrage est des plus captivants, et nous en conseillons fortement la lec-
ture. — Le " Rappel ".
Désormais le conte canadien, dans ce qu'il a de mieux, est .«auvé des eaux
en une corbeille attrayante agrémentée d'atours agréables et utiles. — Pierre
■Voyer, dans le " Samedi ".
Il se dégage de cet ouvrage un arôme du terroir qui fait bon au cœur
patriote, à l'âme enthousiaste de légendes vécues et de gloires ancest raies. — La
" Patrie ".
Massicotte (E. Z). — Histoire anecdotique des Athlètes Canadiens-
Français. 1 volume in-12 illustré, broché .. . ii.m
Monographies de plantes canadiennes, stiivies de '•(■ro(|uis rham-
pêtres " et d'un " ( alcndricr de la l-'Iore de la province de Québec".
1 beau volume in-8. avec nombreuses illustrations par E.-J. Massi-
cotte $0 50
Fragments de quelques appréciations adressées & I auteur «u parurs dan.«
les journaux de France ou du Canada : ,...,,. .„„ii„n» fr.n-
J'ai lu votre livre avec un très vif plaisir. II est écrit en e«<^*>'^"' ,'"J";
cals, d'abord — ce qui n'est pas peu dire — et quant a sa valeur sclentltlque.
LITTERATURE CANADIENNE
je m'en rapporte à l'esprit consciencieux dont vous avez toujours fait preuve
comme ouvrier de la plume. — LOUIS FRECHETTE.
....Il nous arrive d'outre-mer un petit volume élégamment relié, orné de
Jolis dessins à la plume, et qui abrite sous un titre d'allure très scientifique
des considérations plutôt littéraires sur les plantes du Canada. Mais en re-
vanche, il sera lu avec plaisir par ceux qui voudront voir comment à propos
do vraies fleurs de la création on peut réunir un bouquet do gracieuses fleurs
littéraires. — LE COSMOS, Paris.
Montpetit (A. N-). — Les poissons d'eau douce du Canada. 1 volume,
10 Vi X 7 pcs. XIV-552 pages, magnifiquement illustré .. $2.50
Si nos forêts sont renommées pour leur richesse en gibier, nos lacs et nos
rivières ne le sont pas moins pour leur richesse en poissons. Les clubs de
chasse et de pêche ne se comptent plus au Canada, et c'est de toutes les parties
du monde que nous arrivent les favoris de la fortune, passionnés de la chasse
et de la pêche. Et, après avoir lu le livre de M. Montpetit, l'on ne s'étonne
point de ce fait. Il nous révèle la richesse inépuisable des lacs et rivières du
Canada.
Moreau (Henri). — Sir Wilfrid Laurier, premier ministre du Canada,
sa carrière, son caractère, ses discours, etc. 1 volume, 8x5^;
300 pages Çy 7y
Dans cet excellent ouvrage, M. Henri Moreau retrace les luttes ardues que
Sir W. Laurier dut soutenir alors qu'il dirigeait l'opposition : l'œuvre colossale
qu 11 a accomplie depuis qu'il a su, grâce à son énergie à sa vaste intelligence
et à son admirable don de meneur d'hommes, parvenir à la plus haute position
à laquelle puisse aspirer un Canadien. Dégagés des passions des heures de
lutte, les grands événements auxquels il a été mêlé nous apparaissent sous un
jour nouveau, qui nous permet de mieux nous rendre compte du rôle qu'il a
joué, rôle toujours brillant et fructueux, d'après son biographe. Bref c'est un
livre que tout Canadien devrait posséder, à plus forte raison tous les Cana-
diens-Français, qui doivent être fiers d'un tel compatriote.
Nantel (l'abbé A.). — Les fleurs de la poésie canadienne, 3ème édi-
tion augmentée et précédée d'une préface. 1 volume, 251 pages.
9 X G pouces $0.50
Véritable anthologie de la poésie canadienne, les " Fleurs de la Poésie
Canadienne " réunissent, en un volume, plusieurs poètes qui nous sont
familiers tels que Crémazie, Alfred Garneau, dont les poésies viennent d'être
publiées ; MM. Léon-Pamphilo Lemay, Louis Fréchette, Adolphe Poisson,
Nérée Beauchemin et d'autres que nous connaissons peut-être un peu moins
mais qui mentent aussi notre attention : François-Xavier Garneau l'histo-
ril" ' .. Kvx^ ^'9,- Chauveau, Joseph Lenoir, J. C. Fiset, M. A. Basile Rou-
inier, labbé A. Gingras. Le choix dfs poésies a été judicieusement fait et
nous donne une idée exacte de la nature du talent poétique de chaque au-
teur. Tous ceux qui aiment notre littérature voudront avoir ce volume, où ils
pourront lire plusieurs de nos meilleurs poètes, dont il est parfois assez diffi-
cile de se procurer les œuvres. — CAM.
Nugent's Up-to-Date Dictionary, nouveau dictionnaire français-anglais
et anglais-français, rédigé d'après les meilleures autorités, et con-
tenant tous les mots en usage dans les deux langues. Nouvelle
édition re^^ie, corrigée et considérablement augmentée, avec la
prononciation figurée dans les deux langues, par Sylva Clapin. 1
Tolume de 1,200 pages, relié $0 75
f- 'îl'-tfonnalre se recommande surtout par la place qui a été faite aux
'^3 cest-a-dire aux mots et locutions en usage aux Etats-Unis et
t. de nouveaux vocables créés aux Etats-Unis, soit des mots an-
.:t. pris dans la république voisine, un sens différent de celui qui s'y
••n Antîleterre.
pl^s nideront à mieux faire saisir ici toute l'importance de
r,'.mDre de mots d'usage courant, dans notre monde poli-
■ -iivables dans les dictionnaires anglais, pour la bonne raison
. "m , •• "î'" »"if'"''^ains, et non anglais ; buncombe. carpet-
' *■• lOK-rolIing, muK-wump gerrymander, etc. 11 y a
liant ft des conditions climatériques particulières à
.:.ard. frost-smoke, cliver thaw, etc.
LIBRAIRIE BEAUCHEMIN Limitée, 79, nie St-Jacques, Montréal.
Proulx (l'abbé J.-B.). — L'Enfant Perdu et Retrouvé. In-12 de XIV.
194 pages (1892).. $0.25
Récit intéressant et véridique d'un petit Canadien, Pierre Cholet, enlevé par
des colporteurs, vendu à des matelots, emmené à Saint-Malo, naviguant 25
ans sur des navires français et finalement, désertant, traversant à pied le
Canada et retrouvant sa famille à Saint-Polycarpe, près de Montréal.
Provence (Rose de). — Cœur Magnanime ; suivi de: Une œuvre d'ar-
tiste, Ame de prêtre, L.i Rangoii et diverses pof'sies. 1 vol. 5 x 7%
pouces, 202 pages, orné d'un portrait $0.50
L'auteur n'est pas canadienne, mais le Canada est sa patrie d'adoption. Son
livre est bien nôtre: il est né sur les bords du Saint-Laurent et est d'inspira-
tion toute canadienne. L'héroïne et les héros si sympathiques de " Cœur Ma-
gnanime " ne sont pas tirés de quelque lointaine contrée, ni de quelque légende
du Moyen-Age. L'auteur n'a pas cru se tromper en choisissant ses types de
magnanimité parmi ses lectrices canadiennes, en faisant son admirable héroïne
une de leurs sœurs ; elle s'est rendu compte que le sang qui coule dans les
veines de notre race, est celui des enfants de cette vieille France auxquels les
actes d'héroïsme étaient devenus presque habituels sur les rives laurentiennes.
C'est par ce parfum de terroir que l'ouvrage est attachant.
Rinfret (Raoul). — Dictionnaire de nos fautes contre la Langue Fran-
çaise- Un volume gr. in-12 de 306 pages, compact, relié.. .$0.75
L'anglicisme, cette plaie honteuse de notre langue, y est attaqué sans
merci. Beaucoup de personnes parlent comme si elles pensaient en anglais
d'abord, et traduisent littéralement en français. S'il fallait citer tous les
anglicismes signalés dans le dictionnaire, il faudrait citer une bonne partie de
l'ouvrage.
Il n'y a pas une page où un homme de profession même ne trouve une ou
plusieurs fautes qu'il commet sans s'en douter.
Le " Dictionnaire de nos Fautes " résume tout ce qui a été écrit au Ca-
nada relativement à nos erreurs de langage, et donne en outre un grand nom-
bre de fautes recueillies par l'auteur.
Le " Dictionnaire de nos Fautes " contient environ cinq cents mots qui ne
sont pas français, et que l'on entend cependant tous les jours tels que :
pagée, quotation, érocher, éplan, civilien, darte, jaconet, malcommode, malen-
tendu, respir, ressayer, junior, tambourine, tapisseur, transquestion, cager,
catiner, donaison, exemplifler, s'inventlonner, partisanncrie, etc.
Royal (L'hon. Jos.). — Histoire du Canada, de 1840 a 1867. 1 vol. in-8,
relié. . . . .. $5.00
Il y a une douzaine d'années, feu l'honorable M. Royal terminait une impor-
tante étude sur cette période si intéressante de notre histoire, qui va de 1840 ft
1867. Entre ces deux années s'encadre l'établissement du régime constitu-
tionnel complet établi sur la responsabilité des ministres au peuple. Il m'a été
donné de lire le récit coloré que M. Royal a fait des péripéties qui constituent
la trame de l'histoire de cette période mouvementée ; la lutte engagée entre
La Fontaine et Baldwin d'une part, et lord Sydenham et Sir Charles Metcalfe
de l'autre ; le régime Draper-Viger, temps d'arrêt dans le mouvement progressif
vers notre émancipation complète ; le triomphe de nos deux grands hommes
d'Etat sous le régime de lord Elgin ; l'historique des mlnL-^tèrcs Hincks-Morm.
Taché-MacDonald, Brown-Dorion, Cartier-MacDonald, et enfin les causes qui
amenèrent la Confédération.
Il fut donné à M. Royal de connaître la plupart de.s hommes qui ont Joué
un rOle dans l'histoire qu'il raconte. Les Impressions personnelles qu'il a pu
recueillir des acteurs de notre grande scène donnent H son récit une val<ur r» u
ordinaire. A tous égards, l'ouvrage de l'homme remarquable. X \ ■'■>
titre, que fut M. Royal, a sa place dans toute bibliothônue canailifnn
A. D. DeCi;i-i ►•*
LlTTEKATUllE CAA'ADIENNE
Saint-Pierre (Arthur). — L'Avenir du Canada Français. 1 brochure 5 x
7 pouces, '20 pages $0. 15
Ce travail arrive à son heure, au moment où s'agite la question impérialiste
et ofl se pose le problème de notre autonomie. La thèse est fort bien conduite
par l'auteur, sans aucune forfaiture à la loyauté. S'appuyant sur les décla-
rations d'hommes d'Etat anglais remarquables, sur l'expérience acquise depuis
la Confédération et sur l'Histoire, M. St-Pierre démontre que la Province de
Québec et, avec elle, la race canadienne-française, pour garder sou caractère
ethnique, sa langue et sa foi, ne doit compter ni sur le maintien définitif de
l'Union où son influence sera bientôt neutralisée, ni sur l'annexion avec ses
conséquences plus désastreuses encore, mais sur une autonomie dont la Pro-
vidence saura bien, dans le temps, déterminer le caractère et les conditions.
Sauvalle (Marc). — Recueil de Discours préparés. 1 volume, 245 pages,
7 X 4 ^2 pouces . . . . $0 . 5U
Le talent d'improvisateur n'est pas donné à tous, non plus que la facilité
délDcution. Par suite de la liberté de parole absolue dont nous jouissons,
nous sommes ou pouvons être appelés à adresser la parole en public en de
nombreuses occasions. Afin de faciliter la tâche à ceux qui ont de la difficulté
à préparer un discours, M. Marc Sauvalle, qui, en cette matière, possède une
autorité indiscutable, a réuni dans un recueil tout un choix de discours se
rapportant à toutes les circonstances possibles de la vie publique ou privée.
Cet excellent travail se termine par un chapitre très bien fait sur la " Diction
et la Tenue."
Sauvalle (Madame Marc). — looo Questions d'Etiquette discutées,
résolues et classées. 1 vol., 365 pages, 7 Vi x 5 $0.50
" Mille questions d'étiquette ". Il était temps qu'une personne autorisée
entreprit la publication d'un manuel canadien du savoir-vivre, car sur bien
des points ce n'étaient ni les traités parus en France, ni les livres du même
genre publiés en Angleterre, qui pouvaient nous satisfaire. La forme " caté-
chistique " adoptée par l'auteur, Madame Sauvalle, donne beaucoup de clarté
à son œuvre. Ce livre, écrit avec tact, devrait se trouver sous la main de
quiconque veut être au courant des us et coutumes de la bonne société cana-
dienne.
Thomas (A.). — Gustave ou un héros canadien. 1 volume in-8, 376
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Albert ou l'orphelin catholique. 1 vol. in-12, 11-407 p. $0.50
Ces deux romans sont des œuvres de polémique religieuse, dissimulées ha-
bilement 81U8 le couvert d'une intrigue attrayante. L'auteur a eu pour objet
de prémunir la jeunesse catholique, surtout celle qui voyage, contre les séduc
lions et les sophismes des missionnaires et des propagateurs protestants. Ce
■ont des armes de discussion et de controverse qui ont été forgées à l'usage
ordinaire. En dehors de la haute valeur éducatiomiene et morale de ces
ouvrafçes. les descriptions de lieux et le récit des incidents ont une réelle va-
leur littéraire, géographique et anecdotique.
Tremblay (Jules.) — Des mots, des vers, poésies. 1 vol. 228 pages
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Mont, 8 cents.
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UN, il l'usage des •provinces ecclésias-
Ottawa, publié par l'ordre et avec
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4 -•